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Raynouard, François-Juste-Marie. Choix des poésies originales des troubadours. Tome premier – T01

Recherches
sur l'origine et la formation
de la langue romane.

Éléments de la grammaire de cette langue,
avant l'an 1000.

Dès que les Romains se crurent appelés à la conquête
du monde, ils sentirent l'avantage et la nécessité d'attacher
à la métropole les nations soumises ou vaincues :
parmi les moyens que la sagesse du sénat eut l'art d'employer,
l'un des plus prompts et des plus efficaces fut
d'établir, avec ces différentes nations, les rapports sociaux,
les liens politiques d'une communauté de langage ;
et toutes les fois que la victoire permettait au peuple-roi
d'imposer le joug de sa domination 11, il imposait aussi
celui de son idiôme.

Les magistrats romains affectèrent de n'admettre que
cet idiôme dans leurs communications avec les cités de
la Grèce et de l'Asie ; plus ils faisaient vanité de connaître
1et d'estimer les chefs-d'œuvre de la littérature grecque,
plus ils exigeaient impérieusement que le descendant de
Miltiade ou d'Aristide, empruntant la voix d'un interprète,
rendît hommage à la langue des maîtres du
monde 12.

Une loi expresse enjoignait aux Préteurs de ne promulguer
qu'en latin leurs décrets et leurs édits 23.

On lit dans Strabon 34 que, sous la domination romaine,
les Espagnols de la Bétique s'assujettirent tellement
aux mœurs étrangères, qu'ils oublièrent l'idiôme natal.

Le même auteur 45 nous apprend que, dès le siècle
2d'Auguste, une grande partie des Gaulois avait adopté la
langue et les usages des Romains.

Telle était la force de l'opinion publique, qu'un empereur,
hazardant devant le sénat le mot de monopole,
emprunté du grec 16, crut nécessaire de s'excuser. Et cet
empereur, c'était Tibère.

Dans une autre circonstance, il fit effacer d'un décret
du sénat le mot d'emblême, et il prescrivit d'employer
une périphrase, plutôt que d'admettre cette expression
étrangère.

Par l'ordre de l'empereur Claude, un gouverneur de la
province de Grèce, personnage très-distingué, fut privé
de son emploi, et même du droit de citoyen. Quel était
son tort ? il ignorait la langue latine.

Les Lyciens, coupables de rébellion, avaient député à
Rome un de leurs compatriotes, honoré du titre de citoyen
romain. Ce même prince, interrogeant l'envoyé, et reconnaissant
qu'il n'entendait pas le latin, le dépouilla du droit
de cité, alléguant que, pour être digne de participer aux
3privilèges des Romains, il était indispensable de comprendre
et de parler leur langue 17.

A l'époque où Plutarque composait ses ouvrages, il
regardait cette langue comme universelle 28.

Adoptée par la province d'Afrique, elle avait entièrement
prévalu sur l'idiôme carthaginois, autrefois seul
idiôme des pays où l'illustre évêque d'Hippone exerçait
son pieux ministère 39. Aussi, dans l'un de ses sermons, il
s'explique en ces termes :

« On connaît le proverbe punique que je rapporterai
en latin, parce que chacun de vous n'entend pas le
punique. Ce vieux proverbe dit : Si la peste demande
un denier, donne-lui en deux, et qu'elle s'éloigne 410. »

L'usage de n'admettre que la langue latine comme
idiôme national était tellement établi et observé, que,
même après la translation du siège de l'empire, Arcadius
et Honorius furent obligés de rendre une loi expresse,
pour permettre aux magistrats de rédiger leurs jugements
en grec ou en latin 511.4

Les peuples subordonnés à l'autorité de Rome n'avaient
parlé d'abord la langue latine que par nécessité ; ils l'étudièrent
bientôt par intérêt et par ambition.

Se soumettre à l'idiôme, aux usages, à la discipline
civile et militaire des vainqueurs, c'était pour les cités,
pour les contrées entières, un moyen de mériter l'émancipation
politique, ou d'obtenir d'utiles distinctions et des
avantages honorables.

L'action de ce système conquérant, qui associait des nations
vaincues et opprimées au langage, aux mœurs, et
quelquefois aux privilèges des enfants de la métropole,
devenait un véritable bienfait.

Avouons, à la gloire de Rome, que la civilisation de
quelques-uns des peuples qui avaient été contraints de
fléchir sous le joug de la victoire, fut le noble dédommagement
de leur humiliation ; et c'est peut-être la seule
fois que de longues et grandes conquêtes ont offert une
compensation des injustices et des malheurs qui les produisent.

En prescrivant à ces peuples l'usage d'une langue qu'illustraient
des ouvrages où le bon goût et la saine
philosophie se trouvent réunis au mérite d'un beau
style, Rome ne leur communiquait pas seulement l'art
d'écrire ; elle leur communiquait une faveur plus précieuse :
l'art de penser. Oui, la science qui instruisit le
vaincu à parler la langue des Romains, lui apprit aussi
à sentir, à juger, à penser comme eux.

C'est sur-tout à la langue latine que l'on peut appliquer
5la belle pensée du poëte Rutilius Numatianus, qui
disait en célébrant Rome :

Fecisti patriam diversis gentibiis unam 112
Urbem fecisti quod prius orbis erat.
Itiner. lib. I.

La carrière du barreau et celle des lettres étaient ouvertes
à tous ceux qui savaient le latin ; l'une et l'autre
carrière conduisait aux premiers emplois et aux plus
grands honneurs.

Bientôt l'Espagne, la Gaule transalpine et la Gaule
cisalpine, fournirent au sénat, au gouvernement, aux
armées, à la littérature, des personnages illustres, dont
les talents contribuèrent à, soutenir la gloire et la renommée
de la patrie adoptive.

Malgré les ravages des hommes et du temps, nous
possédons les ouvrages précieux d'un grand nombre d'écrivains
nés dans ces contrées qui, avant d'être soumises
aux Romains, n'avaient que des idiômes dont il ne nous
est parvenu aucun monument ; c'est à la langue des vainqueurs
que ces écrivains furent redevables de leurs succès,
et peut-être même de leurs talents.

Parmi les auteurs qui, depuis les conquêtes de Rome,
occupèrent un rang distingué dans la littérature latine,
6l'Espagne s'honore d'avoir produit les deux Sénèque, Lucain,
Pomponius Mela, Columelle, Martial, Silius Italicus,
Hygin, etc. Et nous-mêmes avons quelque plaisir à nous
rappeler que Cornelius Gallus, Trogue-Pompée, Pétrone,
Lactance, Ausone, etc., naquirent dans les Gaules.

Cependant la plupart des institutions qui avaient préparé
et favorisé l'envahissement du monde par les Romains,
n'existaient plus. Celles qui existaient encore avaient
perdu leur active influence. Faut-il s'en étonner ? Elles
n'étaient plus en rapport avec le gouvernement et avec les
mœurs.

Cette sagesse profonde et circonspecte, qui jadis était
à-la-fois le secret et la force de l'État, cette constance
habile, cette politique invariable, qui, pendant plusieurs
siècles, dirigèrent un sénat dont les membres se renouvelaient,
et dont l'esprit restait toujours le même, pouvaient-elles
se retrouver dans des princes chargés, à eux
seuls, d'une grande puissance, et incapables d'en supporter
le fardeau ? Princes souvent malheureux, et quelquefois
méprisables, ils étaient réduits à se choisir des associés,
et même à les accepter. Ces monarques précaires affaiblissaient
l'autorité en la partageant ; et, presque toujours,
ce partage ne faisait que mêler les calamités de la guerre
civile aux malheurs de la guerre étrangère.

D'ailleurs, le génie qui élève les empires par les hardiesses
de l'ambition et par les infortunes de ses victimes,
est si différent de celui qui maintient les états par la sagesse
du gouvernement, et par la prospérité des citoyens !

Cet empire romain, constamment agrandi en attaquant
7les peuples et en les rejetant au loin, était enfin réduit
à se défendre contre le reflux de ces mêmes peuples,
qui de toutes parts envahissaient et franchissaient impunément
ses frontières trop vastes, trop éloignées, trop
dégarnies.

La translation du siège de l'empire dans une ville de
Thrace ne livra-t-elle pas l'Occident aux invasions des
hordes conquérantes, lorsqu'elle dépeupla Rome de nombreux
citoyens qui, par leurs talents, leur rang, et leur
ambition, eussent conservé plus entier le sentiment ou
du moins le noble souvenir de la grandeur romaine ?

Les habitants qui furent laissés dans les murs de l'antique
cité, déshéritée alors de ses titres de capitale du
monde et de ville éternelle, ne conservèrent pas longtemps
cet esprit public, cet orgueil national, qui par
fois tiennent lieu de vertu politique dans les pays où
cette vertu n'est pas inspirée par de sages et heureuses
institutions.

Les nombreux débordements des nations, qui, tour-à-tour
et de différents côtés, inondèrent, ravagèrent plusieurs
contrées de l'Europe, menaçaient la langue latine d'être
ensevelie sous les débris de l'empire romain.

Mais, depuis moins d'un siècle, une révolution extraordinaire
qui eut bientôt la plus grande influence sur les
destinées des peuples et des rois, une révolution qui donna
une direction nouvelle aux lettres, aux sciences et aux
arts, préparait à la langue latine les moyens de maintenir
sa durée et d'accroître son autorité.

Le même empereur qui conçut avec tant d'audace, et
8exécuta avec tant de promptitude le projet de changer le
siège de l'empire, Constantin, arborant la croix, l'avait
élevée avec lui sur le trône du monde.

Peu-à-peu le christianisme s'affermit ; enfin il domina :
et Rome, qui avait perdu l'avantage d'être la métropole
de l'empire, parvint, par l'accroissement de sa puissance
spirituelle, à l'avantage non moins précieux de rester la
métropole de la religion.

Tandis que la langue grecque se dégradait à la cour
des empereurs d'Orient, la langue latine, idiôme de la
cour des papes, s'associant aux illustres succès de l'église
catholique, devint l'interprète des décrets du ciel, et une
seconde fois elle eut le droit de s'appeler universelle.

Ici se présente un phénomène historique, qui peut-être
n'a pas été assez remarqué.

A cette époque où la civilisation de tant de pays
divers était sans cesse attaquée et presque détruite par
les invasions des nations étrangères, la providence vint
au secours des vaincus et sur-tout des vainqueurs ; un
nouveau genre de sociabilité remplaça le bienfait de la
politique romaine : la religion chrétienne maintint ou
rétablit la civilisation sur des principes invariables, sacrés,
et indépendants de la politique de l'homme.

Ce mouvement général des esprits, qui, à diverses
époques, forme et entretient entre les peuples une communication
irrésistible de pensées et de sentiments, cette
impulsion morale, qui, au XIIe siècle, produisit les croisades ;
au XIIIe, favorisa dans une grande partie de l'Europe
9l'établissement du droit municipal ; au XVIe, propagea
les sectes religieuses ; et qui, au siècle dernier, a
suscité et répandu l'esprit philosophique ; ce désir d'améliorations,
cet enthousiasme d'opinions et d'espérances,
favorisaient, depuis quelque temps, les progrès de la religion
chrétienne.

Quel bonheur pour les peuples, lorsque des conquérants
effrénés s'humilièrent devant les pontifes d'une religion
qui leur révélait un maître, à eux qui semblaient
nés pour n'en connaître aucun, et un maître d'autant
plus craint et vénéré, qu'il était toujours présent et toujours
invisible !

Puissants médiateurs entre les peuples et les rois, souvent
les évêques méritèrent le droit d'exercer leur auguste
et honorable mission, et de dire impunément aux vainqueurs
des nations, comme saint Rémi à Clovis : Abaisse,
fier sicambre, abaisse ton col docile sous le joug
religieux
113.

Les maximes d'indulgence, de générosité, de bienveillance,
que proclame et qu'exige l'évangile, inspirèrent
quelquefois aux dominateurs des peuples, aux puissants,
aux riches du siècle, une juste modération, et même des
égards pour des hommes qui, dans l'ordre de la religion,
redevenaient leurs égaux.

Les lois du christianisme protégeaient hautement la
liberté civile ; souvent les seigneurs laïques et les simples
10citoyens affranchirent leurs esclaves, dans le seul dessein
de satisfaire aux devoirs de la charité chrétienne.

Les formules Angevines contiennent le modèle de l'acte
de liberté, qui commence par ces mots :

« Par respect pour la divinité, et afin d'obtenir le salut
éternel de mon ame, je te déclare libre 114. »

Dans toutes les autres formules qui nous restent, ce
sont encore des sentiments religieux qui motivent ces
actes de libéralité 215.

Un titre ancien offre ces expressions remarquables :

« Puisque le fils de Dieu est venu nous affranchir de
l'esclavage du péché, nous devons nous-mêmes affranchir
les hommes de la servitude. Il nous a dit : Délivrez,
et vous serez délivrés
 ; et à ses apôtres : Vous
êtes tous frères
. Or, si nous le sommes, devons-nous
retenir nos frères sous le joug de la servitude 316. »11

L'Occident avait été envahi par différentes nations 117 ;
mais, à travers le choc des opinions, des mœurs, des intérêts,
et des vœux opposés, l'autorité de la religion assujettissait
les chefs et les citoyens à l'usage de la langue
latine. Heureux lien de communication entre les nouveaux
et les anciens habitants rapprochés par la civilisation
religieuse, cette langue devint celle des gouvernements,
parce qu'elle était l'idiôme de la cour papale, de la théologie,
du culte, et des cloîtres.

Mais, dans ces circonstances difficiles, qui établissaient
entre les vainqueurs et les vaincus des relations indispensables,
les uns et les autres avaient-ils le moyen de connaître
et d'observer les règles compliquées du langage qui
leur devenait commun ? Non, sans doute. Il n'était plus ce
temps où des écoles publiques, ouvertes et entretenues à
grands frais dans les principales villes de l'Occident, transmettant
12le goût et la pureté des langues et des littératures
grecques et latines, répandaient l'instruction et
l'émulation dans toutes les classes de la société.

Le mélange de ces peuples qui renonçaient à leur
idiôme grossier, et adoptaient l'idiôme des vaincus, par
la nécessité d'entretenir les rapports religieux, civils et
domestiques, ne pouvait qu'être funeste à la langue
latine. La décadence fut rapide.

Du moins si les personnages puissants, qui exerçaient
la suprématie spirituelle et temporelle, avaient consacré
leurs moyens de persuasion et d'autorité à maintenir la
pureté sévère du langage ! Mais souvent ces personnages
mêmes donnèrent les exemples de la négligence et de la
violation des règles.

J'en pourrais rapporter des preuves nombreuses ; je me
borne à l'époque du pontificat d'un pape justement célèbre,
que l'église a mis au rang des saints, et à qui l'histoire
a conservé le nom de Grand.

Grégoire Ier occupait la chaire de saint Pierre à
la fin du VIe siècle ; ce pontife affectait un suprême
mépris pour la grammaire latine ; voici comment il s'en
explique dans une de ses lettres 118 :13

« Je n'évite point les barbarismes ; je dédaigne d'observer
le régime des prépositions, etc., parce que je regarde
comme une chose indigne, de soumettre les paroles de
l'oracle céleste aux règles de Donat 119 ; et jamais aucun
interprète de l'écriture sainte ne les a respectées. »

Cet illustre pontife apprenant que Didier, évêque de
Vienne, donnait des leçons de l'art connu alors sous le
nom de grammaire, lui en fit de vifs reproches 220 :

« Nous ne pouvons, écrivait-il, rappeler sans honte
que votre fraternité explique la grammaire à quelques
personnes ; c'est ce que nous avons appris avec chagrin,
et fortement blâmé… Nous en avons gémi. Non, la
même bouche ne peut exprimer les louanges de Jupiter
et celles du Christ. Considérez combien, pour un prêtre,
14il est horrible et criminel d'expliquer en public des livres
dont un laïque pieux ne devrait pas se permettre la lecture.
Ne vous appliquez donc plus aux passe-temps et
aux lettres du siècle. »

Le dédain pour la littérature latine, qu'exaltait encore
la haine pour le paganisme, porta Grégoire-le-Grand à
faire brûler tous les exemplaires de Tite-Live qu'il put
découvrir. Saint Antonin raconte cette action comme honorable
à la mémoire du pontife romain 121.

Ce zèle, trop ardent sans doute, l'entraîna dans une
erreur que j'appellerai celle de son siècle ; mais quel nom
donner au vœu du professeur de Louvain, Jean Hessels,
qui s'écrie à ce sujet : « Heureux, si Dieu envoyait beaucoup
de Grégoires 222 ! »

Dirai-je que sous le pontificat de Zacharie, il se trouva
tel prêtre qui ne savait pas assez de latin pour exprimer
convenablement la formule essentielle au sacrement
du baptême ? Ce pape eut à prononcer sur la validité de
ce sacrement conféré en ces termes :15

« Ego te baptiso in nomine patria et filia et spiritus
sancti. »

Saint Boniface, évêque de Mayence, avait ordonné de
baptiser de nouveau ; le pape décida que le baptême était
valable, si les paroles sacramentelles avaient été mal
prononcées 123, par ignorance de la langue, et non par
esprit d'hérésie.

Toutefois la décadence de l'idiôme latin eût été moins
prompte et moins générale, si, dans les divers pays de la
chrétienté, les princes, les grands, et les officiers civils
avaient imité et répandu le style de la cour de Rome et
de la plupart des chefs ecclésiastiques.

Pendant ces siècles d'ignorance et de barbarie, les
décrets des conciles, les bulles et les lettres des papes, les
écrits de quelques évêques, sont remarquables, si non par
l'élégance, du moins par la correction. Mais quelle différence
dans les chartes ou diplômes des rois, des comtes,
des seigneurs, et dans les actes des magistrats laïques,
etc. etc. !

Dès le sixième siècle, la langue latine était tombée
dans un état de corruption peut-être irréparable. On en
jugera par les détails suivants :

Indépendamment de la difficulté que présentent des
16mots barbares qu'on avait été obligé de latiniser, il s'était
établi une transmutation des voyelles, presque toujours
employées, les unes à la place des autres 124.

E au lieu d'I.

I — E.

O — U.

U — O.17

En ouvrant au hasard les recueils qui contiennent les
diplômes, chartes, et écrits de cette époque, nous sommes
étonnés de ces changements continuels, qui altéraient et
corrompaient la langue latine d'autant plus rapidement,
qu'ils n'étaient soumis à aucune règle d'analogie, ni même
à aucun principe de convention.

Ce qui augmentait encore la difficulté de comprendre
et de parler cette langue, c'était la violation presque
continuelle des différentes règles de la grammaire.

Les prépositions étaient employées très-souvent avec
un régime arbitraire 125.18

On violait grossièrement la règle qui soumet l'adjectif
19à prendre le nombre, le genre, et le cas du substantif
auquel il se rapporte 126.

Quelquefois le sujet n'était pas mis au nominatif 227.20

On n'observait pas plus exactement les régimes des
verbes et des noms 128.

Il en était de même de la règle qui exige l'ablatif, soit
comme absolu, soit comme désignant le temps et le lieu 229.21

Mais qu'est-il nécessaire d'accumuler les preuves de la
dégradation du style alors employé par la plupart des
personnes qui écrivaient en latin ? Les auteurs contemporains
l'ont généralement attestée ; les auteurs postérieurs
l'ont unanimement reconnue.

Grégoire de Tours, dans la préface de son ouvrage de
la Gloire des confesseurs, craint qu'on ne reproche
à sa diction ces sortes de fautes, et qu'on ne lui dise :
« Trop souvent vous mettez le féminin à la place du masculin,
le neutre à la place du féminin, et le masculin à
celle du neutre. Intervertissant le régime des prépositions,
vous faites gouverner l'accusatif à celles qui gouvernent
l'ablatif, ou vous substituez l'ablatif à l'accusatif 130 ».

Avons-nous à prononcer sur la falsification des titres
de cette époque reculée ! La transmutation des voyelles,
la rudesse des locutions, la violation des règles grammaticales,
la rouille du style, deviennent autant de présomptions
22et d'arguments en faveur de la sincérité des
actes 131.

