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Réflexions sur l'origine des langues

Maupertuis, Pierre-Louis

DomaineCompilations, linguistique historico-comparative, linguistique générale, phonétique et phonologie
SecteurCompilations [5152]
Auteur(s)

Maupertuis, Pierre-Louis

Forme complète: Maupertuis, Pierre-Louis Moreau de

Datation: 1698-1759

Philosophe, astronome et physicien, Maupertuis entre à l'Académie des sciences dès 1723 où il est l'un des premiers à soutenir Newton contre Descartes. Invité par Frédéric II à réorganiser puis présider l'Académie de Berlin, il s'y fixe en 1745, et se voit confier l'année suivante la présidence de l'Académie des sciences. Ami puis ennemi de Voltaire, qui écrivit contre lui Micromégas. Maupertuis est davantage connu pour ses travaux en sciences naturelles que pour ses essais philosophiques ou philologiques.

Titre de l'ouvrageRéflexions philosophiques sur l'origine des langues et la signification des mots
Titre traduit
Titre courtRéflexions sur l'origine des langues
Remarques sur le titre
Période|18e s.|
Type de l'ouvrageMémoire.
Type indexéCompilation de langues | Origine du langage
Édition originale1740, 1re édition. Les Réflexions philosophiques sur l'origine des langues et la signification des mots datent de 1740 et non de 1748 comme on peut encore le lire dans de nombreux travaux, elles sont alors tirées à 12 exemplaires.
Édition utiliséeŒuvres de Maupertuis, 1768, 2e éd., Lyon, Jean-Marie Bruyset, nouvelle édition corrigée et augmentée, 4 tomes, tome premier, p. 253-309.
Volumétrie27 pages (pour la dissertation seule), in-8, env. 1000 signes par page.
Nombre de signes27000
Reproduction moderneŒuvres de Maupertuis, 1768, Lyon, Jean-Marie Bruyset, nouvelle édition corrigée et augmentée, 4 tomes. Comprend les remarques de Monsieur Boindin sur cet ouvrage (faites en 1753) et la réponse aux remarques de M. Boindin. Réimprimé en 1808, cette fois avec les commentaires de Turgot produits en 1750. Ronald Grimsley, 1971, Sur l'origine du langage [Texte imprimé] / Maupertuis, Turgot et Maine de Biran; étude de Ronald Grimsley, suivie de trois textes, Genève, Paris, Droz.
DiffusionPrincipalement par les nombreuses rééditions dès le XVIIIe siècle des Œuvres de Maupertuis.
Langues ciblesLe langage dans son rapport à la réalité
MétalangueFrançais
Langue des exemplesLangues des peuples fort éloignés (p. 260), jargons des peuples les plus sauvages (p. 261); langue franque et latine, langues à conjugaisons et langues hiéroglyphiques (p. 296-297)
Sommaire de l'ouvrageAvertissement (p. 255-257), 32 sections numérotées en chiffres romains, non titrées (p. 259-285), Remarques sur le livre intitulé Réflexions philosophiques sur l'origine des langues et la signification des mots, Œuvres de M. Baudouin, tome II (p. 287-291); Réponses aux remarques précédentes en six parties (p. 293-309).
Objectif de l'auteur«Analyser l'influence qu'ont sur nos connaissances les signes dont nous sommes convenus pour les énoncer, et pour nous en rendre compte à nous-mêmes» (dans la réponse à M. Boindin, p. 294). Pour cela, Maupertuis présente de façon synthétique une façon d'analyser la composition et la décomposition des signes du langage. L'auteur situe son essai sur l'origine non pas dans un débat philologique mais dans une discussion philosophique, il s'agit de «retrouver dans la construction des Langues des vestiges des premiers pas qu'a fait l'esprit humain.» (Chapitre III, p. 261). De ce fait, l'argumentation repose sur les relations entre nos perceptions et le monde qui nous entoure: «La composition & décomposition des signes de nos perceptions, & leur rapport aux perceptions mêmes, forment presque toutes nos connaissances, & les font tourner à leur gré. C'est pour apprécier la valeur de ces connaissances que je me suis étendu sur cette méchanique, & nullement, comme le pense M. Boindin, pour expliquer la méchanique des Langues mêmes.» (p. 294, dans la réponse à M. Boindin). Ce monde selon Maupertuis peut se découper de différentes façons: «je crois qu'elle viendroit du Langage accoutumé de chaque nation, de cette destination des signes aux différentes parties des perceptions: destination dans laquelle il entre beaucoup d'arbitraire, & que les premiers hommes ont pu faire de plusieurs manières différentes; mais qui une fois faite de telle ou telle manière, jette dans telle ou telle proposition, & a des influences continuelles sur toutes nos connaissances» (p. 275-276). Voir en complément de cette dissertation la Dissertation sur les différents moyens dont les hommes se sont servis pour exprimer leurs idées (dans l'édition présente des Œuvres de1768).
