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Sēfer ha-Bāḥūr

Lévīṭa, Elie

DomaineTraditions non-occidentales
SecteurGrammaires de l'hébreu [4210]
Auteur(s)

Lévīṭa, Elie

Variantes: ’Eliyāhū ben ’Ašer haLewī ’Aškenāzī

Datation: 1469-1549

Grammairien et lexicographe de l'hébreu. Né à Neustadt (Allemagne), il passa la plus grande partie de sa vie en Italie, où il prit le surnom de Bāḥūr (qui signifie à la fois "jeune homme" et "choisi, distingué"). Il travailla comme correcteur chez l'imprimeur Bomberg de Venise et enseigna l'hébreu à de nombreux humanistes chrétiens, en particulier son mécène, le cardinal G. de Viterbe. Il laisse une œuvre littéraire (poèmes et romans en yiddish), grammaticale, lexicographique (dictionnaires de l'araméen du Targum et de l'hébreu rabbinique), et le premier travail scientifique sur l'œuvre des Massorètes; il a démontré le caractère tardif (post-talmudique) du système de vocalisation et d'accentuation bibliques. Certains de ses élèves (Paul Fagius, Sébastien Münster) ont publié des traductions latines de ses œuvres grammaticales, qui se situent dans la lignée des Qimḥī.

