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Essai sur l'origine des langues

Rousseau, Jean-Jacques

DomaineCompilations, linguistique historico-comparative, linguistique générale, phonétique et phonologie
SecteurCompilations [5161]
Auteur(s)

Rousseau, Jean-Jacques

Datation: 1712-1778

Jean-Jacques Rousseau naît à Genève le 28 juin 1712. Sa famille était originaire de Montlhéry (près d'Etampes) et avait dû fuir les persécutions religieuses, au milieu du 16e siècle. Ses aïeux sont d'abord aubergistes, puis horlogers. Il rencontre Mme de Warens, à l'âge de 16 ans. Elle le convertit au catholicisme. Il s'installe chez elle quatre ans plus tard. Il s'adonne à ses deux passions: les études musicales et la lecture. Il passe deux années à Lyon, comme précepteur des deux fils du frère aîné de Condillac. Paris l'attire. Il s'y rend dès 1742. Il se lie avec Diderot et collabore à l'Encyclopédie. Son premier succès est dû au Discours sur les sciences et les arts (1750). Le Discours sur l'origine de l'inégalité (1755) a une influence importante sur la pensée politique du moment. C'est à cette époque qu'il commence à concevoir l'Essai sur l'origine des langues. Il ne l'achèvera pas (Pierre-Alexandre Du Peyrou, son exécuteur testamentaire, le publie en 1781, dans le tome III des Œuvres posthumes intitulé Traités sur la musique). La Lettre à d'Alembert sur les spectacles (1758) le brouille avec de nombreux philosophes. Puis, c'est la rupture avec Diderot, après que ce dernier ait écrit le Paradoxe sur le comédien. En 1761, il publie Julie ou la Nouvelle Héloïse, qui connut un immense succès. Puis, Du Contrat Social et l'Émile (1762), dont les thèses religieuses furent condamnées. C'est de nouveau des années d'errance. Il rédige, de 1765 à 1770, Les Confessions. Enfin, il évoque ses souvenirs dans Les Rêveries du promeneur solitaire (de 1776 à sa mort). Il meurt à Ermenonville, le 2 juillet 1778.

