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Prātiśākhya

Anonymes

DomaineTraditions non-occidentales
SecteurSanskrit: travaux pré-paninéens, école paninéenne [4302]
Auteur(s)

Anonymes [1]

[1] Les noms traditionnels figurant dans le titre des ouvrages renvoient parfois à une "école" du Veda, nommée d'après son ancêtre, dans d'autres cas au nom d'un érudit du lointain passé. Le nom le mieux accrédité est Śaunaka (de l'école Śākala), qui passe pour l'auteur du Ṛgveda-Prātiśākhya et des deux Prātiśākhya connus de l'Atharvaveda. La datation absolue de ces textes est impossible, et leur chronologie relative reste encore discutée. On peut simplement dire que les termes extrêmes sont la période de fixation des anciens recueils de textes védiques (vers 800-600 a.C.), d'une part, et la période de Patañjali (milieu du 2e s. a.C.), d'autre part. Le point difficile est la relation de ces textes avec la grammaire de Pāṇini (5e ou 4e s. a.C.). Il est certain que plusieurs, sinon tous, attestent l'influence de la technique pāṇinéenne, et des doctrines de la grammaire (vyākaraṇa), ou du moins d'une forme quelque peu antérieure de la grammaire de Pāṇini telle que nous l'appréhendons, mais qui était du même type. Néanmoins, par leur objectif et par leur forme intrinsèque, ils représentent une phase "primitive" de la réflexion grammaticale dans le monde indien, et surtout leur centre d'intérêt est la phonétique (śikṣā, littéralement "instruction"), qui était à l'époque védique une science distincte de la grammaire, et probablement celle qui avait connu le plus tôt un grand développement, en raison de la nécessité rituelle de préserver dans leur intégrité vocale les textes sacrés. La constitution du corpus des textes védiques s'est accompagnée de l'élaboration de techniques ancillaires, dont plusieurs concernent la langue: phonétique (śikṣā), métrique (chandas), étymologie (nirukta) et grammaire (vyākaraṇa). Elles faisaient l'objet d'ouvrages composés de règles enchaînées de façon systématique, ou "aphorismes" (sūtra), sur le modèle des traités plus spécifiquement rituels. Mais nous ne connaissons aucun de ces textes sous sa forme proprement védique.

Titre de l'ouvragePrātiśākhya
Titre traduitManuel d'école
Titre courtPrātiśākhya
Remarques sur le titreLe titre générique de ces ouvrages techniques est Prātiśākhya [Manuel d'école], substantivation d'un adjectif signifiant "selon [prati] la branche [śākhā] (du Veda)"; il s'agit donc de traités composés "pour chaque branche = école", de manuels de référence dans une tradition donnée. Une "école" védique se définit par la conservation d'un texte autoritatif du Veda, constitué de prières et/ou de formules sacrificielles, appelé saṃhitā. Ce mot désigne d'abord la récitation phoniquement "continue" du texte sacré, puis ce texte même sous son aspect définitif, confié à la mémoire de générations successives de brâhmanes. Il se trouve que des manuels sont connus pour des saṃhitā des quatre Veda, dont les trois premiers sont nommés d'après le type de "texte" qui constitue leur unité de base: ṛc "strophe" pour la Ṛgvedasaṃhitā, ou Ṛgveda, yajuṣ "formule sacrificielle" (en vers ou en prose) pour le Yajurveda (lui-même divisé en "Noir" et "Blanc", selon que les formules sont associées ou non à l'explication de leur emploi dans le rite), sāman "mélodie" pour le Sāmaveda (collection des divers airs sur lesquels on peut chanter les strophes); à quoi s'ajoute le quatrième Veda, celui des "sorciers" (atharvan), Atharvaveda, dont la saṃhitā comporte des hymnes en vers, comme le Ṛgveda, mais dans une langue moins châtiée et formalisée. Les titres transmis pour plusieurs manuels affirment la prétention à devenir la référence pour un des quatre Veda, mais d'autres conservent le souvenir du rattachement à une école précise: le Ṛgveda-Prātiśākhya (abrégé ci-après en RV.Pr.) pour la saṃhitā du Ṛgveda, de l'école Śaiśirīya, sous-branche des Śākala; le Taittirīya-Prātiśākhya (T.Pr.) pour la saṃhitā de l'école Taittirīya (patronymique du fondateur: Tittiri) du Yajurveda Noir; le Vājasaneyi-Prātiśākhya (V.Pr.) pour la Vājasaneyi-saṃhitā (de Vājasaneya, patronymique de Vājasani, le fondateur) du Yajurveda Blanc (voir la notice à part); le Ṛkantra-vyākaraṇa [Explication du texte (chanté) des strophes] ou Ṛkantra (R.T.) pour la saṃhitā du Sāmaveda, de l'école Kauthuma; enfin, deux manuels correspondent, de manière inégale, à la recension Śaunaka de la saṃhitā de l'Atharvaveda: la Śaunakīyā Caturādhyāyikā [(Traité) de Śaunaka en quatre chapitres] (abrégé ci-après en C.A.) et l'Atharva-Prātiśākhya (AV. Pr.). Le texte de cette recension est la vulgate, et l'on ne connaît pas de Prātiśākhya correspondant à l'autre recension de l'AV (Paippalāda).