Le célèbre Jérôme Bignon, publiant la première édition
des formules de Marculfe, avait, par d'indiscrètes
corrections, altéré la barbarie du manuscrit : on a su gré
au docte Baluze d'avoir rétabli les fautes du texte original.

Un savant espagnol, s'expliquant sur les écrits d'Élipand,
archevêque de Tolède, qui vivait dans le VIIIe siècle,
reconnaît que, depuis long-temps, on faisait un emploi
tout-à-fait arbitraire des diverses désinences qu'imposent
à chaque cas les règles des déclinaisons latines 232.

Dans une telle dégradation du langage, comment pouvait-on
désigner et reconnaître les rapports grammaticaux
que les noms doivent nécessairement avoir entre
eux ? Comment distinguer les sujets des régimes, et les
régimes directs des régimes indirects ?

Cet instinct habile et persévérant qui, lors de la formation
des langues, conduisit à tant d'heureux résultats,
employa encore son étonnante industrie.

Pour exprimer les rapports des noms, on eut d'abord
recours à l'emploi des prépositions de et ad.

Au lieu du génitif, qu'on ne savait plus indiquer par
la désinence du cas latin, on employait la préposition de ;
23au lieu du datif, la préposition ad ; et, à la faveur de ces
signes, on donnait le plus souvent des désinences arbitraires
aux noms qu'ils précédaient.

Quelles que fussent ces désinences, la préposition
de faisait reconnaître un rapport, une fonction de génitif 133.

Et la préposition ad faisait reconnaître un rapport, une
fonction de datif 234.

L'emploi auxiliaire des prépositions de et ad est très-fréquent
dans les chartes, diplômes, et autres actes des
24VIe, VIIe, VIIIe, IXe, et Xe siècles. Il ajoute un nouveau
caractère de dégradation à la langue latine, déjà méconnaissable
par la violation de la plupart des règles grammaticales.

Les rédacteurs de ces écrits s'étaient nécessairement
préparés à l'exercice de leurs fonctions par une étude plus
ou moins approfondie de ces règles ; et tel est leur style !
Quelle idée nous ferons-nous du langage des personnes
illettrées ? Ai-je besoin de prouver que ce langage ne pouvait
être qu'un jargon barbare et inintelligible ? Doutera-t-on
que sa barbarie même n'ait forcé ceux qui le parlaient
à chercher des moyens moins compliqués, plus faciles,
plus clairs, pour exprimer leurs sentiments, et communiquer
leurs pensées ?

L'évidence morale supplée ici à l'absence des preuves
matérielles.

Lorsque, par l'effet de toutes ces innovations qui
avaient détruit les anciennes règles, la désinence des différents
cas fut devenue presque arbitraire, et que le sens
attaché aux noms ne dépendit plus de la différence du
signe qui les terminait, il n'y eut qu'un pas à faire pour
donner à cette licence grammaticale une sorte de régularité.

Ces diverses terminaisons n'étant plus indispensables
pour l'intelligence du sens, il n'y avait qu'à les supprimer,
et c'est ce qui fut exécuté adroitement. On retrancha des
substantifs latins toutes leurs désinences caractéristiques,
et il ne fut plus nécessaire de connaître, ni d'observer les
règles des déclinaisons.25

Cette opération qui rendait le substantif et l'adjectif
indéclinables pour les cas, s'établit et se maintint sur les
principes d'une analogie constante et invariable.

Formation des substantifs.

Je place au premier rang des substantifs de la nouvelle
langue, ceux qui furent formés de l'accusatif latin, en
supprimant sa désinence caractéristique.

tableau abbat em | generositat em | obscuritat em | accident em | gent em | occident em | art em | gland em | parent em | benignitat em | habilitat em | pietat em | bov em | habitant em | part em | caritat em | immensitat em | pont em | carn em | infant em | qualitat em | cohort em | instant em | rapiditat em | deitat em | lact em | salut em | dot em | libertat em | sanctitat em | duc em | majestat em | serpent em | elephant em | mont em | sort em | aeternitat em | mort em | trinitat em | facultat em | nativitat em | torrent em | flor em | nepot em | utilitat em | font em | niv em | veritat em | fraud em | noct em | virtut em 135.26

Avec les substantifs empruntés à la langue latine par
la suppression de la désinence des accusatifs, il faut comprendre
aussi ceux que la nouvelle langue dériva des
27noms latins terminés en io 136, dont l'accusatif ion em,
quittant la finale em, a fourni tant de noms en ion.

Je ne rapporterai point les substantifs ainsi formés.

Depuis abdication em jusqu'à vocation em, tous
ont été soumis à la même règle d'analogie.

Après cette première classe de substantifs, je placerai
ceux qui ont été vraisemblablement formés en retranchant
la désinence de l'accusatif ou du nominatif, l'une et l'autre
suppression offrant le même résultat.

tableau aur um | instrument um | riv us | ban nus | joc us | sac cus | chor us lup us | tect um | dol us | mur us | us us | exil ium | nas us | vers us | fraen um | odorat us | zephyr us | gaud ium | paradis us | etc. etc. | hom o | quart um 237

Quand la suppression de la désinence laissait à la fin
28du mot deux ou plusieurs consonnes, dont la prononciation
29ne rendait plus le son plein qu'exige l'euphonie, une voyelle finale fut ajoutée à ces consonnes :

Ainsi, arbitr um produisit arbitr e 138.

Quelquefois des noms furent formés par la seule soustraction
des voyelles intérieures,

Corpus, tempus, corps, temps.

D'autres changèrent en y le g final, qui, après la suppression
de la désinence, les eût terminés trop durement.

Leg em, reg em, ley, rey.

Enfin, par une soustraction intérieure combinée avec
la suppression de la désinence et son remplacement par
la voyelle finale, furent formés les noms tels que

Articul us articl e Oracul um oracle
Arbore m arbr e Etc. etc.
239.

L'euphonie fit aussi supprimer les consonnes intérieures
qui auraient rendu trop rude la prononciation des noms
tels que

Fratre m Matre m Patre m,

qui furent remplacés par

Frare Mare Pare.30

Une autre classe de substantifs se compose de ceux qui
par leur identité avec le nominatif latin, paraissent avoir
été fournis par ce nominatif même.

Presque tous les substantifs en a : rosa, porta, terra.

Quelques-uns en al : animal, sal.

En ar : cæsar, nectar.

En el : fel, mel… En ol : sol.

Ceux en or : amor, furor, vapor.

En ul et en ur : consul, murmur.

En us : jus, hiatus.

Cependant la plupart de ces substantifs furent peut-être
dérivés de l'accusatif latin, lorsqu'il était le même ou qu'il
devenait le même par la suppression de la désinence. Ainsi
le singulier rosa serait venu de l'accusatif rosam. Ce
qui permettrait de le penser, c'est que le pluriel rosas n'a
pu être emprunté que de l'accusatif rosas.

Cette observation s'applique à tous les noms féminins
en a.

Formation des adjectifs.

Les mêmes règles dirigèrent leur formation :

tableau assidu us | human us | prompt us | baptismal is | infect us | qual is | clar us | just us | rustic us | délicat us | long us | sanct us | evident em | mut us | tumultuari us | fort is | nud us | un us | glorios us | obscur us | vil is 240.31

Parmi les adjectifs de la nouvelle langue, il faut compter,
32sans aucune exception, tous les adjectifs verbaux
formés des participes présents et passés.

Amant em Amat um etc. etc.

Il y eut aussi, dans la formation de quelques adjectifs,
des soustractions d'une voyelle intérieure, comme dans
les noms terminés en ibilis.

Divisibil is Flexibil is Terribil is
Eligibil is Horribil is Visibil is etc.

Telle fut en général l'origine et la formation des noms
substantifs et adjectifs de la langue romane.

J'en ai exposé la théorie ; il me reste à la confirmer
par des exemples.

Je les choisis dans les divers monuments de cette
langue, depuis le commencement du VIIe siècle jusqu'à
l'an 1000.

Exemples de l'emploi des substantifs romans.

Je ne m'arrêterai point sur les différents substantifs
romans qui se trouvent dans le serment de 842, tels que
amur, deo, deus, fradre, om, plaid, sagrament,
salvament, etc. ; je citerai des exemples qui n'aient
pas encore été remarqués.

Rio venant de riv us, ruisseau, se trouve employé en
33France dès 631 141, en Italie dès 776 242, et en Espagne,
aux années 781 343, 888 444, et 922 545.

Gurg, de gurg es, gouffre, est employé dans un titre
de l'église d'Urgel 646, en 832.

Feu, de feu dum, fief, se trouve dans un acte de 935 747.

Mas, de mans us, certaine contenance de terre, se
rencontre plusieurs fois dans un titre de 935 848.

Castel, de castel lum, château,

Dam, de damn um, dommage,

Dreit, de direct um, droit,

Merce, de merce s, salaire,

Postad, de potestat em, pouvoir,
sont dans les titres de l'an 960 949.

Jornal, de d iurnal e, mot de la basse latinité 1050,
signifiant quelquefois journée de travail, se remarque trois
fois dans un monument de 964 1151.34

Cart, de quart um, quart,

Fabriga, de fabrica, fabrique,

Pont, de pont em, pont,
se lisent dans un titre de 987, hist. du Langued. pr. t. 2.

Ce même titre offre alo, aripin, blat, substantifs de la
langue romane, que la basse latinité exprimait par les mots
d'alodem, aleu, d'Agripenus, arpent, et de bladum, bled.

Val, de Vallis, vallée, vallon 152, se trouve dans un
titre de 988.

Dans le poëme sur Boece, il n'est presque aucun nom
qui ne soit exactement formé selon l'analogie reconnue ;
je citerai entre autres :

tableau aur | enfant | perjuri | cap | essemple | rei | caritat | jovent | sang | clau largetat | valor | deceptio | libre | vertut | domna | mort | vis 25335

Exemples de l'emploi des adjectifs romans.

On lit dans le serment de 842 :

Christian, commun, Cadhun, nul.

Les titres de 960 et 987, déjà cités, offrent :

Tot, nul, quant, meg.

Et le poëme de Boece :

tableau bel | ferm | menut | clar | gran | par | corporal | grav | sord | dextre | jove | temporal | dreit | long | semestre | fals | mal aptes | viv 154

Cette opération grammaticale fut si exactement et si
généralement soumise aux règles de l'analogie, que, par
la seule théorie, on devinerait la forme des noms romans,
toutes les fois qu'ils ont été dérivés de noms latins.

Les mêmes principes furent appliqués aux substantifs
et aux adjectifs, lorsque le nouvel idiôme prit seulement
leur racine dans le latin, et à ceux même qu'il emprunta
des langues étrangères : les formes et les terminaisons de
ces noms n'ont aucun caractère qui les distingue essentiellement
du reste des noms romans.

Séduits par la conformité que les désinences en O et en
E de l'ablatif latin offrent avec les désinences de la plupart
des noms italiens et espagnols, quelques philologues ont
36prétendu que l'ablatif latin avait fourni directement les
substantifs et les adjectifs de la langue italienne et de la
langue espagnole.

Mais comment les ablatifs cantu, fructu, virtute,
veritate, febri, navi, tempore, frigore, viridi, forti,
celebri, salubri, etc. auraient-ils produit les noms italiens
et espagnols canto, fruto et frutto, virtu et
virtud, verita et verdad, febbre et fiebre, nave et
navio, tempo et tiempo, freddo et frio, verde, forte
et fuerte, celebre, salubre, et tant d'autres semblables ?

Ces philologues n'avaient considéré que les rapports
de l'idiôme de leur pays avec la langue latine. Ignorant
que la langue romane intermédiaire avait dit : cant,
fruct, virtut, veritat, febre, nav, temps, freg,
verd, fort, celebre, salubre, comment auraient-ils
reconnu que chacun des idiômes qui continuèrent la
langue romane avait ajouté au mot roman la modification
et la désinence le plus convenables aux peuples qui
devaient le prononcer, et que si les Espagnols ont conservé
le mot roman pan de pan em, les Italiens y ont
ajouté la désinence e, qui a produit pane, tandis que les
Français, modifiant avec l'i la prononciation de l'a qui
précède la consonne finale, ont fait pain ; et les Portugais,
selon leur usage, changeant l'n en m, ont dit pam,
ou terminant le mot en o, et supprimant l'm devenu intérieur,
ont dit pao 155 ?37

Une observation me semble décisive pour nous convaincre
que les noms romans ont été formés du nominatif,
et principalement de l'accusatif des Latins. Par ce système,
toutes les difficultés s'expliquent, tandis que les
autres cas, tels que le génitif et l'ablatif, n'offrent pas le
même avantage.

En effet, d'où seraient venus les relatifs que m et qui,
les substantifs rem et res, deu m et deus, etc. ?

Au reste, la solution de cette question particulière ne
change rien au fait certain et démontré, que la suppression
des désinences des cas, ou l'emprunt entier des mots
latins, a produit presque tous les substantifs et adjectifs
de la langue romane primitive.

Mais, lorsque les substantifs et les adjectifs eurent été
affranchis des terminaisons qui caractérisaient les cas
latins, le seul emploi des prépositions de et ad pouvait-il
suppléer à l'absence des signes qui spécifiaient ces cas ?

Non, sans doute ; cet emploi n'était pas assez fréquent ;
aussi, quand il n'avait pas lieu, les substantifs ne pouvaient
être que difficilement reconnus.

La nécessité suggéra une nouvelle ressource. Des documents
nombreux attestent, d'une manière incontestable,
que les pronoms ille et ipse étaient employés auxiliairement
dans la langue latine corrompue, et désignaient,
comme substantifs, les mots au-devant desquels ils étaient
placés ; en voici des exemples :38

VIe siècle : « Calices argenteos iv… Ille medianus
valet solidos xxx… Et ille quartus valet solidos xiii. »
An 552. Test, aredii Diplom. chart. t. I.

« Super fluvium Bria, in quo cadit quidam rivulus qui
ipsas déterminat terras, et pergit ipsus finis… Per ipsam
vallem et rivolum vadit. »
An 528. Dipl. Childeberti I. Diplom. chart. t. I.

VIIe siècle 156 : « Illi Saxones… Persolvant de illos navigios…
Ut illi negociatores de Longobardia sive Hispania
et de Provincia et de alias regiones. »
An 629. Dipl. Dagoberti I, Dipl. chart. t.1.

« Ipsum monasterium Vastatum est, et omnes res
quas ipsi monachi habebant cum ipsis chartis deportata. »
An 663. Dipl. chart. t.1.

VIIIe siècle 257 : « Dono… præter illas vineas, quomodo
ille rivulus currit…Totum illum clausum. »
An 721. Diplom. chart.t.1.39

« Dicebant ut ille teloneus de illo mercado ad illos
necuciantes… »
An 753. Dipl. et chart. t. I.

« Quiliano ab integre ; Lapedeto ipsa quarta parte ;
Colonicas Mercuriano ipsa quarta parte. »
An 782. Hist. du Languedoc, preuves, t. I.

IXe siècle : « Dicunt etiam quod illos pauperiores
constringant et in hostem ire faciunt. »
An 811. Capit. Karoli magni.

« In aliquis locis ipsi vicinantes multa mala patiuntur. »
An 806. Capit. Karoli magni.

Xe siècle. A cette époque, et sur-tout dans les pays
méridionaux, l'usage de cette locution devint si fréquent
et si général, que la langue latine, déjà corrompue par
tant d'autres causes, n'offrit plus qu'un jargon grossier et
entièrement défiguré 158.

Quand nous trouvons, dans les titres et les documents
de ces diverses époques, l'emploi auxiliaire des pronoms démonstratifs,
pour désigner les substantifs qu'ils précèdent,
douterions-nous que l'usage, ainsi établi dans la langue
latine écrite, ne fût encore plus commun dans la langue
latine parlée ?40

Et n'est-il pas évident que les nombreuses altérations
et modifications du pronom ille et de ses divers cas, produisirent
les articles de la langue romane ?

Des savants français et étrangers ont souvent observé
que l'article des langues modernes du midi de
l'Europe, dériva du pronom ille et de ses cas ; mais ces
philologues, ne remontant pas plus loin que la langue à
laquelle ils appliquaient leurs recherches, n'avaient pas
reconnu l'existence d'une langue intermédiaire ; ils indiquèrent
des rapports et des ressemblances, sans attacher
leurs observations et leurs conjectures au système général
de l'origine et de la formation de la romane primitive.

Ils avaient négligé de fonder la théorie de leur
système sur la preuve irrécusable de l'introduction des
pronoms ille et ipse dans la langue latine corrompue,
pour indiquer spécialement, comme substantifs, les mots
qu'ils précédaient ; circonstance qui explique comment,
dans le nouvel idiôme, l'instinct grammatical, par les
nombreuses modifications du pronom ille et de ses
cas, aura produit ces signes divers qui constituent les
articles.

Il n'est pas hors de vraisemblance que du pronom ipse,
ipso, employé aussi fréquemment que le pronom ille
au-devant des substantifs, la nouvelle langue rejetant la
première moitié, dont la prononciation était dure et difficile,
adopta la dernière, et produisit le pronom démonstratif
so.

Il y a plus ; l'idiôme vulgaire Sarde, qui a conservé
les autres caractères constitutifs de la langue romane,
41offre la circonstance remarquable que son article est so,
sa, venant sans doute d'ipse.

La nouvelle langue parvint de cette manière à créer et
à employer ces articles, qui, en nous indiquant et le genre
et le nombre, suppléent à l'absence des cas ; nouveauté
aussi hardie qu'heureuse, puisque, jusqu'alors, les langues
qui usaient d'articles, n'en avaient pas moins été soumises
aux règles des déclinaisons.

Articles de la langue romane.

tableau masculin | féminin | sing. | plur. | el | lo | la | els | li | los | il | las

combinés avec les prépositions de et ad,

tableau sing. | plur. | del | de la | dels | des | de las | al | el | a la | als | a las

Je crois avoir prouvé comment les altérations et modifications
du pronom ille, et de ses cas masculins et
féminins du singulier et du pluriel, ont produit ces différents
articles.

Je ferai seulement deux observations sur l'article el :

La première, que les Latins, dans le langage familier,
se servaient d'el lum pour ecce illum 159.42

La seconde, que le changement de l'i intérieur en e
fut fréquemment appliqué par la nouvelle langue aux
mots qu'elle empruntait de la langue latine 160.

Des monuments des VIIIe, IXe, et Xe siècles attestent
l'existence et l'emploi de ces articles.

An 793. « In loco la Ferraria. »
Muratori, dissert. 32.

An 810. « Ego Hugo della Roca… Lo mas de Castan… El
desme de Mauron. »
Arch. de Conq. Mem. pourl'hist. du Rouerg. par Bosc.

880. « Inde a la croe… duos rivulos d'Asperiole Ad
la Rochere… Infra rivulum del Brol et rivum
des Espesses de Murt. »
Hist. de Lorraine, par Calmet, pr. t. II, col. 143.

884. « Fossatum de la vite. »
Muratori, dissert. 32.

894. « Villam nostram quæ vocatur al la Corbaria. »
Balus. append. hist. Tullens.

An 924. « In loco qui dicitur al can. »
Balus. append. hist. Tullens.

927. « Dimitto Sexterias villa… et al la Cassania. »
Baluze, Pr. de l'hist. de la maison d'Auvergne.

930. « Sancti Beniti del Verni… Sancta Maria de la
Garda. »
Balus. append. hist. Tullens.43

An 960. « Del castel… Del comoniment. »
Tit. des comtes de Foix, de Bearn, etc. t.1, ms. de Colb.

987. « Sunt illas terras a las fabrigas … de meg aripin
de vinea lo cart. »
Hist. du Languedoc, preuves, t. II, col. 141

994. « Sancta Maria da li Pluppi. »
Muratori, Dissert. 32.

Ainsi furent formés et introduits dans la langue romane
ces articles qui caractérisent les langues de l'Europe
latine, c'est-à-dire la langue française, l'espagnole, la
portugaise, et l'italienne ; articles, dont l'emploi facile,
mais uniforme, a délivré ces idiômes modernes de la servitude
des déclinaisons latines, sans nuire à la clarté du
discours.

