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Diez, Friedrich. Grammaire des langues romanes. Tome troisième – T01

[Grammaire des langues romanes]

Livre IV.
Syntaxe.

La syntaxe enseigne à grouper pour leur faire exprimer une
idée, c'est-à-dire en une proposition, les parties du discours qui
dans l'étude étymologique ont été considérées au point de vue de
la forme et de la flexion. Elle doit avoir égard non-seulement
aux principes qui règlent en général l'assemblage des parties
du discours entre elles, mais aussi à l'emploi des mots individuels
qui appartiennent à l'une ou à l'autre. La proposition est simple
ou multiple (composée) ; cette distinction, qui a sa raison d'être
dans la nature des langues arrivées à un certain degré de développement,
doit être observée aussi dans cette étude : la première
partie traitera donc de la proposition simple, la seconde
de la proposition composée. Les règles concernant la place que
doivent occuper les mots dans la proposition ou l'ordre dans
lequel doivent se succéder les diverses propositions pourraient
être indiquées occasionnellement dans ces deux parties, mais une
étude à part de cette question ne présente pas seulement des avantages
pratiques, elle fait mieux apprécier un trait caractéristique
important des nouvelles langues. Il ne semble pas moins raisonnable
de consacrer une section spéciale à la méthode de négation
romane, essentiellement différente de l'ancienne méthode et moins
simple. L'ensemble de la syntaxe romane se divise donc en quatre
sections.1

Première section.
Proposition simple.

Chapitre premier.
Substantif et adjectif.

Le rapport du genre roman au genre latin étant inséparable
de la déclinaison a déjà été exposé au livre de la flexion : bien
qu'il y ait des exceptions, le masculin roman correspond d'habitude
au masculin ou au neutre latin, le féminin au féminin ;
même les mots qui ont été empruntés aux langues germaniques
conservent pour la plupart fidèlement leur genre (t. II, 14-22).
Au point de vue de l'influence exercée par le sens le roman se
comporte aussi comme la langue mère ; mais la terminaison
a acquis une certaine influence. Les noms communs en a
(fr. e), par exemple, qui désignent une personne masculine sont
en général aussi masculins, mais beaucoup de mots nouveaux
comme guida, spia, sentinella se rangent dans presque tous
les domaines au genre féminin, et même les mots transmis par la
langue mère comme propheta et papa sont quelquefois traités
comme féminins en provençal et en vieux français, singularité
que la terminaison seule peut avoir causée (t. II, p. 14 ss.).
Dans d'autres cas on a accommodé la terminaison au genre :
socrus devient en esp. prov. suegra, en port.sogra, en val.
soacrę ;nurus, ital. nuora, esp. nuera, port. prov. nora,
v.franç. nore, val. norę. Les noms géographiques se sont en
général réglés sur la terminaison. En effet ceux en a ont le genre
féminin, les autres ont le genre masculin ; à ces derniers appartiennent
ital. Messico, Perù, Napoli, Parigi (aussi féminin),
Tamigi, Tevere, esp. Japon, Ferrol, Guadalquivir, Rodano,
port. aussi Garumna, Guadiana, Sequana, franç. Portugal,
Piémont, Danemark, Canada, Brésil, Paris, Lyon, Rhône
Danube
, Elbe. Les noms des mois et des jours de la semaine
sont masculins, ces derniers ne sont féminins qu'en valaque ;
les noms des vents, sauf ceux qui se terminent en a, sont également
2masculins. Le changement le plus important concerne les
noms d'arbres, qui sont devenus masculins (t. II, p. 15).

2. En ce qui concerne le nombre il faut remarquer : 1) Les
noms de personnes considérés comme noms communs passent
sans hésitation au pluriel : ital. i Catoni, gli Scipioni (hommes
comme Caton et Scipion), esp. los Horacios y Virgilios, comme
lat. Catones, Scipiones ou gr. οἱ Ἡρακλέες, οἱ Θησέες (voy. chap.
2, § 5). — 2) En latin les noms de matière sont en grande partie
aptes à être employés au pluriel, aussi bien ceux qui indiquent
un assemblage peu condensé de petites parties que ceux qui
désignent une masse ; les premiers sont considérés comme un
ensemble, les seconds comme des objets isolés : nives, grandines,
imbres, arenae, pulveres, frumenta, venena, carnes
(morceaux de viande), pices (morceaux de poix). Dans les nouvelles
langues le pluriel a pris une plus grande extension : on
peut dire par ex. en it. nevi, piogge, arene, farine, frumenti
orzi
, latti, lini, lane, carni, ori, argenti, rami, piombi
stagni
 ; en esp. nieves, lluvias, arenas, polvos, cenizas,
trigos, lanas, carnes etc. ; en franç. neiges, pluies, arènes,
poudres, sucres, chairs, ors, plombs. — 3) Des abstraits qui
indiquent un état corporel ou intellectuel ou une activité peuvent
de la même manière revêtir la forme du pluriel ; c'est là un trait
syntactique important que la nouvelle langue possède en commun
avec l'ancienne. Exemples latins : vitae, mortes, somni, risus,
timores, superbiae, audaciae, irae, odia, invidiae, amores
oblivia
, honestates, satietates. De même en ital. vite, morti,
sonni, ozi, risa, gusti, timori, superbie, orgogli, ire, odi
invidie
, vendette, ubbidienze, amori, obblii, posse Ger.
3, 51, umilitadi, onestadi, povertà, sanità ; aussi les idées
matérielles ardori, candori, rossori, splendori, mormorii,
gridi, tuoni, caldi, geli
. De même en esp. vidas, muertes
miedos, temores, iras, amores, zelos, ciumes, valores,
saludes, piedades, temeridades
. Fr. vies, morts, craintes,
peurs, amours, fureurs, courroux, désespoirs, perfidies
bontés, respects
, même patiences, au sens figuré feux, flammes,
froideurs, les froiz et les chaus
Ruteb. I, 31, comp. les
notes de Ménage sur Malherbe p. 142 ; pr. las fams e las setz
GRoss
. 6741, néanmoins on restreint déjà dans cette langue
l'usage de cette liberté. Les pluriels de ce genre désignent soit
une véritable pluralité de l'idée (le morti degl'imperatori),
soit une pluralité de modes ou d'expressions d'une seule et même
idée (le bellezze les divers côtés de la beauté, le ire les manifestations
3de la colère, gli amori les amours) ; quelquefois aussi
ils ne font que renforcer l'idée simple 11. Aux abstraits appartient
aussi l'infinitif, mais dans ce cas on ne lui laisse prendre que
rarement la forme du pluriel. Au reste ces pluriels sont surtout
employés par la poésie artistique qui y voit et y cherche un
ornement de style ; l'ancienne poésie plus naïve les favorise
moins. L'allemand moderne au contraire a perdu beaucoup de
ces pluriels qui étaient encore couramment employés dans l'ancienne
langue. — 4) D'autres cas sont lat. coeli, ital. cieli,
esp. cielos, fr. cieux ; pectora, esp. pechos fréquent aussi
bien dans le sens propre et appliqué à une seule personne qu'au
sens abstrait ; barbae s'emploie de la même manière (dans
Apulée et d'autres), esp. port.barbas ; litterae (lettre missive)
v.esp. prov. letras, v.fr. lettres, se rapporte à un seul
objet de ce genre. — 5) Plusieurs substantifs sont exclusivement
ou spécialement employés au pluriel, soit à cause de l'exemple
donné par le latin, soit à cause d'un usage postérieur déterminé
par la nature elle-même de l'objet. Une petite liste de ces mots
a été donnée au tome II, p. 22.

3. Les attributions du substantif peuvent être remplies aussi
par des adjectifs et des pronoms, des verbes (infinitifs) et des
particules ; même par des phrases entières, comme en grec, voy.
pour plus de détails à l'infinitif. Il faut encore relever ici la
représentation périphrastique usitée en latin d'un substantif
personnel par une proposition relative, qui est surtout favorisée
par l'italien : lat. ii qui audiunt (auditores), ii qui judicant
(judices) ; ital. a chi leggerà (al lettore) ; il maestro di color
che sanno
(de' sapienti) Inf. 4, 131 ; diè lor chi conduce 7,
74 ; esp. al que leyere etc.

4. Dans un cas déterminé on remplace régulièrement l'adjectif
par le substantif
. Le latin exprime les matières considérées
4comme attributs par des adjectifs, ce n'est que çà et là dans le
style poétique qu'il se permet des substantifs comme sideris ora
pour siderea, tegumenta frondis pour frondea. Dans la
nouvelle langue, pour laquelle la forme de ces adjectifs en eus
n'était pas commode, l'emploi du substantif est devenu la règle :
ainsi poculum aureum, argenteum, cupreum est devenu it.
bicchier d'oro, val. pahar de aur, esp. vaso de plata, fr.
gobelet de cuivre. Mais ce n'est qu'en français que l'emploi de
l'adjectif est interdit (t. II, p. 277), aussi lorsque les poètes
emploient le participe, comme Malherbe dans âge ferré pour de
fer, siècle doré
pour d'or, la critique réclame-t-elle. Il en est à
peu près de même pour les noms géographiques : ainsi it. vino
di Reno, Guittone d'Arezzo
, mais on dit aussi Pietro Aretino
Serafino Aquilano
 ; pour d'autres exemples voy. ch. 2, § 4. —
L'espagnol présente la particularité suivante : des substantifs
qui, accompagnés d'une préposition, représentent le sens d'un
adjectif, peuvent en prendre immédiatement la place grammaticale
et par conséquent aussi précéder le mot principal comme
un véritable adjectif ; c'est comme si nous voulions dire « la sans
comparaison beauté » pour « l'incomparable » : la sin ygual
belleza = la incomparable belleza Nov
. 4 ; dos sin ventura
amigos Num.
4, 1 ; el vano y sin provecho sentimiento
Garc. eleg. 1 ; el mas sin ninguna mala tacha (el mas puro)
CLuc. 45 ; aquel sin ventura ; me tienen por de ningun
juicio
. Les autres langues n'usent pas aussi facilement de ce
procédé. Mais on a un correspondant dans l'it. quel senza cuore.

5. L'adjectif au sens absolu (il sera question au chap. 4
de la construction de l'adjectif avec le substantif) ou bien représente
une personne considérée à un point de vue général, ou
bien exprime une idée abstraite. 1) L'emploi de l'adjectif avec
un sens personnel a pris dans les langues nouvelles une bien plus
grande extension que dans le latin, qui ne sous-entend pas volontiers
le mot homo. Homo doctus est rendu simplement par ital.
il letterato, esp. el erudito, fr. le savant, val. invętzatul, et
dans ce sens on admet aussi quelquefois l'emploi du féminin. —
2) Si l'adjectif exprime une idée abstraite, s'il représente une
qualité comme telle, il revêt dans d'autres langues la forme du
neutre, comme lat. jucundum, grec τὸ καλόν. Dans la plupart
des provinces romanes la forme du neutre concorde ici avec celle
du masculin : ital. il sublime, il bello, port.o grande, o formoso,
prov. lo vers, lo belhs, franç. le beau, l'utile ; seul
l'enchaînement de la phrase peut résoudre la question du sens.
5Mais en espagnol, par une heureuse circonstance, un article
spécial lo s'est établi pour accompagner l'adjectif dans ce sens
et prévenir ainsi toute confusion : lo verdadero, lo util, lo
presente, lo pasado, lo alto desta sierra, lo hondo deste
valle
. La désignation du neutre par la forme même de l'adjectif
(à part les quelques cas de la comparaison anomale, comme ital.
migliore, neutre meglio = melior, melius) n'est offerte que
par les dialectes du nord-ouest dans leur période la plus ancienne :
prov. masc. bos, fém. bona, neutre bo, v.fr. bons, bone, bon ;
encore ce neutre est-il restreint à l'emploi adjectival parce qu'il
se rapporte toujours à une idée pronominale neutre (qui peut être
contenue aussi dans le verbe, généralement esser), comme dans
aisso es belh (cela est beau) ; tot lo remanen ; tot quant es
avinen ; no pot esser remazut que ; belh m'es, bon m'es
 ; mais
si l'adjectif est pris substantivement on n'a pas, ainsi que nous
l'avons dit, lo belh, mais avec la flexion lo belhs, gran perda
hi fai lo remanens
(le reste) Choix V, 11, comp. t. II, p. 56 12.
3) La représentation périphrastique de ce neutre par res est
devenue très-usitée dans les nouvelles langues, qui toutefois
emploient de préférence causa (t. II, p. 419) : ital. cosa incredibile
(qqch. d'incroyable), esp. cosa nueva, prov. re novelh
Choix
V, 375, plus leugiera cauza (traduction de facilius)
GO. 58b, fr. grand'chose, belle chose. Nous verrons plus bas
au chapitre du pronom qu'on supprime quelquefois cosa en
italien, en sorte que dans cette langue un féminin représente un
sens neutre. Le valaque est la seule langue où le neutre absolu
puisse être rendu par le pluriel du féminin, par ex. ceale pęmųnteśti
(res terrestres = terrestria les choses terrestres) ;
de la cei buni invatze cele bune (on apprend des bons les
bonnes choses, le bien).6

6. Il se présente des cas où l'adjectif prend la place de l'adverbe.
1) On a déjà remarqué au livre de la formation des mots
(p. 427) que l'adjectif au neutre peut remplacer l'adverbe.
Toutefois cette faculté n'appartient pas à tous les adjectifs ;
elle n'est concédée qu'à un nombre relativement peu important
d'entre eux et presque uniquement à des adjectifs simples : on
emploie dans les autres cas la composition avec mente. Mais ici,
comme partout, la langue poétique est plus libre. Voici quelques
exemples qui donneront une idée de ce procédé. It. mena dritto
altrui Inf
. 1 ; lo sol fiammeggiava roggio Pg. 3 ; si alto
miraron gli occhi miei
P. Son. 12 ; come dolce ella sospira
126 ; mirandol io fiso P. Cz. 24, 3. Esp. fermoso sonrrisaba
PC
. 881 ; duermes cierto ? Garc. Egl. 2 ; el viento que
blando ʼy prospero soplaba Nov
. 7 ; se holgaron infinito.
Prov. jatz mol o dur Jfr. 135b ; tan suau non m'adormi
Choix
III, 98 ; vauc plus prion 104. Fr. ces fleurs sentent
bon, mauvais ; cette actrice chante faux ; il parle trop vite
.
Parmi les écrivains de la décadence Prudence emploie souvent
l'adjectif pour l'adverbe, castum pour caste, severum pour
severe (voy. l'index de l'éd. Cellar.). — 2) Veut-on donner
comme attribut au sujet ou au régime un genre ou un mode d'activité,
on change alors, comme en latin (tacita secum gaudet),
l'adverbe en un adjectif, lequel toutefois ne peut être clairement
reconnu que s'il est au féminin en a ou au pluriel, car autrement
ce pourrait être aussi bien l'adjectif adverbial. Ital. la mente
mia mirava fissa Par
. 33 ; tu vedi certa Orl. 5, 54 ; pastorella
mai sì presta non volse piede
1, 11 ; che più lontana
se ne vada
1, 20 ; ite veloci ! Esp. nubes que tan recias
caminais
GVic. 71a ; alta va la luna SRom. 227 ; alza mas
alta la rodilla Num
. 4, 4 ; viendola andar tan ligera Nov.
1 ; hermosa y discreta respondiò 4 ; port.commetteram
soberbos os Gigantes o Olympo Lus
. 2, 112 ; mais certas se
conheçam as partes
5, 25. Les langues du nord-ouest ne
paraissent pas favoriser cette expression ; cependant on dit en
franç. une nouvelle venue (au lieu de nouvellement), des
fleurs fraîches cueillies, v.fr. les chevaliers noviax venus
Brut
. I, 329 ; prov. la luna luzi clara Jfr. 66a. Les adjectifs
solus, primus, ultimus prennent très-souvent aussi, comme
en latin, la place des adverbes correspondants. Ital. soli tre
passi credo ch'io scendesse Pg
. 8 ; ella uscì la prima ;
uomini eletti ultimi vanno ; esp. solos D. Antonio y D. Juan
no quisieron ;yo á tan divina gloria la primera embestiré

7Cald. I, 83b ; port.nellas ses exprimenta toda a sorte Lus.
3, 39. Franç. ils sont les seuls à plaindre Corn. Hor. ; le
seul consulat est bon pour les Romains
Corn. Cinn. ;
o fleur que j'ay la première servie Mar. II, 317 ; elles
entrèrent les dernières
. En espagnol et en portugais junto
(junctus, junctim) est employé à la fois comme adjectif et
comme adverbe, par ex. esp. junto severidad con dulzura
Garc. egl. 2 ; la multitud de gente y armas junta Num,
1, 1 ; port.recebem junto e dão feridas Lus. 4, 39 ; os ventos
funtos dando nella
(sc. vella) 6, 71.

7. Comparatif et superlatif. — La représentation romane
de ces gradations a été étudiée déjà au livre de la flexion ; il reste
encore, au point de vue syntactique, quelques particularités à
relever. 1) Outre magis, plus, minus on peut aussi employer à
cet usage melius : it. più contento e meglio sicuro Dec. 4, 1 ;
meglio capace Orl. 3, 48 ; pr. lo miel presan et plus plasen
Choix
V, 12 ; lo mielh adreg IV, 46 ; v.fr. des melz gentils
Ch. d'Alexis ; les mielz vaillanz LRs
. ; li miax vaillant
Dolop
. 241 (ce qui s'explique facilement par valoir mieux) ;
mais en fait ce comparatif renvoie au positif ben sicuro etc.
Dans Charl. v. 310 on trouve set anz e melz exactement
comme le m.h.allem. siben jâr ode baz. En italien on dit
aussi meglio di venti scudi. — 2) D'après la règle générale
l'idée du superlatif est liée à l'article. Mais il est clair que
l'article disparaît partout où un pronom précédant l'adjectif
ne tolère pas l'article devant lui. On dit en français mes plus
beaux jardins
, mais en italien i miei più bei giardini etc. A
l'inverse l'article n'est pas tout-à-fait étranger au comparatif : il
ne peut pas être supprimé lorsqu'on veut désigner l'objet comme
un objet déterminé : ainsi dans la phrase provençale los fortz
venson li forsor
(les plus forts triomphent des forts). Ici c'est le
sens qui empêche les confusions. L'Arioste emploie très-souvent le
comparatif avec l'article dans des phrases négatives, par ex. non
era dopo il re di lui il più degno Orl
. 5, 13, passage dans
lequel le degré de comparaison est rendu clair par le di lui
qui en dépend ; che la Bretagna non avea il più forte 5, 17 ;
Annibal Caro dit io non ho mai conosciuto il più compito gentile
uomo di questo
. — 3) Si le superlatif, comme les langues
en laissent généralement la liberté, est postposé à son substantif
déjà précédé de l'article ou accompagné d'un possessif, il reste
généralement sans article. Ital. i suoi compagni più noti e
più sommi
Dante ; nell' età sua più bella Pétr. ; tra l'altre
8gioje più care che aveva
Bocc. ; la donna la più bella ch'io
abbia mai veduta
 ; cependant on blâme dans cette langue la
répétition de l'article. Esp. la desdicha mas fuerte ; port.seu
filho mais velho ; a neve he o corpo o mais branco
. Prov.
l'ome pus grassios ; v.franç. le pris plus honneste ; mes
garnemens plus chiers
. En français moderne au contraire on
ne peut pas éluder l'emploi de l'article : la femme la plus
vertueuse
. En valaque le superlatif est accompagné de l'article
cel et toujours placé après le substantif : nucul cel mai umbros,
dat. nucului celui mai umbros. — Le superlatif avec l'article
défini peut aussi s'unir au substantif accompagné d'un article
indéfini : ital. un popolo il più incostante ; esp. un valle el
mas secreto
 ; port.huma estrella a mais luminosa ; angl.
a nature the most delicate. — 4) Le superlatif organique
au sens absolu n'indique qu'un degré élevé d'une qualité (durissimo
très-dur), aussi s'unit-il le plus souvent avec l'article
indéfini : it. una bellissima casa, esp. un hombre doctisimo,
et de même en v.fr. un grandisme nez. Toutefois l'article défini
n'est pas absolument incompatible avec cette forme : des locutions
telles que it. l'ottimo parlatore, la minima parte, l'altissimo
poeta, le virtuosissime operazioni
, esp. el audacisimo
caballero DQuix
. 1, c. 28, la afligidisima madre, prov.
l'altisme tos, v.fr. li saintisme ber TCant. p. 83 ne sont pas
sans exemples 13. — 5) Lorsque la comparaison porte sur deux
objets seulement, le latin se sert du comparatif et non du superlatif.
Les langues filles sont incapables d'observer cette règle
partout où l'adjectif doit nécessairement être accompagné de
l'article défini, car il en résulterait immédiatement l'expression
à laquelle on donne le nom de superlatif : minor fratrum est
en it. il minore de' due fratelli, fr. le plus jeune des deux
frères
, au contraire l'anglais dit the younger of the brothers.
Mais si l'adjonction de l'article défini n'est pas obligatoire, l'ancien
usage se maintient encore, ainsi en espagnol dans cette phrase où il
s'agit de deux personnes : tu llevarás la palma de mas verdadero
amigo
(certioris amici palmam reportabis) Num. 4, 1
(p. 73). — 6) Après des relatifs comme quantus, quam, ut,
le latin emploie le superlatif pour marquer le plus haut degré de
9la possibilité : quanta maxima poterat celeritate ; quam
celerrime potuit ;ut blandissime potest
 ; de même en grec
ὡς τάχιστα et en m.h.all. sô er schiereste mohte. Le roman
emploie habituellement le comparatif qui suffit à rendre l'idée.
Ital. quanto potea più forte ne veniva Orl. 1, 15 ; come
meglio seppe
, aussi come il meglio seppe ; come si puote
il meglio. Esp. plorando quanto mas se podia Bc. Mil.
770 ; como él pudier mejor PC. 2646. V.franç. plus tost que
pot
(lat. non pas celerius quam potest, mais celerrime) Gar.
I, 137 ; cum il ains pot (le plus tôt qu'il put) Rou II, 5.
B.lat. quam citius poterit L. Roth. n. 280 ; quandocumque
ego citius potuero Esp. sagr
. XIX, 372 (de l'an 962). Mais
il emploie le comparatif aussi après d'autres relatifs et avec différents
verbes, par ex. après quando et ubi. On dit ainsi : ital.
quando più dolcezza prendea (summam dulcedinem) P.
Cz. ; dove noi possiamo meglio albergare (optime) Dec.
10, 9. Esp. quando (el sol) mas hermoso se muestra (pulcherrime)
Nov. 10. Pr. quant menz s'en guarda (minime)
Bth. 132 ; v.fr. là ù li esturs fust plus forz (d'après le lat.
ubi fortissimum est proelium) LRs. 156. B.lat. ubicunque
illis melius visum fuerit
Tir. 10a (de l'an 753) ; qualiter
ipse melius praeviderit
Lup. 530 (de l'an 774). Ensuite après
le pronom relatif : ital. quel piacer ch'ogni amator più
brama Orl
. 1, 51. Esp. lo que él mas deseaba ; segun que
mejor entiendo Flor
. I, 222b ; port.a ren do mundo que eu
mais amava Trov
. n. 151. Prov. la re que plus volia Choix
V, 74 ; l'om cui miels vai LR. I, 371 ; cil que genser se
capdella
494 ; v.fr. le jouel quelle garde plus chierement
TFr
. 452 ; celle du monde qu'ayme mieux Ch. d'Orl. 51 ;
mais fr.mod. ce que je désire le plus. B.lat. quemcunque
meliorem invenerint Form. B
. 37 ; faciat exinde quidquid
melius elegerit
Mab. II, 668b (an. 804) ; quale ille melius
praeviderit
Ughell. VI, col. 1283. — 7) Avec le verbe
être il arrive souvent, en italien surtout, que les comparatifs
organiques de l'adjectif sont échangés contre leurs adverbes
correspondants, par ex. esse son meglio di te (au lieu de migliori) ;
che son peggio che porci (peggiori) Pg. 29, 115 ;
s'altra è maggio (maggiore) Inf. 6, 48 ; lo cielo è maggio
GCav. 349, et l'on trouve même un pluriel maggi ; l'arch.
maggio a rarement, dans Guittone par ex., le sens adverbial
qui lui revient de droit. En v.franç. aussi mielz (melius) peut
être mis à la place d'un adjectif : cent cumpaignons des mielz
10et des pejurs Rol
. p. 56 ; prov. ab dels mels de la vila GA.
5272 d'après LR. IV, 182 (ab del mels d'après Fauriel). Comp.
chap. 12, § 4.

7. La gradation absolue d'une qualité est avant tout exprimée
au moyen d'adverbes. Les plus importants ont été énumérés
au tome II, p. 441 ss. Il reste à remarquer : 1) Pour l'it.
molto les dialectes du sud-ouest ont deux formes, esp. mucho,
muy, port.muito, mui (aussi mũi nasal) ; on emploie le plus
volontiers la forme abrégée devant les adjectifs d'une certaine
dimension (muy maravillado, aussi muy de buena gana).
Multum est déjà passablement répandu dans le latin du plus
ancien moyen âge, par ex. vestimenta multum vilia, multum
pretiosa Capit. Lud. pii
, Georg. p. 825, déjà dans Augustin
homines multum superbi Hymn. adv. Donat., dans Grég.
de Tours multum callidus 3, 7 etc. Le fr. bien est un renforcement
très-usité : bien bon, bien mal, bien malade ; les autres
langues, qui possèdent déjà multum, en font un usage plus
modéré : ben chiaro, bien malo, bem cheio, lat. bene multi,
b.lat. filiam bene idoneam Gr. Tur. 5, 33, homines bene
francos Form. M. App
. n. 5, de bene liberis hominibus 12,
bene ingenuus 13. L'ital. assai exprime un degré un peu plus
élevé que le fr. assez et le port.assaz ; l'esp. asaz est vieilli.
L'ital. tra, qui est littéralement le fr. très, n'est employé que
devant certains adjectifs qu'indiquent les lexiques ; il en dit plus
que le mot français : tradolce signifie extrêmement doux ; il
en est de même de stra dans stragrande. Le v.fr. par, qui
sert à renforcer d'autres adverbes d'intensité, est d'ordinaire
attiré par le verbe, comme dans mut par fu liez MFr. I, 364 ;
mut par esteit bons chevaliers I, 328 ; l'eve par estoit moult
parfonde
voy. Roq. II, 203b ; mult par esteit tenu Rou
I, p. 195 ; moult par ingaus C. Poit. p. 51 ; trop par li
estes dure
MFr. I, 538 ; tant par est sages 424. Un exemple
provençal est : molt per foren de bon e de sobtil Bth. 187.
On trouve en v.port. mal vos per está ; ben mi o per devedes
a creer
. Le lat. per aussi se sépare çà et là de son
adjectif : per mihi mirum visum est ; per pol quam paucos.
Un mot qui exprime un sentiment vif est l'adverbe de comparaison
tam (en roman aussi sic), lorsque la comparaison n'est
pas consommée : « le jour est si beau » ; ital. era una sì bella
fanciulla
 ; esp. los cantos eran tan consolables, franç. il
se porte si bien
 ; déjà en latin Hannibal opinionem de se
auxit conatu tam audaci trajiciendarum Alpium
. — 2) On
11renforce le sens du comparatif soit avec ces mots, soit avec
d'autres : on dit ital. molto più bello ; assai più ricco ;vie
più grande ; di gran lunga più dotto
 ; esp. mucho mas
bello ; muy mejor
 ; port.muito mais alto ; mut mais penetrante ;
bem mais
 ; prov. Molt plus tost Choix III, 39 ; trop
miels
ibid. 8 ; pro mais V, 34 ; fr. beaucoup plus avant ; bien
moins
 ; val. cu mult mai inalt. Il faut remarquer qu'en espagnol
devant mas les adverbes mucho et poco peuvent être
remplacés par les adjectifs correspondants : mucha bella estoria
Alx
. 943 ; mucha mas distancia Cald. ; de poca mas edad
Nov
. 9 ; et cette expression est encore correcte dans la langue
moderne : mucha mayor agudeza Flor. éd. Wolf. II, 462a.
Ex. v.ital. gemma molta cara Din. Comp. ; in poca d'otta
ibid. ; molta fora spietata donna PPS. I, 206 ; per la molta
novissima cosa CN
. 21 ; di troppa più gente Malesp. c. 45 14.
Nous observerons plus bas en parlant du génitif (§ 3) un phénomène
tout semblable. Le superlatif organique aussi se laisse
précéder d'adverbes d'intensité, comme ital. molto bellissimo
=
lat. multo pulcherrimus, sì scarsissimo, più sommo,
più pessimo
 ; esp. la muy finisima esmeralda, la mas minima
obra
. En effet on admet facilement pour traduire l'intensité
d'une impression une nouvelle gradation de l'adjectif déjà
gradué. Le grec μᾶλλον ὀλβιώτερος trouve un écho non-seulement
dans le latin magis major Plaut. Men. prol., mais aussi dans
l'espagnol mas mejor Rz. 285, dans le provençal pus melhor
Choix, IV
, 79, dans le v.fr. plus hauçor Alex. p. 64 ou dans le
franç. populaire plus meilleur, que Henri Etienne compare à
βέλτιον μᾶλλον. Voy. t. II p. 61 note, où nous avons relevé plusieurs
superlatifs redoublés. On connaît le lat. proximus, proximior
et l'allem. erster, ersterer. Même des adjectifs dont le sens
n'admet pas de gradation peuvent en subir une : au latin magis
unicus
Plaute Capt. 1, 2, 47 répond le français mon plus
unique bien
Corn. Hor. 1, 3.

8. Les substantifs ne sont pas proprement capables de
gradation. Il faut néanmoins observer les faits suivants :
1) Lorsque deux substantifs ayant la valeur d'attributs sont
rapportés à un seul et même sujet, on peut partout désigner la
12prééminence de l'un sur l'autre au moyen de la particule comparative :
ainsi it. egli è piu pittore che scultore ; fr. il est plus
poète que philosophe
 ; all. er ist mehr Herr als Diener. Le
même procédé est généralement permis aussi lorsque deux sujets
sont comparés entre eux, surtout en espagnol : aquel es mas
ladron que Caco
 ; port. Pedro es mais homem que João ;
franç. celui-ci est plus homme que son frère ; dans Malherbe
je suis plus rocher que vous n'estes ; fut moins Hercule
que toy
. L'espagnol et le portugais appliquent volontiers au
substantif encore d'autres particules intensives : esp. somos tan
caballeros como vos ; aquel es tan señor de mi vida que

etc. ; tan hijo fui de desdichas Cald. I, 265b (tam ego homo
sum quam tu
Plaute Asin. 2, 4, 83) ; de même muy fijos
d'algo, muy cazador, muy amigos, muy dama
 ; port.tanto
senhora soya ser CGer
. II, 14 ; era ja muito noite (au lieu
de alta noite) ; he muito verdade ; é mui trobador Trov.
Vat
. p. 97 ; it. se voi foste così uomo como voi sete femmina
CN
. 156 ; v.fr. mult ies ber Rol. p. 119 ; molt petis e molt
enfes G. d'Angl
. p. 123 ; en français moderne ce serait mal
parler que de dire il est aussi poète que Virgile, il est beaucoup
chevalier
. Ex. b.lat. pro me nimium peccatori HL.
II, 65 (an. 931), et m.h.all. ir sît gar ze kint Ulr. von Licht.
41, 25. — 2) Plaute a dit oculissime homo ! o patrue mi
patruissume !
des comiques grecs Δαναώτατος ; l'italien transporte
de même dans le discours passionné la forme du superlatif
issimo à des substantifs qui désignent soit des personnes, soit
des objets, et dit fratellissimo (frère par dessus tous les frères),
padronissimo, virginissima, Ricciardissimo, asinissimo
casissimo
(le grand cas). L'espagnol dit dueñisima, et on trouve
dans le style de chancellerie du latin du moyen âge dominissimus ;
le terme opposé servissima omnium ancillarum se lit
dans les Form. B. 8. A cet issimus le provençal oppose sa
forme périphrastique, par ex. lo plus vassals GRoss. 2067 ;
lo pus laire Choix IV, 421 ; v.fr. li plus sire FC. I, 410 ;
le plus prodome Og. I, p. 28 ; li plus maistre Rol. p. 56 ;
le plus traitour HCap. 190 ; le plus roy (βασιλεύτατος) qui
fut onc couronné
Mar. ; le plus âne La Font. fabl. 3, 1.

9. Noms de nombre. — 1) Dans la chronologie on se sert
généralement des nombres cardinaux, seul le premier jour du
mois est exprimé par primus. Exemples pour désigner a) des
années : ital. l'anno mille settecento ; esp. el año (de) mil y
ochocientos
 ; port.o anno (de) mil oitocentos e doze ; fr. en
13mil
(au lieu de mille, dans la chronologie) sept cent quatre-vingt ;
val. in anul o mie opt sute (en l'an 1800) ; b) les
jours du mois, en général avec le mot dies sous-entendu : ital.
il di primo d'Aprile ; ai due di Marzo ; a' dieci di
Luglio
 ; esp. el primero de Enero ; el primer Octubre ;
á dos de Enero ; el decimo septimo de Junio ; port.aos
quatro de Julho ; em vinte e oito de Decembro
 ; franç. le
premier Janvier ; le six (de) Janvier ; le vingt Mars
 ; val.
in opt Maiu. c) Les heures : ital. è un'ora ; sono le due ;
a quattro ore, alle quattro
 ; esp. es la una ; son las dos ; fr.
il est une heure ; il est deux heures (et non pas sont, comme
en ital. et en esp.) ; à trois heures ; val. sųnt opt ; la doaę
ciásuri
(vers deux heures, plur. du slave cias). — 2) Pour
distinguer des personnages du même nom on emploie les
nombres ordinaux qu'on place après le substantif sans article,
comme it. Carlo quinto, esp. Felipe secundo, val. Francisc
inteiul, Carol al cincilea
. Le franç. aussi dit Charles premier
Henri second
15, mais aussi deux et à partir de trois il ne
compte plus qu'avec des nombres cardinaux, sauf pour Charles
Quint, Sixte Quint
dont la forme a été calquée sur celle des
langues du sud. En v.franç. la numération ordinale était également
usitée, et Marot encore dit Loys douziesme, Montaigne
Conrad troisiesme, Charles cinquiesme, jamais Charles
Quint
. Pour les citations ce sont en général aussi les nombres
cardinaux qu'on emploie : it. libro tre, fr. chapitre vingt, val.
in a treia carte (au livre trois). — 3) La perte des distributifs
a rendu nécessaire la périphrase avec quisque : ainsi ital. le
dita dell' uomo hanno ciascuno tre articoli
(hominis digiti
articulos habent ternos
) ; esp. mozos de diez y seis años
cada uno
(pueri senum denum annorum) ; val. avec cųt
(quot) : tot insul are cųte doaę cęrtzi (quivis habet binos
libros
). Seul le distributif de l'unité, singuli, se retrouve dans
l'esp. sendos, port.senhos, par ex. doce pueblos de sendos
regiones
(duodeni populi ex singulis regionibus) Alx. 807 ;
dos ladrones de señas partes PC. 350 ; todos dem senhos
soldos
26. — 4) A la formule allemande selbdritt, gr. τρίτος αὐτός
14répond le franç. lui troisième, par ex. il échappa à peine
lui troisième
(lui et deux autres). Pour lui l'ancienne langue
employait soi : mes pères est soi cinqantisme Brut. I, p. 91 ;
li rois soi qart s'en vint NFC. II, 343 ; aussi prov. Galvan
era si tertz Jfr
. 51b ; b.lat. sibi sextus Child. capit. Pertz
IV, p. 7 ; sibi duodecimus juret L. Fris. voy. DC. v. sibi ;
dans une charte longobarde sibi septimus cum sex presbiteris
Brun. 447 (an. 715). Cette expression sibi tertius etc.
doit signifier « pour sa personne le troisième ». Mais l'ablatif
absolu n'est pas non plus sans exemple, ainsi dans un foral
portugais yuret se quinto SRos. I, 464b, et c'est de là que
semble procéder la formule tout entière. — 5) Un nombre élevé
indéterminé
est rendu souvent, de même qu'en latin et dans
d'autres langues, par centum ou mille, ce dont il est inutile de
donner des exemples. Dans l'ancien roman on avait aussi quingenti,
par ex. pr. cinc cent merce vos ren Jfr. 115b, comp.
Choix III, 174, IV, 395 ; v.fr. cin cenz merciz de deu Charl.
v. 159, cinq cens M. diable PDuch. 60 ; en cinq cent lius
SSag
. p. 70. L'expression latine traditionnelle était sexcenti,
mais dans Plaute quingenti non plus n'est pas rare : quingentos
cocos Aul
. 3, 6, 17, quingentos curculiones Curc. 4, 4, 31 17.

Chapitre deuxième.
Article.

Nous passons maintenant à l'examen d'un élément du discours
encore inconnu au latin ; il n'a pas l'air d'accompagner le nom
et cependant il lui est parfois si indispensable qu'il en devient
presque une partie complémentaire. Ce mot atone, qui ne dit rien
par lui-même, l'article, a pour mission de mettre en relief un
objet comme individu, soit qu'il s'agisse d'un individu déterminé
ou d'un individu indéterminé. Dans le premier cas on se sert
du démonstratif ille, dans le second du nom de nombre unus.
Si l'idée doit rester générale on n'ajoute aucun article. L'introduction
de l'article, surtout de l'article défini, a été un avantage
pour les jeunes langues. Grâce à ce procédé facile l'objet se
15présente à l'esprit avec plus de précision et de vivacité, l'expression
gagne en chaleur et en réalité ; dans l'ancienne langue ces
nuances ne se reconnaissent que par le contexte. D'autre part
on ne doit pas se dissimuler que la méthode des langues modernes
porte beaucoup de préjudice à la simplicité de l'expression et
que certaines élégances de style qu'on peut obtenir par un
emploi plus libre ou par la suppression de l'article ne sont pas
une compensation suffisante.

En ce qui concerne l'histoire de l'article défini ce qu'on
peut dire c'est qu'il a dû se former de bonne heure : à partir
du VIe siècle les chartes présentent des exemples suffisamment
nombreux de ille employé avec cette valeur. Il serait superflu
de réunir une nouvelle collection de ces exemples, car celles qui
ont été composées par d'autres savants, surtout par Raynouard
(Choix I, 39. 47-49) suffisent parfaitement à établir le fait en
question. Aussi dès les plus anciens textes romans voyons-nous
l'article en pleine application. Il est vrai qu'on ne le trouve pas
dans les Serments, bien qu'il eût pu s'y présenter en deux
passages : pro Christian poblo et si Lodhuvigs sacrament,
où l'offre la version allemande (thes folches, then eid). Mais
d'une part le style de ce petit texte trahit l'intention de se rapprocher
des formes latines, et d'autre part l'article n'avait peut-être
pas encore acquis à cette époque toutes ses prérogatives.
Dans le texte le plus rapproché en date on ne peut être surpris
de l'absence de l'article tout au plus qu'en deux passages, bel
auret corps
et sovre pagiens, il est fréquent dans le reste du
texte. Il se présente aussi dans le Boèce provençal et dans les
textes français qui suivent immédiatement 18.

L'histoire de l'article indéfini n'est pas aussi claire. Des auteurs
latins, surtout de l'époque ancienne, employaient le numéral
unus avec une valeur plus ou moins pléonastique comme pronom
indéfini dans les cas où le roman ou l'allemand appliquerait sans
contredit l'article indéfini ; mais il ne faut peut-être voir là
qu'une conception personnelle et non une intention de se conformer
à un précepte grammatical obligatoire. Néanmoins c'est
dans cette signification affaiblie de unus que réside le germe de
l'article indéfini. Mais ce n'est qu'à une époque tardive et peu
16à peu que les nouvelles langues ont dû en sentir la nécessité :
à l'origine l'idée dans sa généralité a dû se montrer encore apte
à embrasser la notion voisine d'individualité indéterminée, jusqu'à
ce qu'enfin la langue sur ce point aussi ait exigé plus de précision.
Du moins l'article indéfini est-il rare dans les chartes du
moyen âge à côté du défini très-répandu ille ; il faut de la peine
pour l'y découvrir, et en général unus peut y être considéré
comme un nom de nombre ou un pronom indéfini ; cependant
l'usage qui en est fait est déjà bien plus étendu qu'en latin. C'est
lorsqu'il suit son substantif que ce petit mot s'éloigne le plus du
sens de l'article, comme dans le passage calicem argenteum
capsulam unam communem de serico
Bréq. 20 (an. 475)
et dans beaucoup d'autres. Il a plus du caractère de l'article
lorsqu'il précède le substantif, comme dans ces passages : cum
ad eum unus cuneus hostium adventaret
Greg. Tur. 4, 49 ;
habet ibi ecclesiam majorem et unam capellam Mab. I,
629 (VIe siècle) ; infra ipsa terrula est uno pero, ce qui est
tout-à-fait italien, Brun. 479 (an. 730) ; dedit nobis unam
villam Esp. sagr
. XL, 354 (an. 745) ; non convenu uno
episcopo dicere etc
. Hincm. Opp. II, 605 (Ampère) ; se adunarunt
ad unum consilium
Mur. III, 711 (IXe siècle) ; collecti
in uno concilio
Mab. III, 615 (an. 859) ; cf. DC. s. v. unus. Le
sens décidément étranger à toute notion pronominale, comme dans
la phrase homo est unum animal, où unum n'a qu'une valeur
pléonastique, ne se trouverait guère représenté dans les anciens
diplômes. Si l'on considère les plus anciens textes de la langue
vulgaire, on trouvera qu'il n'y avait pas place pour cet article
dans les Serments ; Eulalie n'en offre qu'un seul exemple (ad
une spede
). Parmi les langues romanes actuelles, le valaque est
celle qui en restreint le plus l'emploi. Dans les domaines grec et
allemand l'article indéfini n'a été introduit de même qu'après le
défini. Il se risque déjà dans le Nouveau Testament (Winer.
Gramm. § 17, 4), passe de là dans la Vulgate et dans la
traduction d'Ulfilas, par ex. προσελθὼν εἷς γραμματεύς, accessit
unus scriba, duatgaggands ains bôkareis Matth
. 8, 19.
Le grec moderne ἕνας se comporte à peu près comme le roman
unus, mais la poésie, même lorsqu'il est pris dans le sens de τίς,
s'en passe beaucoup plus aisément (κόρη ξανθὴ ἐχούϊαζεν « une
jeune fille blonde regardait au dehors », voy. Müller Neugriech.
Volkslieder
I, 4). Le v.h.allemand aussi emploie encore avec
réserve l'article indéfini, à peu près comme la romana rustica,
autant du moins qu'il nous est possible de nous en rendre compte.17

Voici encore quelques points à relever à propos des deux
articles. 1) Si l'article défini au génitif ou au datif est placé
devant un attribut, l'idée principale précédant, la désignation
casuelle n'est pas répétée : on dit ainsi di Roma la bella (et
non della bella), à Frédéric le grand (et non au grand). —
2) L'article indéfini, conformément à l'idée qu'il représente, n'a
pas de pluriel. Cependant comme unus en qualité de pronom
peut passer à ce nombre, l'espagnol et le portugais ont pris
l'habitude de lui accorder comme article la même faculté : leo
unos libros
(fr. je lis des livres) ; ha humas pessoas (il y a
des personnes
) ; déjà dans le PCid : unos preciosos escaños
v. 1770 ; toutefois il peut aussi être supprimé. Mais il est surtout
attiré par des mots qui ne sont usités qu'au pluriel, ou qui à ce
nombre désignent un couple d'objets de même nature, comme
unas bodas, unas letras Alx. 735, unos zapatos PC. 3097,
unas manos ; v.port. humas esporas, hums zapatos SRos.
II, 269. En vieux français on trouve aussi unes armes, unes
chausses, uns espérons, unes hueses, unes joes
(Orelli
p. 41), unes lettres TCant. p. 74, de même prov. unas novas
(une nouvelle) Choix III, 398, unas toalhas Leys II, 92,
unas forcas (un gibet) GRoss. Le pluriel latin dans unae
nuptiae, unae litterae
ne donne qu'un sens numéral, le m.h.
allemand dans einen zîten, zeinen pfingesten a plutôt une
signification pronominale. — 3) Pour le valaque il faut encore
observer : a) Tandis que toutes les langues sœurs préposent
immédiatement l'article au nom lorsqu'aucun attribut ne vient
s'intercaler, le valaque unit l'article déterminé au nom comme
un suffixe, ce qui donne sans contredit à l'expression une plus
grande brièveté : dinantea uśiei casei unui grędinariu =
ital. dinanzi alla porta della casa d'un giardiniere. Il n'est
préposé qu'à des noms de personnes masculins, qui d'ailleurs au
nominatif ne sont pas accompagnés de l'article, par ex. nom.
Mihail, dat. lui Mihail, gén. a lui Mihail. Sur l'article cel
voy. plus bas § 18 ; — b) Au lieu du fém. una c'est une forme
plus brève o qui est entrée dans l'usage pour le nominatif et
l'accusatif, de sorte que una est restreint au sens numéral et
pronominal, par ex. ai tu o peanę cu tine ? Am una (As-tu
une plume avec toi ? J'en ai une).

Après ces observations préliminaires nous passons aux détails.
La règle simple n'est pas appliquée de la façon la plus rigoureusc.
Certaines idées auxquelles l'article ne semble pas convenir le
prennent néanmoins ; des formules ou des locutions d'origine
18ancienne le rejettent. Dans l'ensemble les langues concordent,
mais elles se séparent souvent assez nettement dans les détails.
La matière dans toute son étendue est difficile à épuiser ; nous
ne pouvons accorder ici une place qu'aux principes les plus
importants.

1. L'article n'est dû en réalité qu'à la troisième personne ; la
première et la deuxième, la personne de celui qui parle et de celui
à qui l'on parle, sont suffisamment désignées par leur énonciation
même. Les pronoms ego et tu sont en conséquence immédiatement
préposés au substantif et jouent en quelque sorte eux-mêmes
le rôle de l'article : on dit ainsi it. io infelice, tu anima
bella, noi cittadini, voi pastori
etc. Mais si le pronom contient
l'idée principale et si le nom suivant ne fait que compléter l'idée,
on ne peut rien objecter contre l'emploi de l'article : ital. io il
signore iddio tuo
, esp. yo el rey, fr. moi le seigneur, grec ἐγὼ
ὁ τλήμων, all. ich der Heiland. — Les points suivants demandent
à être examinés de plus près : 1) En espagnol l'article ou
le démonstratif correspondant prend la place du pronom de la
première ou de la deuxième, personne sous-entendu par
l'esprit, sans que pour cela le verbe passe à la troisième personne.
Voici des exemples de cette tournure : como los reyes
habemos de guardar la fe
(sc. nosotros) SPart. I, p. 74 ;
las tres rompamos candados (sc. nosotras) ; los que el
debdo avedes
(vosotros) PC. 716 ; ea caballeros los que
seguis ! DQuix
. I, ch. 18. Si le nom accompagné de l'article
est au cas oblique, la personne ne peut être déterminée que
par le contexte : un agravio entre los dos disculpa tiene
(entre nosotros) Cald. I, 263a ; quedó de acuerdo entre los
dos
(nosotros). La même ellipse du pronom personnel se présente
pour ambo qui cependant exclut l'article : importa mucho
á la salud de entrambos
(sc. nosotros) DQuix. 1, c. 15 ;
de même ital. un sol voler è d'amendue (sc. di noi) Inf. 2,
139 ; acceso di furor contr'ambidue (noi) Ger. 4, 56 ; fr.
je sais ce qu'il faut à tous deux (sc. à vous) Mol. l'Avare
1, 5 ; et en lat. ut pro utroque (nostrum) respondeam Cic.
Leg. 1, 11 ; ut jam cum utroque (vestrum) loquar Lael.
§ 10. On ne dirait pas en allemand : um mit beiden (au lieu
de euch beiden) zu reden. Il va de soi qu'on peut aussi
ajouter le pronom. — 2) Une liberté plus grande consiste à
munir de l'article le vocatif, c'est-à-dire la deuxième personne.
Cela a lieu surtout : a) Lorsque le vocatif est accompagné du
possessif. Ital. caro il mio amico ! caro il mio amatissimo
19signor Florindo !
En v.esp. partout : la mi mugier tan
complida ! PC
. 278 ; las mis primas ! 2790 ; la mi alma !
Bc. Duel 8 ; ay ojos, los mis ojos ! Rz. 762 ; madre, la mi
madre ! Nov
. 7. Prov. lo mieus belhs amicx ! Choix III,
23 ; vos lhi meu amic ! G Ross. 7218 ; los mieus amans !
Choix
IV, 136 ; v.fr. la moie gent ! Rol. p. 100 ; li nostre
deu !
595 ; la moie ame ! FC. II, 181. b) Sans l'adjonction
du possessif, surtout dans la poésie populaire. Ital. vaghe le
montanine pastorelle, donde venite si leggiadre e belle ?

Esp. los romeros bien vengays ! SRom. p. 8 ; que hazeys
la blanca niña ?
ibid. 242 ; dios te bendiga, la muchacha !
Nov. 1 ; rey, el mejor de toda España ! PC. 3283 ; amad
la justicia todos los que juzgais la tierra
S. Prov. 127.
Prov. ai belh cors, la genser quel mon remanh ! Choix III,
9 ; venetz manjar, li pro home del mon ! IV, 349 ; v.franç.
lode, la meie aneme, nostre segnor Lib. psalm. 145, 1 ;
dans une chanson populaire : bonjour, la belle Claire ! passez
votre chemin, la fille !
La Font. (formule assez usitée). L'article
semble avoir pour mission d'ajouter à l'exclamation ou à l'interpellation
de la vivacité et de l'énergie. Ainsi grec ἡ παῖς ἐγείρου !
(goth. seulement mavi urreis !) Luc 8, 54 ; v.h.all. druhtîn
mîn ther guato !
Otfr. 3, 7, 1 ; m.h.all. herre got der guote !
got der riche ! sun der mîne !
On peut de la même manière
employer le pronom démonstratif : it. di grazia, quel signore,
da che parte si va ?
(Blanc 288) 19. — 3) Lorsqu'en français
l'article se trouve placé entre deux titres, comme dans Monsieur
le comte
, on a là une espèce de composé et l'article ne
disparaît pas au vocatif. — Nous savons déjà par le tableau
présenté au tome II, p. 49 que le daco-roman unit l'article au
vocatif (sur les rapports de l'article avec le possessif, voy.
p. 103).

2. Il était d'usage en grec de préposer l'article aux noms de
personnes
, en roman et en allemand l'article n'est pas usité dans
cette circonstance. L'italien seul l'emploie devant les noms de
famille ou de lieu d'origine d'hommes célèbres ou connus (ceux
de l'antiquité exceptés), comme aussi souvent devant les prénoms
de femmes connues, et dans ce cas il possède encore presque sa
valeur démonstrative. On dit l'Allighieri, il Boccaccio, il
20Tasso, il Buonarrotti, il Correggio, l'Aretino, il Winkelmann
,
mais non pas il Dante, il Torquato Tasso (car Dante
et Torquato sont des noms de baptême), de même la Fiametta,
la Griselda ; con Giovanni la Cornelia degli Alessandri
congiunse
Mach. 110. Cet usage est suivi par l'espagnol et le
français dans les noms italiens quand ils disent el Dante, el
Tasso, le Tasse, le Titien
. D'anciens auteurs espagnols mettent
aussi l'article devant d'autres noms illustres : el Cambises
el César, el Bruto, la Pantasilea
et les écrivains modernes
l'emploient surtout devant les noms de femmes d'une classe inférieure :
la Montiela, la Camacha, la Cañizares ; il a souvent
une valeur démonstrative : el Fabio, el D. Juan, port.o Lourenço
de Sousa
(c.-à-d. le Fabio dont il a été question, le
D. Juan bien connu), o Gama, pr. de même lo Lazer Choix
IV, 425, la Biatritz d'Est M. 83. A cela répond l'emploi de
l'article en gothique pour donner une certaine énergie à l'expression,
comme dans sa Baraba, thamma Jôhannê, sô Magdalênê.

3. Les noms communs qui ne s'appliquent qu'à un seul être
acquièrent la valeur de noms propres et rejettent l'article. On a
en premier lieu le nom Dieu qui, pris dans le sens de l'être
suprême, n'est jamais accompagné de l'article. S'il est vrai,
comme l'admet Fernow (Sprachl. § 356), que la forme secondaire
italienne iddio soit une réduction de il dio, et que la
présence de l'article soit devenue dans cette expression si insensible
qu'il ait pu se maintenir au plur. gli iddii ou au fém.
la iddia, nous aurions là une exception curieuse à laquelle ne
pourrait pas être comparé le grec mod. ὁ θεός, formule dont
l'origine remonte à une époque antérieure au christianisme. Mais
il y a lieu de supposer ici une abréviation de la locution très-usitée
domeneddio, produite par la chute de domen et le changement
de eddio en iddio (comp. iguale de eguale), ou bien,
comme l'explique Blanc, on a compris la locution mercè di
dio
comme si c'était mercè d'iddio 211. L'article lui préposé en
valaque au mot dumnezeu au datif n'a rien d'étonnant, puisque
les noms propres eux-mêmes ne peuvent s'en passer. Le respect
21commandait de ne pas individualiser au moyen de l'article l'être
dont on n'avait pas une notion précise ; au contraire l'article
accompagne partout la conception opposée le diable (ὁ διάβολος,
plus rarement διάβολος dans le Nouv. Test.), bien que l'usage
ancien soit encore hésitant : diaule servir dans Eulalie ;
ne deables nen out sur deu poested LRs. 111 ; enduremenz
de diaule SB. ; quide que ço deable seit Trist
. II, p. 30 ;
on diables renha LR. I, 448 ; aussi anemis (l'ennemi) sans
article NFC. II, 40, au contraire lo diables Boèce 139, li
diable LJ
. (souvent). Des individus de nature neutre comme le
soleil, la lune, le ciel, la terre
, ces dieux de l'ancienne mythologie,
ne sont plus susceptibles d'être personnifiés par la suppression
de l'article, il en est de même en grec pour ἥλιος, σελήνη,
οὐρανός, γῆ, qui dans la langue moderne sont ordinairement accompagnés
de l'article, et en gothique pour les mots sunnô, mêna
himins, airtha
, auxquels l'article est toujours appliqué en allemand
moderne. Il semble qu'on trouve encore dans l'ancienne
poésie romane un reste de sentiment pour une conception personnelle
du soleil, surtout quand on se le représente comme agissant.
Prov. ara no vei luzir soleill GProv. ; on soleill lutz
P. d'Auv. Ms. ; soleilh vai colgar GRoss. 2223 ; que anc
sollels no i poc intrar Jfr
. 168a ; quan fo soleils levatz GRoss.
4576 ; sols fo levatz 1313 ; v.fr. quant soleil esclarist Charl.
v. 383. 443 ; solels est resconsés Gar. I, 20 ; kant solaus
iert leveiz GVian
. 1272 ; solaus leva Ccy. 1523 ; même dans
la langue des chartes si solels del mon era cubertz Coutum.
d'Alais 1, 31 ; on trouve aussi, il est vrai, li soleilz, qui est la
forme constante du Liv. d. rois. Pour la lune, en dehors des
poètes pénétrés de la littérature classique, l'absence de l'article
se remarque moins souvent : luna lutz se trouve par ex. dans
GRoss. v. 1040. Le jour aussi, en tant que phénomène naturel,
s'emploie souvent sans article : can jorn pres a esclarsir Jfr.
68a ; quand jors iert esclaris GVian. 14 ; la nuit aussi sans
doute, ainsi même dans Pétrarque : notte'l carro stellato in
giro mena Son
. 131 ; v.fr. nuiz est venue SSag. p. 38. Les
noms des trois royaumes éternels, l'enfer, le purgatoire et le
paradis n'ont pas non plus besoin d'article dans la nouvelle
langue ; Dante le leur attribue volontiers. De plus quelques abstraits
employés avec un léger sous-entendu de personnalité allégorique
se passent généralement de l'article. Pour amor il est
inutile de citer des exemples. Natura évite l'article déjà dans les
auteurs les plus anciens, comme φύσις dans Anacréon. Pr. cum
22la saup formar natura Choix
III, 81 ; aissi parti natura
IV, 416 ; natura-s meravelha 466 ; v.franç. si-s oust nature
furmez LRs
. 246 ; nature le forma Brut. II, p. 65 ; et ce
procédé est appliqué partout encore au XVIe siècle. V.ital. in
cui natura mise tutta misura PPS
. I, 49. V.esp. aquellos
que natura fizo parientes FJ.
68a ; port.alli cosas natura
quiz esmaltar
R. Egl. 5 ; nas feras cuja mente natura fez
cruel Lus
. 3, 126, mais aussi aquelles que criou a natura
sem lei
1, 53. Aussi le mot natura se présente-t-il sans être
précédé de l'article à côté d'idées analogues qui en sont munies,
comme en ital. quantunque può natura e' l ciel P. Son.
210 ; esp. con natura y la virtud Flor. éd. Wolf II, 97.
Seule la langue française ne renonce pas à l'article. Un autre
mot de cette espèce est fortuna. Ital. veggio fortuna in porto
P. Son. 231 ; tolle ogni altro ben fortuna Orl. 3, 37. Esp.
quando á fortuna place S. Prov. 116 ; los casos de fortuna
Garc. eleg. 1. V.franç. ce jor les mena bien fortune Ruteb.
I, 317 ; dans Montaigne avec et sans article. Ces deux mots se
présentent-ils dans le sens d'êtres mythologiques l'article leur
est de nouveau appliqué : it. io lono la Natura BLat. 25 ; de'
ben che son commessi alla Fortuna Inf
. 7, 62 ; esp. una
obra quiso la Natura hacer
Garc. egl. 2 (p. 53) ; madre la
Fortuna Flor
. 255a ; port.deus ou a Fortuna GVic. III,
382. — Enfin il est d'usage d'employer sans article les noms des
jours de la semaine et des mois : ital. il fine di Gennajo ;
io verrò domenica ; de même en esp., en port.et en français.
En valaque duminecę signifie « tel dimanche », dumineca « le
dimanche en général ».