Période|-8e s.|-7e s.|-6e s.|-5e s.|-4e s.|-2e s.|
Type de l'ouvrageManuels d'euphonie et d'orthoépie des textes sacrés, avec des digressions sur des faits plus généraux de la langue védique. Les règles sont rédigées sous formes d'aphorismes (sūtra), qui s'enchaînent avec des reconductions de rubriques, des abréviations, etc.; elles sont énoncées normalement en prose. Seul le RV.Pr. est versifié, mais il se laisse diviser en propositions équivalant à des sūtra prosaïques, et l'on peut supposer que le texte originel était en prose. L'AV.Pr. présente un mélange d'aphorismes en prose et de versets utilisés comme résumés (kārikā). Afin de faciliter la mémorisation, la matière est concentrée dans un minimum de mots pour chaque règle, mais sans rechercher systématiquement la brièveté: les énoncés en style "algébrique" trahissent l'influence de la grammaire de Pāṇini. Le texte le plus condensé est le R.T., qui tend vers le sūtra monosyllabique. En fait, dans tous les Prātiśākhya, une partie seulement des sūtra consistent en "règles" proprement dites, qui décrivent nettement un fait de phonétique; ces règles sont toujours illustrées par des exemples du texte de référence, et ces citations sont situées et complétées par le commentaire. Mais de nombreux sūtra consistent seulement en listes d'exemples, dépourvues d'indications normatives. C'est un reflet du fonds le plus ancien de ces textes, qui reposaient certainement sur des listes classées, des répertoires de mots tirés des corpus d'hymnes et de prières.
Type indexéEuphonie | Orthoépie
Édition originaleAucune date précise ne peut être attribuée à aucun de ces textes, hormis le V.Pr. de Kātyāyana (3e s. a.C., voir notice 4310). La composition de ces manuels s'est faite en plusieurs étapes, et ils ont subi de nombreuses additions, corrections et remaniements, notamment sous l'influence de la grammaire de Pāṇini. Sous la forme où nous les connaissons, tous les Prātiśākhya sont postérieurs à Pāṇini, ou à l'un de ses modèles immédiats. Néanmoins, on peut distinguer entre les Prātiśākhya selon le degré d'imprégnation par la tradition pāṇinéenne, lisible dans la terminologie et dans l'arrangement des règles: elle est la moins marquée dans le RV. Pr. et le T.Pr., qui sont les plus fidèles à l'objet propre d'un Prātiśākhya "ancien"; elle est plus visible dans le C.A., l'AV.Pr. et finalement le R.T., qui est sans nul doute le plus récent de tous ces traités. Premières éditions imprimées: – pour le RV.Pr., Rig-Veda-Prâtiśâkhya. Das älteste Lehrbuch der vedischen Phonetik. Sanskrittext mit Übersetzung und Anmerkungen, herausgegeben von Max Müller, Leipzig, F.A. Brockhaus, 1869, 32 + CCCXCV p. (reprise du texte paru dans le premier volume de son édition du Ṛgveda, Leipzig, F.A. Brockhaus, 1856); – pour le T.Pr., The Tâittirîya-Prâtiçâkhya, with its commentary, the Tribhâshyaratna. Text, translation and notes, by William D. Whitney, Journal of the American Oriental Society, Vol. IX, 1868 [1871], 469 p. (réimpr. Delhi, Motilal Banarsidass, 1973); – pour le R.T., Ṛktantravyākaraṇa. A Prātiśākhya of the Sāmaveda, edited with an introduction, translation of the Sūtras, and indexes, by A. C. Burnell, Mangalore, Basel Mission Press, 1879, LVIII + 84 p.; – pour la C.A., The Atharva-Veda Prâtiçâkhya or Çâunakîya Caturâdhyâyikâ. Text, translation and notes, by William D. Whitney, New Haven (Conn.), American Oriental Society, 1862 [reprinted from the Journal of the American Oriental Society, Vol. VII], VIII + 285 p.; – pour l'AV.Pr., Atharvaprātiśākhya. Edited for the first time together with an introduction, English translation, notes and indices, by Sūrya Kānta, Lahore, Mehar Chand Lachhman Das (Sanskrit and Prakrit Series, Vol. VI), 1939 (réimpr. Delhi, Mehar Chand Lachhman Das, 1968), VIII + 365 p. (en pagination non continue).