Le systême des articles fut-il indiqué par l'exemple
qu'offrait la langue grecque, ou par les exemples plus
récents et plus présents sans doute que fournissaient la
langue gothique et la langue francique, et les autres
idiômes du nord, qui ont employé les articles à une
époque très-ancienne ?

On peut dire de la langue grecque, que l'idiôme
roman a si peu de ressemblance avec elle, soit pour les
articles et les cas, soit pour les autres formes grammaticales,
qu'il est très-vraisemblable que, dans son origine,
il n'emprunta rien de cette langue.

A la vérité, nous rencontrons des hellénismes dans
la langue des troubadours ; ils y furent introduits sans
doute par les habitants du midi de la France, dont la
plupart étaient originaires de la Grèce : ces hellénismes
44enrichirent sans doute l'idiôme nouveau, mais n'influèrent
pas sur sa formation.

Quant à la langue gothique et à la langue francique, il
est vrai que la traduction de l'évangile, faite en langue
gothique par Ulphilas, dans le IVe siècle, et que des monuments
de la langue francique, qui remontent aux VIIe
et VIIIe siècles, offrent l'emploi des articles.

Mais les articles de la langue romane sont absolument
différents ; et une dissemblance encore plus décisive, et
qui exclut toute idée d'emprunt d'un idiôme à l'autre,
c'est que les articles employés par les Grecs, les Goths
et les Francs, ne les exemptaient pas de la nécessité
de décliner les noms, soit substantifs, soit adjectifs, tandis
que l'affranchissement des cas est l'un des caractères spéciaux
de la langue romane.

Il est donc permis de croire que l'existence des articles
employés par les autres idiômes, n'a eu aucune influence
directe et immédiate sur la formation des articles romans.

Toutefois il est très-vraisemblable que la langue gothique
et la francique ont contribué indirectement et médiatement
à la formation des articles romans, parce quelles
ont été cause de l'introduction des pronoms ille et ipse
dans la langue latine corrompue, à l'effet de désigner les
substantifs.

Les Goths et les Francs avaient dans leur langue l'usage
des articles.

Quand ils furent mêlés avec les anciens habitants des
pays qu'ils avaient conquis, et où ils s'étaient établis, la
45nécessité d'exprimer en latin les idées que leur esprit
concevait d'abord sous les formes de leur langue natale,
les força de chercher un signe latin pour reproduire le
signe de l'article, qui, dans cette langue, annonçait et
désignait le substantif.

Et comme les articles et les pronoms démonstratifs gothiques,
franciques, sont les mêmes, ou presque les
mêmes 161, ces peuples eurent recours aux pronoms démonstratifs
de la langue latine ille et ipse, pour rendre
dans cette langue le signe qui, dans leurs idiômes, caractérisait
le substantif en le précédant.

On remarque un emploi très-fréquent de l'ille, faisant
les fonctions de l'article dans la loi publiée par Dagobert,
sous le titre de Lex Alamanorum, qui paraît n'être que
la traduction d'une loi originairement écrite en langue
francique, traduction faite sans doute pour les peuplades
qui avaient traversé le Rhin. Au contraire la loi qui fut
aussi publiée par Dagobert, sous le titre de Lex Ripuariorum,
c'est-à-dire des habitants du pays situé entre le Bas-Rhin
et la Basse-Meuse, la plupart anciens Romains, n'offre
plus le même emploi de l'ille devant les substantifs 262.46

L'opinion que je propose me paraît acquérir une sorte
d'évidence par la circonstance remarquable que la langue
romane, alors qu'elle a été vulgaire, a produit un semblable
effet sur la langue latine, employée encore dans les
actes publics. Les rédacteurs substituaient à l'article roman
de leur idiôme vulgaire parlé ces pronoms ille et ipse
de l'idiôme latin écrit, ainsi que l'avaient fait autrefois
les Goths et les Francs ; et cela devait arriver, quand ces
rédacteurs pensaient en langue romane, et écrivaient en
langue latine 163.

L'emploi auxiliaire de l'ille et de l'ipse devant les substantifs
se trouve aussi dans les titres et chartes de l'Italie 264
47et de l'Espagne 165; mais ces pièces ne sont pas d'une date
aussi reculée que les diplômes de la France dans lesquels
j'ai recueilli les exemples que j'ai cités.

Enfin on trouverait un nouveau motif de conviction
dans une autre circonstance également décisive, que je
crois ne devoir point omettre.

Dans quelques pays du nord, où les articles employés
par l'idiôme vulgaire sont les mêmes ou à-peu-près les
48mêmes que les pronoms démonstratifs, la langue latine
usitée pour les actes publics a quelquefois subi, comme
dans les pays de l'Europe latine, l'introduction du pronom
ille, en remplacement de l'article de l'idiôme vulgaire ; la
même cause produisant ainsi le même effet, en différents
temps et en différents lieux 166.

Le fait est donc évident : c'est à l'introduction du pronom
ille dans la langue latine corrompue, et aux diverses
altérations et modifications des cas de ce pronom, que la
nouvelle langue fut redevable et des articles et de la sorte
d'articles qui la caractérisent.

L'usage des cas procure aux idiômes deux avantages
précieux.

Le premier, c'est une clarté inaltérable, puisque les
désinences permettent de discerner sur le champ les sujets
des régimes, et ces régimes les uns des autres.

Le second, c'est la grâce et le mérite des inversions :
quand l'ordre direct n'est pas nécessaire, le déplacement
49des divers mots de la phrase, loin de nuire à la clarté,
ajoute quelquefois à la clarté même, en permettant de les
disposer de manière qu'ils présentent une gradation de
nuances ; alors leur place, habilement assignée, concourt
à la perfection et à reflet de l'image.

Pour obtenir ces deux avantages, la nouvelle langue
créa une méthode aussi simple qu'ingénieuse, qui produisit
le même effet que les déclinaisons latines.

Au singulier, l's ajouté ou conservé à la fin de la plupart
des substantifs, sur-tout des masculins, désigna le
sujet ; et l'absence de l's désigna le régime, soit direct,
soit indirect.

Au pluriel, l'absence de l's indiqua le sujet, et sa présence
les régimes.

D'où vint l'idée d'une telle méthode ? De la langue
latine même. La seconde déclinaison en us suggéra ce
moyen.

Le nominatif en us a l's au singulier, tandis que les
autres cas consacrés à marquer les régimes, sont terminés
ou par des voyelles ou par d'autres consonnes ; et le nominatif
en I au pluriel ne conserve pas l's, tandis que cette
consonne termine la plupart des autres cas affectés aux
régimes.

Peut-on assez admirer cette industrie grammaticale,
qui n'a existé dans aucune autre langue, industrie qui
ensuite permit et facilita aux troubadours la grâce et la
multitude des inversions à-la-fois les plus hardies et les
plus claires ?

Les anciens monuments de la langue romane offrent
l'heureux emploi de ce signe caractéristique.50

Dans le serment de 842, on lit :

Si lodhwigs, quand ce nom propre est sujet ; et en-ensuite
contra lodhuwig, quand il est régime ;

Carlus, sujet ; et deux fois Carlo, et une fois Karle,
régimes ;

Avec Carlus, sujet, meos sendra ; et avec Karlo,
régime, meon, son.

Ne jo ne neuls, comme sujet ; nul plaid, comme
régime.

Deus, sujet ; et pro Deo amur, régime.

L'auteur du poëme sur Boece a observé exactement
cette règle, soit pour le singulier, soit pour le pluriel :

Sing. Tot aquel libres era de fog ardent…
E sa ma dextra la domna u libre te 167.

Libres est sujet, et libre est régime.

Plur. Molt lo laudaven e amic e parent268.
Molt fort blasmava Boecis sos amigs.

Amig est sujet, et amigs régime.

Pronoms personnels.

Fidèle à son système d'imitation, l'idiôme roman s'appropria
les pronoms personnels de la langue latine : il
employa les uns sans y faire le moindre changement, et
les autres en les soumettant à des modifications ou contractions
toujours dirigées par l'analogie :51

Jo, jeu, eo, eu, d'ego, mi de mihi, me de me,
nos de nos.

« Si jo returnar no l'int pois… Ne jo ne neuls… Si salvarai
eo 169. »

Morz fo Mallios Torquator dunt eu dig 270.

« Deus savir et podir me dunat… Il mi altresi fazet 371. »

« Ora pro nos 472. Nos en comonirez 573. »

Tu de tu, te de te, ti de tibi, vos de vos.

« Tu m'en comonras… Tu m'en absolveras… No t'en
tolrai… Ni 'l te vederai… Ab ti et senes ti… No 'l vos
tolrei… Vos en devederei 674. »

Il d'ille, el d'ellum, li, lui d'illi, lo d'illo,
il d'illi.

« Il mi altresi fazet… 775. »

El era 'l meler de tota la honor… 876

« Contra Lodhuwig nun li iver 977… Qui la li tolra, la
52li devedara 178 Ab ipso memorato principe lui concessa 279… »

Per lui aurien trastut redemcio 380

« Tu lo juva 481… Returnar l'int pois 582… »

Fez lo lo reis en sa charcer gitar 683
Il sun tan bel e ta blanc e ta quandi 784.

Ella d'illa, lei, ellas d'illas, lor d'illorum.

Cum ella s'auca, cel a del cap polsat…
Qui amor ab lei pren…
Entr'ellas doas 885

« Lor en seran 986… »

De part Boeci lor manda tal raczo 1087.

Se de se, si de sibi.

Sujet : En epsa l'ora se son d'altra color…

Régime : C'ab damri Deu se tenia forment…
Quascus bos om si fai lo so degra 1188.53

Pronoms possessifs.

Les pronoms possessifs romans furent pareillement dérivés
de la langue latine.

Les masculins soumis au signe de l'S final qui caractérisait
les sujets du singulier, et les régimes du pluriel,
aidèrent encore à la facilité des inversions et à la clarté
du discours.

On a remarqué, dans les citations du serment de 842,
meos sujet, et meon régime au singulier.

Le poëme sur Boece présente :

Sos, sujet, et son, régime, au singulier ;

Si et soi, sujets, et sos, régime, au pluriel ;

Nostre et lor, au pluriel.

Et evers Deu era tot sos afix…
Mas non es bes que s fi' en son aver…
Bel sun si drap, no sai nomnar los fils…
Lai fo Boecis e foron i soi par…
Molt fort blasmava Boecis sos amigs…
No credet Deu lo nostre creator…
Las mias musas qui an perdut lor cant 189.

Les pronoms féminins terminés en A au singulier et
54en as au pluriel, restèrent soumis aux règles générales
qui gouvernaient les substantifs féminins en a.

Dans la grammaire détaillée de la langue romane, les
pronoms possessifs offriront des variétés nombreuses, et
cependant toujours conformes à l'analogie et aux caractères
qui distinguent les sujets et les régimes.

Pronoms démonstratifs.

L'article, dans toutes les langues qui l'emploient, est
une sorte de pronom démonstratif général.

Elles ont aussi des pronoms démonstratifs particuliers,
qui désignent spécialement le nom auquel ils sont attachés.

La langue romane, qui avait dérivé de la langue latine
son article, en dériva aussi ses pronoms démonstratifs.

D'iste vint ist, ista, changé ensuite en est, esta.
Dans le Serment de 842, on trouve D'ist di.

De la combinaison d'ille et d'iste avec hic ou ecce 190,
furent formés les démonstratifs romans

cil, cist, icil, cel, celui, cest, etc.
aquil, icist, aquel, icest, etc.

« Salvarai eo cist meon fradre Carlo 291. »55

Cel non es bos que a frebla scala s te…
Cel no quatra ja per negu torment…
Cellui vai be qui tra mal e jovent…
Cil li faliren quel solient ajudar…
Mas cil qui poden montar…
Aquel qui la non estai fermament…
Tot aquel libres era de fog ardent…
Ab aquel fog s'en pren so vengament 192.

Le pronom ipse fournit d'abord à la langue romane
eps, epsa, qui ensuite furent modifiés :

Eps li Satan son en so mandament…
En epsa l'ora se sun d'altra color 293.

Semetipse fut également imité :

Ella smetessma ten las claus de paradis…
Ella medesma telset so vestiment 394.

Une autre espèce de pronoms démonstratifs employés
dans un sens imité du neutre fut dérivée d'hoc, d'ipso.56

o d'hoc conserva dans la langue romane son acception
latine, qui était appliquée au sens neutre, et que la langue
française a exprimée par cela :

« In o quid il mi altresi fazet 195. »

Aquo, formé de la racine d'aquell et de cet o roman,
signifia ce :

« Fors d'Aquo de que absolvera 296. »

Pronoms relatifs.

Avec la même simplicité de moyens, et avec le même
succès, la nouvelle langue remplaça les nombreuses variétés
qu'offraient les cas latins du qui relatif.

Qui roman, pris du nominatif latin, servit à exprimer
le qui sujet, quel que fut le genre ou le nombre du nom
auquel il se rapportait.

Que dérivé de quem, accusatif régime direct, désigna
ordinairement ce régime, quel que fût le genre et le nombre
du nom auquel il se rapportait.

Quand les prépositions s'attachèrent à que, il indiqua
les régimes indirects ; et d'ailleurs, pour ces régimes, la
langue romane employa encore cui, soit en conservant le
datif, soit en supprimant la désinence du génitif cuius.

Du pronom qualificatif qualis, elle forma qual ; et,
par l'adjonction de l'article, il devint un pronom relatif
auxiliaire.57

Que fut parfois employé comme sujet, mais qui ne
fut jamais employé comme régime direct ; quand on le
soumit à l'action des prépositions, il indiqua des régimes
indirects.

Voici des exemples des différents emplois de ce pronom
relatif.

Sujet : « Nul plaid nunquam prindrai qui, etc. »

Régime : « Si Lodhwigs sagrament que son fradre Karlo
jurat 197… »

Sujet : « Qui las li tolra… Qui las vos tolra 298. »

Régime : « Fors d'aquo de que absolvera 399. »

Sujet : Anc non vist u qui tant en retegues…
Las mias musas qui an perdut lor cant…

Régime : En cui merce tuit peccador estant…
Molt val lo bes que l'om fai e jovent 4100.

Sujet : Cel non es bos que a frebla scala s te 5101.

L'adverbe latin unde fournit à la langue romane un
nouveau moyen d'exprimer le sens indiqué par les génitifs
et les ablatifs latins du qui relatif.58

De unde 1102, par le retranchement de l'e final, produisit
dunt :

Morz fo Mallios Torquator dunt eu dig 2103.

Entre autres acceptions, le que roman fut aussi employé
à exprimer le quam, l'ut, et l'eo quod des Latins :

Qui tant i pessa que al no faria ja…
E qui nos pais que no murem de fam 3104.

Qui et qual furent aussi employés comme pronoms
interrogatifs :

Sing. sujet : E quals es l'om qui a ferma scala s te ?

Sing. régime : Cal an li auzil significatio ?

Plur. sujet : Cal sun li auzil qui sun al T montat 4105 ?

Appliquant aux êtres animés les différentes modifications
ou contractions de ses cas, ille avait formé la troisième
classe des pronoms personnels.

Plusieurs des modifications de ces cas, appliquées autrement
qu'aux êtres animés, formèrent une autre espèce
59de pronoms relatifs, toutes les fois qu'elles ne précédaient
pas un nom.

El, els, lo, los, la, las, lor.

« Ni el te vederei… Lo tornarei… No 'ls vos tolrai…
No la l devedera… No las li devedera 1106. »

De même les autres pronoms démonstratifs ist, est,
Cist, cest, icel, aquel, etc. firent fonction de pronoms
relatifs, lorsqu'ils n'étaient pas attachés directement à un
nom ; parce que, employés de la sorte, ils ne servent plus
à démontrer immédiatement l'objet, mais seulement à
indiquer la relation qui existe avec cet objet précédemment
indiqué.

O, so, co, zo, aizo, aquo.

Les pronoms démonstratifs o d'hoc, so, co, zo,
d'ipso, dérivés du neutre latin, et employés par la langue
romane dans le même sens, devinrent aussi pronoms relatifs,
lorsqu'ils furent employés séparément, pour exprimer
une relation, un rapport à une idée ou à un nom, auquel
ils n'étaient pas immédiatement attachés.

« No o farai… Vos o tendrai 2107… »

Nos e molz libres o trobam legen 310860

Zo signifiga de cel la dreita lei
Per zo no l' vol Boecis a senor…
Zo sun tuit omne qui de joven sun bo 1109.

Aizo et aquo, signifiant ceci, cela, ce :

Per aizo m fas e chaitiveza star 2110.

« Fors d'aquo de que absolvera 3111. »

L'adverbe inde avait, dans la langue latine, et sur-tout
à l'époque de sa décadence, quelquefois remplacé ou
suppléé le pronom relatif ille.

Au lieu d'illius, d'illorum, ex illo, ab illo, ex
illis
, ab illis, on disait inde, ex inde :

Stant calices ; minor inde fabas, olus alter habebat.
Ovid. Fast. 5.

Cadus erat vini ; inde implevi Cirneam 4112.
Plaut. Amphitr. act. 1, sc. 1.61

Inde produisit d'abord int, ensuite ent, de même qui
la préposition in produisit en :

« Retornar l'int pois 1113. »

Ella 's ta bella, reluz' ent lo palaz 2114.

« Per quantas vez m'en commonras… Postad t'en darai…
Fors quant tu m'en absolveras 3115. »

Tant en retenc que de tot no fo blos ;
Tan bo essemple en laiset entre nos 4116.

Tibi et sibi avaient fourni à la langue romane ti et si.

De même ibi 5117 produisit i, y, espèce de pronom qui
servit à exprimer les rapports du datif, comme en exprimait
ceux du génitif ou de l'ablatif.

« Non y donara 6118. »

Lai fo Boecis e foren i soi par…
Qui tant i pessa que al no fara ja 7119.62

Pronoms indéfinis.

Les anciens monuments de la langue romane offrent
plusieurs des pronoms indéfinis, c'est-à-dire des pronoms
qui, se rapportant à des substantifs non exprimés dans
le discours, en remplissent eux-mêmes les fonctions.

Om d'homo.

« Sicum om, per dreit, son fradra salvar dist 1120. »

Il se trouve quelquefois précédé de l'article :

L'om no 'l laiset a salvament anar 2121.

Un d'unus, al, altre d'alter, nul de nullus,
tot de totus, res, etc. etc.

Cum l'us lo pert, a l'altre ve tener 3122.
Qui tant i pessa que al no fara ja 4123.

« Ne io ne neuls 5124. »

E Teirix col tot e mal sa razo…
Ne potden tan e lor cors cobeetar,
Qu'ella de tot no vea lor pessar 612563

Quand se regarda pero res no l rema…
Non ai que prenga ne no posg re donar 1126.

Les pronoms démonstratifs devinrent de simples adjectifs,
quand ils furent joints à un nom.

Outre les pronoms déjà cités, qualiscumque produisit
quascun, quantus quant, nec unus negun, usque ad
un
um cadun, multus molt, talis tal, etc.

Voici des exemples de ces différents pronoms employés
comme adjectifs :

Davan so vis nulz om no s pot celar 2127.

« Ab Ludher nul plaid nunquam prindrai… In nulla
ajudha 3128. »

D'una donzela fo lains visitaz…
Que negus om no pot deffar neient…,
Cel no quatra ja per negu torment 4129.

« Et in cadhuna cosa 5130. »

Quascus bos om si fai lo so degra…
De part Boeci lor manda tal raczo 613164

Nos e molz libres o trobam legen…
Lai o solien las altras leis jutjar 1132.

« Per quantas vez 2133… »

La langue romane imprima à quelques-uns de ses pronoms
des signes particuliers qui distinguent leur emploi
comme sujets ou comme régimes au pluriel 3134.

Ainsi tot fit au pluriel masculin tuit, quand il était
sujet, et tots, quand il était régime.

Sujet plur. Zo sunt tuit omne qui de joven sun bo…

Régime plur. E te m soli' eu a toz diaz fiar 4135.

Formation des verbes.

Pour la formation des infinitifs, la nouvelle langue
appliqua encore le système de suppression des désinences.

Les verbes latins actifs terminent presque tous leurs
infinitifs en re.