4. Les noms géographiques sont soumis à des règles spéciales.
1) En ce qui concerne les noms de pays la règle n'est
stricte qu'en français : ces noms reçoivent l'article, à moins
qu'ils ne soient originairement noms de villes, ainsi l'Europe
la France, le Portugal, le Canada
, mais Naples, Valence
Venise
. S'ils se trouvent dans le rapport du génitif, la règle subit
des restrictions. L'article disparaît lorsque le nom de pays est uni
au sujet comme marque de distinction, surtout de provenance,
comme dans les locutions les laines d'Espagne, le fer de
Suède, les vins de France, la noblesse de Hongrie
, même
l'histoire de France et dans les titres le Rol. de Saxe, l'empereur
d'Autriche
. Au contraire l'article reste quand l'idée
principale exprime quelque chose qui tient au pays tout entier,
une possession totale du pays : ici le nom de pays est plus indépendant
23de l'idée principale : les richesses de la Hollande
la fertilité de la Pologne, la liberté de la Suisse, la marine
de l'Angleterre
. Au premier cas répond d'ordinaire en latin un
adjectif, au second un substantif : aurum Hispanum signifie
rigoureusement de l'or d'Espagne, mais aurum Hispaniae
l'or de l'Espagne
. Il est vrai que l'écrivain a le droit de choisir
entre les deux modes ; comparez les titres d'ouvrages connus :
histoire littéraire de la France et histoire littéraire d'Italie.
L'article disparaît aussi dans une proposition générale après des
prépositions : il est en France ; il vient d'Espagne. — En
italien, en espagnol et en portugais la règle est moins précisc. La
plupart des noms de pays peuvent être employés avec ou sans
article, cependant il est devenu indispensable à quelques-uns
d'entre eux, d'autres s'en passent absolument. En italien on dit par
ex. l'Italia et Italia, mais la Sardegna, la Sicilia, la Corsica
la Cina, il Messico
, et simplement Cipro, Corfù, Malta
Majorica, Minorica
. Esp. la España et España, mais la
Mancha, el Elba, el Chile, la China, el Perú
 ; en portugais
Portugal et Castella entre autres ne se font pas accompagner
de l'article. Pour le rapport du génitif on applique à peu près la
règle du français et l'on dit ainsi : it. il parlamento d'Inghilterra
l'imperatore d'Austria, i principi della Germania
le città dell'Italia
 ; esp. la sábana de Holanda, el rey de
Prusia, la riqueza de la Inglaterra
, et après des prépositions :
it. egli morì in Ispagna ; esp. yo vuelvo á Francia.
Le daco-roman emploie l'article : nom. Persia, dat. Persiei.
2) Les noms de villes, à part quelques exceptions peu nombreuses,
comme ital. la Mirandola, il Cairo, esp. la Coruña
la Habana
, fr. le Havre, la Rochelle, la Haye, ne prennent
pas d'article. Val. avec article Roma, Londonul. — 3) Les
noms de montagnes prennent toujours l'article en italien,
excepté chez les poètes : l'Apennino, il Vesuvio, l'Etna ; les
noms moitié mythiques Ida, Ossa, Pelione le rejettent,
Olimpo, Parnaso pris dans le sens de noms communs se l'adjoignent.
Il est usité aussi en espagnol : el Caucaso, el Etna
el Libano, el Olimpo, el Vesubio
. Le français l'exige : l'Etna
le Vésuve, le Mont-Cenis
. L'article accompagne aussi les
noms de lacs, de mers et de rivières ; cette règle n'est pas
observée partout avec la même rigueur et moins encore dans le
style élevé.

5. Dans les cas suivants les noms propres ne peuvent pas
se passer de l'article : 1) Quand ils sont au pluriel : ital. gli
24Scipioni, ambo gli Enrichi
, esp. los Mendozas, franç. les
Corneilles
, val. Ciceronii. — 2) Quand ils sont employés avec
le sens de noms communs : it. l'Omero di Portogallo, l'Atene
d'Italia
, esp. la Venus de Medicis, la Galatea de Cervantes,
franç. le Démosthène du siècle, le Jupiter de Phidias. —
3) Quand un adjectif qualificatif les précède : ital. il divino
Raffaele, il vero dio, l'inclita Roma
, esp. el grande Alexandro
la casta Lucrecia, la antigua Tebas
, franç. le bon
Charles, le vrai dieu, la puissante Rome
. Si l'adjectif est
placé après, il attire à lui l'article qui n'est là que pour lui : ital.
Raffaele il divino, Genova la superba, esp. Alexandro el
grande, Alonso el sabio
, prov. Girardet lo ros, Tolosa la
gran GA
. 142, fr. Charles le bon, Rome la grande, val. (avec
cel) Vasilie cel mare, Roma cea vechię. L'adjectif se comporte
ici comme une apposition et équivaut à un substantif : Giuliano
il crudele
est comme Giuliano l'apostata. Dans le style poétique
l'article placé devant l'adjectif qui suit peut tomber : ital.
Angelica bella, Ercole invitto, Roma santa, esp. Venus
divina, Fenix hermosa, la voz de Doris bella
, port. Mavorte
valeroso
. D'autre part il tombe nécessairement : a) devant l'archaïque
magnus : ital. Alessandro magno, Costantino m.,
Carlo m
., esp. Alexandro magno, S. Basilio m., franç.
seulement Charlemagne (v.fr. Carles li magnes Rol., Hue
le maine
Ben. I, 348). b) Devant le nom de la patrie : ital.
Pietro Aretino, Paolo Veronese, prov. Arnaut Catalan
Peire Espanhol
, franç. Claude Lorrain, esp. généralement
Fernandez el Castellano, Juan el Ingles ; grec Θουκυδίδης
Ἀθηναῖος (aussi avec l'article). c) Devant les noms de nombre qui
servent à distinguer des personnages du même nom : it. Ottone
quarto
(il quarto Ottone), esp. Don Fernando tercero, D.
Alonso ultimo
(mais aussi el tercero, el ultimo), prov. Frédéric
terz Choix
V, 113, fr. François second, Louis neuf,
val. avec l'article Henric al patrulea (Henricus IV), Josif
al doilea
(Josephus II). De même aussi ital. libro primo,
esp. capitulo primero, franç. tome quatrième. — 4) Les
substantifs qu'on construit avec des noms de personnes se comportent
comme des adjectifs : ils se font précéder de l'article,
ainsi it. il re Alessandro, il duca Alfonso, il conte Orlando
il cardinal Bembo, il signor Federico
. L'article s'omet devant
les titres ecclésiastiques de frater, soror et l'adjectif
sanctus : ital. frate Antonio, santo Arrigo, san Paolo, mais
val. suntul Pavel etc. ; devant le titre docte de magister : ital.
25maestro Lodovico, esp. maese Nicolas, franç. maître Alain,
de même que devant les formes dérivées de dominus : esp. Don
Alfonso, Doña Sancha
, prov. En Blacatz, Na Maria, v.fr.
Dant Noble le lyon, Dant Gerard, fr.mod. Dom Mabillon.
Les titres composés avec le possessif, comme fr. monseigneur
monsieur, madame, mademoiselle
, it. monsignore, messere
(et ser), madama, madamigella ne tolèrent jamais devant eux
l'article défini, mais ils ne le suppriment pas lorsqu'un second
titre suit : franç. monseigneur le maréchal, madame la
duchesse, monsieur Charles
, it. madamigella la baronessa
messer Lodovico, ser Brunetto
.

6. Les idées génériques prises dans un sens collectif demandent
l'article défini comme en grec et avec plus de rigueur qu'en
allemand. Ainsi ital. l'uomo è mortale ; esp. el hombre es
mortal
 ; fr. l'homme est mortel ; val. omul este muritoriu ;
ὁ ἄνθρωπος θνητός ἐστι. Ces passages de la Bible : stulti in ipsa
die cognoscetur ira ; mulier diligens corona est viro suo

sont rendus en italien par : il cruccio dello stolto è conosciuto
lo stesso giorno ; la donna di valore è la corona del suo
marito
 ; esp. del loco á la hora se conocerá su ira ; la
muger virtuosa corona es de su marido
 ; franç. l'insensé
découvre sa colère ; la femme vigilante est la couronne de
son mari
(Proverb. 12, 16 ; 12, 4).

7. Les abstraits qui expriment des qualités intellectuelles ou
corporelles ou des manières d'être se font également volontiers
accompagner de l'article défini. Aussi dit-on : ital. la sapienza
è migliore che le perle ; l'odio muove contese ; il sonno è
dolce
. Esp. mejor es la sabiduria que las piedras preciosas ;
el odio despierta las rencillas
. Franç. la sagesse est plus
estimable que ce qu'il y a de plus précieux ; le sommeil est
l'image de la mort
. Val. dreptatea este fundamentul impęretziei
(it. la giustizia è il fondamento del regno). L'article
défini a charge de représenter ici l'idée abstraite comme quelque
chose d'absolu, l'indéfini ne pourrait qu'en signaler un côté, un
rapport, comme ital. una giustizia come quella di Salomone.
Mais le proverbe, avec la concision qui lui est propre, supprime
l'article même devant de semblables abstraits. L'article défini
disparaît volontiers lorsque l'idée est personnifiée, surtout chez
les anciens ; c'est dans le Roman de la Rose qu'on peut le
mieux se rendre compte de ce procédé.

8. Les noms de matière se comportent à peu près comme
les abstraits. Si la matière est considérée dans son ensemble
26on la munit volontiers de l'article défini. Ital. la sua rendita
è migliore che l'oro ; se tu lo cerchi come l'argento
.
Esp. sus frutos son mejores que el fino oro ; si como á la
plata la buscares
. Fr. si vous la recherchez comme l'argent.
En ce cas ni le grec, ni l'allemand n'emploient l'article :
ihr Einkommen ist besser denn Gold ; so du sie suchst
wie Silber
 ; κρεῖσσον γὰρ αὐτὴν ἐμπορεύεσθαι ἢ χρυσίου καὶ ἀργυρίου
θησαυρούς ; ἐὰν ζητήσης ἀυτὴν ὡς ἀργύριον (Prov. 3, 14 ; 2, 4).
— L'ancienne langue allemande faisait accompagner de l'article
indéfini les noms de matière, lorsqu'il s'agissait d'une partie
de la matière : wîz alsam ein snê ; grüen alsam ein gras ;
schoene als ein golt ; ein wazer iesch
(demandait) der junge
man
. Cet usage n'est pas inconnu au roman : ital. lo spazzo
era una rena Inf
. 14, 13 ; come un ghiaccio nel petto gli
sia messo
(un morceau de glace) Orl. 23, 64 ; esp. blanca
cuemo un cristal Alx
. 1191 ; un oro colado Cron. rim. éd.
F. Michel v. 929 ; cada voz es un veneno Cald. I, 263a ; pr.
us argens GRoss. 4257, una lia Fer. 4280, unh plom M. I,
185 ; v.franç. une avainne (un champ d'avoine) G. d'Angl.
p. 109, une porre (de la poussière) SSag. 70.

9. Lorsque le substantif, soit abstrait soit concret, s'unit au
verbe de façon à n'exprimer avec lui qu'une idée unique, on ne
lui adjoint plus d'article. Nous avons des exemples de ce procédé
dans une masse inépuisable de locutions, la plupart d'origine
ancienne. Ital. par ex. aver compassione, correr pericolo
dar risposta, far onore, far motto, metter cura, por mente
prender moglie, prestar fede, riprender via, sentir fame
tener compagnia
. Esp. correr monte, dar fin, hablar palabra,
hacer fiesta, meter mano, mudar manera, prestar
paciencia
. Franç. avoir pitié, courir risque, demander
pardon, faire signe, livrer bataille, mettre fin, porter
envie, prendre garde, prêter serment, trouver moyen
. Val.
aveà lipsę (habere inopiam, carere), face prunc (filium
parere
), prinde vorbę (suscipere sermonem), pune nume
(imponere nomen). Le substantif dans ces locutions représente
l'idée principale : aussi ces deux parties du discours peuvent-elles
souvent être rendues par un seul verbe qui contient l'idée
du substantif : rispondere, parlare au lieu de dar risposta
far motto
. Dans beaucoup de phrases sanctionnées aussi par un
fréquent usage où l'individualité du verbe ressort nettement, on
s'épargne l'emploi de l'article qui ne serait qu'une addition
inutile. Ces sortes de phrases ont été surtout usitées dans l'ancienne
27langue, par ex. franç. ceindre espée, prendre escu
vuidier arçon, vestir robe nueve, renoier crestienté, traiter
paix, tolir vie
. L'article est supprimé aussi lorsque le substantif
dépendant d'une préposition désigne d'une manière générale
le moment, la manière et le lieu. Ces locutions, qui ne se rattachent
pas nécessairement à un verbe déterminé, sont également
nombreuses : ital. andare a caccia, a cena, in chiesa, venire
da casa, sortire di casa, di corte, levarsi in piede, venire
per tempo, nuotar per mare, vivere in ozio, avere in mano
prestare ad usura, cominciare da capo
. De même avec le
verbe être : essere a casa, a corte, a palazzo, a teatro
a letto, in campagna, in cielo, in paradiso
. Il n'est pas
nécessaire d'emprunter des exemples aux autres langues (voy. t.
II, p. 429) ; nous ne citerons que quelques expressions valaques :
merge a casę (ire domum), venὶ in minte (venire in mentem)
venὶ pre lume (venire in mundum, nasci), fὶ in
pędúre
(esse in silva), fὶ de fatzę, (esse de facie, c.-à-d.
esse praesentem). L'allemand dans les locutions de ce genre
retient mieux l'article, mais son plus ancien dialecte s'en passait
aussi facilement que le roman, cf. in himinam (ἐν τοῖς οὐρανοῖς),
in thiudangardjai (ἐν τῇ βασιλεία), in authidai (ἐν τῇ ἐρήμω),
in alh (εἰς τὸ ἱερόν), in karkara (εἰς φυλακήν).

10. Lorsqu'un substantif s'emploie pour préciser le sens d'un
autre substantif, pour en indiquer la matière, le contenu, la destination,
en un mot pour en faire connaître les propriétés, on ne lui
adjoint pas d'article, et ce procédé a déjà été signalé à propos des
noms de pays. L'union des deux noms s'effectue surtout au moyen
des prépositions de et ad. Ex. ital. vaso di vetro, bicchiere di
vino, dignità di principe, nave a remi, veste a fiori, scala
a lumaca, bicchiere da vino, mulino da vento, azione da
cavaliere
 ; esp. azeite de oliva, baril de harina, navio de
carga, molino de viento
 ; franç. monnaie d'or, verre de vin
verre à vin, magasin à foin
 ; val. inel de aur, otzęt de vin
vas de vin, moarę de vųnt
(on dit plus souvent in vųnt).
Quand le second substantif exprime d'une manière précise le but
du premier, il exige la présence de l'article : ital. cassa della
farina
(la boîte destinée à la farine), cassa di farina (une
boîte avec de la farine), donna dal latte (la femme qui apporte
le lait) ; franç. bouteille au vin, pot au lait, magasin à la
farine, marché aux herbes, poste aux lettres, femme
aux cerises
. Cette attribution d'un sens plus précis au second
substantif a, assurément, quelque chose d'arbitraire, aussi les
28diverses langues se contredisent-elles entre elles et avec elles-mêmes :
pourquoi par ex. bouteille au vin et verre à vin ?

11. Le substantif qui joue le rôle d'attribut uni aux verbes
être, devenir, paraître, naître, mourir, lorsqu'il désigne le
rang social, la nation, la parenté, les qualités morales, rejette
l'article indéfini. Ital. io son dio geloso ; figliuol fui d'un
beccajo ; egli è capitano ; io sono Tedesco ; egli è diventato
pittore ; sembra uomo feroce ; questo mi pare atto vile ;
nacque gentiluomo ; mori cristiano
. Esp. yo soy soldado ;
sodes ardida lanza PC ; era hombre diligente ; hijo es de
un labrador ; soy Español ; se ha hecho gentilhombre
.
Fr. il est Rol. ; il est fils de son père ; il est père de quatre
enfants ; il est devenu grand orateur ; il me paraît honnête
homme ; il se montre homme de courage ; il naquit prince
et mourut mendiant
. On a là des verbes régis par un double
nominatif, au nombre desquels on peut compter aussi farsi et
mostrarsi ; le nom attribut prend la place d'un adjectif auquel
en ce cas on n'appliquerait pas non plus d'article : sembra
gentiluomo
revient à sembra gentile. Si on individualise le
second substantif l'article indéfini reparaît. Ital. questo è un
Italiano che conosco
. Fr. toujours après le démonstratif c'est :
c'est un Français etc. Val. avec ou sans article : Antonie
este mare filosof ; din neamul este un Sas
(di nazione è
Sassone
), mais aussi Romen de naśtere. — Les verbes avec un
double accusatif ont la même action que les précédents, même
lorsque le second accusatif est rattaché au verbe par une préposition :
ital. Io credo galantuomo ; lo fecero re ; lo elessero
in papa
, ou au passif : fu creduto galantuomo ; fu fatto re 112.
On trouvera d'autres exemples au chap. 5 à propos de l'accusatif.

12. L'apposition dispense de l'emploi de l'article, qu'elle soit
produite par un seul substantif, comme ital. dio padre, esp.
tierra madre, prov. Albert marques, ou par un substantif
accompagné d'une épithète, comme ital. quegli è Omero, poeta
sovrano Inf.
4 ; Virgilio, dolcissimo padre Pg. 30 ; vide
in quel bel seno, opera di sua man, l'empia ferita Ger
. 12,
2981 ; esp. Sevilla, ciudad famosa ; su hermano, honradisimo
caballero
 ; (aquel) duerme, garzon cansado y afligido
Garc. egl. 2 ; port.a unica Phenix, virgem pura ; prov. lo
reys engles, coms peitavis ; Alazais, molher d'En Barral
 ;
franç. Goa, colonie portugaise ; cet amour, source de tant
de haine
 ; val. prieteníe, rępaos vitzii noastre (amicitia
recreatio vitae nostrae
). Cette règle procède en principe de
celle qui a été exposée dans le paragraphe précédent, si l'on
considère l'apposition comme l'abréviation d'une phrase composée
avec le relatif et le verbe substantif : Omero, poeta
sovrano
équivaut à Omero che fu poeta sovrano. L'article
n'est pas, il est vrai, absolument éliminé, il peut s'employer
avec à propos pour mettre en relief le substantif. Il est couramment
usité en valaque, par ex. nenorocírea tà, o urmare
nebuniilor tale
(ital. la disgrazia tua, [un] effetto delle tue
stoltezze
) ; religiunea, fiia ceriului (la religione, [la] figlia
del cielo
).

13. Lorsqu'un régime qui dépend du verbe habere ou tenere
indique une propriété essentielle du sujet et que ce régime reçoit
une qualification, il prend l'article défini et l'adjectif est traité
comme un attribut. Ital. hanno dura la testa PPS. I, 4 ;
gli occhj ha vermigli e la barba unta ed atra Inf. 6 ; avea
l'anima torta Orl
. 3, 5 ; un abete ch'alta avea la cima Orl.
4, 14 ; stanco ho il destrier 2, 39. Esp. tenian los cabellos de
oro
(subst. pour adj.) Nov. 5 ; tenia delicado el juicio Nov.
11 ; port.a mãi hebrea teve Lus. 1, 53 ; sereno o tempo
tens
2, 61 etc. Prov. lo kap te tremblant Bth. 116 ; tant
a lo vis esvanuit
202 ; avial cor dolent 101 ; franç. elle a les
cheveux blonds ; il a l'esprit pénétrant ; il a la mémoire
sûre
. Cela a lieu aussi après d'autres verbes d'une signification
analogue à celle de habere, dont plusieurs sont particulièrement
employés en espagnol. Ital. lunga la barba portava ; esp.
luenga trae la barba PC. ; la galera las vêlas traya de
seda SRom
. 244 ; los perros lleva cansados (les chiens qu'il
conduit sont fatigués) 259. L'ancien style se passe plus volontiers
de l'article que le nouveau : v.fr. bel auret corps, bellezour
anima Eulal
. ; pr. corps ac bo e pro Bth. 28 ; v.it. quella ha
bionda testa PPS
. I, 31. Le grec favorise en ce cas l'article :
τούς ὄνυχας μεγάλους ἔχων Theophr. (Winer Gramm. § 17, 2) ;
ἔχει τὸν πέλεκυν ὀξύτατον (la hache qu'il a est très-aiguisée) ; πεπωρωμένην
ἔχετε τὴν καρδίαν ὑμῶν ? (goth. daubata habaith hairtô
izvar ? adhuc caecatum habetis cor vestrum ?
) Ev. Marc. 8,
3017 ; gr.mod. εἶχε τὰ μάτια σαν ἐλαιάν (elle avait des yeux comme
des olives) Müller Volksl. II, 50. Le valaque n'exige aucun
article, par ex. ea are nas frumos (ella ha il naso formoso).
— Dans le cas où l'on peut rendre le sens de la préposition
cum par habere il est aussi généralement d'usage d'employer
l'article : ainsi ital. venne con la testa alta (avendo la testa
alta
) ; esp. con los brazos abiertos ; grec μεγάλῃ τῇ φωνῇ ἔφη
Act. Apost. 26, 4.

14. Plusieurs substantifs immédiatement unis les uns aux
autres, dont chacun à l'état isolé exigerait l'article défini,
peuvent s'en passer lorsqu'on a en vue l'ensemble des idées qu'ils
expriment plutôt que chacune de ces idées isolément. Il est
presque superflu de citer des exemples d'un procédé aussi fréquent.
Ital. misericordia e giustizia gli sdegna Inf. 3, 50 ;
simula e patria e stirpe e setta e nome e sesso Orl. 3, 76 ;
amor, senno, valor, pietate e doglia facean un dolce concento
P. Son. Esp. enagena de sus ojos muerte, daños
enojos, sangre y guerra
Garc. Le français retient mieux
l'article : il dit la miséricorde et la vérité ne vous abandonnent
point
, tandis que l'italien et l'espagnol se contentent
de substantifs sans article : benignità e verità non t'abandoneranno ;
misericordia y verdad no te desamparen
. Val.
dęmi hęrtie, peanę śi cernealę (it. dammi carta, penna ed
inchiostro
) ; avec l'article : sorele, luna, stelele sųnt trupuri
cereśti
(il sole, la luna, le stelle sono globi celesti). Deux
substantifs peuvent s'attacher l'un à l'autre et devenir ainsi des
formules compactes dont l'essence serait détruite par l'adjonction
de l'article, par ex. pr. cel e terra, sol e luna, patz e guerra
espada e lansa, foc e sanc
, ou avec une allitération qui resserre
encore les liens de la formule : brancs e brotz, dolz e dans,
fuelha ni flor, frug ni flor, fer ni fust, planca ni pon,
pueg ni plan, sens e saber
.

15. Dans la phrase négative avec nunquam l'idée sur
laquelle porte la négation, lorsqu'elle est prise dans un sens
général, peut se passer de l'article indéfini. Voici quelques
exemples : ital. timida pastorella mai si presta non volse
piede Orl
. 1, 11. Esp. nunqua en tan buen punto cavalgó
varon PC
. 411 ; ponzoñosa fiera nunca fué aborrecida
tanto
Garc. canc. 5 ; port.cithara ja mais cantou victoria
Lus.
2, 52. V.franç. oncques cuer n'eut si dure destinée
Ch. d'Orl. 131 ; fr.mod. jamais contre un tyran entreprise
conçue ne permit d'espérer une si belle issue
Corn. Cinn. ;
31jamais femme ne fut plus digne de pitié. Lorsque la négation
s'opère avec non ce procédé se présente le plus souvent
dans le cas où une proposition relative se rapporte à l'objet nié.
Ainsi ital. non avea membro che tenesse fermo Inf. 6, 24 ;
corda non pinse mai da se saetta che sì corresse 8, 12 ; se
non trova campione che lo faccia mentire Orl
. 4, 58. Esp.
vasallo que traspassa mandado de señor nol debie valer
etc. Bc. Sil. 740. Prov. ja amicx non er membratz qu'anc
iratz fos Choix
IV, 13. C'est à la suppression de l'article
dans la phrase négative que plusieurs substantifs comme persona
res, passus, punctum, gutta, mica
(fr. personne
rien, pas, point, goutte, mie
) doivent leur acception abstraite ;
nous reviendrons sur ce point. Cette expression concise est
familière aussi à l'anc.allemand : nie man (niemand) sa hôhez
lop getruoc  ; ez wart nie wîp sô hôch ; ezn geschach nie
kinde alsô wê ; gesprach nie wort ; ich vergaz ir nie tac

= v.franç. jamais jor, oncques jor ; angl. never man was
so enamoured
. — Après la préposition sine lorsqu'un infinitif
suit et dans d'autres cas où le génie des langues romanes sent
une négation complète ou atténuée, comme dans la phrase dépendante
du comparatif, dans l'interrogation, dans la proposition
conditionnelle, on se passe souvent de l'article indéfini. L'article
fait même défaut avec le verbe chercher, lorsque le régime est
indéterminé, comme it. cercate fonte più tranquillo P. Son.
20 ; port.busca Mouro que por piloto á nao lhe mande
Lus
. I, 83.

16. Il n'est pas rare de supprimer l'article lorsqu'il se trouve
en contact avec les adverbes de comparaison quomodo et sic
et avec leurs synonymes. 1) Après quomodo cette suppression
est fréquente, surtout chez les poètes. It. come nocchier PPS.
I, 318 ; com'aquila vola Inf. 4, 96 ; come cieco va Pg. 16,
10 ; sono in voi sì come studio in ape 18, 58 ; come volgesi
schiera
32, 19 ; come sole farfalla P. Son. 110 ; qual cervo
fugge
174. Esp. como sierpe ponzoñosa Garc. canc. 5 ;
como arco turquesco DQuix. I, 15 ; como liebre 16 ; port.
como dama Lus. 2, 38 ; como menino 43 ; como paciente
ovelha
3, 131. Prov. clars com dia ; v.franç. blanche cume
flur Rol
. p. 107 ; vermeil come cerise Rom. fr. 9. Mais
aussi it. bianco come la neve ; esp. hijos como una flor ; port.
candida como a bonina. L'article manque de même après des
formules adverbiales d'une signification analogue : ital. a guisa
di fanciullo ; in forma di candida rosa
 ; prov. a lei de fin
32amador
 ; v.franç. en guise d'ome fier. — Quand sic ou tam
précède un adjectif attributif on supprime avec élégance l'article :
it. sì perfetto destriero ; sì gran dono ; così nobil soggetto ;
esp. tan estraño cuento ; tan grande culpa ; port. tão grande
reputação ; tamanha vergonha
 ; v.fr. si lonc sermon SB.
525u ; si bele fame Bert. 68. Fr.mod. avec l'article : un si
savant homme
, mais dans Marot : si belle créature, et encore
dans Malherbe : en si belle prison ; aussi ital. una così bella
fanciulla
 ; esp. un tamaño secreto. On dépouille aussi la
plupart du temps les adjectifs de comparaison de l'article : ital.
simile impresa ti conviene ; esp. en semejante caso ; franç.
pareille occasion. Il en est de même pour talis et tantus, voy.
plus bas § 21.

17. La poésie se débarrasse sans scrupule des deux articles
comme d'éléments prosaïques partout où le sens le permet, mais
surtout lorsque le substantif est accompagné d'une épithète.
Nous ne pouvons citer ici qu'un petit nombre d'exemples. Dante
dit : duro giudicio lassù frange Inf. 2, 96 ; tuono accoglie
d'infiniti guai
4, 9 ; rinnovello disperato dolor 33, 5 ; secol
si rinnuova, torna giustizia e primo tempo umano Pg.
22,
70. Pétrarque : ecco d'un vento occidental dolce conforto Cz.
2 ; in nobil sangue vita umile e queta Son. 179. L'Arioste :
perché alto misterio mi facesse palese 3, 12. Le Tasse : orrida
maestà nel fiero aspetto terrore accresce
4, 7 ; nel palagio
regal sorge antica torre
6, 62. Calderon : con alas de lino
vuela alta nave presumiendo todo el mar pequeña esfera

I, 90b. Camoens : edificarão novo reino 1, 1 etc. Chaque
page de ces poètes témoigne de la liberté dont jouit le style
élevé, surtout en italien, puis en espagnol et en portugais, pour
laisser de côté l'article, qui n'a pas même l'avantage de désigner
exactement le cas. La poésie populaire, naïve, se comporte
dans ce cas comme la poésie artistique. Le substantif tout seul
suffit à l'ancienne romance espagnole, elle dit par exemple (el)
cavallero con vergüenza estas palabras dezia SRom. 251 ;
cabellos de mi cabeza me llegan al corvejon 308. La poésie
héroïque française et provençale présente cette particularité
qu'elle supprime volontiers l'article devant les noms de peuples
au pluriel : Angevi van prumier GRoss. ; Breton sont vanteor ;
tel plait ont Romain commencié Brut. ; dient paien
Agol. ; prengent Franceis Charl.
 ; mélange des deux procédés :
Breto e lhi Gasco GRoss. 1885 ; Frances e lhi Breto 8063 ;
Franc les enchaucent, Mancel et Angevin et li Normant
33Gar
. I, 108. Peut-être le sovre pagiens d'Eulalie doit-il déjà
être considéré comme un exemple de ce procédé (voy. plus haut
p. 16) 113. On le trouve parfois aussi en espagnol : Moros lo
recïben PC. ; aforzaron christianos
Bc. En outre le vieux
français emploie très-souvent sans article l'adjectif belle devant
des noms propres : bele Aude GVian. 42, bele Yolans, bele
Boette Rom. fr
., par conséquent comme l'angl. fair Rosamond.
La même suppression se produit çà et là dans tous les
dialectes devant des substantifs jouant le rôle d'epithètes : ital.
re Carlo, re Sacripante Orl. ; esp. rey Alexandre Alx. ;
conde Claros SRom. ; prov. coins F. GRoss. ; v.franç. rois
Ekenbright
voy. Havelok, rois Pepins Bert., cuens Tibaus
Rom. fr
.

18. L'adjectif en s'unissant au substantif n'écarte pas l'article,
il peut même l'attirer, comme nous l'avons vu. En valaque
dans ce cas l'article défini suit le premier nom, qu'il soit substantif
ou adjectif, par ex. pomul dulce ou dulcele pom, fém.
pęnura albę, alba pęnurę 214. L'article indéfini fléchi précède et
34les noms suivent sans flexion casuelle ; le principe le plus constant
est de mettre le substantif en premier lieu et l'adjectif en
second : un hęrbat mare, o casę mare, dat. unui hęrbat
mare, unei casę mare
(Barcianu § 76). Dans cette langue,
outre l'article enclitique on applique aussi le démonstratif cel,
lequel ou bien précède son nom comme dans cel neroditoriu
fręgariu sęlbatec
(ital. l'infecondo moro salvatico), ou bien
vient se placer en compagnie de l'adjectif après le substantif
muni de l'article, comme dans oratorul cel mare, aussi marele
orator
(il grande oratore) ; val. du sud omlu acelu bunu ou
acelu omu bunu. Par là les formes de l'article s'accumulent
d'une manière inconnue aux autres langues, et cela est surtout
sensible au génitif et au datif : supt stępęnirea lui Constantin
impęratului celui d'intęiu creśtinesc
(sotto il governo di
Costantino, primo imperatore cristiano
). Cet entassement
de petits mots est un trait caractéristique de la langue valaque.
L'emploi de cel est nécessaire devant le superlatif (p. 9) ;
devant les nombres cardinaux : cei zece Romani (i dieci
Romani
) ; celor patru seraci (ai quattro poveri) ; et dans
les cas où l'article a une valeur démonstrative décidée, comme
dans cel de astęzi (quel d'oggi, hodiernus). Nous avons
signalé p. 25 l'emploi de cel devant les noms propres accompagnés
d'un adjectif. — Il a été question dans le chapitre précédent
de l'emploi de l'article avec l'adjectif neutre.

19. Il y a des adjectifs qui ne s'unissent pas à l'article de
manière à former avec lui un groupe qualificatif, mais qui au
contraire le précèdent immédiatement, à moins qu'ils ne soient,
par exception, placés après le substantif ; à l'article équivalent
ici le démonstratif ou le possessif. Ces adjectifs sont totus
medius, ambo, solus
. 1) Totus : ital. tutto il mondo (il
mondo tutto
) ; tutto quel giorno ; tutta un'ora, aussi ogni
lor virtù ; esp. toda la mar (la mar toda) ; todos aquellos
hombres ; todo un pueblo
115 ; de même en port. prov. ; franç.
toute la terre ; tout un peuple ; de tout mon cœur ; val.
tôt omul ; toatę fęptura ; totzi trei. Ce procédé est aussi connu
d'autres langues qui possèdent l'article, comme gr. πάσα ἡ ἀγέλη,
ὅλην τὴν νύκτα, ἡ πόλις ὅλη, goth. alla sô haírda, v.h.allem.
aller ther liut, der liut aller. En latin aussi la construction
35ordinaire est totus iste mundus, totos hos menses, omnia
mea bona
. Il faut encore remarquer que l'italien entre tutto et
un nombre cardinal n'intercale pas l'article mais le petit mot e :
tutti e tre, tutte e quattro 116. — 2) Medius après des prépositions :
ital. per mezza la fronte ; di mezzo il cielo (mais
un uomo di mezza età d'âge moyen) ; esp. en media la
fornaz
Bc. Mil. 366 ; prov. per meias las palutz ; comp. le
v.h.all. untar mitten then lerarin Grimm IV, 402. Ainsi
placé il finit par devenir lui-même une préposition, voy. ch. 6.
3) Ambo : ital. ambo le mani ; ambedue gli occhi ; v.esp.
amos los brazos ; amas mis fijas ; entrambas las manos
(esp.mod. ambos puños, entrambas partes) ; port.ambas as
mãos ; ambos os dois
 ; pr. amdos los huelhs ; ambdui li rei,
aussi ab ambas mas Choix III, 406 ; v.fr. ambez dous les
pais ; andeuz les piez
 ; manque en fr.mod. ; val. cu amųndoę
mųnile ; imbe pęrtzile
comme ital. ambo le parti : l'article est
construit avec le substantif, non pas imbele pęrtzi. Il occupe
la même place dans d'autres langues : grec ἀμφοῖν ταῖν διαθήκαιν,
goth. ba thô skipa Luc. 5, 7, v.h.all. beidu thiu skef, thiu
skef beidu
, angl. both the poets. — 4) Solus (seulement) ;
esp. dexanse llevar de solos los cuidados ; tengo sola una
pena
 ; port.quem de só o amor se pagava R. Men. c. 12.
En italien il est d'usage de mettre solo après le substantif ou
l'article : qui veder puoi l'immagine mia sola ; la sola
parola compone i lamenti
 ; franç. la seule imagination en
fait horreur
. — Si totus dans des langues si diverses se refuse
à toute fusion avec l'article, cela tient sans doute à ce que
les noms de nombre (et totus est aussi un nom du même genre
36qui détermine d'une manière définitive et qui par conséquent
n'admet pas de gradation) quand ils suivent l'article supposent
un objet dont on connaît déjà la quantité, « les deux amis l'ont
abandonné », tandis que la fonction de totus est de déterminer
cette quantité pour la première fois : « les amis l'ont abandonné
tous ». Lorsque le substantif en lui-même n'a pas besoin d'article,
il ne paraît pas et l'on dit : ital. tutta Roma, esp. de todo
corazon
, franç. à toutes jambes ; il en est de même lorsque
totus est employé pour quisque (voy. ch. 3). D'autres langues
laissent l'article de côté d'ordinaire dans les cas où le sens est
moins précis : grec πάντες ἄνθρωποι, goth. allai gudjans Math.
27, 1, v.h.all. aller liut, alle man. L'emploi de medius et de
solus doit être jugé comme celui de totus. Quant à ambo il
suppose, il est vrai, un nombre déjà déterminé (deux), mais il
représente ce nombre à nouveau comme un tout et cesse ainsi
d'être une simple épithète : « les amis l'ont abandonné tous
deux ». — Sur le prov. eis (en eissa la semana) voy. ch. 3,
§ 5.

20. Un nombre cardinal qui retire une partie à un nombre
énoncé ou sous-entendu est généralement pourvu de l'article
défini. Ital. delle sette volte le sei Dec. 3, 1 ; le due parti
a se vuole tenere e'l terzo è della gente PPS
. I, 16. Esp.
tres colpes le avie dado, los dos le fallen é el uno ha
tomado PC
. 768 ; seis cristianos, los quatro para el remo
y dos muchachos Nov.
2. Prov. dos regismes ten e per l'un
non es pros Choix
IV, 66 ; de cinc ducatz los tres ibid. V,
94 ; v.franç. de ses sept rois li ont ocis les dous Agol., voy.
Fer. p. 184a ; quatre manières del mal d'idropisie, des dous
puet l'um guarir, des dous altres ne mie TCant
. p. 170 ;
des sénateurs sui l'un TFr. 533 ; franç.mod. des trois les
deux sont morts
Corn. Hor. ; Numa est l'un des sept rois
de Rome
. Des langues étrangères qui possèdent l'article se
conforment à cet usage. Gr. τῶν πέντε τὰς δύο μοίρας νέμονται
Thuc. 1, 10 ; grec mod. ἀπὸ τά τέσσαρα ἀπίδια ἐπῇραν τὸ ἕνα David
Gramm. gr. mod. ; αὐτός τὰ τέσσαρα ἔσφαξε, τῶν δυὸ ζωήν χαρίζει
Müller Volksl. I, 106 ; m.h.all. driu dinc, diu zwei sint êre
und varnde guot, daz dritte ist gotes hulde
Walth. p. 8.
On traduirait en allemand les exemples grecs par : von den vier
Birnen nahmen sie eine ; mer davon tödtete er, den beiden
andern schenkte er das Leben
. On trouve de même en m.h.
allemand déjà sans l'article siben sper, der verstach er driu
und ich vieriu
Ulrich v. L. p. 74.37

21. Qu'arrive-t-il à l'article lorsqu'il se rencontre avec un
pronom ? Celui-ci le supprime-t-il, ou peuvent-ils tous deux
subsister l'un à côté de l'autre ? Tout dépend de la nature, de la
forme et de la place du pronom ; on ne peut pas s'attendre à ce
que tous les dialectes procèdent de la même manière. 1) Le
possessif n'était autrefois nullement gêné par l'article, qui, plus
tard, dut céder dans quelques dialectes ; voy. pour plus de détails
le chapitre suivant. — 2) Le démonstratif ne s'accommode avec
l'article qu'en valaque, et seulement lorsqu'un nom précède : on dit
ou bien acest om ou bien omul acesta, comme gr. ὁ ἀνήρ οὗτος,
mais non pas acest omul, comme gr. οὗτος ὁ ἀνήρ. — 3) L'article
est nécessaire au relatif qualis, et dans cet emploi il rappelle
immédiatement le démonstratif (ille qui) ; l'it. che et l'esp. que
le prennent aussi, sous certaines conditions, ce dont il sera question
dans la proposition relative. Qualis comme interrogatif
ne l'appelle qu'en français et seulement lorsqu'il se rapporte à
plusieurs objets déjà nommés, autrement non : lequel aimez-vous
mieux de ces deux tableaux-là ?
, v.franç. a ses clers
prist conseil, li quels dirreit sa cause TCant
. p. 41 ; or me
dites, li quel ce est
 ; rarement en prov. comme la quai tenriatz
per meillor d'una domna
etc. Choix IV, 30 ; comp.
val. carele dintru aceśtia (lequel parmi ceux-ci ?). L'article
a ici sa valeur déterminative et distinctive et ne se comporte
pas tout-à-fait comme le gr. ὁ ποῖος. — 4) Quant au pronom
indéfini, l'article indéfini n'ajouterait rien à sa signification et
le défini la détruirait. Cependant il peut se présenter des cas
où on l'admet, soit pour établir une distinction de sens, soit
comme véritable pléonasme, a) Alter s'emploie en italien avec
l'article indéfini, et aussi, avec élégance, sans cet article : un'altra
volta, altra volta ; non trovo altro rimedio
 ; lorsque
alter est pris substantivement il s'adjoint l'article : un altro
(uomo), un'altra (donna) ; les formes altri et altrui s'en
passent. Il est plus rigoureusement exclu en espagnol et en
portugais où l'on ne dit que otro caballo, otro nombre, outro
dia, o reino que outro pede
. Prov., dans Boèce 127 altre
(sc. hom), mais un'autra (sc. domna) LR. I, 497. Fr. avec
l'article : c'est un autre homme ; c'est bien une autre affaire ;
v.franç. quelquefois sans l'article : ne me feres autre confort ?
Ccy
271. Val. slugę altuia (esclave d'un autre). Le v.h.allemand
se passe très-habituellement de l'article, on trouve même
ander pour ander man, comme esp. otro. b) Certus est
employé en italien avec l'article indéfini, en espagnol, portugais
38et provençal sans cet article, le français connaît les deux procédés :
un certo signore, en cierta ocasion, en certo dia,
certain argent
, (un) certain homme. L'article n'est pas usité
avec les expressions spécialement espagnoles fulano et zutano :
mi señora fulana me envia ; port.fulano, hum fulano.
Dans le latin unus quidam et dans le gothique ains sums les
deux mots doivent être regardés comme des pronoms, c) En
italien qualche, en provençal et en v.français chascun peuvent
s'adjoindre pléonastiquement l'article, Régnier et Molière disent
encore un chacun, et cet usage persiste dans les patois, surtout
dans ceux du midi de la France. Le v.fr. auquant est volontiers
muni de l'article : ço dient li alquant TCant. p. 19 ; des
moines li alquant
p. 146, de même dans la Pass. du Christ
123 alcans en cruz fai soslevar et los alquanz fai escorcer,
on trouve aussi li aucun Ccy. 1846 et li quels que soit p. ex,
GVian. 471. — 5) Talis lorsqu'il remplit l'office d'attribut ne
se fait pas escorter de l'article indéfini, lorsqu'il a la valeur
d'une épithète il ne le prend nécessairement qu'en français. Ex.
it. tale è il mio stato ; io gli son tal vicino ; in cotal guisa.
Esp. mi des gracia es tal ; tal caballero andante ; port.
nunca se vio tal desventura. Prov. tal ieu soi e tal serai ;
us tals prezicx LR. I, 457. Fr. tel était l'état des affaires ;
il faisait un tel bruit ; v.français généralement sans article.
Neutre : ital. a tale io son venuto ; esp. nunca tal creyera ;
franç. je ne vis jamais rien de tel. Lorsque talis renvoie à
un objet déjà connu il peut être accompagné de l'article au moins
en espagnol et en portugais : los tales escritores ;o tal conselho ;
gr. ὁ τοιοῦτος ἀνήρ ; v.h.all. der solîhher. Il lui arrive
souvent aussi d'être précédé d'un démonstratif : ital. tra questi
cotali ; quei tali cittadini
 ; esp. esta tal señora ; port.estas
palavras taes
 ; lat. hic talis, ille talis. Sur l'emploi de l'article
avec talis pris dans le sens de quidam, voy. le chapitre suivant.
Tantus n'a pas besoin de l'article indéfini : ital. tanto uomo
travagli tanti
, esp. tanto amor etc.

22. Article partitif. — Un emploi spécial de l'article défini
s'est particulièrement développé en français. Si l'on veut désigner
non pas un tout ni une pluralité d'individus, mais une
partie d'une façon indéterminée, sous la dépendance d'un verbe
transitif, au lieu de mettre le régime sans article à l'accusatif,
on se sert de la préposition de qu'on fait suivre du nom accompagné
de l'article ; la préposition et l'article se confondent
avec l'expression du génitif. On dit ainsi donnez-moi du vin ;
39prêtez-moi des livres ; j'ai trouvé des amis
 ; et de même
avec des abstraits : il me témoigne de l'amitié. En latin de
s'emploie dans ce sens après des verbes pour représenter la
soustraction d'une partie d'un tout matériel, comme en grec ἀπό,
en allemand von (voy. chap. 6, prép. de) ; le français a fini par
reporter cette pratique sur des idées abstraites et des objets pris
dans un sens tout-à-fait général, où la valeur locale de de se fait
encore à peine sentir 117. Le nom affecté de l'article partitif peut
passer au rapport du datif, en se faisant précéder, selon la règle
du français, par à : qui voudrait confier cela à des traîtres ?
et même d'autres prépositions peuvent prendre cette place, comme
dans avec de l'argent, dans du vin ; de qui ferait pléonasme
est naturellement excepté (on ne dit pas se nourrir de de
viande
, mais bien se nourrir de viande). Enfin rien n'empêche
de donner aussi à la locution partitive la place du sujet et
de dire par ex. du pain me suffit, de l'eau vaut mieux que
du vin
. A ce propos il faut encore observer qu'un adjectif précédant
le substantif exclut l'article et ne tolère que la préposition
de : j'ai au de (et non pas du) bon vin ; j'ai vu de belles maisons
d'assez belles maisons
 ; dat. à de bon vin, à de belles
maisons
. Mais si les deux noms expriment une seule idée ils
sont traités conjointement comme un substantif : il a des belles
lettres
, c'est-à-dire il a de la littérature 218. Quelque profondes
que soient les racines qu'a jetées cette manière de parler, elle
n'en demeure pas moins bannie de beaucoup de phrases consacrées
par l'usage (voy. § 9). Cet article se présente déjà en
v.français, mais beaucoup plus rarement, et il reste plus fidèle
à la signification primitive, comme dans les Liv. d. rois 213
pristrent del ewe (d'après le lat. hauserunt aquam) ; au reste
on disait encore boire vin, savoir nouvelles, envoyer gens,
40saisir armes, doner gages, il y avoit sages hommes, on
voit venir chevaliers, en ce bon val sont plaisirs excellens

Mar. ; on trouve plus souvent la préposition seule sans article :
ne manga de pain ne but de vin Sax. II, 157 (exemple dans
lequel une négation fait sentir son influence, voy. Génitif § 3) ;
pourveez moy de papier (fr.mod. procurez-moi du papier)
TFr. 513. — En provençal il semble se présenter plus rarement
et de préférence avec des adjectifs : trobaran de l'erba GRoss.
598 ; demanden de l'aigua 199 ; ai ieu de bons pensamens
Choix
IV, 5 ; el n'ac de grans bens e de grans mals V, 45 ;
n'ai sofertz de grans mals Guir. Born. Ms. ; faran de
grans assais Choix
III, 263 ; ieu sai de tals IV, 94 ; ab las
espazas et ab d'autres feramens GO
. 311. — En italien
l'usage de l'article partitif s'est également beaucoup étendu,
sans être toutefois aussi rigoureusement obligatoire qu'en français :
on dit aussi bien sono anni que sono degli anni che ci
conosciamo
. Les grammairiens donnent la règle, qui est peut-être
une distinction trop fine, qu'on doit employer l'article partitif
lorsqu'il peut être échangé contre alcuno ou alquanto : datemi
pane
signifie du pain en général, datemi del pane quelque peu
de pain (alquanto di pane), les deux formules répondent au fr.
donnez-moi du pain. L'article partitif est également usité avec
des abstraits : ella ha della tenerezza per me ; esso ha dello
spirito
 ; et il se présente aussi dans les rapports du datif et
du nominatif : parlare a degli sciocchi ; si trovano degli
esempi
119. Devant des adjectifs l'usage est hésitant, l'article peut
être toléré : si sentono di belle cose ; vi aveva di valenti
uomini Bec
. 10, 4 ; gl'insegnavano di buone orazioni 7, 1 ;
vi ha di ciechi uomini ; ho delle buone nuove. Ici aussi
l'usage remonte très-haut : un poète antérieur à Dante dit
sostene di gran pêne PPS. I, 224, et l'on connaît assez
l'expression de Dante dimandar del pane Inf. 33. — La grammaire
espagnole et portugaise rejette absolument cette application
de l'article, et en fait on n'en trouve presque d'exemples
que chez les plus anciens poètes : ainsi dans le P. del Cid
nos darán del pan
681 ; cogió del agua 2811 ; casar con
de aquestos mios vassallos
1773 ; dans Ruiz fallarás de las
chufetas
989 ; dans Santillana fîzo de buenas canciones Sanch.
41I, p. LXI ; ovo de señalados hombres LVI ; dans Gil Vicente
dalde pan con del ayo 83b ; comer de las viandas dañosas
Calil. é D
. 37b ; dans la poésie populaire : dar del vino, dar
del pan SRom
. p. 8 ; port.hi ha de homens rũis GVic ; emprestae-me
do azeite
ibid. III, 271 ; arrancam das espadas
Lus
. 3, 131. — -- Le valaque ne connaît pas l'article partitif.

Chapitre III.
Pronom.

La richesse considérable en formations pronominales dont il
a été question au tome II p. 73-104 et 415-422, rend quelque
peu difficile la syntaxe de cette partie du discours. En effet d'une
part on a beaucoup de synonymes qui ont chacun une valeur
spéciale, d'autre part de petites différences de forme ont eu pour
conséquence de grandes différences dans l'emploi, enfin plusieurs
de ces mots ne sont usités qu'à un cas ou à un nombre déterminé.
1) Avant tout il est important de distinguer les pronoms substantifs
et les pronoms adjectifs. En outre il existe des pronoms
formés tout-à-fait comme des adjectifs, qui ont cela de particulier
qu'ils ne peuvent être placés devant aucun substantif,
parce qu'ils contiennent déjà en eux-mêmes une idée de substantif
ou qu'ils renvoient à une idée de ce genre. La grammaire
française les nomme absolus pour les opposer aux pronoms
purement adjectifs qu'elle nomme conjonctifs ; cette distinction
a été introduite aussi pour le pronom personnel. — 2) Les pronoms
substantifs sont soit personnels, soit neutres ; les premiers
sont souvent produits par l'union d'un pronom adjectif avec
homo ou persona, les seconds de même avec causa ou res :
ital. ciascun uomo, ogni uorno, franç. chaque homme, toute
personne
, de m. ital. questa cosa, che cosa, fr. cette chose
autre chose
, prov. una res, nulla res, on emploie moins una
causa, nulla causa
. — 3) Plusieurs féminins d'une signification
personnelle et neutre qui jouent le rôle de pronoms substantifs
sont employés dans quelques langues comme masculins, on dit :
v.ital. nulla cosa è tanto gravoso PPS. I, 82 ; v.port. algun
rem FSant
. 545 ; prov. ren que bom sia Choix III, 330 ;
re nascut GRoss. 4087 ; fr. personne ne sera assez hardi ;
rien n'est bon ; on m'a dit quelque chose qui est très-plaisant.
4) En italien on supprime souvent cosa, par ex. questa
42veramente è graziosa
, et de là nulla pour l'ancien nulla
cosa
120. Nous constaterons plus bas que le daco-roman aussi emploie
des féminins dans le sens neutre ; de plus il exprime le neutre
pluriel du latin par le féminin du même nombre, par ex. toate
sųnt gata
(omnia sunt parata), vorbì multe (multa loqui) ;
les autres langues ne peuvent pas arriver à ce résultat sans
adjoindre un substantif au pronom ; ainsi en provençal c'est par
totas causas qu'on doit remplacer le lat. omnia, voy. GO. 225a.
5) Les pronoms substantifs italiens colui, costui et cotestui
peuvent se passer au singulier et au pluriel de la caractéristique
du génitif ; lui, lei et loro procèdent de même pour la marque du
datif, cui et altri pour la marque des deux cas : per lo colui
consiglio ; amor mi prese del costui piacer
(del piacer di
costui
) Inf. 5, 103 ; per lo costoro amore ; io dissi lui,
io risposi lei
(poét.) ; quella il cui bell'occhio tutto vede ;
alma gentil cui tante carte vergo ; hanno potenza di far
altrui male. Altrui, autrui
jouit de la même liberté en provençal,
en français ancien et moderne, cui en provençal et en
v.français seulement.

1. Pronom personnel.

1. Nos et vos, lorsqu'ils servent à désigner une classe de
43personnes, s'unissent généralement à alteri. Ainsi ital. noi
altre donne pensiamo così
 ; pr. anc vos autres non demandetz
venjansa Choix
IV, 136 ; aussi franç. nous autres, vous
autres
. En espagnol nosotros, vosotros ont tout-à-fait pris la
place de nos, vos (tome II, p. 82) ; ces derniers ne sont plus
employés qu'en parlant d'une seule personne : dans le style de
chancellerie on les applique à un groupe d'individus (nos los
Inquisidores
). Cette règle n'a pas pénétré en portugais, mais
on fait dans cette langue un usage très-libéral des combinaisons
nosoutros, vosoutros.

2. Quant au pronom de la troisième personne, quelques
langues ont établi dans la manière de l'employer une distinction
fine, suivant qu'il se rapporte à des personnes ou à des choses.
1) L'italien possède pour cette personne deux mots, egli et esso.
Le masc. egli, plur. eglino, au nominatif au moins, ne se
rapporte qu'à des personnes ; ella, lui, lei, loro aussi représentent
plus volontiers des personnes. Mais esso s'emploie indifféremment
pour des personnes et des choses et tient lieu volontiers
des autres pronoms, en vertu du principe d'euphonie, comme
dans lui con essa au lieu de lui con lei. — 2) En français,
le nominatif et l'accusatif du pronom de la troisième personne
(il, lui, ils, eux ; elle, elles) seuls s'appliquent aussi
bien à des choses ; les formes accompagnées de prépositions
(de lui, à lui, d'eux, à eux ; d'elle, à elle, d'elles, à elles ;
contre lui, avec elle
) ne renvoient qu'à des personnes ou à des
objets personnifiés ; en renvoyant à des objets on emploie en
et y (plus bas § 6) : pour des êtres qui ne connaissent pas la
distinction des sexes des adverbes sont assez bons. Cette distinction
rigoureuse des objets personnels et impersonnels, qu'ignorent
d'autres dialectes, tels que l'espagnol et le portugais, n'a
pas non plus toujours existé en français. Dans la plus ancienne
période de la langue cette règle n'était pas encore établie ; on
trouve par ex. li hom est en lei neiz (en la cité) SB. 532u ;
vos conformeiz a lui (sc. exemple) 535u ; et même chez des
écrivains d'une époque plus récente, par exemple chez Molière,
on trouve et on blâme des infractions contre la règle telles que
par elles (les actions), pour lui (l'intérêt). Cependant on
tolère l'application du datif lui et leur à des animaux et à des
plantes, et l'on dit ainsi coupez-lui les ailes (à l'oiseau) ; il
faut leur donner de l'eau
(aux plantes).

3. En français le remplacement du nominatif par l'accusatif
est devenu une règle. En effet, partout où le pronom ne se
44borne pas simplement à indiquer la personne du verbe, mais se
présente avec une valeur indépendante comme sujet et réclame
aussi en conséquence l'accent, lés nominatifs je, tu, il, ils, que
l'usage a ravalés presque au rang de simples mots formels, ne
suffisent plus, et leur place est prise par les accusatifs moi, toi
lui, eux
 ; ce changement ne pouvait atteindre elle, nous
vous, elles
, car ces pronoms ont la même forme à l'accusatif.
Cependant ces formes expressives ne sont pas immédiatement
préposées au verbe, au contraire celui-ci reste accompagné des
nominatifs faibles, on dit : moi je dis et non moi dis. Autres
exemples : moi je n'en sais rien ; lui il s'en alla ; ils sont
venus nous voir eux et leurs amis ; lui qui me l'a donné ;
qui a fait cela ? moi ; il est plus riche que moi ; je ferai
comme toi ; c'est toi ; toi seul
. Cet accusatif se trouve aussi
en anglais et en danois dans les formules it is me, it is him
it is her, det er mig
. Le réfléchi soi se présente aussi comme
sujet, mais non pas d'une manière indépendante : il est toujours
réuni à même : il faut conduire ses affaires soi-même ; angl.
he told me himself. Si l'on se reporte à l'usage ancien on ne
tarde pas à se convaincre que les formes du nominatif étaient
loin d'avoir cédé à celles de l'accusatif dans la proportion admise
aujourd'hui. On lit par ex. dans les Serments : si salvarai eo ;
quid il mi altresi fazet ; ne io ne neuls ; ce qu'on traduirait
aujourd'hui par : ainsi sauverai-je moi ; que lui à moi pareillement
fasse ; ni
moi ni nul. Dans des textes postérieurs :
je qui le ains (moi qui l'aime) ; je et vous ; je par ma foi ;
il et sa lignée ; il ou ma femme ; il seuls, il mismes ; je
Jehan Froissart
 ; encore chez Marot je qui suis ; je de ma
part
. Toutefois il était aussi d'usage alors de mettre l'accusatif
dans le cas où le pronom n'était pas directement uni au verbe,
par ex. mei e ceste femme LRs. ; je ne vous fauldray mie
ne moi, ce dit Guichart QFA
. 435 ; moi et mon frère
Garins nos irons la Gar
. I, 68. Cela était surtout usité après
les particules de comparaison comme et que. Les traces de ce
procédé sont si rares en provençal qu'on peut à peine le regarder
comme indigène. On lit dans le Choix III, 60 : mon escudier
e me avem cor
, où le substantif aussi est à l'accusatif. La
grammaire italienne ne l'admet pas non plus et cependant on
trouve assez souvent chez des écrivains anciens et modernes lui
lei, loro
pour egli, ella, eglino et elleno (voy. surtout Blanc
226 ss.). En outre on s'est habitué à assigner la forme de
l'accusatif au pronom dépendant du verbe esse : io non sono
45te ; s'io fossi lui
 ; aussi che fosse creduto lui Dec. 3, 7 ;
de même après come : egli è come me stesso ; io sono padre
come te ; sei donna come lei
121 Le grec moderne applique
aussi dans ce cas l'accusatif, par ex. ἀυτός εἶναι μεγάλος σὰν (grec
anc. ὡσάν) ἐσένα (il est aussi grand que toi). Dans les Serm. de
S. Bernard
p. 523m on lit il serait si cum deu (pour deus).
Les langues du sud-ouest ne savent rien de ce procédé 222.