Titre de l'ouvrageEssai sur l'origine des langues, où il est parlé de la Mélodie et de l'Imitation musicale
Titre traduit
Titre courtEssai sur l'origine des langues
Remarques sur le titre
Période|18e s.|
Type de l'ouvrageEssai philosophique.
Type indexéCompilation de langues | Origine du langage | Philosophie du langage
Édition originaleRédaction commencée dans les années 1755. La première publication est posthume: Du Peyrou, Pierre-Alexandre (éd.). Genève: [Société typographique], 1781 (vol. III, p. 209-325).
Édition utiliséeDu Peyrou, Pierre-Alexandre (éd.). Genève: [Société typographique], 1781 (vol. III, p. 209-325).
VolumétrieLe volume: in 8°, 20 cm. [4]-439-[1] p.-1 f. dépliant. L'Essai sur l'origine des Langues, 116 p. (p. 209-325).
Nombre de signes124882
Reproduction moderneCinq éditions de ces vingt-cinq dernières années: Kremer-Marietti, Angèle (éd.) 2013, Paris, L'Harmattan; Starobinski, Jean et Frédéric S. Eigeldinger (éd.) 1997, Paris, H. Champion; Zernik, Eric (éd.) 1994, Paris, Hatier; Kintzler, Catherine (éd.) 1993, Paris, Flammarion; Porset, Charles (éd.), 1968, Bordeaux, G. Ducros; Porset, Charles (éd.), 1992, Paris, A. G. Nizet.
DiffusionParmi les très nombreuses rééditions: Du Peyrou, Pierre-Alexandre (éd.) 1780-1782, Londres, [s.n.]; Rousseau, Jean-Jacques 1782, Genève, [Société typographique]; Rousseau, Jean-Jacques 1782-1783, Neuchâtel, S. Fauche; Rousseau, Jean-Jacques 1783, Londres, Bruxelles, J.-L. de Boubers; Rousseau, Jean-Jacques 1801, Paris, Impr. de P. Didot l'aîné; Rousseau, Jean-Jacques 1804, Bruxelles, J. L. de Boubers; Rousseau, Jean-Jacques 1817, Paris, A. Belin (Les Classiques des sciences sociales, 2002); Rousseau, Jean-Jacques 1855-1856, Francfort-sur-le-Main, H. Bechhold; Rousseau, Jean-Jacques 1983, Paris, A. Braik; Zernik, Eric (éd.) 1983, Paris, Hatier (PhiloSophie, 2008). Et une célèbre édition en italien: Verri, Antonio (éd.) 1970, Ravenne, Edizioni A. Longo.
Langues ciblesLes langues et le langage en général
MétalangueFrançais
Langue des exemplesLe grec, le latin, le français, le turc, l'italien, l'arabe, entres autres. Ce sont les caractéristiques générales de ces langues qui sont évoquées; pas de véritables exemples
Sommaire de l'ouvrageChapitre I, Des divers moyens de communiquer nos pensées.
Chapitre II, Que la premiere invention de la parole ne vient pas des besoins, mais des passions.
Chapitre III, Que le premier langage dut être figuré.
Chapitre IV, Des caracteres distinctifs de la premiere Langue & des changemens qu'elle dût éprouver.
Chapitre V, De l'Ecriture.
Chapitre VI, S'il est probable qu'Homère ait su écrire.
Chapitre VII, De la Prosodie moderne.
Chapitre VIII, Différence générale & locale dans l'Origine des Langues.
Chapitre IX, Formation des Langues Méridionales.
Chapitre X, Formation des Langues du Nord.
Chapitre XI, Réflexions sur ces différences.
Chapitre XII, Origine de la Musique & ses rapports.
Chapitre XIII, De la Mélodie [erreur dans l'édition 1781: "De l'Harmonie"].
Chapitre XIV, De l'Harmonie.
Chapitre XV, Que nos plus vives sensations agissent souvent par des impressions morales.
Chapitre XVI, Fausse analogie entre les couleurs & les sons.
Chapitre XVII, Erreur des Musiciens nuisible à leur Art.
Chapitre XVIII, Que le systême musical des Grecs n'avoit aucun rapport au nôtre.
Chapitre XIX, Comment la Musique a dégénéré.
Chapitre XX, Rapport des Langues aux Gouvernemens.
Objectif de l'auteurLa question de l'origine des langues se confond avec celle de l'origine de l'homme. Pour quelles raisons l'homme a-t-il eu besoin de parler? Et comme il semble difficile d'imaginer une communication sans le recours à une langue, quelle est celle qui rend le mieux compte de l'essence de la parole? L'histoire et l'évolution des sociétés ont dénaturé le langage. Le temps a rendu les langues trop méthodiques ou raisonnées. A l'origine, les langues furent tout autre chose…
Intérêt généralLa composition générale de l'Essai (appuyée sur trois thèmes majeurs: l'origine des langues, l'imitation musicale et la mélodie) rend compte du postulat principal de Rousseau. Il associe l'origine du langage à celle de la musique: musique et langue sont liées par la mélodie. Il prend ainsi le contrepied de Jean Philippe Rameau. Rousseau s'oppose à la plupart des thèses en cours. Ce n'est ni le besoin, ni la raison qui fonde la parole. Ce sont les passions. L'homme parle parce qu'il est un être sensible. «Sitôt qu'un homme fut reconnu par un autre pour un être sentant, pensant et semblable à lui, le désir ou le besoin de lui communiquer ses sentiments et ses pensées lui en fit chercher les moyens» (début du chap. I). C'est la voix qui rend l'homme