L'e final fut rejeté, et l'r devint la terminaison presque
générale des infinitifs de la langue romane, qui furent en
ar, er, et ir.

Lat. Amare, Tenere, Sentire.
Rom. Amar, Tener, Sentir.

Assez souvent la nouvelle langue changea en re l'er
65dérivé des verbes latins en ere, quand cet er se trouvait
après certaines consonnes.

Ainsi, au lieu de toler, deceber, escriver, et autres
semblables, elle dit : tolre, decebre, escrivre.

On a vu précédemment que les participes présents et
passés devenaient des adjectifs verbaux ; et qu'il avait été
produit,

amant de amant em, amat de amat um.

La suppression de la terminaison do, qui caractérisait
l'un des gérondifs latins, produisit d'amando aman, qui
conserva le sens originaire.

Voici des exemples des divers infinitifs :

ar : « Son fradra salvar dist… returnar int pois 1136… »

er, re : Ni gens de lui non volg tener s'onor 2137.

« Tolre volgesses… N'auses combatre 3138. »

ir : Morir volria e es e gran masant 4139.

Participes présents et passés, et gérondifs :

ant : La pelz li rua ; hec lo cap te tremblant

at : Cum ella s'auca, cel a del cap polsat

an : Cum el es velz, vai s'onor descaptan 5140…,66

Indicatif.

Présent. Pour désigner la première personne du présent
de l'indicatif actif, la langue latine changeait en o
la terminaison de ses infinitifs.

La langue romane rejeta l'o, et cette première personne
fut ordinairement formée par la simple suppression
de la terminaison ar, er ou re, et ir, qui caractérisait
le présent de ses infinitifs.

Ainsi de plorar pleurer, de fazer faire, vinrent
plor et faz.

Plor tota dia, faz cosduma d'efant 1141.

La seconde personne fut conservée du latin : à l'exemple
de la langue latine, toutes les secondes personnes des
divers temps et des divers modes furent caractérisées par
l's final. Il n'y eut d'autres exceptions que le singulier du
prétérit simple de l'indicatif, et le singulier du présent
de l'impératif, et ces exceptions existent aussi dans la
langue latine.

Pour la troisième personne, le t final des verbes latins
fut toujours supprimé, et on put employer aussi la forme
caractéristique de la première 2142.

Ainsi l'on dit :

De part Boeci lor manda tal raczo 3143
67Ella smetessma ten las claus de paradis 1144.

La première personne du pluriel fut formée en supprimant
la finale us :

amamus amam, tenemus tenem, habemus avem :

Nos e molz libres o trobam legen…
Nos de molz omnes nos o avem veut 2145.

La seconde le fut par la soustraction de l'i intérieur de
la terminaison latine tis : amatis, amats. Toutes les
secondes personnes du pluriel des divers modes et des
divers temps subirent cette soustraction.

Et la troisième par la suppression du t des Latins,
comme d'amant aman, de tenent tenen.

An des verbes en ar fut quelquefois modifié en en
ou on, et en des verbes en er le fut aussi quelquefois en
on, selon la prononciation des différents pays.

Que zo esperen que faza a lor talen 3146

Imparfait. Les verbes dérivés des verbes latins en are
formèrent leur imparfait par la suppression des désinences,
excepté dans les secondes personnes du singulier et du
pluriel, l'une n'éprouva aucun changement, et l'autre subit
le retranchement de l'i intérieur.68

Lat. amabam, abas, abat, abamus, abatis, abant.

Par le changement très-ordinaire du b en v,

Rom. - ava, avas, ava, avam, avats, avan, en, on.

Voici des exemples de cet imparfait :

Molt fort blasmava Boecis sos amigs…
De sapiencia l'apellaven doctor 1147.

Les verbes en er, re, et ir, dérivés des latins en ere
ou ire, adoptèrent la désinence en ia.

Il est vraisemblable que la quatrième conjugaison latine
fournit cette désinence ; la suppression ordinaire de la fin,
et de eb intérieur produisit ce temps de la langue
romane.

Lat. audiebam, audiebas, audiebat

Par le changement fréquent du d en z,

Rom. auzia, auzias, auzia.

Lat. audiebamus, audiebatis, audiebant.

Rom. auziam, auziats, auzian, en ou on.

C'ab damri deu se tenia forment…
De tot l'emperi 'l tenien per senor 2148.

Prétérit simple. Ce temps éprouva plus ou moins
de modifications selon les différentes conjugaisons des
verbes latins, mais ces modifications furent toujours soumises
aux règles de l'analogie.69

Les verbes romans dérivés des verbes latins en are,
firent ce prétérit en

el, eis, et, em, ets, eron ou eren.

Cui tant amet Torquator Mallios…
Ne credet deu lo nostre creator 1149.

Plusieurs verbes romans dérivés des verbes latins de
la seconde et troisième conjugaison en ere, et sur-tout
des verbes de la quatrième conjugaison en ire, firent leur
prétérit simple en

i, ist i, im, its, iren ou iron.

No t servi be, no la m volguist laisar…
Cil li faliren qu'el solient ajudar 2150.

Prétérit composé. Il fut formé par le présent du
verbe aver, mis au-devant du participe passé.

Quant be se dreca, lo cel a pertusat
Zo sun bon omne qui an redems lor peccat 3151.

Plus-que-parfait. D'après l'analogie, on employa
l'imparfait du verbe aver devant le même participe.

Futur simple. A la fin du présent de l'infinitif roman
fut placé le présent du verbe avoir, ou en entier ou par
aphérèse,70

amar ai 1152, as, a, avem, avets, an.

Sing. 1re p. : Si salvarai eo… prindrai 2153
Vedarai… aucirai… darai… tolrai… farai 3154

2e Daras 4155… faras… comonras… absolveras 5156

3e Decebra… devedara… tolra… asalira… recreira 6157

Pl. 1re Darem… tolrem… enquerrem… vedarem
serem 7158

2e Commonirez 8159

3e Decebran, seran, torneran, tolran, absolveran 9160.

Futur composé. Il fut formé en plaçant le futur
simple du verbe aver devant le participe passé des
verbes.71

Conditionnel.

Présent. La désinence de l'imparfait du verbe aver
fut ajoutée au présent de l'infinitif des verbes.

amar ia, ias, ia, iam, iats, ian, ou ion, ien.

No comprari' om ab mil livras d'argent 1161.

« Tolrian ni t'en tolrian 2162. »
Per lui aurien trastus redemcio 3163.

La langue romane forma aussi son conditionnel avec
le plus-que-parfait latin, et

d'amaveram, amaveras, amaverat, etc.

vinrent amera, ameras, amera, etc.

Futur. Le conditionnel présent du verbe aver, placé
devant le participe passé des autres verbes, forma le futur
de leur conditionnel.

Impératif.

Soit que la seconde personne de l'impératif des Latins
eût été formée en retranchant la terminaison re du présent
de l'infinitif, soit que ce présent eût été formé lui-même
par l'adjonction de re à cette seconde personne,
la langue romane, imitant toujours la langue latine, employa
assez généralement, pour cette personne de l'impératif,
la suppression de l'r final de son infinitif.72

Quelquefois elle retrancha l's final de la seconde personne
du présent de l'indicatif.

Les Latins avaient de plus la terminaison ato, eto,
ito, pour désigner la seconde personne de l'impératif, et
ils n'employaient que cette désinence pour la troisième
personne.

Cet exemple dirigea probablement la nouvelle langue,
quand elle attribua à cette troisième personne la terminaison
de la seconde.

Les trois personnes du pluriel subirent les modifications
intérieures ou finales qu'exigeait l'analogie.

Subjonctif.

D'après les mêmes règles, le subjonctif des verbes en
ar offrit am e, es, e, em, ets, en ou on, venant
d'ame m, es, et, em us, et is, en t.

3e pers.du pl. De part Boeci, lor manda tal raczo
Que passen mar garnit de contenco 1164.

Celui des verbes en er ou en ir fut de même formé en
a et ia, etc. venant d'a m, ia m, etc.

1ere pers. Que zo esperen que faza a lor talen…
Non ai que prenga ne no posg re donar…

3e pers. No potden tan e lor cor cobeetar 2165
73Qu'ella de tot no vea lor pessar 1166.

La formation de l'imparfait du subjonctif offre une
circonstance qui mérite d'être remarquée.

L'emploi auxiliaire de l'imparfait de l'indicatif du verbe
aver, placé devant le participe passé, composait le plus-que-parfait
de l'indicatif roman.

Le plus-que-parfait latin, modifié à la manière accoutumée,
avait servi au conditionnel ; d'amaveram était
Venu amera, ameria, etc.

De semblables moyens furent mis en usage pour le
subjonctif.

Le parfait et le plus-que-parfait ayant été formés par
l'emploi auxiliaire du présent et de l'imparfait du subjonctif
du verbe aver, placé devant le participe passé,
la nouvelle langue fit son imparfait en modifiant le plus-que-parfait
latin dont elle ne se servait pas.

L'-avi du prétérit simple latin avait produit ei ; cet ei
fut changé en e quand il ne fut plus la finale caractéristique
du prétérit simple ; cette modification autorisée
par la prononciation, avait déjà été pratiquée dans les
autres personnes du prétérit de l'indicatif.

L'imparfait roman fut ainsi modifié du plus-que-parfait
latin.

Lat. amavissem, amavisses, amavisset.

Rom. ames, amesses, ames.

Lat. amavissemus, amavissetis, amavissent.

Rom. amessem, amessets, amessen ou esson.74

Les verbes en ar et en er ou re firent à l'imparfait du
subjonctif es, esses, etc., et les verbes en ir firent is,
isses, etc.

2e pers. « Tolre volguesses 1167. »

3e pers. Hanc no fo om ta grant vertut agues
Que sapiencia compenre pogues

3e pers. pl. Creessen Deu qui sostenc passio 2168.

3e pers. Hanc no vist omne, ta gran onor agues
Sos corps ni s'amna miga per ren guaris 3169.

Modes et temps du passif.

Pour former les passifs, la langue romane combina les
divers temps et les divers modes des verbes esser et
estar avec le participe passé de l'autre verbe.

Ce participe, employé comme adjectif verbal, resta
soumis aux règles imposées aux autres adjectifs.

Quai sun li auzil qui sun al T montat ?…
D'una donzella fo lainz visitaz 4170.75

On aura remarqué avec un juste étonnement que les
diverses modifications imposées aux temps et aux modes
des verbes latins, furent déterminées par des principes
non moins réguliers, non moins constants, quoique plus
compliqués en apparence, que les modifications caractéristiques
des noms substantifs et adjectifs.

Mais peut-on ne pas admirer cette ressource aussi
simple qu'ingénieuse, que la langue romane a trouvée
et perfectionnée tout-à-coup, cet emploi habile et heureux
des deux verbes auxiliaires avoir et être ?

Avec le premier, elle conjugua la plupart des temps
de l'actif.

Avec le second, elle conjugua tous ceux du passif.

Verbes auxiliaires aver, et esser
ou estar.

Aver, du latin habere.

Ce verbe aver offre dans la langue romane quelques
modifications inusitées.

Je crois nécessaire d'expliquer les plus remarquables.

Tandis qu'habemus, habetis ont produit avem, avets,
on peut s'étonner que habeo, habes, habet, aient été
remplacés par ai, as, a, et habui par aig, etc., et que
la consonne g ait dominé dans plusieurs temps, et notamment
dans le participe passé agut.

Pour expliquer ces anomalies, j'observerai que les
76Goths avaient deux manières d'exprimer avoir ; c'étaient
les verbes haban et aigan 1171.

Le verbe aigan faisait au participe présent aigands 2172.

La première personne du présent de l'indicatif était au
singulier aih 3173, et au pluriel aigum 4174.

Il est vraisemblable que ces formes du verbe gothique
aigan ont introduit dans la langue romane, et le présent
de l'indicatif ai, as, a, et les autres temps où le g domine,
tels que le parfait de l'indicatif aig, etc., l'imparfait
du subjonctif agues, etc., et le participe passé agut.

Exemples de l'emploi ancien du verbe aver,
soit comme verbe actif, soit comme auxiliaire.

Infinitif. Del fiel Deu no volg aver amig 5175.77

Le participe avent d'habentem se trouve dans un
passage latin d'un titre de 816 :

« Avent in longo pertigas quatordice. »
Muratori, Dissert. 32.

Indicat. Non ai que prenga ne no posg re donar…
Ab la donzella pois an molt gran amor…
Quant e la carcer avia 'l cor dolent…
De tota Roma l'emperi aig a mandar…
Coms fo de Roma e ac ta gran valor…
O es eferms o a afan agut 1176.

« Non aurei 2177… Non aura 3178… Non auran 4179. »

Condit. Per lui avrien trastut redemcio…

Subj. Hanc no fo om ta gran vertut agues 5180.

Esser ou estar, d'esse et de stare.

Ce verbe être si utile, qui, dans toutes les langues,
sert de lien pour attacher aux noms leurs qualités ou
leurs modifications, qui, lors même qu'il n'est pas exprimé,
78n'en est pas moins sous-entendu entre tout substantif
et tout adjectif qui se rapportent l'un à l'autre
enfin, ce verbe qui a été nommé le verbe substantif, le
verbe par excellence, parce qu'il pourrait suppléer à
l'absence de tous les autres, est lui-même très-irrégulier,
ou, pour mieux dire, il n'existe que dans certains temps.

Sans chercher des exemples dans les langues antérieures
à la langue latine, et notamment dans la langue
grecque, où le verbe εἶναι est irrégulier, examinons la
langue latine.

D'abord, il est remarquable que esse n'ait point de
participe passé.

Si l'on peut regarder sum, première personne, et es,
seconde personne, comme appartenant originairement au
même verbe, et ayant produit eram, imparfait, et ero,
futur, il est incontestable que fui et tous les temps qui se
composent de l'adjonction d'eram et d'ero, ont fu pour
racine, et qu'ils appartiennent à un verbe de toute autre
origine, au verbe latin fuo, emprunté du grec φύω, et
servant à désigner l'existence, la naissance, la croissance.

Quand la langue romane a conservé de la latine l'auxiliaire
esse, elle y a ajouté l'r qui marque le présent
de tous les infinitifs romans, soit comme final, soit
comme pénultième ; caractère qui existait dans les verbes
de la langue latine, hors le verbe esse et ses composés,
et un petit nombre d'autres verbes irréguliers, et qui est
général et invariable dans la langue romane, et dans
celles qui en ont été la continuation.79

Le verbe latin esse ne fournissant point de participe
passé à la langue romane, celle-ci eut recours à un autre
verbe.

De stare, infinitif latin, elle forma estar, d'où elle
tira le participe passé estat.

La langue romane employa concurremment les deux
verbes auxiliaires esser et estar.

Les divers modes et les divers temps d'estar furent
réguliers.

Ceux d'esser furent pareillement formés d'après l'analogie,
à quelques exceptions près. La plus remarquable
fut qu'en formant le futur par l'adjonction du présent de
l'indicatif au présent de l'infinitif, ce présent esser perdit
les initiales es, ce qui produisit ser ai, ser as, ser a.

Exemples du verbe esser ou estar.

Infinit. Tu m fezist e gran riqueza star

Indicat. O es eferms o a afan agut…
E cum es velz, donc estai bonament…
Nos jove omne quandius que nos estam
Eps li Satan son en so mandament…
Eps li omne qui sun ultra la mar…
En cui merce tuit peccador estant 118180

Indicat. El era 'l meler de tota la onor…
De sapiencia no fo trop nuallos…
Enfans, en dies foren ome fello
Lai fo Boecis e foren i soi par 1182.

« Vos en serei… Recredent non sera… Vos en
serem… Lor en seran 2183. »

Subj. « En sia, en sian 3184… »

Ja no es obs fox i ssia alumnaz…
Que el zo pensa vel sien amosit 4185.

« Que en fossez 5186. »

L'emploi continu et obligé de ces deux verbes auxiliaires
rendit très-faciles les conjugaisons de la langue
romane. Ils suffisaient à la formation de presque tous les
temps ; et, dans ceux mêmes qui semblent conjugués sans
leur secours, on peut aisément les discerner encore.

J'ai précédemment observé que le futur de l'indicatif et
le présent du conditionnel avaient été formés par l'adjonction
du présent de l'indicatif du verbe aver, ou de
la finale de son imparfait, au présent de l'infinitif des
verbes.81

Cette manière très-remarquable de composer ces temps
offre une circonstance qui l'est également, et qui constate
toujours plus évidemment l'identité de la langue romane
et des autres langues de l'Europe latine.

Dans toutes ces langues, le futur de l'indicatif est formé
comme dans la langue romane, ainsi que le démontre le
tableau suivant :

tableau français | espagnol | portugais | italien | aimer ai | amar é | amar ei | amer o | as | ai | a | av ons | emos hav emos | habbi emo | av ez | hab eis | hav eis | hav ete | ont | an | ano | anno 1187

En appliquant le même procédé au verbe esser, dont
la langue romane et les autres n'ont pris que ser, elles
offrent pareillement :

tableau roman | français | espagnol | portugais | italien | ser ai | ser é | ser ei | sar o | as | ai | a | em | ons | emos | emo | ets | ez | eis | ete | an | ont | ano | anno

Enfin le verbe haver lui-même, dans les cinq langues,
compose son futur par ce rapprochement de son infinitif
avec le présent de son indicatif :82

tableau roman | français | espagnol | portugais | italien | aur ai | habr é | haver ei | avr o | as | ai | a | em | ons | emos | emo | ets | ez | eis | ete | an | ont | ano | anno

On demandera peut-être si l'exemple de quelque langue
plus ancienne ne fournit pas à la langue romane le moyen
facile d'abréger et de simplifier les règles des conjugaisons,
par cet emploi des verbes auxiliaires être et avoir.

Je répondrai que les langues du nord de l'Europe,
dont il nous est parvenu des monuments plus anciens
que ceux que nous possédons de l'idiôme roman, faisaient
usage d'auxiliaires, soit pour l'actif, soit pour le passif
de leurs verbes ordinaires.

Mais plusieurs considérations permettent de douter que
l'exemple de ces langues ait influé directement sur l'emploi
des auxiliaires aver et esser dans l'idiôme roman.

Etre et avoir n'étaient pas les seuls auxiliaires
dont ces langues se servissent ; elles avaient aussi devenir,
pouvoir, vouloir, devoir, etc., et quelquefois elles combinaient
ensemble deux et même trois de ces auxiliaires ;
complication de moyens très-éloignée de la simplicité de
ceux qu'employa la nouvelle langue.

La manière ingénieuse dont elle combina l'emploi
de son verbe aver, pour agir sur les autres verbes et
sur lui-même, offre, dans cet auxiliaire, un caractère
particulier, qui distingue essentiellement l'usage qu'elle
83en fit, de l'usage qu'en faisaient les anciennes langues du
nord.

Enfin nous savons que la langue latine indiquait à
la nouvelle langue l'emploi du verbe habere comme
auxiliaire.

Il est vraisemblable que les exemples de la langue
latine suffirent à la nouvelle langue :

Exemples du verbe habere, employé comme
auxiliaire dans la langue latine.

« Domitas habere libidines. »
Cic de Orat. I, cap. 43.

« Cum destinatum haberet mutare testamentum. »
L. Tres tutores. D. de Adm. et per. tut.

« De Caesare satis hoc tempore dictum habebo. »
Cic. 5 Philip. 28.

« Si habes jam statutum quid tibi agendum putes. »
Cic. Fam. 4, ep. 2.

Quo pacto me habueris
Praepositum
amori tuo.
Ter. Hec. act. 4, sc. 2, v. 7.

« Aut nondum eum satis habes cognitum. »
Cic. Fam 13, ep. 17.

…Quae nos nostramque adolescentiam
Habent despicatam.
Ter. Eun. act. 2, sc. 3, v. 91.

« Nimium saepe expertum habemus. »
Planc. ad Cic. fam. 10, ep. 24.

Etc. etc.

L'époque de la basse latinité fournit aussi des exemples 1188.84

Quant à l'auxiliaire esser, il est évident que la nouvelle
langue fut redevable de cette forme grammaticale à
la langue latine, qui l'employait dans plusieurs des temps
de son passif.

