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Kraynska grammatika

Pohlin, Marko

DomaineGrammaires des langues européennes modernes
SecteurGrammaires des langues slaves: slovène [3476]
Auteur(s)

Pohlin, Marko

Variantes: P. Marcus. Nom de baptême: Anton.

Datation: 1735-1801

Marko Pohlin est un traducteur, écrivain et linguiste, né à Ljubljana. Après le lycée à Novo mesto et à Ljubljana, il entra, en 1754, dans l'Ordre des Augustins déchaux, puis vécut tantôt dans leurs couvents à Mariabrunn près de Vienne, tantôt à Vienne, tantôt à Ljubljana. Pohlin a donc passé la plus grande partie de sa vie créative en dehors de la Slovénie. Initiateur du renouveau littéraire slovène, il a écrit environ 50 œuvres appartenant à des genres très variés dont environ 20 sont restées manuscrites. Son initiative de fonder l'almanach poétique Pisanice – la première publication slovène destinée à l'élite laïque – est très importante. À part sa Kraynska grammatika (deux éditions), il a écrit aussi un dictionnaire slovène-allemand-latin (1781) et un manuel d'étymologie Glossarium slavicum (1792).

Titre de l'ouvrageKraynska Grammatika, das ist Die crainerische Grammatik, oder Kunst die crainerishe Sprach regelrichtig zu reden, und zu schreiben, welche aus Liebe zum Vaterlande, und zum Nutzen derjenigen, so selbe erlehrnen, oder in selber sich vollkommentlicher üben wollen, bey ruhigen Stunden mit besonderem Fleiße verfasset zum Behuffe der Reisendern mit etwelchen nützlichen Gesprächen versehen und Mit vollkommener Genehmhaltung Hoher Obrigkeiten zum Druck befördet hat P. Marcus
Titre traduitGrammaire carniolienne, ou l'art de savoir comment parler et écrire la langue carniolienne correctement écrite, pour l'amour de la patrie et destinée à l'usage de ceux qui désirent l'apprendre ou en perfectionner leur maîtrise, pendant des heures paisibles, avec une diligence particulière, pourvue de quelques conversations utiles pour les voyageurs et donnée à l'impression avec la permission totale de hautes autorités par P. Marcus
Titre courtKraynska grammatika
Remarques sur le titreVariante: Kranjska gramatika. Dans le titre déjà, Pohlin insiste sur le fait que sa grammaire est une grammaire de la langue qui est parlée en Carniole. La formulation «pendant des heures paisibles» (bey ruhigen Stunden) est probablement une référence à la grammaire d'Adam Bohorič.
Période|18e s.|
Type de l'ouvrageGrammaire didactique destinée aux locuteurs natifs et aux étrangers avec une tendance évidente à établir une nouvelle norme.
Type indexéGrammaire didactique | Grammaire normative
Édition originale1768, Ljubljana, Johann Friedrich Eger.
Édition utilisée1768, Ljubljana, Johann Friedrich Eger.
Volumétrie196 p. + [1 (entre les pages 16 et 17)].
Nombre de signes199000
Reproduction moderneFac-similé avec la traduction en slovène: Ljubljana, Založba ZRC, ZRC SAZU, 2003.
DiffusionLa seconde édition de 1783 est fortement remaniée et corrigée. Pohlin lui-même souligne qu'il n'était pas content de la première édition et qu'il a donc introduit bien des changements dans cette 2e édition. Cette dernière était aussi sans aucun doute une réponse à des remarques critiques (Anmerkungen über die windisch- und krainerische Rechtschreibung) et à la grammaire d'Ožbalt Gutsman de 1770 et de 1777 qui conteste ouvertement la grammaire de Pohlin. À la fin de cette 2e édition, Pohlin inclut la critique de sa grammaire rédigée par Matija Čep en 1768 (Wiener diarium, le 5 décembre) dont il a largement tenu compte, même s'il la rejette dans sa réponse qui paraît également à la fin de cette 2e édition. Dès le début, et surtout depuis la critique exprimée dans la grammaire de Kopitar en 1809 jusqu'à la seconde moitié du 20e s., la grammaire de Pohlin a été jugée très négativement.