Édition utiliséePour le RV.Pr., et Mangal Deva Shastri, Ṛgveda-Prātiśākhya with the commentary of Uvaṭa. Vol. I: Introduction and Text in the form of stanzas, Banaras, Vaidida Svadhyaya Mandira, 1959. Vol. II: Text in the sūtra form and Commentary with Critical Apparatus, Allahabad, Indian Press, 1931. Vol. III: English translation of the text, additional notes, several appendices and indices, Lahore, Punjab Oriental Series (n° 24), 1937, X + 431 p.; l'édition procurée par Adolphe Régnier (1856-1858) présente encore un intérêt historique, avec un commentaire intéressant. Pour le T.Pr., idem, ainsi que Taittirīya-Prātiśākhya, with the commentaries Tribhāṣyaratna of Somayārya and Vaidikābharaṇa of Gārgya Gopālayajvan. Edited by K. Rangacharya and R. Shama Sastri, Mysore, Government Oriental Series (Bibliotheca Sanskritika, n° 33), 1930 (réimpr. Delhi, Motilal Banarsidass, 1985), et Taittirīya-Prātiśākhya, with the commentary Padakramasadana by Māhiṣeya. Edited by V. Venkatarama Sharma, Madras, University of Madras (Sanskrit Series, n°1), 1930 (réimpr. Delhi, Meharchand Lachhmandas, 1982). Pour le R.T., Ṛktantram. A Prātiśākhya of the Sāmaveda, critically edited with an introduction, appendices, exhaustive notes, a commentary called Ṛktantravivṛti and Sāmavedasarvānukramaṇī, by Sūrya Kānta Shastri, Lahore, Mehar Chand Lachhman Das (Sanskrit and Prakrit Series, Vol. III, 1933 [réimpr. Delhi, Mehar Chand Lachhman Das, 1971]. Pour la C.A., en plus de l'édition de Whitney, préparée à partir d'un seul manuscrit, l'édition critique procurée sur la base d'un grand nombre de manuscrits par Madhav M. Deshpande, Śaunakīyā Caturādhyāyikā. A Prātiśākhya of the Śaunakīya Atharvaveda, with the commentaries Caturādhyāyībhāṣya Bhārgava-Bhāskara-Vṛtti and Pañcasandhi, critically edited, translated and annotated, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1997 (Harvard Oriental Series, Vol. 52). Pour l'AV.Pr., idem.
VolumétriePour le RV.Pr, et Mangal Deva Shastri: vol. I, 201 pages.; vol. II, IV + 525 p.; vol. III, X + 431 p.
Pour le T.Pr.: VIII + 624 p. et XII + 227 p.
Pour le R.T.: XVIII + 270 p.
Pour la C.A.: VI + 815 p.
Nombre de signes
Reproduction moderneVoir édition utilisée.