Si les anciennes langues du nord ont aussi fait usage
du verbe être pour conjuguer leur passif, je remarque
qu'elles ont eu une autre manière d'indiquer des modes et
des temps de ce passif, sans le secours d'aucun auxiliaire.

Tout permet donc de croire qu'en adoptant les deux
verbes aver et esser, pour les employer, comme auxiliaires,
à simplifier ses conjugaisons, l'idiôme roman
ne fit que s'approprier et rendre plus générales deux
formes particulières de la langue latine, qui lui en avait
déjà fourni tant d'autres.

Du verbe anar employé auxiliairement.

La langue romane fit usage de ce verbe comme auxiliaire,
et elle plaça ou devant le participe indécliné en an
85ou en en, formé par la suppression de la terminaison do
caractéristique de l'un des gérondifs latins, ou devant
l'infinitif.

Cum el es velz, vai s'onors descaptan
Trastota dia vai la mort reclaman
Qui tota ora sempre vai chaden
La mi' amor tta mal van deperden 1189.

Du que entre les verbes.

La langue grecque, par son ὅτι, avait donné l'exemple
d'employer un relatif indéclinable, pour transporter l'action
d'un verbe à un autre verbe.

La-langue latine employa quelquefois, de la même
manière, ses quod et quia.

Les Goths avaient thatei 2190 et les Francs dhazs et
that 319186

Le que indéclinable de la langue romane servit au
même usage :

No cuid Qu'e Roma om de so saber fos…
Que zo esperen que faza a lor talen 1192.

Et elle le plaçait après les adjectifs employés neutralement
avec le verbe esser :

Drez es e bes que l'om e Deu s'esper,
Mas non es bes que s fi' e son aver 2193.

Quelquefois même ce que fut sous-entendu :

No cuid… aprob altre dols li demor 3194

Et même avec les noms joints au verbe esser :

Ja no es obs… fox i ssia alumnaz 4195.

Prépositions, adverbes, conjonctions.

La langue romane leur appliqua des modifications
semblables à celles qui avaient été appliquées aux autres
parties du discours.

Elle plaça quelquefois ad, a, de, au-devant des prépositions
et des adverbes qu'elle empruntait de la langue
latine.

Le même mot devint tour-à-tour préposition, adverbe,
87ou conjonction, selon qu'il était employé avec un régime,
ou d'une manière absolue, ou qu'il était suivi d'un que.

Prépositions trouvées dans les fragments
antérieurs à l'an 1000.

a venant d'ad, et ayant la même signification :

« T'o atendrai tot a te… Que a dreit aure ov a merce 1196. »

Ab signifiant avec :

Ab Ludher nul plaid nunquara prindrai 2197.

« Ab ti et senes ti 3198. »

Ella ab Boeci parlet ta dolzament 4199.

prope produisit prob, près, aprob, après :

Aprob Mallio lo rei emperador 5200

« Sed ponent illum apres de Alcaide. »

An 734. Ord. d'Alboacem.

De signifiant de, dès :

« D'ist di in avant… De suo part 6201. »

« Adjutor t'en sere e de l'adjutor no t'engenare 7202. »

Zo sun tuit omne qui de joven sun bo 8203.88

Davan, devant vinrent de de ab ante :

Davan so vis nulz om no s pot celar…
No s pot rascundre nuls om devant so vis 1204.

In fournit d'abord sans changement in, et ensuite en,
et, par la suppression de l'n final, e :

« Et in adjudha et in cadhuna cosa 2205. »

Ki l mort et vius tot a in jutjament…
Fe vos Boeci cadegut en afan…
E te m soli' eu a toz dias fiar 3206.

Entre dérivé d'inter :

Ta bo essemple en laiset entre nos 4207.

Per signifia par et pour :

Par : Per lui aurien trastut redemcio…
Anz per eveia lo mesdren e preiso.

Pour: Per zo no 'l volg Boecis a senor 5208.

Sines, senes, sens, ses, vinrent de sine :

« Ab ti et senes ti… E vos atendrei tot senes engan 6209. »

Ses Deu licencia ja no faran torment 7210.89

Sobre de super :

Sobre la schapla escrit avia un tei grezesc 1211.

Ultra conserva sa latinité sans modification :

Ne eps li omne qui sun ultra la mar…
Qu'el trametia los breus ultra la mar 2212.

versus, vers, en vers, vas :

Pur l'una fremna qui vert la terra pent…
Et evers Deu era tot sos afix…
Et evers Deu no torna so talant 3213.

Dans un titre de 960, on lit :

« De vas meridie, de vas oriente 4214. »

Adverbes.

Les adverbes furent soumis à deux formes principales :

Par la première, on supprimait les finales des adverbes
latins, et quelquefois des lettres et sur-tout des voyelles
intérieures :

Aprob de prope, en y joignant la préposition a :

No cuid aprob altre dols li demor 5215.

Altresi d'alter et de sic, autre même, pareillement :

« In o quid il mi altresi fazet 6216. »90

Aval, de vallis, vallée, bas :

Alquant s'en tornen aval arrenso 1217.

Avant d'ab ante :

« D'ist di en avant 2218. »

Une charte de 632 porte :

« Quidquid ibidem abantea possidemus. »
Dipl. Chart.t.1, p. 141.

Ben de bene :

Qui e la scala ta ben an lor degras 3219.

Dereer vint de retro en ajoutant la préposition de :

Qui lui laudaven direer euz dias antix 4220.

Dunc, donc, de tunc, par le changement du t en d :

E dunc apel la mort ta dolzament…
E cum es velz, donc estai bonament 5221.

Fors de foris :

« Fors quant tu m'en absolveras 6222. »

Fort de forte :

Molt fort blasmava Boecis sos amigs 7223.

I d'ibi fut adverbe de lieu, et devint adverbe pronominal,
en y joignant la et sa d'illa ibi, d'ipsa ibi :

Lai fo Boecis e foren i soi par 8224.
91Lai o solien las altras leis jutjar,
Lai veng lo reis sa felnia menar 1225.

Quelquefois il perdit l'i final :

Aquel qui la non estai fermament 2226.

Le pronom démonstratif aquo, changeant son o en i,
devint aussi adverbe pronominal, et signifia ici, la :

Per aqui monten cent miri auzello 3227.

Inz d'intus, la inz d'illa intus :

Lo mas o intra inz es gran claritat…
D'una donzella fo la inz visitaz 4228.

Ja de jam, avec la négation, signifia non bientôt,
jamais :

Cel no quatra ja per negun torment 5229.

Mal de male :

La mi'amor tta mal van deperden 6230.

Menz de minus :

Quant menz s'en guarda, no sap mot quant lo sprent 7231.

Molt de Multum :

Molt val lo bes que l'om fai e jovent 8232.92

A ora, à l'heure, à présent :

Mal ome foren, a ora sunt pejor 1233.

Plus de plus :

Ella se fez, anz avia plus de mil 2234.

Pos, pois, de post signifia puis, après :

Ab la donzella pois an molt gran amor 3235.

Satz de satis, et, avec la préposition a, asatz :

Qual ora s vol, petita s fai asat 4236.

Sempre, par la transposition d'une lettre, vint de
semper :

Que tota ora sempre vai chaden 5237.

Si de sic, ainsi, devint un adverbe d'affirmation, et
signifia assurément, certainement :

« Si o tenra… Si o tenrai e o atendrai 6238. »
Fez sos mes segre, si 'ls fez metre en preso 7239.

Il signifia aussi pareillement, de même :

Si cum la nibles eobre l' jorn lo be ma,
Si cobre avers lo cor al xristia 8240.93

L'adjonction de la préposition a produisit asi, aisi,
aesi :

No s'es aesi cum anaven dicent 1241.

Soz, desoz, vinrent de subtus :

Desoz avia escript un pei grezesc 2242.

Tan, tant de tantum, signifia tant, si, tellement :

Ta bo essemple en laiset entre nos…
Eu lo chastia ta be ab so sermo 3243.

Il prend quelquefois le que après lui :

Tant en retenc que de tot no fo blos 4244.

Ne tan ne quam, locution adverbiale, nullement,
rien :

Quant se reguarda, non a ne tan ne quant 5245.

Trop, dérivé peut-être de troppus, mot de la basse
latinité, signifiant troupeau, grande quantité, troupe :

De sapiencia no fo trop nuallos 6246.

U, o, d'ubi, adverbe de lieu, ou :

Lai o solien las altras leis jutjar 7247.

Unqua, nunqua, anc, furent dérivés de unquam,
nunquam :

Dis que la bresa, mica nonqua la te 8248
94Pero Boeci anc no venc e pesat…
Hanc no fo om, ta gran vertut agues 1249.

La seconde manière de former les adverbes fut très-ingénieuse.

Les Latins employaient, en locution adverbiale, l'ablatif
absolu mente, qu'ils joignaient à l'adjectif.

Cette locution se trouve dans la plupart des bons auteurs.

« Bona mente factum, ideoque palam : mala, ideoque
ex insidiis. »
Quintil. Inst. orat. lib. V, cap. 10.

…Ut longi tœdia belli
Mente ferant placida.
Ovid. Met. 13, v. 214.

Tum vero mœstam tota Miletida mente
Defecisse ferunt.
Ovid. Met. 9, v. 634

Quale id sit, quod amas, celeri circumspice mente.
Ovid. Remed. amor. 89.

Ultro quin etiam devota mente tuentur.
Claud. de Laud. Stil. lib. I, v. 232.

Etc. etc.

Cette forme grammaticale s'était conservée dans la
basse latinité.

« Monasterium puellarum devota mente decrevi fundare…
Carmina devota mente canuntur. »
An 670. Dipl. chart., etc. t. I.

« Concupiscit iniqua mente. »
Greg. Tur. de Mir. S. Jul. c. 20.

La langue romane adoptant cette locution adverbiale,
95forma la plupart de ses adverbes, en ajoutant à l'adjectif
la finale ment.

Exemples des adverbes romans en ment.

Ne lo l'en decebra ne malament 1250.

Le poëme sur Boece offre les adverbes suivants :

bonament, dolzament, epsament, fermament, forment,
malament, perfeitament.

C'est un phénomène grammatical très-remarquable que
la manière dont la langue romane opéra, lorsqu'elle eut
plusieurs adverbes en ment à la suite les uns des autres.

Cette finale ment, au lieu de s'attacher à chaque adjectif,
pour lui imprimer le caractère adverbial, ne se
place qu'après le dernier, et quelquefois même qu'après
le premier.

Et cette forme originale existe non-seulement dans
la langue romane, mais encore dans toutes celles qui en
ont été la continuation ; il est même remarquable que,
dans une charte de l'an 651, on trouve :

« Viva mente et sana et corpore et voluntate libera donamus
domino. »
Dipl. Chart. n° 127, t. I.

Langue romane.

« Parlem abdui planamen e suav 2251. »
Rambaud de Vaqueiras. Non puese saber.

« E dix li que, de so que elh disia, mentia aulhment e
falsa e delialh per la gola 3252. »96

« Aymo fe o largament et allegra 1253… Pregar humilment
e devota 2254 … »

Langue française.

Cil chantent hautement e cler.
Fabliau de la Court de Paradis.

Garins apelle lou paien en plorant ;
Il li ait dit souef e bellement.
Roman de Guillaume au court nez.

Que vos faciez cest jugement
Bien et adroit et leaument.
Fabliau du Bouchier d'Abeville.

Langue espagnole.

Al rumor que sonava
Del agua que passava,
se quexava tan dulce y blandamente.
Garcil. de Vega, egloga. 1.

« Dorotea que vio quan corta y sutilmente estava vestido. »
D. Quixot. p. 1, lib. 4, ch. 35.

Langue portugaise.

Alma gentil, que a firme eternidade
Subiste clara e valerosamente.
Camoens, Rhythmas, part. 1, 229.

« Pelejarão tão valente e denodadamente. »
De Souza. Vida de D. Fr. B. dos Martyres, liv. 2, ch. 11.

Langue italienne.

Une lettre de l'académie de La Crusca, adressée à
Gilles Ménage, atteste et cette forme grammaticale, et
son application à la langue italienne :97

« Lo cavalière fece la demanda sua ad Alessandro umile e
dolcemente. »
Novelle Antiche, n° 3.

Cette forme est remarquable lorsque des traducteurs
s'en servent pour rendre plusieurs adjectifs de la langue
originale. Ainsi La Casa, dans sa traduction des Offices
de Cicéron, rend ce passage :

« Placide tranquilleque fruerentur »
Cic. de Off. lib. 3.

par ces mots :

« Tranquilla e pacifica mente godere. »

Conjonctions et négations.

D'et latin vinrent et, e romans.

Cette suppression du t se trouve dans des monuments
très-anciens.

Alboacem, fils de Mahomet Alhamar, fils de Tarif,
régnait à Coimbre en l'an 734 : il publia en latin une
ordonnance dans laquelle se trouvent plusieurs indices de
la langue romane, et, entre autres, l' e pour l'et.

« Quoniam nos constituit Allah Illalah super gentem
Nazarat e fecit me dominatorem Colimb… Monasterium
de Montanis qui dicitur Laurbano non peche nullo pesante,
quoniam bona intentione monstrant mihi loca de
suis venatis, e faciunt Sarracenis bona acolhenza. »
Historias de Idacio, p. 88 et 89.

« Vos o tendrei e vos o atendrei tot senes engan… Tu
m'en comonras e del comoniment no m'en vedarei… E si
o tendrai e si o atendrai a ti 1255. »98

E cum sun vell, esdevenen fello
E fan perjuris e grans traicios 1256.

D'autlatin, par la suppression du t final, vint au, que
la nouvelle langue écrivit o, ou :

« Qui la l tolra o la l devedara, li tolran o la l devedaran…
Qui las te tod ou las te tola 2257. »

L'om ve u ome quaitiu e dolent ;
O es malaptes o altre près lo ten,
O es eferms o a afan agut 3258.

Non, nec, fournirent non, nun, no, ne, ni :

« Si jo returnar non l'int pois, ne jo ne neuls cui eo
returnar int pois, in nulla ajudha contra Lodhuwig nun li
iver 4259. »

« No'l vos tolrem ni vos en tolrem… No l'en tolra ne
no
las li devedara, ne no l'en decebra… Non aure ne non
tenre 5260. »99

Que tant i pessa qu'el al no fara ja…
Non a aver ni amic ni parent 1261.

Aux négations ordinaires, la langue romane joignit des
négations explétives. Voici celles qui se trouvent dans les
pièces de l'époque qui fournit mes exemples.

Mica, miga, mia, du latin mica, en français mie :

L'om l'a al ma, miga no l'a al ser…

Quant o fait, mica no s'en repent 2262.

Gens, ges du latin gens, dans le sens de personne,
de quelqu'un.

Ni gens de lui no volg tenir s'onor…
D'aur no sun ges, mas nuallor no sun 3263.

Res, ren, du latin res, rem, signifiant quelque chose :

Quan se reguarda, pero res no l rema 4264.

On verra, dans la suite de cet ouvrage, les autres négations
explétives dont la langue romane fit usage.

Mais, mas, mes, vinrent de magis latin, en otant le
g et l'i, ou seulement le g :

Dres es e bes que l'om e deu s'esper,
Mas no es bes que s fi' e son aver 5265100

Mas quan es joves et a onor molt grant…
Mas d'una causa u nom avia gensor 1266.

Anz, que le français rendit par ainz, dans le sens de
mais, vint d'ante, signifiant au contraire :

Anz per eveia lo mesdren e preiso 2267.

Quant, quan furent dérivés de quando :

« E t'o atendrei tot, fors quant tu m'en absolveras 3268. »

Quant be se dreca, lo cel a pertusat…
Quan ve a l'ora qu'el corps li vai franen 4269.

De cum latin, cum, com fut employé quelquefois sans
changement dans le sens de lorsque :

Molt val lo bes que l'om fai e jovent,
Com el es vels, qui pois lo soste…
E cum es velz, donc estai bonament 5270.

Cum, dans la langue romane, eut aussi l'acception de
comme, et il fut vraisemblablement dérivé de quomodo.

La inz contava del temporal cum es,
De sol e luna, cel e terra, mar, cum es…
No s'es aesi cum anaven dicent 6271.101

De sic quomodo ou de sicut vint sicum, pour de
même que
 :

« Sicum om per dreit son fradre salvar dist 1272. »

Sicum la nibles cobr' el jorn lo be ma 2273.

Tanquan de tantum quantum, ou de tanquam,
signifia tant que, etc.

Qui nos soste tanquan per terra annam 3274.

Si, se de si latin :

« Si jo returnar no l'int pois 4275. »

Que us non o preza si s trada son parent 5276.

Pero signifia pour cela, pourtant :

Pero Boecis trastuz los en desment 6277.

Pur tan que fut aussi employé dans le sens de pourvu
que
 :

Per cui salves m'esper, pur tan qu'ell clamam 7278.

Quand je rassemble les principales formes qui déjà
constituaient la langue romane à l'époque reculée dont
j'emprunte mes exemples, je ne dois pas omettre l'usage
des élisions écrites ; c'est l'un des caractères de la langue
romane que de marquer, comme les Grecs, par la suppression
102des voyelles, les élisions qu'elles subissaient les
unes avec les autres.

Quand l'élision porte sur la voyelle qui termine le mot,
elle s'appelle apocope.

Quand elle porte sur la voyelle qui le commence, elle
s'appelle aphérèse.

On trouve l'apocope dans le serment de 842 :

D'ist di | est employé pour | de ist di

Retornar l'int, | lo int.

Dans les actes de 960 :

M'en commonras, | me en.

T'en sere… ni t'en tolrei, | ti en… te en.

Dans le poème sur Boece :

D'aur non sun, | de aur.

Vai s'onors, | sa onors.

Etc. etc.

L'aphérèse se trouve dans les titres de 960 :

No 'l vos tolrem, no 'l te vedarei, | pour | no el vos, no el te.

No 'ls tolran, | no els tolran.

Dans le poème sur Boece :

L'om no 'l laiset, | no el.

Bella 's la domna ; | bella es.

Quelquefois la voyelle finale disparaît, sans qu'il y ait
élision, le mot suivant commençant par une consonne :

Actes de 960. | Qui la l devedara, | pour | li.

Poème sur Boece. | Tu m fezist, me.

Que s fi' e son aver, | se.

Etc. etc.103

Enfin, par syncope, la langue romane supprima souvent
des consonnes finales ou intérieures, sur-tout les n.

Le poème sur Boece en offre beaucoup d'exemples :

E la carcer, | pour | en.

Anc no vist u, | un.

Per negu torment, | negun.

Ta mala fe, | tan.

Evers deu, eferms, | envers, enferms.

Je pourrais rassembler encore quelques formes, quelques
locutions de la langue romane, éparses dans les monuments
qui ont fourni mes observations et les exemples
cités 1279. Mais je renvoie ces détails à la grammaire même
de la langue.

J'ai indiqué ses principaux caractères, ses formes essentielles.
Je suis loin de croire que le nouvel idiôme ait été
produit, dégrossi, et régularisé tout-à-coup. En présentant
cet ensemble grammatical, j'ai rapproché et réuni, sous
un seul point de vue, les résultats progressifs du long
usage des peuples.

J'ose dire que l'esprit philosophique, consulté sur le
choix des moyens qui devaient épargner à l'ignorance
beaucoup d'études pénibles et fastidieuses, n'eût pas
été aussi heureux que l'ignorance elle-même ; il est vrai
qu'elle avait deux grands maîtres : la nécessité et le
temps.

La langue romane est peut-être la seule à la formation
de laquelle il soit permis de remonter ainsi, pour découvrir
104et expliquer le secret de son industrieux mécanisme :
J'ai mis à cette recherche autant de patience que de franchise ;
et, dans le cours de mes investigations grammaticales,
j'ai eu souvent occasion de reconnaître la vérité de
l'axiome : Non, quia difficilia sunt, non audemus ;
sed, quia non audemus, difficilia sunt
.

