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Ma‘ăśēh ’Efōḏ

Profiat Duran

DomaineTraditions non-occidentales
SecteurGrammaires de l'hébreu [4208]
Auteur(s)

Profiat Duran

Datation: ca 1340/45 - ca 1414

Polémiste, philosophe, astronome et grammairien de l'hébreu. Fils de Duran Profiat, juif de Perpignan, son nom hébraïque est Yiṣḥaq ben Mōšeh haLewī, mais il signe ses livres et sa correspondance du surnom ’Efod (latin Efodi). Né à Perpignan ou dans sa région, il semble avoir étudié quelque temps en Allemagne et avoir été un proche du philosophe Ḥasday Crescas (1340-1410). Contraint au baptême en 1391, il prit le nom d'Honoratus de Bonafide, mais resta fidèle au judaïsme. Il est l'auteur de plusieurs écrits polémiques dirigés contre le christianisme, et d'une grammaire composée en 1403.

Titre de l'ouvrageMa‘ăśēh ’Efōḏ
Titre traduitL'œuvre de l'Efod
Titre courtMa‘ăśēh ’Efōḏ
Remarques sur le titreLe terme ma‘ăśēh est synonyme de pĕ‘ūlāh, "action", terme alors usité au sens de "grammaire". Quant à ’eFō3/4, qui désigne en hébreu biblique un vêtement du grand-prêtre associé à la divination, c'est aussi l'acrostiche de "’ănī [= "je suis"] profiat duran" (/p/ alterne avec /f/ lorsqu'il est placé après une voyelle). L'expression ma‘ăśēh ’efōḏ est une citation biblique (Exode 28, 15).
Période|15e s.|
Type de l'ouvrageGrammaire descriptive de l'hébreu biblique, située dans une perspective logique et philosophique.
Type indexéGrammaire descriptive | Grammaire philosophique
Édition originaleComposée en 1403. Première édition: Maase Efod, Einleitung in das Studium und Grammatik der hebräischen Sprache von Profiat Duran, 1865, Vienne, J. Friedländer et J. Kohn.
Édition utiliséeL'édition princeps.
VolumétrieIn-8°, VIII + 248 + VI + 50 pages Cette édition comprend une préface des éditeurs en hébreu, le Ma‘ăśēh ’Efōḏ, d'autres œuvres brèves de Profiat Duran (lettres, commentaires) et sa biographie en allemand. La grammaire proprement dite occupe 178 p, environ 3 000 signes par page.
Nombre de signes550000
Reproduction moderneUne reproduction de l'édition de 1865, datée de 5730 (= 1969-1970) par Hoṣa’aṯ Māqōr, Jérusalem.
DiffusionPlus de 14 manuscrits (Paris, Oxford, Hambourg, Jérusalem); il n'existe pas d'autre édition que celle de 1865.
Langues ciblesHébreu (biblique)
MétalangueHébreu (médiéval)
Langue des exemples
Sommaire de l'ouvragePréface (p. 1-26): la connaissance de l'hébreu est indispensable pour comprendre l'enseignement de Dieu (la tōrāh). Recommandations pédagogiques pour l'étude. Chapitres 1-4 (p. 27-33): généralités sur la nature et les causes du langage, sur la langue hébraïque (première langue de l'humanité), parties du discours. Chap. 5-6 (p. 33-39): les éléments du langage (voyelles, accentuation biblique, points d'articulation des consonnes). Chap. 7-8 (p. 39-44): histoire de la langue hébraïque; définition de la grammaire (diqdūq). Chap. 9-10 (p. 45-51): définition du nom et propriétés des catégories nominales (substantif, qualificatif, infinitif). Chap. 11-12 (p. 51-62): du verbe en général. Chap. 13-14 (p. 63-83): fonction des consonnes [de nombreux mots-outils et morphèmes grammaticaux sont composés d'une seule consonne], étude des changements consonantiques et vocaliques. Chap. 15-23 (p. 84-124): la notion de racine; les lettres faibles; les huit schèmes verbaux; les formes hybrides et les racines quadrilittères. Chap. 24 (p. 124-141): liste des schèmes nominaux. Chap. 25 (p. 141-145): méthode pour identifier les racines. Chap. 26 (p. 145-150): les affixes. Chap. 27-29 (p. 150-163): anomalies syntaxiques et stylistiques propres à la Bible. Chap. 30 (p. 163-170): des particules. Chap. 31-32 (p. 171-177): prononciation exacte du texte biblique. Chap. 33 (p. 177-178): l'hébreu, langue de la Sainteté.
Objectif de l'auteurIl inscrit la connaissance de la langue hébraïque dans une perspective religieuse: l'étude de la loi (tōrāh). Or, cette connaissance est de plus en plus négligée, et les ouvrages des grammairiens récents ne peuvent qu'embrouiller encore davantage les lecteurs. Le livre se veut une réfutation de leurs erreurs et "une clef pour ouvrir les portes fermées de la connaissance de l'hébreu et des livres saints".
Intérêt généralLe Ma‘ăśēh ’Efōḏ tente d'échapper au modèle qimḥien, qu'il critique, et adopte une perspective originale en se basant, d'une part, sur les ouvrages des fondateurs de la grammaire hébraïque (en particulier Ibn Ğanāḥ) et, de l'autre, sur les enseignements de la logique et de la philosophie aristotéliciennes, que l'auteur connaît par l'intermédiaire d'Averroès.