4. Pronom personnel conjonctif. — Pour les deux cas
obliques, l'accusatif et le datif, des deux nombres du pronom personnel,
le roman possède deux formes, l'une absolue et l'autre
conjonctive (t. II, p. 76). La première trouve son application
lorsqu'il s'agit de faire ressortir l'idée pronominale, aussi l'accent
lui revient-il toujours, la seconde s'emploie lorsque l'accent du
verbe prédomine ; lorsque le pronom se trouve sous la dépendance
de prépositions la première forme est la seule applicable. La
forme absolue suit donc le verbe comme tous les autres régimes
selon la construction ordinaire, la forme conjonctive accompagne
le verbe qu'elle suit et avec lequel elle s'agglutine souvent,
voy. pour plus de détails à la quatrième section. Ital. ho detto
a
lui ed a lei et gli ho detto ; vedo voi et vedovi ; date a
loro et date loro (pour cette dernière expression on a aussi en
v.it. dategli). Esp. parece à mi et Pareceme ; digo á vosotros
et os digo ; viò á et te viò. Fr. je ne loue que lui et je le
loue ; il conseilla à elles et il leur conseilla. Val. el au zis
mie et el mi au zis 323. Le neutre ne se distingue du masculin qu'en
espagnol et en provençal : él le quiere, él lo quiere ; sel lo
quier, sel o quier
 ; dans les deux cas l'it. dit egli lo vuole et le
fr. il le veut 424. Les avantages syntactiques de cette méthode sont
évidents : les mots atones se condensent en formes plus courtes,
mais cependant distinctes, et se subordonnent à l'accent de la
partie du discours dont ils dépendent : La chute de la particule
46ad introduite pour l'expression du datif rapproche la nouvelle
méthode de celle de l'ancienne langue. Il faut encore observer :
1) Les pronoms conjonctifs ne s'appliquent que pour rendre l'accusatif
et le datif. Le verbe substantif lui-même doit se prêter
à être accompagné de l'accusatif au lieu du nominatif : ital. io lo
sono, io la sono
(qui ne se trouve pas chez les bons écrivains) ;
esp. yo le soy, yo la soy, yo Ιo soy, ellas las son ; fr. je le suis,
je la suis
(voy. plus bas chap. 4, § 2). Et ce qui prouve qu'on
n'a pas à faire ici à des formes du nominatif dérivées de ille illa
illud
, mais bien à de véritables accusatifs, c'est en espagnol la
forme le qui, usitée à l'origine pour le datif seulement, a fini par
s'employer aussi pour l'accusatif (§ 5), et l'abus constaté plus
haut de ce dernier cas vient aussi à l'appui de cette opinion 125. — 2)
En place-du neutre on se sert aussi du fém. la, en sous-entendant
causa, surtout en italien et en espagnol, et ici ordinairement dans
certaines phrases. It. non posso capirla ; voi me la pagherete
cara ; giacchè ho tempo, voglio un poco discorrerla ; ben
ascolta chi la nota Inf
. 15, 99 ; l'ha fatta bella (il a fait là une
belle affaire) ; de même ella (res illa) non andrà così. Esp. el
mas diestro la yerra ; dios te la depare buena ; hacersela

(tromper qqn.) etc. Peut-être le val. o (= illam pour le sens)
doit-il être jugé de la même manière : el a zis o (il l'a dit) ; el
o dede
(il l'a donné). — Ce système est, comme on le sait,
inconnu au latin, bien qu'il s'y trouve des formes abrégées
comme mi pour mihi et, d'après Festus, aussi nis pour nobis,
mais ces formes ont, à cause de la longueur de la voyelle, une
dimension trop grande pour servir comme mots atones. Cette
langue possède d'autre part dans les enclitiques met et pte un
expédient suffisant pour faire ressortir l'idée du pronom. Mais le
grec moderne présente pour la troisième personne une analogie
parfaite en ce qu'il emploie la dernière syllabe d'αὐτός, comme
le roman celle d'ille, au lieu de la forme complète, par ex. δός το
(it. dallo) ; τὸν γνωρίζω (lo conosco) ; θέλω τὸν γράψει (gli voglio
scrivere
) ; τὴν βλέπω (la vedo). En ν.h.allemand sie, sia, imo
inan
s'affaiblissent en se, sa, mo, nan et en m.h.allemand
si, ez, im, in, ir se réduisent à s, z, em, en, er, ce dont il s'est
encore conservé quelques traces dans les, patois allemands ; mais
c'est dans le m.néerlandais que ces formes appuyées se sont le
47plus développées. Le slave, l'albanais et les langues celtiques
présentent aussi des traits du même genre.

5. Il faut tenir soigneusement compte, à propos des pronoms
conjonctifs, des formes doubles et des confusions véritables
des cas. Chaque langue a ses particularités. 1) L'italien possède :
a) pour l'accusatif sing. masc. la double forme il et lo ; la
première s'emploie élégamment devant les consonnes, sauf s
impure
, la seconde est d'un usage général : il vedo, lo sveglio
l'amo
. b) La poésie est libre d'échanger à la rime les suffixes
mi, ti, si contre me, te, se, ainsi de dire par ex. lodarme
pour lodarmi. c) On rencontre aussi du reste la forme absolue
là où l'on s'attendrait à trouver la forme conjonctive, par ex.
chez Dante : un poco me volgendo ; che purgan se ; per lui
campare ; mostrat' ho lui
etc. En valaque ce fait a passé à
l'état de coutume. — 2) L'espagnol a trois formes doubles : lo
et le pour illum, los et les pour illos, le et la pour illi au
féminin. a) Lo pour illum, forme organique régulière à côté
du datif le, domine dans l'ancienne langue, cependant on trouve
déjà quelquefois le pour lo dans le PC (v. 663, 720), plus souvent
dans Berceo et dans les textes des XIIIe et XIVe siècles, assez
souvent dans le Canc. general, dans J. del Encina etc. ; à partir
du XVIe siècle le est la règle, bien que lo se hasarde encore çà
et là, surtout chez Cervantes. Mais aujourd'hui le est considéré
comme la forme correcte et on ne peut dire que le veo (je le
vois) et non lo veo. b) Le pluriel les, proprement un datif, pour
los est encore inconnu au PC., mais il apparaît dans des textes
peu postérieurs, par ex. Alx. 579 les pudo ventar ; CLuc.
p. 11 fué les ferir, et cette forme devient fréquente plus tard.
La grammaire considère cet emploi comme fautif. c) La, comme
datif du féminin, est très-usité dans les auteurs modernes à côté
de le. On lit déjà dans Cervantes sin replicarla mas ; descubríla
el rostro ; la dixo
etc. — 3) En français les pronoms
me et te, quand ils suivent immédiatement l'impératif et font
pour ainsi dire corps avec lui, sont échangés contre les formes
absolues moi et toi : on dit ne me donnez pas, mais donnez-moi,
aide-toi
, déjà en v.franç. pardonnez lo moi, mais lorsqu'un
second suffixe suit, me et te restent autorisés : donne-m'en
et non pas donne-moi-en. En v.français moi, toi, soi, lui
sont généralement aussi employés comme des conjonctifs, sans
qu'on cherche pour cela à insister sur le pronom : ainsi moi est
avis ; ce poise moi ; je vanterai moi ; pour toi conforter ;
prent soi à correcier ; chauça soi e vesti ; pour lui veoir
 ;
48dans les Liv. des rois : pur met ocire 77 ; pur sei aiser 93 ;
pur sei salver 106 ; pur li (lui) salver 74 ; encore au XVe et
au XVIe siècle : pour tuer moy ; de toy rendre ; soy monstrant
Ch. d'Orl. ; soy trouvant Gom. ; soy rigoller Rabelais.

6. Outre le pronom conjonctif il existe encore deux particules
pronominales
, qui peuvent représenter d'une manière concise
et nette la troisième personne lorsque l'on ne veut pas la mettre
en relief ; cet usage n'est toutefois pas commun à toutes nos
langues. 1) Le rapport exprimé par la préposition de peut être
rendu par l'adverbe inde, c'est-à-dire ital. ne, prov. en, ne,
franç. en. Cela a lieu le plus souvent lorsqu'il s'agit d'objets,
ou d'une phrase déjà exprimée, auxquels cas le véritable pronom
(ital. egli, franç. il, voy. § 2) n'entre pas en jeu. Exemples :
ital. quanto ne volete ? (di quelle cose) ; ne fece una ghirlanda
(de' rami) ; io me ne ricordo ; il en est de même en
provençal. Franç. j'en ai assez ; j'en suis content ; qu'en
pensez-vous ?il pourrait en mourir
(de cette maladie ;
d'elle
serait incorrect). Mais on désigne aussi de cette façon des
personnes. Ital. noi n'avremo buon servigio (di lui) Dec.
3, 1 ; erane amante (di lei) Orl. 5. 64. Prov. una'n sai
(d'elhas) ; aissi cum suelh del senhor de Narbona chantar
ab gaug, ne chanti ab dolor Choix
IV, 77 ; amicx a vos
mi ren e faitz en so queus plaia
(où en renvoie à la Ire personne :
« de moi ») I, 183. On ne dirait pas en allemand hier
bin ich, macht damit
(mit mir) was ihr wollt. Fr. il avait
deux fils, il lui en est mort un
. Cet usage roman se rattache
immédiatement à l'emploi latin de inde qui peut, en se rapportant
à des objets ou à des personnes, remplacer ex illo, ex illis,
ou le génitif partitif ; des chartes du plus ancien moyen âge en
offrent déjà des exemples : si inde potis manducare (franç.
en manger) Form. B. n. 11 ; qui inde aliquid vult dicere
Form. ital
. app. L'espagnol ne dispose que du pronom (de él
de ellos
) ; mais pour le génitif partitif il peut employer l'accusatif
de la forme conjonctive, p. ex. romances, como los hay (fr. il y
en a
) para ciegos ; un vaso de vino, si le hay. Mais le v.esp.
connaissait un adverbe pronominal ende, p. ex. hagades ende
sabor PC
. 2110 ; so ende bien certero Bc. Mil. 353 ; él non
quiso ende
(de la ganancia) parte Alx. 1294 ; lo que ende
ha notado en su corazon Cal. é D
. p. 11a. On a aussi en v.port.
ende et em : que lhi dé ende alguna cousa SRos. I, 422 ;
nunca vos mais direz en Trov. p. 19. — 2) Pour le rapport
représenté par ad, en tant qu'il ne répond pas au datif proprement
49dit, auquel un pronom conjonctif a déjà été affecté, on a l'adverbe
ibi, ital. vi ou ci, v.esp. v.port. y, pr. y (hi, i), fr. y. Ital. io vi
penso
(a questa cosa) ; metteteci dell' acqua ; ci vuol molto.
Esp. si algun otro embargo y no fuere ; port.non me val y.
Prov. non hi vuelh tornar jamais (sc. al turmen). Franç.
j'y répondrai dans la suite (sc. à la lettre ; à elle serait
incorrect, comp. § 2) ; je n'y ai pas pensé ; je l'y ferai consentir.
Cet adverbe renvoie à des objets et à des propositions
entières ; il se prête difficilement à être rapporté à des personnes :
fr. c'est un honnête homme, fiez-vous-y ; prov. er don per
dieu sa vid' e la y prezen
(qu'il donne maintenant sa vie à
Dieu et qu'il la lui offre) Choix IV, 110 126 Ici encore le latin
donne l'exemple avec ibi, dans les cas où ce mot peut s'expliquer
par ea re, et ce procédé est aussi fort usité dans le plus ancien
bas-latin (voy. des exemples dans le Choix I, 62). En espagnol
le pronom se maintient : me fio en ello ; no pienso en ello. —
Au reste les deux adverbes n'en conservent pas moins leur
signification d'adverbes de lieu : ital. me ne son tornato ; vi
vado ; non ci sono stato mai
 ; prov. ieu m'en anarai ; tot lo
bes hi es
 ; franç. il en vient ; j'y passerai ; esp. de allí pour
inde, allí (aqui) pour ibi.

7. Pronomen reverentiae. — Dans tout le domaine néo-latin
on peut s'adresser à une seule personne au moyen de tu, et le
daco-roman (ainsi que le polonais) ne possède même que ce seul
mode d'interpellation pour la deuxième personne ; on s'adresse
à l'empereur lui-même en lui disant męria tà (ta majesté) ; mais
dans les autres langues on a introduit un pluriel de courtoisie
vos ; enfin dans quelques-unes d'entre elles on se sert de la
troisième personne, c'est-à-dire d'une interpellation indirecte, ce
qui a entraîné l'emploi régulier de constructions anti-grammaticales.

Vos (possessif vester) suggéré, comme l'a déjà remarqué
Dante (dal voi che prima Roma sofferie Par. 16, 10), par
l'expression nos pour ego, que les princes revendiquent d'après
l'exemple donné par les empereurs romains. Ce mot, déjà couramment
usité dans les plus anciens textes romans, a refoulé
toujours plus loin l'expression plus naturelle tu. Seuls le langage
de l'amour et de l'amitié la plus intime, comme d'autre part celui
de la colère et du mépris, se servent encore de l'interpellation
50au moyen de tu ; ce mot est aussi appliqué à des individus d'un
ordre tout-à-fait inférieur par des personnes plus haut placées.
On se conforme encore à l'ancien usage en s'adressant à l'être
suprême et aux saints, bien que l'emploi de vos dans ce sens ne
soit pas sans exemple au moyen âge, non plus qu'en espagnol
encore dans certaines occasions. Dans la langue poétique les
choses se passent un peu différemment. La plus ancienne poésie,
à la vérité, ne s'écarte pas beaucoup de l'usage du discours familier :
vos prend déjà une grande extension, mais il ne se sépare
pas encore si rigoureusement de tu qu'ils ne puissent être employés
tous deux à l'égard d'une même personne, par ex. Fer.
3585 ss., cf. Orelli 149 127. Des poètes espagnols, provençaux et
v.français rapportent sans difficulté vos à des objets personnifiés :
ils interpellent ainsi le cœur, la pensée, l'orgueil, la mort, le
monde et même le sang (voy. Num. 4, 3, p. 86) 228. Dans un
ancien poème épique français, par exemple, le célèbre héros
Renaut dit vous à son cheval Baiart, et même à son épée
Frobert (ahi Frobert, quel bonté en vous a !) Ren. de Mont.
p. 301. 434. Un vieux poète portugais applique sans hésiter le
pronom vos à un étourneau : ay estorninho do avelanal
quando cantades vos, moir' eu Trov. Vat
. p. 14. D'autre
part la poésie moderne a fait de nouveau des concessions au
classique tu ; elle l'a surtout réintroduit dans les peintures du
monde antique. Des poètes italiens appliquent par ex. ce mot
à de hauts protecteurs, Pétrarque à J. Colonna, le Tasse à
Alphonse, tandis que l'Arioste et Camoëns s'adressent au pluriel
au cardinal Hippolyte et au Rol. de Portugal. Dans la littérature
française vous prédomine jusqu'aux abords du XVIe siècle :
Charles d'Orléans encore dit vous à Dieu (Dieu par vostre
courtoisie
p. 203), mais Clément Marot n'emploie que tu dans
ce cas, de même qu'à l'adresse de hauts personnages (approche-toi
Charles !
), et cet usage s'est maintenu dans l'ode. Dans la
51tragédie le vous plus cérémonieux est employé entre personnes
d'un rang élevé, le tu entre les personnes inférieures et quelquefois
dans le discours de deux amants ; tout cela est en rapport avec
les usages du jour. — Au point de vue de la syntaxe il faut noter
comme un fait commun à tout le domaine roman que le verbe
avec vos se met au pluriel, mais que l'adjectif ou le participe
se règle sur le genre ou le nombre de la personne à qui l'on
s'adresse, ainsi en italien on dit, en s'adressant à une seule
personne : voi siete arrivato (et non arrivati) ; voi siete graziosa
(et non graziose) ; esp. vos habeis llegado ; vos sois
hermosa
 ; franç. vous êtes arrivé ; vous êtes bonne. Mais le
plus ancien bas-latin disait, d'après le strict principe grammatical,
à une seule personne vos estis inhonorati (Grimm,
IV, 300) et le grec moderne se comporte encore de même. Mais
le passage de la construction grammaticale à une construction
plus matérielle était tout indiqué, car le substantif attributif ne
pouvait pas se plier au nombre du pronom ; voi siete donna,
voi siete donna graziosa
devait nécessairement entraîner voi
siete graziosa
. Dans l'interpellation dirigée à plusieurs personnes
la langue n'a pas réussi à distinguer le premier degré du
second : voi siete arrivati, vosotras sois hermosas, vous êtes
bonnes
permettent de supposer qu'on interpelle chacune des
personnes aussi bien par tu que par vos.

Le français s'en est tenu à vous 129, les autres peuples ont poussé
plus loin l'obséquiosité. a) L'italien a donné le titre de vostra
signoria
, prononcé vossignoria, écrit V. S., d'abord seulement
à des personnes de haut rang, enfin à tout individu qui est censé
faire partie de la bonne société, bien que des personnes du même
monde et dont les relations ont un certain caractère d'intimité
reprennent volontiers la formule voi. Le pronom qui remplace
V. S. est ella (posses. suo), au plur. elleno (posses. loro),
mais ces pronoms peuvent aussi être sous-entendus. Les plus
anciens auteurs accompagnent vostra signoria de voi au lieu
de ella et reviennent donc à la deuxième personne (voy. Guittone
Lett. 26 et CN. 10 : dinanzi alla vostra signoria
domando che mi facciate
etc.). Ella ne débute qu'avec le
XVIe siècle, on le trouve dans Machiavel, Annibal Caro, le
Tasse etc. (Blanc 273). Les formes des cas obliques sont le, la,
52plur. loro, le, quand on parle sans insister sur le pronom. Le
participe ou l'adjectif qui se rapporte à V. S. ou à ella s'accorde
volontiers avec ces expressions, cependant beaucoup d'écrivains
procèdent ici comme pour voi. Exemples : V. S. è stata sempre
bene ? ha
(ella) da comandarmi qualche cosa ? perdoni
signora ; ascoltino un poco ; serva umilissima di lor signori

(de vous, messieurs) ; ho da supplicarla ; se le piace ;
gliene sarò obbligato ; non faccio che secondare la sua

(aussi la di lei) inclinazione ; son serva loro. Au lieu du
nominatif ella et elleno on se sert généralement de l'accusatif
lei et loro, nouvel exemple de la faveur accordée à ce cas :
dove va lei ? loro Inglesi sono ricchissimi etc. L'allem. Sie
diffère par deux côtés de ella, ce mot est un pluriel et, comme
renforcement de l'ancien Er (d'après Grimm), il tient lieu d'un
titre concret (der Herr) et non de l'expression abstraite Euer
Gnaden
 ; il est inférieur à ella en ce qu'il n'admet aucune distinction
de nombre. — b) A l'ital. vossignoria répond l'esp.
vuestra merced, abrégé usted 130, plur. vuestras mercedes
ustedes
, écrit Vm., Vmd., plur. Vms., Vmds. Ce pronom
de courtoisie a pris peu à peu dans les derniers temps une grande
extension, cependant vos (d'après le dictionnaire de l'Académie)
continue à être employé par des personnes inférieures à l'égard
de gens plus haut placés et réciproquement. Usted ne peut pas
être remplacé par ella, on doit répéter le premier mot ; mais au
datif et à l'accusatif les pronoms conjonctifs sont applicables.
Le participe et l'adjectif se règlent per synesin sur le genre de
celui à qui l'on parle. Exemples : digame vuesa merced ;
vuestras mercedes se queden á la puerta ; no diga Vmd. ;
no digan Vmds. ; soy de Vmd. ; Vmd. quedará satisfecho ;
Vmds. sean bien venidos ; le quiero decir ; y o se lo daré
á entender
 ; pléonast. (voy. § 9) yo las hallé á Vms. ; avec
suppression de Vmd. : si otra cosa quiere ; no lo entienden.
Le possessif su se renforce souvent au moyen de Vm. : beso sus
manos de Vm. ; sus muchas qualidades de Vm., señora
. Le
correspondant portugais vossa mercé, pron. vosmsé (familièrement
53vossé), écrit V. M., suit la même règle. — c) En valaque
on trouve un correspondant de l'ital. vossignoria qui est dumniatà
(Dta), plur. dumniile voastre, mais le verbe se construit
avec cette expression à la deuxième personne et non à la troisième,
et nous avons encore là un exemple de trouble apporté
à la grammaire : unde ai fost dumniatà ? (où avez-vous été ?
littéral, ubi fuisti dominatio tua ?) ; ce cugetzi dumniatà ?
(que pensez-vous ?) ; eu tzi multzęmesc pentru bunętatea
dumniei tale
(je vous remercie pour votre bonté). Les titres
honorifiques du grec moderne ne sont pas autrement traités :
ἡ εὐγένειά σου ἠξεύρεις ὅτι σὲ ἀγαπῶ (Votre Grâce sait que je vous
aime). On passe du reste de dumniatà au simple tu : eu am
tręmęs dupę dumniatà, sę te chięme
(je vous ai envoyé quelqu'un
pour vous appeler). A la troisième personne on dit de
même : unde merge dumnialui, -ei, -lor (où va le seigneur,
la dame etc. ?). — Il existe dans quelques langues certains verbes
pour exprimer les différents degrés de l'interpellation : b.lat.
tuissare, vobisare, esp. tutear, vosear, cat. tuejar, franç.
tutoyer, v.fr. envouser, patois genevois vousoyer, ital. seulement
dar del tu, del voi, del lei.

8. Réfléchi. — Lorsque le pronom de la première et de la
deuxième personne renvoie à lui-même, le latin emprunte l'expression
de ce rapport à la série de ses cas obliques, comme dans
ego me laudo, tu te laudas. Les langues filles ne se sont pas
écartées de ce principe. Si le sujet est une troisième personne,
le rapport réfléchi est de même indiqué par le pronom de la
même personne se, sibi, sui : omne animal se diligit ; malus
sibi nocet
. Ce dernier pronom est le réfléchi par excellence,
aussi le nominatif lui fait-il complètement défaut. Les cas
obliques du démonstratif is servent au contraire à renvoyer
à un objet qui n'est pas le sujet de la phrase. Lorsque le pronom
se trouve dans la proposition subordonnée, le renvoi au sujet de
la proposition principale s'opère également au moyen du réfléchi :
multi nil rectum nisi quod placuit sibi ducunt ; Herculi
Eurystheus imperavit, ut arma sibi afferret
. On constate
certaines hésitations : dans le cas par ex. où l'inconvénient d'une
équivoque ne se présente pas, is peut aussi prendre la place du
réfléchi : Camillus mihi scripsit, te locutum esse cum eo
(secum) ; dicam cognatis, ut bona mea inter eos (se) partiant.

Quelle forme ce rapport a-t-il prise en roman ? Les diverses
langues s'accordent assez bien, cependant il vaut mieux étudier
54le français à part. 1) Si le pronom rétrospectif a son sujet dans
la même phrase, le réfléchi est presque partout maintenu et le
conjonctif se, surtout lorsque le pronom auquel il renvoie le
précède immédiatement (eglino si maravigliano), ne se laisse
échanger contre aucun des cas de ille. Ital. diceva fra se ;
dicevano fra se ; eglino non pensano che a se ; erano fuor
di se
. Esp. hace esto de sí mismo ; hacen mal á sí ; no estan
en sí
. Prov. pensava entre si ; dieus vos a mandat a se
venir
. Dans le sens réciproque on emploie en italien après des
prépositions loro : dicevano fra loro (entre eux, esp. decían
entre si
, comme lat. inter se) ; domandavan tra loro. En
provençal on évite généralement après des prépositions l'emploi
du pluriel du réfléchi, on lui préfère lor ou els : las dompnas
lo partran entre lor Choix
IV, 69 ; sunt abraizat en els
mezeus
(sibimet ipsis accensi sunt) GO. 1b. En italien à
l'inverse on remplace volontiers par seco les formes con lui,
con lei
, par ex. quel ben perdut' hai seco (avec elle) P. Cz.
22, 2 ; a partir seco (avec lui) Son. 317 ; comp. prov. annet
se sezer lonc se
(à côté de lui) Jfr. 169a. — 2) Si le second
pronom renvoie à un sujet placé dans une autre phrase, on
choisit au lieu du réfléchi le démonstratif ille avec le sens du
pronom personnel, on dit ainsi ital. egli disse a colui che
l'aveva invitato
(qui se invitaverat) ; egli pregò Filippo
che sedesse con lui
(ut sederet secum). Esp. decia tambien
al que lo habia combidado ; rogo a Felipe que se sentase
con el
. Prov. endrepetava a els en totas las escripturas que
eran de lui meteis
(interpretabatur illis in omnibus scripturis
quae de se ipso erant
) GO. 112a. A l'hésitation du latin
classique sur ce point a succédé dans le latin de la décadence
une tendance de plus en plus marquée à admettre cette expression ;
ainsi dans Pétrone : scripsit, ut illi (sibi ipsi) semen
mitteretur
 ; en b.lat. orans, ut sibi sanctus succurreret
atque ei
(sibi) concederet gratiam Gr. Tur. 5, 14 ; se venturum
in imperium, quod olim fuerat illi
(sibi) datum
Nith. 2, 1. Le v.h.allemand est entré dans la même voie, tandis
que le gothique est resté fidèle au réfléchi : au lat. dicebat ei
qui
se invitaverat répond le goth. qvathuth than jah thamma
haitandin
sik ; v.h.allem. thô quath her themo ther inan
ladôta. On procède de même avec des infinitifs et des participes
qui peuvent se remplacer par une proposition relative comme
ital. egli aveva veduto un uomo imporgli la mano (sibi
imponere
). Mais seco peut aussi rester dans la proposition
55subordonnée : la donna attenta stava, acciò che nulla seco
(auprès d'elle) il mago avanzi Orl. 4, 23.

Le français se comporte avec le conjonctif se de la même
manière que les autres langues ; pour soi et lui on a établi les
règles suivantes. 1) Soi réfléchit des idées impersonnelles ; on dit
le vice est odieux de soi. — 2) Il peut aussi représenter des
personnes d'un caractère indéterminé, surtout des pronoms indéfinis :
chacun travaille pour soi ; on pense trop à soi ; prendre
garde à soi
 ; mais, ce pronom n'étant pas usité volontiers
au pluriel, on dit pourtant quelques-uns dirent en eux-mêmes,
ainsi comme déjà en provençal. — 3) Lui renvoie à des personnes
définies : le Pharisien priait en lui-même ; il prie Philippe
de s'asseoir près de lui
 ; de même en v.fr. le duc disoit en
lui ; Artus por faire de lui parler
(pour de soi) Brut. ; por
lui vengier
(soi) 242 ; por lui aaisier (se reposer) RCam.
146 ; pur els esbaneier (soi) Rol. p. 5 ; por aus garir (soi) Fl.
Bl
. 832. Avec le pronom conjonctif : il dit à celui qui l'avait
invité
(qui se invitaverat). — 4) Pour éviter des confusions on
tolère aussi soi au lieu de lui, et l'on dit ainsi qu'il fasse autant
pour soi que je fais pour lui
. Dans l'ancienne langue et même
dans la langue moderne on surprend soi employé dans d'autres
circonstances encore, par ex. Rollant et li XII. per od sei
(avec lui) Charl. v. 232 ; la roïne ses amies fist à soi venir
Brut
II, p. 104 ; mil damisiax avoit à soi 108 ; Jésus connoissant
en soi-même etc.
(Jésus cognoscens in semet ipso
virtutem quae exierat de eo
). On voit que la méthode française
présente cette particularité que lui peut faire l'office de
pronom réfléchi, même dans la proposition simple, office qui est
attribué au démonstratif aussi dans d'autres domaines. Des écrivains
négligents l'emploient même pour l'accusatif se ; Comines
par ex. a dit : ces gentils-hommes s'estoyent desarmez pour
eux rafraîchir
(p. 503), il arrive souvent aussi à Froissart de
commettre cette méprise 131.

9. Pronom personnel pléonastique. — 1) Il arrive quelquefois
qu'après avoir déjà exprimé le sujet on joint encore
pleonastiquement au verbe le pronom de la troisième personne
au nominatif, surtout en français, par ex. la fille donc du plus
grand roy du monde elle est à toy
Mar. II, 293. Si dans cet
exemple le pronom a charge d'insister à nouveau sur le sujet
séparé du verbe par d'autres mots, il est d'autre part, dans
56l'ancien style épique, immédiatement uni au sujet comme pléonasme,
ainsi dans ces passages : li nies Marsilie il est venuz
avant Rol.
. p. 27 ; reis Corsalis il est de l'altre part ibid.
28 ; e Berenger il fiert Astramariz 41, déjà dans Léger 20
rex Chielperings il se fud mors. On est peut-être autorisé à
attribuer à cet usage une origine allemande. Il est tout-à-fait
reçu dans la poésie populaire anglaise, danoise et suédoise, et
très-familier au v.h.allemand : künc Constantin der gap sô
vil ; sîn herze daz was tugende vol
, bien que le pronom ici
précède plus volontiers le sujet : dô wâfent er sich drâte Karl
der vil reine
. Ce procédé est connu également de la poésie
allemande de nos jours : der Thürmer er schaut ; das Kind
es denkt
. — 2) Souvent on utilise le pronom conjonctif pour
annoncer un cas oblique qui suit ou pour y renvoyer lorsqu'il a
déjà été exprimé. C'est là un procédé extrêmement usité au sud-ouest
jusqu'à nos jours et qui a presque passé à l'état de règle
lorsque le substantif est en tête de la phrase. Exemples : ital.
quell'uomo non lo posso vedere ; eccolo quell'impertinente.
Esp. aquelas non las puede lebar PC ; capa no
la tenian ; á mi hermano le parece ; á mi me parece ; á
él le pesa ; le dixo el señor á la Magdalena ; damos vos
en don á vos
 ; port.do que moiro gran prazer end' ei Trov.
199 ; ao doente não se lhe ha de fazer a vontade S. de Mir.
II, 135 ; as merces os rreys as daão CGer. ; a meu pai já
lhe peza ; a mim bastame saber ; nos ficou a nos
. Prov. de
sol lo dig n'ai eu lo cor jauzen Choix
III, 371 ; li volia
gran be ad ela
V, 46 ; a my me sembla (comme esp. a mí
me parece
) Chr. albig. HL. III, col. 87 ; v.fr. ceste bataille
veirement la ferum Rol.
. p. 35 ; del vin asez nus en donastes
Charl
. v. 650 ; cornerunt li les orilles à celui (tinnient ei
aures
) LRs. 12. En français moderne il est de règle d'annoncer
le pronom absolu en le faisant précéder d'un conjonctif : il me
l'a dit à moi ; on leur a répondu à eux
. Aussi en val. mincinosului
nu i se crede
(mendaci non creditur) ; m'au trimis
pre mine
(misit me). D'anciennes chartes d'Espagne et de
France présentent souvent ce pléonasme : ipsam civitatem
restauramus eam Esp. sagr
. XL, 365 (ann. 760) ; ipsas
piscarias, quas dicitis, habuit eas antecesor meus
XIX,
368 (ann. 961) ; ipsas villas senior meus michi eas dedid
HL
. I, 25 (ann. 782) ; ipsas res volemus eas esse donatas
ibid. 33 (ann. 804) ; ut quasdam villas…eas confirmare
non denegaremus
Mab. II, 696a (ann. 845). Grégoire de
57Tours dit exutos veste jubet eos ad reginam deduci 5,
50, mais ici le pronom contribue à la clarté de la phrase. Il
faut encore citer à ce propos un usage de la langue basque,
en vertu duquel chaque verbe se fait accompagner d'un pronom
qui a la valeur d'un régime, et dans le cas aussi où le
substantif dépendant lui-même suit (W. de Humboldt dans les
Tableaux comparatifs de Vater). — Si le cas oblique placé
en tête est séparé par plusieurs mots du verbe qui le régit, le
pléonasme peut contribuer à la clarté de même qu'il favorise
l'inversion (voy. à la quatrième section) : ital. di quest'anime
stanche non poterebbe farne posar una Inf
. 7, 65 ; esp.
la fama de mi belleza pocas lenguas hay que no la publiquen
Nov
. 10 ; port.a linguagem daquella terra nam a
sabiam
R. Men. c. 6. Quant à la manière dont un nominatif
placé au début de la phrase peut être rectifié par un pronom,
nous nous réservons d'en parler à propos de la construction. —
3) On renvoie de même à un relatif au cas oblique, lors même
que le cas serait indiqué assez clairement pour pouvoir se passer
de tout secours de ce genre. Ital. fortezza cui valenza di
coraggio la chiama alcuna gente
BLat. 111 ; ombre ch'amor
di nostra vita dipartille Inf
. 5, 69 ; tu hai un'altra cosa
che non la ho io Dec
. 3, 10. En espagnol ce procédé est usité
en toutes circonstances : el rei que la naturaleza lo hizo
S. Prov. 148 ; las ramas que el peso de la nieve las desgaxa
Garc. Egl. 1 ; romances que los cantaba Nov. ; aquella
region do no se espera en ella un dia sosegado Num.
2, 2.
V.fr. de qui…doit li renons de lui aller. Val. hęrtia
carea o ai cumpęrat
. Le grec moderne dit de même ὁ ἄνθρωπος,
τὸν ὁποῖον σήμερον τὸν ἴδα. Mais lorsque Térence dit quem neque
fides neque jusjurandum neque illum misericordia repressit
Ad
. 3, 2, illum a pour fonction de rappeler à l'esprit
le régime éloigné : c'est là un emploi avec lequel le procédé
roman n'a certainement aucune relation. — 4) On attribue généralement
aux adjectifs totus et ambo, lorsqu'ils sont employés
comme absolus et au cas oblique, le pronom conjonctif, qui
usurpe ici en quelque sorte les prérogatives de l'article (p. 35).
Ital. egli ama tutti i fiori et gli ama tutti, tutti gli ama.
Esp. todos los quebrantaron ; á amas (c.-à-d. ambas) las
cubrió PC.
2817 ; port.deos que todo o manda. Prov. todas
las mescre Choix
III, 69 ; ambedos los rete IV, 100 ; franç.
je les aime tous. Comp. grec mod. ὅλα τὰ ἤκουσα, allem. ich
habe es alles gehört ; ich sah sie beide
. — 5) En grec, en
58latin et en allemand on intercale souvent un datif du pronom de
la première et de la deuxième personne pour donner plus de
chaleur à l'expression (dativus ethicus), comme ὡς καλός μοι ὁ
πάππος ! quid mihi Celsus agit ? das war dir eine Geschichte !
Si l'on met à part les cas où le pronom donne au verbe un sens
moyen et où par conséquent il doit toujours, au point de vue de
la personne, s'accorder avec le sujet (ital. io mi taceva ; ella
si sedea
), cet usage semble se présenter moins souvent dans
nos langues. Cependant il faut considérer comme attenant à ce
procédé l'emploi de ecce lorsqu'il est uni à tibi ou vobis : ecce
tibi Sebosus
 ; ital. eccoti un nuovo accidente ; v.esp. afevos
doña Ximena
 ; prov. vecvos l'emperador ; v.fr. es-vous un
messagier
 ; val. eaccętęlu. C'est le v.français surtout qui nous
en fournit d'autres exemples : pernez mei Michée ! (tollite
Michaeam !
) LRs. 338 ; ce pautonnier me pendés ! RCam.
310 ; la me notez ! NFC. II, 26 ; le m'ochies ! SSag. p. 119 ;
de même regardez moy la mine de ce galand H. Estienne
Hypomn. p. 172 ; je vous luy ay bien chanté sa leçon ibid.

10. Une expression périphrastique destinée à représenter
le pronom personnel a été formée en provençal et en v.français
au moyen du mot corpus (corps, cors), en sorte que meum
corpus
a un sens identique à ego. C'est en provençal que cette
périphrase est le plus usitée, par ex. non puescon mesclar
vostre gent cors encontral mieu
(ils ne peuvent pas séparer
votre beau corps du mien, c'est-à-dire vous brouiller avec moi)
Choix III, 142 ; quel vostres cors so teinh' a mal ibid. 8 ;
bem meravil cum vostre cors s'orguelha 22 ; ieu non sai
ges son cors s'el s'azauta de me Jfr
. 90a ; v.franç. mon
corps se pendera QFA
. 564 ; mes corps est liiés du fort
lien de mariage Ccy
. 218 ; ne volray mon corps remarier
GhCyg
. 679 ; quant men cors y venra HCap. 119 ; par un
des siens e par mon cors soit la bataille Parton
. I, p. 93 ;
de même aussi le cors Rollant pléonastiquement pour Rollant,
voy. Rol.. p. 19. En v.esp. cuerpo peut signifier personne, vie,
âme, on trouve Bacus, un cuerpo venturado Alx. 218, comp.
Bc. Mil. 850. 869 ; mando vos los cuerpos servir PC. 1880 ;
quitar el cuerpo 1043 ; alegrósle tod' el cuerpo 3195 ; puso
el cuerpo en aventura
Sanch. I, 175. Le latin employait
aussi corpus, comme le grec σώμα, pour personne (salvete
optuma corpora
Enn. ex. Med.). Une expression plus abstraite
que le roman corps et beaucoup plus usitée est le m.h.allemand
lîp : got hazze sînen lîp = pr. dieus azir son cors ; Sìvrides
59lîp
= v.fr. cors Rollant ;mîn lîp der was gedanke vol ;
ir lîp ist vrô ; ez bekumberte mînen lîp
. De nos jours les
langues romanes emploient avec une valeur pronominale le classique
persona, autrefois on usait moins de cette liberté : ital.
struggon di dolor la mia persona = me GCav. 282 ; campatemi
la persona CN
. 88 ; pr. ai ma persona plena de
gran tristor Choix
IV, 78 ; guarda ma persona 421. Comp.
encore l'anglais no body, every body.

2. Pronom possessif.

1. Quelques langues possèdent deux formes pour le possessif,
l'une conjonctive, l'autre absolue ; dans les autres la même forme
sert aux deux emplois. 1) En espagnol mi, tu, su et mio, tuyo
suyo
sont conjonctifs, mais seuls les trois derniers ont en même
temps la valeur absolue : mi amigo, el amigo mio ; aquel
es enemigo tuyo y no suyo ; el mio, lo mio, los mios
(v.esp.
lo so pour lo suyo par ex. PC. 986). La seconde forme n'est
pas plus expressive que la première, aussi les voyons-nous
employées comme synonymes l'une à côté de l'autre : mal
tratas mi amor y la fe mia ; mi bien y gloria mia !
2) En
provençal aussi mon, ton, son et mieu, tieu, sieu sont conjonctifs,
et la seconde forme est aussi absolue : mos amics, lo
mieus amics ; no sia facha la mieua voluntat, mas la tieua ;
despendre lo sieu
. — 3) En français mon, ton, son sont
seulement conjonctifs ; le mien, tien, sien seulement absolus.
Le pronom absolu ne s'emploie plus guère comme attribut : au
lieu de ces fruits-là sont miens on dit mieux sont à moi ;
ce livre est à vous, mais ital. questa casa è sua ; esp. este
jardin es tuyo
 ; port.isto he meu.

2. Sur le rapport du pronom avec l'article, dont nous
avons réservé jusqu'ici l'explication, il faut observer ce qui suit.
1) L'article défini est absolument nécessaire au possessif grec
(ὁ σὸς δοῦλος), le possessif gothique et v.h.allemand le prend
à volonté (sô giba theina, thaz mînaz bluot). En roman les
diverses formes du possessif conjonctif (car c'est de ce pronom
seul qu'il est question ici) aussi bien que les différentes périodes
de la langue déterminent la distinction suivante : les formes qui
ne peuvent que précéder le substantif écartent partout l'article
à l'époque moderne, celles qui sont mobiles (voy. à la quatrième
section) s'accommodent avec lui. a) Le possessif italien demande
l'article (il mio libro, il libro mio), sauf dans les cas suivants :
60α) Des titres de parenté employés au singulier le rejettent : mio
padre, vostra madre, loro zio
132 ; si le titre de parenté est
caractérisé par un nom propre ou accompagné d'une épithète,
l'article reprend ses droits : il vostro figlio Antonio, la vostra
signora madre, la sua bella moglie
, et de même partout au
pluriel : le vostre mogli etc. β) Des titres abstraits se passent
également de l'article : vostra Maestà, sua Santità. Mais ni
la règle, ni les exceptions ne sont strictes : il arrive souvent qu'on
supprime ou qu'on tolère l'article là où la grammaire en prescrit
ou en défend l'emploi. — b) Le possessif espagnol mi, tu, su
se passe partout de l'article : mi libro, sus caballos. Mais
les anciens l'appliquaient à leur gré : le Poema del Cid débute
par de los sos ojos et présente encore las sus bocas 19,
las sus fijas 275, el mi corazon Bc. Or. 537 ; les Castigos
disent el tu padre, el su cuerpo, la tu vida, la mi simiente,
mais aussi sans article tu fecho etc., au XVe siècle encore on
le trouve chez le marquis de Santillana, J. de Mena, dans le
Canc. gen., plus tard dans les poèmes populaires, dont Cervantes
imite le style quand il dit dans une chanson la mi madre Nov.
7. Aussi lorsque don Quichotte veut parler à l'ancienne mode
dit-il la vuestra fermosura. Le second possessif mio, tuyo
suyo
consent au moins à se placer après le substantif précédé
de l'article : el suceso mio, los sucesos nuestros ; les anciens
le mettaient aussi en tête avec ou sans article : el mio señor
PC
. 1942, los mios dias 220, mio amigo 1472, mio buen
cavallo
506. — c) Le possessif portugais est traité presque
de la même manière que le possessif italien : il s'emploie avec
ou sans article, et ce dernier cas se présente lorsqu'il s'agit de
noms de parenté ou de titres : a minha casa, minha casa
meu tio, minha mãi, teus filhos, vossa Magestade
. — d) Le
provençal mieus etc. se fait volontiers accompagner de l'article :
la mieua ma, lo tieus renhatz, li tiei sospir, per los nostres
peccatz
 ; mais aussi mei oill, nostre senher ;mos, tos, sos
le laissent de côté. — e) L'article est tout-à-fait étranger au fr.
61mon, ton, son. Chez les anciens les formes primitives mis, tis
sis
le repoussent, tandis que les formes dérivées miens, tuens
suens
s'en font escorter, par ex. tu ies li miens filz Psaut.
Choix VI, 145 ; les meies leis TCant. p. 68 ; la toie merci
GVian
. 492 ; pur le soen deu Rol.. p. 3, la sue grant ire
154 ; au contraire deus li doinst sue amur. Cet usage s'est
maintenu jusque dans le courant du XVIe siècle, époque à laquelle
Marot et Rabelais disaient encore le sien traict, les membres
siens
. — f) Le possessif valaque ne peut pas se passer de l'article ;
on dit ainsi prietinul meu (ital. l'amico mio) et avec
un adjectif : prietinul meu cel mai bun (l'ottimo mio amico).
Les noms de personne même l'exigent, et il les suit lorsqu'ils
sont masculins : Petrul meu, dat. Petrului meu, sans posses.
lui Petru ; cependant les noms de parenté au singulier peuvent
s'en passer comme en italien : frate meu, socru sęu. — 2) Le
roman a aussi la faculté de construire l'article indéfini avec
le possessif, qui se présente alors sous sa forme absolue. Il faut
à ce propos remarquer une circonstance particulière. En italien,
de même qu'il mio servitore signifie « le serviteur que j'ai »,
un mio servitore signifie « un serviteur que j'ai » (servum
aliquem meum
) et non « un de mes serviteurs » (unum ex
servis meis
), ce qui serait rendu par uno de servitori miei.
Parfois le possessif forme tout-à-fait pléonasme : avea una sua
moglie CN
. 112 ; aveva una sua donna Dec. 4, proem. ; per
far una leggiadra sua vendetta
P. Son. 2. Esp. un criado
mio
(una su hermana pour suya DQuix. 1, 35) ; port.hum
meu amigo, hum filho seu
. Pr. us mieus amicx (quelquefois
avec le possessif conjonctif us sos filhs Choix V, 88) ; v.franç.
un suen humme, un soen drut, un lur deu Tervagant, un
vo ami RCam
. 78, en une sienne épistre H. Etienne, un
mien allié
Mont. ; pléonastiquement comme en ital. : Gunter
avoit un soen chastel Havel
. v. 53. Cette combinaison élégante
n'est plus permise au français moderne : il ne peut plus disposer
que du génitif partitif. — Ainsi se comportent aussi avec le
possessif certains pronoms indéfinis et noms de nombre,
surtout en italien : gli altri suoi consorti, alcun suo atto,
ciascun vostro parente, nessun tuo passo, nulla sua tenzone,
ogni lor casa, tanti amici suoi, duo miei sensi, tre
nostri cittadini, mille miei mali
. Esp. algun escritor nuestro,
sin ningun merecimiento vuestro, qualquiera razon
tuya, con mucho dolor suyo, con tanta solicitud mia
 ; port.
outro seu irmão, qualquer meu amigo. Prov. nulhs mos
62plazers Choix
II, 238 ; v.fr. un mien autre hostel TFr. 527,
quelque sienne dévotion Mont. 1, 3. En v.h.allemand et en
m.h.allemand on dit comme en italien : ein thîn gisibba, ein
mîn wange, dehein sîn kint
.

3. Emploi du personnel pour le possessif . — 1) En grec les
possessifs de la première et de la deuxième personne sont souvent
remplacés par les génitifs des pronoms personnels, et le possessif
de la troisième par le génitif de αὐτός. En latin cet échange n'est
pas admis pour le génitif de possession et lorsqu'il se présente
on le considère comme un hellénisme. En roman il n'est pas
non plus d'usage de dire il libro di me, le livre de moi, un
amico di te, un ami de toi
, au lieu de il mio libro, mon
livre, un tuo amico, un de tes amis
. Le gr. πάτερ ἡμῶν
ne peut donc être exprimé en latin que par pater noster, en
roman que par nostro padre, notre père, à quoi répond aussi
l'all. Vater unser. Le pronom personnel ne se présente que rarement :
ainsi par ex. en esp. el alma de mí CGen. 313 ; juro
al cuerpo de mí
GVic. 95 ; et un peu plus souvent déjà au
nord-ouest : prov. al cuiamen de me LR. II, 430 ; por l'onor
de se Chants rel
. n. 18 ; segner de nos 14 ; seinor de me
Jfr
. 120a ; sciencia de lu(i), separacio de lor, voy. Revue
des lang. rom
. I, 10 ; v.franç. par la salveté de tei (per
salutem animae tuae) LRs.
155 ; la feblece de nos Brut I,
p. 309 ; l'ame de vous TFr. 488 ; le cueur de vous Mar. II,
343. Tout cela ne s'applique toutefois qu'au personnel dépourvu
de genre ou personnel proprement dit, lat. mei, tui, sui ; le
mot variable ille, qui doit à la nouvelle langue d'être entré
dans la classe des pronoms personnels, remplit souvent les
fonctions de suus (voy. le paragraphe suivant) ; c'est surtout à
l'égard de la personne à laquelle on parle qu'on est tout-à-fait
libre de dire en italien la sua ou la di lei casa. Si le sujet, au lieu
de posséder, est dans une relation de dépendance, le génitif du
personnel est bien à sa place, comme lat. pars mei, ital. una
parte di me
, prov. per amor de me, franç. pour l'amour de moi.
Le passage qui s'opère en latin du personnel objectif au possessif
(d'invidia tui à invidia tua) n'est pas non plus étranger au
roman, sans parler de la formule bien connue per amor mio,
por mi amor
. Exemples : ital. in Amor mess' ho tutto mio
pansare ed in sua suggezione
(soumission envers lui) PPS.
I, 47 ; chi non ha già l'ingiurie nostre intese ? (= lat.
injurias nostras) Ger. 4, 12, comme esp. vengar su injuria,
franç. venger ses injures ; esp. su victoria estimo (la victoire
63sur elle-même) Cald. I, 90a ; mi respeto (respect à mon égard)
13a ; port.saudades tuas (= desiderium tuum aspiration
vers toi), expression très-usitée ; prov. vist ai vostre trachor
(c.-à-d. trachor de vos celui qui vous trahit) Choix III, 402 ;
franç. sans votre respect (au lieu de le respect de vous) Mol.
Crit. de l'école des femmes, sc. 4. La tournure italienne
un suo migliore pour un migliore di se (un qui soit meilleur
que lui) Nann. Lett. I, 75 se rattache à ces expressions. —
2) Comme dans d'autres langues le datif du personnel, quand
il se trouve sous la dépendance d'un verbe, peut avec élégance,
ou lorsqu'on n'insiste pas sur la possession, prendre la place
du possessif. Ital. egli mi è figliastro ; voi mi sete amico ;
rùppemi l'alto sonno nella testa Inf
. 4 ; vedendoti la notte
al lato
P. Son. 317 ; ben fu rabbiosa tigre a lui nutrice
Ger
. 4, 77. Esp. si vos tio no me fuessedes etc. SRom. p. 13 ;
port.vejote o coração triste (c.-à-d. vejo o teu cor. tr.) R.
Egl. 2. Prov. serai li hom Choix III, 77 ; li sui amans ibid.
123 ; franç. je me suis cassé le bras (on ne dirait pas bien
j'ai cassé mon bras). Lat. pater mihi mortuus est ; pes
mihi tardus erat ; abii ad proxumos tibi, qui erant
. Ter.
Heaut. 5, 2.

4. Réfléchi. — A côté du réfléchi personnel sui dont il a été
question plus haut se place en latin le possessif suus ; il renvoie
au sujet logique qui grammaticalement peut être régime : bestiis
homines ad utilitatem suam utuntur ; hunc sui cives amant

(= hic a suis civibus amatur), tandis qu'on emploie ejus
lorsque le pronom n'est pas réfléchi : Cleopatra sibi aspidem
admisit et veneno ejus exstincta est
. Dans les cas où il ne
peut y avoir d'équivoque suus est susceptible de prendre aussi
la place de ejus, comme dans la phrase Scipio suas res Syracusanis
restituit
. Les langues filles connaissent aussi cette
distinction, mais elles ont troublé l'ancien rapport. Il faut rappeler
à ce propos qu'en vertu d'une atteinte portée à l'organisme
de la langue suus, qui se rapportait en latin à un seul ou à
plusieurs possesseurs, a été supplanté par le démonstratif illorum
(en sarde par ipsorum) quand il exprime la possession de plusieurs.
Seuls l'espagnol et le portugais ne se sont pas conformés
à cet usage. Il arrive parfois, à la vérité, de trouver suo pour
loro même chez d'anciens auteurs italiens, par ex. Inf. 9, 24
Eriton che richiamava l'ombre a' corpi sui ; Dec. 5, 2
poichè gli arcieri del vostro nimico avranno il suo saettamento
saettato
 ; voy. par ex. Corticelli 1, 19, Blanc p. 283.
64— Les règles qui président à l'emploi du possessif de la troisième
personne vis-à-vis du démonstratif ille sont les suivantes : 1) Le
sujet exige, comme en latin, que sa possession soit indiquée au
moyen du possessif : it. mio fratello vide la sua casa, i miei
fratelli videro le loro case ; i suoi concittadini l'amavano
 ;
esp. mi amigo ha visto á sus primas, mis amigos han visto
á sus primas
 ; franç. il aime son ami, ils aiment leur ami,
leurs amis
. Mais de même qu'on trouve çà et là le personnel
de la première et de la deuxième personne employé pour le
possessif (voy. plus haut § 3), on constate aussi cet échange
pour la troisième personne, par ex. v.fr. li rois ert affeblis del
sanc de lui
(de son sang) Gar. I, 41. — 2) En outre, tandis
que l'emploi du pronom personnel qui répond à suus s'est beaucoup
restreint (voy. plus haut p. 55), le pronom possessif de la
troisième personne prend souvent la place du lat. ejus et cela :
a) Lorsque le possesseur n'est pas nommé dans la même phrase :
ital. il suo cavallo è bello ; conosco il suo amico ; esp. sus
razones son malas ; he visto sus grandes aposentos
 ; franç.
son jardin est beau ; il nourrissait leur père. Il peut résulter
de là que les réfléchis suus et se se rapportent à des personnes
différentes, comme esp. los discipulos se espantaron de sus
palabras
(discipuli obsitpescebant in verbis ejus) et souvent.
Le style le plus ancien présente quelquefois illius (= ejus),
par ex. vaud. la ley de luy (fr. sa loi) deguessan gardar
Choix
II, 82 ; v.franç. li cors de lui (son corps) vaut bien
chevaliers dis Gar.
I, 29. b) Lorsqu'on attribue une possession
au régime : ital. egli trovò un uccello nel suo nido ; esp.
aquel le vió en su resplandor ; franç. mon ami aime la rose
pour ses couleurs
. — 3) C'est au démonstratif (déterminatif)
qu'il appartient d'écarter les équivoques, comme en latin et en
allemand (ejus, dessen), mais ce soin reste souvent à la charge
de la logique. C'est la langue littéraire italienne qui se comporte
sur ce point le plus scrupuleusement, ainsi elle rend vidit
patrem suum
et ejus par egli vide suo padre et egli vide
il padre di lui
. L'espagnol semble plus négligent, car si l'on
trouve la distinction exactement établie dans aquel via su
padre
(patrem suum) et aquel via su padre de él (ejus
patrem
), on trouve aussi limpió sus pies con sus cabellos
(extersit pedes ejus capillis suis) où l'on aurait pu s'en tirer
en mettant sus pies de él. Le français est à la vérité très-favorable
au possessif, cependant il le remplace par l'adverbe
en lorsqu'on attribue une possession à un être inanimé déjà
65connu : cette affaire est délicate, le succès en est douteux
pour son succès ou le succès d'elle, et cette dernière forme
n'est pas tolérée par la langue d'après ce qui a été dit à la p. 44.
En valaque la distinction classique entre suus et ejus (sęu et
lui) serait encore en vigueur (d'après Alexi), mais des phrases
telles que un tate supusilor lui (pater subditorum suorum)
vont à l'encontre de cette opinion. — L'hésitation entre suus
et ejus remonte jusqu'au plus ancien moyen âge, on trouve par
ex. quia mihi ab adolescentia eorum deservisse noscuntur
Bréq. 112b (ann. 615) ; habeat casa[m] cum adjacentia sua
Mur. V, 1009 (ann. 754) ; dictas villas cum illorum fines
HL
. I, 26 (ann. 782) ; vir autem suus (ejus) in grandem
tribulacionem erat Rev. des lang. rom.
II, 52 (VIIIe-IXe
siècle).

5. L'usage d'un possessif pléonastique s'est surtout implanté
au sud-ouest. En effet, lorsque la possession a déjà été indiquée
par le génitif de la personne qui possède on ajoute encore souvent
et avec élégance le possessif à l'objet possédé. Exemples, avec
le génitif du pronom personnel : esp. los sus féchos dellos
SPart
. I, 49 ; non pongas gran fieldat en su mano de aquel
que te quiere mal Cast. de D. Sancho ; su hermano dellos ;
su merito de Vm
. ; port.sua fermosura della. Avec le
génitif du substantif : so sobrino del Campeador PC. 742 ;
sos manas de los Infantes 2181 ; su señorio de Assuero
S. Prov. 52 ; su madre de dios Flor. I, 6b ; que dixese á sus
padres de Leonisa Nov. 2
 ; port.dos sanctos não me mato
em seus louvores
S. de Mir. I, 266. On trouve même un double
possessif : esp. su mugier de sus parientes FJ. 60a. Ce n'est
pas le personnel qui dans les phrases citées forme pléonasme,
mais très-certainement le possessif, aussi ce dernier accompagne-t-il
tout aussi bien les substantifs au génitif, qui ne peuvent
être suspects de faire pléonasme : su padre dél se comporte
comme su padre de mi amigo. Les autres langues ne s'interdisent
pas non plus absolument ce procédé. Ital. cotal d'amore
è sua malvagia legge PPS
. I, 404 ; di quel signore la sua
gran dolcezza
II, 120. Catal. tu es d'amor son enemich
mortal
A. March C. de mort 5. Pr. (assez usité) son bellas
sas faissos de lieis Choix
III, 379 ; de cui vos vuelh comtar
sa via LR
. I, 549a ; per esproar de quascun son semblan
Choix
III, 50 ; tant era de Karle grans sos esfortz GRoss.
1746 ; son cosin del dalfin Choix V, 431 ; de metges lor
metgia
B. 222 ; v.fr. des Normanz veient lor felonie Rou
66I, p. 91. Nous avons là un nouveau cas de cette prolixité dans
l'expression dont la syntaxe romane offre de nombreux exemples.
Mais ce pléonasme n'est pas étranger non plus à l'allemand :
m.h.allem. durch zweier biscoffe ir rât ; allem. populaire avec
le datif : ihnen ihr Mann, dem Kind sein Spielzeug, comp.
Grimm IV, 351.

6. On peut obtenir au moyen de habere (tenere) une
expression périphrastique du possessif qu'on accompagne
quelquefois encore du pronom. Ainsi it. il gran piacer ch'avea
Orl
. 1, 60. Esp. el deseo que tenia de verla Nov. 10 ; leia
en los libros que tenia Cald
. I, 12b ; très-souvent dans la
poésie populaire : una madre que tenia ; la vida que tenia
etc. ; port.rei que temos alto e sublimado Lus. 2, 80.
Prov. l'amor qu'el li avia ;al grandolor que n'a GA. 676 ;
v.franç. la paour qu'ele a Bert. 19 ; cheval qu'il out bon
Rou
p. 247 ; sa prouece que il avoit Ccy. 346 ; vostre vair
qu'avez Gar
. II, 179 ; franç.mod. avec cette soif que j'ai de
la ruine
Corn. Pomp. B.lat. de filio vestro quem habetis
Cap. Car. Calv
. tit. 52, 4. Göthe aussi a dit : Gib sie dem
Kanzler, den du hast
 ; m.h.allem. sine liste, die er hât.
Facere aussi peut dispenser de l'emploi du pronom : ital. lo
troppo dimandar ch'io fo Pg
. 18, 6 ; v.fr. pur le mesfait
qu'il fist TCant
. p. 12. De même m.h.allem. ir scheiden
daz si tuont
(Grimm IV, 350).

3. Pronom démonstratif.

1. Ce pronom possède des formes d'adjectif et de substantif
qu'il faut distinguer exactement. 1) Adjectifs : ital. questo
cotesto, quello
 ; esp. este, ese, aquel ; port.este, esse, aquelle ;
pr. est, cest, aquest, cel, aicel, aquel 133 ; franç. seulement cet
(devant les consonnes ce), fém. cette ; val. est, cest, acest
acel
. Dans cette dernière langue ce pronom, ainsi qu'on l'a
observé plus haut p. 38, peut s'adjoindre l'article quand le
substantif est accompagné d'un adjectif. On dit bien acest om,
acest om mare
(ce grand homme), mais avec le démonstratif
intercalé omul acest mare, omului acestui mare. — 2) Comme
67pronoms substantifs personnels on a en italien questi et
costui, cotesti et cotestui, quegli et colui, fém. costei
cotestei, colei. Questi, cotesti, quegli
sont restreints au nominatif
singulier, bien que quegli ait été employé par Dante
Inf. 2, 104 à l'accusatif, par d'autres au génitif et au datif ;
au nominatif il est interdit de les échanger contre l'adjectif,
mais cela est autorisé pour les autres cas, ainsi nom. questi
(costui), gén. di questo (di costui) etc., fém. questa (costei).
Quelquefois ces démonstratifs personnels représentent des êtres
impersonnels, surtout lorsqu'on attribue à ces derniers une
certaine spontanéité, par ex. questi (leone) pare a che contra
me venesse Inf.
1, 46 ; questi (naturale istinto) ne porta
ʼl fuoco inver la luna Par.
1, 115. Ni l'espagnol ni le portugais
n'ont de formes substantives. Le français celui s'applique
aux objets aussi bien qu'aux personnes. En v.français il a aussi
la valeur d'un adjectif : celui temps Berte 10, de celui soir
NFC
. I, 375, a cestui jor Rom. fr. p. 68 et Marot dit encore
celluy dieu, Rabelais iceux bœufs. Le daco-roman à côté
des adjectifs déjà cités possède encore des formes en a, comme
acesta, acela, fém. aceasta, aceia qu'il emploie sinon précisément
comme substantifs, du moins à la place du pronom
absolu, par ex. acest vin è mai ręu de cųt acela (ce vin-ci
est plus mauvais que celui-là) ; cunosc pre acesta śi pre acela
(je connais celui-ci et celui-là) ; care cautę, acela aflę (qui
cherche, trouve) ; mais ils peuvent aussi s'unir au substantif
déjà muni de l'article : uśę casei aceia (les portes de cette
maison). On renforce leur sens en ajoutant śi, par ex. el è
acelaśi
(c'est lui-même). — 3) Formes neutres : ital. ciò pour
hoc 134, prov. so et aissó pour hoc, aquó pour illud, formes
auxquelles correspondent en espagnol et en portugais les mots
susceptibles de genre esto, eso, aquello ; isto, isso, aquillo.
En valaque le féminin prend ici, comme dans d'autres cas, la
place du neutre, ainsi asta, aceasta, aceia.

