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Structure immanente de la langue française

Togeby, Knud

DomaineGrammaires françaises, remarques et traités sur la langue française
SecteurGrammaires françaises du 20e s. [2628]
Auteur(s)

Togeby, Knud

Datation: 1918-1974

Romaniste danois, né à Hasle, au Danemark, mort près de Copenhague. Togeby a été professeur de langues romanes à l'Université de Copenhague de 1955 jusqu'à sa mort. Il avait une forte personnalité et était un professeur très admiré. Sa constitution robuste et sportive, la rapidité de son esprit et son goût des décisions tranchées étaient à la base de sa capacité de travail légendaire. Dans son pays natal, il prenait une part active à la vie intellectuelle, luttant notamment pour l'introduction des méthodes structuralistes dans la critique littéraire. Parmi ses études littéraires, on se souviendra surtout de son beau livre Ogier le Danois dans les littératures européennes (1969).

Titre de l'ouvrageStructure immanente de la langue française
Titre traduit
Titre courtStructure immanente de la langue française
Remarques sur le titre
Période|20e s.|
Type de l'ouvrageThèse de théorie grammaticale. Togeby y prétend pouvoir dégager la structure immanente de la langue française.
Type indexéGrammaire théorique
Édition originale1951, Copenhague, chez Nordisk Sprog- og Kulturforlag. Volume VI des Travaux du Cercle Linguistique de Copenhague. 282 pages.
Édition utiliséeDeuxième édition en 1965, Paris, chez Larousse. Le texte de l'édition originale y a été remanié seulement sur des points mineurs.
Volumétrie208 pages, 3500 caractères par page.
Nombre de signes728000
Reproduction moderne
DiffusionSeulement deux éditions connues (1951, 1965).
Langues ciblesFrançais
MétalangueFrançais
Langue des exemples
Sommaire de l'ouvrageTogeby conçoit la structure immanente de la langue française comme l'ensemble des relations de dépendance qu'on peut établir entre ses éléments. Il divise le texte infini de la langue française en unités de plus en plus petites, en prenant soin, à chaque division, de définir les relations de dépendance qui existent entre les parties obtenues par la division. Tout d'abord, il décompose la langue en deux plans, celui de l'expression et celui du contenu, et il examine le rapport de dépendance mutuelle qui relie les deux plans. Il décompose ensuite, à tour de rôle, le plan de l'expression et celui du contenu. A titre d'exemple, au niveau du contenu, la proposition principale est analysée en conjonction de coordination + proposition, la proposition, à son tour, est divisée en complément circonstanciel + noyau de la proposition, ensuite celui-ci est divisé en sujet + prédicat. L'analyse procède de la sorte jusqu'aux unités les plus petites, les morphèmes. Après la décomposition syntagmatique Togeby fait, sur chacun des plans, une classification systématique des éléments trouvés au cours de l'analyse. Aux yeux de Togeby, l'analyse syntagmatique constitue la syntaxe de la langue, alors que la classification systématique en est la morphologie.
Objectif de l'auteurLa création d'une linguistique vraiment scientifique. Le but de la thèse de Togeby est de pousser la description structuraliste, d'inspiration saussurienne, à son terme logique: une description totalement délivrée de la substance, ne reposant que sur les différences. Togeby s'appuie notamment sur la glossématique de Louis Hjelmslev, qui est une version radicale de la linguistique structuraliste. L'épreuve de commutation, qui est un test de substitution, y sert à identifier et à différencier les éléments linguistiques, sans qu'on ait besoin de dire en quoi consistent ces éléments. Ceux-ci ne doivent plus se définir par leur substance ou par leurs qualités intrinsèques, mais uniquement par leurs relations avec d'autres éléments. Ainsi se dégage la structure immanente d'une langue, sans considération de sa matière phonique ou sémantique. Les relations en question sont des rapports de présupposition entre deux éléments pris à la fois: si, dans une paire d'éléments, l'un présuppose l'autre, on a une subordination; si aucun des deux ne présuppose l'autre, il s'agit d'une coordination, et si, enfin, les deux se présupposent mutuellement, on a affaire à une relation de solidarité (une construction exocentrique).
