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Kitāb al-Luma‘

Ibn Ğanāḥ, Abū-l-Walīd Marwān

DomaineTraditions non-occidentales
SecteurGrammaires de l'hébreu [4203]
Auteur(s)

Ibn Ğanāḥ, Abū-l-Walīd Marwān

Datation: ca 985/990 - ca 1050

Grammairien et lexicographe de l'hébreu. Parfois désigné par des noms hébraïsés: Rabbi Yonah (= Ğanāḥ), Rabbi Marinus (= Marwān). Né à Cordoue, il fit ses études à Lucena. Il s'essaya à la poésie puis s'orienta vers la philologie hébraïque, l'exégèse biblique, la langue et la littérature arabes. Il exerça la profession de médecin. En 1012, les invasions berbères le contraignirent à s'installer à Saragosse. Continuateur de Ḥayyūğ, mais critiquant certaines de ses lacunes, il fut violemment pris à partie par Šĕmu’el ha-Nāgid, ḥağīb (chambellan) du roi de Grenade, et répliqua dans des écrits polémiques. Il est l'auteur de sept ouvrages grammaticaux.

Titre de l'ouvrageKitāb al-Luma‘
Titre traduitLe livre des parterres fleuris
Titre courtKitāb al-Luma‘
Remarques sur le titreLe titre de l'ouvrage ne figure pas sur la page de garde. Il apparaît à la fin de l'introduction.
Période|11e s.|
Type de l'ouvrageGrammaire descriptive de l'hébreu.
Type indexéGrammaire descriptive
Édition originaleComposée vers 1040. 1re édition: Joseph Derenbourg, 1886, Paris, F. Vieweg.
Édition utiliséeLa 1re édition: Joseph Derenbourg, 1886, Paris, F. Vieweg.
VolumétrieIn-8°, LXIV pages (avant-propos de l'éditeur + index des références bibliques) + 388 p. (texte arabe, paginé de droite à gauche), 1 400 signes par page.
Nombre de signes540500
Reproduction moderne
DiffusionCinq manuscrits du texte arabe (aucun n'est intégral, mais ils se complètent les uns les autres) + fragments. Éd. en 1886 (J. Derenbourg, Le livre des parterres fleuris, Paris). Traduction en hébreu: Sēfer hā-Riqmā (1171, Lunel, Yĕhuda ibn Tibbōn). Cette traduction est "un véritable calque, dont une foule d'expressions deviennent absolument incompréhensibles sans le secours de l'arabe" (M. Metzger). Première éd. (médiocre) du Sēfer hā-Riqmā, 1856, B. Goldberg, Frankfort sur le Main; éd. critique (très abondantes notes en hébreu), 1929-1931, M. Wilensky, Berlin, revue et corr. en 1964 par D. Téné (Jérusalem). Traduction en français: Paris, 1889, M. Metzger (Bibliothèque de l'Ecole des Hautes Etudes, fasc. 81).
Langues ciblesHébreu (biblique)
MétalangueArabe
Langue des exemples
Sommaire de l'ouvrageIntroduction (p. 1-18). Les parties du discours; définition du nom et du verbe; fonction de la particule; différents types de propositions (1 chapitre, p. 19-25). Les lettres: points d'articulation, prononciation, liste des consonnes radicales et serviles, fonctions des lettres serviles [= consonnes pouvant fonctionner comme constituants morphologiques divers: marques de schèmes, suffixes personnels, prépositions], permutation des consonnes, permutation des voyelles, apposition (7 chap., p. 26-100). Le nom et le verbe: liste des schèmes nominaux, principales règles concernant la morphologie verbale, irrégularités liées à la présence de gutturales, verbes transitifs et intransitifs, pronoms, wāw conjonctif et conversif, état construit, assimilation de consonnes, pluriel et duel (15 chap., p. 100-249). Anomalies syntaxiques et stylistiques: ellipses, pléonasmes, métaphores, emplois impropres, substitutions, irrégularités morphologiques, changements de l'ordre des mots (10 chap., p. 249-353). Chapitres complémentaires: modalités de l'interrogation, formes et emploi du masculin et du féminin, noms de nombre (12 chap., p. 353-386). En tout, 45 ou 46 chap. selon les éd.
Objectif de l'auteurContrairement à l'opinion de certains contemporains, la science grammaticale est absolument nécessaire à une interprétation correcte des textes révélés et de la loi juive: elle est à la base de la religion. Or, cette science est négligée, et certains font comme si la langue hébraïque n'avait aucune règle. Ibn Ğanāḥ se propose de reprendre les travaux de Ḥayyūğ, qui sont de grande valeur mais incomplets, et de les étendre à la totalité des phénomènes grammaticaux.