2. Si l'on considère ces pronoms au point de vue de leur
signification locale, on voit que le rapport du latin s'est maintenu
passablement intact en italien, en espagnol et en portugais.
En italien à hic, qui désigne l'objet le plus rapproché de celui qui
parle, répond questo, questi, costui ; pour iste, qui indique un
objet plus rapproché de celui auquel on s'adresse, on a cotesto,
68cotesti, cotestui
 ; quant à ille, qui renvoie à quelque chose
d'également éloigné des deux interlocuteurs, il est rendu par
quello, quegli, colui. Pour parler correctement il faudrait donc
dire : questo libro che io leggo ; cotesto libro che tu tieni ;
quel libro di che egli mi parla
, en observant l'emploi du
démonstratif de la première, de la deuxième et de la troisième
personne. En espagnol on emploie este pour hic, ese pour iste
et aquel pour ille ; le portugais dit de même este, esse, aquelle.
En provençal on peut encore distinguer deux degrés : les mots
tirés de iste s'emploient pour hic, les dérivés de ille pour ce
pronom lui-même, par ex. est vostr' amicx (cet ami à vous,
c'est-à-dire moi-même) ; aquesta chansos (cette chanson à moi) ;
aicelh mestiers mi platz (cette affaire dont il a été question).
En français l'ancien système a plus souffert encore. Hic est rendu
par cet, mais on indique avec plus de précision la proximité au
moyen de l'adverbe de lieu ci uni comme suffixe au substantif,
et l'éloignement (lat. ille) de même par , par ex. cet homme
est aimable ; ces chevaux sont beaux ; voyez ce livre-ci ;
ces femmes-ci ; en ce temps-là
. Comme mots neutres on a
ceci, cela. L'absolu celui aussi peut-être amené à indiquer un
rapport de proximité ou d'éloignement par l'addition de ci et  :
voilà plusieurs étoffes, prenez celle-ci ; entre tous ces
tableaux, celui-là est le plus beau
. Dans l'ancienne langue
on obtenait cette distinction au moyen de cest et cel, ce dernier,
avec icel, était encore usité du temps de Montaigne.

3. Sur le rapport respectif de hic et de ille il faut observer
ce qui suit. 1) Tous deux peuvent renvoyer à l'objet grammaticalement
le plus rapproché ou le plus éloigné ; cependant ils sont
souvent confondus dans les nouvelles langues : c'est ainsi aussi
que le lat. hic peut être rapporté à l'objet logiquement le plus
rapproché, par ex. cave Catoni anteponas ne istum quidem
ipsum
(Socratem) ; hujus (Catonis) enim facta, illius
(Socratis) dicta laudantur Cic. Lael. — 2) On les emploie
l'un à côté de l'autre, sans tenir compte des idées de proximité
ou d'éloignement, pour représenter deux objets indéterminés,
comme ital. questa e quella parte (cette partie-ci et celle-là) ;
questo e quello (ceci et cela) ; questi lo lodavano e quelli lo
biasimavano
. Et même un seul démonstratif peut être employé
dans ce sens indéterminé (distributif) : ainsi it. quella col capo
e quella colle piante Inf
. 34, 14 ; esp. della é della parte
(c.-à-d. de una y de otra parte) PC. 2089 ; val. sę aude
ciasta śi ciasta veaste
(on apprend cette nouvelle-ci et celle-là) ;
69b.lat. in illa et in illa parte Tir. 38b (ann. 813), comp. lat.
illi et illi, gr. τὸ καὶ τό, v.h.allem. thaz inti thaz 135. Une formule
très-usitée qui distingue le genre est pr. sella ni sellui, sel ni
sela, sesta ni sest
, v.fr. sil ni seles. — 3) Les deux pronoms
peuvent aussi être rapportés à une seule et même idée, c'est-à-dire
que l'objet est d'abord présenté par ille comme encore
éloigné, puis rapproché au moyen de hic : hic est ille senex
cui verba data sunt
 ; il existe en réalité une différence entre
ces deux pronoms qui ne peut être ramenée à l'identité que par
celui qui parle. Ainsi ital. quest' è colei ch'è tanto posta in
croce Inf.
7, 91 ; esp. esta es aquella de quien he hablado ;
pr. esta es aicela que plus mi platz ; fr. cet homme est celui
dont je vous ai parlé
.

4. Pour le déterminatif (lat. is, iste) le roman ne possède pas
d'expression spéciale : il applique ici le deuxième démonstratif
composé avec ille, le français notamment celui et non celui-ci,
celui-là
. L'espagnol emploie en outre et de préférence le pronom
simple dérivé de ille : el, la, lo, déjà connu comme article, et
qui dans cette nouvelle acception se fait munir de l'accent ; il ne
faut pas confondre avec ce pronom le personnel él, ella, ello. Le
même usage existe en portugais pour o, a. Voici ce qu'il faut
remarquer à propos du déterminatif : 1) Il se place devant le
relatif lorsque l'objet qu'il indique doit être déterminé dans la
proposition subordonnée qui suit. Voyez pour plus de détails à la
proposition relative. Il n'y a guère à faire ici qu'une observation,
c'est que dans ce rapport, après une particule de comparaison,
ce pronom peut prendre la signification d'un pronom indéfini,
comme ital. como quella che tutta era modesta Orl. 3, 13 ;
esp. como aquel que ha dado dos veces en sus manos Nov.
9 ; prov. com celui que nos (no se) torna PO. 254 ; fr. cume
celui ki ben faire le set Rol.
. p. 14 ; comme celuy qui continuellement
me couve de mes pensées
Mont. 1, 19. Il s'agit
ici du sujet lui-même et non pas par comparaison d'une autre
personne 236. — 2) Devant des génitifs il tient la place d'un substantif
qui précède. Ital. qual principio fu quello (celui) della
70città di Roma ?
esp. he visto el retrato de mi padre y el
de mi hermano
 ; franç. son cheval et celui de son ami ; val.
el cautę folosul sęu, iarę nu cela al domnului sęu (il cherche
son profit, mais non celui de son maître). En provençal et en
v.français on trouve, à titre d'exception rare, l'article comme
en espagnol et quelquefois la marque du génitif est sous-entendue
(voy. le Génitif § 1) : sa calor ab la del solelh LR. IV, 2a ;
ma pars et la mon frère (celle de m. f.) Gar. I, 111 ; si
cume fud le
(le cuers) David LRs. 297 ; de la Jerobeam
(de la maisun J.) 332 ; gr. ὁ ἐμός πατὴρ καὶ ό τοῦ φίλου. En latin
is ne peut être appliqué en ce cas, le rapport du génitif s'explique
de lui-même : amicitiae nomen tollitur, propinquitatis
manet
 ; ce n'est qu'au moyen âge qu'on a dit en copiant la
langue vulgaire : de vinea S. Eulaliae et de illa de S. Justi
Esp. sagr
. XXXIV, 441 (ann. 916). Mais en roman aussi on
supprime avec élégance le pronom : ainsi it. l'amico mio e non
(quel) della ventura Inf. 2, 61 ; i suoi costumi e similmente
(quelli) de' suoi fratelli. Esp. besaron las manos del rey
é despues
(las) de mio Cid PC. 3435 ; nuestros servicios
ni
(los) de sus pasados Nov. 4 ; port.he perda grande (a)
dos membres Lus. 4, 29. Prov. son nom non ac tal cors
com a
(cel) de comte Raim. Vid. — 3) L'usage de préposer
à un génitif attributif le déterminatif à titre d'apposition et de
pléonasme est plus propre à l'ancien style qu'au nouveau.
Prov. Folquets cel de Marselha ; lo coms sel de Montfort ;
Elena sill de Troia ; lo coms aisel de Bar GA. ; Taulat
aquel de Rogimon Jfr
. 63a ; v.franç. Gautier cel de Vimeu
Rol.
. Mais on trouve ici aussi le simple article : Joiouse la
Kallon
(celle de Charles) G Vian. 2893 ; v.esp. mio Cid el
de Bibar ; Estrangilo el de Tarso Apol
. 435 ; aussi gr.
Φίλιππος ὁ ἀπὸ Βηθσαϊδά ; goth. Filippus sa fram Bêthsaeida.
4) Un trait de l'ancienne poésie française est l'emploi du
démonstratif cel à la place de l'article défini. Des exemples tels
que ceux qui suivent se présentent en grand nombre : cil destrier
courent GVian
. 1617 ; cil veneor chascent 3491 ; cil
char s'aroutent Gar
. I, 215 ; cil clerc dient que n'est pas
sens Parton
. I, p. 4 ; cil duc et cil conte et cil prince
chascun s'apareille Bolop
. p. 101 ; por oïr les chans de ces
oxillons m'alai chevachant Rom
. éd. B. p. 104 ; voit sor
ces haubres
(arbres) ces oisellons chanter, et parmi Saine
ces poissonssiaux noer, et par ces prés ces flors renoveler
RCam.
242. Il est difficile d'admettre que le pronom ait ici
71une valeur emphatique. — 5) Les ellipses d'un substantif (en
général homo) devant un complément qui précise l'idée, sont
également indiqués par le pronom démonstratif, au lieu de l'être
par l'article : ital. quelli nella ciità ; quella d'iersera (celle
d'hier au soir) ; franç. ceux de la ville ; val. cel de aici (celui
d'ici) ; cel de eri (celui d'hier). Mais esp. el de la triste figura ;
los de vuestra nacion
 ; port. os de Luso ; prov. li Evvrui
(les gens d'Ébroin) S. Lég. 20 ; gr. οἱ ἐν ἄστει ; οἱ σὺν τῷ βασιλεῖ.

5. Les pronoms, dérivés de is, ipse et idem, sont rendus en
roman par un seul et même mot tiré de ipse : ital. stesso
medesimo
, esp. mismo, port.mesmo, prov. eis, meteis,
franç. même, val. insu. — 1) Pour rendre le sens de ipse ils
s'associent : a) A un autre pronom, surtout un pronom personnel
après lequel ils se placent : egli stesso, esso stesso
noi medesimi, yo mismo, nosotros mismos, de sí mismo,
eu mesmo, de mi eys, de se meteis
 ; en français aux formes
absolues mentionnées plus haut p. 45 : moi-, toi-, soi-, lui-,
elle-même, nous-, vous-, eux-, elles-mêmes
 ; val. eu insumi
etc., voy. t. II, p. 104. A côté de ipse quelques langues se
servent de proprius. Ital. cosa impetrata per me proprio
Ann. Caro Lett. Esp. segun tu propio me has dicho ; es ella
propia
 ; port.a si proprio (= a si mesmo). Franç. le personnage
propre
Com. 1, 10 ; en ce propre jour Rabel. 2, 1.
On trouve à l'inverse ipse pour proprius avec le possessif :
ital. le mie mani medesime lo faranno ; esp. tu misma
persona
 ; prov. dieus la fetz de sa eissa beutat Choix III,
111 ; per mon mezeis follatge 285 ; val. cu insuśi gura sa
(avec sa propre bouche), b) A des substantifs qu'ils précèdent
ou qu'ils suivent : Ital. l'autore stesso lo dice ; gli stessi delirj
sono indicj d'ingegno
(même les délires). Esp. los mismos
cabellos le servian de toca
(seuls les cheveux). Prov. eps
li satan Bth
. 18 ; en eyssa la semana, en la semana eyssa
(dans la semaine même) ; eys est ici en dehors de l'article comme
tot, comp. v.h.all. selba thiu sîn muoter, ther truhtîn selpo.
Fr. ses amis mêmes le quittent ; ce vieillard fut la même
vertu
(généralement la vertu même) Corn. Le français a un
adverbe même qu'il rapporte notamment à plusieurs substantifs :
les hommes même, les animaux même ; il lui a tout donné
même ses habits
 ; de même port.mesmo, prov. eis. Le daco-roman
rend ici ipse par singur (lat. singulus) qui a aussi le
sens de proprius ; à cette expression répond le grec mod. ἐγὼ
μόνος μου, le grec ancien a à l'inverse αὐτός pour le lat. solus.
722) Dans le sens de idem, il est de règle qu'ils se placent,
comme le gr. ὁ αυτός et l'all. derselbe, immédiatement devant
le substantif. Ital. lo stesso modo ; una medesima cosa. Esp.
al mismo tiempo ; una misma patria ; port.o mesmo semblante.
Prov. d'eys draps (du même drap) LR. III, 98 ; fr. le
même homme ; une même affaire ; j'ai toujours même cœur

Corn. Cid (rarement sans article). L'italien possède en outre
un pronom spécial desso qui ne s'emploie qu'attributivement
avec les verbes être et paraître, comme ella è ben dessa (c'est
elle-même) ; tu non mi pari desso ; ditemi quale è dessa (sc.
cosa) Dec. 1, 8. En valaque enfin c'est le démonstratif qui est
chargé d'exprimer le sens de idem : intr' acel loc (au même
endroit), intr'acelaśi rųnd (dans la même rangée), voy. plus
haut p. 68.

4. Pronom interrogatif.

1. Ce pronom aussi est représenté par quelques mots qui
s'appliquent à des objets et à des personnes et qui ont une valeur
d'adjectif et de substantif. — 1) L'adjectif propre est qualis ;
il est susceptible de prendre la place d'un pronom absolu ou
conjonctif et peut se rapporter, qu'il contienne une interrogation
ou une exclamation dans le sens du latin quis et qualis, à des
objets de toute nature. Exemples : Ital. qual è quel grande ?
qual uomo è costui ?
Esp. qual es tu intencion ? qual su
alegria fué ! qual culpa teneis ?
port.de qual falla ? quaes
são os livros ?
Prov. qual vos enfollezic ? (quis vos fascinavit ?)
GO. 113a ; cals honors vos es ! quins hom es Karles
mayne ? Fer
. v. 880 ; quinh (cosselh) l'en donaretz vos ?
G A
. 1991 ; quinas gens es vos ? Choix III, 409. Franç. quels
sont les biens de cette vie ? quel
(et non que) temps fait-il ?
quelle belle journée ! quelle fut sa réponse et quel devins-je !

(mieux que devins-je neutre) Rac. Iph. Val. care om ?
(quel homme est-ce ?). — 2) Pronoms substantifs personnels :
ital. chi, pour les cas obliques aussi cui : chi ve l'ha dato ?
a chi
ou a cui volete dirlo ? Esp. quien, et pour le génitif
ordinairement cuyo : quien se lo dixo ? de quien hablas ?
cuya es esta casa ? cuya casa es esta ?
port.quem, cujo.
Prov. qui (nom. et acc.) : quim'auzira ? qui venetz querer ?
franç. qui (également nom. et acc.) : qui l'aurait cru ? qui
cherchez-vous ? qui sont ces personnes ? cette dame, de qui
est-elle fille ?
(l'esp. est plus bref : cuya hija es esta dama ?)
73Val. cine et cui : pre cine cautzi ? (qui cherches-tu ?), cui
scrii ?
(à qui écris-tu ?). Ce qui roman se sépare du quis latin en
ce qu'il ne se construit jamais avec un substantif. — 3) Neutres :
ital. che, che cosa, ou simplement cosa, aussi chente : che
volete ? che cosa avete ? cosa avete ? chente v'è paruta questa
vivanda ? Dec
. 4, 9. Esp. qué et qué cosa : en qué piensas ?
qué cosa os ha acontecido ?
Fr. que, de quoi (t. II, p. 101,
102) : que dit-il ? de quoi est-il question ? Port. pr. que, val.
ce. — 4) Le même que peut être employé aussi, dans la plupart
des langues comme adjectif, de même que l'angl. what. Ital.
che tempo fa ? che uomo ! con che occhi dolenti vedev'io te !
Pg
. 12 ; aussi chente sdegno ? Dec. 1, 7. Esp. qué hombre
es este ? en qué manos has dado !
port.a que fim ? Val. ce
feliu ?
(quelle manière ?) ce feliu de om ? (quelle espèce
d'homme). Le provençal et le français se servent ici de qual
quel
. — 5) Uter n'a pas de correspondant en roman. Pourtant
le français emploie pour l'interrogation disjonctive (lequel de
plusieurs ?) quel uni à l'article, par ex. lequel de ces livres
désirez-vous ?
 ; l'italien et l'espagnol se contentent du simple
qual, tandis que le provençal et le valaque peuvent aussi ajouter
l'article au pronom (voy. plus haut p. 38). — Il n'y a rien à
remarquer sur quantus comme interrogatif.

2. Les nouvelles langues n'admettent pas l'emploi de quis
pour aliquis ; mais elles accordent d'autre part une valeur
distributive aux interrogatifs, ce qui permet de les employer
pour alteralter, alius…alius. Ex. : ital. chi è ricco,
chi è povero
137 ; qual fior cadea sul lembo, qual sulle trecce
bionde
P. Cz. 14. Esp. quien canta, quien baila ; qual por
el aire claro va volando, qual por el verde valle paciendo

Garc. Egl. 1 ; port.quem se affoga nas ondas encurvadas,
quem bebe o mar e o deita juntamente Lus
. 1, 92 ; qual…
qual
4, 90, 91. Pr. tenian los eretges qui en castel, qui en
tor GA
. 354 ; qual mais, qual mens LR. ; franç. ils étaient
dispersés qui ça, qui là
(cette expression commence à vieillir).
— Le neutre que peut aussi rendre l'idée de partim. It. regnò
tanti anni che re de' Romani, che imperatore
. V.esp. que
enfermos, que sanos cadieron
Bc. Mill. 244. Prov. cascus
dels auzels chantava que aut, que bas Choix
V, 342 ; v.fr.
il tient bien trente que chastiax, que donjons RCam. 80.
74Cette forme archaïque que…que répond tout-à-fait pour le sens
au lat. qua…qua (qua feminae, qua viri), et aussi à l'angl.
what…and what.

Il sera question dans la deuxième section du pronom relatif.

5. Pronom indéfini.

1. Le nom de nombre unus, malgré son emploi comme article,
n'a pas renoncé à sa valeur pronominale. 1) Employé comme
adjectif il désigne l'objet qu'on nomme comme indéterminé,
de même que aliquis ou quidam. Cela a lieu surtout lorsqu'on
introduit un objet dans le discours, comme ital. una donna
aveva una gallina
 ; franç. une femme avait une poule ;
val. o muiare aveà ο gęinę ; lat. mulier quaedam habebat
gallinam
 ; gr. γυνή τις ὄρνιν εἶχε. Il est vrai que dans les
exemples romans on peut aussi considérer unus comme l'article,
de même que μία dans la phrase gr.mod. μία γυναῖκα εἶχε μίαν
ὄρνιθα, mais le sens pronominal se laisse pourtant reconnaître
sans peine. En espagnol, portugais, provençal et valaque on
peut aussi se servir du pluriel, qui en dit moins que algunos :
eran unos mercaderes toledanos ; apparecem hũus pequenos
bateis ; viron puiar unas gens Jfr
. 167a ; sųnt unele
femei care o doresc
(il y a quelques femmes qui le désirent),
comp. p. 18. L'indéfini est aussi préposé dans quelques langues
aux noms de personnes, lorsqu'on ne veut pas désigner plus
particulièrement la personne : ital. un Sandro Agolanti, esp.
un Fabio, port.hum Manoel. Placé devant des noms de
nombre il leur donne une valeur incertaine, comme ital. un
cento fiorini
, esp. unas dos cabras GVic. 44a, mais fr. quelque
vingt jours
, comme lat. quadringentos aliquos milites
(quadr. unos mil. signifierait « seulement quarante ») et gr.
ἡμέρας ἑβδομήχοντά τινας. — 2) Comme pronom substantif il
contient l'idée d'une personne indéterminée, il est synonyme de
aliquis. Ital. uno si lusinga (quelqu'un se flatte, on se flatte).
Esp. muchas veces dice uno lo que no piensa. Prov. us
non o preza Boèce
v. 8 ; v.franç. uns esposa une fame ;
fr.mod. non pas un, mais quelqu'un, excepté devant le relatif :
il en faut trouver un qui le sache. Val. cunosc eu pre unul,
pre unii
. Lat. tradidit uni (alicui). — 3) Unus devient précis
et prend la valeur d'un nom de nombre, lorsqu'il sert à exprimer
une identité. It. tutti parlavano ad una voce. Esp. esa razon
y la que digo es una
. Prov. son tug d'un semblan ; fr. dans
75la locution c'est tout un. Ipse peut s'ajouter en ce cas comme
le lat. idem voy. p. 72.

2. Alter a des formes spéciales suivant qu'il est adjectif ou
substantif. 1) Adjectif : ital. altro, esp. otro, port.outro,
fr. autre, val. alt. — 2) Substantif personnel : ital. altri,
gén. d'altrui, dat. ad altrui (v.ital. altrui quelquefois comme
nominatif), prov. autre, d'autrui, a autrui, franç. un autre,
d'autrui, à autrui
 ; ce pronom se passe volontiers en italien et
en provençal des particules casuelles, surtout lorsqu'il précède le
substantif qui le régit (l'altrui fallo, las autrui heretatz) et
en français, au moins lorsqu'on supplée un objet déjà nommé
(notre droit et l'autrui). Il faut remarquer sa valeur absolue
dans ital. l'altrui, prov. v.fr. l'autrui (le bien d'autrui). Le
portugais a outrem, négat. ninguem outrem ; l'espagnol n'a
que l'adj. otro (arch. otri) et pour le rapport du génitif ageno :
las casas agenas
= it. le altrui case. — 3) Une forme propre
pour le neutre est dans plusieurs langues al. V.esp. qui al
quisiere PC ; non quiero al levar Alx.
 ; port.não entendem
en al ; o al
(subst.) não he de louvar R. Egl. 1. Prov., où il
s'unit aussi à res : non soi alegres per al ni al res nom fai
viure
 ; v.franç. ja n'en aurez el que la mort. Ce mot persiste
encore en provençal, tandis qu'il a été remplacé en italien par
altra cosa, esp. otra cosa, fr. autre chose.

3. Sur l'emploi de ce pronom voici ce qu'il faut encore observer :
1) Il est quelquefois, synonyme de aliquis, quidam ou
du roman unus (all. einer), en ce qu'il désigne une personne
indéterminée sans idée d'opposition. Ital. oh quanto tarda a me
ch'altri qui giunga
(qu'un autre, qu'un certain vienne) Inf 9,
9 ; martiri che soglion consumare altrui (ici pour quilibet :
qui consument un homme, c.-à-d. tout homme) GCav. 336. V.esp.
si otri non mintió (si quelqu'un n'a pas menti) Bc. Sil. 571. Pr.
qu'om jutj' autrui a tormen (qu'on condamne quelqu'un au
tourment) PO. 210. — 2) Lorsqu'un substantif est désigné relativement
à un autre substantif qui le précède par alter, les deux
substantifs doivent avoir entre eux le même rapport que l'idée restreinte
avec l'idée générale, p. ex. « l'or et les autres métaux »,
« la haine et les autres passions ». Mais il arrive quelquefois
que le second substantif exprime une idée aussi spéciale que le
premier, comme si l'on disait « de l'or et de l'autre argent »,
« de la haine et de l'autre cupidité ». Ici alter forme pléonasme,
ou bien plutôt il semble devoir ajouter un second objet au
premier, résultat qui serait plus clairement obtenu au moyen de
76l'adverbe altresì : oro ed altresì argento. Ex. It. non per fatica
nè per altra paura
(pas plus par lassitude que par crainte)
BLat. 23 ; o per invidia o per altro odio mossi Orl. 2, 5 138.
Esp. tres doncellas e otros escuderos Cron. rimad. éd.
Michel v. 341 ; acompañada de mi madre y de otras criadas
DQuix
. 1, 28. Prov. un non y ha s'il a un gaug, non aia
autre pessar
(il n'y a personne qui en ayant un plaisir n'ait en
même temps un chagrin) Choix IV, 114 ; lais men mais per
paor que per autr'essenhamen
(je m'abstiens de cela plutôt
par crainte que par expérience) III, 88. Cette expression remonte
jusqu'aux chartes du plus ancien moyen âge, par ex. curte
[h]orto vel alia tecta Mur. II, 1023 (ann. 759) ; tam in ecclesiis
quam in aliis hominibus HL
. I, 126 (ann. 875). On
trouve de même en grec : οἱ πολῖται καὶ οἱ ἄλλοι ξένοι, et en m.h.
allem., dans les comparaisons où ander désigne l'image équivalente
à l'idée principale : der lewe bî im lac als ein ander
schâf
(le lion gisait près de lui, comme s'il eût été une brebis) ;
er sweic als ein ander stein (il était muet, comme s'il eût été
une pierre) ; v.fr. en bois estes comme autre serve (tu es dans
le bois comme une esclave, dit la reine en se parlant à elle-même)
Trist. I, p. 107, voy. J. Grimm Reinhart CCLVII.

4. Unus et alter s'emploient comme corrélatifs et en ce cas
unus peut aussi être mis au pluriel. Unus et alter correspondent
à uterque, unus alterum au classique alter alterum
alius alium
ou à l'all. einander (ex. au ch. 10, § 1, § 3) ;
unus…alter sont usités avec une valeur distributive, et il faut
observer à ce propos que l'italien emploie aussi altroaltro
là où les plus anciennes chartes du moyen âge ne connaissent
guère que unus…alter ou unusalius (uno caput tenente
in fossa et alio in palude
Brun. 843 ann. 730), par ex. altre
son a giacere altre stanno erte Inf
. 34, 13 ; tanto sa altri,
quanto altri
. On trouve même unouno : due squadre, una
di Mulga, una d'Arzilla Orl
. 14, 23 ; de même en b.lat. :
calices duo, unum aureum et unum argenteum Marin.
p. 106.

5. Certus est l'expression romane pour quidam (un certain
que je ne nomme pas ; on la reconnaît déjà en latin dans
77certi homines). Il n'y a rien à signaler à propos de ce mot si
ce n'est qu'il est libre de prendre ou de laisser de côté l'article
indéfini (p. 38), et qu'employé comme pronom il précède toujours
son substantif. Mots personnels : ital. certuno, certuna, esp.
fulano, fulana, zutano, zutana, port.fulano et sicrano,
ce dernier mot n'existe que dans des locutions où il est corrélatif
de fulano : fulano disse a sicrana. D'autre part le franç.
certain n'a jamais de valeur absolue, on dit donc un certain
homme, une certaine femme
.

6. Aliquis. 1) Comme adjectif ce mot est représenté par les
composés dont il forme le premier membre : ital. alcuno, esp.
algun, port.algum, prov. alcun. Le franç. aucun est arrivé
à prendre le sens de ullus, mais à l'origine et encore pendant
toute la durée du XVIe siècle au moins, par ex. dans Marot,
Rabelais et Montaigne, il s'est tenu au sens admis par toutes les
langues romanes qui s'est encore conservé aujourd'hui dans le
style de chancellerie. Il est remplacé par quelque qui n'est
usité que comme conjonctif, jamais comme absolu : il y a quelque
apparence ; quelques écrivains ont traité ce sujet
.
L'emploi de l'ital. qualche est restreint de la même manière ;
il se présente à peine au pluriel (in qualche verdi boschi P.
Sest. 7) et prend souvent l'article indéfini (un qualche impiego,
un emploi quelconque), il en est ainsi aussi du prov. qualque.
2) Un substantif personnel (quelqu'un, nonnemo) dont
l'emploi est restreint au singulier est esp. alguien, port.alguem
(ha venido alguien ?). L'italien le remplace par qualcuno, a
qui est usité au pluriel et aussi comme partitif : mandatemi
qualcuno ; conosco qualcune di queste donne
 ; on a de même
qualcheduno. Le pronom français correspondant quelqu'un,
plur. quelques-uns, en sa qualité de pronom substantif propre,
n'a pas de forme féminine et peut aussi bien être rapporté à des
objets avec une valeur de partitif : il viendra quelqu'un ; quelques-uns
sont arrivés ; quelques-unes de ces fleurs
, jamais
conjonctivement quelqu'une fleur, mais quelque fleur. —
3) Toutes les langues ne possèdent pas le neutre aliquid. L'espagnol
a algo, par ex. mas vale algo que nada ; hay algo
nuevo
(aliquid novi) ; le portugais de même algo à côté de
algo-rem, qui sont vieillis tous deux. Le provençal et v.français
alques, auques, grâce à l'addition de l's, a tout-à-fait pris la
valeur d'un adverbe et d'un adverbe de degré : alques belh
signifie « assez beau » ; cependant il s'emploie aussi pour aliquid
et comme adjectif pour aliquis : alque novelh entresenh Choix
78IV, 189 = fr.mod. quelque nouveau signe ; qui auques a
(celui qui a quelque chose) Ruteb. I, 227. On exprime d'ailleurs
le sens neutre par la périphrase connue : it. qualche cosa, esp.
alguna cosa, fr. quelque chose.

7. Le pronom indéfini aliquis remplace quelquefois l'article
indéfini lorsqu'on veut exprimer quelque chose de tout-à-fait
général, « quoi que ce soit, tout ce qu'on voudra ». Ital. se
tronchi qualche fraschetta
(un rameau quelconque) Inf.
13, 29 ; s'avvisò di fargli una forza da alcuna ragion
colorata Dec
. 1. 3 ; pone alcun fine a miei gran danni
Ger
. 4, 59. Esp. arrima alguna escala á la muralla Num.
4, 4 ; lantejas los viernes, algun palomino de añadidura
consumian las tres partes de su hacienda DQuix
. 1, 1.
Franç. il menaça de la tuer estimant que ce feust quelque
sorcière
Mont. 1, 20 ; cela serait bon à quelque dupe. On
peut chercher l'origine de cet usage en latin où aliquis, quidam
quisquam
s'emploient souvent aussi de la même manière. En
allemand irgend serait très-lourd dans des cas analogues à ceux
que nous avons cités, l'article indéfini suffit.

8. Le pronom indéfini est aussi représenté par des substantifs,
qui alors désignent une personne ou un objet de la manière la
plus indéterminée possible. 1) Homo, qui s'applique dans ce sens
sans article, est vieilli. Ital. com'uom che pinge bene (comme
quelqu'un) PPS. I, 69 ; com'uom che riverente vada Inf. 15,
45. Esp. hombre de ellos no quedase á vida (aucun d'eux) S.
Prov. 58 ; port.não ha mayor vencer que vencerse homem
a si
R. Egl. 1 ; onde nunca homem chegou (où jamais quelqu'un
n'est arrivé) GVic. II, 58. Pr. (très-fréquent) tornon hom
en folor Choix
IV, 20 ; v.fr. j'ay mari sage que pour homme
ne fausseroie
(pour personne). Lat. accipit hominem nemo
melius
(personne ne reçoit un homme meilleur) Ter. Eun. 5,
8, 52. Sur un emploi tout-à-fait abstrait de homo avec le verbe
voy. plus bas chap. 11, 8. Un synonyme est persona : ital.
l'ho sentito da persona degna di fede etc. 139. — Causa, res,
79également sans article : ital. se cosa appare ; quando s'ode
cosa ; cosa non detta in prosa
 ; esp. no hay cosa ; prov.
parlar cosa (ren) que sia d'onor ; franç. ils ne le feroient
pour chose du monde
Mont. 1, 22. Dans le vers connu d'Ovide
mittere rem si quis qua caret ipse potest Trist. 5, 13, rem
correspond tout-à-fait au roman ren, rien. — Sans article,
homo, persona, causa, res se restreignent presqu'à l'emploi
négatif ou à demi négatif ; quand ils ont une valeur positive
l'article indéfini les accompagne. Voyez à la troisième section
où l'on traitera aussi des pronoms négatifs.

9. La formule latine nescio quis, qui sert à désigner quelque
chose d'inconnu, est aussi romane. Ex. Ital. risplende non so
che divino Par
. 3, 59 ; un non so che di flebile e soave Ger.
12, 66 ; m'apparío un non sapea che bianco (où le temps du
verbe est observé) Pg. 2, 23. Esp. tiene un nosequé de bonito ;
no sé que murmurando
. Pr. respon a no sai que s'es Choix
IV, 37 ; franç. un je ne sais quoi qui me pique. C'est de cette
formule que semble dériver le pronom valaque niśte, neśtine
niscare
(t. II, p. 419). Les adverbes nescio quando, nescio
ubi
etc. se comportent comme nescio quis.

10. Talis est aussi employé dans les langues modernes en
qualité de pronom indéfini, savoir : 1) Pour nonnemo, et en
ce cas il ne prend pas d'article. It. tale ride che pianse ; aussi
taluno (comme angl. such a one). Esp. tal ha reido que llora ;
port.tal semêa que não colhe. Prov. tal se cuia calfar que
s'art
 ; v. franç. itel en plore encore qui or s'en vait riant ;
fr.mod. tel rit aujourd'hui qui pleurera demain. — 2) Pour
quidam, avec l'article. Ital. il tale me l'ha detto ; conosco
un tale ;verrò alla tal'ora ; una cotale infermità
. Esp. un
tal lo ha hecho ; un tal Gonzalo
 ; port.hum tal homem.
Franç. il est chez un tel. Talis est aussi le mot propre pour
désigner une personne hypothétique qu'on ne nomme pas parce
qu'elle n'existe pas, par ex. prov. eu aitals, veguiers, promet
a vos Cout. d'Alais
2, 2 = fr. moi tel, viguier, je promets
à vous
 ; le b.latin emploie en ce cas ille, par ex. Me rex
Francorum inlustri illi comiti
dans les formules juridiques.
3) Avec une valeur distributive pour alter…alter. Ital. tali
consentirono e tali rifiutarono
(de même i cotali…gli altrettali).
V.franç. tel (diseit) ben, tel anomal TCant. p. 40.
En espagnol on dit hacer tales y tales cosas (ceci et cela).
Comp. p. 39.

11. Au latin quicunque, quilibet répondent diverses formes
80romanes qui s'emploient soit avec la valeur de conjonctions, soit
comme de purs adjectifs. Des exemples donneront une idée claire
de ce procédé. Ital. qualunque persona si sia ; qualunque
donne si sieno
(mais le pluriel est vieilli) ; divora con la
lingua qualunque cibo ; di qualsisia
ou qualsivoglia specie ;
personnel pour quisquis : chiunque tu sia ; lo dissero a
chiunque ; venga chicchessia ; da chi che (chicche) tu l'abbia
udito
 ; les neutres cheunque (arch.), checchessia et che che
(checche) se construisent de la même manière. Esp. de qualquiera
manera que sea ; qualesquier artes use ; esento de
qualquiera temor
 ; personnel : de quienquiera que tú hables ;
aussi qualquiera qui est en même temps neutre ; port.qualquer
que seja o resultado ; a qualquer sus amigos favorecem ;
qualquer estranha gloria ; quemquer que por elle corra
.
Prov. qualsque dan m'en sia ; troba qualaquom pietat ; personnel :
qui que sia ; neutre : que que sia. Le fr. quelconque,
en dehors du style didactique, n'est employé qu'au singulier et
avec la négation : il a la valeur d'un adjectif et se place toujours
après son substantif : il n'a mal quelconque ; deux points
quelconques étant donnés
 ; personnel : quiconque n'observera
pas cette loi sera puni ; je n'y ai trouvé qui que ce
soit
 ; neutre : il ne s'applique à quoi que ce soit ; quoi que
vous fassiez
. Ces pronoms seront encore étudiés au point de vue
de leur valeur conjonctionnelle dans la deuxième section ; quant
à la combinaison française quelque…que et quel que il ne peut
en être question que dans cette dernière partie de la syntaxe.

12. Pour quisque et omnis il existe diverses expressions en
roman ; elles sont restreintes comme quisque au singulier. Un
adjectif italien, qui peut s'employer aussi comme substantif, est
ciascuno, aussi ciascheduno, dans d'anciens écrivains on trouve
aussi caduno ou catuno (cade notte dit Ciullo PPS. I, 10) ;
ognuno, a est purement substantif. Il faut ajouter encore à ces
formes ogni qui ne peut s'employer que comme adjectif, par ex.
dans ogni dí, ogni ora, ogni chiesa, en v. italien il est usité
aussi au pluriel : la potenza che cose ogni sostene PPS. I,
396. L'espagnol et le portugais ont l'adjectif cada, par ex. cada
paso, cada ave
 ; les combinaisons cada uno, cada hum, aussi
cada qual, sont des substantifs : yo lo decia á cada uno,
á cada qual ; cada hum sabe o que sente
. Le provençal
quascun répond à l'ital. ciascuno ; cad ou cac à l'esp. cada,
aussi n'a-t-il qu'une valeur conjonctive ; quec s'emploie comme
quascun ; pronoms substantifs : cadaun et usquec : quascun
81cavalier, cad'an, cac dia, quecx auzels ; quecx port lo tort
que fey
(que chacun subisse l'injustice qu'il a commise) ; cadaus
planh ; usquecx desira so qu'ieu vuelh
. En franç. chaque est
seulement conjonctif, chacun est seulement absolu et renvoie comme
substantif à une personne, comme adjectif à un objet : chaque
jour, chaque pays ; chacun s'en plaint ; chacune de ces
femmes
 ; non pas chacun de ces livres, mais bien remettez
ces livres chacun à sa place
. En v.français chascun se comportait
comme le prov. quascun : chacun seigneur Ch. d'Orl.,
chascun jour Com., chacun de ces deux membres Mont.
1, 3. — Totus, lorsqu'il représente le sens de quisque ou omnis
(voy. plus haut p. 35), ne tolère pas d'article après lui : ital.
tutt'uomo, tutto tempo (omni tempore) ; esp. toda muger,
todo Español
 ; mais le port.todo o homem répond aussi bien
à omnis homo qu'à homo totus, todo homem dans la première
acception est vieilli ; todo o illustre (omnis vir illustris)
Lus. 3, 83 ; prov : tot pros cavayer ; fr. tout homme, tout
progrès, tout avantage
 ; val. tot omul, tot natul (avec l'article).

13. Sur les mots qui expriment une idée générale de
nombre
et se rattachent immédiatement au pronom indéfini,
parmi lesquels il faut compter, outre les expressions déjà citées
omnis et totus, aussi tantus, quantus, aliquantus, multus
paucus, nimius
, nous n'avons en ce moment que peu d'observations
à présenter. Nous reparlerons encore de ces pronoms à
propos du génitif, en tant qu'ils sont suivis d'un nom dépendant,
ou qu'ils se construisent avec un substantif. Tantus avec ses
composés (t. II, p. 422) et quantus se rapportent aussi bien
au nombre qu'à la grandeur ; ils désignent surtout ce dernier
rapport lorsqu'ils sont au pluriel : ital. tant'uomo (tantus vir)
tanti nemici (tot inimici), quanta miseria, quanti figli ;
esp. port. de même tanto, quanto, pr. tant, quant, franç. les
neutres tant de, combien de, val. atųt avec un neutre atųta.
Une forme développée de quantus est l'expression conjonctionnelle
ital. quantunque qui est un adjectif invariable : tante
volte quantunque gradi vuol che giu sia messa Inf
. 5, 11 ;
chi vuol veder quantunque può natura ; v.fr. quantonque et
quanque, par ex. quanque il faut (fr.mod. tout ce qu'il faut).
Aliquantus ne désigne partout qu'un petit nombre : ital. dopo
alquanto tempo
(non multo post), alquanta gente (aliquot
homines
) ; v.esp. alquantos dellos Bc. Mill. 101 ; pr. alcanz
castels Choix
V, 98 ; v.fr. alquantes citez. Dans ce dernier
82dialecte il peut aussi se faire accompagner de l'article défini :
ainsi li alquant (traduisant le lat. quidam) LRs. 115 ; ce sevent
li auquant
(il y en a qui le savent) ; li plusurs e asquanz
Charl
. 339 ; souvent distributif : li alquant…li altre LRs. 47
(on disait de même les aucuns…les autres). Multus s'emploie
partout comme adjectif, mais à peine en v.français, où la forme
usitée est neutre ; les Liv. d. Rois ont encore multz de Juda
398, mulz jurs 24, Benoit dit multes merciz I, 149 v. 1951.
Le synonyme fr. maint (non parum), pl. maints (non pauci)
était presque vieilli déjà au temps de Corneille et n'était plus
permis qu'aux poètes ; on l'employait aussi comme substantif
dans la locution maint un (par ex. Mont. 1, 12), maint autre.
Paucus s'est continué dans le prov. pauc, a, mais pour le sens
ce mot, au masculin et au féminin, répond à parvus, au neutre
à parum ; on trouve rarement en v.français un adjectif poi, e
(poie chose Ben. I, p. 219 ; nule qui seit poie ne grant ibid.
48), déjà les Liv. d. Rois traduisent pauculas oves par poi
de uweilles
. Dans les deux dialectes petit sert comme adjectif à
rendre le sens de parvus, et au neutre il s'emploie pour parum.
Nimius a son correspondant dans l'ital. troppo, a, pr. trop, a,
mais en v.français déjà, à ce qu'il semble, trop n'est plus que
neutre : il n'existe pas d'adjectif trop, e.

Chapitre quatrième.
Genre et nombre du nom.

Nous avons déjà traité au chapitre premier du genre et du
nombre considérés comme une simple propriété du nom, nous
avons à étudier ici ces deux phénomènes au point de vue de
l'union organique (congruence) des noms entre eux.

1. L'ancienne règle d'après laquelle l'adjectif ou le pronom
doit s'accorder avec son substantif en genre et en nombre persiste ;
quant à l'accord des cas il ne peut en être question qu'en
provençal et en v.français.

2. Il faut observer les neutres des pronoms, dans l'emploi
desquels les langues romanes ne s'accordent pas partout avec le
latin. En effet lorsqu'un pronom est rapporté, par l'intermédiaire
du verbe être comme copule, à un substantif, il s'agit de savoir
s'il peut se présenter comme un neutre, c'est-à-dire comme un
mot grammaticalement indépendant du substantif. En allemand
83on dit sans hésiter das sind wackere Leute, dies ist mein
Freund
. Voici ce qu'on doit remarquer à ce sujet : 1) Les
démonstratifs en italien, en espagnol et en portugais veulent,
comme en latin, que leur forme soit accordée avec le substantif
qui joue le rôle d'attribut. It. questa è la cosa (istaec res est) ;
questi sono i miei libri. Esp. este es sueño ; mi hermano es
ese ; esas son las nuevas
 ; port.estos são segredos de natura.
Mais si le pronom renvoie à une énonciation antérieure, que le verbe
être met en rapport avec un substantif abstrait, il faut employer
le neutre, ainsi esp. esto es verdad (= esto es verdadero),
port.isto foi causa que etc. (= isto causava que). En outre
le style populaire ou archaïque se risque bien çà et là à
construire le neutre avec un substantif concret, par ex. ital.
ciò sono Ungheri ; ciò sono este fere catene PPS. I, 392 ;
ciò furon gli occhi nostri, voy. Nannucci Lett. I, 43. Contrairement
à l'usage des langues sœurs, et conformément à celui
de l'allemand, le provençal et le français appliquent ici le neutre
sans restriction : prov. so fon donzelha Choix III, 375 ; so
era En Gastos
V, 84 ; aco es us cavalliers Jfr. 103a ; v.fr.
ço est Malquiant Rol. ; fr.mod. c'est mon père ; avec un plur.
ce sont mes frères ; ce sont des Français ; allem. das war
ein Mann ; das sind meine Brüder
, déjà en goth. : thata
ist sa timrja
(c'est le charpentier), mais lat. iste est faber,
gr. οὗτός ἐστιν ὁ τέκτων. Et à ce propos il faut noter comme une
particularité propre au français que ce s'unit avec nous, vous
par l'intermédiaire du verbe au singulier : c'est nous, c'est
vous
, mais non pas c'est eux, c'est elles, on dit ce sont eux,
ce sont elles
. C'est là une règle de la langue moderne, car la
langue ancienne employait aussi bien le pluriel du verbe avec
nous, vous que le singulier avec eux, par ex. c'estes vous
Ch. d'Orl. 184 ; c'est eux encore dans Régnier. — Cet emploi
du neutre, que le latin connaissait à peine et qui était très-familier
au grec (ἔστι δὲ τοῦτο τυραννίς), remonte jusqu'au plus ancien moyen
âge et a sans doute été dès lors commun à tout le domaine roman.
Exemples : villas, id sunt Simplicciaco etc. Mar. p. 101 (vers
658) ; id sunt molendini duo Bréq. 281c (ann. 677) ; id sunt
de Romairo villa
432a (ann. 721) ; hoc sunt villas nostras
ibid. ; id est Garibertus HL. I, 23 (ann. 782). — 2) Le pronom
conjonctif
neutre (it. lo, il. esp. lo, port. pr. o, fr. le) peut
renvoyer à un substantif concret qui représente une idée générique,
auquel cas le latin n'emploie pas de pronom. Ital. è ella
medico ?
Réponse : io lo sono. Esp. sois padre ? lo soy. Franç.
84êtes-vous mère ? oui, je le suis 140. Mais si l'idée est individuelle
on se sert du masculin ou du féminin (dont il a été question à la
p. 47), qui répond ici au latin ipse, ipsa. Ital. siete la sorella
di N. ? la sono
(ipsa sum). Esp. sois el padre de N. ? le soy.
Franç. êtes-vous la mère de N. ? je la suis.

3. Il existe des adjectifs qui en certains cas, dans l'un ou
l'autre des idiomes romans, renoncent à toute modification de
flexion. 1) Certains de ces mots, lorsqu'ils sont sous la dépendance
de prépositions, prennent une valeur neutre, en sorte
qu'ils se comportent comme une particule ou comme un suffixe
de la préposition 241. Ce procédé se présente assez généralement
pour medius : it. in mezzo l'alma, per mezzo i boschi, in
mezzo al fuoco
342 ; esp. por medio la cort PC. 2942, en medio
aquesta fuente
Garc. Egl. 2 ; prov. per miec la porta Jfr.
100b, per mieg los pratz Choix IV, 86 ; v.fr. en mi la mer ;
le fr.mod. parmi est tout-à-fait devenu adverbe ; il en est autrement
en valaque : in miźlocul bisericii (au milieu de l'église),
in miezul verii (au milieu de l'été). Quand il a le sens de dimidius,
medius
se construit seulement comme un adjectif : ital.
mezza ora, esp. media hora, prov. mieia chanso ; mais il
reste invariable en français : demi-heure. Lorsqu'il est appelé
dans ce même sens à partager un objet déjà énoncé, les langues
ne se comportent pas de la même manière. Ce mot est traité
comme un substantif ou comme un adjectif : it. un'ora e mezzo,
tre once e mezzo
 ; mais esp. una hora y media, franç. une
heure et demie, une livre et demie
. En italien totus est
quelquefois aussi traité comme medius : per tutto Roma, per
tutto la città
 ; et il en est de même en espagnol pour solus
(seulement) : con solo la imaginacion, en solo la miseria Garc.
Egl. 2 = solo con, solo en. — 2) Il faut surtout remarquer les
adjectifs français feu, nu et plein. Feu (olim) reste invariable
lorsqu'il précède l'article, il est fléchi lorsqu'il le suit : feu la
85reine, la feue reine
. Nu demeure également invariable devant
le substantif et prend la marque de la flexion lorsqu'il est placé
après lui : nu-tête, nu-pieds, tête nue, pieds nus ; en v.franç.
on dit aussi bien nus pieds. Plein, quand il dépend du verbe
avoir, peut se passer de toute flexion : avoir du vin plein sa
cave
, voy. le Dict. de l'Académie.

4. S'il s'agit d'attribuer une propriété complètement ou à
moitié à un objet, le roman exprime ce rapport au moyen des
adjectifs totus ou medius qu'il construit avec le substantif, en
sorte que c'est littéralement l'objet lui-même et non la propriété
qui est considérée comme un tout ou une moitié ; d'autres langues
emploient des adverbes, le lat. par ex. plane, semi-. Ital. la
donna era tutta livida nel viso
(tout-à-fait livide) ; la fanciulla rimase
mezza morta
(à demi-morte). Esp. ellos estaban
todos desnudos, medios desnudos
, pg. todos mortos, meios
mortos
, mais aussi medio desnudos, meio mortos. Prov.
totz cubertz, miegz mortz. En français tout n'est fléchi que
devant les féminins qui commencent par une consonne : tout-puissant
toute-puissante, toute malade, toutes surprises,
tout emportées
 ; mais pour l'adverbial demi on emploie d'ordinaire
à moitié : il est demi-mort, demi-fou, il est à moitié
ivre
.

5. Il est permis à un seul adjectif de se rapporter à la fois
à plusieurs substantifs. Mais si d'une part la clarté exige que
cette liberté soit maintenue dans certaines limites, d'autre part
celui qui parle peut agir à son gré dans beaucoup de cas.
L'usage le plus suivi appelle les observations suivantes : 1) Si
un adjectif sert d'épithète à plusieurs substantifs du même
nombre
et de genres différents, il s'accorde avec le substantif
le plus rapproché : virtutem et bonum alienum ; cum summa
virtute et honore
. Ital. in pubblica utilità ed onore ; le
città ed i villaggi magnifichi
. Esp. con eterno nombre y
vida ; el sosiego y libertad pasada ; homhres y mugeres
hermosas
. Franç. son honneur et sa gloire entière. Ce
procédé trouve son application le plus facilement lorsque les
substantifs ont une signification analogue, et c'est quand il
s'opère avec des adjectifs qui n'ont qu'une terminaison pour
les deux genres qu'il compromet le moins la clarté, comme
dans ital. mirabil gloria ed onore ; esp. grande amor y
pasion
. — 2) Avec deux substantifs du même genre au
singulier, il est de règle, au moins en français, de mettre
l'adjectif au pluriel : le bonheur et le courage constants ;
86la langue et la littérature françaises ; la fille et la mère
offensée
Rac. Iph. 1, 1 est incorrect. Les autres langues
peuvent se contenter du singulier, mais le pluriel n'y est pas
rare non plus : esp. la lengua y literatura españolas ; port.
o Ibero e o Tejo amedrontados Lus. Si les substantifs se
rapportent à un seul et même objet, le singulier de l'adjectif est
seul admissible : franç. leur fidèle ami et serviteur ; ital. il
loro fedele amico e servitore
. — 3) Si les substantifs sont de
nombres différents, l'adjectif ne peut s'accorder d'après la règle
italienne qu'avec le substantif le plus rapproché et doit être
répété ou remplacé par un synonyme : i loro rei costumi e
la loro malvagia vita
. L'espagnol est moins strict, il tolère
sans hésiter des constructions telles que : toda su parentela y
criados ; la ciudad es famosa por su limpieza, sumptuosos
edificios, fresco rio y apacibles colles
 ; port.tanto mar e
terras ; cujos reinos e corõa
 ; de même lat. tuas litteras
humanitatemque ; plenis manibus ac sinu
. — 4) En italien,
en provençal et en français un seul article ne peut pas s'appliquer
à plusieurs objets de genres et de nombres différents, comme
dans il giardino e casa ; le pays et nations ; mais il le peut
en espagnol et en portugais où il est permis de dire la multitud
y dolor, los pensamientos y memorias, las ventas y mesones,
un pabellon o tienda, o reino e salsa via, a cidade
e poder, huma nobre vergonha e honroso fogo
. De même
avec le démonstratif : esp. aquel silencio y soledad ; mais en
ital. quei principi e quelle repubbliche ; fr. cet arbre et ces
prairies
. — 5) L'adjectif ou le participe attributif se règle
sur le nombre du verbe, et lorsqu'il s'applique à des substantifs
de genres différents il se met au masculin, surtout lorsqu'il
s'agit de personnes : pater mihi et mater mortui sunt. Ital.
i giardini e la casa sono preziosi ; i signori e le donne
sono partiti
. Esp. mi sobrino y mi sobrina son amados
de todos
 ; port.seus temores e esperanças erão vans. Fr.
le mari et la femme sont généreux ; ses père et sa mère
sont lié
(laeti sunt) Fl. et Bl. 993. Val. fratele śi sora sųnt
fericitzi
(heureux). Au reste l'accord avec le substantif le plus
rapproché n'est pas sans exemple : ainsi ital. le ricchezze
gli onori e la virtù è stimata grande
 ; port.sereno o ar
e os tempos se mostravão
 ; val. muntzii śi cęmpiile sųnt
acoperite cu zępadę
(les monts et les champs sont recouverts
de neige). On donne également la préférence au masculin lorsque
des adjectifs ou des pronoms se rapportent à divers objets déjà
nommés dans une phrase précédente.87

6. Si l'on attribue à un seul substantif plusieurs adjectifs
non pas pour exprimer diverses propriétés de ce substantif, mais
pour désigner une variété d'objets, le substantif peut être mis
au pluriel et les adjectifs rester au singulier. Cela se présente
surtout avec des noms ethniques. On peut donc dire en mettant
le substantif en premier lieu : it. le lingue greca e latina ; esp.
las lenguas castellana y portugueza ; les langues anglaise
et allemande
(angl. the german and french languages ;
the norman and saxon races) ; ou mieux la lingua greca
e latina
etc. ; en latin on dit également soit portae Collina et
Esquilina
, soit porta C. et E. Avec des nombres ordinaux
aussi l'accord du substantif est la règle habituelle ; cependant
l'espagnol dit aussi las terminaciones segunda y tercera
(Gram. de la Acad.) ; le français les douzième et treizième
siècles
, comme l'anglais the first and second days, et Camoëns
avec l'article au singulier : o quarto e quinto Afonsos Lus.
1, 13.

7. A l'égard des noms de nombre il reste encore à ajouter
que unus, lorsqu'il est précédé d'un autre nombre, veut le
substantif au singulier : ital. quarantuna lira (mais le quarantuna
lire
, c'est-à-dire le pluriel après l'article défini), esp.
treinta y un libro, prov. treinta et un dia GRoss. Mais en
français le pluriel est aussi autorisé que le singulier : vingt et
un cheval
ou chevaux. Lat. viginti unum librum ; unum
et viginti libros ; libros viginti unum
.

8. Le substantif attributif n'est pas lié au genre et au
nombre du mot auquel il se rapporte : captivi militum praeda
fuerant ; amicitia vinculum quoddam est hominum
 ; les
langues filles aussi se conforment à cet usage. Il en est de même
dans le cas de l'apposition : ital. la vittoria, premio de' guerrieri ;
esp. las Indias, refugio de los desesperados ; port.
Tito, delicias de Roma. Les substantifs susceptibles de distinguer
le genre naturel (t. II, p. 272) se règlent, il est vrai,
comme attributs ou appositions, sur le genre et le nombre du
sujet : lat. aquila, volucrum regina ; ital. religione, figlia
del cielo
etc. A cette classe appartiennent notamment les noms
de la dérivation -tor, fém. -trix, dont la valeur hésite entre celle
d'un adjectif et celle d'un substantif : lat. victor exercitus ;
licentia corruptrix
 ; ital. uso legislatore ; faville, beatrici
della mia vita
P. Cz. 9, 3 ; il en est de même dans les autres
domaines.88

Chapitre cinquième.
Cas dépendants du verbe et du nom.

Les cas dépendants sont l'accusatif, le datif et le génitif. Le
nominatif en sa qualité de cas sujet n'est grammaticalement régi
par aucune autre partie du discours. Mais comme il s'établit
parfois une alternance entre ce cas et l'accusatif (ego laudor
= me laudant
) et qu'il peut ainsi devenir le régime logique,
nous sommes autorisés à le comprendre dans cette étude. Il n'en
est pas de même pour le vocatif, aussi la syntaxe n'a-t-elle rien
à nous apprendre au sujet de ce cas.

1. Nominatif.

Un double nominatif, du sujet et de l'attribut, s'applique en
latin avec les verbes être, devenir, paraître et les passifs des
verbes qui régissent un double accusatif. 1) Fieri est rendu en
roman par le réfléchi se facere : it. ella fessi lucente (lucida
facta est
) Par. 5, 31 ; l'amico mio si fa medico (fit medicus) ;
esp. fezose maravellado Bc. Mill. 336 ; el caballero
se hizo escribano
 ; fr. il se fait vieux ; il se fait médecin ;
aussi val. sę face pour fit. Ce verbe ne se fait pas accompagner
d'une préposition comme par ex. dans l'all. zu Asche werden
(le gothique déjà emploie du). — 2) Il existe plusieurs synonymes
de fieri, se facere ; les plus importants sont venire et
devenire : ital. egli viene matto ; ella diviene ou diventa
vaga
 ; v.esp. viene rico PC. 1862 ; prov. el venc mat Choix
V, 211 ; venc sos amic ibid. 85 ; fon devengutz reis ibid. ;
vei la flors venir frug LR. I, 344 ; esdevenen fello Bth.
235 ; franç. il devient pauvre. Puis certains verbes qui ont
le sens de evadere, comme esp. salir : salió la tal Preciosa
la mas unica bayladora
(evasit praestantissima saltatrix)
Nov. 1, aussi port.sahir ; it. riuscire : l'opera riesce vana ;
de même cat. la qual exí molt bona dona RMunt. 34 ; val.
va eśì om procopsit (evadet homo peritus). Réfléchis : ital.
rendersi monaco ; franç. se rendre maître de qqun ; prov.
se metre monja Choix III, 2 ; esp. volverse predicador ;
los ojos se vuelven corrientes (deviennent des torrents) ; port.
se volve iroso. Une expression qui indique bien un retour à
89un état antérieur est tornare : ital. egli torna giovane ; prov.
tornar joves Choix IV, 43 ; port.tudo se tornou tristeza
R. Men. c. 1 ; franç. on voit l'herbe retourner vive Mar. III,
299 ; ce sens est aussi exprimé par redevenir. — 3) Pour
videri on n'a pas appliqué l'expression équivoque se videre,
mais bien simulare et parēre, sous les formes diverses que ces
mots ont prises dans chacune des langues romanes, comme ital.
sembrare, parere, franç. sembler, paraître. Un verbe synonyme
est se monstrare pour se praebere : ital. mostrarsi
donzella
, esp. mostrarse Cristiano, fr. se montrer homme
de courage
. — 4) L'attribut construit avec les verbes cités
ci-dessus adopte, grammaticalement parlant, le même cas que
le pronom se, mais peut-être le sentiment qu'on en avait était-il
plutôt le nominatif, comme avec esse. Du moins ce dernier cas
se laisse-t-il assez souvent reconnaître dans les dialectes qui le
distinguent de l'accusatif par la forme : prov. sil que s'en fan
conoissedor
(au lieu de conoissedors) B. Born. ms. ; se fan
devinador
(au lieu de devinadors) Choix III, 50 ; se vol
far predicaire
IV, 94 ; se fezes cavayers V, 51 ; se fazia
clamaire PO
. 134 ; se metre amaire II, 189 ; v.franç. plus
se fait fiers Rol.
. p. 35 ; mires se fist Brut. II, p. 5 ; il se
firent marri Gar
. I, 260. Uc Faidit remarque déjà qu'on employait
en ce cas le nominatif au lieu de l'accusatif dans le
langage familier : ieu mi fai gais au lieu de gai et même
ieu mi tenc per pagatz au lieu de pagat GProv. 78. Semblar
pour videri se construit dans la même langue avec le nominatif :
semblava mendics Choix V, 60 ; semblaria us pelegris IV,
298 ; v.franç. ce sambloit uns paradis Ccy 1518 ; lorsqu'il
a le sens de similem esse il se construit avec l'accusatif (p. 94),
bien que Faidit dans sa remarque, lo vocatius deu semblar lo
nominatius GProv
. p. 4, comp. p. 6, le construise dans ce sens
aussi avec un double nominatif.