Intérêt généralLa thèse de Togeby a contribué à ouvrir la linguistique française aux tendances nouvelles de la linguistique internationale. Portant sur des questions de méthode, son étude est richement documentée, notamment sur la linguistique américaine des années trente et quarante. Elle a permis, en outre, aux linguistes français d'évaluer la théorie glossématique de Hjelmslev, dont elle est essentiellement une application. Cependant, en poussant la théorie structuraliste jusqu'à ses extrêmes limites, la thèse de Togeby est aussi une illustration de ses faiblesses. Quand le lecteur a fait l'effort nécessaire pour comprendre l'étrange édifice théorique de l'ouvrage, il en garde normalement un sentiment de vide: il a assisté à un travail de classement très compliqué qui ne lui permet pourtant aucunement de prévoir quelles sont les suites de mots qui peuvent apparaître en français. La raison fondamentale en est, probablement, que la structure mise à jour est une structure absolument statique, sans mécanismes de production. De plus, la théorie hjelmslevienne des trois types de relations est trop faible pour permettre à elle seule une description efficace de la grande combinatoire morphosyntaxique. Quand paraît, en 1965, l'édition parisienne de La structure immanente de la langue française, Chomsky aura, il y a déjà longtemps, proposé une notation intéressante, quoique contestée, pour la description des combinaisons syntaxiques, et il aura livré sa critique percutante de l'idée d'une procédure de découverte ("a discovery procedure"), qui est l'idée à la base de la thèse de Togeby.
Parties du discoursDans la deuxième partie de sa thèse, Togeby a essayé de montrer qu'il est possible de définir les parties du discours par les relations de dépendance existant entre les différentes catégories de flexifs et entre celles-ci et les particules. Il établit, par exemple, une distinction entre particules régissant uniquement des flexifs verbaux (conjonctions de subordination), particules régissant flexifs verbaux et nominaux (prépositions) et particules non régissantes (conjonctions de coordination).
Innovations term.Togeby emploie partout le terme flexif au lieu de désinence ou terminaison. Il a utilisé la terminologie hjelmslevienne pour désigner les relations de présupposition, en particulier les mots solidarité ou nexie pour désigner la présupposition mutuelle – d'où aussi les adjectifs nexuel, homonexe et hétéronexe et sélection pour la relation de présupposition unilatérale. Il semble que ces mots aient été évincés par les termes de la linguistique américaine, respectivement construction exocentrique et construction endocentrique.
Corpus illustratifLe caractère éminemment abstrait de la description est souligné par 1'absence presque totale d'exemples et par l'abondance des schémas et des tableaux.
Indications compl.
Influence subieL'ouvrage se situe nettement dans la lignée de Ferdinand de Saussure. Il y a de nombreuses références à tous les grands linguistes structuralistes (Jakobson, Troubetzkoy, Harris), mais avant tout à Hjelmslev.
Influence exercéePeu de linguistes ont directement imité les procédures de Togeby, mais sa thèse a probablement été une composante importante dans la grande cure d'amaigrissement par laquelle la linguistique a essayé de se délivrer de toutes sortes de considérations philosophiques, logiques, idéologiques, sociologiques, psychologiques et autres pour constituer une discipline spécifique, s'occupant uniquement de l'analyse combinatoire des signes linguistiques. Togeby lui-même a assoupli sa théorie en rédigeant sa grande Grammaire française en cinq volumes, que ses collaborateurs (Magnus Berg, Ghani Merad et Ebbe Spang-Hanssen) ont éditée en la complétant (1982-1985), après la mort subite de l'auteur. Togeby y a, dans la pratique, plus ou moins abandonné la théorie hjemslevienne des relations de présupposition, en la remplaçant par la notion plus générale de distribution. Il a lui-même reconnu que, dans ce travail, il s'inspirait surtout de l'empirisme de son ancien maître Kristian Sandfeld (Syntaxe du français contemporain, 3 vol., 1928-1943). Comme traces des thèses hardies de la Structure immanente, on retrouve pourtant, dans la Grammaire française de Togeby, la volonté d'éviter la sémantique autant que possible et le goût des définitions purement distributionnelles.
Renvois bibliographiquesArrivé M. 1967; Herslund M. 2009; Worthington M. G. 1971
Rédacteur

Spang-Hanssen, Ebbe

Création ou mise à jour1998