En considérant à quelle époque d'ignorance et de barbarie
s'est formé et perfectionné ce nouvel idiôme, d'après des
principes indiqués seulement par l'analogie et l'euphonie,
on se dira peut-être, comme je me le suis dit : L'homme
porte en soi-même les principes d'une logique naturelle,
d'un instinct régulateur, que nous admirons quelquefois
dans les enfants. Oui, la providence nous a dotés de la
faculté indestructible et des moyens ingénieux d'exprimer,
de communiquer, d'éterniser par la parole, et par les
signes permanents où elle se reproduit, cette pensée qui
est l'un de nos plus beaux attributs, et qui nous distingue
si éminemment et si avantageusement dans l'ordre de la
création.

Fin des recherches sur l'origine et la formation
de la langue romane.105

1(1) At enim opera data est ut imperiosa civitas non solùm jugum,
verùm etiam linguam suam domitis gentibus, per pacem
societatis, imponeret. S. August. de Civit. Dei, lib. 19, cap. 7.

2(1) Magistratus verò prisci quantoperè suam populique romani
majestatem retinentes se gesserint, hinc cognosci potest, quòd,
inter cætera obtinendæ gravitatis indicia, illud quoque magnâ cum
perseverantiâ custodiebant, ne Græeis unquam nisi latinè responsa
darent. Quin etiam ipsâ linguæ volubilitate, quâ plurimum valet,
excussâ, per interpretem loqui cogebant ; non in urbe tantùm
nostrâ, sed etiam in Græciâ et Asiâ ; que scilicet latinæ vocis honos
per omnes gentes venerabilior diffunderetur. Val. Max. lib. 2,
cap. 2.

3(2) Decreta a prætoribus latinè interponi debent. L. Decreta D.
lib. 42, tit. I de Re judicata.

4(3) Edit. Oxon., liv. 3, p. 202.

5(4) Ib. lib. 4, p 258. « Les Volcæ, dit-il, s'étendent jusqu'aux
bords du Rhône : les Salyes et les Cavari occupent la rive opposée.
Mais le nom de ces derniers a tellement prévalu sur les noms des
autres peuples, qu'on nomme Cavari tous les barbares leurs voisins,
qui ont même cessé d'être barbares : car ils ont adopté pour
la plupart la langue et la façon de vivre des Romains. »

Cette remarque de Strabon suffirait pour prouver que les autres
Gaulois, qu'il ne regarde pas comme barbares, usaient de la
langue latine. C'est principalement la différence d'idiôme qui faisait
donner aux peuples étrangers la dénomination de barbares.

6(1) Sermone græco, quamquam aliàs promptus et facilis, non
tamen usquequaque usus est : abstinuitque maximè in senatu ;
adeò quidem ut Monopolium nominaturus, priùs veniam postularit
quod sibi verbo peregrino utendum esset : atque etiam in
quodam decreto patrum, cum ἔμβλημα recitaretur, commutandam
censuit vocem, et pro peregrinâ nostratem requirendam, aut
si non reperiretur, vel pluribus et per ambitum verborum rem
enuntiandam. Sueton. in Tib. cap. 71.

7(1) Dio Cass. lib. 60, edit. Reimar. p. 955.

8(2) Plat. Moral. quest. X, edit. Wyttembach, t. V, p. 112.

9(3) Verba latina didici sine ullo metu atque cruciatu, inter
etiam blandimenta nutricum et joca arridentium et lætitias alludentium.
Confess. lib. I, cap. 14.

Quæ linguæ… quarum nostra latina est. De Trinit. lib. 15, c. 10.

10(4) Proverbium notum est punicum, quod quidem latinè vobis
dicam, quia punicè non omnes nostis ; punicum enim proverbium
est antiquum : Nummum quærit pestilentia, duos illi da, et ducat
se. Sermo 168 de Verb. apostol.

11(5) L. Judices c. de Sentent. et Interloc.

12(1) Pline le naturaliste avait exprimé la même pensée :

Sparsa congregaret imperia, ritusque molliret, et tot populorum discordes
ferasque linguas, sermonis commercio contraheret ad colloquia, et humanitatem
homini daret, breviterque una cunctarum gentium, in toto orbe, patria
fieret. Lib. 3, cap. 5.

13(1) Mitis depone colla, Sicamber ; adora quod incendisti, incende
quod adorasti. Greg. Tur. lib. II, c. 31.

14(1) Noveris te pro divinitatis intuitu et animæ meæ remedium
vel æterna retributione ad jucum servitudinis tibi absolvemus.
Form. XXIII.

15(2) Recogitans pro Dei intuitu et pro animæ meæ redemptione.
Formul. Bignon. I.

Præmium in futuro dominum sibi tribuere confidet. Formul.
Lindenbrog.
91, 92, 94, 96.

Pro remissione peccatorum meorum. ib. 93.

Ut aliquantulum de peccatis nostris minuere mereamur. ib. 95.

16(3) In nomine Dei patris omnipotentis ejusque filii unigeniti
qui ad hoc incarnari voluit, ut eos qui sub peccati jugo detinebantur,
in libertatem filiorum adoptaret. Quatenus et ipse nobis nostra
peccata relaxare dignetur, sub nostræ jugo servitutis homines depressos
relaxare decernimus. Ipse etenim dixit : dimittite et
dimittetur vobis
 ; et apostolis : omnes enim fratres estis. Ergo si
fratres sumus, nullum ex fratribus, quasi ex debito, ad servitium
cogere debemus, et iterum ipsa veritas testatur : ne vocemini magistri
unde… hos servos et ancillas… ab omni jugo servitutis…
absolvimus.
Archives de Conques. Mém. pour servir à l'hist. du Rouergue,
par Bosc, t. 3, p. 183.

17(1) Vers 412 les Visigoths, partis des environs de Ravenne,
traversant et occupant l'Italie et le midi des Gaules, parviennent
et s'établissent jusque dans le nord de l'Espagne.

Avant 420, les Bourguignons, entrés par l'est dans les Gaules,
s'emparent du pays auquel leur nom est resté, et s'étendent jusques
à Lyon et à Vienne ; et dix ans après, les Francs arrivent au
nord des Gaules, sous la conduite de Clodion.

18(1) Epistolæ tenor enunciat : non metacismi collisionem fugio,
non barbarismi confusionem devito ; hiatus motusque etiam et
præpositionum casus servare contemno, quia indignum vehementer
existimo ut verba cœlestis oaculi restringam sub regulis Donati ;
neque enim hæc ab ullis interpretibus in scripturæ sanctæ auctoritate
servata sunt.
S. Gregorii papæ vita, auctore Johanne Diacono, lib. 4, præf.
ad lib. moral, deut. 16.

19(1) A la mort du pape Clément IX, on désignait le cardinal
Bona pour son successeur ; ce qui donna lieu de dire, papa, bona
sarebbe solecismo.
Le père Daugières, jésuite, réfuta cette plaisanterie
par les vers suivants :

Grammaticæ leges plerumque ecclesia spernit ;
Fortè erit ut liceat dicere papa Bona ;
Vana solœcismi ne te conturbet imago :
Esset papa bonus, si Bona papa foret.

20(2) Hoc pervenit ad nos, quod sine verecundiâ memorare non
possumus, fraternitatem tuam grammaticam quibusdam exponere.
Quam rem ita molestè suscepimus, ac sumus vehementiùs aspernati,
ut ea quæ prius dicta fuerant in gemitum et tristitiam verteremus.
Quia in uno se ore cum Jovis laudibus Christi laudes non
capiunt ; et quam grave nefandumque sit canere quod nec laïco
religioso conveniat… Quanto execrabile est hoc de sacerdote ipse
considera… Nec vos nugis et sæcularibus enarrari… Litteris studere
constiterit…
Ep. 54, lib. II S. Gregorii registri epistolarum.

21(1) De Gregorio magno dicit prædictus dominus Johannes dominus
cardinalis quod omnes libros quos potuit habere Titi Livii
comburi fecit, quare ibi multa narrantur de superstitionibus idolorum.
S. Antonin. Summ. p. 4, tit. 2, cap. 4, § 3.

22(2) O utinam multos Gregorios mitteret Dominus ! Verè etenim
magnus Gregorius omnes libros quos potuit habere Titi Livii comburi
jussit, quia plurima in eis continentur de superstitionibus
idolorum. Antiqua quoque gentilium ædificia, quæcunque potuit,
subvertit, ne essent reliquiæ et memoria idolorum, sicut etiam
dominus Isrælitis sæpiùs mandavit.
Joan. Hessels. Brevis et catholica decal. exposit., p. 68.

23(1) Retulerunt quippe quod fuerit in eâdem provinciâ sacerdos
qui linguam latinam penitus ignorabat, et dum baptisaret, nesciens
latini eloquii, infringens linguam, diceret : Baptiso te in nomine
patria et filia et spiritus sancti ; ac per hoc tua reverenda fraternitas
consideravit rebaptisare.
Epist. 134 Zachar. rever. et sanct. frat. Bonifacio cœpisc.

24(1) E pour I.
Basileca.
Pagenam.
Facultatebus.
Civetatis.
Magnetudo.
Domebus.
Nomene.
Marteris.
Oppedum.
Charte de Clotaire II.

I pour E.
Plinius.
Ricto tramite.
Possedire.
Quatinus.
Rigni nostri.
Debirint.
Viniis.
Climenciæ.
Mercide.
Ch. de Dagobert I, de Clotaire II.

O pour U.
Volomus.
Locrari.
Aliquantolum.
Pecoliari.
Noncopante.
Postolatur.
Miracola.
Volontatem.
Jobemus.
Ch. de Dagob. I, de Clovis II.

U pour O.
Negutiante.
Nuscetur.
Auturetate.
Respunisis.
Nus.
Victuriæ.
Spunsarum.
Tempure.
Denuscetur.
Ch. de Clovis II, de Clotaire II.

De pareilles fautes se rencontrent dans le petit nombre de monuments
privés que l'Italie possède de ces temps anciens. Je me
borne aux preuves que fournissent l'ouvrage de Maffei, intitulé :
Historia diplomatica, et celui de Marini, intitulé : Papiri diplomatici.

Intrensicus.
Habeta.
Vindetores.
Possedetur.

Vindite.
Habis.
Valinte.
Mercidis.

Inordinatom.
Eront.
Nomeratos.
Jogale.

Territuriis.
Fedejussure.
Cumparatore.
Neguciature.

Les pièces d'où ces exemples ont été tirés portent la date du
VIe siècle.

Si l'Espagne avait aussi conservé des monuments particuliers de
cette époque, nous y trouverions de semblables transmutations
de voyelles. J'en citerai pour preuve le style d'Alvar, évêque de
Cordoue, qui écrivait vers 850.

Florez España Sagrada, t. II, p. 56, relève dans cet auteur :

Intellege.
Baselica.

Respondis.
Fulgit.

Infola.
Fateator.

Rustra.

25(1) J'ai choisi dans le premier volume du recueil Diplomata
chart. ad res francicas spectantia
, contenant les pièces de
l'époque de la première race de nos rois, les exemples qui n'ont
point d'indication.

Ceux qui sont marqués ital. ont été pris dans I'Istor. Dipl. et
dans les Papiri Dipl. précédemment cités.

Et ceux qui sont marqués esp. ont été pris dans I'España Sagrada
et dans les Memorias de la real academia de la historia.

tableau a me… autores et pro autores. ital. | a b eumdem salomonem. esp. | — titulum dotalem et tutellariom alienas ital. | absque præjudicium. | — repetitionem. | — vos. esp. | — ullo dolo aut vim, circumventionem | ab hodiernum die. | — ærem alienum alienas esse. ital. | ad legetema ætati pervenire. | — originem… ab eumdem emptorem | — die presente. | rem. ital. | — fisco nostro. | ad nos faciendi tutorem. ital. | de quam præfatam portionem. | quas…dictas sex uncias. ital. | instauratione. ital. | ipso rio. esp. | quod…esp. | sancta maria. esp. | ipsam. esp. | isto presente igne. esp. | humiles vestros. esp. | adversus inlustris deo sacrata agantrude filia | erga nostris partibus. | ex omnia medietatem. | apostolico viro. | fundi. ital. | sancta prædicta ecclesia. ital. | successionem. ital. | ante bonis homnibus. | fidelium nostrorum. esp. | venerabile vir. | inter varacione et alio rio. | balneo et orto. ital. | ipso friulso suisque heredebus | -sancto stephano. esp. | apud ipso chrotchario. | in turmentas fui. | circa animus meus. | dei nomen. | ipsa basilica…vel nostro palatio | duorum fundorum. ital. | urbem toletanam facta constitutio. esp. | contra parentis meus. | hoc voluntate meam. | infra istis terminis. | cujuslibet hominum. | pago parisiaco. | justicia. ital. | confinio. esp. | tribus. esp. | valle. esp. | hoste barbaro. esp. | intra comitatu nostro. esp. | ipso pseudo-propheta. esp. | eisdem. | esp. | juxta villa fornolus. | cum omnes res ad se pertinentes | per locis descriptis et designatis. | mandato suo. | sequentes tantus. | quolibet constractu. ital. | easdem. ital. | toto orbe. esp. | censum. ital. | arte. esp. | pectus inscium. esp. | post temporibus. | judices suos. esp. | roboratione testium. ital. | de ipsos teloneos vel navigeos portaticos. | pro panem. | omnis causationis suas. | pro supradictas sex uncias. ital. | sine præmium. | ullius inquietudinis. | solemnem traditionem. ital. | cujuslibet judicis auctoritatem. ital. | - mercedem animæ meæ. esp. | rixas esp. ord. d'alboacem | unionem. esp. | sub duplariæ rei. ital. | vos sacrificium deo offerant. esp. | usque rio. | memorato loco. | propter amorem dei et vita æterna | versus villa fornulus. | palude. | secundum legum ordine. ital.

26(1) Je fais la même observation qu'à la note précédente :

Cum domibus et vineis ad se pertinentes.

Seu reliqua facultatem vel villas illas quod nuscuntur pervenisse.

Vinea quem colit.

Villas illas quod.

Per alio latus.

Cum omni integritate vel soliditate sua in se aspicientem et pertinentem.

Pro benevolentiâ qui erga vos habeo.

Pretium… adnumeratus et traditus vidi. ital.

Casa qui appellatur. ital.

De res quod. ital.

In omnes mansionarios essentibus et introeuntibus. ital.

De alios testes cujus signacula. ital.

Tu vero exempla illud dirige. esp.

Si potuisset habere talem testimonia qui. esp.

Ad ipso heresiarcham Albini magistro. esp.

27(2) Les exemples suivants sont encore puisés dans les mêmes
ouvrages :

Si aliquas causas adversus istud monasterium ortas fuerint.

Per illos mansos unde operas carrarias exeunt.

Ipsas monachas vel earum abbate debeant possidere.

Dum illas ibidem… regulariter vivere videntur.

Quod si suprascriptas quatuor uncias inquietati fuerint vel evictæ. ital.

Quas vero sex uncias distractas sunt. ital.

28(1) Les mêmes ouvrages fournissent encore ces exemples.

Dono tibi canna argentea valente plus minus solidos XXV.

Dono tibi caneo argenteo.

Dedit… porcione sua de villa… et alio locello.

Acceperunt tertia tabula quod est.

Liceat ipso abbate Daumero et successores ejus atque congregatione

eorum.

Ubi nepte mea instituemus abbatissam.

Licentiam nostram habeant faciendum.

Signaculo manus nostris noscimur adfirmasse.

Pro redemptione animas nostras.

Signum Bartelmo viro… testis.

Rigni domno Clodoveo.

Ut præceptio glorissimo domno Dagoberto… edocet,

Valente solido uno. ital.

Me tamen cognoscite ingressus fuisse. esp.

Hanc carta elemosinaria mandavi scribere. esp.

Ego eam teneo ipsa villa, esp.

Viderunt Aylone amita Witiscli ipsa villa settereto tenente et dominante.
esp.

Habeat potestatem hoc peragendum. esp.

Eleemosina domini nostri Ludovici et proles ejus. esp.

Bona intentione monstrant mihi e faciunt Saracenis bona acolhenza.
esp. ord. d'alboacem.

29(2) Même observation que les précédentes.

Consignamus tibi… omnes res nostras… illas exceptas quas ecclesiæ legavimus
et illas quas

Unde et ipsas confirmationes relectas et percursas, inventum est…

Datum mensis aprilis dies octo, annum secundum regni nostri.

Datum Morlacas, mensis martius dies decem.

Me præsentem subscribsit. ital.

Spontanea voluntates nullus penitus quogentem aut suadentem… donamus.
ital.

Excepto manicipiis. ital.

Teste Domnus. esp.

Regnante…in episcopatu domnus Ferriolus. esp.

30(1) Sæpius pro masculinis fœminea, pro fœminis neutra, et
pro neutris masculina commutas ; ipsasque præpositiones loco
debito plerùmque non locas, nam pro ablativis accusativa et rursùm
pro accusativis ablativa ponis.

31(1) Diplomatum barbaries eorumdem sinceritatem prodit.
Fontanini ; Vindic. antiq. diplomat. lib. I, cap. 10.

32(2) Optimè scis Elipandi tempore latinam linguam in vernaculam
quâ nunc Hispani utimur, in magna sui parte, degenerasse ;
nomina latina casus habentia eos amittebant. Greg. Majansius ad
D. Frobenium.

33(1) Exemples de l'emploi de la préposition de.

Partem meam de prato… Medietas de terra… In concambio de homene.
Episcopos de regna nostra, tam de Niuster quam de Burgundia… Mercatum
de omnes negociantes… Pagenses de alias civitates… Cum pagena de silva
de foreste nostra… Jugera de terra aratoria… Terminus ergo de nostra donatione…
Aliquid de res proprius juris nostri… Quarrada de melle… Alecus
de suis propinquis. Diplom. etc. ad res francicas spectantia.

Donationis de omnia immobilia prædia… De quam portionem reteneo
mihi usufructu… Breve de diversis species… Notitia de res… De quas sex
uncias principales vendetor usufructum retenuit… De donatione memoriam
reducere curavi… Tertiam portionem de successione… Voluntatem de faciendo
Flaviano speciali tutorem… ital.

Decimas de omnes adjacentias et territorio suo et fines… Spelunca de ipsa
valle… Per beneficio de seniore meo… Congregatio de ipso monasterio. esp.

34(2) Exemples de l'emploi de la préposition ad :

Ad clero vel pauperes incommoda generetur… Valentem ad æstimationem
solidos C… Præceptio ad viro illustri data… Ad parte conjuge suæ… Quidquid
ad ipso monasteriolo, tam ad ipso abbate… Quam et ad Deo, fuit aut
fuerit additum… Diplom., etc. ad res francicas spectantia.

Ei ad quem ea res erit… Præceptorum ad me datorum… ad omnia consensi…
qui tenet stationem ad domo… Ad libertos meos quam ad alios vel
ad pauperes dandum deliberavi. ital.

Ad domum S. Saturnini cænobii dono… Dedit ad ipso nepote… Dedit
eam ad beneficio ad Isarno… facere donationem ad fratres et servos Dei. esp.

35(1) Je crois utile d'ajouter à ce tableau les substantifs suivants,
formés également d'un cas latin, autre que le nominatif
qui est en as, ens, ons :

tableau activitat em | ambiguitat em | assiduitat em | captivitat em | adolescent em | amenitat em | austeritat em | castitat em | adversitat em | antiquitat em | aviditat em | celebritat em | affinitat em | ariditat em | brutalitat em | celeritat em | commoditat em | humiditat em | necessitat em | singularitat em | conformitat em | immobilitat em | nuditat em | sobrietat em | continent em | immortalitat em | nullitat em | societat em | credulitat em | impartialitat em | orient em | solemnitat em | curiositat em | importunitat em | opportunitat em | soliditat em | dent em | impossibilitat em | paternitat em | stabilitat em | dexteritat em | impunitat em | perpetuitat em | sterilitat em | difficultat em | incapacitat em | perversitat em | stupiditat em | difformitat em | incivilitat em | pluralitat em | suavitat em | dignitat em | incommoditat em | ponent em | subtilitat em | diversitat em | incredibilitat em | popularitat em | surditat em | divinitat em | indignitat em | possibilitat em | temeritat em | docilitat em | indocilitat em | posteritat em | timiditat em | enormitat em | infinitat em | prioritat em | tranquillitat em | aequitat em | infirmitat em | probitat em | trident em | extremitat em | ingenuitat em | prodigalitat em | unanimitat em | facilitat em | inhumanitat em | proprietat em | unitat em | falsitat em | iniquitat em | proximitat em | universalitat em | familiaritat em intergritat em pubertat em universitat em | fecunditat em inutilitat em publicitat em urbanitat em | felicitat em invisibilitat em pudicitat em validitat em | ferocitat em | irregularitat em | quantitat em | vanitat em | fertilitat em | legalitat em | regularitat em | venalitat em | fragilitat em | liberalitat em | rigiditat em | veracitat em | fraternitat em | loquacitat em | rusticitat em | viduitat em | frugalitat em | majoritat em | sagacitat em | vivacitat em | front em | malignitat em | salubritat em | voluntat em | generalitat em | maternitat em | sanctitat em | voluptat em | hereditat em | maturitat em | securitat em | voracitat em | hilaritat em | mediocritat em | serenitat em | etc. etc. | hospitalitat em | minoritat em | severitat em | hostilitat em | moralitat em | simplicitat em | humanitat em | mortalitat em | sinceritat em

36(1) Et même quelques-uns en o, tels que

tableau aquilon em | capon em | centon em | triton em | baron em | carbon em | salmon em | etc. etc.