2. Accusatif.

L'accusatif est le seul cas oblique qui ne soit pas indiqué par
une préposition, bien qu'il ne se distingue pas, même avec l'aide
de l'article, du nominatif, sauf en provençal et en v.français.
C'est là une défectuosité de la langue qui est un obstacle à l'inversion
du sujet et du régime. Toutefois ce n'est pas sans exception
que ce cas sous sa forme toute nue suit immédiatement le
verbe : certaines langues connaissent un véritable accusatif
90prépositionnel
. 1) En effet il est de règle en espagnol de préposer
à ce cas, lorsque le nom désigne une personne, puis un
être vivant en général, la particule á, en sorte que l'accusatif
se confond ici pour la forme avec le datif. Exemples : el padre
ama al hijo ; César venció á Pompeyo ; con la misma
facilidad matan á un hombre que á una vaca ; á ningun
ave natura dota de tanta astucia
. La possibilité même d'une
confusion avec le datif n'est pas un obstacle à ce procédé : ainsi
le marquis de Santillana dit Prov. p. 94 : dar á sus hijos
(datif) á sabios maestros (acc.) ; Cervantes Nov. 4 : entregó
á su muger
(dat.) á la hermosa niña (acc.). Les pronoms
aussi, dans les mêmes conditions, suivent généralement cette
règle, par ex. se vende á si mismo ; á quien acusaba ;
al uno llaman N. ; mataron á alguno ; no conozco á nadie ;
Dios casti gará á quienquiera
. Même des idées abstraites, en
raison de la facilité avec laquelle elles passent à un sens personnel,
et certains objets auxquels on est habitué à attribuer
une existence personnelle se font souvent aussi accompagner de
la préposition : tienen por preceptores al diablo y al uso
Nov
. 1 ; á nuestra ligereza no la impiden grillos ibid. ;
la estimo en mas que á la vida ibid. ; vence el dolor á la
razon
Garc. Canc. 5 ; no tardó mucho en despertar el
enojo á la colera y la colera á la sangre Nov.
2 ; mis
razones cansan al cielo
ibid. ; aborrecido tuvo al alto cielo
Garc. Egl. 3 ; el sol al mundo alumbre Garc. Eleg. 1 ;
la sombra al sol siguió Cald. I, 267b. Pour rendre l'inversion
possible il arrive aussi quelquefois de traiter de même des noms
d'objets ordinaires (voy. à la quatrième section). Cette forme
d'accusatif se présente déjà dans les plus anciens monuments
de la langue 143 ; plus tard elle a pris toujours plus d'extension,
mais elle n'a pas acquis la valeur d'une règle. On trouve par
ex. un caballero conozco ; busco mis amigos ; veo aquel
hombre
. Mais elle est à peu près indispensable aux noms propres
qui suivent immédiatement le verbe, et même les noms géographiques,
comme dans priso á Almenar PC. 1336, gané
á Tarifa Cast. de D. Sancho
87b, se font volontiers accompagner
de la préposition. — Le dialecte portugais connaît aussi cet
usage, mais il l'applique avec moins de rigueur encore. Camoëns
91par ex. dit sans préposition : excedem Rhodamonte ; gente
que segue ο torpe Mafamede ; quando Augusto ο capitão
venceo ; livraste Paulo ; los que César matárão ; os darei
hum Nuno ; favoreça outrem
. L'emploi de cet accusatif n'est
prescrit que dans les cas où il peut y avoir équivoque : ainsi
ο marido á (et non à) mulher ama, et l'inverse : ao marido
a mulher ama
. — 2) La préposition pre ou pe (du lat. per), qui
comme á peut indiquer un mouvement vers un objet (mę suiu
pre cal
= esp. subo á caballo), rend à peu près le même service
en daco-roman, par ex. chiamę pre Petru (voca Petrum) ;
vęzutam, pre un uriáś (vidi gigantem quemdam) ; laud pre
dumnezeu
(laudo dominum deum) ; vulpea au inśelat pre
lup
(vulpes decepit lupum) ; pre cine cerci ? (quem quaeris ?)
mę aude pre mine (me audit). — La particule espagnole pas
plus que la particule valaque ne représente ici la marque casuelle
du datif, c'est une véritable préposition. Aussi en espagnol le
pronom pléonastique s'adjoint-il sous la forme de l'accusatif et
non sous celle du datif (á nuestra ligereza no la impiden,
non pas le, voy. p. 57) ; en valaque le datif spécial de cette
langue ne peut pas du tout s'appliquer en ce cas. — La préposition
semble avoir pour fonction d'exprimer avec plus d'énergie à
propos d'un être vivant et capable d'une certaine activité que
cette activité est subie par lui, afin que l'on ne puisse pas croire
que c'est lui qui l'exerce. Il n'est pas facile d'expliquer pourquoi
cet accusatif prépositionnel ne s'est développé que dans les
langues citées et non pas aussi dans les autres ; on peut toutefois
rappeler à ce propos le soin minutieux que ces langues mettent
à distinguer les rapports des cas (voy. plus haut au chap. du
pronom, p. 58, où ce fait a été indiqué). Cet accusatif s'est étendu
aussi à des idiomes voisins et même à des dialectes éloignés,
savoir au catalan, au sarde et au sicilien. Exemples : v.cat.
feu la be guardar á ella á sos fills Desclot 678a (souvent) ;
sarde saluda a Pedru ; sic. iu amu a diu (Blanc 667).

1. L'activité exprimée par le verbe transitif demande le régime
à l'accusatif, c'est-à-dire que les verbes transitifs régissent ce
cas toutes les fois qu'ils reçoivent un régime. Ce cas est de nature
passive, il supporte les effets directs de l'action du sujet, et par
là il peut aussi être converti en un sujet passif. La construction
avec l'accusatif ne présenterait aucune difficulté s'il était possible
de distinguer au point de vue logique les verbes dont l'action
porte sur un objet de ceux dont l'action se restreint au sujet.
Mais le génie de la langue s'oppose à une telle contrainte, soit
92qu'il attribue au même verbe divers sens à l'expression desquels
se prête tantôt l'accusatif, tantôt le datif, soit qu'en vertu d'une
conception particulière il laisse à une seule idée la liberté de
chercher son régime aussi bien dans l'un que dans l'autre cas.
Déjà en latin l'usage était souvent hésitant ; dans les langues
modernes un nombre important de verbes jadis intransitifs ont
été considérés comme transitifs. Il se peut que dans quelques cas
l'accusatif roman s'appuie sur un usage archaïque ou populaire,
dans d'autres le sens fondamental du mot avait cessé d'être
compris. Des modifications de forme ou bien plutôt de nouvelles
dérivations, de même que le remplacement d'un verbe
éteint par un verbe nouveau, sont les causes qui expliquent le plus
souvent la déviation des lois de l'ancienne rection. Le valaque,
en raison de sa situation isolée, n'a pas subi l'influence de l'usage
roman, il construit par ex. avec le datif aźutà (adjutare)
ascultà (auscultare), multzemì (gratias agere), sluźi (servire)
urmà (imitari). — Voici une liste des verbes les plus
importants qui ou bien ont conservé la construction latine avec
l'accusatif, laquelle est en partie étrangère à l'allemand, ou bien
l'ont adoptée plus tard.

Adjutare aliquem, aussi alicui, hésite entre l'accusatif et
le datif : it. ajutava i suoi amici ; ajutandogli la sua innocenza
Dec
. 4, 8 ; esp. ayude el pueblo mio Num. 1, 2 ;
ayudar al alto intento ibid. 3, 1 (p. 65) ; los árboles al sueño
ayudan
Garc. Egl. 2 ; port. Sanct-Iago os Hespanhoes
tanto ajudou Lus
. 5, 9 ; ajudar a seus senhores 4, 11 ;
pr. lo solient ajudar Bth. 70 ; adjudavon Costanti Choix
V, 90 ; ajudar puesc a mos conoissens IV, 177 ; fr. aider
qqun
et à qqun. Comp. § 3 assistere, subvenire, succurrere.

Adulari aliquem, plus tard alicui ; blandiri alicui. Les
verbes qui ont le même sens ou un sens analogue inclinent vers
l'accusatif : ital. adulava tutti, a tutti ; esp. adula sus penas
Gald. I, 365b ; port.adula as orelhas. — Ital. blandire uno ;
v.esp. le blandiendo (dat.) Sanch. I, 176 ; prov. enemigas
ne blan PO
. 236 ; m'an blandit e temsut Choix IV, 123 ;
cuy am e blan (acc.) LR. I, 321 ; la reblan Choix III, 55 ;
de m. v.fr. les a blandiz et proiez Ren. I, p. 17 ; b.lat. eam
blandiebatur Gest. reg. Franc
, cap. 31. — Ital. lusingare
un ragazzo ; esp. lisongear las pasiones ; prov.seran miey
Frances lauzenjat Fer
. 2150 ; v.franç. le blandi et losenga
MFr. I, 182. — Esp. halagar su denuedo JMen. ; port.afagar
93as esperanças
. — Fr. flatter un enfant. — Ital. carezzare
uno ; fr. caresser qqun. — Esp. idolatrar, fr. idolâtrer
également avec l'accusatif.

Aemulari aliquem, très-rarement alicui. Les langues modernes
donnent aussi la préférence à l'accusatif : ital. la terra
emula il cielo
(rivalise avec) ; esp. aquel emula á su hermano ;
port.emula a Homero ; a floresta emula o ceo.

Aequare aliquem (atteindre) ; ital. adeguare uno Orl. 13,
81 ; prov. s'eguar ab alcu (se comparer à). Pour le sens d'atteindre
on emploie un verbe nouveau avec l'accusatif : it. agguagliare,
par ex. non che l'agguagli altrui parlar o mio
P. Cz. 8, 2 ; franç. égaler qqun en bonté ; esp. iguala al
mayor numero
(dat.) Num.1, 2 ; port.a quem nenhuma
iguala Lus.
2, 38. — Ital. pareggiare uno : che 'l mover
suo nessun volar pareggia Pg
. 2, 18 ; pr. pareiar ab =
s'egar ab. — Les verbes qui expriment le sens de similem
esse
régissent, outre le datif, aussi l'accusatif : it. somigli cosa
terrena Ger
. 4, 35 ; (egli) rassembra il fior Orl. 5, 82 ; esp.
no semejo ya aldeano ? JEnz. 30a ; prov. sembli be la cot
(simillimus sum coti) Choix V, 67 ; lo digz ressembla lo
pessamen
III, 269 ; resemblunt los diables (daemones imitantur)
GO. 61b ; v.fr. vieulx semblent charbonniers QFA.
442 ; il ne semble point aux renars Rabel. 1, 39 ; vus resemblez
enfant Rol.
. p. 55 ; qui resambloit le Roi G. d'Angl.
p. 124 ; ressembloit quelque petit angelot Rabel. 1, 15 ;
fr.mod. seulement avec le datif : il ressemble à son père. —
Le v.fr. traire (ressembler) demande la préposition à : granz
est et trait as anceisurs Rol.
. p. 97 ; bien traiés à la geste
GVian. ; Fer
. p. 167a.

Attendere roman pour exspectare avec l'accusatif : ital.
attendere soccorso ; pr. atenre bon'aventura ; fr. attendre
l'ennemi
. Dans son sens latin ce verbe se construit avec ad :
ital. attendere a' fatti suoi ; esp. atender á un discurso ;
prov. gens a lui non atend Bth. 131.

Auscultare alicui, aliquem, aliquid : ital. ascoltare, esp.
escuchar, pr. escoutar, fr. écouter seulement avec l'accusatif.

Benedicere et maledicere alicui, plus tard aussi aliquem ;
en roman, où le sens de l'all. segnen dans benedire, bendecir
bénir
, celui de verwünschen dans maledire, maldecir, maudire,
sont devenus prédominants, l'accusatif est seul autorisé.
A ces verbes répond le gr. εὖ λέγειν τινά, κακῶς λέγειν τινά. Mais
dans le Lib. psalm. le premier de ces verbes est aussi construit
94avec le datif : beneïs à nostre segnor = benedic domino.

Congratulari alicui ; en roman avec l'accusatif de la personne :
ital. congratulare uno di una cosa ; esp. congratular
á uno de
 ; fr. congratuler qq. sur qch. — Fr. féliciter qqun
de qch
.

Consentire dans le sens de « consentir à » régit partout l'accusatif :
ital. consentire tal cosa ; esp. consentir el tuerto
PC
. 3561, el pecado SPart. I, 48 ; tan gran maldad los
cielos no consientan Num.
2, 1 ; port.se queres commercio
consentir Lus
. 7, 62 ; prov. cossentir deshonor LR. ; franç.
consentir la vente (style de chancellerie) ; dans Corneille il
l'avait consenti Pomp
. 5, 3 (et souvent) ; b.lat. quae ceteri
consenserint
Gr. Tur. 5, 19. Mais aussi ital. consentire ad
una cosa
, pr. cossentir al lairon LR. I, 452, fr. consentir
à qch
., esp. consentir en una cosa = lat. consentire cum
re
 ; aussi v.fr. consentir qch. à qqun (concéder) : dieus le
nos consente Rol.
. p. 91 ; prov. que ja plus nom cossenta
Choix
III, 84.

Conspirare in caedem alicujus ; fr. conspirer à la ruine
et conspirer la ruine de l'État.

Contradicere alicui, alicui rei : ital. contraddire, esp.
contradecir, franç. contredire avec l'accusatif : los judios
conlradixeron la su palabra Cast. de D. Sancho
223b ; de
même aussi dans Eulalie : celle kose non contredist et prov.
contradia so que faran Choix III, 363. — It. contrariare,
esp. arch. contrariar, pr. contrariar IV, 443, fr. contrarier
également transitif ; aussi v.esp. contrallar cosa CLuc. 33u ;
v.fr. contralier sainte Iglise TCant. p. 58.

Credere aliquid ; en roman aussi avec l'accusatif de la personne
(croire en quelqu'un) : ital. credere un dio ; prov. creire dieu
Bth
. 24 ; v.fr. croire Jhesu Christ QFA. 913 ; b.lat. credere
Jesum
Gr. Tur. 5, 11 (et souvent) ; de m. (croire quelqu'un)
port.que o Mouro cria Lus. 1, 102 ; pr. creire auctors
Choix
III, 27 ; fr. creez vous cel glouton ? NF. Jub. 1, 92 ;
croyez-vous cet homme ? Credere alicui (se confier en quelq.) :
it. credere ad uno, credere al consiglio ; fr. croire aux
médecins
etc.

Desperare pacem, honores ; de même ital. che disperar
perdono Pg
. 1, 12 ; esp. desesperar amores JMen. 108. La
construction avec de est d'ailleurs usuelle en roman comme en
latin.

Dominari in aliquem ; en roman avec super, mais aussi avec
95l'accusatif : it. il monte domina la città ; esp. ella te domina ;
una altura domina el campo ; tus ciudades las domeñan
oy los Moros SRom
. 288 ; fr. la montagne domine la ville.

Durare laborem : ital. durar la fatica ; lo martore ch'io
aggio durato PPS
. I, 119 ; v.esp. lo saben durar Alx. 921 ;
pr. durar lo caut GA. 2428 ; lur faitz non pot hom durar
IV, 261, de m. abdurar, endurar LR. III, 90 ; fr. endurer
la chaleur
.

Fallere aliquem tromper quelqu'un, fallere fidem, promissum
manquer à sa parole. En roman, où ce verbe a passé
aussi à d'autres conjugaisons, la construction avec le datif prédomine.
Le sens le plus usité ici est « manquer, ne pas atteindre ».
B.lat. si colpus ei fallierit (s'il a manqué son coup) L.Sal. ;
ital. pareva che le gambe gli fossero fallite per fuggire ;
gli fallì la lena ; a cui la roba falla Pg. 13, 61 ; fallire la
fede
(comme en lat.) ; esp. falido ha a mio Cid el pan PC.
589 ; le fallece ingenio ; pr. cil li faliren (ils lui ont manqué)
Bth. 70 ; vitalha lor falh ; el jura leu e fail son sagramen
Choix
IV, 211 ; v.fr. pur murir ne vus en faldrat uns
Rol. ; je ne doi faillir mon creatour Rom. fr
. 93 ; a moi
failli aves Rom
. éd. B. 178. Il faut remarquer ital. non puoi
fallire a glorioso porto Inf
. 15, 56 ; v.fr. (il) ne puet falir
a boine fin FC.
I, 130 (souvent).

Favere alicui. Le mot simple manque, les dérivés ital.
favorire, favoreggiare, esp. favorecer, franç. favoriser
demandent l'accusatif, mais l'ital. favorire peut aussi avoir le
datif de la personne à côté de l'accusatif de l'objet : favoritemi
una penna
.

Fugere aliquid ; la construction avec l'accusatif est appliquée
aussi en roman : ital. fuggire, esp. huir, pr. fugir, fr. fuir.
Avec le datif : port.o contrario lhe fugio Lus. 3, 56 ; fugindo
ao doce laço
 ; prov. fugir no li posc PVid. p. 48 ; b.lat. ubi
fugere possum domino meo ? Gest. reg. Fr
. c. 35. — Les
verbes introduits pour vitare, evadere favorisent également
l'accusatif. Ital. campare la morte ; fr. échapper le danger,
mais aux ennemis. — Esp. escusar la muerte. — Ital.
schifare gli uomini ; esp. esquivar al fuego Garc. Eleg. 1 ;
port.esquivar o perigo ; pr. esquivar las novelletatz GO.
127b ; fr. esquiver le coup. — Pr. gandir ad amor Choix
III, 342 ; ieu li guan V, 221. — V.fr. guenchir la mort
TCant
. p. 45 ; gauchir la meslée Mont. 1, 12 ; fr.mod. gauchir
intransitif.96

Gaudere re, quelquefois rem : it. godere la vita, gioire la
signoria
 ; prov. jauzir l'amor ; en fr. jouir exige de, que les
autres langues emploient aussi. De là pr. congauzir (traiter amicalement)
avec l'accusatif : van lo mantenen aculir e conjauzir
Jfr
. 97a ; los a l'emperayre bayzatz e congauzis Fer. 5053 ;
aussi v.fr. ses serjans amer et conjoïr voy. Serventois p. 31 ;
fr.mod. seulement se conjouir ; b.lat. quem ille congaudens
ac deosculans
Gr. Tur. 3, 24 (d'autres mss. donnent cui, comp.
congaudi misso Alcim. Avit. dans Quich. Add.). Le v.franç.
emploie dans le même sens joïr qqun, par ex. Ben. I, 115u. 147.

Guerreggiare ital. (faire la guerre) : suo fratello il guerreggiò
Malesp. cap. 47 ; pr. Richartz guerreies lo vescomte
Choix
V, 82 ; v.fr. guerreier tuz cels TCant. p. 58. —
V.esp. lidiar la villa Alx. 1080. — Pr. per nos osteiar
Choix IV, 167.

Habitare transitif persiste : ital. abitare, esp. habitar una
casa
 ; pr. era lo luecx de gent abitatz LR. ; fr. habiter une
maison
. Il s'emploie aussi avec des prépositions.

Imitari aliquem, aliquid : ital. imitare un autore ; esp.
iniitar la naturaleza, remedar las virtudes de los mayores ;
fr. imiter ses ancêtres. — De même aussi ital. contraffare
qualunque uomo ; esp. contrahacer á una persona ; pr.
contrafar vilas Choix III, 260 ; fr. contrefaire le chant du
rossignol
.

Inclinare (acclinare) peut régir en roman l'accusatif lorsqu'il
a le sens réfléchi : ital. inchino sua valenza (je m'incline
devant sa valeur, je la vénère) PPS. II, 210 ; l'hai
inchinata
(tu t'es incliné devant elle) GCav. p. 308 ; essa
inchinollo reverente Ger
. 4, 38 ; v.franç. enclinez chascun
FC
. II, 198 ; l'apostole anclinerent Sax. 74 ; prov. domnas
c'om acli Choix
III, 304 ; aclina un seingnoriu IV, 130 ;
et même dans le valaque du sud : multe ginti incljinę soarile
(beaucoup de peuples adorent le soleil). Clinare : l'un ad
(= habet) l'altre clinet Rol. p. 62.

Incommodare alicui ; ital. incomodare etc. transitif.

Incontrare, mot nouveau pour occurrere : ital. incontrare,
rincontrare, scontrare uno
(scontrarsi in uno) ; esp. encontrar
una cosa
(con una cosa) ; prov. encontrar un amic ;
v.franç. en mi sa veie ad encuntret Rollant Rol.. p. 51 ;
fr.mod. rencontrer qqun Esp. topar, par ex. un escudero
CLuc
. 79 : de m. port.topar alguem. — Occurrere (ital.
occorrere, esp. ocurir) conserve sa construction avec le datif.97

Insidiari alicui, peut-être aussi aliquem : ital. insidiare la
vita d'un uomo
 ; de m. esp. port.insidiar, prov. ensidiar (fo
encidiatz LR.
III, 160) transitif.

Invidere alicui, voy. plus bas, Datif § 1. Le dérivé invidiare
est transitif, mais il se construit avec le datif de la personne
et l'accusatif de l'objet : ital. nettare non invidio a Giove P.
Son. 160 ; esp. nada á nadie envidio ; fr. je lui envie son
bonheur
 ; prov. lo mons enveia sas beutatz.

Jurare deos, ὀμόσαι θεόν (jurer par Dieu), même construction
en roman, surtout à l'origine ; prov. jura lo tron de deu GO.
278a ; jura damidrieu GRoss. 116 ; jurat an sant Andrieu
LR
. I, 529a ; v.franç. Renart jure l'ame son père Ren. III,
p. 187 ; a sa teste jurée Agol. 799 ; sa barbe en a jurée
RMont
. 15, 1 ; li reis jure les oilz TCant. p. 14 ; aussi franç.
mod. jurer son dieu, sa foi et esp. jurar la cruz Nov. 7.
On emploie plus volontiers en latin jurare per aliquem et
jurare alicui aliquid.

Juvare aliquem : ital. giovare uno, aussi ad uno : che
porta il lume dietro e se non giova Pg
. 22 ; quel tanto a
me del viver giova
P. Cz. 8, 6 ; il quale a te potrebbe
giovare Dec
. 3, 1. On connaît la formule romane des litanies
de 780 : tu lo juva.

Laborare aliquid est rare : it. lavorare, esp. labrar, pr.
laborar ; en français travailler avec l'accusatif est très-usité.

Minari alicui. Le verbe formé sur minaciae, ital. minacciare,
esp. amenazar, port.ameaçar, prov. menassar, franç.
menacer, est transitif : menacer qqun de qqch. etc. Le datif
aussi s'emploie : ital. molto minacciando ai gigli d'oro Orl.
13, 81 ; esp. amenazaba la muerte á todos ; pr. ren que tot
lo mon li puesca menassar LR
.

Persuadere aliquem, dans Ennius et Pétrone, au lieu du
classique alicui, est tout-à-fait roman : ital. persuadere uno a
fare qc
, de même esp. persuadir, fr. persuader. On dit du
reste aussi persuadere alicui aliquid : it. persuade un bene
agli altri
 ; esp. le persuadian esta cosa ; franç. persuader
une vérité à qqun, persuader qqun d'une vérité
et dissuader
qqun de qqch. ; esp. disuadir á alguno de una cosa ; ital.
dissuadere uno da una cosa.

Ponere mentem, ital. por mente, pour animum advertere,
avec le datif, et chez les anciens aussi avec l'accusatif, par ex.
pon mente al temerario ardir P. Cz. 2 ; ponete mente le
carni nostre Dec
. 8, 9 (Blanc 485).98

Praedicare peut se construire dans quelques langues avec
l'accusatif de la personne : pr. prezicar las gens LR. I, 531a ;
vaud. predicar lo poble Choix II, 98 ; franç. prêcher les
chrétiens
 ; b.lat. praedicare regem Gest. reg. Fr. cap. 14 ;
populum praedicamus Baluze Cap. II, p. 1402 (vers 811) ;
Spaniam praedicavit Esp. sagr. XIX, 372 (ann. 962) ; ital.
predicare uno dans le sens impropre de « sermonner qqun ».

Renunciare alicui rei : ital. rinunziare un dono (refuser) ;
esp. renunciar el gobierno ; port.renunciar a corõa ; mais
prov. renunciar ad un dreig ; fr. renoncer à la succession,
cependant renoncer son maître (renier).

Resistere : en esp. et en port.resistir (supporter) peut être
employé comme transitif : muere quien la resiste GVic. 78a ;
resistir los casos de fortuna Garc. Eleg. 1 ; port.resistir o
ataque
 ; v.fr. résister les enemis dieu. — Aussi repugnar
comme lat. repugnare aliquid : v.esp. repugnando los
secretos
GVic. 76a ; port.repugna o officio ; aujourd'hui ce
verbe ne se construit plus qu'avec le datif.

Ringraziare, formation nouvelle pour gratias agere, a en
italien l'accusatif de la personne : io vi ringrazio di questa
cosa
 ; les autres langues mettent la personne au datif et l'objet
à l'accusatif : v.esp. regraciar los servicios á ella S. Prov.
54 ; esp.mod. te agradezco la amistad ; port.ás Musas
agradece o muito amor Lus
. 5, 99 ; pr. a fin' amor grazisc
lo dezir Choix
III, 344, mais aussi dieus sia grazitz Jfr. 92b.
— Les verbes dérivés de merces se construisent comme ringraziare :
prov. damidieu en merceya Fer. 405, comp. 806 ;
v.franç. le mercia de sun acuilleit TCant. p. 43 ; fr.mod. je
l'ai remercié de ses offres
.

Sequi aliquem ; de même aussi ital. seguire, seguitare,
esp. seguir, pr. segre, fr. suivre seulement avec l'accusatif.

Servire alicui. La construction avec l'accusatif est celle qui
prédomine en roman : it. servire un signore ; servire alcuno
di danaro
 ; esp. sirvades las PC. 254 ; con que la serviras ?
JEnz. 24a ; port.quanto tempo es que sirvo meu amo S. de
Mir. II, 107 ; servir Satanaz GVic. I, 223 ; prov. li servidor
que servon bon senhor LR. ; dieus er honratz e servitz
ibid. ;
v.franç. servir sun seignur TCant. 39 ; fr.mod. servir deux
maîtres
. On trouve quelquefois le datif : ital. servendo al
soldano Dec
, esp. sirviales PC. 1564 ; pr. ad amor servir
Choix
III, 169 (comp. Leys II, 14) ; v.franç. servir as leis
eclesiaus TCant
. p. 63. L'emploi de ce cas est nécessaire
99lorsqu'on indique le mode du service ou l'objet qui le rend :
ital. gli serve di scudo ; esp. sirvale esto de alivio ; le sirve
una flor
(il lui sert une fleur) ; fr. il sert d'écuyer à une dame ;
on lui sert un bon morceau
. B.lat. servire domum Marca
824 (ann. 890) ; servire ecclesiam 825.

Studere rei. Le roman studiare est transitif : ital. studiare
la medicina
et in medicina ; esp. estudiar la teologia ; franç.
étudier la philosophie.

Supplicare alicui. Le provençal construit ce verbe avec le
datif lorsqu'il signifie « s'incliner, supplier » : al rey soplega
(il s'incline devant le roi) Choix 111, 399, comp. 416, Flam.
175 ; luy soplegan que lor do perdo LR. Les autres langues
emploient l'accusatif : ital. supplicare, esp. suplicar, fr. supplier,
comme aussi supplicare aliquem dans les Pandectes.
B.lat. supplicare alicui, plus rarement aliquem.

Vestire aliqua re se construit en roman dans le même sens
avec l'accusatif ; ital. verdi panni non vestì donna P. Cz. 3 ;
esp. todas visten un vestido SRom. 108 ; prov. li drap que
la domna vestit Boec
. 199 ; v. franç. vestir bronie Rol.. p. 108 ;
fr.mod. vêtir une robe.

2. Il existe en latin des intransitifs simples dont l'activité,
restreinte à l'origine au sujet, peut quelquefois être dirigée
sur un objet extérieur, c'est-à-dire devenir transitive. A cette
classe appartiennent surtout des verbes qui ont leur cause
dans cet objet extérieur, comme « pleurer, se plaindre, rire,
crier, avoir soif, trembler, exhaler » et même le verbe tout-à-fait
privé d'activité « se taire », ou bien des verbes qui expriment un
déplacement, comme « aller, monter, sauter, naviguer » ; dans
cette construction le lieu où se produit l'activité a l'air d'en être
le but. En allemand les intransitifs de ce genre obtiennent généralement
une valeur transitive au moyen de la particule préposée
be ou ver. Les dialectes romans sont restés fidèles à l'ancienne
pratique et l'ont même étendue à de nouveaux verbes. Voici des
exemples.

Pleurer, se plaindre : lacrimare, plangere, plorare,
lamentari
aliquid. Ital. lacrimare, piangere una cosa ; de
même esp. plañir, llorar, lamentar ; prov. planher Choix
IV, 67, plorar 74 ; fr. plaindre, pleurer, lamenter qqch.
Soupirer, suspirare aliquid : ital. sospirare una cosa ;
port.suspirar o perdido amor ; pr. lo devon sospirar LR.
III, 178a ; puis dans le sens d'« exhaler » : port.suspirados
clamores CGer
. I, 203 ; fr. soupirer ses douleurs. — Gemere
100aliquid : port.gemer minhas payxões CGer. I, 205 ;
prov. nos gemem la nostra habitatio LR. ; v.fr. mon pechié
gemiray TFr
. 467 ; tu la gemis Mar. III, 303.

Rire : ridere aliquid ; it. ridere una cosa (di una cosa),
de même esp. reir (rióla el Tajo Cerv. Viage c. 8) ; le français
ne paraît pas connaître cette construction. — Aussi it. beffare,
burlare uno à côté de beffarsi, burlarsi di uno ; v.franç.
mocquer qqun Ch. d'Orl. 194 ; moquer un mal encore dans
Ronsard, comp. fr.mod. il fut moqué.

Crier : clamare Jovem (pour invocare) Pétrone c. 58 ;
prov. cridar la gen (appeler) Choix V, 73 ; a los escridatz
Fer
. 4312 ; v.fr. crier et escrier qqun Sax. I, 202, Fer.
p. 158b ; prov. cridar la senha, v.franç. crier l'enseigne ;
fr.mod. crier merci ; ital. gridar mercè ; port.gritar huma
cousa
(s'écrier).

Résonner : lyra sonat carmen ; te carmina sonabunt ;
it. la voce tua suoni la volontà (exprime) Par. 15 ; Toscana
sonò colui
(célébrait) Pg. 11 ; esp. sonar una cosa (faire
allusion à qq.ch.) ; prov. sonar la valor (faire retentir) Choix
IV, 228 ; sonar omes (appeler). Comp. plus bas § 4.

Se taire : tacere aliquid ; de même ital. tacere, pr. taiser,
fr. taire, esp. callar.

Trembler : tremere aliquid (poétique) ; Fortunat dit
encore : quem Geta, Vasco tremunt 9, 1, 73 ; ital. le mura
che teme e trema 'l mondo
P. Cz. 6, 3 ; esp. (en prose) si son
soldados, los tiemblan
(tremblent devant eux) Nov. 5 ; fr.
même trembler la fièvre. Le fr. craindre a tout-à-fait pris la
valeur de timere (craindre qqch.).

Goûter, sentir, exhaler une odeur : sapere vinum, olere
unguenta, fragrare balsama. Le français dit de même sentir
la fleur d'orange, puer le vin
, mais flairer une fleur est
tout autre chose. En italien on dit puzzzare lo spigo (sentir la
lavande), mais sapere di sale, sentire di muschio ; esp. saber
á vino, oler á tomillo
.

Avoir soif : lat. sitire aliquid est rare. Dante a dit de même,
Pg. 12, 57, sangue sitisti ed io di sangue t'empio ; sanguinem
sitiens
dans une chronique vers 720 Esp. sagr. VI, 435.

Aller, venir, aller en voiture, monter et d'autres verbes
qui expriment un déplacement corporel. Ambulare maria,
terram migrare
 ; v.esp. andé los oteros Rz. 959 ; la tierra
andada
(la terre parcourue) Flor. I, 155b ; port.muitas terras
andei Trov
. 208, 2 ; andar terras estranhas Lus. 6, 54 ;
101prov. anar viatje GRiq. p. 172 ; v.fr. tant vait li ost le pui
e la champaine Agol
. 39 ; aler mons et valées Parton.
I, 13 ; fuiant s'en va tot un garet Ren. I, 113 ; s'en fui une
valée
(à travers une vallée) ibid. 167 ; s'en fuient les plains
(à travers les plaines) Otin. 43 ; va et vient sentiers et voies
et chemins Ren
. II, 104 ; venir le sablonnier (venir à travers
la plaine sablonneuse) Gaufr. 298 ; erra (de iter) trestout
Poitau FC.
I, 228 ; errai mon chamin Rom. éd. B. 285.
Il faut ajouter à ces mots : ital. errare la via, esp. errar
et camino
(se tromper) ; lat. errare via, mais au passif terrae
erratae
(pays parcourus). — Navigare terram dans Cicéron :
ital. navicar tutte parte (parti sc. del mare) BLat. 91 ;
l'abbia navicato 83 ; encore aujourd'hui navigare il mare ;
esp. navegar el Betis ; port.navegar longos mares Lus. 5,
41. De même v.fr. sigler les mers Ben. II, p. 25. — Chevaucher
dans le même sens : pr. cavalgar la batalha GA. 8868.
9088 ; v.fr. Carles cevalchet e les vals et les munz (traverse
à cheval) Rol.. p. 113 ; avoir chevauché les deux Arménies
Rabel. 1, 33 ; ital. cavalcare il mare (croiser). — Currere
stadium, aequor, δραμεῖν τό στάδιον ; ital. correr una strada ;
correr miglior acqua Pg
. 1 ; dans le sens figuré : correr pericolo
courir un danger : correr una medesima sorte Ger. 12,
102 ; esp. correr la tierra, el campo, correr toros, correr
montes, correr vales
S. de Mir. II, 21 ; pr. correr la planha
Choix
IV, 231 ; fr. courir la mer, les rues, courir risque ;
v.fr. corir une voie herbouse Rom. éd. B. p. 60. — Salire :
it. perché non sali il dilettoso monte ? Inf. 1, 77 ; salir balze
Orl
. 3, 65 ; v.fr. saillir le mont voy. le Dict. de l'Acad. —
Montare : ital. montar le scale ; prov. montar l'escalier
GO
. 65a ; fr. monter les degrés. Prov. puiar un' angarda
Jfr
. 124a ; v.fr. puier le mont Brut. II, 58. — Saltare
(franchir) : ital. salta macchie e rivi Orl. 1, 52 ; esp. porqué
saltaste las paredes ? CGen
. 374 ; saltar el foso ; fr. sauter
un fossé ; il
broche le fons d'une valee (il pique son cheval
à travers le fonds d'une vallée Otin. 70). — Intrare avec l'accusatif
(regnum, januam) s'est perpétué par l'intermédiaire du
bas latin : les chartes offrent souvent des exemples, comme
intrare terram etc. ; esp. entrar la ciudad ; entraronla Alx.
783 ; port.entrando as portas Lus. 8, 37 ; a cidade entrada
3, 59 ; prov. intrar las portas GRoss. 2607 ; v.fr. la canbre
entre Eracl
. 2589 ; Rabelais I, 23 dit quels signes entroit le
soleil
.102

Vivre, l'emploi de vivere pour habitare est espagnol : vivir
una casa ; vive una cárcel obscura
Cald. I, 125a.

3. Beaucoup d'intransitifs composés qui ont le sens de « aller,
se tenir debout, s'asseoir », et d'autres semblables prennent une
valeur transitive. Le roman présente plusieurs cas nouveaux de ce
genre. Circumire rem ; ital. circuire, esp. circuir una cosa.
Subire tectum, onus, periculum ; fr. subir le joug, la peine.
Praeterire rem ; it. preterire una cosa ; de m. esp. preterir.
Circumvenire rem ; de m. it. circonvenire, esp. circunvenir,
fr. circonvenir. Praevenire aliquem, alicui ; ital. prevenire
(prévenir, prédisposer) avec l'accusatif, de même dans les autres
langues. Subvenire alicui ; ital. sovvenire uno ; mais franç.
subvenir à qqun. Convenire aliquem ; ital. convenire uno
et esp. convenir á alguno (intenter une action contre qqun) ;
prov. convenir avec l'accusatif de l'objet (avouer) Jfr. 140a ;
v.fr. aussi bienvenir qqun (accueillir) : moult le bienvignent
et festient Ccy
. p. 123. Supervenire : ital. sopravvenire,
esp. sobrevenir, franç. survenir ne s'emploient que comme
intransitifs. — Excedere aliquem ; ital. egli eccede tutti ;
esp. una cosa excede á todas ; port.excedem Rhodamonte
Lus
. 1, 11, mais excede ao vento 1, 40 ; franç. excéder les
bornes
. Praecedere aliquem ; ital. precedere uno, a uno ;
esp. preceder á alguno (la noche que precedió al triste dia
DQuix.
1, 27) ; port.preceder huma cousa, arch. a huma
cousa
 ; franç. précéder qqun. — Succurrere alicui ; ital.
soccorrere uno, ad uno ; esp. socorrer una necesidad ;
port.socorrer seu filho ; prov. socorrer la crotz Choix IV,
92 ; fr. secourir les pauvres, au besoin. En outre v.esp.
acorrer (secourir) : acorren la senha PC. 753 ; fueronlos
á acorrer CLuc
. 11 ; prov. acorrer al paire, acorrer la
caytiva LR., los acor Choix IV, 291 ; fossan acorrut GA
.
1528. — Superscandere aliquid a pour correspondants : ital.
sormontare, pr. sobremontar, fr. surmonter avec l'accusatif.
De même ital. assalire, assaltare, esp. asalir, asaltar, fr.
assaillir. Adscendere ripas ; ital. ascendere i muri Ger.
3, 10. Insultare aliquem et alicui, en roman avec l'accusatif,
seul le fr. insulter dans le sens de « braver, mépriser » régit
le datif. Ital. discendere il fiume, scendere il monte ; esp.
descender el monte ; port.descer os degraos ; fr. descendre
une rivière, l'escalier
. V.fr. avaler le degré ; prov.
davalar los degratz. — Superstare rei et rem (se tenir sur
qqch.) ; ital. sovrastare uno (vaincre), ad uno (surpasser).
103Ital. contrastare il male (s'opposer à), al desio P. Cz. 8, 2 ;
esp. contrastar el furor de alguno ; mais prov. lor contrastavo
la intrada
(contestaient) LR. III, 209 ; vaud. contrastar
a Christ Choix
II, 100. Adsistere alicui, en roman avec
l'accusatif : it. assistere un amico ; fr. assister les pauvres ;
esp. asistir á su padre ; dans Apulée adsistere aliquem
(se tenir auprès de qqun). Resistere (voy. plus haut p. 99).
Praesidere provinciam ; ital. presedere alle cose sacre ;
esp. presidir las (á las) conversaciones ; el lucero preside
al mar
 ; fr. présider à l'assemblée, une compagnie. Supersedere
rei, rarement rem ; fr. surseoir le jugement, aussi
au jugement ; ital. soprassedere intransitif.

4. D'autres intransitifs deviennent transitifs lorsqu'ils prennent
un sens factitif, c'est-à-dire lorsque le sujet suscite dans
le régime l'activité exprimée par le verbe, en sorte que cette
activité appartient proprement au régime, le sujet se bornant
à provoquer l'action : lat. moror je m'arrête, moror aliquem
je fais arrêter quelqu'un. La nouvelle langue possède plus de
factitifs que la langue ancienne, et beaucoup de ces verbes
se sont répandus dans tous ou dans plusieurs dialectes. La
liste suivante contient aussi quelques verbes qui sont devenus
transitifs en conservant leur signification primitive.

Apprehendere comprendre, en roman aussi « apprendre et
enseigner (faire comprendre) », ce dernier sens en v.it., par ex.
io t'apprenderò come io potrò ; fr. il lui a appris le droit ;
dex apris li avoit Dolop. p. 411.

Cessare cesser et faire cesser, discontinuer, éloigner, éviter :
ital. dio lo cessi ! cessare la mala ventura ; prov. sessar la
pena LR
. I, 541b ; fr. cesser le travail. Ce verbe en espagnol
et en portugais ne semble se présenter que comme intransitif.

Cognoscere, prov. v.fr. connaître, faire connaître : m'as
tu dih e conogut GRoss
. 6561 ; à ces dous frères a sun
conseil coneü
(communiqué) TCant. 32, comp. FC. II, 169,
v. 105.

Crescere croître, développer : it. ecco chi crescerà i nostri
amori Par
. 5, 103 ; come figliuola cresciuta avete (élevée)
Dec. 2, 8 ; v.esp. por su precio crecer Bc. Mil. 628 ; port.
crescer a honra ; prov. ill cresca son pretz Choix III, 255 ;
vos cresca honor Jfr. 122b ; v.fr. li prince deit iglises
creistre TCant
. p. 60 ; fr.mod. (chez les poètes) pour croître ta
colère
Corn. Cid ; aussi val. creaśte croître et élever, nourrir.
— On emploie très-bien le factitif : ital. accrescere, esp.
104acrecer, fr. accroître. Le v, fr. descroistre est aussi usité
comme factitif, voy. Scheler sur Baud. de Condé p. 383.

Currere : ital. le vie correvano sangue (étaient baignées
de sang) Malesp. c. 7 ; esp. las uñas corriendo sangre (le sang
en jaillissait) SRom. 234, JEnz. p. 12a ; corrieron sangre los
rios
Cald. I, 6a ; de même port.os rios corrérão sangue.

Descazer prov. périr, abîmer : deschai selhui Choix III,
187 ; mi dechai 225, Jfr. 138a ; v.fr. par femme est mains
hom déchus GNev
. p. 67. Le valaque scedeà est transitif et
intransitif.

Descendere descendre et faire descendre : ital. discendere
una cosa
 ; esp. el cuerpo descendieron Bc. Duel. 154 ; port.
descer a ponte levadiça ; descer a soberba ; prov. cui dieus
dissenda
(humilie) Choix V, 275 ; a lo bran dissendut
(abaissé) Fer. 1612 ; fr. descendre un tableau.

Desperare désespérer et réduire au désespoir : ital. disperare,
esp. prov. desesperar, fr. désespérer.

Errare se tromper et tromper : ital. se il pensier non
m'erra
 ; v.esp. non vos cuedo errar Alx. 914.

Fugere fuir et sauver qqch. : ital. fuggire le sue fortune.

Intrare entrer et faire entrer : esp. entrar una cosa en
el aposento
 ; port.entrar estacas na terra (planter des
pieux).

Llegar esp. arriver et apporter : llegar una silla ; port.
chegar huma cadeira.

Monter fr. signifie aussi faire monter, c.-à-d. mettre à cheval :
monter un cavalier ; il a monté toute sa compagnie ; transporter
en haut : monter du foin au grenier ; prov. montar
élever : l'avia montada en pretz et en onor Choix V, 390.
— Esp. pujar monter, renchérir, prov. puiar monter, lever :
pueia la pulcella Jfr. 121b. De m. esp. subir monter, élever :
subir una cosa al cielo.

Mori est resté intransitif, seul le part, mortuus peut être
employé, activement et passivement, comme factitif avec le sens
de « qu'on a fait mourir, qu'on a tué » : ital. io l'ho morto
(eum interfeci), egli fu morto (interfectus est) ; de même
esp. muerto, port.morto, prov. v.fr. mort (dans Eulalie :
furet morte, occisa est
). Dans les deux dialectes de la France
le sens factitif du participe a été quelquefois étendu à l'infinitif :
elas se layssharian morir o ardre Matf. Ermeng. M. I, 208,
ele fîit vostre frere morrir et enherber PDuch. 26, ou au
futur, comme dans il morront maint chevalier Gayd. p. 251.105

Passar pr. pour far passar : la domna que passet Jaufre
Jfr
. 167b ; passar lo fer Fer. v. 274 ; de même fr. passer une
chose
 ; esp. pasar alguna cosa (absorber).

Perire périr, tuer ; prov. volon crestiantat perir, sel que
peril rei Farao Choix
IV, 116 ; v.fr. ont toute joie perie,
voy. LR. s. v. L'it. perire est aussi employé pour far perire.

Resurgere ressusciter : pr. lo Lazer ressorzis (suscitasti)
Choix IV, 425 ; v.fr. seint Lazaron de mort resurrexis
Rol.
. p. 73.

Revenir prov. revenir, réparer, par ex. revenir sa perda
Choix
IV, 68.

Sonare sonner, faire sonner : ital. suonare il violino ; esp.
sonar instrumentos ; pr. sonar la campana, sonar flaustel ;
fr. sonner les cloches.

Sortir fr. a aussi le sens de faire sortir : on l'a sorti d'une
affaire
.

Tornare ital. revenir, tornare una cosa ramener, rendre ;
de même esp. port. prov. tornar avec l'accusatif.

Tumbar esp. tomber, tumbar una cosa renverser ; de même
avec l'accusatif port. pr. tombar, v.fr. tumber LR. IV, 371.

5. Plusieurs verbes, pour animer ou renforcer l'expression,
se font quelquefois accompagner par un substantif du même
radical
à l'accusatif, qui reste rarement seul : il s'unit d'ordinaire
à un attribut qui donne à l'idée du substantif, déjà contenue
dans le verbe, et par conséquent pléonastique, une application
déterminée. On peut avoir aussi un accusatif non pléonastique et
plus semblable à un vrai régime, qui désigne un objet pris en dehors
de l'attribut : car il y a une différence entre hic gaudet mea
gaudia
(Térence, Andr. 5, 5, 8) et summum gaudium gaudet.
De cette manière aussi des verbes intransitifs peuvent être construits
comme s'ils étaient transitifs. Ce procédé convient surtout
au style poétique, et toutes les langues paraissent en faire usage.
Ex. gr. βουλὴν βουλεύειν, κίνδυνον κινδυνεύειν, μάχην μάχεσθαι,
μέριμναν μεριμνᾷν, πόλεμον πολεμεῖν, φόβον φοβεῖσθαι ; lat. jurare
jusjurandum, ludere ludum, nocere noxam, pugnare
pugnam, ridere risum, servire servitutem, somniare somnium
vivere vitam, vovere vota
 ; b.lat. jussionem jubere
Cap. Car. Calv
. tit. 45, 4, certamen certare HL. I, 29
(ann. 795) ; m.h.all. dienst dienen, rât râten, slâf slâfen,
spil spiln, sprunc springen, strît strîten, uop üeben
 ; cette
expression est tout-à-fait familière aussi à l'allemand moderne.
Ex. romans. Ital. cavalcare un cavallo Dec. 2, 9, esp.
106cabalgar un caballo Alx. 619, prov. cavalcar un cavall
LR
., v.fr. chevalchier un cheval Rou II, 567, un destrier,
une anesse Ren
. I, p. 8, val. cęlęrì un cal, b.lat. caballum
caballicare L. Sal
. Esp. calzar un calzar S Rom. 108,
pr. cauzar las cauzas GO. 59. Esp. caminar largo camino
S. Prov. 38. Esp. cazar la caza SRom. 244. Esp. contar
un cuento, v.fr. conter un conte. Prov. cornar lo corn Jfr.
160b, v.fr. corner le cor Brut II, p. 67. Prov. cridar grans
critz GA
. 699, v.fr. crier son cri Gar. II, 110. Prov. cujar
un cug (le cug qu'ieu cugiei Guill. de S. Leid Ms.). Esp.
cursar un curso. Esp. demandar demandas Apol. 503.
It. giucare un giuoco, fr. jouer un jeu. Prov. jauzir lo joy
Choix
V, 117, II, 222. Esp. llagar llagas Rz. 1039. V.fr.
munter le munt LRs. 30, Ch. d'Ant. I, p. 51. Esp. morir
gloriosa muerte, morir mil muertes etc., aussi dans d'autres
langues. Esp. pedir un pedido Alx. 1462. Esp. perder una
perdida Flor
. I, 245a, port.perder huma perda R. Men.
c. 6, GVic. I, 272, v.fr. perdre grant perte Eracl. 3281.
Ital. sognare de' sogni, esp. soñar un sueño, prov. somjar
un somje
. Prov. sudar sudor Pass. de J. C. 32. V.franç.
tourner un tour (faire un voyage) TCant. p. 99. Esp. valer
grant valor PC. 2559. Esp. venir una venida (la venida
que yo vengo S Rom.
6). Esp. vestir un vestido ibid. 108.
Ital. vivere una vita tranquilla, esp. vivir vida lazdrada
Bc. Mill. 177, port.viver vida folgada etc. — L'identité du
radical n'est même pas nécessaire, l'analogie des idées suffit.
Un exemple latin est edormiscere unum somnum Plaute,
Amph. 2, 2, 65, ital. dormire un breve sonno, esp. dormir
sueño seguro
, port.dormir doce somno ; de même prov.
ferir grans colps Choix IV, 214 ; ital. pianger lagrime,
esp. llorar lagrimas, fr. pleurer des larmes ; v.fr. ne tinter
un mot TCant. p. 23 ; fr.mod. ne sonner mot ; puis it. camminare
assai viaggio, v.fr. errer le dreit chemin (voyager
dans le bon chemin) TCant. 33, de là au passif chemins esrez
(parcourus) Rou II, 25 ; franç.mod. aller son chemin, et
beaucoup de phrases analogues à celles que nous avons mentionnées
au § 2 à propos du verbe aller. Camoëns a dit pléonastiquement
que medos não temia 3, 63 ; et Dante poétiquement
arrisemi un cenno (elle me fit signe en souriant) Par. 15, 71 ;
Calderon rayos brilla el sol (le soleil lance des rayons) I,
21a etc. Dans les formules aetatem vivere, hiemem dormire
l'accusatif semble se comporter comme un attribut, mais la
107preuve qu'on le considérait ici aussi comme un régime est donnée
par la tournure latine vivitur aetas, dormitur hiems, et par la
présence du pronom personnel dans les locutions espagnoles
analogues : aquella noche no la durmieran Nov. 9, dormidla
(dormez-la, la nuit) SRom. 242 ; port.as noites mal
as dormia R. Egl. 4 ; esp. los dias no los vivo CGen. 263.
Vincere bellum est aussi roman : it. par ex. vincer la punga
Inf
. 9, 7, vincere la guerra Dec. 5, 2, esp. vencer la lid, la
batalla
Bc. Mil. 198, prov. venser batalhas Choix IV, 276,
v.fr. vencre la bataille Rol.. p. 111, vaincre l'estor Gar. I,
76.

6. Le double accusatif, de la personne et de l'objet, qui
s'applique avec les verbes qui signifient « enseigner, cacher,
demander (docere, celare, poscere, rogare etc.) » ne s'est pas
maintenu dans les langues filles, qui mettent la personne au datif
et l'objet à l'accusatif (voy. le Datif) 144. Au contraire, le double
accusatif du régime et d'un attribut qui s'y rapporte est resté
usité avec différents verbes, bien qu'il soit troublé dans certains
cas par l'application des prépositions pro et ad, comme en allemand
par für et zu ; le plus ancien moyen âge fournit déjà des
exemples de ce procédé (voy. le chap. suivant). Il n'est pas
indifférent pour cette construction que l'attribut soit un substantif
ou un adjectif. Exemples de verbes de ce genre : 1) Faire se
construit partout avec l'accusatif sans préposition. Les verbes
qui le remplacent sont nombreux. Facere : ital. lo fe' di
Babilonia soldano
Bocc. ; altri idol si faccia un dolce
sguardo Ger
. 4, 17 ; esp. el amor hace al pastor palaciego ;
hacia la lanza pedazos
 ; fr. il le fit chevalier-, val. te au
fęcut preot
(il t'a fait prêtre) ; śtiintzele fac pre om pretzuit
(les sciences rendent l'homme estimable). Les langues germaniques
demandent ici la préposition, même dans la période la plus
ancienne (goth. du, v.h.all. zi), mais non pas le grec moderne :
ὁ βασιλεὺς τὸν ἔκαμε γενεράλην (le roi l'a fait général). Reddere
avec un adjectif : it. il chiaro umor il seno adorno rende Ger.
4, 76 ; fr. cette action l'a rendu odieux (non pas l'a fait,
comme dit encore Corneille). L'espagnol, qui donne à rendir
un autre sens, se sert de hacer : hace lo amargo sabroso. Reducere :
108ital. ridurrò questo lavoro perfetto Orl. 3, 4. Volvere
et tornare équivalent en roman à facere ou reddere : esp.
volver mora á una (en faire une maure) Nov. 2 ; port.divino
tornára hum corpo humano Lus
. 1, 22 ; prov. torna brau
debonaire
(rend doux l'impétueux) Choix V, 25. Sacar et
traer en espagnol : te puedo sacar musico (te rendre musicien)
Nov. 7 ; deseamos que nos saques verdaderos (que tu
confirmes notre témoignage) DQuioc. 1, 11 ; esta fama traia
deseoso á D. Juan
(rendait désireux) Nov. 10 ; port.o cheiro
traz perdido e a côr murchada
(l'odeur est perdue et la
couleur détruite) Lus. 3, 134. Certaines langues germaniques
appliquent de même le synonyme bringen : goth. frijans izvis
briggith
(rendez-vous libres) ; m.h.all. undertânic bringen ;
angl. he brought us acquainted (voy. Grimm IV, 624). —
2) Laisser avec un adjectif : il n'est pas nécessaire de citer des
exemples de cette construction. Avec un substantif : ital. lo
lasciò erede
 ; esp. le dexó huerfano ; prov. no vos grupirai
orfes Év. de Jean
éd. Hofm. ; fr. il le laissa maître de telle
chose
 ; comp. m.h.all. die muozen mich maget lâzen. —
3) Voir avec adj. ou subst. : ital. la vedo bella ; lo vedo
maestro del giuoco
 ; esp. la ví deidad (je vis une déesse en elle) ;
port.vi tudo escuridão (je ne vis autre chose que ténèbres) ;
fr. on le voit bon fils. Entendre avec l'accusatif est plus rare,
ainsi prov. vos aug castiador Choix III, 381. Mais trouver
et savoir prennent volontiers ce cas : it. lo trovo gran poeta ;
esp. todo hallareys verdad S Rom. 81 ; prov. lo sap nualhos
Choix
IV, 67 ; fr. je le sais bon homme. Connaître prend
volontiers une préposition : it. lo conosco per buon uomo ; esp.
le conozco por buen hombre ; pr. los a messongiers conoguts
Choix
II ; 147 ; v.fr. Osmont congnust li reis à félon Rou
I, p. 154 ; fr.mod. je le connais pour bon homme. Nommer,
montrer
avec l'accusatif sans préposition, par ex. ital. io mi
chiamo Federico ; questa cosa lo mostrava cavaliero
egregio
etc. A ces mots se rattache le prov. traire (citer) :
puesc en traire lo vers auctor (je puis produire la chanson
comme témoin) Choix V, 116, comp. III, 97. Les anciens
dialectes de la France favorisent ici le nominatif de l'attribut
comme avec facere, voy. p. 89 : clamet se dolens, chaitius
pechaire GRoss
. 6471 ; se claime chetis Gar. I, 266 ; Aude
m'apellent GVian
. 1791 (l'accusatif est presque toujours Audain).
Le même fait se produit aussi avec nomen habere : nun
(nomen) auret Euuruins SLég. 10, 2 ; Guenes oth num ibid.
10930, 1 ; reys joves aviatz nom agut LRom. IV, 320 ; si ot
non li cuens Pavien
, voy. plus haut p. 29 note ; b.lat. Ismaracdus
habeo nomen S. Euphros
. éd. Boucherie. Cf. en
allemand Grimm IV, 591. 622. — 4) Croire et quelques verbes
d'un sens analogue s'emploient soit avec l'accusatif, soit avec une
préposition : ital. lo credo, lo giudico, lo reputo gran poeta ;
lo reputo per santo ; ella si tenne morta ; io non lo stimo un
fico
 ; esp. reputóle muy sabio, por muy sabio ; lo juzgo
por loco ; tengo esta cosa por milagro ; fr. je le crois,
je le répute homme d'honneur ; je le tiens honnête homme
,
pour honnête homme ; j'estime ce livre deux écus ; mais en
v.français on trouve tenir à bon, à corteis, à riche, par ex.
Rou I, p. 169. 120, Fl. Bl. 1349 ; les tienent à frères
(pour frères) G. d'Angl. p. 72. — 5) Avoir avec un substantif
demande pro : ital. avere una per moglie, fr. avoir pour
femme. La suppression de la préposition est plus rare, par ex.
esp. hyo las he fijas (je les ai pour filles) PC. 3315. — 6)
Nommer, choisir et des analogues se construisent surtout avec
l'accusatif : it. lo pronunciarono e dichiarirono gonfaloniere ;
lo elessero re et a re ; fu confermato re de Romani ; fecesi
incoronare imperadore
 ; esp. le declararon y coronaron
rey ; escogióle
por hijo ; prov. lo elegron rey, lo coronaron
emperador
 ; franç. il le nomma son successeur ; on l'a
choisi
pour chef ; v.fr. se faire clamer roi Ren. III, 258 ;
enuindre qqun rei et à rei LRs. 53. 55 ; adouber qqun
chevalier
(souvent) ; val. el à denumit de capitan.