DiffusionLes manuscrits sont nombreux, mais de date relativement récente. Ces ouvrages étaient destinés à être appris par cœur, et sont restés longtemps confiés à la mémoire. Un exemple caractéristique est fourni par la C.A., dont la tradition est bien documentée: 16 manuscrits, dont le plus ancien est du début du 17e s. p.C., et qui proviennent tous des régions occidentales, depuis le Rajasthan jusqu'au Maharashtra; ils se laissent grouper en deux branches différentes. Tous ces textes ont été pourvus de commentaires, reproduits ou utilisés dans les éditions, et qui servent principalement à préciser les références aux exemples. L'ancienneté des commentaires pallie parfois le caractère récent de la tradition textuelle. Dans la cas de la C.A., on dispose de trois commentaires: le Caturādhyāyībhāṣya, sans nom d'auteur, proche de la période de la Kāśikā-Vṛtti (glose de Pāṇini, 7e s.), et deux autres qui suivent de près la Siddhāntakaumudī de Bhaṭṭojī Dīkṣita (fin 16e s.). Le premier de ces commentaires se rattache plutôt à la tradition de l'AV.Pr. et cite une ancienne Śikṣā, un traité de phonétique des Atharvan. Il est notable que les interprètes plus récents s'intéressent moins à la tradition atharvanique proprement dite. Tous les Prātiśākhya ont subi des interprétations successives par des commentateurs qui étaient de plus en plus dépendants de la scolastique pāṇinéenne.
Langues ciblesIndo-aryen ancien (védique). L'existence même de ces traités suppose la perception d'un certain décalage entre la langue des textes sacrés, confiés à la tradition orale, et la langue en usage à l'époque de leur rédaction. Ces manuels visent à préserver une prononciation des textes qui était sujette à s'altérer, du fait de l'évolution phonétique, et aussi en raison de disparités géographiques. Leur référence est la forme orale des textes, sans aucune mention d'une notation écrite. De plus, il faut noter qu'ils n'ont pas pour cible la langue védique en tant que telle, dans son ensemble ou dans une région donnée, ni tous les aspects des faits de cette langue; chaque Prātiśākhya est concerné principalement par les données plus spécifiquement phonétiques d'un corpus textuel nettement circonscrit. Dans ce cadre, le manuel vise et réalise (pour l'essentiel) une description exhaustive, qui se marque notamment par le recours à l'énumération scrupuleuse des exemples tirés du texte, lesquels sont reconnaissables d'emblée. C'est sous l'influence de la grammaire proprement dite (vyākaraṇa) que certains Prātiśākhya (à l'exception de RV.Pr. Et T.Pr.) ont recours à la référence abrégée au moyen de la citation du premier terme de la liste complète (gaṇa) des formes, fournie par un traité annexe, et déployée par le commentaire
MétalangueSanskrit
Langue des exemples
Sommaire de l'ouvrageBien que le but des différents Prātiśākhya soit en principe le même, les variations sont nombreuses, dans le détail, d'un texte à l'autre. De plus, les textes sont divisés en sections de durée très variable, dont la longueur est commandée par les exigences de la récitation et de la mémorisation, davantage que par le groupement objectif des matières. Le RV.Pr. est divisé en 18 chapitres (paṭala), de longueur inégale, répartis en 3 grandes parties, 3 livres (kāṇḍa) ou "lectures" (adhyāya, terme visant au départ la récitation), dont chacune contient 6 chapitres; l'ensemble comprend 529 strophes (śloka, dans divers mètres), desquels on peut tirer 1071 sūtra. Le T.Pr. totalise 24 adhyāya, répartis formellement en deux parties (praśna) de longueur égale, l'ensemble totalisant 543 sūtra, plus deux strophes conclusives qui se retrouvent en tête du R.Pr., et qui sont placées après les sūtra récapitulatifs. Pour l'Atharvaveda, les deux Prātiśākhya connus sont très différents: la C.A. comporte 482 sūtra répartis en 4 adhyāya (106/107/119/150), dont chacun est divisé de manière équilibrée en 4 "quarts" (pāda, division et désignation qui trahissent l'influence de Pāṇini). L'AV.Pr. adopte cette division secondaire, appliquée à une division large en 3 sections (prapāṭhaka, terme référant aussi à la récitation), mais de manière maladroite, puisque la première section ne comporte que 3 pāda; l'ensemble contient dans le texte conservé 223 sūtra (57/83/83) numérotés d'après la version brève, qu'une version élargie amplifie par des paraphrases et des interpolations secondaires: le traité plus complet qui fut abrégé est désormais irrémédiablement mutilé, ce qui se reflète par le caractère abrupt et assez erratique de la présentation. Enfin, le