Parties du discoursTraitement traditionnel (nom, verbe, particule). Profiat Duran critique la théorie de D. Qimḥī sur les pronoms, qu'il faut considérer selon lui comme des noms et non comme des particules.
Innovations term.Assez peu nombreuses; la terminologie provient, dans l'ensemble, d'Avrāhām Ibn ‘Ezrā. Profiat Duran la corrige lorsqu'il la juge imprécise: ainsi, il préfère le terme "labiales" (’ōṯiyyōṯ haśśāfāh) à "bilabiales" (’ōṯiyyōṯ haśśĕfāṯayyīm, terme usuel), car la lèvre supérieure reste immobile. On trouve par ailleurs chez lui de nombreux mots empruntés au vocabulaire philosophique et appliqués à la grammaire.
Corpus illustratifBiblique.
Indications compl.Théorie du langage: l'auteur consacre un long développement à une définition philosophique du langage (lāšōn), considéré comme "l'ensemble de toutes les unités de sons humains, et exclusivement humains, qui dénotent, par une convention propre à chaque peuple, les choses existantes". Il retrouve ensuite la conception classique: Dieu est l'auteur (la cause) de la langue hébraïque, langue originelle de l'humanité; l'hébreu, révélé par Dieu à Adam, est le produit d'une convention divine; c'est une langue parfaite (bien que dégradée au cours de l'histoire) et conforme à la nature. De façon plus originale, Profiat Duran estime que l'absence de déclinaisons en hébreu prouve sa supériorité sur les langues classiques (latin et grec), puisque le nom exprime la substance, non variable. Arabe et araméen sont des formes corrompues de l'hébreu.
Traitement de la phonétique: inspirée des sources classiques, sa description phonétique procède aussi d'une observation personnelle. Il décrit les différentes prononciations en usage à son époque chez les juifs d'Espagne, de Provence, d'Allemagne. Par ailleurs, sa discussion sur les différents points d'articulation témoigne d'une réflexion originale sur la question. Il est l'un des rares auteurs à ne pas accepter la représentation que Yōsēf Qimḥī donne du système vocalique de Tibériade.
Classement des schèmes verbaux: critiquant l'ordre proposé par Dāwid Qimḥī, Profiat Duran propose un classement qui n'est pas sans ressemblance avec la vision moderne du système verbal en sémitique: qal et pi‘ēl (action "directe"), nif‘al et hiṯpa‘ēl (action réfléchie), hif‘īl et pō‘el / pōl‘el (action "indirecte" [causative]), pū‘al et h†f‘al (formes passives).
Influence subieParmi les textes de la tradition juive, le Sēfer Yĕṣīrāh est souvent cité. Les concepts et les termes de la philosophie médiévale nourrissent les références philosophiques, issues de la tradition aristotélicienne. Concernant les grammairiens de l'hébreu, Profiat Duran ne retient que trois noms: Ḥayyūğ, Ibn Ğanāḥ, en qui il voit les véritables fondateurs de la science grammaticale, et Avrāhām Ibn ‘Ezrā, "auteur d'ouvrages plaisants mais qui n'apportent pas grand-chose de neuf". Avec les Qimḥī, souvent désignés par l'appellation de "nouveaux grammairiens", le rapport est nettement polémique. Dāwid Qimḥī en particulier, qui n'est pas cité nommément dans le chapitre sur l'histoire de la grammaire hébraïque, est très souvent mentionné, mais presque toujours pour être réfuté. Parmi les auteurs récents, le seul qui trouve grâce aux yeux de Profiat Duran est un grammairien espagnol du 14e s., Samuel Benveniste; l'œuvre de ce dernier, qui critiqua Dāwid Qimḥī, n'est connue qu'à travers les citations du Ma‘ăśēh ’Efōḏ.
Influence exercéeBien qu'il ne soit guère parvenu à ébranler la forteresse de l'enseignement des Qimḥī, Profiat Duran a influencé quelques grammairiens juifs du 15e s., notamment Dāwid ben Šĕlōmōh Ibn Yaḥyā et Mōšeh ben Šem ṭōv ibn Ḥabīb, ainsi qu'Avrāhām de Balmes (début du 16e s.), qui le cite souvent. Les grammairiens chrétiens de l'hébreu, qui se fondent sur les travaux des Qimḥī revus par Elie Lévita, ont ignoré l'enseignement de Profiat Duran, à l'exception, notable, de Sanctes Pagninus (1470-1536). Dans sa traduction du Miḵlōl (1526), ce dernier insère plusieurs développements tirés du Ma‘ăśēh ’Efōḏ, dont, selon Robert Estienne, il avait traduit le début pour son usage personnel. Pagninus emprunte notamment à Profiat Duran l'idée que la langue hébraïque, parfaite à l'origine, a ensuite connu la décadence à cause des exils successifs.
Renvois bibliographiquesAslanoff C. 1996; Bacher W. 1892 {p. 217-224}; Hirschfeld H. 1926 {p. 95-96}; Roth C. & Wigoder G. (éd.) 1971 {vol 11, col. 323 et vol. 16, col. 1373-1374}; Valle Rodríguez C. del 1976 {p. 289-290}
Rédacteur

Kessler-Mesguich, Sophie

Création ou mise à jour2000