7. Dans les cas dont il a été question aux § 2 et 5, l'accusatif,
bien qu'on ne puisse pas admettre, logiquement parlant, une
action de la part du sujet, est cependant grammaticalement régime
et se laisse, en conséquence, convertir en un sujet passif : car rien
n'empêche de dire egli fu riso da tutti, la strada fu corsa,
un giuoco fu giucato
, bien qu'il y ait plusieurs cas où cette conversion
semblerait forcée. Mais l'accusatif joue un rôle important
quand il n'exprime pas le régime et qu'il ne fait que déterminer
l'attribut
 : il prend alors une signification adverbiale et peut
ainsi dépendre aussi d'adjectifs. Ce fait se produit dans plusieurs
cas. 1) Avec les intransitifs coûter et valoir : ital. questa cosa
costa la vita ; non vale un lupino
 ; fr. cela vous coûte la
vie ; cette étoffe valait dix francs
 ; v.fr. acata mil besans
Eracl.v
. 690. Puis avec les transitifs acheter, vendre, payer,
lorsqu'on ajoute l'expression du prix ou de la valeur : ital.
vendere una cosa mille lire ; gli occhi tuoi pagheran ogni
110stilla un mar di pianto
(chaque goutte par une mer de larmes)
Ger. 12, 59 ; prov. Josep trenta deniers vendero Leys III,
250 ; v.fr. que Judas trente deniers vendi SGraal 34 ; fu
vint e quatre souz venduz
Ben. II, p. 70 ; fr.mod. je l'ai
acheté trois écus ; il me l'a vendu cinquante pistoles ; je
le paye argent comptant
 ; aussi je joue un franc. Peut-être
cet accusatif, que l'espagnol et le portugais remplacent par por,
l'italien et le français aussi bien par per, par, le valaque par cu,
doit-il son existence à une ellipse commode de cette préposition,
semblable à celle qui s'effectue par ex. avec les noms de rues (fr.
je demeure rue Montmartre) et en valaque aussi avec les noms
de villes (Alexandrielu se nascù Pela murì Vavylona val. du
sud). — 2) Les déterminations de temps, aussi bien un moment
précis qu'une étendue de temps, sont exprimées également au
moyen de l'accusatif : ital. egli venne il giorno seguente (postero
die
) ; rivenne la sera (vespere) ; visse trent'anni (triginta
annos, annis
) et de même dans d'autres dialectes, par ex. val.
śedeà a casę ierna (hieme tenere se domi) ; comp. Prép.
ad et in. — 3) Les adjectifs qui indiquent une étendue dans
l'espace
mettent à l'accusatif le mot qui les précise : ital. un
fosso largo tre piedi
(fossa tres pedes lata) ; grosso quatro
dita ; alto cinque piedi ; lontano di qui sei miglia
 ; franç.
long de trois pieds, et de même en val. : lung de, lat de etc.
Immédiatement après un verbe : it. scostarsi un piede (pedem
discedere
) ; esp. torcer un punto ; pr. se partir un dorn Choix
III, 73 ; fr. reculer un pied, d'un pied. — 4) Un substantif
réuni à un adjectif pour exprimer la qualité et le mode d'une
activité peut être mis à l'accusatif absolu qui en ce cas répond
à l'ablatif latin. Ital. nudo ciascuno il piè calca il sentiero
Ger
. 3, 7 ; Isabella non ben asciutta ancor l'umida guancia
etc. Orl. 23, 69. Esp. vino la cabeza nuda (venit nudo
capite
) ; yo quedé llena de turbacion el alma ; port.árvore
secca vou correndo
(avec les mâts secs de voiles). Prov. venc
los sautz menutz
(à petits sauts) GRoss. ; s'en levon boca
dejuna
(à jeun) ; v.fr. pleine sa hanste l'abat mort de la sele
Rol.
. 101 ; Ogier chiere hardie (à la mine hardie) Gaufr.
315 ; son fis chiere membrée 313, mais aussi avec la préposition :
Gaufrey à la chiere membrée ibid. 315 ; fr.mod. il
s'est retiré les mains vides ;il vint le regard farouche
le cœur gros de soupirs ; il vint les bras nus
 ; en allemand
avec quelques adjectifs : er stand da den Mund offen, die
Taschen leer
. L'adjectif est attributif, aussi ne peut-il se placer
111entre l'article et le substantif. Les participes passés sont aussi
traités de la même manière. Esp. recibir abiertos amos los
brazos ; la su seña alzada ; las lorigas vestidas é cintas
las espadas PC ; andó perdido el tino
GVic. Prov. huelhs
ubertz es dormens Choix
III, 390 ; venc ves el lansa baisada
Jfr
. 67b ; lo fre abandonat Fer. 3712 ; lor senheiras
levadas GA
. 292 ; v.fr. extrêmement souvent : le col bessié ;
bras estendus ; escus troés ; estriers perdus ; espée traite ;
le heaume lacié ; chaussiés les espérons ; goule baée
(uns
granz leus gole baée familleus se fiert entre ses flos Rom.

éd. B. p. 118) ; fr.mod. les yeux égarés etc. ; all. das Haupt
geneigt
. On ajoute souvent la préposition cum pour exprimer
la circonstance accessoire, et c'est là le procédé le plus usité
en italien : venne con la test'alta ; con piene le pugna ;
colle piante asciutte ; coi piè rossi ; col viso mesto ; col
pugno chiuso ; col piè mezzo arso
. Esp. con los brazos
abiertos ; con el cabello desparcido
. Les deux procédés sont
mêlés dans le prov. mas juntas ab cap cle Choix III, 60.
Comparez plus bas la préposition ad, § 8, 3. En v.français le
mode d'une action (du moins avec les verbes qui expriment un
mouvement) est aussi rendu par l'accusatif d'un substantif non
accompagné d'un adjectif attributif. Après avoir dit venir les
sauz menus
, on a fini par dire aussi aler, venir les sauz, les
galos, les grans galos, le trot, le cors, tot le troton ; chevaucher
ambleure et troton Sax
. I, 39, et en fr.mod. encore
aller le galop (au galop) etc. Enfin la détermination du lieu
qu'occupe l'idée principale est exprimée de même par un substantif
accompagné d'une préposition. Esp. estaba la espada
en la mano, el pié en el estribo
 ; port.os giolhos no chão.
Prov. l'escut al col ; v.fr. lances el puing ; heaume el chief ;
sa main à la maissele
 ; fr.mod. les sanglots à la bouche ;
la main à la joue
 ; all. das Schwert in der Hand, mais on
ne dirait pas en latin stabat ensem in manu. Ce serait méconnaître
le génie de la langue que d'admettre une ellipse du participe
ou du gérondif de habere dans les cas où la préposition cum est
sous-entendue, bien qu'on trouve çà et là des exemples de l'emploi
de ce participe ; une telle explication est tout au plus tolérable
dans l'enseignement pratique. — 5) L'accusatif qu'on est habitué
à appeler l'accusatif grec (καλὸς τὰ ὄμματα ; humeros deo
similis ; membra sub arbuto stratus
) est étranger au roman
de même qu'à l'allemand, mais d'anciens poètes italiens déjà ne
craignent pas d'en faire usage ; nous ne décidons pas la question
112de savoir s'il faut le considérer ici comme une locution empruntée
au latin classique. Ex. una donna lo cor cangiata (c'est-à-dire
mutata di core) PPS. I, 201 ; voi bionda, occhi gioconda
236 ; una fenice ambedue l'ale di porpora vestita P. Cz.
24, 5 ; quella di doppia pietate ornata il ciglio Son. 244 ;
l'anime sante, dipinte di pietade il viso pio Orl. 14, 74 ;
vergine bianca il bel volto (παρθένος λευκὴ τὸ καλὸν πρόσωπον)
Ger. 12, 22. On pourrait même considérer à ce point de vue les
exemples du Tasse et de l'Arioste cités sous le n° 4. Toute
tentative d'expliquer cette expression par le gérondif avendo
échouerait. Elle est plus rare chez les poètes espagnols ; on la
trouve par ex. dans Luis de Léon : de nieve florida la cabeza
coronado el buen pastor
.

8. Dans les exclamations, avec ou sans interjection, le latin
met la personne ou l'objet à l'accusatif, sans que ce cas dépende
de rien : vae te ! oh me miserum ! lepidum te ! faciem
pulcram !
L'italien dit de même : ahimè ! ohimè ! oi se ! Bocc. ;
oh meschina me ! dolente me ! lasso me ! beato me ! felice
te ! benedetta lei ! lassa la mia vita ! oh nostra folle mente !
oimè il bel viso !
m.h.all. ach mich ! ach mîner nôt ! angl.
ah me ! ah poor me ! gr.mod. ὦ τὸν ἀνόητον ! Autre chose est
l'emploi du vocatif dans les phrases comme ahi, giustizia di dio !
ahi, bella libertà !
D'autres dialectes présentent des traces de
l'accusatif dans certaines formules, comme esp. ay me ! v.fr.
hai mi ! En dehors de ces cas on ne peut reconnaître que
le nominatif : ainsi esp. dichoso yo ! desdichado tú ! port.
oh cego eu ! Lus. 7, 78. On remplace habituellement cet accusatif
en accompagnant l'objet de l'exclamation, d'ordinaire un
pronom personnel, de la préposition de, qui répond ici au génitif
d'autres langues (gr. οἶμοι τῶν κακῶν ! m.h.all. ach mines lîbes !).
Esp. ay de mí ! ay desdichado de mí ! ay pecador de mí !
ay sin ventura de mí ! dichoso de tí ! desdichada de aquella !

port.goay de mym ! CGer. II, 129 ; ay de mim ! coitado de
mim ! desconsolado de ti !
Prov. oy dieus, de l'alba ! tan
tost ve !
(hélas, que l'aube apparaît vite !) II, 236 ; ai dieus,
dis lo rei, santz esperit, de Jaufre, con a ben servit ! Jfr
.
123a ; v.fr. filz Alexis, de ta dolenta medra ! Ch. d'Alex.
80 (d'après la remarque de Gessner). Val. fericit de tine !
(te felicem !). En italien le datif est parfois usité en ce cas :
ahi cattivello a te ! ahi lasso a me ! Dec. 10, 3. Le français
moderne indique la personne au moyen d'un complément relatif
avec que et dit : malheureux que je suis ! (arch. malheureux
113moi
) ; fou que tu es ! expression qui est connue aussi d'autres
langues : ital. pazzo che tu sei ! esp. traydores que sois !
val. nebuni ce sųntem noi ! (fous que nous sommes !) Si la
personne est suffisamment désignée, le pronom peut aussi être
laissé de côté dans tous les dialectes, surtout en espagnol : que
he hecho ? ayperdida !
fr. malheureuse ! (me miseram !).

3. Datif.

Le datif fléchi de l'ancienne langue est remplacé dans la nouvelle
par une périphrase composée du nom au cas oblique précédé
de la particule ad : dare ad uno, donner à quelqu'un revient
exactement, pour le sens, à dare alicui. Cette expression apparaît
souvent déjà dans le plus ancien bas latin 145. La syntaxe de ce cas
pourrait être exposée avec la plus grande précision, n'était que
ad a conservé en même temps sa valeur comme préposition.
Car de même qu'on dit dare ad uno, on dit tout aussi bien
accorrere ad uno = accurrere ad aliquem, en sorte que le
point de séparation entre ad particule casuelle et ad préposition
est difficile à fixer. Même en se mettant au point de vue du
latin, la distinction des deux fonctions de ce mot ne pourrait être
menée à bonne fin, car beaucoup de verbes de cette langue
peuvent se construire, bien qu'il en résulte quelquefois une
certaine différence de sens, avec ad en même temps qu'avec
le datif. On dit ainsi scribere ad aliquem et alicui, et ces
deux constructions se fondent dans l'it. scrivere ad uno. Pour
nous tirer d'embarras nous avons un moyen qui semble se prêter
114à la détermination de la particule ad : les nouvelles langues
possèdent encore un datif non prépositionnel dans les formes conjonctives
du pronom ille ; ainsi donc dans les cas où les formes
absolues du pronom peuvent être converties en formes conjonctives,
nous nous trouvons en présence d'un véritable datif, pour
le sens au moins, même là où la syntaxe latine n'admettrait pas
ce cas ; mais lorsque cette conversion ne peut pas être effectuée,
ad est préposition. On rangerait par ex. fr. enseigner à qqn
dans la première catégorie, parce qu'on peut dire je lui enseigne,
de même répondre à qqn (je te réponds), fier qqch. à qqn
(je te fie qqch.) ; dans la seconde songer à qqn (je songe à
lui
et non pas je lui songe), penser à qqn (je pense à lui
et non pas je lui pense), courir à qqn (non pas je lui cours).
De ce qu'on ne dit pas je lui songe, mais bien je lui réponds,
il ressort évidemment que dans le premier exemple la personne
n'est pas considérée comme étant dans le rapport du datif. Cette
épreuve par le pronom personnel n'est pas applicable aux objets,
mais le datif ne s'emploie guère pour les objets. Des écrivains
italiens se permettent aussi quelquefois d'échanger le cas prépositionnel
contre le cas pur : pour corse a lui par ex., ils disent
gli corse Orl. 23, 10, au lieu de si volge a lui de même gli
si volge
, Costa al Purg. 30. Une preuve de la rigueur avec
laquelle on a en général séparé l'expression du datif de l'expression
simplement prépositionnelle se trouve dans l'emploi du fr. y
(p. 50), qui ne peut représenter que cette dernière expression.
Dans beaucoup de locutions ad est décidément rebelle au sens
prépositionnel et doit être regardé comme le représentant immédiat
de l'ancien datif, ainsi franç. étranger à une chose d'après
alienus alicui rei, mais ital. alieno da d'après alienus ab.
— Le valaque est la seule langue qui distingue le datif par la
flexion, c'est-à-dire au moyen de l'article fléchi (t. II, p. 48),
par ex. credetzi preceptorului (credite praeceptori) ;
supune legilor
(se subjicit legibus) ; scumpul altora adunę
avutzii, nu śie
(avarus aliis congregat divitias, non sibi) ;
ascult lui Géorgie (ausculto Georgio) ; laudę lui dumnezeu
(laus deo). Mais si l'on veut insister on recourt souvent aussi
à la préposition la (= ad) : scriu la tatę meu (scribo ad
patrem
) ; dau la totzi (do omnibus) ; place la totzi (placet
omnibus
) ; cette langue se rapproche donc par là de l'usage
roman. Dans le valaque du sud une seule et même forme suffit à
l'expression du génitif et du datif, et cette forme est assurément
celle du dernier cas : on dit par ex. truplu este instrumentu
115a sufletlui
(corpus instrumentum est animae) ; hiljlu unzeaśte
aparintelui
(filius similis est patri).

Avant d'examiner les différentes constructions du datif, nous
avons à tenir compte d'un procédé important propre aux anciens
dialectes de la France. Ici en effet chaque substantif personnel
ou pronom personnel, même dans la première déclinaison qui
distingue à peine le cas, peut se passer après n'importe quel
verbe de la marque caractéristique du datif, bien qu'il soit plus
dans l'usage de la mettre. Exemples. Pr. donc venc (a) Boeci
tan gran dolors al cor Bth.
41, comp. 67 ; si alcuna chausa
querrez lo paer
(al paire) Év. de Jean éd. Hofm. ; quan
quer merce
(a) mi dons Choix III, 61 ; portai chan leugier
(a) N'Agout III, 287 ; (a) mon Aziman m'anaras dir 145 ;
(a) mon Conort dei grat saber 71 ; (a) l'autr'estrenh la man
(à l'autre elle serre la main) II, 200. Franç. déjà dans les
Serments : (à) çist meon fradre Karle in damno sit et que
(à) son fradre Karlo jurat ; colper le chief (à) Siba LRs
200 ; la bêle que j'avoie promise (à) Berart Sax. I, 28 ; une
epistle enveia
(à) S. Thomas TCant. p. 70 ; cilz a donné
le chastelain un cop
(au ch.) Ccy. 1692 ; (à) son filg baisa
la bouche RCam
. 39 ; un secours ne font (à) dieu Thib.
133 ; (à) vostre amic foi portés Parton. I, p. 65. Ce procédé
s'applique aussi aux objets personnifiés : () saint' iglise
laissiez tutes ses franchetez TCant.
69 ; foy que devés (à)
la vraie crois Ccy. 2574 ; dans la Ch. de Rol.. p. 76 aussi
li nums Joiuse (à) l'espée fut dunet. Ce datif dépourvu de sa
caractéristique se perpétue jusque dans la seconde moitié du
XIVe siècle (vaz tost [à] mon seneschal dire TFr. 494), mais
à cette époque il devient rare et se perd dès lors peu à peu.
On ne doit pas méconnaître que c'est en compagnie d'un accusatif
de l'objet qu'il est surtout employé, circonstance qui lui
permet d'être reconnu sans aucune difficulté. En général les
dialectes du nord-ouest laissent volontiers de côté la particule
casuelle lorsque le rapport du nom dépendant est déterminé par
le sens de la phrase ; nous trouverons un second exemple de
cette pratique avec le génitif. Il est possible que ce trait soit
ancien et qu'il ait été d'abord commun à d'autres dialectes
romans : en effet la particule casuelle dans la langue populaire
ne pouvait avoir d'autre but à l'origine que d'étayer le nom privé
de flexion, quand le besoin s'en faisait sentir, et non de traduire
avec une rigueur grammaticale l'ancienne forme par la forme
nouvelle. Le même sentiment pour la signification de la particule
116casuelle se reconnaît aussi dans le grec moderne, où la suppression
de εἰς, qui représente le datif, tant qu'elle ne porte pas préjudice
au sens, est traditionnelle, par ex. λέγω τὸν φίλον pour εἰς τὸν
φίλον ; εἶπα τὸν Γεώργιον ; ἔδωσα τὸν ἀδελφόν σας τὸ γράμμα. On
peut aussi rappeler un usage analogue de l'anglais, en vertu
duquel to, après des verbes de divers genres, qu'il s'agisse de
personnes ou d'objets, peut être laissé de côté, voy. par ex.
Wagner, Gramm. § 580.

1. Intransitifs avec le datif de la personne. Ce sont des verbes
qui signifient « être disposé, être d'accord, obéir, appartenir, faire
attention, aider, prendre soin, plaire, paraître, s'approcher. »
Parmi eux se trouvent quelques transitifs qui deviennent intransitifs
lorsqu'ils prennent certains sens déterminés. Les cas qui
donnent lieu à quelques remarques sont à peu près les suivants.

Abundare d'où prov. aondar (aider) : aonda a nos GO.
18a ; a totz soccor' et aon Choix IV, 48 ; aussi dans le sens
primitif, voy. LR. Sur le synonyme adjutare comp. p. 93
s. v.

Accudire ital. (s'appliquer), par ex. a fatti suoi ; esp. acudir
(secourir) á una plaza.

Aggradire ital. ad uno, esp. agradar á uno, fr. agréer à
qqun
(plaire) ; d'autre part ital. aggradire, esp. agradecer
una cosa
, fr. agréer une chose (accepter).

Applaudere alicui : it. applaudire ad uno, esp. aplaudir
á alguno
, fr. applaudir à qqun. Mais aussi avec l'accusatif de
l'objet ou de la personne.

Badare ad uno ital. (prendre garde) ; prov. badar ad una
ren
(regarder bouche béante) ; v.fr. béer, par ex. à honor,
qui s'est conservé dans certaines phrases du franç.mod. comme
bayer aux corneilles.

Condescendere alicui (déférer) dans le plus ancien b.latin :
ital. condescendere alle preghiere ; esp. condescender á los
ruegos
 ; prov. condeissendre a sa volontat ; franç. condescendre
aux besoins
. Voy. sur ce verbe Quicherat Addenda.

Derogare est maintenant intransitif : it. derogare a' diritti
suoi
 ; fr. déroger à son contrat.

Gridare ital. ad uno, fr. crier à qqun (clamare alicui) ;
prov. mon paire me crida LR. — De même ital. garrire ad
uno
(injurier).

Insultare aliquem, alicui : fr. insulter qqun, à qqun ;
dans les autres langues avec l'accusatif.

Invidere alicui n'est resté qu'en italien, et seulement comme
117latinisme : al mio stato invidendo Orl. 5, 7. Comp. plus haut
p. 98.

Mancare al dovere ital. (manquer à son devoir) ; fr. manquer
au respect
, mais manquer le chemin.

Mentiri hominibus : it. mentire agli uomini ; esp. mentir
á los hombres
 ; fr. mentir aux hommes.

Obedire alicui : ital. ubbidire a natura et de même, avec le
datif, esp. port.obedecer, fr. obéir ; prov. obezir als enemicx
Leys
III, 188, comp. II, 14. Cependant l'accusatif est usité
aussi, sauf en français : ital. ubbidire il marito ; esp. obedecer
su mandado Alx
. 763 ; non quiso obedescer los mandamientos
Cast. de D. Sancho
226b ; port.o rei he obedecido
(passif) Lus. 2, 185 ; prov. lo saup acullir et obesir Flam.
40, comp. PO. 116. 215 ; v.fr. que je veuil obéir Ch. d'Orl.
174 ; b.lat. obedire praecepta dans des chartes. — Obtemperare,
vieilli en roman, a son régime au datif, en b.latin on le
construisait aussi avec l'accusatif : obtemperat jussionem
Form
. M. 1, 32 (souvent).

Obviare rei (venir au devant, détourner) : ital. esp., avec le
datif et l'accusatif : ovviare agli assalitori ; ovviare i mali ;
esp. obviar (a) una dificultad ; franç., avec le datif, obvier
à un malheur
 ; de même prov. obviar a la malissa LR. ;
b.lat., le plus souvent avec l'accusatif, voy. Funccius De inerti
lat. ling. senect
. 732.

Parcere alicui. Le v.ital. parcere se construit également
avec le datif : ch'a se medesimo parca Par. 23, 69 ; v.esp.
parcir no li quiso Bc. Mill. 391 ; prov. parcer avec l'accusatif
Choix III, 358, M. 95. Les synonymes it. sparmiare, risparmiare,
fr. épargner et ménager demandent l'accusatif.

Parlare ital. ad et con uno ; fr. parler à et avec qqun ;
esp. hablar á et con alguno.

Prehendere. Il faut remarquer le fr. prendre, qui met la
personne au datif lorsque le sujet exprime une douleur physique
ou une émotion : la fièvre lui a pris (aussi l'a pris) ; il lui
prit un dégoût
 ; déjà v.fr. li prent une frissons Gar. I, 86 ;
il liprist tel dolor PDuch. 110 ; talent li prist LRs. 320.
Cette expression semble se rattacher à l'impersonnel il lui prend
mal
ou bien. On dit aussi en italien gli prese la febbre.

Providere avec l'accusatif et le datif, en latin et en roman
(provedere, proveer, pourvoir).

Regere : it. reggere (résister) : ai colpi lor non reggerian
gl'incudi Orl
. 1, 17.118

Satisfacere (satisfaire à) avec le datif, en général de l'objet :
ital. soddisfare ad una domanda, al placer suo, a tutti ;
esp. satisfacer á su oficio ; prov. satisfar al pople ; franç.
satisfaire aux lois. Dans le sens de « contenter, satisfaire », il
devient transitif : on dit it. lo soddisfeci (je l'ai contenté, payé) ;
esp. quiero satisfacer su enojo (calmer) ; fr. satisfaire son
maître, sa passion, ses créanciers
.

Supplere en roman, dans le sens de suppléer, prend le datif :
ital. supplire ai bisogni, al difetto ; esp. suplir á las necesidades ;
fr. la valeur supplée au nombre. — A ce verbe se
rattache aussi ital. riparare ai besogni Orl. 13, 34.

Vacare rei : ital. vacare alle orazioni ; esp. vacar á los
estudios
 ; fr. vaquer à ses affaires.

Les impersonnels se construisent presque sans exception
avec le datif de la personne qui est atteinte par un événement
ou qui éprouve une sensation, alors que le verbe personnel
correspondant demande l'accusatif, par ex. ital. gli tocca, prov.
li tanh (cela le concerne), li tira (cela le contrarie), port.
lhe cumpre (cela lui est nécessaire), lhe releva (cela lui est
important), franç. il lui prend mal, il lui démange, il lui
fâche
.

2. Transitifs avec le datif de la personne qu'accompagne
ordinairement l'accusatif de l'objet. Ce sont des verbes qui signifient
« donner, prendre, envoyer, montrer, enseigner, dire, promettre,
défendre etc. » Les deux cas s'impliquent l'un l'autre si
la proposition doit être complètement énoncée. La construction
latine s'est peu modifiée ; les verbes suivants réclament particulièrement
l'attention (pour d'autres verbes voy. Accusatif § 1).

Assicurare ital., io ve lo assicuro ; esp. lo te aseguro ;
fr. je vous l'assure. Avec l'accusatif de la personne : ital. vi
assicuro di ciò
 ; esp. le aseguraba de esto ; fr. je vous en
assure
.

Celare et ses synonymes prenaient en latin l'accusatif de la
personne : ils veulent maintenant le datif : ital. il vero a te
celai
, aussi esp. pr. celar, fr. celer ; de même esp. encubrir,
fr. cacher.

Communicare aliquid cum aliquo, ital., aussi avec le datif :
io glielo ho comunicato ; comunicarono il tutto con Francesco ;
de même esp. lo comunicaba á mi hermano ; tengo
un negocio de comunicar con vos
 ; fr. je lui ai communiqué
mon intention
.

Consiliari : ital. consigliare una cosa ad uno, de même
119esp. aconsejar, pr. cosselhar, fr. conseiller. Mais l'accusatif
de la personne est usité aussi : ital. consigliare uno di qc,
fr. conseiller qqun etc. ; exemples anciens : esp. los consejaba
PC
. 441 ; prov. ieu lo vuelh cosselhar que etc. LR. I, 487 ;
fr. or conseil le rei TCant. p. 166.

Contendere et disputare, en tant qu'ils ont en roman le
sens de disputer qqch. à qqun : ital. gli contendeva la vista
di qc ; gli disputava la palma
 ; esp. le disputaba el honor ;
prov. iran el camp lo plait contendre LR. ; fr. il lui dispute
la préséance
 ; b.lat. sibi contendit una pecia de terra Form.
ital
. app.

Defendere alicui aliquid (garantir) : aestatem capellis,
a capellis
 ; ital. un monticel le difende il calor Orl. 2, 34.
La même construction est observée lorsque ce verbe a le sens,
inconnu au latin et à l'italien, de défendre, par ex. prov. non lo
y defen
 ; fr. on lui défendit le vin.

Dicere avec le datif de la personne et l'accusatif de l'objet est
employé en roman pour nominare : ital. gli diceva Guccio
(le nommait G.) Dec. 6, 10 ; vetta si dice ad una coperta di
testa
 ; esp. Androna le decien Alx. 541 ; á la mejor dicenle
Luciana
(la meilleure se nomme) Apol. 579 ; cat. a qui dien
lo comte de Barcelona
Descl. ; prov. a mon vers dirai
chanso Choix
V, 406 ; b.lat. ecclesiola, cui dicunt nomine
S. Eulaliae
Baluze Capit. II, p. 1543 (ann. 971). Comp. m.h.
allem. sô sprechents einem wuocher (le nomment ainsi), voy.
Grimm sur Reinhart p. 112.

Insegnare ital., ce verbe qui a pris la place de docere se
construit avec le datif de la personne ; gl'insegno le belle arti ;
esp. le enseñaban todo ; prov. aquo cugi ad autrui essenhar
Choix
V, 67 ; fr. enseigner la philosophie à qqun. Au sens
absolu il prend l'accusatif de la personne : ital. insegna ou
ammaestra il suo fratello ; port.ensina os filhos ; pr. essenia
so fil GO
. 115b ; fr. il enseigne la jeunesse. Comp. plus bas
l'Infinitif avec ad.

Maritare ulmos vitibus ; ital. maritare la vite all'olmo,
una figlia ad uno
 ; prov. maridar una piuzella ad un comte
LR.
 ; fr. marier la vigne à l'ormeau (mieux que avec) ; esp.
casar su hija con un hidalgo.

Merere aliquid de aliquo, en roman avec le datif de la
personne : esp. os lo merezco (je mérite cela de vous) SRom.
243 ; que vos merecí ? PC. 3270 ; port.sem que to merecesse
Lus
. 2, 39 ; lhe nam tinha merecida a morte ; prov. qual
120mal vos en mier ? Choix
IV, 152. De même prov. merir lo
ben
(rémunérer) ; dieus li o meira LR. ; v.fr. diex le vos mire
(souvent) ; vos le m'aveiz vilainement meri RCam. 91. Un
cas différent est le fr. mériter qqch. à qqun.

Perdonare, mot b.latin pour ignoscere (exemples dans DC),
avec le datif de la personne et l'accusatif de l'objet, comme dans
l'ital. iddio glielo perdoni etc. ; prov. perdonar lo deute a
alcun
(remettre) LR., perdonar lo mal talen (odium deponere)
Choix IV, 143 ; aussi v.fr. pardoner son coruz à qq.
TCant
. 165, la mort (affranchir de la mort, laisser la vie)
Dolop. p. 286. Avec l'accusatif de la personne : v.esp. los perdona
SPart
. II, p. 15 ; prov. lo perdonet Choix V, 183 ;
dieu me perdones, com fe la Magdalena B.67 ; fr., seulement
au passif, vous êtes tout pardonné.

Les verbes qui signifient prier, exiger, interroger ont
comme leurs correspondants latins l'accusatif de l'objet, mais le
datif, non pas l'accusatif, de la personne 146. Exemples. Quaerere :
ital. le cheggio sua dolce favella (je lui demande) P. Son.
120 ; esp. le queria una cosa ; que me quieres ? prov. merce
quier a mon companho Choix
IV, 83 ; quan que lhi quis
(tout ce qu'il lui demandait) GRoss. 6596 ; v.fr. un seul point
ne li quier RCam
. 83 ; un seul baisier d'amors li quier
Rom
. éd. B. p. 256 ; un conseil vos requier 43 ; li anquiert
noveles Sax
. I, 24. — Petere : esp. le pedia licencia ; port.
pilotos lhe pedia o capitão Lus. — Precari : ital. (très-rarement)
del lungo odio civil ti pregan fine P. Cz. 6, 4 ;
prov. il preia a cascu GRoss. 7236 ; lo joglar preguet al rei
que
etc. Choix V, 32 ; prec li que etc. IV, 222 ; cat. prech
a tuyt
RMunt. 37o ; v.fr. à Gilon pri qu'il en die le voir
Tnib. 116 ; la soe amor li proie Rom. éd. B. p. 168 ; je te
le proi
(je t'en prie) Ruteb. II, 135 ; fr.mod. prier qqun de
qqch
. — Rogare : esp. ella hizo lo que le rogaron ; te lo
ruego
 ; port.o rogo a deos, lhe rogo que ; v.fr. (je) ruis
congié au plus vaillant homme FC.
I, 23 ; li rueve etc.
Ruteb. I, 343 ; dans le Fragm. de Val. : rogavit deus ad un
verme
. — Supplicare en espagnol : una cosa quier o suplicar
á vuestra merced DQuix.
I, 29. — Clamare : prov. il clam
merce Choix
III, 226 ; v.fr. Longis li cria merci Lais ined.
121107, voy. plus haut p. 101. — Demandare : ital. dimando il
suo palafreno
 ; esp. vostra ayuda os demando ; pr. conseill
vos deman
 ; fr. il lui a demandé la vie ; on lui a demandé
son nom
 ; v.fr. demanda lui que il queroit Brut I, p. 299 ;
li demandai s'amour qu'el fust moie Rom. éd. B. 196. —
Percontari : esp. le preguntaba una cosa (il lui demandait
qqch.) ; port. lhe perguntava cousa alguma. — Enfin ces
verbes régissent aussi l'accusatif de la personne quand la phrase
ne contient pas de substantif neutre. D'après les Leys II, 14,
il est permis d'employer avec pregar et supplicar (comme aussi
avec obezir et servir) le datif ou l'accusatif, mais il ne faut pas
oublier que le provençal en général renonce facilement à la
marque carectéristique du datif. En v.portugais rogar se construit
avec le datif et l'accusatif : rogo a deus Trov. n. 68 ;
rogo nostro senhor n. 16. — Il va de soi que les constructions
avec le datif que nous avons observées ont aussi pénétré en
bas latin (comp. Pott, Plattlateinisch p. 324). Voici quelques
exemples : qui alteri aliquid quaerit Cap. Lud. pii (Georgisch
p. 850) ; postulavit nobis praedictus abbas HL. I,
p. 74 ; vobis et fratribus vestris petivimus Bréq. 220c (ann.
657) ; petiit celsetudini nostri ibid. 409e (ann. 716) ; petiit
pietati nostrae
Marc. 771 (ann. 834) ; petivit nobis licentiam
Form. M
. app. 12 ; petivit nobis locellum Bréq. 53a (ann.
558) ; rogo tibi, ego vobis rogo dans des mss. de la L. SaL ;
rogarunt ad illa comitissa Esp. sagr. XXXVI, p. xxxix
(ann. 1032). Supplicare avec le datif, comme dans le latin
classique, mais aussi avec l'accusatif, par ex. supplico dominationi
vestrae Form. M
. 2, 31 (souvent) ; charitati vestrae
Bréq. 191e (ann. 642) ; ad successores nostros Form. Bign. ;
dominum supplicare Bréq. 429b (ann. 721) ; supplicamus
fratres
487a (ann. 745).

On doit avant tout observer le cas suivant. Lorsque l'infinitif
d'un verbe transitif qui gouverne un régime, ou une phrase
entière équivalente au régime, se construit avec les verbes faire,
laisser, voir
et entendre, le sujet logique de l'infinitif se met
au datif. 1) Faire, facere. Ital. lo feci vedere a tutti (je le
fis voir à tous) ; lo fece portare alla fante (par la servante).
Esp. hizo verter lagrimas á muchos hombres. Prov. a tot
lo mon se fes duptar ; vos
(acc.) faitz als pros honrar.
Franç. on lui a fait souffrir de grands maux ; je lui fais
savoir que
etc. ; b.lat. hoc comitibus scire faciant Cap.
Car. Calv
. Baluze II, 66. — 2) Laisser, lasciare, dexar.
122Ital. lascia farlo a me (laisse-le-moi faire) ; non mi lascio
vincere all'ira
(par la colère). Esp. dexós le prender (se laissa
prendre par lui) PC. 3351 ; dexas llevar al viento el amor
y la fe
Garc. Egl. 1. Prov. se laissa dechazer a Richart
(par R.) Choix IV, 175 ; fr. il se laisse conduire à qqun. —
3) Voir, videre. Ital. vedo farlo a lui (je lui vois faire cela) ;
veggio trarmi ad una viva dolce calamita P. Cz. 18, 2.
Esp. vierades al redentor dar su espiritu JEnz. 14. Prov.
als us viratz vestir ausbercx Choix III, 408 ; dous semblan
quel vi far
83 ; fr. il a vu jouer ce rôle à une telle. —
4) Entendre, audire, intendere. Ital. l'udii a molti dire
(je l'ai entendu dire à beaucoup). Esp. yo le oí decir muchas
disculpas
. Prov. ieu aug dire a vos et als autres que etc.
Choix IV, 12 ; fr. je le lui ai ouï dire ; je l'ai entendu dire
à plusieurs personnes
. — Toutes ces phrases contiennent
deux verbes avec deux personnes actives, dont l'une (en qualité
de sujet) fait, laisse, voit et entend, et dont l'autre agit par
rapport au vouloir ou à la sensation de la première. Si cette
transition cesse d'opérer sur l'infinitif, la seconde personne est
mise à l'accusatif comme un régime neutre : io lo (non pas gli)
faceva legare (je le faisais lier) ; lo lascio venire (je le laisse
venir) ; lo vedo morire (je le vois mourir) ; l'odo cantare
(je l'entends chanter). Le datif dans cette construction semble
avoir été directement tiré de l'accusatif latin (id te facere
jubeo, sino, video, audio
), afin de rendre sensible la nature
personnelle de l'objet actif ; car la tendance des langues nouvelles,
comme nous avons eu l'occasion de le remarquer dans
diverses circonstances, est incontestablement de mettre la personne
au datif, surtout lorsqu'elle se rencontre avec des objets ;
et ce procédé semblait s'expliquer de lui-même par le fait que
même la particule casuelle, dans une partie du domaine, tombe
généralement (p. 116). Nous apprenons donc à connaître ici
une construction du datif avec l'infinitif qui dans ses éléments
est tout-à-fait conforme à celle de l'accusatif avec l'infinitif.
— Voici ce qu'il faut encore observer : 1) On peut aussi sousentendre
le régime de l'infinitif et mettre la seconde personne au
datif, par ex. ital. Torello non lascia rispondere al famigliare
(ne permet pas au serviteur de répondre) ; fr. laissez faire
aux dieux
. — 2) Au lieu d'employer le datif il est souvent permis
d'adjoindre à la seconde personne de ou per, en prenant l'infinitif
au sens passif : ital. lo sentiva dire dalla gente ; lo vidi
ammazzare per due assassini
. Le style moderne, surtout en
123français, a généralement beaucoup restreint la construction avec
le datif : c'est ainsi que dans le vers se laisser séduire au
premier imposteur Héracl
. 1, 1, où Corneille s'est conformé
à l'ancien usage, au doit être corrigé aujourd'hui en par le. —
3) On est tenu d'employer l'accusatif au lieu du datif lorsque le
dernier cas pourrait être regardé comme dépendant de l'infinitif :
pour audio illum cantilenam canentem, on doit dire l'odo
cantare una canzone
et ne pas employer gli, ce qui pourrait
donner à la phrase le sens de audio illi cantilenam cani.
Au reste l'accusatif est employé dans d'autres circonstances
encore.

3. Certaines idées verbales rendues par une périphrase
composée d'un verbe d'une signification générale comme avoir,
perdre, porter et d'un substantif, prennent aussi le datif de la
personne. Exemples. Ital. senza sospetto aversi (sans se
soupçonner entre eux) Orl. 1, 22 ; ti userà ingratitudine
ton égard) Mach. Disc. 1, 59 ; portare odio, amore, benivolenza
ad uno ; perdere il rispetto ad uno
. Esp. yo y
D. Antonio os teniamos compasion Nov
. 10 ; el amor que
el D. Lope la
(pour le) ténia Nov. 11 ; el mal talante que
vos avia CLuc
. 65 ; te auran embidia S Rom. 314 ; le perdisteis
el respeto ?
Cald. I, 17b. Prov. avian nos pietat GO.
139a ; merce m'aiatz Choix IV, 475 ; la voluntatz que vos li
avetz
V, 417 ; tort vos aurai III, 308 ; fai semblan que
m'aial cor fello
(à mon égard) 349 ; vos aia tan fin' amor
395 ; vos port guerentia IV, 9. Franç. (très-rarement) porter
amitié, affection, respect à qqun
 ; mais non pas vous m'avez
tort ; je vous ai envie
etc.

4. Dans d'autres constructions, usitées surtout au sud-ouest,
le datif subit à peine une influence de la part du verbe, il exprime
seulement un rapport local du régime, auquel correspond généralement
la préposition in. Ital. io mi ti voglio scusare (c.-à-d.
appresso di te) Dec. 8, 10 ; che cosa è ch'io ti veggio (in te)
3, 10 147. Esp. no le hallaron ninguna herida (en él) DQuix.
1, 5 : la cadena que V. M. debio de conocerme (en mi)
Nov. 11 ; vile un rostro de lamprea (en ella) JEnz. ; esto
les pude entender
(de ellos) Cald. I, 268a ; port.olhay se
vos sey os tyros
(em vos, si je reconnais sur vous la marque
124des coups) CGer. I, 267 ; a magestade que nesse tenro gesto
vos contemplo
(em vos) Lus. 3, 133 ; amo-lhe a doce falla
(nella, j'aime en elle la douce parole). Prov. nulh temps nol
vim bel arnes Choix
IV, 372 ; fr. on vous voit un chagrin
Corn. Cid ; je lui trouve bon visage Mol. Mal. imag. ; la
fortune qu'on lui connaissait
. Avec audire on pourrait suppléer
dans cette locution concise dicere : esp. le habia oido
las voces
(decir) Nov. 4 ; port.o nome que lhe ouvistes
(dizer) Lus. 3, 133 148.

5. Le datif remplace souvent le génitif possessif lorsque
le rapport avec un objet doit être exprimé avec une certaine
insistance, comme dans lat. in ore est omni populo. Exemples
ital. descriver fondo a tutto l'universo (pour il fondo di)
Inf. 32, 8 ; chiavar l'uscio all'orribile torre 33, 46 ; sedette
in grembo a Dido Par
. 8, 9 ; se in mano al terzo Cesare si
mira
6, 86. Les autres langues présentent souvent des exemples
analogues. — Au chapitre du génitif nous apprendrons à connaître
un datif possessif dépendant d'un substantif.

6 Les adjectifs qui expriment une tendance vers quelque chose,
comme « disposé à, prêt, proche, connu, agréable, utile, nécessaire,
conforme, propre, semblable, égal », avec leurs antithèses,
ont en latin leur régime soit au datif, soit à l'accusatif avec ad,
et ce dernier cas surtout lorsqu'ils expriment un but : carus
amicis, perniciosus hostibus, propinquus tibi, necessarius
ad victum, promptus ad pugnam, proclivis ad comitatem
 ;
plusieurs de ces adjectifs admettent les deux constructions à la
fois. Les langues nouvelles expriment aussi ce rapport au moyen
de ad, qui, pour les idées personnelles, répond généralement au
datif, pour les objets, à la préposition. Après plusieurs de ces
adjectifs le but, aussi bien l'avantage que le désavantage, est encore
désigné par pro. Exemples ital. pronto alla vendetta, vicino
al mare, a null'altro secondo, caro agli amici, amico a
queste vostre dive, fedele alla promessa, fortuna rubella
alla cristiana fede, contrario al buon ordine, nocevole a
tutti, buono allo scopo destinato, atto alla guerra, proprio
allo studio
et per lo studio, necessario alla vita, conforme
alla legge, l'un simile all'altro
. Esp. blando (á las dádivas)
cercano, notorio, odioso, contrario, agrio (al gusto),
125provechoso, conforme, semejante, igual, útil (á la patria,
para la p.
), apto et idoneo para una cosa. Franç. enclin,
indulgent
(à ses enfants, pour ses enfants), cher, fidèle,
ennemi
(à mes vœux Corn. Pomp. 4, 3), contraire, nuisible,
dangereux
(à et pour), bon, utile, propre (à, pour)
nécessaire (à, pour), conforme, commun, semblable ; mais
proche et voisin avec de. Il en est de même en valaque. Lorsqu'ils
sont unis au verbe ces adjectifs donnent un sens verbal
qui répond à celui que nous avons observé au § 1, et ils se
construisent généralement avec le datif non prépositionnel du
pronom personnel, comme ital. ciò m'è caro ; ci è nocevole ;
prov. li sui aclis ; fr. il lui est cher. Les adjectifs du suffixe
-bilis s'accommodent aussi de la construction avec ad (ital.
incredibile a molti ; esp. aborrecible á todos ; fr. impossible
à chacun
) ; enfin il en est encore de même pour les comparatifs
anterior, posterior, superior, inferior.

4. Génitif.

Le roman désigne ce cas au moyen de la préposition de, à
laquelle il en a délégué toutes les fonctions. C'est précisément
parce que la préposition, sans égard à sa valeur spéciale, a pris
dans toute son étendue le rôle de la flexion effacée, qu'il peut
être question d'un génitif, c'est-à-dire d'une expression absolue
du génitif. Il est probable qu'on a commencé par appliquer la
périphrase à la représentation de ce cas lorsqu'il a une valeur
partitive ou possessive, et pour cette périphrase la préposition de,
qui exprime un rapport qui part d'un objet, était indiquée ; c'est
ainsi que la langue populaire présente des constructions telles
que quarrada de melle (un foudre de miel), monasterium de
S. Mauritio
etc., pour en arriver peu à peu à attribuer la
même forme aux autres acceptions du génitif, et à dire homo de
viginti annis, villa de Bertiniaco
(comme oppidum Antiochiae)
desiderium de paradiso 149. Il est néanmoins incontestable
qu'on a gardé un sentiment plus vif pour la signification
du datif que pour celle du génitif, car aucune forme organique
du génitif ne s'est ni développée ni maintenue dans la déclinaison
du pronom personnel : en effet le représentant du pronom inde
(fr. en) contient lui-même la préposition de, c'est pour cela qu'il
126se prête à désigner des rapports purement prépositionnels, et
loro, véritable génitif, a été assigné à l'expression du datif.
On peut rappeler de nouveau à ce propos que le datif s'est conservé
dans les patois allemands, tandis que le génitif y a beaucoup
souffert. Mais on doit reconnaître que le génitif roman
dépendant d'un nom possède plus de la nature de ce cas dans
sa forme organique que le génitif dépendant d'un verbe. Dans
certaines locutions le premier peut s'unir au nom qui régit la
phrase sans l'aide de de, sous la forme générale du cas oblique,
dans quelques dialectes du moins, en sorte que l'ancien rapport
semble en quelque sorte restauré (prov. per dieu amor = pro
dei amore
). Le second ne peut pas se passer de la préposition :
à côté de l'ital. le cose altrui on ne trouve pas mi sovvengo
altrui
. Le latin ne fait que rarement usage du génitif dépendant
de verbes. Parmi les verbes romans dont le régime désigné par
de peut procéder de la construction primitive avec le génitif, les
plus importants sont ceux qui ont le sens de se souvenir et oublier ;
on a en outre plusieurs verbes qui renvoient à des impersonnels
latins : ital. sovvenirsi, ricordarsi, rammentarsi, dimenticarsi,
scordarsi, pentirsi, vergognarsi, infastidirsi d'una
cosa
 ; esp. acordarse arch., membrarse, olvidarse, arrepentirse,
avergonzarse, disgustarse de una cosa
 ; fr. se souvenir,
se repentir de qqch
., mais se rappeler qqch., oublier
qqch
., non pas s'oublier de qqch. Ces verbes, il est vrai, participent
à cette construction en même temps que d'autres réfléchis
qui expriment la cause de l'activité au moyen de de (voy. Prép.
de § 7), cependant le régime de ces premiers verbes semble
bien avoir une valeur plus objective. Le valaque présente pour
le génitif une double forme. Lorsqu'il n'est pas accompagné de
l'article on le désigne par de : o scafę de apę (σκάφη aquae)
nu te uità de mine (ne obliviscaris mei). Dans le cas contraire
il est représenté par le datif qui peut aussi être précédé de la
préposition a : palma mųnei (palma manus), grędina vecinului
(hortus vicini), dintele leului (dens leonis), un
duśman al pęgųnętętzii
(inimicus impietatis). — Pour
l'ablatif la nouvelle langue n'a créé aucune expression absolue,
car l'ital. da correspond au lat. ab : elle exprime les significations
de ce cas d'après son sentiment propre au moyen de
diverses prépositions. Cependant de prédomine : cette préposition
remplace généralement l'ablatif de l'instrument (floribus
ornare
, ital. adornare di fiori) et celui de la détermination
précise (manu promptus, pronto di mano) ; peut-être dans
127quelques cas l'emploi peu approprié de cette préposition (usare
de =
lat. uti, v.esp. fruir de = lat. frui) repose-t-elle sur
un échange inconscient de l'ablatif contre le génitif, car les deux
cas ont déjà bien des points de contact en latin.

1. Génitif avec le substantif. — Les rapports logiques de deux
objets grammaticalement unis, dont l'un est déterminé, l'autre
déterminatif, et dont le second revêt la forme du génitif, n'ont
besoin ni d'être énumérés ni d'être élucidés par des exemples.
Il suffit de remarquer que le génitif organique de l'ancienne
langue est régulièrement exprimé par le génitif prépositionnel de
la nouvelle. Mais il faut citer quelques particularités. 1) Le
génitif de qualité n'est usité dans l'ancienne langue qu'en compagnie
d'un adjectif ; dans la nouvelle, où l'emploi de la préposition
enlevait à cette restriction sa raison d'être, il s'applique
aussi tout seul : lat. vir magnae eloquentiae ; ital. poeta di
merito
, esp. vaso de plata, prov. verge de doussor. —
2) A propos du génitif possessif, formule dans laquelle la
possession du substantif qui régit (dans le sens le plus étendu)
est attribuée au substantif dépendant, il faut remarquer un fait
important que certaines langues celtiques connaissent aussi.
a) En provençal et en v.français la particule casuelle peut être
sous-entendue devant des idées personnelles, ainsi que cela a
lieu dans les mêmes conditions pour le datif après des verbes
(p. 116). Exemples de cet emploi : prov. la fis (de) Mallio
Bth.
40, ses deu licencia 19, lo filh sancta Maria Choix
III, 408, l'enaps Tristan II, 314, la molher son senhor III,
400, chapdel sains esperitz IV, 58, entrels bratz sa molher
GRoss
, v. 6801 ; v.franç. la terre lur seignur, l'enseigne
paienur, la geste Francor Rol., la gent lu rei Charl., le
fils Odon QFA., la volonté le rei TCant., par le Charlon
comant Rol.
. etc. Nous avons donné plus haut, p. 72, quelques
exemples de la manière dont on peut supprimer le substantif qui
exprime l'objet possédé. C'est surtout après des expressions
prépositionnelles que la marque du génitif peut être omise : ainsi
en prov. de part me, de par (t) Karlo GRoss., daus part lo
prior LR.
I, 549a ; v.fr. de part le rei, ad oes (ad opus)
saint père. Avec des idées impersonnelles cette ellipse n'est pas
tolérée, car on ne peut pas leur attribuer une véritable possession,
et la formule deviendrait obscure ; jamais on ne trouve fuelha
l'albre, porta la casa, beutatz lo caval
. Ce n'est qu'avec des
noms d'animaux, lorsqu'il s'agit de parties du corps, qu'une
exception semble se présenter, ainsi v.fr. ou ventre la balaine
128NFC
. II, 66. Au XIVe siècle l'ellipse devient déjà plus rare,
cependant Marot dit encore ci gist le corps (de) Jane III, 241.
Des traces de l'ancien usage se retrouvent encore dans le français
moderne fête-dieu, hôtel-dieu, église Saint-Pierre, musée
Napoléon
et autres, locutions du même genre, et aussi après des
substantifs qui ont acquis une valeur prépositionnelle, dans cette
langue comme dans les autres. It. sans di : palazzo Borghese
villa Pamfili, casa madonna Lisetta, casa la donna Dec
.
4, 2, in casa i marchesi Capilupi ; v.port. en cas Gonçalo,
de là le fr. chez pour en chez. En b.latin le génitif possessif est
souvent aussi rendu par de : monasterium de S. Mauritio
Bréq. p. 9m (ann. 523), terminus de nostra donatione 26c
(ann. 528), àbba de monasterio 52a (ann. 546), silvas de
ipso agro
246b (ann. 663), episcopos de rigna nostra 284b
(ann. 677), signum de testibus Tir. 34a (ann. 800) ; mais
souvent le génitif non caractérisé et dépourvu de flexion rappelle
le procédé roman : filius Cuniberto, de morte germano
nostro, de parte genetore suo, de parte Bertino abbate
etc.
b) Dans les mêmes dialectes la possession peut aussi être
exprimée par le datif, également avec des mots personnels, mais
ce cas s'applique à peine immédiatement avant des noms propres.
Ex. pr. filha's al rei (filia est regis) Boèce 161, filha a l'emperador
Choix
V, 151, las saetas al diable GO. 267, la
domn'a Tristan
III, 140 ; v.fr. arche al deu de Israel LRs.
18, filz as cunturs Rol.. p. 27, le langaige as Sessons Brut,
la tors as puceles Fl. Bl
. 1896, la kemise à la virge, les
armes au prou conte Olivier, la gent au roi, les gens à
Serafle
 ; voyez de nombreux exemples de ce procédé dans Orelli
39 et Burguy I, 59. Marot dit encore la mère au berger III,
295, l'espouse au mari venerable 248. Frère au roi, frère
le roi
et frère du roi sont synonymes dans l'ancienne langue,
exemples dans Brut I, p. 19. 20. Cette construction persiste en
fr.mod. dans les expressions fils à putain, chape à l'évêque.
Elle est rare en italien, voy. par ex. Ger. 1, 44 : al re minor
figliuolo
. Il faut rapprocher l'anglais servant to his master,
secretary to the duke
, et un procédé du slave en vertu duquel
un génitif dépendant d'un substantif peut être transformé en un
datif, ainsi que le remarque Dobrowsky Institut, p. 629. On
doit également renvoyer à l'usage valaque mentionné plus haut
(grędina vicinului). — L'ellipse du nom qui exprime l'objet
possédé ne s'effectue que dans un petit nombre de cas déterminés ;
ainsi avec festa : prov. la sant Miquel Choix V, 266,
129fr. la saint Pierre ; val., avec filius : Alesandrul lui Filip,
comp. v.fr. la Salemon SSag. 17 pour la femme de S. 150. —
3) Génitif de dénomination. Il est de règle après l'idée générique
de mettre au génitif l'individu neutre qui s'y rapporte et
qui prend alors la valeur d'une apposition. On dit ainsi en ital.
130fior di giglio, esp. instrumento de la guitarra, virtud de la
temblanza
, fr. jeu du billard, comme lat. metallum auri,
morbus podagrae
. Il faut surtout observer ce procédé : a) Avec
les noms de pays et de ville, où il n'est sujet à aucune exception :
ital. regno di Francia, città di Napoli ; esp. tierra de
Egipto, isla de Chipre, ciudad de Madrid
 ; prov. terra de
Sardenha, renhe de Suria, castel de Burlatz
 ; fr. royaume
de France, ville de Paris
 ; lat. oppidum Antiochiae, mais
on met plus volontiers les deux noms au même cas : urbs Roma,
terra Italia, provincia Sicilia
, de même val. cetatea Roma ;
gr. Ἰλίου πτολίεθρον. Cette expression prépositionnelle se trouve
dès le début du moyen âge : villam de Bertiniaco Bréq. 2b
(ann. 475), villa de Umbriaco, de Nimione 101 (ann. 615),
civitas de Althisiodero 259a (ann. 670) 151. b) Avec les noms
de montagnes et de rivières ; ici l'usage est hésitant : on trouve
it. monte Vesuvio, monte Ato, Mon-gibello, fiume d'Arno ;
esp. monte Calpe, monte de Sinay, rio Guadalaviar ; prov.
mon Canego, flum Jordan, flum de Tarn ; fr. mont Cenis,
mont de Parnasse, rivière de Seine
, avec l'article défini devant
des masculins : fleuve du Tigre, rivière du Mein, apposition :
flum Jurdan LRs., fleuve Loire Mar. (souvent chez les
anciens) ; lat. Rhenus fluvius, Eridani amnis. c) Avec les
mots année et mois ; mais l'usage n'est pas constant : it. l'anno
mil settecento, mese di Gennajo
 ; esp. año mil sietecientos
et año de mil etc., mes de Mayo ; fr. l'an mil sept cent, mois
de Décembre
. d) Avec les substantifs qui signifient nom, mot,
titre : lat. nomen Caesaris, vox voluptatis ; ital. nome di
Francesco, titolo di marchese
 ; esp. nombre de Cervantes ;
prov. nom de joglar  ; fr. nom de père, mot d'amour, titre
de prince
, e) Avec des idées personnelles : ce génitif ne se
présente en ce cas que lorsque le nom qui régit exprime la
nature spirituelle ou corporelle d'une personne, ainsi on ne dit
pas pictor Apellis, mais bien monstrum hominis Térence,
flagitium hominis, scelus viri, hallex viri Plaute ; allem.
Schlingel von einem Bedienten, Engel von einem Mädchen.
De même ital. il poverino di mio fratello ; esp. el bueno de
mio Cid, el malo del conde Don Juan Cast. de D. Sancho

13187b, el mezquino del home 228a, el lindo de Cornelio, el
triste de mi, pobre de mi padre !
(voy. p. 113) ; port.os
cativos destes olhos meus Trov
. n. 245, o doudo de meu
criado
S. de Mir. II, 81 ; triste de mim ! ibid. 24 ; pr. diable
de gens LRom
. ; fr. le fripon de valet, v.fr. la dolente
d'empereriz NFC
. II, 54. — Une copie du génitif roman
semble se présenter dans l'angl. kingdom of France, island
ofSicily, city of Paris, month of May, name of Ralpho
.
4) A propos du génitif partitif (par columbarum, ital.
un pajo di guanti etc.) il faut observer seulement que le franç.
force se passe de la particule casuelle : force argent (magna
vis pecuniae
), pr.mod. forçou passeroun. Il en est de même
en allemand dans ein Stück Brot (m.h.all. ein stuck brôtes),
eine herde Schafe, gr.mod. ἕνα κοπάδι πρόβατα. Exemples bas-latins
de de pris dans le sens partitif : de armis, de vestibus
terna paria
Gr. Tur. 3, 24, quarrada de melle Bréq. 132a
(ann. 629), medietatem de loco 258a (ann. 670), medietatem
de ipsa vinea
Mar. 117u (VIIe s.), portiones de silva Bréq. 435b
(ann. 721), canadas duas de vinum Mab. II, 657b (ann. 742).
5) Génitif du complément. Les mots abstraits dont le sens
exprime une activité peuvent se faire suivre en latin de l'objet de
cette activité au génitif ; cette même faculté est accordée aussi à
certains adjectifs (voy. § 2). Exemples : amor virtutis, odium
vitae, spes mercedis, metus hostium, moeror funeris,
religio deorum
(crainte envers), mulierum injuria, pecuniae
cupido, fames auri, sitis argenti, memoria amicorum,
remedium doloris
. Les langues filles ont imité cette construction
avec leur génitif prépositionnel. On dit ainsi ital. amor di
dio, odio d'altrui, speranza dell'altezza
(d'arriver au
sommet) Inf. 1, 54, carità del natio loco 14, 1, studio delle
lettere, memoria de' beneficj
. Esp. amor de dios, lealtad
del rey, miedo de muerte,remedio de su ofensa Num
. 3,
1, esperanza de la libertad, gana de comida, hallazgo de
una cosa
. Pr. paor de deu GO. 134, doptansa de lor Choix
III, 296, membransa del joi 448, chausimen del lairo (ménagement
pour) IV, 91, cobeitat d'argen 72, voluntat de femna
V, 51, cor d'armas (penchant pour) 106, fam d'amor III,
1. Franç. amour de la patrie, haine du prochain, crainte
de la mort, étude des lettres, appétit des richesses, désir
de gloire, faim des honneurs, soif de vengeance, mémoire
des actions, ignorance de la guerre
, mais injure à l'honneur,
remède à tous maux
. B.lat. desiderium de paradiso
132Form. Bal
. 7, venacionem de feras Tir. 39b (ann. 818) etc.
Dans la formule amor dei la particule casuelle est supprimée en
provençal et en v.français : per amor dieu, pro deo amur dans
les Serments ; un ancien poète italien dit de même per Cristo
amore tutto m'è fetente PPS
. I, 25 (où l'éditeur intervertit
tutto amore). Si le nom dépendant est un nom personnel, comme
dans metus hostium, on pourrait, il est vrai, le prendre aussi
dans le sens possessif (la crainte qu'ont les ennemis) ; mais en ce
cas on a recours à des prépositions : metus ab hostibus, odium
adversus homines
, ital. paura che aveva degli inimici,
odio contra gli uomini
. L'anglais sépare le génitif du complément
du génitif possessif par la forme de la déclinaison : care
of children
(soin qu'on prend pour les enfants), children's
care
(soin que prennent les enfants). L'allemand ne peut pas
imiter partout cette construction : Hass des Feindes, Liebe
des Nächsten, Furcht Gottes, Lust der Speise
fait déjà
l'impression d'une tournure poétique. — 6) Enfin il faut encore
mentionner un génitif elliptique très-usité en espagnol, s'il est
vrai qu'on doive reconnaître le génitif dans cette formule, par
ex. lo de la villa (ce qui concerne la ville) CLuc. 100 ; el del
rico sombrero
(celui qui portait le précieux chapeau) Nov. 10 ;
el engaño de las trocadas mantillas (le tour joué par le troc
des mantilles) ibid. ; el dei bosque (celui qui était venu du bois)
Nov. 9 ; lo del leon (l'aventure du lion) PC. 3342 ; port.ο
pastor da frauta
(celui qui était accoutumé à jouer de la flûte)
R. Men. c. 19. Les autres langues se servent moins de cette
locution concise : it. quelli de' danari (celui qui a prêté l'argent)
CNA. 76 ; prov. sels dels esturmens (ceux qui jouent des
instruments) GRiq. p. 179 ; v. fr. celes dou prael (les jeunes filles
que j'ai vues dans la prairie) FC. III, 417. — Remarque. Un
génitif de qualité ou un génitif possessif peut aussi être placé
sous la dépendance immédiate du verbe être ou paraître, en
tant qu'on suppose la présence d'un substantif régissant la locution,
comme dans homo est magni animi ; ejusdem aetatis
est
. Ital. egli è di grande autorità ; egli sembra di buon'
animo
. Esp. aquel es de mucho valor ; la muerte es de
provecho
. Franç. ce poète est de grand mérite. Ensuite lat.
improbi hominis est mendacio fallere ; videtur sapientiae
ita agere
. Ital. questo non è d'un uomo d'onore ; non è di
questo luogo raccontarlo
(aussi da : è da pazzo il parlar
cosi, dementis est ita loqui
). Esp. conciencia tan escrupulosa
non es de soldado ; es de justicia punirle
. Franç. ne
133parler que de soi est d'un sot ; cela est du devoir d'un
homme
.