R.T. est très succinct, avec une introduction en 4 paragraphes, suivis de 287 courts sūtra, l'ensemble étant réparti en 5 prapāṭhaka, avec une division secondaire des tranches numériques par décades. On peut se faire une idée de la longueur des textes, si l'on observe que la plupart des sūtra n'occupent pas plus d'espace qu'une ligne imprimée actuelle, et bien souvent moins d'une dizaine de syllabes. Les parties communes aux Prātiśākhya sont, avec des différences dans l'arrangement et dans l'enchaînement, les suivantes: 1) préliminaires sur la description et la classification des sons ou phonèmes (varṇa), sur leur dénomination et leur articulation, sur la syllabe, sur les quantités vocaliques, avec ou sans l'énoncé explicite de l'alphabet (varṇasamāmnāya "catalogue des sons"); 2) sandhi des voyelles (avec les phénomènes latéraux que sont le rhotacisme, l'absence de modification de certaines voyelles finales devant voyelle initiale, les allongements vocaliques); 3) accentuation (enchaînée logiquement avec l'étude des voyelles, mais qui peut être traitée à part); 4) sandhi des consonnes (auquel peut s'ajouter l'étude de diverses modifications en situation interne: gémination, cérébralisation, anaptyxe, etc.). Il faut noter que la première partie est traitée de manière très diverse, et peut même manquer, comme dans l'AV.Pr., ou bien être reportée, au moins pour certains aspects, à une section ultérieure. L'essentiel d'un Prātiśākhya réside en fait dans la description des phénomènes de combinaison euphonique (sandhi), annoncée par la rubrique saṃhitāyām "(voici ce qui se passe) en discours-continu". Des parties annexes sont: 5) la description du kramapāṭha, récitation complémentaire des deux récitations principales, qui consiste à réaliser le sandhi à l'intérieur d'un groupe de deux pada successifs (voir les chap. 10 et 11 dans le RV. Pr., et la fin de la C.A., IV.4.9-27); 6) la métrique, qui occupe, sous forme d'appendice final, les chap. 16, 17 et 18 du RV.Pr.; 7) l'analyse (le plus souvent dispersée) de faits intéressant prioritairement le texte du padapāṭha, qui donnent l'occasion d'énoncer des règles plus générales sur la phonétique (accent premier, par exemple).
Objectif de l'auteurL'objectif explicite de ces traités est de formuler les règles selon lesquelles la récitation du texte analysé en "mots" (padapāṭha) est transformée en "récitation en continuité" (saṃhitāpāṭha). Le principe est énoncé ainsi dans plusieurs traités: saṃhitā padaprakṛtiḥ "La récitation continue a pour base (prakṛti: matière brute, première) la récitation par mots." Autrement dit, on part du texte segmenté et marqué par une pause après chaque "mot" (pada) pour aboutir au texte autoritatif et sacré, où s'appliquent les règles de "jonction" (sandhi), et qui est considéré comme l'aboutissement. Le processus est appelé vikāra "modification"; l'énoncé condensé de la règle est de la forme: "A (l'élément qui subit la modification, au nominatif) [devient, verbe non exprimé] B (l'élement produit, à l'accusatif)." Cette formalisation est différente de celle des règles pāṇinéennes, qui recourent à la substitution.
Intérêt généralLa démarche des Prātiśākhya est strictement synchronique et objective, et recourt à l'abstraction du mot isolé, pour expliquer une norme linguistique, sans aucune considération historique. Cette orientation sera décisive pour le développement de la grammaire indienne. La description phonétique est remarquable par sa précision dans les définitions des sons ou phonèmes (varṇa) de l'indo-aryen ancien: voyelles, consonnes, semi-voyelles, spirantes, etc. grâce aux caractéristiques distinctives de leur articulation. Des notions générales sont constamment utilisées, pour distinguer les lieux d'articulation, les organes actifs (parties de la langue), les modes d'articulation, qui sont soit internes (aperture, constriction), soit externes (voisement, nasalité, souffle). Les occlusives sont nommées et définies par le "contact" (sparśa) qui cause la fermeture complète du canal pharyngo-buccal; chaque ordre est appelé "classe, groupe" (varga), défini par le point d'articulation, et comprend cinq phonèmes distingués par les traits de voisement, d'aspiration et de nasalité, d'où la liste des 25 (5 x 5) consonnes qui constituent le centre de l'alphabet. La précision et la pertinence de cette analyse, fondée sur l'observation de la prononciation, n'ont été égalées par les chercheurs occidentaux qu'à partir de la fin du 19e s., avec le développement d'une phonétique véritablement scientifique.