Intérêt généralAvec le dictionnaire Kitāb al-Uṣūl [Livre des racines, en hébr. Sēfer haššorašīm] du même auteur, cette grammaire d'une grande valeur scientifique constitue la première description complète de l'hébreu, intitulée Kitāb at-Tanqīḥ [Livre de la recherche minutieuse, en hébr. Sēfer haddiqdūq].
Parties du discoursL'hébreu, l'arabe, et toutes les autres langues comportent trois parties du discours: les noms, les verbes, les particules. Cette conception d'Ibn Ğanāḥ est conforme à la doctrine classique des grammairiens arabes. Par ailleurs, il divise le nom en "substantif" (noms primitifs, réalités concrètes), "accidentel" (noms dérivés, abstraits), et "qualificatif" (adjectifs).
Innovations term.La terminologie est celle des grammairiens arabes. Pour certaines notions propres à l'hébreu (nom des voyelles, etc.), elle provient de la tradition antérieure à ḤayyūÝ: les Massorètes, Sĕ‘adyāh Gā’ōn.
Corpus illustratifBiblique, avec quelques exemples talmudiques pour appuyer occasionnellement une démonstration.
Indications compl.Traitement de la morphologie: se proposant de classer les noms d'après leur schème, Ibn Ğanāḥ rattache à une forme unique des schèmes allomorphes, ce qui lui permet de traiter une grande quantité d'exemples d'une façon simple et rationnelle. Les mêmes caractéristiques (concision et complétude) se retrouvent dans le chapitre sur la morphologie verbale.
Traitement de la syntaxe: Ibn Ğanāḥ est le premier – et quasiment le seul – grammairien juif médiéval à étudier des phénomènes syntaxiques: modalités de l'interrogation, types d'apposition (ar. badal), construction des verbes transitifs et intransitifs, syntaxe des noms de nombre. Les outils de cette analyse lui sont fournis par les grammairiens arabes. Les chapitres qu'il consacre aux figures de rhétorique (ellipse, pléonasme, métonymie) lui permettent d'articuler à son analyse syntaxique une exégèse souvent originale.
Influence subieIbn Ğanāḥ mentionne Sĕ‘adyāh Gā’ōn, Yĕhūḏā ben Qūrayš, Mĕnaḥem ben Sarūq (pour sa liste mnémonique des radicales et serviles), Dūnaš ben Labrāṭ, mais ces quelques références ne comptent guère face aux nombreuses citations de Ḥayyūğ (plus de cent). A ce dernier, qu'il traite avec un grand respect, Ibn Ğanāḥ rend hommage pour sa théorie de la racine, tout en n'hésitant pas à le critiquer. Disciple des grammairiens arabes, il ne suit pas l'organisation générale de leurs traités, mais leur emprunte de nombreux outils d'analyse et les cite souvent. Ces passages sont parfois supprimés ou abrégés dans la traduction hébraïque. C'est ainsi que la seule référence explicite à Sibawayhi (à propos des lettres radicales omises, p. 261) est absente du Sēfer hā-Riqmā.
Influence exercéeMajeure. "Il y a peu de questions relatives à la grammaire hébraïque qui n'aient pas été abordées et approfondies par Ibn Ğanāḥ. Certains sujets ont été traités dans le Kitāb al-Luma‘ d'une manière plus complète que dans les meilleurs ouvrages modernes." Ce jugement autorisé (S. Munk 1851) exprime bien la révolution opérée par Ibn Ğanāḥ. Ses écrits se répandirent rapidement en Espagne: on ne cessait de lui en demander de nouvelles copies. Dès le 11e s., il est cité par de nombreux grammairiens, y compris qaraïtes. Il est encore très abondamment utilisé dans les siècles suivants, non seulement par les grammairiens mais aussi par les exégètes, à l'exception notable de Rašī, qui n'eut pas accès à son œuvre. Avec lui s'achève la période créative de la grammaire hébraïque: la tradition grammaticale des 12e et 13e s. (notamment Dāwid Qimḥī) peut être considérée comme une vulgarisation des travaux d'Ibn Ğanāḥ.
Renvois bibliographiquesBacher W. 1885; Bacher W. 1892 {p. 170-180}; Derenbourg J. & Derenbourg H. 1880; Kouloughli D. E. 1989; Munk S. 1851; Roth C. & Wigoder G. (éd.) 1971 {vol. 8, col. 1181-1186, et vol. 16, col. 1370-1371, 1381-1382}; Valle Rodríguez C. del 1976 {p. 260-264}; Van Bekkum W. J. 2009; Wilensky M. & Téné D. (éd.) 1964
Rédacteur

Kessler-Mesguich, Sophie

Création ou mise à jour2000