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Philosophical Inquiry Concerning Universal Grammar

Harris, James

DomaineGrammaires des langues européennes modernes
SecteurGrammaires anglaises [3614]
Auteur(s)

Harris, James [1]

[1] Seules les initiales de l'auteur figurent sur la page de titre, mais la dédicace adressée à Philip Lord Hardwicke, Lord High Chancellor of Great Britain est signée du nom intégral de James Harris.

Datation: 20 janvier 1709 - 22 décembre 1780

Après des études de droit abandonnées à la mort de son père, en 1733, cet érudit anglais (né à Salisbury), membre de la haute bourgeoisie profita de l'aisance que lui assurait sa fortune personnelle pour cultiver à loisir son goût pour les auteurs de l'antiquité dans un dilettantisme qui dura 28 ans. Après quoi, en 1761, à l'âge de 52 ans, sans pour autant abandonner l'étude et la méditation, il se lança dans la politique: représentant de Christchurch à la Chambre des Communes jusqu'à sa mort, il occupa de surcroît des fonctions ministérielles de 1763 à 1765 avant de devenir administrateur de la Maison Royale en 1774 (voir Joly éd. 1972; R. Harris ed. 1993).

Titre de l'ouvrageHermes: or, a Philosophical Inquiry Concerning Language and Universal Grammar
Titre traduitHermès, ou recherches philosophiques sur le langage et la grammaire universelle
Titre courtPhilosophical Inquiry Concerning Universal Grammar
Remarques sur le titreLes éditions suivantes sont intitulées a Philosophical Inquiry Concerning Universal Grammar [Recherches philosophiques sur la grammaire universelle] (la référence initiale au langage a disparu).
Période|18e s.|
Type de l'ouvrageGrammaire universelle à fondements philosophiques.
Type indexéGrammaire philosophique | Grammaire universelle
Édition originale1751, Londres, imprimée par H. Woodfall pour J. Nourse et P. Vaillant.
Édition utiliséeL'édition utilisée est la reproduction en fac-similé de la Scolar Press, texte de la 1re éd. de 1751: Londres, H. Woodfall pour J. Nourse et P. Vaillant.
VolumétrieIn-8°; xix + 427 + [29] pages, avec approximativement 1000 signes par page.
Nombre de signes450000
Reproduction moderneDeux reproductions modernes sont disponibles: un fac-similé de la 1re éd. (1751) édité par la Scolar Press, Menston, England en 1968 (English Linguistics n° 55) et un fac-similé de la 4e éd. (1786) édité par Roy Harris, London, Routledge/Thoemmes Press en 1993.
DiffusionCet ouvrage a été réédité jusqu'en 1825. Une 2e éd. (Londres, J. Nourse et P. Vaillant, 1765) intégrait les annotations manuscrites de l'auteur qui figurent sur son exemplaire personnel conservé à University College, Londres; en 1771, une 3e éd. (même lieu, mêmes éditeurs) apportait de nouvelles modifications, les dernières. C'est ce texte définitif que reprennent les 4e éd. de Dublin (James Williams, 1773) et de Londres (C. Nourse, 1786), et les 5e (Londres, F. Wingrave, 1794), 6e (Londres, 1806 et 1816) et 7e (Londres, 1825) éditions. On trouve également Hermes dans les œuvres complètes de Harris publiées par son fils le Comte de Malmesbury sous le titre The Works of James Harris (Londres, 1801, réédité en 1841). Il a été traduit en allemand (Halle, 1788) et en français (Paris, 1796). Le traducteur français, Thurot (futur professeur au Collège de France), situe Hermes dans l'histoire de la grammaire par un long Discours préliminaire et le commente dans des notes abondantes. Cette introduction et ces commentaires feront à leur tour en 1970 l'objet d'une étude (Joly éd. 1970). Voir Alston 1971, vol. 3, n° 810-815, p. 49.
Langues ciblesLangues du monde; le projet de l'auteur (traiter du langage en général) exclut toute priorité accordée à une langue cible donnée. Les références, surtout à l'anglais, parfois au latin, au grec ou au français, servent à vérifier ses hypothèses, issues d'une réflexion philosophique sur les processus mentaux naturels. Parallèlement à sa proposition de refonte des catégories grammaticales traditionnelles, il prône une terminologie nouvelle, plus évocatrice des fonctions des catégories décrites
MétalangueAnglais
Langue des exemples