37(2) Le tableau suivant pourrait contenir beaucoup plus
d'exemples :

tableau abus us | an nus | brach ium cerv us | ablativ us | appetit us | camp us | clav is | accent us | apparat us | canal is col lum | acces sus | april is can is cœl um | accusativ us | aquæduct us | candidat us | consulat us | | advocat us | arc us | cant us | corn u | adversari us | argent um capellan us | crin is | agnel lus | argument um captiv us | damn um | aliment um asyl um castel lum dativ us | amic us | basilic us | cas us | deces sus | annel lus | beuefici um cens us | decret um | delict um inventari um pan is sanctuari um | detriment um jug um parricidi um sang uis | don um lac us | part us | sarment um | edict um laq ueus | pas sus | satan us | ædifici um lard um patron us | secret um | effect us | legatari us | pel lis senat us | element um librari us | pin us | sens us | emissari us | lapidari us | planct us | serv us | emolument um loc us | plumb um silenti um | exces sus | lum en pol us | sol um | fac ies luminar e pontificat us | son us | fact um mal um porc us | sortilegi um | fam is malefici um port us | statut um | ferment um magistrat us | prat um styl us | fer rum mandatari us | præfect us | succes sus | fil um man us | præjudici um suc cus | fin is mantel lum præsagi um suffragi um | flum en mar e prætext us | supplici um | foc us | marit us | precari um territori um | franc us | mercenari us | pretori um testament um | fragment um metal lum privilegi um tom us | fruct us | mod us | proces sus | ton us | frument um monasteri um progres sus | tribut um | fum us | monument um psalm us | triumph us | fund us | mund us | pugilat us | trunc us | fust is mysteri um punct um tumult us | gran um nard us | quint us | tyran nus | glori a nav is quintal e univers us | gel u negoti um ram us | urs us | genitiv us | nerv us | rapt us | val lis | gurg es nod us | refectori um vas um | gust us | nom en refugi um vent us | habit us | notari us | repertori um victori a | histori a object us | ris us | vin um | hospici um offici um rudiment um vis us | iudici um oratori um sabbat um viti um | interdict um ornament um sacrament um zel us | intestin um pact um salt us

38(1) De même :

tableau candelabr um | lucr um | ministr um | simulacr um | exempl um | lustr um | quadrupl um | spectr um | libr um | monstr um | sepulchr um | templ um

J'aurai occasion de faire remarquer, dans le cours de cet ouvrage,
qu'il existe encore aujourd'hui des patois qui n'ajoutent
pas cette voyelle finale.

39(2) De là :

tableau miracul um | receptacul um | spectacul um | avuncul us | obstacul um | sæcul um | tabernacul um

Et les féminins en a, tels que

tableau fabula | regula | tabula | ungula

40(1) En voici un tableau qui pourrait être plus considérable :

tableau abject us | agil is | annal is | ardu us | absent em | amar us | ardent em | arrogant em | bel lus | excellent em | lent us | plen us | bon us | exigu us | liberal is | pœnal is | boreal is | extravagant em | litteral is | present em | brev is | facil is | local is | prudent em | caduc us | fals us | long us | pudibund us | capital is | fat uus | lontan us | pur us | captiv us | fecund us | lustral is | quant us | cardinal is | feminin us | major quotidian us | central is | fertil is | masculin us | rauc us | clement em | fidel is | martial is | recent em | circumspect us | frequent em | minor ridicul us | civil is | furios us | moral is | rud is | commun is | futur us | municipal is | san us | conjugal is | generos us | mut us | secret us | content us | grand is | mystic us | servil is | contigu us | gratios us | natal is | sinistr um | contrit us | gratuit us | nativ us | suav is | constant em | grav is | negativ us | subit us | correct us | habil is | nov us | subtil is | decent em | heroic us | novel lus | succulent us | desert us | honest us | nubil is | suspect us | dextr um | humil is | nul lus | surd us | diligent em | indulgent em | nuptial is | tal is | direct us | ingrat us | odorant em | tot us | discret us | innocent em | officios us | tranquil lus | disert us | inquiet us | opportun us | triumphal is | distant em | intelligent em | opulent em | util is | divers us | intemperant em | oratori us | urgent em | divin us | inusitat us | ordinari us | van us | docil is | inutil is | oriental is | venal is | doctoral is | judiciari us | par violent us | dotal is | juridic us | pastoral is | viril is | dur us | lasciv us | pervers us | viv us | eloquent em | latin us | pestilent em | vulgar is | elegant em | larg us | petulant em | eminent em | legal is | plan us

41(1) Per ipso fluvio usque rio quæ est… Per memorato rio… Et alio
rio. Diplom. ad res francicas spect. t. I, chart. 73.

42(2) A levante rio qui currit… A tramuntante rio russo usque silva majore…
In loco ubi nuncupatur rio Porto. Muratori Dissert. 21 et 32.

43(3) Voyez page 48, note 2.

44(4) In valle quæ nuncupant rio Pullo. In rio Mexanos ; marc. hispan.

45(5) In caput de rio. Espan. Sagrad. t. 18.

46(6) Vadit in gurg Cabellar. marc. hisp.

47(7) Usque in finem Tarni ad alode et a feu. Mémoires pour l'hist. du
Rouergue, par Bosc.

48(8) Testament d'Amblard, seigneur du Rouergue. Hist. des
évêques de Rodez, Ms. par Bonald.

49(9) Ms. de Colbert.

50(10) On le trouve dans les Capitulaires.

51(11) Exeminam unam de vino et jornals novem ad ipsas vineas et jornals
duos ad messes colligendas. Et jornals duos ad ipsa era. Marc. Hispan.

52(1) In ipsa Serra de val de Bactors. Marc. hispan.

53(2) tableau amor | emperador | mort | salvament | auma | emperi | musa | sapientia | cant | fam | nom | satan | causa | fog | ome | scala | cel | lei | paluz | sermo | claritat | licentia | part | significatio | cor | luna passio | terra | creator | luxuria | peccador | torment | deu | majestat | pel | veritat | diable | mandament | redemcio | vertut | doctor | mar | sacrament | vita

54(1) Malade, de male aptus.

55(1) Je pourrais rapporter ici beaucoup d'exemples semblables,
mais je n'anticiperai point sur les rapprochements et les comparaisons
que j'aurai occasion de faire des différents idiômes qui ont
continué la langue romane primitive.

56(1) Les exemples de ce siècle me paraissent les plus décisifs,
soit à cause du nombre, soit à cause de l'époque :

Ille judex metuendus… Cum eo ponat judicium per illum judicii tremendum
diem… Unde ille rex celestis pro nobis retributor existat. An 615.
Test. Bertrandi. Dipl. chart., t. I.

Si autem dux exercitum ordinaverit et in illo fisco aliquid furaverit…
Ille minimus digitus ita solvetur ut pollex :… Illi autem alii articuli si abscissi
fuerint… Si quis alteri oculum ruperit et ille pupillus intus restitit…
Si occisus fuerit episcopus, sicut et illum ducem ita eum solvat… Fugit ille
qui occidit et illi pares sequuntur… Illa pecunia post mortem mulieris
retro numquam revertatur, sed ille sequens maritus aut filii ejus in sempiternum
possideant… Si ille talem equum involaverit quam Alamani Marach
dicunt, sic eum solvat sicut et illum æmissarium… Si enim in troppo de
jumentis illam ductricem aliquis involaverit. An 630. Capitul. lex Alamanorum.

57(2) Jadicatum ut illa medietate de ipsa porcione… Tam illa alia medietate
quam et illa fidefacta. An 716. Dipl. Chilperici III. Dipl. chart.

Placuit nobis ut illos liberos homines comites nostri ad eorum opus servile
non opprimant. An 793. Capit. Karol. mag.

58(1) Qu'on parcoure les titres et les écrits du temps, et notamment
les preuves de l'Hist. du Langued., t.I et II, les appendices
de l'Historia Tullensis, et du Marca Hispanica, les pièces justificatives
dans le Gallia Christiana.

59(1) En voici des exemples :

Nescio qui senex modò venit : ellum, confidens, catus.
Terent. Andr. act. V, sc. 2.

…Parasitum tuum
Video occurentem, ellum usque in platea.
Plaut. Curc. act. II, sc. 2.

…Æschinus ubi est ? — ellum, te expectat domi.
Terent. Adelph. act. II, sc. 3.

60(1) Ainsi ipse fut modifié en eps ; in produisit en, etc.

61(1) tableau gothique d'Ulfilas | francique | article | pron. dém. | nominat. | sa | der | dher | génit. | this | dhesses | dheses | dat. et abl. | thamma | dhemo | desemo | accusat. | thana | then | thesen

62(2) Dans le gothique et le francique, tous les substantifs ne
reçoivent pas constamment l'article ; ce qui explique pourquoi,
dans la langue latine dégénérée, l'ille et l'ipse ne sont pas toujours
placés devant les mots, qui, ensuite employés par la langue romane
et par les langues qui en furent la continuation, ont presque
toujours été précédés de l'article.

63(1) J'ai antérieurement indiqué les collections où l'on trouve de
semblables emplois de l'ille et de l'ipse par l'effet de la réaction
de la langue romane.

« Ipsum alodem de sanctas puellas cum ipsa ecclesia dono sancto Stephano…
Ipse alodes de Canuas… Ipsa Roca cum ipsa ecclesia… Ipse alodes
de Manulfellio monte cum ipsas vineas remaneat auriolo Sancio. Ipse alodes
de ipso Solario… Et illa Boscaria remaneat Armardo, etc. » An 960, Testament
d'Hugues, évêque de Toulouse.

« Dono ad illo cœnobio de Conquas illa medietate de illo alode de Auriniaco
et de illas ecclesias… Illo alode de Canavolas et illo alode de Crucio
et illo alode de Pociolos et illo alode de Garriguas et illo alode de Vidnago
et illo alode de Longalassa et illos mansos de Bonaldo, Poncioni abbati
remaneat. » An 961. Testament de Raimond Ier, comte de Rouergue.

64(2) En Italie :

An 713 : « Prope ipsa ecclesia presbiteri… Ad ipsa Sancta Vertute. » Muratori,
dissert. 5.

An 736 : « Ipsa supra dicta scolastica. » Muratori, dissert. 14.

An 752 : « Donamus in ipsa sancta ecclesia… Ipse prænominatus sanctus
locus. » Muratori, dissert. 21.

An 810 : « Una ex ipse regitur per Emmulo et illa alia per Altipertulo…
Ipsa prænominata Dei ecclesia. » Muratori, dissert. 12.

An 906. On lit dans les Annotazioni sopra i papiri de Marini, page 262,
un testament où l'article ipse est très-fréquemment employé :
« Habeat et ipsum cellarium de ipsa cerbinara ; habeat et ipsa
domum de ipsum geneccum et ipsum centimullum cum ipsa
coquina, etc. »

65(1) En Espagne :

An 775 (*) : « Per illum pelagrum nigrum… Per illas casas alvas… Per
illa lacuna. » España Sagrada, t. XVIII.

(*) A l'occasion de ce titre de 775, l'auteur observe que c'est le plus ancien titre qu'il ait
connu parmi les manuscrits de l'Espagne : « Scripturarum omnium quæ ad nostram pervenere
notitiam hæc vetustior. »

An 781 : « Per illo rio qui vadit inter Sabbadel et villa Luz et inde ad illam
Molon, de illa strada de Patrunel et inde per illa via quæ vadit
ad illo castro de Poco et per illa via quæ vadit ad petra Terta…
Et inde per illa strata de Guardia et inde per illa arclia de
Branias et per illo rivulo de inter Brana, Trabera et Branas de
Oldial et per illas Mestas… et inde ad illo rio de Rillola… ad
illo Poco de Trabe… et per illo Molon de inter ambos rivos
ad illo rio unde prius diximus. » Chart. Sylonis regis. Historias
de Idacio, p. 130.

An 844 : « De illa Cartagera usque ad illam villam, et deinde ad illo plano…
Et de illas custodias, etc. » España Sagrada, t. XXVI.

66(1) Les citations suivantes suffiront :

« Laureshamense cœnobium extructum hoc anno 770. Insigne dotatum
est a Cancore comite et Anguila conjuge ejus.

Terram et silvam quæ est in illa marcha de Birstat… Et de ipso rubero
ad partem aquilonis sicut ipsa incisio arborum in ipsa die facta fuit : et sic
ad illam ligneam crucem quæ est posita juxta illam viam quæ venit de
Birstat… usque ad illum monticulum. » Eckart, Franc. Orient, t. I, p. 610.

S. Burchard, évêque de Wirstbourg en Franconie, dans une
homélie contre les superstitions populaires, traduisant les expressions
du vulgaire, s'exprime ainsi :

« Sed dicunt sibi : illum ariolum vel divinum, illum sortilogum, illam.
erbariam consulamus. » Eckart, Franc. Orient. t.I, p. 844.

67(1) Tout ce livre était de feu ardent…
En sa main droite la dame un livre tient.

68(2) Beaucoup le louaient et amis et parents ;
Très fort blâmait Boece ses amis.

69(1) « Si je détourner ne l'en puis… Ni moi ni nul… Oui, sauverai-je… »
Serment de 842.

70(2) « Mort fut Mallius Torquator dont je parle. » Poeme sur Boece.

71(3) « Dieu savoir et pouvoir me donne… Il me ainsi faira. » Serm. de 842.

72(4) « Priez pour nous. » Litan. Carol. vers 780.

73(5) « Nous en avertirez. » Actes de 960, ms. de Colbert.

74(6) « Tu m'en avertiras… Tu m'en dispenseras…Ne t'en ôterai… Ni le
te défendrai… Avec toi et sans toi… Ne le vous ôterai… Vous en empêcherai. » Actes de 960, ms. de Colbert.

75(7) « Il me pareillement faira. » Serment de 842.

76(8) « Il était le meilleur de toute la seigneurie. » Poeme sur Boece.

77(9) « Contre Louis ne lui irai… » Serment de 842.

78(1) « Qui la lui ôtera, la lui prohibera… » Actes de 969, ms. de Colbert.

79(2) Formul. Marculf. vers 650.

80(3) « Par lui auraient tous rédemption… » Poeme sur Boece.

81(4) « Que tu l'aides… » Litan. Carol. vers 780.

82(5) « Ramener l'y puis. » Serment de 842.

83(6) Fit le le roi en sa prison jeter.

84(7) Ils sont si beaux, et si blancs, et si brillants.

85(8) Comme elle se hausse, le ciel elle a de la tête frappé…
Qui amour avec elle prend… Entre elles deux.
Poeme sur Boece.

86(9) « Leur en seront… » Actes de 960, ms. de Colbert.

87(10) « De par Boece leur mande telle raison. » Poeme sur Boece.

88(11) En même heure ils sont d'autre couleur…
Qu'avec le Seignenr Dieu se tenait fortement….
Chaque bon homme se fait le sien degré.
Poeme sur Boece.

89(1) Et envers Dieu était tout son attachement…
Mais il n'est pas bien qu'il se fie en son avoir…
Beaux sont ses vêtements, je ne sais compter les fils…
Là fut Boece et furent y ses pairs…
Très fort blâmait Boece ses amis…
Il ne crut pas Dieu le notre créateur…
Les miennes muses qui ont perdu leur chant.
Poeme sur Boece.

90(1) Dans le langage familier, les Latins contractaient quelquefois
l'ecce avec les pronoms ille et iste :

« Habeo eccillam meam clientem. » Plaut. Mil. act. 3, sc. I.

« Tegillum eccillud mihi unum arescit. » Plaut. Rud. act. 2, sc. 7.

« Certè eccistam video. » Plaut. Curcul. act. 5, sc. 2.

91(2) « Sauverai moi ce mien frère Charles. » Serment de 842.

92(1) Celui-la n'est bon qui à fragile échelle se tient.
Celui-lane tombera jamais par aucun tourment…
Celui-la va bien qui supporte le mal en jeunesse…
Ceux-la lui faillirent qui le avaient coutume d'aider…
Mais ceux qui peuvent monter…
Celui qui là ne se tient fermement…
Tout ce livre était de feu ardent…
Avec ce feu elle en prend sa vengeance.
Poeme sur Boece

93(2) Mêmes les démons sont en son commandement…
En la même heure ils sont d'autre couleur.
Poeme sur Boece.

94(3) Elle-même tient les clefs du paradis…
Elle-même tissut son vêtement.
Poeme sur Boece.

95(1) « En cela que il me pareillement faira. » Serment de 842.

96(2) « Hors de ce de quoi il dispensera. » An 989, Hist. de Languedoc,
pr. t. 2.

97(1) « Nul accord ne prendrai qui
Si Louis le serment que à son frère Charles il jure… » Serm. de 842.

98(2) « Qui les lui ôtera… Qui les vous ôtera. » Actes de 960, ms de Colb.

99(3) « Hors de ce dont il dispensera. » An 989, Hist. du Langued. pr. t. I.

100(4) Oncques ne vit un qui tant en retint…
Les miennes muses qui ont perdu leur chant…
En de qui la miséricorde tous les pécheurs sont…
Beaucoup sert le bien que l'homme fait en sa jeunesse.

101(5) Celui-là n'est bon qui à fragile échelle se tient.
Poeme sur Boece.

102(1) On trouve, dans la basse latinité, l'emploi d'unde dans le
sens de cujus, a quo, ex quo.

« Arca illa ubi solarius edificatus est cum orto unde agebatur. » An 840
Muratori, Dissert. 10.

103(2) Mort fut Mallius Torquator dont je parle.

104(3) Qui tant y pense que autre chose ne fairait jamais…¤.
Et qui nous paît afin que nous ne mourions de faim.
Poeme sur Boece.

105(4) E quel est l'homme qui à ferme échelle se tient ?
Quelle ont les oiseaux signification ?
Quels sont les oiseaux qui sont au t montés ?
Poeme sur Boece.

106(1) « Ni le te défendrai… Le rendrai… Ne les vous ôterai… Ne la lui
empêchera… Ne les lui empêchera. » Actes de 960. Ms. de Colbert.

107(2) « Ne le fairai… A vous le tiendrai. » Actes de 960. Ms. de Colbert.

108(3) Nous en plusieurs livres cela trouvons eu lisant…

109(1) Cela signifie du ciel la droite loi…
Pour cela ne le voulut Boece à seigneur…
Ce sont tous hommes qui dès jeunesse sont bons…

110(2) Pour ceci tu me fais en captivité être.
Poeme sur Boece.

111(3) « Hors de ce dont il dispensera. » An 989. Hist. du Langued. pr. t. 2.

112(4) Dans la basse latinité, cet emploi de l'inde fut très-fréquent :
« Ut mater nostra ecclesia Viennensis inde nostra hæres fiat. » An 543.
Diplom. Chart. t. I.

« Cepit de ipsis spolia ; aliquid ex inde dilecto filio nostro obtulit. » An
795. Hist. du Languedoc, pr. t. I.

« Ut quidquid ex inde facere volueris. » An 888. Marc. Hisp. append.