2. Génitif avec l'adjectif. — Les adjectifs relatifs, c'est-à-dire
ceux dont l'idée est complétée par l'addition d'un substantif,
peuvent se faire accompagner de ce dernier au génitif. Ce complément
peut ou bien être nécessaire, comme avec les adjectifs
qui signifient « qui se souvient, désireux, digne, sûr », ou
n'être que dans la pensée, comme avec « plein, vide, riche,
pauvre, prodigue, pur, content, fier ». Le nom ajouté se comporte
à l'égard des premiers comme un régime, avec les seconds il
n'exprime généralement que la cause ou le moyen. En latin ces
adjectifs sont construits avec le génitif ou l'ablatif, quand ils ne
le sont pas avec des prépositions, et l'emploi du premier cas
a pris une extension considérable dans la poésie et dans la prose
des bas-temps : dignus, benignus, liberalis, laetus, purus,
lassus, dives, pauper alicujus rei
. Bien que le génitif latin ne
soit pas en ce cas constamment rendu en roman par de, il semble
toutefois convenable de donner place ici à ces combinaisons. Ital.
partecipe, colpevole, innocente d'un delitto, reo di morte,
pratico d'una scienza, presago del bene, certo od incerto
della fede, sciente d'un fatto, ignorante dell' inganno,
invidioso d'ogni altra sorte, geloso del suo potere, desideroso
di gloria, paese lieto di belle montagne, contento
della vita, spiriti di riposo impazienti Ger
. 1, 10, pieno di
pregiudizj, capace di tutto, degno di lode, di quell'aver
sazio, diserto d'ogni virtute, le ciglia rase d'ogni baldanza
Inf
. 8, 118, d'ogni luce muto (c'est-à-dire privo) 5, 28, la
terra nuda d'erba e di fontane sterile Ger
. 3, 56, ricco di
potere, liberale di lodi, cortese
(disposé à écouter) di preghi,
mancante di senno, povero di spirito, scarso di lume,
parco di parole
. Esp. inocente de mal, reo de muerte,
cierto de lo presente, seguro del enemigo, sciente
(arch.)
de filosofia, goloso de riquezas, avido de novedades, sediento
de sangre, ufano del amor, contento
con una cosa,
lleno de humildad, harto de vino, capaz de todo, digno
de alabanza, abundante de riquezas, pobre de ingenio,
desnudo de piedad, libre del vital aliento, quito de culpa,
vacio de agua
. Prov. monda de totz mals Choix V, 24,
enveios, lecs e glotz d'aver, desirans de la mort, bautz e
letz del vezer Choix
III, 32, ergulos de no re (fier de rien)
LR. I, 547a, ple de plazer, ric de sen, larc d'aver, paubre
d'amics, de pretz blos, sem
(ital. scemo) de tot joi Choix
134II, 183, hom de jois sems V, 36, malastruc d'amia (maltraité
par sa maîtresse) IV, 19, mescrezen de nostra lei III,
460. Franç. coupable ou innocent d'un crime, certain ou
sûr d'une chose, désireux d'honneur, affamé de nouvelles,
jaloux de sa femme, joyeux ou content d'une chose, plein
de rage, capable de tout, digne de gloire, libéral de louanges,
pauvre d'esprit, vide de raison, libre de soucis
. Val.
nevrednic de cununę (indignus corona), harnic de fieśte
ce faptę rea
(capax cujuslibet facinoris), plin de męnie
(plenus irae). Après divers adjectifs de ce genre on remplace
aussi de par d'autres prépositions : esp. experto en las leyes,
capaz para todo
 ; surtout en français, ainsi expert ou savant
dans une chose, fertile ou stérile en blé, riche en argent

(v. franç. riche d'argent). Ex. b.lat. de omnibus scripturis
immunis
(pour ab) Gr. Tur. 4, 12, de cibis refertae gorgées
de nourriture ibid. 8, 30 (le mot de Cicéron de nugis referti
libri
doit sans doute être jugé autrement ?), vacuus de ipsa ris
(res) Brun. 624 (ann. 772), parapsidem plenam de carbonibus
Mar. 105m (VIIIe s.), plenas naves de captivis Gest.
reg. Fr. 7, 19, contentae de substantia Leg. Roth. 181.

3. Génitif avec le pronom et le nom de nombre. — En latin
la construction de ces mots, par rapport à leurs substantifs,
s'effectue de trois manières. On les traite soit comme des adjectifs
(quis amicus, nemo civis), soit comme des substantifs avec un
nom dépendant, et ce dernier ou bien est mis au génitif (quis
amicorum, nemo civium, multum pecuniae
), ou bien est
accompagné des prépositions ex, de, inter. Dans les deux
derniers cas ces mots opèrent comme partitifs et, bien que le
résultat soit le même, l'idée qu'ils présentent à l'esprit n'est pas
la même que dans le premier cas ; en sorte qu'il n'est pas indifférent
d'appliquer la première ou la seconde formule. Dans les
langues filles le rapport partitif est rendu soit par de, qui répond
aussi bien au lat. de qu'au génitif (habet aliquid de pecunia
quelque argent Gr. de Tours 3, 34, de rebus suis aliquid
L. Sal.
), soit par inter (ital. tra, fra etc.) ; mais souvent aussi
la marque du génitif après un neutre fait absolument défaut.
1) Pronoms et noms de nombre indéfinis. La construction
adjectivale est soumise ici à plusieurs restrictions, car certains
pronoms ne s'emploient que sous leur forme neutre, comme des
substantifs ; d'autres sont de véritables substantifs. Cette construction
adjectivale a été étudiée au chapitre III ; il reste encore
à présenter quelques observations sur le génitif. a) Il est rare
135qu'un cas se place sous la dépendance du démonstratif, toutefois
hoc mali peut être rendu en italien par questo di male,
en français par cela de mal. — b) L'interrogatif partitif ou
disjonctif est en français lequel, ailleurs qual (voy. p. 73).
Au neutre que se rattachent des adjectifs neutres au génitif.
Ital. che abbiamo di nuovo ? non so che d'insolito. Esp. qué
tiene de malo ? que hay de nuevo ?
Franç. que dit-on de
nouveau ? quoi de plus beau ?
Mais val. ce śtii nou ? (quid
scis novi ?
). Les substantifs le suivent sans de : quid hominis,
quid rei
se traduit par ital. che uomo, che cosa, esp. que
hombre, que cosa
 ; cette tournure est admise par le grec
moderne : τί ἄνθρωπος, τί γαναῖκα. Si l'on ajoute de, que prend le
sens du lat. quot ou quantum : esp. que de cosas (quot res)
que de suspiros (quanta suspiria) ; fr. que d'importunités ;
val. ce de apę (quantum aquae) ; lat. captivorum quid ducunt
secum
Plaute Epid. 2, 26 ; m.h.all. waz êren etc. —
c) Aliquid poenae, aliquod bonum ont pour correspondants
en espagnol algo de pena, algo bueno, locutions dans lesquelles
algo a une valeur de substantif et d'adjectif, tandis que l'italien
et le français emploient qualche et quelque comme substantifs
seulement (qualche cosa di bello, quelque chose de fâcheux).
d) Conformément à la règle les mots introduits à la place de
nemo et de nihil exigent le génitif. Ital. nulla di più eccellente
(nihil praestabilius), niente di bello, punto di valore
(non punto lume Dec. 9, 10). Esp. nadie de los hombres,
nada de hermoso, punto de menoscabo
. Pr. ren de merce,
ren d'engan, pont d'engan LR
. IV, 74b ; v.fr. n'ai point
de m'espée Trist
. I, p. 50 ; n'aveit mie de sun anel Lais
inéd
. 17 ; fr.mod. personne de ces hommes, rien de plus
agréable, point de nouvelles
. Mais il est à remarquer qu'en
français l'adverbe ne, avec ou sans pas, entraîne l'application
du génitif lorsque l'objet dont il s'agit est désigné d'une manière
générale : je n'ai pas eu de lettre aujourd'hui ; je n'ai pas
d'argent ; je n'ai d'ami que lui
, au contraire je n'ai pas un
seul ami
(et non pas d'un) ; comp. prov. non ai de sen per
un efan Choix
III, 45. — e) Tantus, quantus, aliquantus,
multus, paucus, nimius
(remplacé par troppo) sont presque
partout des adjectifs déclinables, qui peuvent aussi s'employer
comme neutres en se faisant accompagner d'un génitif. Ital.
tanta virtù, molti popoli ; tanto di vino, alquanto di tempo,
molto di maie, poco di carità, troppo di pane
. Prov. tanta
cortesia, mota gent, manhta gent, pauc auzel
(pour parvus,
136p. 83), petita boca (m. s.), tropa tenda Fer. 52, trops colps
3043 ; tan de cortesia, pauc de cortes, petit dejauzimen,
trop d'onransa
. Il va de soi que le masculin ou le féminin de
l'adjectif possède un degré d'intensité plus grand que le neutre :
tanta cortesia dit quelque chose de plus que tanto di cortesia.
Le français n'a plus que des neutres : tant et autant d'amis,
combien d'argent, beaucoup de gens, peu de paroles,
mon peu de vaillance, trop de vin, votre trop d'amour

Corn., mots auxquels il faut ajouter encore bien (pour multum)
dont le nom dépendant veut l'article défini : bien du monde,
mais aussi bien d'autres. Anciennement l'emploi adjectival
était plus étendu et l'on avait aussi comme neutres molt (pour
beaucoup) et petit à côté de peu : moult de bien Ccy. 344,
de Franceis asez petit Rol.. p. 39. On supprimait parfois la
marque casuelle après le neutre : tant i ot princes RCam. 26 ;
mult poi amis TCant. p. 19 ; mult poi conpaignuns 20 ;
Franceis i out poi Rol.. p. 60 ; beaucoup gens Comin. —
f) Satis, avec les mots romans guari et granré, qui tous se
construisent aussi comme des adjectifs (sans particule casuelle).
Ital. assai di lode, guari di spazio ; vizj assai, assai volte,
gli assai uomini, guari tempo
. V.esp. asaz de mal. Prov.
asatz de poder, granre de draps LR. I, 579b ; guanren
de pellegrins
574 ; assatz fromen Choix IV, 182, ganren
vegadas Jfr
. 162b ; gaire companhos GA. 934 ; v.franç.
gaires de possession ; asez bestes LRs. 140, assez vivres
Ch. d'Orl. 99 ; fr.mod. assez de courage, guère d'argent,
le de est indispensable ici. Le prov. pro (= satis) se construit
aussi d'ordinaire comme un adjectif : al pro manjar Choix
IV, 2 ; pro avetz beutat e pro joven V, 50 ; pro n'ai de
companhos LR. I, 367 ; prov.mod. proun de gen, de même
v.fr. il y a prou de misère partout ; prou de gents encore
dans Montaigne, prou de frayeur dans Molière ; dans Comines :
largement de gens, largement gens, plus anciennement aussi
gramment de bien (beaucoup de bien) SGraal p. 60. — g)
Plus et minus se placent en italien, en espagnol, et en portugais
immédiatement avant leur substantif, régulièrement sans la particule
du génitif. Ital. più terra (plus terrae), più famé, più
giorni, più fiate, men luogo, men tempo
, en outre manco
parole
(minus verborum) ; superl. i più uomini (plerique).
Esp. mas milagro, mas discursos, menos valor, menos
palabras, documentos de no menos valia, las demas gentes
 ;
superl. las mas partes, los mas hombres ; port.mais amor,
137menos furor, os mais homens
. Pris comme substantifs ces
mots se font suivre du génitif : il più de' vicini, lo mas de la
gente
. Au nord-ouest ils sont en toutes circonstances unis à ce
cas : prov. mais de lauzor, plus de companhia, meins de
de ben, lo plus de las domnas Choix
III, 295 ; franç. plus
d'intérêt, moins de courage, la plu-part
(et non le plus)
des hommes, mais l'expression elle-même la plu-part se comporte
comme l'ital. la più parte. Un synonyme de plus est le
franç. davantage, qui se place toujours à la fin de la phrase
et par conséquent ne s'adjoint pas de substantif : je n'en dirai
pas davantage
(nihil amplius dicam). La construction adjectivale
du neutre plus, qui se trouve au reste déjà en latin (plus
argentum
pour plus argenti Pétrone ch. 37) a déterminé son
emploi au pluriel aussi : ainsi ital. i più dicono (plerique
dicunt
), esp. los mas, port. os mais, prov. li plus GA. 1956,
v.fr. li plus TCant. p. 90. 168, Fl. Bl. 1866, les plus Com.
p. 341 ; de même li mielz (optimi) TCant. 134, 7, li miax
de lor gent et li plus Brut
I, p. 151. — h) La suppression
de la particule casuelle
, qui rappelle l'allemand viel Wasser,
wenig Wein, genug Brot, mehr Land, weniger Geld
, ne
peut pas avoir lieu lorsque le pronom a un véritable sens partitif :
ital. assai di questo vino, più del mio pane, nel ciel
che più della sua luce prende Par
. 1, 4 ; segando dell'
acqua più Inf
. 8, 30 ; de même en espagnol et en portugais ;
prov. dara pro del perdon e pauc de son argen Choix
V, 72. Il semble aussi que le même principe soit suivi lorsque
deux objets sont comparés entre eux : ital. più di timor che di
speranza Ger
. ; esp. mas de espiritu que de primor DQuix.
i) A propos du nom de nombre indéfini il faut parler d'une
construction remarquable, vieillie aujourd'hui partout, en
vertu de laquelle le neutre (tantum, multum, plus etc.) suit
le genre et le nombre du substantif qui est sous sa dépendance,
c'est-à-dire devient un adjectif déclinable ; c'est comme si l'on
voulait dire en latin multus venti, plurima gentis au lieu de
multum, plurimum. C'est en v.espagnol que ce procédé se
présente le plus souvent, par ex. tantos avien de haberes
(pour tanto de haberes ou tantos haberes) PC. 1809, tantas
de yerbas Cal. é D
. 13b, muchas de virgines Apol. 492,
mucha de su gente Alx. 1225, muchas de veces (pour muchas
veces
) Bc. Mil. 675, on trouve aussi muchas de vegadas
Cast. de D. Sancho
172b, con pocas de gentes PC. 467,
á pocca de sazon Bc. Mill. 256, á pocos de dias Alx. 519,
138una poca de miel Cal. é D. 18b, cou poquilla de fuerza
Rz. 605, et encore chez Cervantes la mas de la gente Nov. 2.
De même en port.tantas de crianças S. de Mir. Egl. 4,
humas poucas de armas, huma pouca de agua (encore usité
auj.), a mais da gente Lus. 2, 6. Prov. tantas d'armaduras
HL
. III, col. 307, tantas de partidas GA. 7269, motas de
maneiras
4681, mantz de ricx afars Choix V, 7, mans
d'autras gens
237, mantas d'autras GRom. 73, pauca de
sa gent, tropas de reliquias GO
. 225b, en breus de jorns
GRoss
. 1633, v.fr. multz des homes G. Gaim. éd. Mich.
p. 2 etc. Aussi ital. in poca d'ora, poca di stabilitate PPS.
II, 128, la più della gente Bocc.., chez Dante troppa d'arte,
qu'on explique par di troppa arte. On n'a pas ici une intercalation
de de après le pronom, mais une véritable attraction de
genre, ainsi que l'attestent des phrases telles que pauca de sa
gent
, où on ne pourrait pas dire pauca sa gent. L'ensemble du
procédé rappelle du reste la construction grecque ἡ πολλὴ τῆς
Πελοποννήσου (au lieu de τὸ πολύ), τὴν πλείστην τῆς στρατιᾶς (esp.
la mas de la hueste), ὁ ἥμισυς τοῦ χρόνου. — 2) Les noms de
nombre
, lorsqu'ils ne servent pas à opérer une soustraction,
s'unissent immédiatement au substantif ; ce n'est qu'en valaque
qu'ils exigent l'intermédiaire de de, par ex. doozeci de coale
(20 feuilles de papier), cincizeci śi śase de lei (56 florins),
trei mii de oi (3000 moutons). Mais lorsque le substantif précède
on emploie souvent la construction qu'on regarde comme
un génitif, ainsi ital. delle miglia più di diece Orl. 23, 32 ;
prov. dels rams dos o tres LR. I, 425 etc. Mille aussi, dans
l'ancienne période des langues, se fait volontiers accompagner
de ce génitif : esp. cinquenta veces mill de armas PC. 1634,
sesenta veces mill de combatientes Alx. 779 ; pr. X millier
de cavalliers Flam
. 8 ; v.fr. XV milie de Francs Rol.. p. 97,
vins mils de chevaliers Gar. I, 6.

Chapitre sixième.
Cas dépendant de prépositions.

La syntaxe doit considérer la rection et la signification des
prépositions. 1) Rection. En latin ces particules régissent soit
l'accusatif, soit l'ablatif, soit l'un et l'autre cas à la fois. Dans
les langues filles, grâce à la chute des flexions casuelles, la règle
139est simple : les prépositions régissent l'unique cas oblique conservé,
où l'on doit reconnaître l'accusatif, car il sert de régime aux
transitifs. De et ad comme particules casuelles ne se présentent
donc après aucune préposition, ou, à l'inverse, lorsque ces mots
se présentent (ital. avanti de, contro a), ils sont les véritables
prépositions, et ce qu'on nomme préposition est réellement
adverbe. Ce n'est qu'après des mots qui étaient à l'origine des
substantifs (ital. intorno di una cosa à l'entour d'une chose,
esp. enfrente de en face de) que de est incontestablement la
marque du génitif. Sur les diverses particularités de la rection
il faut faire les observations suivantes : a) Quelques prépositions
anciennes peuvent ou doivent être mises en rapport avec le nom
au moyen de de ou ad, comme des adverbes. Pour établir la
liste de ces anciennes prépositions, on peut encore ajouter à celles
qu'on connaît les adverbes employés en latin déjà comme des
prépositions, foras, intus, retro, usque et enfin intro, subtus
et sursum (t. II, p. 447). En dehors de ces cas l'italien se
permet encore de dire circa di et a, contro a, oltre a, sopra
a, fuori di, retro a, dietro a, dentro a, sotto a
, et aussi avanti
et dinanzi avec di et a. Lorsqu'un pronom personnel suit
certaines prépositions, cette langue intercale volontiers un di
qui n'est peut-être qu'euphonique : ainsi contro di me, senza
di te, sopra di voi, sotto di me, verso di noi, davanti di
lui, dinanzi di lei
. L'italien favorise particulièrement la médiation
au moyen de di et a. L'espagnol ne recourt à de qu'avec
fuera, antes, acerca, dentro, despues, detras. Prov. ans
de, duesc'a, fora de, prop de
. Franç. seulement hors de et
jusqu'à ; même les prépositions nouvellement formées dès,
depuis, derrière
se construisent avec l'accusatif, et il en est
aussi de même de celles qu'annoncent la particule par : par
dedans, par dehors, par dessus, par dessous
. C'est tout ce
qu'il y a à remarquer sur la rection des prépositions anciennes
ou des nouvelles qui en dérivent. Quelques adverbes se construisent
également avec de : ital. di qua da et di là da, esp.
aquende de et allende de, mais prov. de sai, de lai, franç.
deçà, delà avec l'accusatif. — b) Les prépositions qui étaient
originairement des substantifs régissent, comme nous venons de
le dire, le génitif : ital. intorno di, all'incontro di, in mezzo
di
, cependant elles prennent aussi dans cette langue le datif qui
touche de si près au génitif, fino (jusqu'à) prend toujours le
premier cas ; ensuite esp. debaxo de, encima de, enfrente de,
en medio de, al rededor de
 ; prov. latz de, enviro de ;
140franç. environ de, vis-a-vis de, lors de ; celles notamment qui
débutent par au prennent le génitif : au dessous de, au dessus
de, au devant de, au long de, auprès de, autour de, au
travers de
. Les mots suivants sont devenus prépositions et
régissent l'accusatif : esp. cabe, hácia, hasta, prov. costa,
endreg, entorn, en mieg, part, viro
, franç. chez, parmi
et quelques autres. — c) Les adjectifs neutres dont on fait des
prépositions prennent, conformément à leur signification, de ou
ad : ital. presso, vicino a et di, esp.junto á, port.perto de,
prov. pres de, franç. près et proche de ; ou bien ils se débarrassent
de ces intermédiaires et régissent l'accusatif : it. lungo,
esp. baxo, prov. long, mest, fr. après, souvent aussi près et
proche. Les participes présents régissent le même cas : ital. rasente
(mais aussi avec a), pr. rasen, seguentre, fr. joignant,
suivant
 ; les participes passés ital. eccetto (et salvo), esp.
excepto, franç. excepté et hormis se construisent de même
sans aucune préposition. — d) On doit signaler encore comme
une particularité romane le fait suivant : une préposition peut
être considérée comme formant avec le nom qui l'accompagne
une expression unique, qui est alors susceptible d'être régie dans
son ensemble comme un mot isolé ; toutefois cela est rare. Esp.
dos mozos de hasta veinte años, hombres de á caballo,
rimas de á seis versos
, franç. avec de la farine, les guerres
d'outre mer
(même m. h.all. die künige von über mer Grimm
IV, 872). — e) Il est aussi usité en roman qu'en grec et en
allemand de placer des adverbes sous la dépendance de prépositions ;
on dit ainsi ital. fin qui, per domani ; esp. para
entonces, por jamas, desde ahora, hasta no mas
(c'est-à-dire
ad extremum), franç. après demain, pour aujourd'hui,
dès hier
, lat. (rarement) ex inde, plus tard aussi a
modo
. — 2) Signification. Les prépositions proprement dites
sont des adverbes de lieu dont la signification a été étendue aussi
bien au temps qu'à des rapports abstraits tout-à-fait étrangers
au sens matériel qu'ils avaient à l'origine, par ex. la cause,
le but ou le moyen. Un très-petit nombre seulement, comme
peut-être pro et post, renoncent dans les langues nouvelles à la
signification locale. L'emploi abstrait des prépositions procède
donc de leur sens local primitif, et le sens abstrait comme le
sens local est proprement unique. Ainsi de dans le sens local ou
temporel représente le départ d'un point, dans le sens abstrait
la cause. Mais le sens abstrait peut subir des modifications de
la part du verbe qui régit ou du nom. La grammaire, vu les conséquences
141pratiques qui en résultent, ne doit pas craindre d'en
donner l'analyse, bien qu'il soit difficile, en présence des nuances
insensibles par lesquelles la langue passe d'un emploi à l'autre,
d'atteindre partout la véritable portée qu'elle donne aux mots qui
n'expriment que des rapports. Cette partie du discours a acquis
de l'importance, car non seulement ad et de, mais aussi in, cum,
per
et pro se prêtent à exprimer des rapports casuels : les phrases
Romae vivere, Romam ire, Roma proficisci ne peuvent plus
être traduites sans l'aide de prépositions. — Il faut encore parler
ici du sens de plusieurs prépositions qui dans la langue mère
avaient un sens variable, déterminé par le cas qu'elles régissaient.
a) Celles qui peuvent précéder les deux cas expriment avec l'accusatif
le déplacement vers un objet, avec l'ablatif le repos.
Comme le roman ne peut pas marquer cette différence par la
voie de la flexion, c'est dans le sens du verbe qu'il trouve le seul
moyen d'obtenir ce résultat (t. II, p. 432), ainsi : fr. aller en
Espagne
et vivre en Espagne ; aller chez un ami et être chez
un ami ; monter à cheval
et être à cheval ; esp. subir sobre
azno
et estar sobre la mesa ; it. costringere qc. sotto la regola
et sedere sotto un albero ; val. me duc a casę et eu sųnt a
casę
. Cette destruction de l'ancien rapport a aussi troublé plusieurs
prépositions dans leur signification : amor in patriam par
exemple ne peut plus être rendu en français par amour dans la
patrie
. Le grec moderne de même emploie εἰς au lieu de l'ancien
ἐν pour répondre à la question ubi et quo, en sorte que εἰς τὴν
Ρώμην signifie à la fois vers Rome et dans Rome (comme ital.
a Roma). Mais en anglais le déplacement et le repos peuvent
être distingués au moyen de particules spéciales, comme into
et in. — b) Pour la question unde le latin possède des prépositions
propres. De, conservé en roman, a charge de représenter
ce rapport qu'il transporte aussi à d'autres particules :
franç. je distingue l'ami d'avec le flatteur ; vengo de hácia
el rio
etc. Mais devant la plupart des particules de est tout-à-fait
privé de signification, ainsi en ital. dans di qua, dentro
(de intro), dopo (de de post) etc. — c) A la question qua
répond per, qui n'est pas mal placé non plus devant d'autres
prépositions pour rendre plus sensible cette direction. Dante dit,
Pg. 22, 140, una voce per entro la fronde gridò (à travers
le feuillage) ; esp. pasar por entre las flores (à travers les
fleurs) ; v.fr. passer par delez le vivier (par devant, praeter
stagnum
) ; fr.mod. passer par-devant la maison, par-dehors
les murailles
.142

Il paraît raisonnable de traiter en premier lieu des prépositions
les plus importantes qui viennent d'être citées, a, de, in, cum,
per, pro
et, pour ce qui concerne les autres, de faire connaître
par des exemples leurs principales significations. Il n'a pas paru
nécessaire de mentionner ici toutes les prépositions tirées de
noms. Sur la fusion des prépositions avec l'article, voy. au livre
de la Flexion le chapitre du Substantif.

Ad.

Ce qu'exprime cette particule c'est essentiellement le mouvement
vers un but ; de là découle le sens de proximité. Le daco-roman,
-outre a, emploie aussi la forme plus forte la.

1. Mouvement dans l'espace, d'abord la direction : ire
ad aliquem ; situs ad meridiem
 ; ital. andare alla corte ;
tirare al segno ; esser posto a tramontana
 ; les langues sœurs
se comportent de même. Il faut remarquer l'emploi de ad avec les
noms de ville : ital. fuggire a Napoli ; esp. volver á Madrid ;
port.hir a Lisboa ; prov. venir a Tortosa ; franç. se rendre à
Marseille
 ; val. se ducę la Roma. On s'est décidé de bonne
heure à appliquer ad, comp. ambulavi ad Aritio Brun. 433
(ann. 715), c.-à-d. andai a Arezzo ; portaverunt ad Romam
Esp. sagr
. III, 391 ; venerit ad Cordubam XIV, 463, et,
en assignant in aux noms de pays, on a établi une distinction
que d'autres langues ignorent. Ce n'est qu'au sud-ouest que ad
répond à la question quo aussi devant les noms de pays : venir
à Castiella
déjà dans le PCid, pasar á España, á las
Indias
 ; port.vir-se á Portugal ; franç., au moins devant des
noms qui exigent l'article, comme aller aux Indes. Cet emploi
de ad, non-seulement pour indiquer qu'on se dirige vers un
pays, mais aussi qu'on y entre, apparaît déjà dans Eutrope et
est fréquent au Ve siècle. L'Espagnol Idace dit ad Baeticam
transierunt ; ad Gallaeciam venerat ; de Gallaecia ad Lusitaniam
succedit
 ; des chartes espagnoles donnent : venientes
ad Gallecia terra Esp. sagr
. XL, 362 (ann. 757) ; cum ad
Spanias venissent
XIV, 356 etc.

2. Proximité : lat. ad urbem esse ; ital. stare alla porta ;
richiamarsi al giudice
et ainsi partout. Ce sens passe à celui
de séjour : ad aedem esse ; b.lat. tant in pago quam et ad
palacio Form. Mab
. 51 ; ital. essere a casa ; stare al rezzo ;
esp. estar á su posada ; vaud. scriptas al novel testament
Choix
II, 90 ; pensar al cor (penser dans son cœur) 107 ;
143prov. al cor iratz (irrité dans son cœur) Choix IV, 272 ; franç.
être à la campagne, à la chasse, au palais. De même avec
des noms de ville : ital. essere a Napoli ; prov. se defendre
a Sur
 ; franç. demeurer à Marseille et avec des noms de
pays munis de l'article (comme pour répondre à la question quo)
être à la Chine, au Brésil ; val. fì la Vienna, templul la
Efes
152. En italien et en valaque on emploie aussi in devant les
noms de ville ; l'espagnol ne dispose que de cette préposition
(voy. In).

3. Ad exprime aussi le moment : ital. venire a mezzo dì,
alle nove, ritornare a pasqua
 ; esp. llegar á las ocho,
á la noche
 ; franç. arriver à six heures, à jour préfixé ;
v.fr. a cest jour d'ui, a icele ore (alors) ; val. la ameatzi
(vers midi), la patru oare (vers quatre heures) ; comme aussi
le terme dans le temps : ital. oggi a otto (d'aujourd'hui en
huit), di cinque a sei etc. Dans la première acception cette
préposition se présente extrêmement souvent en b.latin : ad
sequentem annum, ad horam nonam
, au lieu de l'ablatif qui
est plus usité.

4. Pris abstraitement ad s'emploie aussi au double sens de
mouvement ou de tendance et de proximité, et peut exprimer
ainsi le but ou la convenance : cogere ad aliquid, milites ad
naves, facere ad exemplum alicujus
. Ital. incitare alla
collera, pensare all' amico, scrivere al fratello, tagliare
a pezzi, scala a lumaca, paventare all' impresa, fare al
senno di chicchessia, cappello alla moda, calzoni all'inglese,
a ciò ch'io vedo
. Franç. mouvoir à compassion,
condamner à mort
(b.lat. ad mortem dijudicare Nith. 1, 3),
verre à vin, marché aux herbes, vivre à sa fantaisie, s'habiller
à l'espagnole
.

5. Ad se prête particulièrement dans les nouvelles langues à
rendre le datif du but employé en latin avec esse, venire,
habere, ducere, vertere, dare
etc. Esse suit rarement cette
construction, par ex. prov. neguna re que a plazer me sia
(gaudio mihi sit) Choix III, 335. On se sert plus volontiers
du nominatif de l'objet : prov. non l'es honors III, 278 ; ital.
144non l'è noja Ger. 12, 98 ; franç. cela vous fait honneur.
Venire, par ex. auxilio : franç. venir au secours etc. ; mais
surtout au sens figuré : ital. questo mi viene a fastidio ; franç.
tout lui vient à souhait ; de même en b.lat. defunctis ad
requiem fiat, offerentibus ad mercidem maniat
Mone, Lat.
Messen
p. 19. Habere ludibrio etc. : ital. avere a schifo,
a sdegno ; forse cui Guido vostro ebbe a disdegno Inf
. 10,
63 ; esp. haber una cosa á maravilla PC. 2312 ; tener á
mal, á merced
 ; prov. tener a folor PO. 202, a dan 284,
a vent (comme rien) Jfr. 152b, ad esquern Choix V, 32,
a nom (pour nom) ; franç. tenir qqch. à honneur, à injure.
Ducere laudi : ital. pigliare, prendere qc. a lode, a male,
a sdegno ; recare a ingiuria, a disonore
. Vertere vitio,
en roman tornare, transitif et intransitif : it. tornare ad onore
(tourner à honneur) ; prov. tornar a mal (interpréter mal) PO.
265 ; franç. la chose tourne à mal ; cela vous tourne à
déshonneur
. Avec tous ces verbes on trouve aussi in employé
dans le même sens, voy. plus bas.

6. Dans la construction avec un double accusatif (p. 108) celui
qui joue le rôle d'attribut, s'il exprime le but, peut être également
muni, dans beaucoup de circonstances, de ad, ainsi : ital. avere uno
a maestro ; eleggere uno a re
 ; prov. elegir ad abbat GA.
64 ; nol volg a senor Boèce 47 ; preza a molher GRoss. 15 ;
v.fr. eslire à roi Brut I, p. 254 ; enoindre à rei TCant.
p. 55 ; avec une forme de l'accusatif : donrai à mon fil oissour
(pour femme) fille de roi Fl. Bl. 303 ; fr.mod. prendre qqun
à témoin
. Ici ad entre en concurrence avec in et pro. Cette
construction est fort usitée aussi dans le plus ancien b.latin,
par ex. ad episcopo electus Brun. 433 (ann. 715) ; tollere
aliquam ad uxorem Leg. Rothar
. n. 180 ; sacratam feminam
ad mulierem habeat Pipp. Capit
. (ann. 744), comp. le
pr. penre a molher, it. sposare a moglie Malesp. cap. 104.

7. Ad rattache l'expression du prix au verbe acheter et
aux autres verbes analogues : ainsi ital. comprare, vendere,
appigionare a, caro prezzo, a dieci zecchini
 ; esp. comprar
vender á veinte reales
(aussi avec en) ; franç. acheter, vendre
à vil prix ; donner à un certain prix ; avoir qqch. à bon
marché
 ; lat. emere triginta minis. Comp. p. 110.

8. Ad mérite une attention particulière lorsqu'il répond à
l'all. mit ou à l'ablatif latin seul ou accompagné de cum. Il faut
distinguer les cas suivants. 1) Ad est placé devant le nom de
l'instrument qui sert à accomplir une action, il répond donc
145à l'ablatif instrumental. Ital. batteansi a palme (palmis se
pulsabant
) lnf. 9, 50 ; un orto che lavorava a sue mani
Dec
. 8, 2 ; il troncone ad ambe mani afferra Orl. 14, 45.
Esp. las firiestes á cinchas PC. 3277 ; quien á hierro mata,
á hierro muere Gramm. de la Acad
. ; port.morrer ά espada ;
atar á mil nós
. Prov. destruire a foc e a sanc ;
batre a bastos
 ; v.franç. le batent à fuz (fust) Rol. p. 144 ;
son vis à ses ongles depiece FC. III, 126 ; prist à dous
mains TCant
. p. 145 ; à s'espée li out le chief coupé Agol.
453 ; fr.mod. travailler à l'aiguille ;fusil chargé à balle ;
bâtir à chaux ;gagner à la pointe de l'épée, à coups de
bâton
. Le bas latin dit de même ad sana mano revestire
Bréq. 348b (ann. 697) ; ad suis manibus detenebat Tir. 58a
(ann. 872) ; ad spongiam detergere Vegèce 3, 4, 2. — 2) Avec
un substantif abstrait ad exprime la circonstance qui accompagne
une action, il répond donc à cum, mais l'expression
prépositionnelle peut d'ordinaire être convertie en un adverbe.
Voici quelques exemples des nombreuses locutions de ce
genre. Ital. fare a furore (lat. facere cum furore, furiose)
fare una cosa a fatica, ad arte, errare a studio,
piagnersi a ragione, ritrarsi a forza, andare a gran
rischio, camminare a passi lenti, gridare ad una voce
.
Esp. andar á priesa, obrar á maestria, gritar á voces.
Prov. jutjar a dreit, vezer a penas, faire ad afan ; v. franç.
se partir à duel et à courroux, estre reçu à grant feste,
ocire à dolor, crier à haute voiz
 ; franç.mod. faire qqch. à
dessein, à force, condamner à tort
. — 3) Il faut mettre à
part le cas où un substantif concret muni de ad et accompagné
d'un adjectif répond à l'ablatif latin. Ainsi ital. stare a testa
china
(capite inclinato), pregare a mani giunte, parlare
a sangue freddo, a viso aperto
. Esp. hablar á boca llena,
cabalgar á rienda suelta, dar á manos llenas, á ojos
cerrados, huir á espaldas vueltas
. Franç. recevoir à bras
ouverts, prier à mains jointes
. Cette tournure pourrait être
généralement aussi remplacée par l'accusatif avec l'article défini :
los ojos cerrados, vueltas las espaldas (voy. p. 111). En français
la manière d'être d'un objet est mise en relation directe avec
cet objet au moyen de ad ; ainsi dans l'ancienne langue : Guillaume
au court nez, Berte aux grands pieds, sa dame au
cors gent, escu au lion, espée à or, espérons à or
 ; encore
en français moderne : Aurore à la face vermeille, écuelle
à oreilles, chandelier à branches
Cet a roman, qui apparaît
146ici avec un sens si particulier, est-il véritablement le latin
ad, ou bien faut-il le regarder comme un autre mot ? Le provençal
possède pour cum une particule spéciale, ab, qu'il était
facile d'abréger en a et dont le sens conviendrait bien ici ; elle
aurait passé aux langues sœurs dans l'acception citée : battersi
a palme
reviendrait exactement à battersi con palme. Telle
était déjà l'opinion de Perticari Proposta II, 2, p. 192 et de
Raynouard Choix VI, 320. Mais cette explication est aventurée
en ce qu'elle suppose l'introduction de la particule ab dans des
dialectes qui en possédaient depuis longtemps l'équivalent, savoir
cum. En italien, il est vrai, le mot est aussi usuel qu'en provençal,
mais avec une autre forme (appo) et un autre sens ; il manque
absolument en espagnol. Ce qui inspire encore plus de défiance,
c'est le fait que devant les voyelles le provençal applique la
forme ad (ad espero avec l'éperon), quand ab eût été tout
aussi commode : il distingue donc les deux particules. Il existe
même dans la signification des prépositions ad et cum (fr. avec),
appliquées aux cas dont il a été question, une différence légère,
mais cependant sensible, et qui donne quelque poids à l'opinion
qui reconnaît dans la première le latin ad. En effet ad semble
n'exprimer partout, et là même où il remplit les fonctions d'un
ablatif instrumental, que la manière selon laquelle quelque
chose se produit. Aussi lorsque l'instrument doit être mis en
relief ne peut-on se passer de cum. L'ital. egli lavora a sue
mani
. répond proprement à la question : comment s'occupe-t-il ?
mais lavora colle sue mani già stanche fait ressortir l'instrument
avec lequel s'effectue le travail ; et ainsi se comporte
aussi le franç. travailler à l'aiguille vis-à-vis de travailler
avec la même aiguille
. Mais le fr. à après des substantifs
(Guillaume au court nez) n'est autre chose qu'une forme du
prov. ab (comp. la filha ab la genta faisso) qui est rendue
de même dans d'autres circonstances, ainsi dans se battre à
l'ennemi
(prov. ab lo guerrier).

9. Enfin il faut aussi à propos de ad citer quelques particules
qui indiquent le terme d'une manière encore plus précise :
savoir ital. fino a, sino a (sur fino da, sino da voy. de) ou
infino a, insino a, esp. hasta, port.té, até, prov. entro
et tro, duesc'a et tresqu'a, franç. jusqu'à. Exemples. Ital.
battere fin' alla morte (usque ad necem) ; andare infino
alla porta
. Esp. venir hasta Cadiz, hasta la noche ; port.
até o fim. Prov. tro lo ser, tro al fon (jusque dans la source)
LR. I, 157a, entro a trenta Jfr. 159b ; duesc'al jorn ; franç.
147jusqu'à l'Océan, aussi jusques au ciel. Ces prépositions expriment
aussi le sens adverbial de même : esp. hasta sus enemigos
le estimaron
(même ses ennemis l'estimaient) ; franç.
il aime jusqu'à ses ennemis ; b.lat. qui tremor usque Hispaniam
attigit
(qui atteignit même l'Espagne) Gr. Tur. 5,
34 ; usque ad Susam urbem eœpugnavit Esp. sagr. VI, 432
(c. 720).

De.

Le sens primitif de cette particule est la descente, puis en
général l'éloignement d'un point. Dans les langues modernes
elle a en outre à remplir la place de la particule éteinte ex,
de même que le gr.mod. ἀπό, qui correspond tout-à-fait au roman
de, remplace  ἐκ; de plus la plupart des fonctions de ad lui sont
échues, en sorte que son action s'est extraordinairement étendue 153.
L'italien à côté de di possède encore le composé da qu'il emploie
en général pour ab, ce qui lui permet de désigner plusieurs
rapports avec plus de rigueur : da répond à peu près à l'angl.
from, di à l'angl. of. En valaque on a din pour ex et dela
pour ab.

1. Mouvement : descendere de coelo, derivare aquam
ex flumine, discedere a patre
. Ital. scendere dal cielo,
derivar l'acqua dal fume, uscire di casa, discostarsi da una
cosa
 ; et de même avec de dans les autres provinces romanes.
Remarquez le fr. approcher de qqch. (appropinquare ad),
qui a été peut-être occasionné par proche de, déjà en prov.
apropchar de Choix IV, 84, propchar de 280, aprosmar de
V, 318, de même val. sę aproprià de. L'aversion pour un
objet est indiqué aussi par ab, da, de : ainsi differre, diversus,
alienus ab aliqua re
 ; ital. dal fatto il dir diverso,
alieno dalla verità, dissimile da uno
 ; esp. diferente de
ageno de una cosa
 ; fr. différent de, dissemblable de et à,
mais étranger à. De même munire, celare ab aliqua re ;
ital. difendere dal gielo, celare da ciascuno ; esp. guardar
de, ocultar de
 ; fr. défendre de, cacher de (aussi à). Devant
148les noms de ville et de pays : ital. partire di Roma, della
Germania
, mais pour indiquer que qqun est originaire d'une
ville on applique da : io sono da Pavia, Giovanni da Fiesole ;
esp. franç. de ; b.lat. egredi de Parisius Gr. Tur. 6,
34 (sur ce Parisius voy. t. II, p. 38 note), de Hispaniis
regressi
6, 33, de Ravenna abductum, voy. Marii Chron.
Bouq. II, 16, de Ispania venientes HL. I, 36 (ann. 812).

2. Au latin ab, en tant qu'il indique le côté d'un objet
(habere aliquem a latere, a fronte, a tergo) répondent encore
en roman da et de : ital. di quella costa nacque un sole
(= in quella costa) Par. 11, 49 ; quest'è Megera dal
sinistro canto Inf
. 9 ; se Cristo sta dalla contraria schiera
P. Cz. 2, 6 ; esp. estaban de una y de otra parte ; prov.
l'una ost si era d'una riba (sur l'une des rives) Choix V,
92 ; franç. il a Dieu de son côté ; val. de a direapta, de a
stųnga
(a dextera, a sinistra). B.lat. de latere uno Bréq.
27a (ann. 528), de aliam parte Brun. 494 (ann. 738). L'ital.
da rend encore le sens spécial du lat. apud, fr. chez, gr. είς,
et s'emploie aussi comme ad pour répondre à la question quo :
egli stava dal suo amico ; io verrò da voi. Il exprime ensuite
l'approximation comme circiter : sono da cinque leghe ; de
même val. la patruzeci (environ quarante).

3. Dans les déterminations de temps, de désigne aussi bien
le point de départ : ital. di giorno in giorno, esp. de dias
(depuis quelque temps), fr. de ce temps-là, que le moment
d'une manière absolue : ital. di dì, di giorno (de jour), di
notte, da sera, da mattina, dal principio del mattino Inf
.
1, 37 ; sono da dieci mesi (à peu près dix mois) ; esp. de dia,
de noche
 ; prov. de mati, d'un an no y poiria venir (pendant
l'espace d'un an) Choix III, 3 ; fr. de jour, de nuit. D'autres
exemples de l'ancien roman qui se rapportent au temps et au
lieu ont été donnés par Tobler, Zum Alexanderlied p. 39.

4. De prend une valeur partitive avec beaucoup de transitifs
comme avoir, donner, prendre, manger, boire : numerare de
suo, demere de die, recipere de fructu vineae
. De même
ital. prender di questo pane, piover della sua grazia,
ricever del frutto della vigna
 ; esp. dar de estas comidas ;
tomar del fruto
 ; fr. prendre de ces pommes etc. Certains
adjectifs neutres admettent aussi ce sens partitif : ital. tenere
del semplice
(tenir du niais) ; esp. tener del agudo y del
discreto Nov
. 12. De opère ensuite comme partitif avec le
verbe être : sum de plebe ; ital. non siete delle mie pecore ;
149esp. no sois de mis ovejas ; franç. vous n'êtes point de mes
brebis
 ; b.lat. in qua sunt de reliquiis domini Bréq. 2b (ann.
475). Nous avons parlé plus haut, à propos du génitif, de de
partitif lorsqu'il est précédé du substantif ou du pronom.

5. La matière dont un objet est tiré est désignée dans l'ancienne
langue par ex, dans la nouvelle par de : facere aliquid
ex auro
. Ital. la croce fu fatta di ferro ; esp. los calzones
eran de lienzo
 ; franç. la maison est bâtie de bois. Sous la
dépendance d'un substantif : mensa e marmore (sc. facta).
Ital. croce di ferro, val. casę de lemn, b.lat. indumentum
de pellibus
Gr. Tur. 8, 34 ; capsulam de serico à côté de
thecam ex argento Bréq. 2d (ann. 475). Avec une valeur
abstraite en parlant du passage d'un état à un autre : e servo
libertus, e nigro mutatus in album
 ; de nave carcerem
facere
Pétrone c. 105, de bulba piscem c. 70. Ital. divenir
d'amante amico
 ; esp. de señora hecha esclava ; mudarse
de rico en pobre
 ; franç. de berger devenir roi ; devenir
sérieux de gai
 ; mais non pas se changer de riche en pauvre.
De même ital. che farò io di voi ? franç. je ne sais rien faire
de cette chose
 ; comp. lat. quid hoc homine facias ? de
fratre quid fiet ?
b.lat. seulement de : quid agendum sit de
martyrum corporibus
Bréq. 2c (ann. 523) ; fecit de ancilla
quod libuit
Gr. Tur. 4, 3 ; de ipsis rebus aliud faciendi
Bréq. 475d (ann. 739) ; quidquid de praedictis rebus facere
voluerint HL
. I, 35 (ann. 807).

6. De (ital. da) désigne ensuite la personne ou la chose d'où
procède un état passif répondant ainsi au lat. ab ou à l'ablatif.
Ital. è amato da tutti (amatur ab omnibus) ; il diritto è
stabilito dalla natura
(jus natura constitutum est) ; esp. es
conocido de muchos
 ; prov. aquel es doptatz de sos guerriers ;
franç. il est estimé de toute la ville ; val. este lęudat
de
(ou dela) totzi. Exemples du bas latin : de mea parvitate
institutam Bréq
. 162b (ann. 635) ; sic crevit fides catholica,
donec de orthodoxis viris fuit inlustrata Esp. sagr
. III,
390 (document ancien) ; roboratam de abbate Marc. 805 (ann.
879). Une seconde particule pour ce rapport est per (voy. à
cette prép.). Il reste encore à remarquer à ce sujet : 1) Comme
de a aussi une signification locale, employé avec un passif il
peut facilement donner lieu à des confusions, ainsi esp. pan
ganado de enemigos Num. 4
, 1 peut signifier panis hostibus
ereptus
et panis ab hostibus ereptus. Mais il n'existe pas
de langue qui puisse éviter en ce cas toute équivoque dans
150l'expression : le latin ab et l'allemand von peuvent aussi y donner
lieu. Si on veut la rendre impossible, on peut tourner par l'actif,
ou, en roman, appliquer per. — 2) Avec le réfléchi aussi,
lorsqu'il prend la place du passif, de ou per peut être employé.
Ital. si può da noi conoscere (potest a nobis cognosci) Dec.
2, 7 ; che da lui s'impera Ger. 6, 113 ; rubamenti si commettono
anche dai ricchi ; si conosce facilmente per chi
desidera
etc. Mach. Disc. 1, 39. Esp. de nadie sino de su
prima se sabia su falta Nov
. 10 ; la sabiduria se alaba
por todos
 ; port.o mar que só dos fêos phocas se navega
Lus
. 1, 50 ; que não se iguala de outra 3, 7 ; Sancho por
elles se regia
(regebatur ab illis) 3, 91. Pr. non s'alongan
mas per cels
(ils ne sont traînés en longueur que par ceux-ci)
GProv. 75. Val. fiiul se laudę dela tatęl (filius laudatur
a patre
). On ne dit pas en franç. cette maison se vendra de
mon ami
, mais sera vendue.

7. Pour le motif on se sert de de : 1) Avec des verbes employés
comme neutres qui expriment surtout l'idée de penser
et d'éprouver une sensation, et en partie aussi une activité plus
extérieure, comme dubitare, desperare, dolere, ridere, gaudere,
gloriari, loqui, tacere
et beaucoup d'autres. Le motif
indiqué par de peut aussi être considéré comme l'objet de l'activité :
ces verbes se construisent donc aussi pour la plupart avec
l'accusatif. En roman ce sont surtout des réfléchis qui font
partie de cette classe. Ex. : ital. pensare di una cosa, giudicare,
dubitare, disperare, godere, rallegrarsi, temere,
aflliggersi, dolersi, sdegnarsi, maravigliarsi, spaventarsi,
innamorarsi, confidarsi, accorgersi, intendersi, avvedersi,
curarsi, impacciarsi, piangere, ridere, gloriarsi, parlare,
disputare, vendicarsi, abbandonarsi
 ; il en est de même dans
les autres dialectes. Les locutions suivantes doivent surtout
attirer l'attention : ainsi ital. lodarsi di uno, prov. se lauzar
d'alcun
, franç. se louer de qqun. — 2) Avec des transitifs :
mittere aliquem de aliqua re ; ital. pregare uno di una
cosa
et de même domandare, richiedere, ringraziare, lodare,
riprendere, premiare, avvisare
. — 3) De plus avec
n'importe quel verbe de exprime la cause immédiate d'une activité,
comme le lat. ex, prae (irasci e perfidia, non posse
prae lacrymis
). It. lagrimare di gioja, tremare dipaura,
cascare di fame, perire di freddo
 ; esp. morir de hambre,
temblar de frio
 ; franç. trembler de peur, mourir de soif ;
val. murì de foame ; si au amortzit de fricę (torpuit prae
151timore
). De même b.lat. de vulnere interiit Idace ; de fame
perire Form. Bal
. 11.

8. De remplace l'ablatif latin pour désigner le moyen avec
des transitifs qui signifient en général douer ou doter de qqch.,
puis soutenir, réjouir ou affliger. De ce nombre sont implere,
inflare, adspergere, accendere, cumulare, nutrire, satiare,
exstruere, ornare, munire, vestire, cingere, juvare, turbare,
punire aliquem aliqua re
etc. Ici encore nous demanderons
à l'italien de représenter les autres langues : empiere
di cibo, gonfiare di vento, aspergere d'acqua, colmare
d'oro, bagnare di lagrime, accender d'amore, nutrire o
saziare di pane, fornire di danari, guarnire di suppellettili,
fregiare di lume, munire di mura, vestire di
porpora, cignere di ferro, giovare, soccorrere, sovvenire,
servire, pagare, contentare
, ou les réfléchis empiersi,
gonfiarsi
etc. di qc. De se rencontre ici avec l'instrumental cum,
bien que la première particule ne fasse proprement qu'ajouter un
complément à certaines idées verbales, tandis que la seconde
ajoute une circonstance spéciale aux idées les plus diverses, car
la conception n'est pas la même quand on dit par ex. en français
se nourrir de poissons et nourrir quelqu'un avec deux
poissons
. Dans l'état le plus ancien de la langue populaire
romane, de avait une force instrumentale illimitée, de sorte que,
à ce point de vue, il remplaçait absolument l'ablatif et désignait
par là aussi l'instrument, jusqu'à ce que cum lui eût disputé
cette acception. Du moins en bas latin de est-il souvent employé
avec cette valeur. Voici un choix d'emplois divers de ce de instrumental :
emi de mea pecunia Bréq. 2a (ann. 475) ; de anulo
nostro subtersigillare
27e (ann. 528), formule très-usitée ;
de radicibus alebatur Gr. Tur. 6, 8 ; vittam de auro exornatam
Bréq. 86b (ann. 590) ; de caducis rebus mercari
aeterna Form. M
. 2, 2 ; de manus suas excorticatas Form.
Mab
. 24 ; de linguas eorum dixerunt Form. M. app. 33 ;
de arma mea percussi 29 ; de fuste percutere Gest. reg.
Franc
, c. 35 ; alveus de cadaveribus repletus 37 ; de
ramis celare L. Sal
. éd. Schilt. tit. 68 ; fundata de vestra
manu Esp. sagr
. XL, 355 (ann. 745) ; de nostris opibus
subvenire
Tir. 7b (ann. 753) ; de quibusdam rebus honorare
Marc. 786 (ann. 853) ; de ignibus concremaverunt Esp. sagr.
XIX 384 (ann. 995). Le sens opposé de « dépouiller » demande
aussi de : ital. par ex. spogliare, privare, difraudare, sgombrare,
scaricare, sfornire d'una cosa
 ; b.lat. de pecoribus
152denudare
Gr. Tur. 4, 45 ; evacuare de hominibus 6, 31.

9. A ces acceptions de de se rattache le cas où cette préposition
accompagnée du nom qu'elle gouverne sert à la détermination
plus précise de l'attribut
. Ici encore de répond à
l'ablatif de l'ancienne langue, sinon à la préposition ab (valeo
ab oculis
). 1) Avec des verbes : ital. vincere uno d'intelleto
(par l'intelligence) ; mancare di fede ; smontare di colore
(perdre en couleur) ; egli sta bene di salute ; m'è ben preso
di questo fatto
 ; l'espagnol et les autres langues procèdent
de même. — 2) Avec des adjectifs. Ital. pronto di mano (manu
promptus
), brutto di viso, bello di persona, eterno di fama.
Esp. hermoso de rostro, ancho de conciencia, breve de
razones, ligero de pies
. Franç. beau de visage, noble
d'extraction, faible de santé, attentif d'oreille, grand de
nom
(voy. Choix VI, 128). Comp. b.lat. de personas nostras
servi
Mur. III, 1015 (ann. 796), liber homo de sua persona
Form. ital
. app. Le daco-roman emploie la ou. cu : frumos
la chip
(au beau visage), curat cu sufletul (au cœur pur).

10. De enfin désigne le mode (t. II, p. 429, 430). It. venire
di volo, di nave, andare di compagnia, di brigata, fare
una cosa di voglia, servire di scudo, avere di costume
.
Esp. estar de luto, hacerlo de corazon, ponerse de hinojos
(franc ; se mettre à genoux), servir de sargento, haber de
costumbre
. Franç. marcher d'un pas ferme, faire qqch.
de bon cœur, dormir d'un profond sommeil, avoir de
coutume
.

11. De (it. da) possède une valeur modale importante, comme
l'allem. als, lorsqu'il sert d'intermédiaire entre le verbe et la
nature ou la propriété d'une personne. On dit ainsi en ital.
molti fanno da ignoranti (multi faciunt imperite) ; egli
giura da cavaliero ; egli è trattato da amico ; si veste da
pastore
. Esp. es loado de musico ; pasa de embaxador ;
viste de estudiante
 ; surtout avec l'adjectif : aquella es celebrada
de hermosa
(pour sa beauté) ; es tratado de pobre ;
muere de olvidado
(oublié) ; la otra gente de ensoberbecida
pensaba
(dans son orgueil) Garc. Egl. 1 ; port. Apollo de
torvado a luz perdeo Lus
. 1, 87. La particule que en provençal
et en vieux français remplit le même office : amicx fai
que pros
(ital. da prode) Choix III, 417 ; fai trop que
vilana ma domna
76 ; li reis i fist que traïtre Rol.. p. 7 ;
il dist que curteis Charl. 716 ; respont qu'avisée Ccy.
537 ; tu feras que saige Ch. d'Orl. 13, encore dans La Fontaine.
153H. Estienne, Hypomn. p. 209, considère cette locution
comme elliptique : faire que sage revient à dire : faire ce que
feroit un sage
, et en fait l'adjectif est aussi mis au nominatif :
si fist que sages Ren. II, p. 86 (comp. Ampère, Form. d.
l. l. fr
. p. 118). En français moderne on dit traiter qqun
de fourbe etc. Sous la dépendance d'un substantif da ou de
exprime le but. Ital. non fui figliuolo da ciò (destiné à, apte) ;
non è impresa da lingua che chiami mamma o babbo Inf.
32, 9, et dans beaucoup d'expressions consacrées par l'usage,
comme una giovane da marito (jeune fille d'âge à se marier),
veste da donna, carta da lettere. Esp. baril de vino (baril
pour mettre le vin, baril de vin), relox de agua. Val. peanę
de scris
(plume pour écrire), cunę de venat (chien de chasse).
Mais le français dit verre à vin, papier à lettres.

12. Une expression spéciale qui indique avec plus de précision
le départ d'un point est esp. port.desde, fr. dès, depuis, prov.
des surtout pour le temps, daus surtout pour le lieu, val. dela.
Ex. pidieron paz desde la muralla (pacem petierunt ex
muro
) ; desde niño (a puero) ; des lo temps Rollan, daus
Orien, daus part
(it. da parte), daus costat (fr. de côté) ;
dès Orléans, dès sa source, dès son enfance, depuis cinq
heures
. Un synonyme français, pour le temps, est lors : lors
de son mariage
 ; le correspondant italien est fin da, sin da :
fin dalla prima età (usque a prima aetate), sin dal
primo giorno, insin dalla giovinezza
. Ces particules sont
l'antithèse de celles qui ont été indiquées au § 9 du chap. de
ad, par ex. esp. desde Madrid á Sevilla ; port.desde o
principio até o fim
 ; prov. del cap tro al talo ; fr. depuis
le Rhin jusqu'à l'Océan
 ; val. dela bisericę pųnę la scoalę
(de l'église à l'école).

In.