Langues ciblesSlovène
MétalangueAllemand, les principaux termes linguistiques sont traduits en slovène aussi
Langue des exemplesSlovène, les exemples sont pour la plupart traduits en allemand
Sommaire de l'ouvrageIntroduction (p. 1-16). Lettres cyrilliques (Ia), lettres glagolitiques (Ib). I. Étymologie [die Wortforschung/bessedna sazhetnost] (17-125): lettres (17-18), articles (18-19), 1. substantif [das Nennwort/imęnska besseda] (19-46), 2. pronom [das Fürwort/perdevk] (47-54), 3. verbe [das Zeit- oder Handlungswort/zhasna besseda] (54-83),4. préposition [das Vorwort/spredna besseda] (83-87), 5. adverbe [das Nebenwort/stranska besseda] (88-95), 6. interjection [das Zwischenwort/v'mejs postavlena besseda] (95-98), 7. conjonction [das Bindenwort/veshejoza besseda] (98-100), vocabulaire de mots radicaux (101-112), formation de mots (die Herleitung und Zusammensetzung der Worte) (112-125). II. Syntaxe [die Wortfügung/skupskladanje teh bessedy]] (126-149): 1. substantif (127-136), 2. pronom (136-140), 3. verbe (141-147), 4. préposition (147), 5. adverbe (148), 6. interjection (148), 7. conjonction (149). III. Orthographe [die Rechtschreibung/dobropisnost] (150-187): 1. lettres, leur prononciation et orthographe (150-168), 2. accent (168-170), 3. signes de ponctuation (170-176), théorie de la versification [die Thonsprechung/spevorezhnost] (176-187). Appendice contenant des conversations en carniolien, en allemand et en italien (188-196).
Objectif de l'auteurLa grammaire est destinée à ceux qui désirent apprendre la langue carniolienne ou mieux la maîtriser. Pohlin veut ainsi augmenter le niveau général de la connaissance de la langue et redonner aux compatriotes la fierté de leur langue maternelle. Avec sa grammaire, il veut montrer qu'il est possible de mettre en ordre la langue carniolienne selon les règles. Il considère la grammaire comme un moyen de préserver la langue et comme un encouragement aux jeunes gens à utiliser davantage la langue maternelle. Selon l'auteur, une langue sans grammaire commence vite à s'affaiblir, c'est pourquoi il faut lui imposer des règles fixes. Il considère la langue qu'il traite comme la langue régionale (Landschprache), comme la langue du duché de Carniole, c.-à-d. comme la langue (purement) carniolienne.
Intérêt généralLa grammaire occupe une place importante dans le développement de la tradition grammaticale slovène. L'introduction qui est absente de la seconde édition, au moins sous la forme qu'elle a dans la première, suit celle de Bohorič. Elle montre que Pohlin conçoit la grammaire comme une condition pour la préservation de la langue et le grammairien comme celui qui forme, prescrit et oriente le développement linguistique. Son alphabet, très moderne malgré toutes les critiques subies, peut être considéré comme le précurseur de l'alphabet slovène moderne, l'alphabet Gaj (slov. gajica). Le changement des signes s et ſ par rapport à l'alphabet Bohorič (slov. bohoričica) était particulièrement audacieux (mais logiquement fondé). Le fait que Pohlin a rencontré des problèmes avec la graphie du e muet est visible dans les nombreuses corrections graphiques de la seconde édition. Par le choix de la langue décrite et de l'alphabet, Pohlin s'est écarté de la tradition de la langue littéraire, ce qui a été la cause principale de jugements sévères sur son œuvre. En outre, dans la graphie de mots, il a surtout tenu compte de la forme phonétique du mot, y compris la réduction vocalique. Il a été le premier à distinguer les voyelles e et o fermées et ouvertes et le premier à porter l'attention sur la valeur distinctive des voyelles et des occlusives. Le chapitre sur l'orthographe, surtout dans la seconde édition, apporte une intéressante base théorique pour l'écriture du slovène (1782, p. 199-213), ce qui représente un important pas en avant dans le développement de la pensée linguistique slovène, même si Pohlin recherchait surtout des solutions pratiques qui n'étaient peut-être pas les mieux choisies. Une autre nouveauté par rapport aux grammaires antérieures est l'extension du chapitre sur les signes de ponctuation.