Sommaire de l'ouvrageL'ouvrage est dédicacé à Philip Lord Hardwicke, Lord High Chancellor of Great Britain (p. iii-iv) et débute par une courte préface (v-xvi). Il est composé de 3 livres, 2 livres constituant la grammaire proprement dite, et le 3e consacré à une réflexion sur le langage. Dans le 1er livre (p. 1-211), Harris introduit son objectif (chap. 1) et délimite son domaine d'étude: la période ou phrase, unité principale du langage, qu'il se propose d'analyser jusqu'à l'unité significative minimale qu'est selon lui le mot (chap. 2). Il substitue à la traditionnelle division en 8 ou 9 parties du discours une classification d'inspiration antique distinguant, à la suite d'Apollonius Dyscole et de Priscien, parties principales (substantifs et attributifs) et parties accessoires (définitifs et connectifs) (chap. 3). Le reste du 1er livre traite des parties principales: les substantifs primaires (chap. 4) et de second ordre – ou substituts – (chap. 5), les 3 catégories d'attributifs: adjectifs, verbes et participes (chap. 6), le temps, universel et grammatical (chap. 7), les modes (chap. 8), les diverses espèces de verbes et leurs propriétés (chap. 9), les autres attributifs de 1er ordre (chap. 10) et les attributifs de second ordre, – les adverbes – (chap. 11). Les parties accessoires font l'objet du 2e livre (213-303). Harris y traite successivement des définitifs – articles et autres déterminants – (chap. 1), des conjonctifs – conjonctions (chap. 2) et prépositions (chap. 3) – et des cas (chap. 4), avant une brève récapitulation et une apologie de la grammaire dans laquelle se rejoignent platonisme et christianisme. Dans le 3e livre (305-426), Harris expose sa philosophie du langage. Il entreprend d'analyser la matière et la forme, indissociables dans le langage (chap. 1), il se penche d'abord sur la matière et analyse les sons articulés (chap. 2), puis sur la forme, ce qui l'amène à conclure que le langage est un système conventionnel de sons articulés qui représente symboliquement nos idées générales et universelles (chap. 3), il s'interroge sur les rapports de ces idées avec les formes sensibles dans des propos qui glissent vers la métaphysique (chap. 4) et termine par une justification de la diversité des langues qui sont pour lui des reflets des idées des nations dont elles sont issues (chap. 5). Un index [26 p.] précède une page d'errata.
Objectif de l'auteurL'objectif de l'auteur est de faire accéder son lecteur à une réflexion sur le langage qu'il juge utile "la grammaire est excellente pour rédiger des contrats et des actes" (p. 295), plaisante en soi (justification de son dilettantisme?) (p. 296), et tenant de la vertu intellectuelle dont il ne doute pas qu'elle ne rapproche de Dieu: "dans toute science il y a quelque chose de précieux en soi, parce qu'elle contient en elle quelque chose de divin" (p. 303).
Intérêt généralOuvrage à vocation universelle, cette grammaire se situe dans le courant de pensée amorcé en 1700 par Lane (notice 3610), mais elle est en même temps en rupture avec lui dans la mesure où elle prône un dépassement de la description empiriste prévalente à l'époque pour atteindre par l'intuition le niveau conceptuel, la structure profonde, logico-sémantique, du langage: grammaire dès lors philosophique, elle cherche à élucider, à la suite de Locke (1690), les relations qui existent entre le langage et la pensée, mais c'est pour manifester son désaccord avec ce philosophe sur la nature des idées représentées par les mots, pour nier leur dérivation de perceptions sensorielles et affirmer leur origine première, divine, dans l'intellect (p. 391): voir Bergheaud 1979b, p. 18. En se fondant sur des conceptions empruntées à la tradition grecque qu'il adapte à la religion chrétienne, Harris se montre original. Sa pensée est parfois maladroite, mais souvent raffinée. Il note par exemple (p. 228) le rôle et la valeur de l'absence d'article, distingue (p. 215-219 et 227) perception primaire de l'inconnu (associée à l'article a) et perception secondaire du connu (associée à l'article the), ou encore se livre (p. 65-70) à une présentation pré-énonciative des pronoms personnels. Polémique, cet ouvrage suscitera de nombreuses réactions, tant défavorables que favorables: Horne Tooke (notice 3621) et Fearn (Anti-Tooke, 1824-1827).
Parties du discoursHarris conteste la liste traditionnelle des parties du discours ("pourquoi pas davantage? pourquoi autant?") (p. 24) et la distinction morphologique entre parties variables et invariables, trop dépendantes des langues (p. 26). Il recourt à des critères sémantiques qui lui permettent de distinguer d'un côté les mots principaux (significatifs par eux-mêmes, soit comme les "énergies ou affections d'une chose" c'est-à-dire des attributs – ils sont alors attributifs –, soit "sans être ces énergies ou affections", c'est-à-dire des substances – et ils sont substantifs), et de l'autre côté les mots accessoires (significatifs par relation, soit comme déterminants d'un mot – et ils sont définitifs –, soit comme éléments de liaison entre plusieurs mots – et ils sont connectifs) (p. 27-31).