Ce qui ne doit laisser aucun doute sur l'acception du mot en
provenant d' inde, c'est que, dans un titre où le roman est mêlé
au latin, on lit à-la-fois :

« Adjutor inde ero ad supradictum… Adjutor en sere. » An 1064. Marc.
Hisp. append.

113(1) « Détourner le en puis. » Serment de 842.

114(2) « Elle est si belle, reluit en le palais- » Poeme sur Boece.

115(3) « Par quantes fois tu m'en avertiras… Pouvoir je t'en donnerai… Hors
quand tu m'en dispenseras » Actes de 960. Ms. de Colbert.

116(4) Tant en retint que de tout il ne fut dépouillé.
Tant bon exemple il en laissa parmi nous.
Poeme sur Boece.

117(5) Dans la basse latinité, ibi signifiait quelquefois illi, illis.

« Ipsum monasterium expoliatum, et omnes cartæ, quas de supra dicto
loco ibi delegaverunt, ablatæ. » An 664. Dipl. Clotar. III.

« Trado ibi casale… Tradimus ibi terram… Dono ibi decimas. » An 888.
España Sagrada, t. 28.

118(6) « N'y donnera. » Actes de 985. Hist. du Languedoc, pr. t. I.

119(7) La fut Boece, et furent y ses pairs…
Qui tant y pense que autre chose ne faira jamais.
Poeme sur Boece.

120(1) « Comme on, par droit, son frère sauver doit. » Serment de 842.

121(2) L'on ne le laissa à sauvement aller…

122(3) Comme l'un le perd, à l'autre il voit tenir…

123(4) Qui tant y pense que autre chose ne faira jamais.
Poeme sur Boece.

124(5) « Ni moi ni nul. » Serment de 842.

125(6) Et Théodoric accueille tout en mal sa raison…
Ils ne peuvent tant en leurs cœurs convoiter,
Qu'elle de tout ne voie leur penser…
Poeme sur Boece.

126(1) Quant il se regarde, pourtant rien ne lui reste…
Je n'ai que je prenne ni ne puis rien donner.
Poeme sur Boece.

127(2) « Devant son regard nul homme ne se peut celer. » Poeme sur Boece.

128(3) « Avec Lothaire nul traité jamais je prendrai… En nulle aide. »
Serment de 842.

129(4) D'une demoiselle il fut là visité…
Que aucun homme ne peut défaire néant…
Celui là ne tombera jamais par aucun tourment.
Poeme sur Boece.

130(5) « Et en chacune chose. » Serment de 842.

131(6) Chacun bon homme se fait le sien degré…
De la part de Boece il leur mande telle raison.

132(1) Nous en plusieurs livres cela nous trouvons en lisant…
Là où ils avaient coutume les autres causes juger.
Poeme sur Boece.

133(2) Par toutes les fois. Actes de 960, ms. de Colbert.

134(3) La grammaire présentera à ce sujet les exemples détaillés
pour chaque pronom auquel cette règle fut appliquée.

135(4) Ce sont tous hommes qui dès jeunesse sont bons.
En toi me avais coutume je à tous jours fier.
Poeme sur Boece.

136(1) « Son frère sauver doit… Détourner en puis. » Serment de 842.

137(2) « Ni point de lui ne voulut tenir sa dignité. » Poeme sur Boece.

138(3) « Oter tu voulusses… N'osasses combattre. » Actes de 960, ms. de
Colbert.

139(4) Mourir voudrait et il est en grand trouble…

140(5) La peau lui ride, voici que le chef il tient tremblant
Comme elle se hausse, le ciel elle a du chef frappé.
Comme il est vieux, va sa dignité en diminuant.
Poeme sur Boece.

141(1) « Je pleure tout le jour, je fais coutume d'enfant. » Poeme sur Boece.

142(2) Quelquefois, à la première ainsi qu'à la troisième personne,
l'euphonie permit d'ajouter l'i final, même en supprimant la consonne
qui terminait ce temps du verbe.

143(3) De la part de Boece leur mande telle raison…

144(1) Elle-même tient les clefs du paradis.

145(2) Nous en plusieurs livres cela trouvons en lisant…
Nous de plusieurs hommes nous cela avons vu.

146(3) Qui cela espèrent que je fasse à leur volonté…
Poeme sur Boece.

147(1) Très fort blamait Boece ses amis…
De sagesse l'apellaient docteur.

148(2) Qu'avec le seigneur Dieu il se tenait fortement…
De tout l'empire le tenaient pour seigneur.
Poeme sur Boece.

149(1) Que tant aima Torquator Mallius…¤.
Il ne crut Dieu le nôtre créateur.

150(2) Je ne te servis bien, tu ne la me voulus laisser…
Ceux-là lui faillirent qui avaient coutume de l'aider.

151(3) Quand bien se dresse, le ciel elle a percé….
Ce sont bons hommes qui ont racheté leurs péchés.
Poeme sur Boece.

152(1) Quelquefois ai se changeait en ei ou e, selon la différence
des prononciations.

153(2) « Ainsi sauverai-je… Je prendrai… » Serment de 842.

154(3) « Empêcherai… Occirai… Donnerai… Oterai… Fairai. » Actes de
960, ms. de Colbert.

155(4) « Tu donneras*. »

(*) Augustus efficitur Jastinianus ; qui, nihil moratus, collecto exercita contra barbaros est
profectus, et commissâ pugnâ, fugatisque hostibus, regem se eorem cepisse gavisus est. Quem
in solio regni juxtà se sedere fecit, et ut provincias quas Romanis eripuerat, sibi restitueret imperavit.
Cui ille, non inquit, dabo. Ad hæc Justinianus respondit daras. Pro cujus novitate sermonis
civitas eo loci constructa est cui darass nomen est. Aimoin., lib. 2, c. 5.

156(5) « Tu fairas, tu avertiras, tu dispenseras… »

157(6) « Il trompera, prohibera, ôtera, assaillira, lassera… »

158(7) « Nous donnerons, ôterons, enquerrons, prohiberons, serons… »

159(8) « Vous avertirez. »

160(9) « Ils tromperont, seront, retourneront, ôteront, dispenseront. »
Actes de 960, ms. de Colbert.

161(1) « N'acheterait on pas avec mille livres d'argent. » Poeme de Boece.

162(2) « Oteraient ni t'en ôteraient. » Actes de 960, ms. de Colbert.

163(3) « Par lui auraient trèstous redemption. » Poeme sur Boece.

164(1) De la part de Boece, il leur mande telle raison
Qu'ils passent la mer munis de guerre.
Poeme sur Boece.

165(2) Que cela ils espèrent que je fasse à leur volonté…¤.
Je n'ai rien que je prenne ni ne puis rien donner…
Ils ne peuvent tant en leurs cœurs convoiter
Poeme sur Boece.

166(1) « Qu'elle de tout ne voie leurs pensers. » Poeme sur Boece.

167(1) « Oter tu voulusses. » Actes de 960, ms. de Colbert.

168(2) Oncques ne fut homme, tant grande vertu il eut…
Qui la sagesse comprendre put
Qu'ils crussent Dieu qui soutint passion.

169(3) Oncques ne vîtes homme, tant grande dignité il eut
Que son corps ni son âme mie pour rien guérit.

170(4) Quels sont les oiseaux qui sont jusqu'au t montés ?…
D'une demoiselle il fut là dedans visité.
Poeme
sur Boece.

171(1) Dans la langue gothique, le substantif aigins signifie l'avoir,
la propriété :

Saei ni afquithith allamma aigina seinamma.
Qui non renunciat omni proprio suo
Ulfilas. Luc, cap. 14, v. 33.

172(2) Thanuh naunthanuh ainana sunu aigands liubana sis.
Tunc adhuc unum filium habens carum sibi.
Ulfilas. Marc. cap. 12, v. 6.

173(3) Jah anthara lamba aih.
Et alias oves habeo.
Ulfilas. Joh. cap. 10, v. 16.

174(4) Attan aigum Abraham.
Patrem habemus Abraham.
Ulfilas. Luc, cap. 3, v. 8.

175(5) « Du vrai Dieu il ne voulut avoir l'ami. » Poeme sur Boece.

176(1) Je n'ai que je prenne ni ne puis rien donner…
Avec la demoiselle puis ont très grande amour…
Quant en la prison il avait le cœur triste…
De toute Rome l'empire j'eus à commander…
Comte fut de Rome, et il eut tant grande valeur…
Ou il est infirme, ou il a chagrin eu.
Poeme sur Boece.

177(2) « Je n'aurai. » Actes de 960, ms. de Colbert.

178(3) « Il n' aura. » An 985. Hist. de Languedoc, preuves, t. 2.

179(4) « Ils n'auront. » Actes de 960, ms. de Colbert.

180(5) Par lui ils auraient trèstous redemption.
Oncques ne fut homme tant grande vertu il eut.
Poeme sur Boece.

181(1) Tu me fis en grande puissance être
Ou il est infirme ou il a chagrin eu…
Et comme il est vieux, alors il est bonnement…
Nous jeunes hommes si long-temps que nous sommes
Mêmes les Satans sont en son commandement…
Mêmes les hommes qui sont outre la mer…
En de qui merci tous pécheurs sont
Poeme sur Boece.

182(1) Il était le meilleur de toute la dignité…
De sagesse ne fut trop négligent…
Enfans, en temps furent hommes fellons…
fut Boece, et furent y ses pairs.
Poeme sur Boece.

183(2) « Je vous en serai… Abandonnant ne sera… Vous en serons… Leur
en seront… » An 960. Ms. de Colbert.

184(3) « En soit, en soient… » An 985. Hist. du Languedoc, pr. t. 2.

185(4) Jamais n'est besoin que le feu y soit alumé…
Que il cela pense que les voiles soient peints.
Poeme sur Boece.

186(5) « Que vous en fussiez. » Actes de 960, ms. de Colbert.

187(1) L'ancien italien disait amar o et ser o.

188(1) Peut-être la plupart de ces locutions étaient-elles en usage,
dans la langue latine corrompue, par l'effet de la réaction de la
langue romane vulgaire sur la langue latine elle-même.

« Te per voluntate parentum tuorum habui desponsatam… Si te desponsatam
habuissem.
 » formul. marculf. lib. 2, n° 16.

« Omnes res quas ipsi monachi habebant cum ipsis chartis deportatas. »
Dipl. Clot. III.

« Multi se complangunt legem non habere conservatam. » An. 793. Capit.
Pipini.

« Ipso theloneo… Et quomodo suprà memorati reges et imperatores in luminaribus
ecclesiæ sancti Victoris vel ei servientibus collatum habebant »
Gall. Christ. Eccl. Massil. t. IV, p. 107.

189(1) Comme il est vieux, va son honneur en diminuant
Trèstout le jour il va la mort en réclamant
Qui toute heure toujours va en tombant
La mienne amour si mal ils vont en perdant.
Poeme sur Boece.

190(2) Quethun thatei sa ist bi sunjai pranfetus.
Dixerunt quod hic est in veritate propheta.
Ulfilas Joh. cap. 6, v. 14.

191(3) Dhanne ist nu chichundit drazs fona dhemu almahtigin fater dhurah
Tunc est nunc probatum quod ab illo omnipotente patre ab
inam ist al uuordan.
illo est omne factum.
Frag. de trad. en francique d'Isid. de Séville. Litt. des Francs, p. 109.

Than uuitum liudio harn that than is san aftar thiu sumer.
Tunc sciunt hominum filii quod tunc est statim post illa æstas.
Paraph. franciq. des Évangil. c. 41. Litt. des Francs, p. 181.

192(1) Je ne pense que en Rome homme de son savoir fut…
Qui cela espèrent que je fasse à leur volonté

193(2) Droit est et bien que l'homme en Dieu se espère,
Mais n'est bien que il se fie en son avoir.

194(3) Je ne pense qu'auprès autre douleur lui demeure.

195(4) Jamais n'est besoin que feu y soit alumé.
Poeme sur Boece.

196(1) « Je te le maintiendrai tout a toi… Que a droit j'aurai ou a merci. »
Actes de 960, ms. de Colbert.

197(2) « Avec Lothaire aucun traité ne oncques prendrai. » Serment de 842.

198(3) « Avec toi et sans toi. » Actes de 960, ms. de Colbert.

199(4) Elle avec Boece parla tant doucement.

200(5) Auprès de Mallius le roi empereur.
Poeme sur Boece.

201(6) « De ce jour en avant… De sa part. » Serment de 842.

202(7) « Aide je t'en serai et de l'aide je ne te tromperai. » Actes de 960, ms.
de Colbert.

203(8) Ce sont tous hommes qui dès jeunesse sont bons.
Poeme sur Boece.

204(1) Devant son regard nul homme ne se peut celer…
Ne se peut cacher nul homme devant son regard.
Poeme sur Boece.

205(2) « Et en aide et en chacune chose. » Serment de 842.

206(3) Qui les morts et les vivants tout a en jugement…
Voici Boece tombé en chagrin…
En toi me avais-je coutume à tous jours fier.

207(4) Tant bon exemple en laissa entre nous.

208(5) Par lui auraient trèstous redemption…
Mais par envie le mirent en prison…
Pour cela ne le voulut Boece à seigneur.
Poeme sur Boece.

209(6) « Avec toi et sans toi… Et vous maintiendrai tout sans fraude. » Actes
de 960, ms. de Colbert.

210(7) « Sans de Dieu la licence jamais ne fairont tourment. » Poeme sur Boece.

211(1) Sur le manteau écrit avait un t grec.

212(2) Ni même les hommes qui sont outre la mer…
Qu'il transmettait les lettres outre de la mer.

213(3) Pourtant une frange qui vers la terre pend…
Et envers Dieu était tout son attachement…
Et envers Dieu ne tourne sa volonté.
Poeme sur Boece.

214(4) « Devers midi, devers orient. » Gall. Christ. t.1.

215(5) « Je ne pense qu'auprès une autre douleur lui demeure. » Poeme sur Boece.

216(6) « En cela que il me pareillement faira. » Serm. de 842

217(1) Quelques-uns s'en retournent a bas en arrière. Poeme sur Boece.

218(2) « De ce jour en avant. » Serment de 842.

219(3) Qui en l'échelle tant bien ont leurs degrés.

220(4) Qui lui louaient derrière aux jours antiques.

221(5) Et alors il appelle la mort si doucement…
Et lorsqu'il est vieux, alors est bonement.
Poeme sur Boece.

222(6) « Hors quant tu m'en dispenseras. » Actes de 960, ms. de Colbert.

223(7) Beaucoup fortement blâmait Boece ses amis.

224(8) La fut Boece et furent y ses pairs.
Poeme sur Boece.

225(1) La où ils avaient coutume les autres causes juger,
La vint le roi sa félonie mener.

226(2) Celui qui la n'est fermement.

227(3) Par ici montent cent mille oisillons.

228(4) La demeure où elle entre, au dedans est grande clarté…
D'une demoiselle il fut la dedans visité.

229(5) Celui-là ne tombera bientôt par aucun tourment.

230(6) La mienne amour tant mal vont en perdant.

231(7) Quand moins s'en garde, il ne sait mot quand il le surprend.

232(8) Beaucoup vaut le bien que l'homme fait en jeunesse.
Poeme sur Boece.

233(1) Mauvais hommes furent, à présent ils sont pires.

234(2) Elle se fit, mais avait plus de mille.

235(3) Avec la demoiselle puis ils ont très grande amour.

236(4) A quelle heure elle veut, petite se fait assez.

237(5) Qui à toute heure toujours va en tombant.
Poeme sur Boece.

238(6) « Assurément cela il tiendra… Oui, cela je tiendrai, et cela j'exécuterai. »
Actes de 960, ms. de Colbert.

239(7) Il fit ses messagers suivre, assurément il les fit mettre en prison.

240(8) Ainsi comme le brouillard couvre le jour au bon matin,
De même couvre richesse le cœur au chrétien.
Poeme sur Boece.

241(1) Non il est ainsi comme ils allaient disant.

242(2) Dessous avait écrit un P grec.

243(3) Tant bon exemple il en laissa entre nous…
Il l'enseigne tant bien avec son discours.

244(4) Tant il en retint que de tout il ne fut dépouillé.

245(5) Quand il se regarde, il n'a rien.

246(6) De sagesse il ne fut pas beaucoup négligent.

247(7) ils avaient coutume les autres causes juger.

248(8) Il dit qu'il la prise, mie jamais la tient.
Poeme sur Boece.

249(1) Pourtant à Boece onc ne vint en pensée…
Onc ne fut homme, tant grande vertu il eût.
Poeme sur Boece.

250(1) « Ne le lui en trompera ni méchamment. » Acte de 960, ms. de Colbert.

251(2) « Parlons tous deux franchement et douce… »

252(3) « Et lui dit que, de ce qu'il disait, il mentait vilement et fausse… et
déloyale… Par la gorge. » Philomena, p.118.

253(1) « Aymon fit cela généreusement et joyeuse… » Philomena, p. 66.

254(2) « Prier humblement et dévote… » Philomena, p. 132.

255(1) « Vous le tiendrai et vous le maintiendrai tout sans tromperie. Ta m'en
avertiras et de l'avertissement je ne me défendrai… Et assurément je le tiendrai,
et assurément je le maintiendrai à toi. » Actes de 960, ms. de Colbert.

256(1) Et lorsqu'ils sont vieux, ils deviennent fellons
Et font parjures et grandes trahisons.
Poeme sur Boece.

257(2) « Qui la lui ôtera ou la lui défendra ; lui ôteront ou la lui défendront…
Qui te les ôte ou te les veuille ôter. » Actes de 960, ms. de Colbert.

258(3) L'on voit un homme chétif et dolent ;
Ou il est malade ou autre chose pris le tient,
Ou il est infirme ou il a chagrin eu.
Poeme sur Boece.

259(4) « Si je détourner ne l'en puis, ni moi ni aucun que je détourner eu
puisse, en nulle aide contre Louis non lui irai. » Serment de 842.

260(5) « Non le vous ôterons ni vous en ôterons… Non l'en ôtera ni ne les
lui prohibera, ni ne l'en trompera… Non aurai ni ne tiendrai. » Actes de 960.
ms. de Colbert.

261(1) Que tant y pense que lui autre chose ne faira jamais…
Non a avoir ni ami ni parent.

262(2) L'on l'a au matin, mie ne l'a au soir…
Quand cela il fait, mie ne s'en repent.

263(3) Ni nullement de lui ne voulut tenir sa dignité…
D'or ne sont nullement, mais moins valants ne sont.

264(4) Quant il se regarde pourtant rien ne lui reste,

265(5) Droit est et bien que l'homme en Dieu espère,
Mais non est bien qu'il se fie en son avoir.
Poeme sur Boece.

266(1) Mais quand il est jeune et a honneur très-grand…
Mais, par une raison, un nom il avait plus agréable.

267(2) Ainz par envie le mirent en prison.
Poeme sur Boece.

268(3) « Et je te le acquitterai tout, hors quand tu m'en dispenseras. » Actes de
960, ms. de Colbert.

269(4) Quand elle bien se dresse, le ciel elle a percé.
Quand il vient à l'heure que le corps lui va en se brisant.

270(5) Beaucoup vaut le bien que l'homme fait en jeunesse,
(Quand il est vieux) qui puis le soutient.
Et quand il est vieux, alors il est bonement.

271(6) Là dedans il contait du temporel comme il est,
Du soleil et de la lune, du ciel et de la terre, mer, comme est…
Non il est ainsi comme ils allaient disant.
Poeme sur Boece.

272(1) « Ainsi que on, par droit, son frère sauver doit. » Serment de 842.

273(2) De même que le brouillard couvre le jour le bon matin…

274(3) Qui nous soutient tant que par terre nous allons.
Poeme sur Boece.

275(4) « Si je détourner ne l'en puis. » Serment de 842.

276(5) Que l'un ne cela prise s'il livre son parent.

277(6) Pourtant Boece trèstous les en dément.

278(7) Par qui sauvé m'espère pourvu que lui nous appelons.
Poeme sur Boece.

279(1) Telles que les signes de comparaison, les verbes employés
d'une manière impersonnelle, les doubles négations, etc.