Dans le traitement des déclinaisons, Pohlin choisit bien ses exemples, il décrit bien aussi d'autres particularités des déclinaisons dont le traitement est encore étendu dans la seconde édition. Dans les substantifs de genre féminin, il distingue les thèmes en -i des thèmes en -a au moyen d'exemples, ce sur quoi l'adaptation jésuite de la grammaire de Bohorič de 1758 avait déjà attiré l'attention. Les allongements du thème dans les déclinaisons neutres dans la seconde édition ont probablement été introduits sous l'influence de Gutsman. Pohlin a introduit l'instrumental dans les descriptions des déclinaisons qu'il considère comme une forme particulière du datif (il interprète le locatif au singulier comme datif et au pluriel comme génitif).
Par rapport aux grammaires antérieures et postérieures, les pronoms sont traités de manière beaucoup plus exhaustive. Pohlin a retenu la classification de verbes de Bohorič selon la désinence du présent. Il a souligné la valeur du futur des verbes en po-, ce qui a influencé les solutions de grammairiens postérieurs. Il fut le premier grammairien à porter l'attention sur le fait que la voix passive n'est pas un moyen d'expression populaire en slovène, ce qui a fortement marqué les puristes du 19e s.
Il faut souligner aussi l'excellent chapitre sur la formation de mots où la première et la seconde édition diffèrent considérablement par l'approche. Le chapitre sur la syntaxe est court, mais approfondi. Malgré le choix du carniolien comme langue décrite, la grammaire de Pohlin a joué, du point de vue de l'évolution de la langue, un rôle plus important que celle d'Ožbalt Gutsman de 1777.
Parties du discoursDans la 1re édition, Pohlin distingue le substantif, le numéral, le pronom, le verbe, la préposition, l'adverbe, l'interjection et la conjonction; dans la seconde, il ajoute, dans un chapitre indépendant et équivalent aux autres chapitres traitant des parties du discours, le participe comme «une sorte particulière de l'adjectif». L'article (indéfini et défini) est traité dans le cadre du substantif.
Innovations term.Pohlin est le premier des grammairiens slovènes qui fournit, à côté des termes allemands, certains termes grammaticaux slovènes qui sont mis entre parenthèses. Quelques termes (par ex. samoglasnik ‘voyelle’, zlog ‘syllabe’, lastno ime ‘nom propre’, moški spol ‘genre masculin’, ženski spol ‘genre féminin’) se sont maintenus jusqu'à nos jours.
Corpus illustratifLes exemples cités dans le chapitre sur l'étymologie appartiennent à Pohlin; pour la plupart, il s'agit d'un seul mot, souvent traduit en allemand. Les exemples dans d'autres chapitres appartiennent aussi, en majeure partie, à Pohlin, mais leur traduction en allemand est moins systématique; ce sont surtout des exemples plus longs qui, eux, ne sont jamais traduits. Les phrases servant d'exemples sont tirées de sources très diverses: souvent de la Bible ou des œuvres d'auteurs antiques (par ex. Cicéron, Virgile, Ovide, Dicta Catonis); tous ces exemples ont été traduits par Pohlin. Mais certains des exemples sont entièrement dus à Pohlin.