capable de s'extérioriser. «Voilà les plus anciens mots inventés, et voilà pourquoi les premières langues furent chantantes et passionnées avant d'être simples et méthodiques» (fin du chap. II). Si l'homme ne parlait que par nécessité, la parole serait inutile. «Les besoins dictèrent les premiers gestes, les passions arrachèrent les premières voix» (début du chap. II). Musique et langage sont consubstantiels. Mais la musique est première: on a chanté avant de parler. Mais l'évolution des langues est celle d'une progressive dégradation. Les chapitres V, VI et VII abordent l'écriture, la langue d'Homère et la prosodie moderne. La linéarité de l'écriture est la cause de la perte du «génie» de la langue (chap. V). La langue de la raison, le français, fait suite à la langue du cœur, le grec. Rousseau invoque alors les différenciations «locales» (ou «climatiques»), opposition Nord-Midi (théorie des climats de Montesquieu). «Celui qui voulut que l'homme fût sociable toucha du doigt l'axe du globe & l'inclina sur l'axe de l'univers. A ce léger mouvement, je vois changer la face de la terre & décider la vocation du genre-humain.» (chap. IX, p. 266). Il y eut d'abord les langues méridionales (langage réduit au geste et aux sons inarticulés). Les langues du midi, nées du désir, sont plus mélodieuses. Les langues du Nord, «tristes filles de la nécessité» (chap. X), sont nées des besoins et «le premier mot ne fut pas chez eux aimez-moi, mais aidez-moi» (chap. X). On voit comment, à l'origine, on est passé de la langue à la musique. En musique, harmonie et mélodie s'opposent, comme articulation et sons, dans la langue. L'évolution du langage suit les besoins de l'homme: langage moins mélodieux, marqué davantage par l'articulation qui mène au langage actuel.
Parties du discoursElles ne sont pratiquement pas évoquées. Quelques rares occurrences des termes "adverbe(s)", "conjonction", "noms" ou "verbes". Ce sont des emplois illustratifs. Retenons le contexte suivant: «Cette langue [la première langue] auroit beaucoup de synonymes pour exprimer le même être par ses différens rapports; peu d'adverbes & de mots abstraits pour exprimer ces mêmes rapports. Elle auroit beaucoup d'augmentatifs, de diminutifs, de mots composés, de particules explétives pour donner de la cadence aux périodes, & de la rondeur aux phrases; […] elle persuaderoit sans convaincre, & peindroit sans raisonner; elle ressembleroit à la langue Chinoise, à certains égards; à la Grecque, à d'autres; à l'Arabe, à d'autres» (chap. IV, p. 228).
Innovations term.Aucune, à notre connaissance.
Corpus illustratifPas d'exemple précis. Les langues méridionales sont évoquées pour prouver leur supériorité. Un exemple, dès le premier chapitre: «J'ai remarqué que les Italiens & les Provençaux, chez qui pour l'ordinaire le geste précède le discours, trouvent ainsi le moyen de se faire mieux écouter & même avec plus de plaisir. Et les langues du nord illustrent la rudesse… La langue italienne, non plus que la françoise, n'est point par elle-même une langue musicale. La différence est seulement que l'une se prête à la Musique, & que l'autre ne s'y prête pas.» (chap. VII). Résumé des langues citées: grec, hébreu, langue des égyptiens, langues du midi/du nord, langues méridionales/septentrionales, langues orientales, latin, turc, langue épistolaire des salams, et langue animale (celle des castors et des fourmis).
Indications compl.
Influence subieQuelques influences majeures qui ont inspiré l'œuvre de Rousseau: Tacite (Histoires), Plutarque (Vies parallèles), Grotius (humanisme), Samuel von Pufendorf (droit naturel), Thomas Hobbes (état de nature et contrat), Descartes (spiritualisme), Locke et Condillac (empirisme).
Influence exercéeL'influence de Rousseau est bien entendu considérable, philosophiquement et politiquement: des révolutionnaires français (de 1789, 1830, 1848, etc.), à la philosophie allemande (à commencer par Kant).
Renvois bibliographiquesDerrida J. 1967; Du Peyrou P.-A. (éd.) 1780; Du Peyrou P.-A. (éd.) 1781; Duchet M. & Launay M. 1967; Ghorbel H. 2010; Kintzler C. (éd.) 1993; Kremer-Marietti A. (éd.) 2009; Kremer-Marietti A. 2009; Mosconi J. 1966; Porset C. (éd.) 1968; Porset C. 1976; Porset C. (éd.) 1992; Rousseau J.-J. 1782; Rousseau J.-J. 1782; Rousseau J.-J. 1783; Rousseau J.-J. 1801; Rousseau J.-J. 1804; Rousseau J.-J. 1855; Rousseau J.-J. 1983; Rousseau J.-J. 2002; Schefer J.-L. (éd.) 1990; Simone M. 2008; Smith A. 1796; Starobinski J. 1976; Starobinski J. (éd.) 1990; Starobinski J. & Eigeldinger F. S. (éd.) 1997; Verri A. (éd.) 1970; Zernik E. (éd.) 1983; Zernik E. (éd.) 1994
Rédacteur

Pelfrêne, Arnaud

Création ou mise à jour2017-02