Titre de l'ouvrageSēfer ha-Bāḥūr, kōlēl bĕdiqdūq ’arbā'āh ma’ămārīm u-lĕḵŏl ’eḥāḏ šĕloš ‘eśrēh ‘iqārīm
Titre traduitLe livre choisi, grammaire contenant quatre discours divisés chacun en treize principes
Titre courtSēfer ha-Bāḥūr
Remarques sur le titreL'éd. de 1542 a pour titre Diqdūq ’Eliyāhū haLewī ha’aškenāzī ’ăšer šĕmō Sēfer Bāḥūr [Grammaire d'Eliyāhū haLewī l'Allemand, intitulée Sēfer Bāḥūr]. Le titre Sēfer Bāḥūr peut se comprendre de trois façons différentes: livre "choisi", livre "pour la jeunesse", et "livre de Bāḥūr" (surnom de Lévita dans les milieux juifs). Le nom de l'auteur, ’Eliyāhū, dont la valeur numérique est 52, est également évoqué par la structure de l'ouvrage en 4 discours de 13 principes.
Période|16e s.|
Type de l'ouvrageGrammaire didactique de l'hébreu biblique, centrée sur la morphologie nominale et verbale.
Type indexéGrammaire didactique | Traité de morphologie
Édition originaleComposée en 1517; première édition en 1518, Rome, par Lévita lui-même sur les presses de Giovanni Giacomo Fagiot, Piazza Montanara.
Édition utiliséeL'édition de 1542.
VolumétrieIn-4°, 102 + [1] pages, environ 1 000 signes par page.
Nombre de signes103000
Reproduction moderne
DiffusionTrois éditions en hébreu (Rome, 1518; Isny, 1542; Mantoue, 1556). Sébastien Münster en a publié une version bilingue, éditée en 1525 (Bâle, Froben) et quatre fois réimprimée (1532, 1537, 1543, 1552). Elle contient la traduction latine du Bāḥūr précédée d'une introduction de Münster à la lecture et à la prononciation de l'hébreu (institutio elementalis) et suivie d'une table de paradigmes.
Langues ciblesHébreu (biblique)
MétalangueHébreu (médiéval)
Langue des exemples
Sommaire de l'ouvrageAvant-propos de l'auteur et table des matières détaillée (p. 1-11). Premier discours: le verbe. Généralités, différences syntaxiques et sémantiques entre verbes transitifs et intransitifs (p. 11-15); trilittéralité des racines et consonnes faibles (p. 15-17); temps et modes en hébreu biblique, formes simples et formes converties, expression du présent, impératif et infinitif (p. 18-25); signification et usage des sept schèmes verbaux (binyānīm, p. 25-34). Second discours: caractéristiques morphologiques des sept schèmes verbaux pour le verbe entier, puis pour les racines comportant des consonnes faibles (p. 34-71). Troisième discours: le nom. Explication du terme traditionnel mišqāl (schème nominal); changements de voyelles entraînés par la variation morphologique, règle de dissimilation du šĕwā’ à l'initiale, flexion des noms avec affixes, formation des pluriels (p. 72-85), schèmes nominaux à préformantes et afformantes (p. 86-88). Quatrième discours: formations nominales à partir de racines comportant des consonnes faibles (p. 89-100), noms quadrilittères (p. 101-102).
Objectif de l'auteurElie Lévita veut, d'une part, rédiger un ouvrage bref mais de qualité, en énonçant avec concision les règles indispensables (seules les formations régulières sont abordées, les mots anormaux seront traités dans un second ouvrage); d'autre part, apporter des innovations sur certains points; enfin, rassembler et expliquer à l'usage de ses élèves les enseignements les plus importants dispersés dans les ouvrages des prédécesseurs. Par ailleurs, la lecture de sa grammaire montre qu'il l'envisage comme un outil pour l'exégèse (notamment en matière syntaxique), comme en témoignent les fréquentes références au commentaire de Rašī.
Intérêt généralC'est le premier des trois traités composés par Elie Lévita à l'usage de ses élèves chrétiens; ils ne comportent guère d'innovations, mais leur caractère accessible et la clarté de leur présentation en ont fait les instruments privilégiés de la diffusion des connaissances hébraïques dans les milieux humanistes.
Parties du discoursCe point n'est pas abordé, car la grammaire ne concerne que la morphologie nominale et verbale.
Innovations term.Il n'y en a pas dans cet ouvrage, qui reprend la terminologie des Qimḥī. Cependant, lorsqu'il veut expliciter les différents emplois de la forme qāṭal (accompli) en hébreu biblique, Lévita traduit en hébreu les notions allemandes de parfait (‘āvār nišlām, litt. "passé achevé"), prétérit (‘āvār bilti nišlām, "passé inachevé"), plus-que-parfait (‘āvār šekƒvar nišlam, litt. "passé déjà achevé").
Corpus illustratifBiblique. Lorsque Lévita cite un mot ou une forme verbale non attestés dans la Bible, il le justifie (I, 10) par le recours à l'analogie (dereµ hasbārāh), une notion qu'il emprunte à Ibn ‘Ezrā.
Indications compl.Intérêt pédagogique: c'est son intention didactique qui fait l'intérêt de l'ouvrage. Lévita veille à ce que le lecteur sache toujours où il en est: table des matières détaillée, nombreuses transitions d'un point à l'autre. Certaines règles sont formulées comme des réponses à des questions pratiques posées par les étudiants: par ex., "si tu te demandes comment distinguer entre le wāw conjonctif et le wāw conversif, sache…" (I, 4); voir aussi IV, 8, où Lévita explique de façon économique et originale les différences de formation d'état construit pour des substantifs apparemment identiques à l'état absolu. Pour faire comprendre sans ambiguité certaines nuances de la grammaire biblique, il recourt à des traductions allemandes (lƒš¢n ’aškenāz), par ex. lorsqu'il différencie les emplois nominaux et verbaux du participe présent. Lévita annonce un tableau de paradigmes, qui devait terminer la grammaire: s'il a été écrit, il a dû être publié séparément, car il ne figure dans aucune des éditions hébraïques. En revanche, il se trouve dans toutes les éditions bilingues de Münster, sous le nom de ce dernier.
L'ouvrage n'a aucune ambition théorique, mais il comporte quelques innovations significatives par rapport à celui de Dāwid Qimḥī. Lévita les distingue par la formule: "souviens-toi de cette règle, elle est très importante". Ex.: la dissimilation du šĕwā’ à l'initiale (III, 6), le dāgeš provenant d'une assimilation (I, 11), la discussion sur les formes pi‘ēl des verbes à seconde radicale wāw (II, 8).
Influence subieLévita est l'héritier des Massorètes, dont il a étudié à fond les enseignements et la terminologie. Il a édité les grammaires des deux Qimḥī (celle de Mošeh en 1508, celle de Dāwid 1545), accompagnées de ses propres commentaires. Dans le Bāḥūr, manuel à l'usage des débutants, il se réfère aux "grammairiens" sans autres précisions, et ne cite nommément que le commentateur Rašī. Dans ses autres œuvres, les noms les plus fréquemment cités sont ceux d'Avrāhām Ibn ‘Ezrā et de Dāwid Qimḥī. Les autres références (controverse Mĕnaḥem / Dūnaš, Ibn Ğanāḥ) sont toutes de seconde main.
Influence exercéeL'ouvrage a été écrit pour les hébraïsants chrétiens que Lévita avait pour disciples. Certains d'entre eux, comme S. Münster à Bâle, P. Fagius à Isny, J. Campensis à Louvain, ont publié des traductions latines du Bāḥūr et d'autres œuvres grammaticales. La grammaire de Clénard (1529) est également inspirée par son enseignement. La popularité des ouvrages de Lévita et, par l'intermédiaire des traductions et des adaptations rédigées dans le premier tiers du 16e s., leur large diffusion dans les milieux chrétiens, ont imposé pour longtemps l'œuvre des Qimḥī comme unique référence grammaticale, et contribué ainsi à faire disparaître d'autres travaux – ce que déplorent certains historiens de la langue hébraïque. Certaines règles formulées pour la première fois par Lévita figurent encore aujourd'hui dans les grammaires de l'hébreu biblique.
Renvois bibliographiquesBacher W. 1889; Burmeister K. H. 1963; Kukenheim L. 1951; Roth C. & Wigoder G. (éd.) 1971 {vol. 11, col. 132-135}; Van Bekkum W. J. 2009; Weil G. E. 1963
Rédacteur

Kessler-Mesguich, Sophie

Création ou mise à jour2000