Parties du discoursEn raison de leur spécialisation dans les faits de phonétique, les questions de dérivation nominale, de composés, de morphologie proprement dite, ne jouent qu'un rôle minime dans les Prātiśākhya, qui ne prétendent pas fournir une grammaire védique. Les notions de la grammaire (vyākaraṇa), c'est-à-dire de la formation des mots fléchis, ainsi que les catégories sémantiques, en sont en principe bannies, et la mention des quatre parties du discours (nom, verbe, préposition, particule), qui est empruntée probablement à Yāska ou à l'un de ses prédécesseurs, n'y apparaît que de manière adventice.
Innovations term.
Corpus illustratifPour chaque Prātiśākhya, le corpus illustratif est constitué par le texte de sa saṃhitā. Des faits extérieurs au sandhi sont également décrits: plus largement, les rédacteurs veulent fixer l'orthoépie dans sa réalité concrète, ce qui les conduit à mentionner d'autres phénomènes (géminations intérieures, anaptyxe, épenthèse, etc.), dont l'extension était limitée à une région ou à une école. Ces traités constituent un document incomparable sur la prononciation de l'indo-aryen ancien, dans ses diverses variétés.
Indications compl.
Influence subieLes Prātiśākhya ne prétendent pas innover: ils s'inscrivent dans la lignée des traités "protecteurs" du corpus védique. Ils mentionnent çà et là plusieurs maîtres en phonétique, et se font l'écho de débats entre des traditions différentes. Dans les textes qui nous sont parvenus, on décèle assez clairement l'influence de la grammaire pāṇinéenne, qui se manifeste par l'adoption, variable selon les traités, de termes techniques, de sigles, bien que les Prātiśākhya de type ancien utilisent peu de procédés abréviatifs, en tout cas beaucoup moins que Pāṇini. Ils doivent être compréhensibles par tous les officiants, afin de leur éviter des fautes dans la récitation.
Influence exercéeEn dépit de leur limitation à des corpus spécifiques, les Prātiśākhya marquent une étape importante de la description linguistique, car les particularités décrites valaient souvent pour l'indo-aryen ancien dans son ensemble, et de nombreux faits de sandhi se retrouvaient dans la langue parlée courante. Ces faits sont mentionnés par Pāṇini et par les auteurs ultérieurs de l'école pāṇinéenne, qui se fondent aussi sur l'observation du sanskrit parlé, et non pas sur une forme livresque. Dans le domaine strict de la phonétique descriptive et articulatoire, leur enseignement est demeuré une référence constante; il a été vulgarisé et complété dans de courts traités qui portent le titre générique de Śikṣā, et que nous connaissons sous une forme beaucoup plus tardive (du début de notre ère jusqu'au 15e s.); ils ne préservent pas les doctrines de la période pré-pāṇinéenne, en dépit de leurs titres, comme āpiśali-śikṣā ou Pāṇinīya-śikṣā, et bien qu'il soient rattachés souvent à un Veda.
Renvois bibliographiquesAllen W. S. 1953; Bronkhorst J. 1982; Bronkhorst J. 1982; Pinault G.-J. 1989 {p. 304-313}; Régnier A. 1856; Régnier A. 1856; Régnier A. 1857; Régnier A. 1857; Régnier A. 1858; Régnier A. 1858; Renou L. 1960; Scharfe H. 1977 {p. 127-134, 176-177}; Thieme P. 1931; Thieme P. 1935; Thieme P. 1935 {p. 21-23}; Varma S. 1929
Rédacteur

Pinault, Georges-Jean

Création ou mise à jour2000