Intérêt généralPerspective qui préfigure les travaux des linguistes du 19e s. comme Schlegel ou Bopp, et le courant humboldtien, et du 20e s. (Boas, Sapir et son disciple Whorf), lorsque les connaissances sur les langues non indo-européennes seront plus étendues qu'à l'époque de Maupertuis. En philosophie: sensualisme, immatérialisme, théories de la perception, relativité linguistique. En linguistique: langage et perception à travers le traitement des opérations de prédication et quantification/extraction (dans l'essai, voir la discussion autour de «il y a»), histoire du relativisme en linguistique.
Parties du discoursAbsence de terminologie grammaticale: Maupertuis dans cet essai ne s'intéresse pas à la mécanique des langues elles-mêmes mais à la formation des idées et leurs représentations dans le langage. Il y a dans nos langues des mots généraux et des mots particuliers qui ne nous donnent pas accès aux «premières idées» car ils sont le reflet de préjugés, et nous leur attachons des idées confuses (p. 261). Prédication: lorsque nous énonçons «il y a un arbre», nous analysons «il y a», peut-être à tort (Maupertuis pose la question, chap. XXV, p. 280), comme une proposition assertant l'existence de l'arbre indépendamment de nous. Or, il lui semble que la possibilité même d'énoncer une proposition en «il y a» vient ni plus ni moins de la répétition des perceptions précédentes et de leur association avec des circonstances qui leur donne plus ou moins de force. Aussi, ce que fait «il y a» dans «il y a un arbre» n'est peut-être rien d'autre que résumer l'accumulation de perceptions passées, mais cela ne dit rien de la réalité de l'objet, la proposition est juste un abrégé de toutes nos perceptions et existe parce que notre mémoire – limitée dans sa capacité de stockage des perceptions – y contraint.
Innovations term.Reprend les notions de la philosophie classique (puis cartésienne) de «substance» et de «mode» (à partir du chapitre XIV, p. 271).
Corpus illustratifLangues sauvages et langues des Lappons pour la démonstration, sans exemple. Formalisme basique fondé sur une représentation des signes par les lettres de l'alphabet: A (je vois arbre), B (je vois un cheval) (chapitre VII); CD (idem) et CE (idem) (chapitre VIII); CGH (je vois deux lions) et CIK (je vois trois corbeaux) (chapitre IX); H (lions) et K (corbeaux) (chapitre X); C (je vois) (chapitre XI), etc.
Indications compl.Maupertuis fait en filigrane une critique des sciences et du rationalisme qui y prévaut: «Ce que nous appellons nos sciences dépend si intimement des manières dont on s'est servi pour désigner les perceptions, qu'il me semble que les questions & les propositions seroient toutes différentes si l'on avoit établi d'autres expressions des premières perceptions» (p. 267-298).
Influence subieBerkeley (que Maupertuis cite dans sa réponse à M. Boindin, en 1756, mentionnant notamment les Dialogues entre Hylas & Philonoüs en note de bas de page, p. 298).
Influence exercéeMaupertuis a servi de relais entre la France et l'Allemagne. Directement ou indirectement, il influence le courant sensualiste (voir les Idéologues et le rejet de la notion de substance) et relativiste en linguistique et anthropologie linguistique.
Renvois bibliographiquesBeeson D. 1992; Charles S. & Brykman G. 2003; Grimsley R. (éd.) 1971; Maupertuis P.-L. 1740; Maupertuis P.-L. 1768; Mercier R. 1976; Ouellet P. 1992; Porset C. (éd.) 1970; Siouffi G. 2010; Stéfanini J. 1984
Rédacteur

Lechevrel, Nadège

Création ou mise à jour2016-07