Indications compl.Pohlin se croyait légitimement le premier grammairien de la langue carniolienne, parce que sa conception de la langue littéraire se distinguait fondamentalement de celle des écrivains protestants slovènes du 16e s. Plus tard, il a élargi cette conception et, en 1799, il a publié par ex. une œuvre destinée aux soldats slovènes en Styrie, Carinthie et Carniole. De même, ses élèves ont suivi sa conception d'une langue littéraire panslovène.
Influence subieLa comparaison des éditions de 1768 et de 1783 montre qu'il est très difficile, voire impossible, d'identifier précisément les sources de Pohlin, qui s'est efforcé de faire œuvre originale.
Pohlin connaissait la grammaire slovène d'Adam Bohorič de 1584 et peut-être ses adaptations datant de 1715 et de 1758. Elle lui a visiblement servi de modèle surtout dans l'introduction, mais on peut aussi retrouver des traces de son influence dans d'autres parties de la grammaire. Le passage qui montre le mieux la manière dont Pohlin a renouvelé les exemples est la dernière page du chapitre sur le numéral (p. 46) calquée sur la grammaire de Bohorič.
Après Hipolit (introduction manuscrite à son dictionnaire de 1711), Pohlin fait pour la seconde fois mention des problèmes de la situation de diglossie (slovène/allemand), mais il est probable qu'il ne connaissait pas ce texte.
Quant aux influences subies, Pohlin mentionne lui-même dans l'introduction la grammaire du bas-sorabe de Johann Gottlieb Hauptman, Niederlausitzsche Wendische Grammatica (1761). En outre, on peut déceler les influences des grammaires suivantes: Václav Jan Rosa, Grammatica Linguae Bohemicae (1672, suivie de plusieurs réimpressions); Jan Václav Pohl, Gramatica Linguae Bohemicae (1765); Johann Christoph Gottsched, Kern der Deutschen Sprachkunst (plusieurs éditions; celle de 1762 a été utilisée pour la comparaison). Ces influences sont difficiles à prouver et sont surtout indirectes. Le principe selon lequel la meilleure base de la langue littéraire est la langue du centre d'une région ou d'un pays a été instauré, de la manière la plus remarquable, par Johann Christoph Gottsched.
Pohlin a probablement emprunté à la pratique grammaticale de Pohl le principe que la langue moderne est meilleure que celle des périodes antérieures. Les deux critiques susmentionnées (celles de Matija Čep et Ožbalt Gutsman) ont sans aucun doute exercé une influence sur la seconde édition.
Influence exercéeLa grammaire de Pohlin a exercé une influence sur les solutions différentes et plus élaborées dans la grammaire d'Ožbalt Gutsman; c'est précisément sa critique de 1770 qui annonce des solutions différentes dans sa grammaire de 1777. L'édition de 1783 a exercé une influence sur la grammaire bilingue de Mihael Zagajšek (Jurij Zelenko) parue en 1791. Dans sa grammaire (1809), Jernej Kopitar a émis une critique dévastatrice de l'œuvre de Pohlin qui doit être considérée surtout comme le reflet d'une grande résistance à la conception linguistique de Pohlin dans les milieux fréquentés par Kopitar. La critique de Kopitar a déclenché une série d'opinions critiques sans fondement sur Pohlin, critiques qui n'ont pris fin que dans la seconde moitié du 20e s. quand de nombreux chercheurs ont commencé à attirer l'attention sur des résultats positifs de son œuvre.
Metelko a continué l'étude de Pohlin sur la formation de mots et a pris en compte son analyse de la réduction vocalique. Mais il introduit de réelles innovations plus qu'il n'a suivi son modèle.
Renvois bibliographiquesGrdina I. 2013; Honzak Jahić J. 2006; Honzak Jahić J. 2013; Neweklowsky G. 2013; Orožen M. 2003; Toporišič J. 1983
Rédacteur

Ahačič, Kozma · Trojar, Mitja (trad.)

Création ou mise à jour2014-07