Innovations term.Quelques emprunts à la tradition grecque (ex. aoriste) et à la métalangue de la logique (ex. sujet et prédicat, p. 279) et des innovations pour évoquer les liens entre le langage et la pensée (ex. distinction phrases d'assertion / phrases de volition, p. 17; modes déclaratif, réquisitif, ce dernier étant divisé entre impératif pour les inférieurs et prédicatif pour les supérieurs, p. 144, avec introduction d'une distinction entre nature et convention, matière et forme, p. 314-315).
Corpus illustratifDe nombreuses citations de passages de la littérature latine et grecque aussi bien qu'anglaise, accompagnées de leurs références complètes.
Indications compl.Définitions du langage et des mots: "tout langage repose sur des conventions et pas sur la nature, car c'est le lot de tous les symboles, dont les mots constituent une sous-catégorie" (p. 337); il s'agit d'un "système de sons articulés, symboles de nos idées mais surtout de celles qui sont générales ou universelles" (p. 349).
Influence subieOuvrage qui se situe dans la tradition de la pensée philosophique des humanistes Scaliger et Sanctius, mais la dépasse par une pensée nourrie par les philosophes grecs (Socrate, Platon, Aristote, les Stoïciens, Apollonius, Ammonius, Théodore Gaza…) et les grammairiens latins (Varron occasionnellement, Priscien essentiellement), tous amplement cités en note et dans un index récapitulatif. L'influence aristotélicienne et le rejet de l'empirisme imposent que soit confié un large rôle à la logique dont la présence est très sensible, en particulier dans le livre III qui propose "une théorie du mécanisme de la signification" (voir Joly éd. 1970, p. 27 et Bergheaud 1979a, p. 18-19); mais, comme le note Bergheaud, cette logique ne se confond pas avec la grammaire: Harris, qui distingue clairement la phrase de la proposition, considère le langage comme "le support de la logique et non son objet". Enfin, le tout est adapté à une vision chrétienne de l'univers très personnelle (voir R. Harris ed. 1993b, p. v-xi). Harris, gentleman-philosophe éclairé, travaillait en solitaire, en dehors de toute institution, même s'il était parfaitement au fait des positions de ses contemporains et de la Select Society grâce à la correspondance qu'il échangeait avec Monboddo (voir Bergheaud 1980, p. 28).
Influence exercéeLe nombre des rééditions et traductions de cet ouvrage d'érudition témoignent d'un certain succès, succès durable si l'on considère la quantité de grammairiens qui jusqu'à ce jour, se sont présentés comme les héritiers de Harris. Ce dernier est respecté par nombre d'auteurs éminents de la fin du 18e s. aussi bien à l'étranger où sa traduction allemande de 1788 influence Humbolt et où Thurot, par sa traduction française de 1796, contribue à le faire connaître, qu'en Angleterre où il est fréquemment cité, paraphrasé et commenté. Parmi les grammairiens qui lui rendent hommage, figurent Lowth 1762, Ward 1765, Monboddo 1773-1792, Williams 1780 (qui dédie son ouvrage à ce "Prince of Modern Grammarians"), Beattie 1783, Pickbourn 1789 et Murray 1795. Malgré l'avènement de la grammaire comparée qui sonne le glas de la grammaire générale, Harris est encore lu au milieu du 19e s.: l'influence de sa conception universelle de la grammaire est sensible chez le grammairien Fearn, mais aussi chez les philosophes Smith, Bentham, Steward, et elle semble avoir aussi joué un rôle non négligeable dans l'évolution que connaît la pédagogie de l'anglais à la fin du 18e s. (voir Joly éd. 1970 p. 17-19; 1972, p. 1-14). Au 20e s. la théorie des rangs que présente Jespersen n'est pas sans rappeler certaines de ses positions, et les transformationalistes Chomsky 1966, McCawley 1970 et Katz 1972 osent encore se réclamer de lui (voir Subbiondo 1976). Pourtant, critiqué par des auteurs aussi renommés que Samuel Johnson (notice 3615) et Horne Tooke (notice 3621), et utilisé en traduction comme faire valoir plus que comme chef d'œuvre en soi (voir Bergheaud 1974), occasionnellement tronqué et dénaturé, cet ouvrage quelque peu subversif ne fut pas toujours compris et n'eut pas, à son époque, tout le succès que l'on pouvait attendre.
Renvois bibliographiquesAlston R. C. 1967; Alston R. C. 1967; Asbach-Schnitker B. 1973; Bergheaud P. 1979; Bergheaud P. 1980; Bergheaud P. 1985; Funke O. V. 1927; Göbels A. 1999; Harris J. 1993; Joly A. 1985; Michael I. 1970; Nelson G. 2009; Poldauf I. 1948; Robins R. H. 1967; Rousse J. & Verrac M. 1992; Subbiondo J. L. 1976; Thurot F. 1972
Rédacteur

Verrac, Monique

Création ou mise à jour2000