Les dialectes du nord-ouest ont appliqué deux particules à la
représentation de cette idée prépositionnelle, en et dans. Le
français emploie la première lorsque l'objet est pris dans un sens
général, la seconde lorsqu'on le considère à un point de vue
spécial ; aussi en ne s'applique-t-il guère devant un nom muni
de l'article. Exemples : aller en bateau, vivre en paix, venir
en hiver ; être dans la chambre, dans une chambre, c'était
dans la même année. Le, la
apostrophés peuvent cependant
se placer après en : en l'honneur, en l'absence, mais jamais
154le pluriel les ; l'article persiste au reste dans quelques formules
traditionnelles, comme en la présence de Dieu, jugé en la
grand'chambre
. Lev.français distinguait plutôt les deux mots
par leur signification : en était l'expression générale, dens,
développé de intus, s'employait en parlant de l'intérieur d'un
objet : des expressions comme en la forest, en une bataille
étaient donc parfaitement correctes dans Marot, ou même chez
des écrivains très-postérieurs. On renforçait aussi en en lui
préposant l'adverbe ens, et ce dernier s'employait aussi, quoique
plus rarement, comme préposition : ens en un mois Alex.
81, 16, ens l'estoire Thib. 160. Les mots prov. en et dins
se comportent comme les expressions du v.français. A côté de
dins on avait aussi comme préposition, dans les deux dialectes,
dedins : dedins Bethleem, dedins une chambrette, tandis
que le français moderne dedans, excepté dans par dedans
(passer p. d. la ville), est adverbe, bien que Corneille et
Molière lui reconnaissent encore une valeur prépositionnelle.

1. In n'indique pas seulement l'intérieur d'un objet, ce dont
il est inutile de donner des exemples, il désigne aussi l'extérieur :
coronam habere in collo ; ferre in humeris. Ital.
mettere un anello in dito ; gli gittò il braccio in collo (aussi
al collo). Esp. la comida está en la mesa ; traia un velo en
la cabeza
 ; port.sentava-me em hum penedo. Prov. metre
en la crotz ;fruitz el ramel
(aux branches) ; sezer en un poli
(sur un poulain) GO. 276b ; sis el alferan, sis el chaval (sur
le cheval) GRoss. ; v.franç. monter el destrier (es destrers
muntant Rol.
p. 31) ; seoir el cheval ; un anelet li a el doi
posé Agol
. 1315 ; mais fr.mod. mettre un anneau au doigt ;
mettre sur la croix
. Val. purtà in umeri (ferre in humeris),
mais śedeà pre cal p. 161.

2. In est usité aussi bien pour le mouvement dans l'espace
que pour le repos. Avec des noms de pays, on répond à la question
quo par in, excepté en espagnol et en portugais où l'on
se sert en ce cas de ad ; à la question ubi toutes les langues
répondent par in : ital. andare et essere in Italia ; esp. irse
áEspaña, estar en España
 ; pr. anar et estar en Proensa ;
fr. aller et être en France ; val. treace in Italia, se duce in
Italia
. Devant des noms de villes, l'esp., le port. et le pr. emploient
pour les deux rapports in, le fr. à et dans, l'it. ad et in : andare
a Roma, venire in Pisa
Malesp. c. 85, essere in et a Pisa ;
irse et estar en Madrid ;anar et estar en Marselha ; aller
et être à Paris, entrer dans Paris, arch. (encore dans Racine)
155être en Paris ; fuiz furent en Jérusalem LRs 295 ; vindrent
en Juda e a Jerusalem
294 ; comp. aussi cat. en Tortosa
e a Barcelona
(à la question ubi) RMunt. 65 ; val. fì in
Roma ; biserica din Jerusalim
(l'église de J.). Voyez à ad.
D'après Quintilien I, 5, § 38 veni de Susis in Alexandriam
est un barbarisme (Reisig Vorles. 693) ; le bas latin, suivant
l'exemple de la langue vulgaire, le commet sans hésitation.

3. In désigne la période de temps, comme ad le moment,
par ex. ital. siamo nella primavera ; esp. habia venido en
el mes de mayo
 ; fr. il arrivera en trois jours (mais dans
trois jours
pour le troisième jour). La progression dans le
temps est indiquée par cette même particule dans des phrases
comme ital. aspettare di tempo in tempo, fr. attendre de
temps en temps
, esp. aguardar de rato en rato.

4. Le sens fondamental de in, qui est d'exprimer le mouvement
ou le repos, est encore très-visible quand on l'emploie
abstraitement ; ainsi c'est parce qu'il exprime le mouvement qu'il
peut servir à désigner le but (qui est indiqué d'ordinaire par ad et
en latin par le datif) : cet usage abstrait se présente avec beaucoup
de verbes. Esse : ital. che t'è in piacere ? (qu'est-ce qui te plaît)
voy. Trucchi I, 72 ; questo a me sarà in piacere Dec. 4, 6 ;
esp. una cosa es en daño, en provecho ; prov. esser en ajuda
a alcun Fer
. 1216 ; franç. dieu vous soit en aide. De même
en latin (au lieu du datif) in lucro esse alicui Térence Phorm.
2, 1 ; in auxilio, in praesidio, in exemplo esse Pétrone. —
Habere aliquem in honore, in odio. Ital. avere alcuno in
pregio, in odio
(aussi avere alcun odio in uno Dec, comme
lat. odium habere in aliquem) ; com'avesse lo'nferno in
gran dispitto Inf
. 10, 36 ; tuapietate non avrà in ira Ger.
12, 98. Esp. tener á uno en mucha estimacion, en precio ;
tener una cosa en merced
et á merced (tenir à merci). Prov.
aver en viltat, aver en ira, en odi Év. de Jean éd. Hofm. ;
tener en grat, tenir a mal Choix III, 132 ; fr. avoir qqun
en grand'estime
. Comp. v.h.all. haben in hazze, in versihte
(c.-à-d. haïr, mépriser qqun). Avec un adjectif neutre : esp.
tener en mucho, en poco (magni, parvi aestimare) ; prov.
tener en car. Avec l'impersonnel habet, surtout en provençal et
en v.français : cal cavallier ac en Dovon (quel chevalier y
avait-il en D., quel chevalier était D.) Jfr. 56b ; en lui ot
nobille vassal Ccy
. 1112 ; en lui ot estrange compaignon
RCam
. 17. — Ducere, sumere et autres verbes analogues : ital.
pigliare in buona parte ; imputare in peccato ; pr. prenre
156en mal
, en solatz, en grat, colher en mal Boèce 50 ; franç.
prendre en amitié, en goût ; imputer a péché. — Mittere,
tornare : ital. mettere una cosa in non cale (traiter d'une
manière indifférente), tornare in pregio (donner de la considération) ;
prov. metre en oblida, tornar en deshonor ; franç.
mettre en oubli, tourner en ridicule. — Dare dono, dare
in supplementum
 : ital. dare in dono, esp. dar en don,
fr. donner en don. Et de même avec différents verbes, comme
ital. chiedere in dono, portare in voto ; esp. hacer una
cosa en venganza, pedir una cosa en albricias, llegar en
amparo
 ; fr. livrer qqch. en proie. — Le bas latin donne une
très-grande extension à l'emploi de in avec ce sens, et il lui
arrive souvent de s'écarter de l'expression classique, par ex.
in alimonia pauperum dederunt Bréq. 54a (ann. 558) ; in
cibaria dare
Gr. Tur. 3, 6 ; habebat in servitium suum
duas puellas
4, 26 ; reddere in responsis ibid. (donner en
réponse) ; quid daret in responsis Form. Mab. 49 ; in ornatum
ecclesiae debeat perdurare
Bréq. 108b (ann. 615) ; proficiat in
augmento
(d'ailleurs ad augmentum) 209c (ann. 651) ;
in proprietate recepi (en propriété) 260a (ann. 670) ; qui
casam in regimem habere videtur
(qui a à gouverner) 433a
(ann. 721) ; in beneficio habet 471d (ann. 739) ; accepi in
pretio Form. M
. 2, 19 ; diviserunt in signum (signi causa)
Gest. reg. Fr. c. 6 ; in regni solium ungere Mab. II, 658b
(ann. 763) ; exspectare in premio Esp. sagr. XVII, 236
(ann. 886) ; unctus in regno (consacré au pouvoir) XIV, 381
(ann. 922).

5. Dans la construction avec un double accusatif, celui qui
joue le rôle d'attribut est souvent accompagné de in, surtout
en italien, par ex. tenere uno in padre (avoir pour père),
eleggere in papa, adottare in figlio ; ottenere una donna
in sposa Ger
. 4, 43 ; destinare una in moglie 4, 45 ; esp.
dar en hijo ; port.eleger em rei ; comp. pro. Pétrone a dit
de même in ingenuum nasci facile est, cap. 57, ce qu'on
considère comme plébéien. B.lat. oratio ejus fiat in peccatum
(devient un péché) Bréq. 138d (ann. 631) ; in ancillam se tradidit
344d (ann. 696) ; sibi associare in reginam Gest. reg.
Franc
, cap. 11 ; in monarcham stabilire c. 40 ; in regem
elevare
c. 32 ; qui me sibi in filium conjunxit HL. 107
(ann. 861). Le grec de la décadence emploie aussi εἰς au lieu
de l'accusatif seul, par ex. ὑμεῖς ἔσεσθέ μοι εἰς υἱούς ; ἔλαβε τὴν
θυγατέρα εἰς γυναῖκα ; de là la Vulgate factus est in caput anguli
= εἰς κεφαλὴν γονίας.157

6. In s'emploie pour le mode : ital. in croce (en croix), voy.
t. II, p. 431 ; parlare in suono minaccioso, esp. decir en voz
alta
, prov. escridar en auta votz, comme gr. κράζων ἐν φωνῇ
μεγάλῃ Apocal. 14, 15, v.h.all. riaf druhtîn in mihileru lûti
Otfr. ; port.arremessar-se em força suma Lus. 2, 20. En
français cette préposition sert à désigner la matière dont est
constituée qqch., par ex. bâtir en pierr ; payer en or ; il
possède beaucoup en argent, en fonds de terre
 ; b.lat. precium
in argento Form. Mab
. 9 ; octuagenta solidos in auro
Brun. 460 (ann. 720) ; cum adjacentiis in terris, domibus
Bréq. 22b (ann. 523) ; tanta collata sunt tant in vestibus
quam in auro
Gr. Tur. 6, 36. A cette acception se rattache
l'emploi spécialement français de en pour indiquer la nature
ou la propriété, comp. l'ital. da : vivre en homme de bien
(vivere da uomo dabbene) ; vous parlez en soldat, je dois
agir en roi
 ; v.fr. aler en messagier (esp. irse de embaxador)
Agol. 310 ; aussi prov. parlar en fol Fer. 813 ; tenir
sos huelhs en fat Choix
III, 305 ; laiss' en fat Richart (c'est
ainsi qu'il faut lire) IV, 106.

7. Emplois divers de in. Avec les verbes croire, confier,
espérer
 : ital. credere in Cristo Ger. 1, 84 ; fidarsi, confidarsi
in uno
(di uno), sperare negli dei. Esp.creer en Cristo,
fiar, fiarse, confiar
de su amigo, esperar en dios. Prov.
creire en dieu, se fiar en sa vida, s'esperar en deu ; franç.
croire en dieu (au s. esprit), se confier en ses amis, espérer
en dieu
, fr. de transition se fier de ses amis Monn. Chrest.
I, 126. Val. crede in dumnezeu. B.lat. fidens in promissis
Gr. Tur. 6. 31 ; sperantium in se 5, 37 ; in eum sperantibus
7, 29. Il faut aussi remarquer ital. intendersi in una donna,
prov. s'entendre en (être épris de) Choix V, 46 ; de même
prov. chauzir en (choisir) III, 207. 243. V, 230. — Avec
engendrer et d'autres verbes analogues. On dit en b.lat. : in
ancilla mea tibi
(pour te) generavi Form. M. app. 47 ; filios
in ea generavi
52 ; prov. vos engenret en la maire PO.
176 ; v.fr. en qi engendra filez NFabl. Jub. II, 355 ; esp.
haber, tener hijos en una muger ; v.fr. li enfes qu'ot en
la serve Berte
85 ; mais enfin aussi ital. ingravidare in due
figliuoli Dec
. 3, 9 ; che in te s'incinse Inf. 8, 45 ; prov. ab
qui etz parieira en l'efant ?
(qui vous a rendue mère de l'enfant ?)
Choix III, 475. — L'espagnol et le portugais emploient
avec certains verbes in au lieu de de et d'autres prépositions,
ou bien pour l'accusatif. Voici quelques exemples : esp. pensar
en desastre ; hablar en una persona
(au sujet de), comp.
158PC. 1950 ; responder en una pregunta (à) ; contemplar et
advertir en una cosa (advirtiendola en el termino en que
estaba Nov
. 10) ; alegrarse en una nueva PC. 1295 ; en
dios y en mi anima
(serment) ; port.em que pensais ? não
fallemos naquella infirmidade
S. de Mir. I, 265 ; nos perigos
passados vão fallando Lus
. 2, 67 ; no futuro castigo
não cuidosos
(au sujet de) 3, 132 ; dôr em os ciumes causada
(à travers) R. Egl. 5. Avec comprar et vender le prix d'achat
ou de vente peut également être indiqué au moyen de en, ainsi
que cela a lieu déjà dans d'anciennes chartes : vendere in centum
solidos Esp. sagr
. XL, 400 (ann. 934), comp. goth. frabugjan
in managizô thau thrija hunda skattê
(veniri plus
quam trecentis danariis
Marc. 14, 5.

Cum.

Le correspondant de cette préposition est en prov. ab, en v.fr.
ad et d'autres formes encore. Le français moderne dit avec (poét.
avecque), et pour indiquer la séparation d'avec (distinguer
l'ami d'avec le flatteur
) 154.

1. Le sens local de compagnie et de communauté est rendu
de la même manière qu'en latin. Cum prend souvent le sens de
apud : ital. egli disse seco ; lo ritenne seco ; esp. poder
mucho con uno
 ; prov. dire ab se Jfr. 92a ; ma fes quem
degra ab mi dons valer Choix
III, 77. Et aussi celui de
159adversus : ital. quanti obblighi Roma abbia con Cesare
Mach. Disc. 1, 10 ; l'odio ch'egli aveva col padre 1, 11 ; esp.
mostrabanse con todos liberales Nov. 10 ; usaba caridad
con sus enemigos
 ; pr. ab la donzella an amor Boèce 215 ;
porta ira ab sos fraires GO. 141b. Au reste cum désigne
aussi la circonstance accessoire : lat. aliquid facere cum
voluptate
, ital. fare qqch. con fatica, esp. con ligereza,
prov. ab marrimen, fr. avec douleur, val. cu męsurę.

2. Cum accompagne le nom du moyen, auquel cas le latin
employait l'ablatif, et, avec les personnes, per. Exemples : ital.
costrignere alcuno colla forza e colle minacce (vi ac minis
cogere
) ; ordinò con una sua fante (fit dire par une servante)
Dec. 7, 1. Esp. gana alguna cosa con los siervos (par le
travail des esclaves) FJ. 71a ; llamólas Cornelia con el ama
(la fit appeler par la garde) Nov. 10 ; port.nações cercadas
com as ondas do oceano Lus
. 3, 18. Prov. lo chastia ab so
sermo Boèce
49, l'expression française est par, non pas avec.
L'instrument est également indiqué par cum : ital. asciugandosi
gli occhi col bel velo
P. Cz. 14, 3 ; riprese 'l teschio
misero co' denti Inf
. 33, 77 ; esp. matar á alguno con el
cuchillo
 ; pr. bastir ab peiros ; fr.bâtir avec du bois ; couper
avec un couteau
 ; val. punge cu cutzitul (pungere cultro).
De même dans le plus ancien bas latin : cum armata manu
interfecit
Gr. Tur. 3, 35 ; cum oleo crucem sanctam faciens
6, 6 ; haec voluntas cum manus nostras roboratas Form.
Mab. 36 ; traendo cum nave tam granum quam et salem
Mur. I, 799 (ann. 768) ; cet emploi de cum est plus rare dans
le latin classique. Le sort de l'ablatif latin a été partagé par
le datif grec et gothique, que le grec moderne, et généralement
aussi le v.h.allemand, rendent par la particule correspondante :
πατάσσειν ῥάβδῳ et κόπτω μὲ τό μαχαίρι, stainam vairpan et werfan
mit steinon
.

3. Au sujet de cette préposition il reste encore à observer
qu'elle s'unit volontiers, dans le sens d'accompagnement, à simul
(it. insieme con etc.), adverbe qui, en v.français, remplit aussi
tout seul, comme le gr. ὁμοῦ et le v.h.all. samant, les fonctions
d'une préposition : ensemble les apostles, ensemble eux Rab. ;
ensuite que l'espagnol exprime aussi bien l'idée d'association que
le contraire de cette idée au moyen de para con : para con ella
es de cera mi alma
(auprès d'elle) ; quien es la criatura para
con el criador
(en comparaison de) ; le portugais a aussi para
com
.160

Per.

Sur la confusion de cette particule avec celle qui suit, voy.
t. II, p. 450. Elles sont synonymes par ex. dans cette phrase
du bas latin : per omnes montes ac pro illis locis Esp. sagr.
XXVI, 443 (ann. 804). Les formules romanes sont : ital. prov.
per, fr. par, esp. port.por, val. pre.

1. Dans le sens local, per se comporte en roman comme en
latin. Il faut seulement observer que dans les deux langues per
exprime l'extension dans l'espace, en répondant à la question
ubi, mais cet emploi est beaucoup plus restreint en latin :
fabulari per mas ; discumbere per sylvam. Ital. la gente
che per li sepolcri giace Inf
. 10, 7 ; même mi ritrovai
per una selva oscura
ibid. 1, 2. Esp. per la uueste (c.-à-d.
hueste) de los Griegos gran era'l dolor Alx. 1859 ; port.
pelo monte selvatico habitavão Lus. 4, 70. Prov. la blava
flor que nais per los boissos Choix
III, 61 ; franç. cela se
fait par tout pays
. B.lat. multas injurias per diversa loca
suscepisti Form. Mab
. 36 ; sacerdotibus per loca sancta
habitantibus
Bréq. 429b (ann. 721) ; diversa loca per diversos
pagos
502 (ann. 751). En valaque cette préposition passe
tout-à-fait au sens de in : vez un comit pre ceriu (video
cometen in coelo
) ; sez pre cal (equo vehor) ; mę suiu pre
cal
(equum conscendo).

2. Per désigne l'endroit par lequel on saisit ou on maintient quelque
chose. Ital. mi prese per lo lembo Inf. 15, 24 ; esp. tomabale
por la mano
 ; prov. pren per lo talo Boèce 214 ; franç. on
prend le couteau par le manche
. B.lat. adprehensam per
comam
Gr. Tur. 5, 39 ; pueros per nervum femoris appendentes
3, 7 ; per capillos arripere L. Burg. 5, 4, accipiad
eam per manum desteram Form. ital
. app. Val. apucà de
bratz (saisir par le bras), prinde pe cap (prendre par la tête),
Lat., avec l'ablatif, apprehendere pallio aliquem. Il est probable
que ce sens est un développement du sens modal, comp.
lat. pendere pendibus, et dans Plaute pendere per pedes.

3. Per exprime aussi l'extension dans le temps : per noctem,
ital. per due ore, franç. par le beau temps, ainsi que le
moment indéterminé : esp. le hablé por la mañana (le matin),
port.pelo fim de Abril, prov. per un mati, v.fr. par matin,
val. pre searę (vesperi).

4. Le mode d'une action : lat. auferre per jocum (en plaisantant,
aussi joco), et de même per injuriam, per fallaciam,
161per gratiam, per ordinem
 ; de là ital. per pezzi (par
morceaux), per accidente, per ventura, esp. por grados
(par degrés), por ventura, pr. per decepcio (astucieusement)
Boèce 52, v.fr. par douchour (doucement) ChCyg. 2430,
par grant humeliance RCam. 71, fr.mod. par hasard etc.

5. La cause directe (à cause de) : non posse per aetatem,
per annos, per amorem ; per metum male rem gerere
.
It. fare una cosa pel comando di uno ; che fece per viltate
il gran rifiuto Inf
. 3, 60 ; esp. hacer una cosa por miedo ;
morir por ley del cielo
 ; franç. faire qqch. par crainte, par
haine, par charité
. Le m.h.allemand dit de même : ein dinc
tuon durch verzagten muot, durch güete
.

6. Le moyen : 1) Avec des personnes, comme dans le latin
injurias per aliquem ulcisci ; ital. quel poco che per me
si può
 ; fr. je lui ai fait dire cela par mon ami etc. — 2)
Avec des objets, là où le latin emploie l'ablatif. Ital. spegner
fuoco per fuoco
 ; pr. pistola escricha per tencha (epistola
scripta atramento
) GO. 302b ; fr. écrire par sa main. B.lat.
per nostris oraculis confirmare Form. M. 1, 4 ; per falsum
osculum tradidit dominum
Bréq. 306c (ann. 686) ; per hoc
praeceptum decernimus ; scriptum per manum notarii
, et
beaucoup d'autres exemples analogues. Voyez à la fin du chapitre
les expressions périphrastiques a forza, mediante.

7. Avec le passif, per remplace le latin ab et le roman de,
surtout quand il s'agit d'une action matérielle. Ital. questo fu
veduto per alcuno ; intanto voce fu per me udita Inf
.
4, 79 ; esp. el mundo fué hecho por dios ; esto fuè visto por
él
 ; pr. (très-usité) ieu fui per vos grazitz, lauzatz, servitz,
cassatz
 ; fr. il a été tué par un tel. On a aussi recours à per
lorsque la phrase contient déjà un de, par ex. fr. il fut accusé
de qqun
, mais il fut accusé de vol par qqun. Per pour ab
est fréquent dès les premiers siècles du moyen âge, par ex. chez
Idace : Maximus occiditur per Theodosium ; per Theudericum
legatus mittitur
à côté de legati a Theuderico mittuntur.
Dans Grég. de Tours admonita per sacerdotem 3,
16 ; per regem pacificata 3, 33. Dans des chartes : per
Christum sanctificati sunt
Bréq. 20d (ann. 523) ; inquisitum
est per plures personas
388c (ann. 710) ; per eundem declaratur
390c (ann. 710) ; per hominis condita Brun. 461
(ann. 720).

8. Per prend un sens distributif dans des phrases comme
ital. a migliaja per giorno infermavano ; esp. trecientos
162reales por mes
 ; fr. six écus par an ; val. mųnc odatę pre
(it. mangio una volta per giorno) ; b.lat. unam amphoram
per aripennem
Gr. Tur. 5, 29 ; per caput (par tête) Mur. V,
530 (ann. 744).

9. On doit encore observer l'emploi de per avec les verbes
jurer et attester : jurare per Jovem. Ital. giuro, prego per
dio
 ; esp. juro por los dioses ; prov. per dieu e per ma fe ;
fr. jurer par sa foi ; val. pre omenia mea (par mon honneur).

10. Un composé usité pour rendre le sens local de per est
Fit. per mezzo (à travers), par ex. per mezzo questa oscura
valle
 ; esp. por medio la cort PC. 2942 ; prov. per mieg
la val
 ; franç. parmi, voy. à inter. Puis fr. à travers avec
l'accusatif : aller à travers les bois, mais au travers d'un
buisson
.

Pro.

Cette préposition, dont l'usage en roman est exactement
parallèle à celui de διά (avec l'accusatif) en grec moderne, a pour
représentants en espagnol et en portugais por, en français
pour, en italien et en provençal per 155 : elle a renoncé en roman
au sens local tel qu'il se montre par exemple dans sedere pro
aede
, elle ressemble ainsi à l'all. für, en tant qu'il a également
abandonné cette signification.

1. C'est lorsqu'il désigne le remplacement que pro côtoie
de plus près ce premier sens, par ex. ital. andante là per me
(à ma place) ; esp. asisto por mi compañero ; prov. manje
per dos
(mange pour deux) Choix IV, 67 ; franç. il comparut
pour son frère
. De là son emploi avec la désignation du prix
d'achat ou de vente (comp. ad) : ital. comprare, vendere per
mille lire
 ; esp. comprar, vender, dar por cien doblones ;
franç. acheter, donner, laisser pour six écus ; b.lat. emere
pro justo pretio Esp. sagr
. XL, 363 (ann. 757).

2. Dans une acception plus abstraite, pro indique la place
qu'occupe un objet, sans qu'on ait égard à un autre objet,
comme dans transire pro transfuga, esse pro damnato,
addere pro argumento
. Ital. andare per legato (en qualité
de) ; andare per podestà (sans per : andare podestà Dec.
1633, 5) ; esser per guida ; egli si loda per cortese ; si tornava
a casa per disperato ; lo seppellirono per morto ;
lo lasciarono per morto ; avère uno per amico
(pour) ;
prendere una per moglie ; stabilito per lo loco santo ;
dare uno per servidore ; eleggere per padre
. Esp. fué
ahorcado por ladron ; pasar por embaxador ; enviar por
virrey ; quedarse por alcalde ; escoger por hijo ; alevantar
por rey ; tomar por señor ; dar por consejo ; dexar
por loco ; tener por amigo ; poner por nombre
. Fr. payer
qqch. pour bon ; laisser pour mort ; prendre pour femme
.
Pro s'emploie beaucoup avec croire, connaître et autres verbes
analogues : scire pro certo ; aestimare pro nihilo ; habere
pro amico
(se considérer comme un ami). It. credere, sapere
per vero, reputare per santo, sentire per tema
(prendre pour
de la peur), avere per miracolo. Esp. tener por cierto, tener
uno por sabio, juzgar por loco, conocer por caballero
 ; port.
aver tudo por nada, reputar huma por filha. Prov. tener
per perjur, aver per ergulhos
 ; franç. compter une chose
pour rien, tenir qqun pour méchant
.

3. Pro signifiant « à l'avantage de » s'oppose à contra :
hoc pro me est ; ital. farò ogni cosa per voi ; esp. hablaré
por vos
 ; franç. il s'est déclaré pour le roi.

4. A peine doit-on séparer de cette acception le cas où pro
rend l'idée de but, que les langues du sud-ouest expriment par
une préposition spéciale para. Ital. l'uomo è nato per la giustizia
(ad justitiam) ; questa donna è bella per moglie ;
quante lagrime ho già sparte pur per mia pena  !
P. Cz.
29, 7. Esp. esta carta es para mi hermano ; verdadero
amigo para ayuda
 ; port., aussi pour la direction : para o
austro
(vers le sud) ; fallar para algum (parler à qqun). Fr.
cet habit est trop chaud pour la saison ; c'est bon pour la
fièvre
. Comp. b.lat. properant pro episcopatu petendo Gr.
Tur. 6, 36 ; per altercationes audiendas HL. 113 (ann. 862),
per est employé pour pro ; oleum per luminaria (huile
pour éclairer) Mur. II, 1030 (ann. 777) ; adduxerunt me pro
ad
morte (esp. para la muerte) SRos. I, 341a (ann. 943) ;
lectos per ad pauperes (lits pour les pauvres, per ad pour
pro ad) Esp. sagr. XVIII, 332 (ann. 996) ; post egressum
domini
per ad Romam ibid. XL, n. 22 (ann. 934). De même
ital. questo è per un mese (pour) ; esp. es por un mes ; lo
dexaremos para mañana
 ; franç. il va dans son pays pour
un an
. On trouve aussi pro avec des verbes qui expriment un
164mouvement ou un désir : ital. andare per uno (chercher qqun),
mandare per uno, domandare per uno, partire per Napoli ;
esp. andar por leña, preguntar por uno, salir ó
partir para Galicia
 ; prov. partir per la Fransa ; fr. partir
pour
(non pas à) Paris.

5. Enfin pro peut aussi désigner le motif. Ital. egli è in
prigione per debiti
(à cause de ses dettes). Esp. fué condenado
por una pequeña falta
. Pr. blastemeron dieu per la
plaga
(propter plagam) GO. 170a ; v.fr. por lachalor ôta
son mantel RCam
. 64 ; fr.mod. il fut puni pour son crime.
B.lat. pro qua causa excommunicatus est Gr. Tur. 4, 26 ;
suspectum habebat pro hac pugna Gest. reg. Fr. cap. 33 ;
pro divinitatis intuitu tibi absolvemus (en vertu de notre
sainteté) Form. Mab. 23 ; pro timore dei et amore pauperum
Form. M
. 2, 1 ; pro dei amore, pro amore Christi ;
pro culpa mea
et d'autres exemples encore. Surtout dans les
conjurations : ital. per l'amor di dio ; esp. por el amor de
dios
, port.pelo amor de deos, por amor de mim ; prov.
per vostr'amor, v.fr. pro deo amur, fr.mod. pour l'amour
de dieu, pour dieu
 ; et de m. v.fr. pur les oilz deu TCant.
p. 14 (par les oilz deu est un serment, voy. per), pur S.
Denis
28, 6 ; m.h.all. avec durch, gr.mod. avec διά = per :
durch got, durch iuwer liebe, διά τὴν ἀγάπην μου.

Les autres prépositions.

Apud, juxta. Les prépositions qui ont cette signification
passent quelquefois à celle de post, comme l'all. nach, qui à
l'origine indiquait la proximité. Ital. appo : mi scuso appo voi,
pietoso appo lui
(en comparaison de, prae, παρά), appo loro
venivano molti altri
(post). Giusta, voy. secundum. Presso,
appresso
avec di, a, et l'accusatif : presso di qui, presso al
giorno ; appresso gli scrittori antichi
(c.-à-d. apud), entrare
appresso a lui, appresso la morte
(post), appresso
dio
(secundum deum, auprès de Dieu). Costa il poggio. Vicino
di, a : vicino di Roma, vicino al palagio, vicino alla terza
ora, vicino alla sua vecchiezza
. Rasente la terra, rasente
al muro
(le long de). — Esp. cabe la isla (archaïque). Junto
al muro, junto á la ciudad. Cerca del agua (acerca de
PC.
1109, voy. circa). Port.junto das et ás suas casas.
Perto d'hum jardim, perto de hum anno. — Prov. josta :
la flors jostal fuelh, vestitz josta peleri (à la manière de).
165Prop de Mauretainha (aprop, voy. post) ; b.lat. prope de
fluviolo
Bréq. 257b (ann. 670) et souvent. Costa si (juxta
se
). Pres de la ciutat, près Cofolen Choix V, 116. Rasen
lo talon, ras e ras del costat (tous deux pour la proximité
immédiate, comme l'ital. rasente). Latz e latz de Jaufre. —
Le franç. chez représente généralement apud : une coutume
chez les Grecs, j'ai été chez vous
(ital. da, esp. en casa de)
je viens de chez vous. Proche avec de, et l'accusatif : proche
de la ville, proche le palais
. Près de l'église, près de midi ;
rarement avec l'accusatif comme dans près le palais (après,
voy. post) ; mon jardin est auprès du sien, son mal n'est
rien auprès du mien ; une maison
joignant la sienne. V.fr.
juste lui, juste la manière ; aprop si (chez soi) ; à côté de
près de on a aussi empres, depres avec l'accusatif ; res a res
de ; on se sert surtout de lez avec l'accusatif : lez le costet
Rol.
. p. 41, leiz l'oïe RCam. 75 156.

Secundum (le long de, conformément à). It. secondo et giusta,
giusto
avec l'accusatif, ne s'emploient qu'au sens abstrait :
secondo il suo comando ; giusta la sua intenzione. Lungo
s'emploie au sens local pour secundum, en général avec l'accusatif :
lungo l'amate rive andai ; lunghesso'l mare ; rarement
pour juxta : un' ombra lungo questa Inf. 10, 53. — Esp.
segun la ley ; port.segundo seus costumes. Esp. conforme
tu deseo ; port.conforme o seu parecer. Au sens local port.
de longo, ao longo de huma ribeira. — Pr. segon la vostra
merce
. Local pour juxta : lonc se Jfr. 72b, lonc lo rei Artus
123b, de lonc se 161a ; de même val. śezi lųngę mine (assieds-toi
près de moi) 257. — Franç. selon et suivant au sens abstrait :
selon mon sentiment ; suivant votre avis. Au sens local
le long, par ex. de la rivière ; de même au long du bois.V.fr.
segont dreit ; solon Naymon avoit passé (à ses côtés) Agol.
463, selonc lui (près de lui-même) Lai du Trot. p. 80, lonc
sa repentanche
(conformément à) Rob. le diable.166

Circa. Ital. circa, circa di, circa a : volgeansi circa noi,
circa di quel tempo, circa di tre braccia, circa a dieci
fiorini, circa il noto affare
(à l'égard de, comme v.h.allem.
umbi, gr. ἀμφί). De même aussiintorno, p. ex. intorno le mura,
intorno della fontana, intorno agli occhi, intorno dal
Gardingo Inf
. 23, 108, intorno di trent'anni. — Esp.
cerca de, acerca de pour le rapport : acerca de esta circunstancia
(cerca de aussi pour prope) ; le sens de circa est rendu
par les nouvelles expressions al rededor et en torno avec le
génitif. Port.cerca, acerca, ao redor comme en espagnol ;
puis em torno, par ex. do corpo. — Prov. torn, entorn avec
l'accusatif : torn lo lieg Jfr. 92a. 94a ; entorn mi, entorn la
mieya nueit
. Enviro de sept ans ; le simple viro avec l'accusatif :
viron l'aureilla, viro la quarta vejilia GO. 330a. —
Franç. autour de pour le lieu : il va autour de la maison.
Environ avec des nombres : il a fait environ deux lieues.
V.fr. entour le col, alentour du chasteau, environ moi
(ainsi dans un sens local, voy. Orelli 381) 158.

Ante. It. anzi, pour le temps : anzi vespero, anzi mill'anni ;
pour l'espace on a anzi a, par ex. anzi al cospetto ; ce mot a
aussi le sens comparatif de prae : rupe alpestra ch'anzi lui non
paresse un colle Ger
. 4, 6. Les composés avanti, davanti,
innanzi, dinanzi
avec a, di, ou l'accusatif : avanti al giudice,
avanti il giorno ; davanti la casa, davanti alla ruina
(devant
l'abîme) ; innanzi a dio, innanzi tempo, innanzi al di ; stare
dinanzi ad una persona, dinanzi la casa, dinanzi a me non
fur cose create Inf
. 3, 4. — Esp. ante pour l'espace et le
temps : ante el juez, ante todas cosas, paso ante paso (pas
à pas), ante tres dias ; pour la cause, comme le lat. prae : ante
roydo la tierra quiere quebrar PC
. 704 ; antes de pour le
temps : antes de la noche ; delante de pour l'espace : estar
delante de una persona
. Port.ante, perante o principe ;
antes de pour l'espace et le temps : antes do paço, antes do
dia
. — Prov. ant dans antan (ante annum) ; ans avec de ou
l'accusatif, en général pour le temps : ans la festa, ans del
peccat
(ante peccatum commissum) ; ensuite davan so vis
(ante oculos), devan me ; denan se, de denan se (loin de soi
Choix V, 182). — Franç. devant pour l'espace : devant le
167feu, devant des témoins ; il vint au-devant de moi
 ; avant,
pour le temps : avant la fin de l'année, avant midi. V.fr.
ains jour ; ainçois la vespre ; devant se dit aussi du temps et
de l'ordre, voy. Orelli 381.

Post, pone. Ital. dietro a : era dietro alla casa ; rarement
pour le temps, comme dans dietro mangiare (post coenam) ;
retro chez Dante : che retro a lui siede Pg. 7, 116. Le mot
italien produit par anastrophe, dopo, s'emploie pour l'espace et le
temps : dopo le spalle (post tergum), dopo costui venne un
famoso
 ; val. aussi pour secundum : dupę legile (secundum
leges
). — Esp. tras pour l'espace : iba tras él ; está detras
de la puerta. Despues de s'emploie du temps et de l'ordre :
despues de la pasqua, despues de dios (secundum deum),
arch. en pos de dios. Port.tras os montes ; detras da casa ;
despois de tempestade ; hir apos algum, apos isso (postea).
— Prov. tras pour l'espace, par ex. tras un pilar ; detras
si. Temps et ordre : aprop vos ; apres l'afan ; seguentre
vos Jfr. 147b ; desenguentre lui. — Franç. derrière pour
l'espace, contraire de devant : il est derrière le jardin.
Après pour l'espace et le temps : après ce vestibule est un
salon, après le déluge
. V.fr. riere, detres, puis, soventre,
tous avec l'accusatif.

Cis et trans. Ital. di qua et di la unis à da : di qua dal
mare, di là dal monte, al di qua dell'Apennino, al di là
delle Alpi, di qua dal suon dell' angelica tromba lnf
. 6,
95, di là dal modo che'n terra si vede Par. 5, 2. — V.esp.
aquende, allende del rio ; port.aquem dos Alpes ; alem da
Taprobana
. — Prov. de sai, de lai mar, de sai Adam. —
Franç. deçà, delà la rivière, de deçà la Loire, au delà des
mers, au delà de mes espérances
.

Ultra. Ital. oltra avec l'accusatif, aussi avec ad : oltra le
Alpi, oltre ad ogni speranza, oltre a questo
 ; devant un a
on emploie la forme oltre. — Prov. oltra la terra normanda.
Part totz los mons, part las donas (praeter) Flam. 7, part
son voler Choix
IV, 77. — Franç. outre cela, outre gré,
outre la somme
 ; pour l'espace : v.franç. passer ultre Saine,
outre mer
.

Contra. Ital. contra et, devant un a, généralement contro,
avec l'accusatif ou avec ad : contro a questa porta, virtù
contra furore prenderà l'arme
Pétr. ; aussi incontra,
incontro
. Pour la situation dans l'espace (vis-à-vis) on se sert
surtout de all'incontro di una cosa ; rincontro, di rincontro,
168a rincontro
 ; rimpetto, a rimpetto, dirimpetto alla
porta
. — Esp. esta casa está contra el oriente, la triaca
es contra el veneno ; hablas
encontra de mi deseo. Dans une
acception purement locale : una casa frontero ou enfrente
de la iglesia. — Prov. estar contral solelh, leugier contra
la mort
(en comparaison de) ; un synonyme est encontra. —
Fr. ce champ est contre le bois, marcher contre l'ennemi.
Pour la situation dans l'espace : vis-a-vis de. V.fr. contre,
encuntre comme en provençal ; avec parler il s'emploie dans
un sens favorable : encontre lui ne parleront, voy. Melion
p. 44, comp. adversus aliquem loqui dans Térence, et m.h.
all. sprechen wider diu wîp (avec elles), v.ital. disse contro
lui CNA
. 29.

Versus est usité aussi en roman au sens abstrait pour adversus,
et pour les déterminations de temps. Ital. verso l'occidente,
verso la sera
(sub vesperam), commettere qc. verso
uno, la sua pietà verso di me, disse verso Melisso
(comme
contra) Dec. 9, 9, mordere era nulla verso'l graffiar (en
comparaison de) Inf. 34, 59 ; inverso il mare ; les deux prépositions
s'abrègent chez les poètes : ver ponente, inver l'angelica
beltade
. — Esp. hácia : vieron venir hácia ellos un
bulto de gente
. — Pr. ves se me tira, vas lui fay falhimen,
son fals vas mi li plus leial
(en comparaison) ; deves qual
part me vire, deves deu no torna so talent
 ; b.lat. de versus
monasterio venit
Bréq. 136 (ann. 631). Endreit (dans la
direction, par rapport à) : endreg vos eu non aus far semblan
Choix
III, 214, endreg bona fe mi vulhatz be 174, endreg
d'amor
301. — Franç. vers qui n'a que le sens local et temporel,
envers dans le sens abstrait : vers le Nord, vers les
quatre heures
(circiter) ; charitable envers les pauvres,
ingrat envers son bienfaiteur
. V.fr. vers, aussi abstrait, par
ex. continent vers les femmes ; guardez devers les porz
Rol.
. p. 35 ; il vint devers le roy (en présence du roi) Froissart ;
(par devers est encore usité avec le pronom personnel) : par
devers lui
 ; endroit, comme prov. endreit.

Super, supra. It. sopra avec l'accusatif, rarement avec ad :
volar sopra il cielo, montare sopra il cavallo (equum conscendere)
sedere sopra un carro, correr sopra uno (sur
qqun), sopra la marina (ad mare), sopra sera (sub vesperam)
pensare sopra una cosa, l'amava sopra la vita
sua, giuro sopra la mia fè, sopra la malattia ancora la
fame
(super morbum etiam fames). Su, in su avec le même
169sens : sull'alta riva ; un carro in su due rote, sulla et in
sulla nona
(circiter meridiem), in sul mio primo giovenile
errore
P. Son. 1. — Esp. sobre : la tortolilla sobre el olmo,
subir sobre asno, me costó sobre cien reales, correr sobre
alguno, llegar sobre la tarde, hablar sobre mesa
(super
coenam
), disputarse sobre una cosa. Aussi port.sobre, et,
dans les deux langues, en cima de una cosa. — Prov. sobre,
desobre
 : jurar sobre sans (sur les saints évangiles) ; riu
desobre los sablos
. Sus, desus : montar sus l'arbre, honrada
sus tota re ; venir desus un destrier
. — Franç. sur :
cela roule sur la tête, s'appuyer sur un bâton, ville sur
le Rhin
(ad Rhenum), sur la fin de l'hiver, sur ma foi,
sur toute chose
(super omnia), disputer sur une question.
Dessus (au lieu de l'usité sur) : rêver dessus cette aventure
Mol., il entasse lauriers dessus lauriers Corn. ; de même au-dessus
de pour supra : au-dessus des deux, au-dessus de
ses forces, au-dessus des louanges
 ; par dessus et de dessus
avec l'accusatif ; il est riche et par-dessus cela il est sage ;
ôtez cela de dessus la table
. V.fr. rex sovre pagiens Eulal. ;
Oliver est
de sur un pin muntet Rol.. p. 32 ; de sor la coife
RCam
. 18 ; cel cop sus tous autres loerent Ccy. 1729 ;
sus un mont encore chez Marot et Rabelais. En sun cel pin
Charl
. 32 ; par sum les puis Rol.. p. 23. — L'emploi roman
de super pour ad est de la plus haute ancienneté : Maddoallo
super fluvium Anisola
Bréq. 26b (ann. 528) ; interfectus est
Super Ira fluvio
, voy. Marii chron. Bouq. II, 13 (VIe s.) ; in loco
Cotiraco, quae est super fluvium Isera
Mar. 98 (ann. 640) ;
villas super ripam Minei Esp. sagr. XL, 381 (ann. 842) etc.

Sub et infra. It. sotto : sotto il sole, sotto pena della vita,
sotto il governo di questo principe
 ; plus rarement sotto ad una
cosa
. L'esp. so, qui jadis était généralement usité, ne s'emploie
plus maintenant que dans certaines expressions comme so pena,
so pretexto
. Ce mot a été remplacé par baxo avec l'accusatif,
par ex. baxo mis pies ; debaxo de la cama. Port.sob pena ;
debaixo da chave ; abaixo deste monte. — Prov. sotz lo
cel
. — Franç. sous le ciel, sous le nom de mon ami, sous
peine, sous quinze jours
(intra 15 dies). Au-dessous de,
le contraire de au-dessus de, s'emploie surtout pour infra :
au-dessous de Paris, au-dessous de trois ans ; par-dessous
la table. V.fr. de desuz un' olive Rol.. p. 82. — B.lat. subtus
curtem
Bréq. 26e (ann. 528), subtus castrum HL. I, 34
(ann. 807) etc.170

Inter, intra. Ital. intra, tra, infra, fra 159 : intra'l carro
e le colonne ; per me si va tra la perduta gente Inf
. 3, 3 ;
tra erto e piano (entre escarpé et plat) Pg. 7, 70 ; infra tre
soli, infra il mezzo giorno
(sub meridiem) ; dire fra se.
Entro avec ad et l'accusatif : dissemi entro le orrecchie,
entr'alle mura ; per entro la fronde Pg
. 22, 140. 26, 34.
Dentro en général avec ad : mi mise dentro alle segrete
cose Inf
. 3, 21, dentro dalla muda 33, 22. In mezzo (au
milieu de) avec di, ad ou l'accusatif : in mezzo del mio volto,
in mezzo agli Alamanni, in mezzo l'alma
P. Cz. 8, 6 ; per
mezzo
voy. per. — Esp. entre (pour inter, intra) : entre
los hombres, entre año
 ; de même entre agradecido y quexoso
(comme ital. fra), decir entre si ; por entre flores.
Dentro de par ex. dos años. En medio de et por medio de,
aussi avec l'accusatif : en medio el coro etc. Exemples port.
entre o ceo e a terra ; entre alegre magoada (entre joyeux
et triste) Lus. 2, 38 ; dentro de poucos dias ; de dentro de
si
(en lui-même). — Prov. entre las gensors, dir entre si
(ital. dire fra se) ; b.lat. cogitans intra me ML. I, 107 (ann.
861) ; comme déjà en latin classique. Mest las bonas gens.
En mieg la via. — Franç. entre quatre murailles ; avec
un pluriel indéterminé on emploie parmi, par ex. parmi les
hommes, parmi le peuple
. V.franç. aussi en mi, qui de même
que par mi se renforce parfois au moyen de tres = trans :
l'abat tres en mi le sablon Agol. 213 ; chevauchet tres par
mi les bois Charl
. 104, tres par mi l'ost s'en voit (juste au
milieu) GVian. 1449, la noise tres par mi l'ost levée RCam.
71.

Extra et praeter. Ital. fuori : fuor della porta, uscito
fuor del pelago alla riva Inf
. 1, 23, fuor solamente io
(adverbial), fuor solamente la sua Biancafiore, fuor da
171una cosa, fuor di modo
(praeter modum) ; da ou di una
cosa
infuori exprime aussi le sens de praeter. — Esp. fuera
de : estar fuera de casa, fuera de juicio, fuera de uno
(praeter) ; port.fora da cidade, fora a presa (excepta
praeda
). Praeter est rendu en espagnol par amen de, par ex.
amen del ayo, amen desto (praeterea). — Prov. estra grat
(fr. outre gré) ; estiers mon grat Choix IV, 210, estiers los
onze mil
. Fors dieu et amors. — Franç. hors de la ville,
hors de chez soi, hors deux ou trois
 ; hormis quatre personnes ;
il passa par dehors la ville. V.fr. defors la porte ;
estre la gent vilaine. — Il faut aussi citer ici .les mots
invariables excepto et salvo : ital. eccetto gli amici, salvo
la città di Lucca
Ric. Malisp., salvo una figlia ; esp. de
même excepto los amigos, salvo los deréchos ; fr. excepté
trois personnes
(il est fléchi quand un nom le suit : trois
personnes exceptées
), sauf une terre ; sauf est fléchi aussi
en v.fr. : sauve m'onnour Ccy. 66 ; le b.latin traite ces mots
comme de vraies particules : excepto decem solidos Mar. 182
(ann. 551), excepto illos Bréq. 290a (ann. 680), excepto una
petiam de terra
Mur. V, 747 (ann. 767), exceptus ipsas
vineas
Marc. 801 (ann. 878) ; excluso omnium legum beneficia,
voy. Maffei Stor. dipl. 144. Puis pr. trait : tot Peitieu,
trait la Rochella LR
.

Sine. Les correspondants romans de cette préposition régissent
tous l'accusatif, l'italien seul dit avec le pronom personnel senza
di me
.

Outre les prépositions propres ou impropres citées ci-dessus,
il existe encore plusieurs substantifs et participes qui expriment
plus ou moins complètement la signification de prépositions
simples. Les mots les plus importants de ce genre sont les suivants.
Pour le moyen mediante (au moyen de) : ital. mediante
il tuo consiglio
 ; esp. mediante la gracia del principe ; fr.
moyennant une somme d'argent. Mercè (grâce à) : ital.
mercè della buona fortuna, mercè tua ; esp. merced à la
liberalidad vuestra
. Une expression plus énergique est a forza,
par ex. a forza di venti ; esp. á fuerza de cuchilladas ;
fr. à force de soins (par beaucoup de soins). — Pour la
cause on a causa et d'autres substantifs analogues comme ital.
per cagione di, a cagione di, a mia cagione ; per causa
vostra ; per
rispetto di ; esp. por razon de ; á causa de,
por causa de
 ; franç. à cause de etc. — Pour le rapport : ital.
concernente questa cosa ; appartenente a questo affare ;
172esp. tocante el negocio ; franç. concernant, touchant ces
affaires ;à
l'égard de ces affaires. — Le remplacement qui
est indiqué par pro s'exprime aussi par loco : ital. in luogo di ;
aussi in cambio di ; esp. en lugar de et en vez de ; franç. au
lieu de
. — Pour la durée on emploie le participe durante :
it. durante la memoria degli antichi ; esp. durante la paz ;
fr. durant le printemps ; pendant la guerre ; en outre esp.
mientras la audiencia Cald. I, 79a. — Une antithèse est
exprimée par non obstante : ital. non ostante i preghi della
donna
 ; esp. no obstante su liberalidad ; franç. nonobstant
ces difficultés
. Puis malgrado : ital. malgrado di tutto il
mondo
(lat. ingratiis totius mundi), mal tuo grado (ingratiis
tuis
) ; pr. malgratz de sos Ties Choix IV, 67, a malgrat
del comte GA
. 1828 ; franç. malgré la rigueur du temps,
malgré moi
 ; aussi esp. à pesar de, á despecho de, ital. a
dispetto, a
onta di uno. — Une expression isolée est le franç.
faute et manque, par ex. d'argent.

Il reste encore à citer quelques particules dont peut dépendre
un cas. On a parlé plus haut de satis avec le génitif. 1) Avec
ecce, dont la représentation romane a été étudiée au tome II,
p. 432, le nom sur lequel on veut attirer l'attention se construit
en latin au nominatif (ecce tuae litterae), mais les comiques
emploient aussi l'accusatif (virum bonum eccum). Ce dernier
cas est celui qu'a appliqué le roman : l'emploi en est attesté avant
tout par un texte de la plus haute ancienneté, le Boèce provençal,
où on lit : ecvos l'emperador (et non l'emperaire) 44,
ecvos Boeci cadegut en afan 72, et de même vec lo vos tan
dolen GRoss
. 4086, veus Melian en pes levat Jfr. 172b
(mais veus Melians 148b). Les Leys II, 186 remarquent à ce
propos : apres veus pot hom pausar nominatiu oz acusatiu.
V.franç. est-vus Carlun (non pas Carles) Charl. 298, evos
venu Balan Agol
. 1083 ; il en est généralement de même en
b.latin : ecce nepotem tuum Gr. Tur. 6, 24. De là les combinaisons
avec l'accusatif du pronom, ital. eccomi (me voici),
esp. heme aqui, helo aqui ; port.eisme rico e bem aventurado
(me voici riche et heureux) S. de Mir. II, 116, v.franç.
ve-le-ci, franç.mod. te voilà, la voici. Avec des substantifs il
n'est plus possible, il est vrai, de distinguer l'accusatif en italien,
en espagnol et en français modernes : ital. ecco una lonza
leggiera
 ; esp. afevos doña Ximena ; franç. voilà le livre.
L'auteur du Cid a même tout à fait perdu le sentiment de la
présence de me quand il dit : afeme aqui yo é vuestras fijas
1731605. Ce mot d'ailleurs se construit en général comme le verbe
videre. Ital. ecco venir l'amico (eccum amicum venire
video
), ecco che viene. Esp. après do, donde, ou devant le
verbe : afé Minaya do lega PC. 1325, hevos do venian
nueve donas
JMen. Coron. 39, veis aquí do vuelve el estudiante
Nov
. 3, hete viene un escudero JEnz. 22b, he aquí
vences
Garc. Egl. 2. Fr. voici qu'il vient, le voici qui vient
(voici venir, qui se trouve encore dans Corneille et Molière,
est maintenant vieilli), voilà qu'on donne. Le roman est particulièrement
prodigue de cet adverbe. — 2) L'exclamation guai,
qui procède sans doute de l'allemand, se construit avec le datif
du nom. Ainsi ital. guai a voi anime prave ! Inf. 3, 84 ;
pr. gai a las empregnans ! (vae praegnantibus !) GO. 108b ;
v.fr. wai vus (pour à vus ? ) TCant. p. 68 ; goth. vai izvis !
aussi val. vai tzie ! (vae tibi !). Mais l'espagnol guay (qui contient
un regret) se construit avec de : guay de los que van
detras ! Flor
. I, 144a ; prov. guai de ti ! val. vai de cęlcętori
de leage !
(vae legis violatoribus !).

Chapitre septième.
Voix du verbe.

Il faut considérer certaines particularités des diverses voix
aussi bien que les périphrases multiples de l'actif et du passif.

1. Actif.

1. Transitif et intransitif. — Il arrive souvent que des
verbes primitivement transitifs perdent la faculté d'avoir un
régime direct, et, plus souvent encore, que des intransitifs l'acquièrent :
c'est ce qui a été exposé au chapitre de la rection.
Au reste il y a des verbes qui réunissent les deux emplois, sans
qu'on puisse déterminer avec certitude lequel est originaire,
comme ital. penare (punir, souffrir), guarire (guérir et se
guérir), inaridare (faire sécher et se sécher), et beaucoup
d'autres. Beaucoup d'intransitifs deviennent transitifs en prenant
une signification factitive : on en a également vu des
exemples plus haut.

2. Réfléchi. — Ce genre de verbe, après l'extinction du
174passif organique, a acquis une importance extraordinaire. Le
latin exprime le sens moyen, soit par le passif ou le déponent,
comme dans cruciari, delectari, falli, inclinari, laetari,
moveri, pasci, versari
, soit par l'actif accompagné du pronom
réfléchi, comme dans se abstinere, se accommodare, se cogere,
se continere, se deflectere, se delectare, se praestare
. Dans
les langues modernes c'est de cette dernière manière qu'il est
presque partout rendu. Voici quelques points qui appellent l'attention.
1) Le réfléchi au sens propre est un transitif dont
l'action s'exerce sur le sujet lui-même, le pronom est donc à
l'accusatif ; ainsi ital. dans astenersi, battersi, gloriarsi,
inchinarsi, lodarsi, vedersi, vestirsi
. L'addition d'un second
accusatif, comme dans credersi bella, rendersi odioso, farsi
poeta
, ne porte pas préjudice à la nature du réfléchi. — 2) II
n'est pas essentiel au réfléchi qu'il exprime une action dirigée
par le sujet sur lui-même. Il peut aussi bien exprimer une activité
interne qui se produit dans le sujet, ce qui semble avoir lieu
par ex. dans it. destarsi, esp. despertarse, pr. se rissidar,
fr. s'éveiller ; ital. addormentarsi, esp. adormecerse, prov.
s'adormir, franç. s'endormir ; ital. spegnersi, esp. extinguirse,
fr. s'éteindre. Il y a aussi certains verbes exprimant
des sentiments qui prennent la forme réfléchie, et qui, dans certaines
acceptions, ne peuvent y renoncer, par ex. ammirarsi,
maravigliarsi
(plus rarement maravigliare), esp. admirarse,
maravillarse
, fr. s'étonner ; ital. pentirsi, esp. arrepentirse,
fr. se repentir, b.lat. se poenitere Form. Bal. 13 ;
ital. vergognarsi, esp. avergonzarse, prov. se vergonhar.
En valaque des transitifs employés comme neutres s'adjoignent
volontiers se : se certà (certare), se źucà (jocari), se źurà
(jurare), se rugà (rogare). — 3) Le réfléchi est dit impropre
quand le pronom qui l'accompagne est au datif et l'objet à
l'accusatif ; en effet il n'exerce pas ici d'action réflexe : ainsi dans
figurarsi, persuadersi, promettersi una cosa, prendersi
la libertà, vestirsi un abito
. — 4) La forme réfléchie est en
outre l'expression d'une activité exercée par plusieurs sujets,
l'un sur l'autre, par ex. ital. il fratello e la sorella si amano ;
esp. el agua y el fuego se destruyen ; fr. ces deux hommes
se battaient, se disaient des injures
. C'est là le sens réciproque,
et comme il peut être confondu avec le sens réfléchi,
il est souvent nécessaire de le désigner d'une façon plus précise
au moyen de mots spéciaux ; ces mots sont le plus ordinairement
unus alterum : le français se sert aussi de la particule entre
175qu'il prépose au verbe : ital. eglino si lodano l'un l'altro ;
esp. aquellos se aman uno á otro ; franç. ils s'aident l'un
l'autre, ils s''entr'aident ; ils s'entrelouent, ils se louent
mutuellement
 ; val. oamenii se aźute unii pre altzii. Au
lieu de plusieurs sujets on peut aussi avec quelques verbes, en
vertu d'une liberté particulière de la langue, n'en avoir qu'un ;
on prépose alors à la personne avec laquelle ce sujet unique est
engagé dans une action réciproque la particule cum, qui possède
ici son sens propre de communauté, par ex. ital. egli si batte
col suo nemico
 ; prov. conbatutz se sera ab Taulat Jfr.
66b ; franç. a lui se cumbati Wolf, Lais 335, fr.mod. il s'est
battu avec un tel
 ; esp. yo me veré con él (je me mesurerai
avec lui) ; mátate con migo (tue-toi avec moi, c.-à-d. tuons-nous
réciproquement) Num. 4, 3 (p. 87) ; yo me abrazé con
mi hermano
 ; prov. s'ieu m'encontre ab sos bailos LR. ;
fr. je me suis rencontré avec lui ; ital. io mi sono percosso
con lui
. Déjà dans le plus ancien b.latin : si dominus cum
alio se caedit
(se bat avec qqun) L. Burg. 5, 6. — 5) A la
3e personne du singulier et du pluriel le réfléchi peut prendre
la place du passif : ital. il libro non si trova (liber non
reperitur
). Cet usage étant restreint à une seule personne, il
sera examiné plus bas au chapitre XI. — 6) Souvent des intransitifs
ou des transitifs employés avec une valeur intransitive,
rarement des transitifs avec leur valeur propre, s'adjoignent
arbitrairement un pronom personnel qui renvoie au sujet. Ce
pronom alors se met au datif, datif qu'il faut distinguer du
dativus ethicus (voy. p. 59) et qui a plus de la nature du
dativus commodi. Les verbes qui expriment un mouvement
corporel ou un état de repos, favorisent surtout cette construction.
Ex. : it. stoltissimo si è estimar giuste tutte le cose (stultissimum
est existimare omnia justa esse
) ; io mi son un
che noto Pg
. 24, 52 ; come ti stavi altera 6, 62 ; già mi
vivea felice Orl
. 13, 5 ; ella si sedea umile P. Cz. 14, 4 ; che
si giace
2, 4 ; tu ti rimani Pg. 24, 91 ; il vento si tace ; mi
credo ; tu ti pensavi ; del troppo si teme Par
. 22, 27 ; non
so ch'io mi dica o ch'io mi faccia ; andarsi, venirsi, dormirsi,
incominciarsi
. Esp. yo me era mora SRom. 284 ;
estáte quedo ; quedate conmigo ; de m. andarse, irse, salirse,
entrarse, huirse, pasarse, tardarse, callarse, morirse,
cuidarse, temerse, curarse, saberse, reirse
. Prov. s'anar
et s'en anar ; s'en issir Choix III, 292 ; se morir V, 23 ;
s'oblidar lo dan IV, 63 ; se pensar III, 68 ; se voler Boèce
176185, Choix II, 251 ; se cossirar III, 226 ; se cuiar (souvent) ;
se comensar 474 ; se cessar II, 86 ; se taisser (tacere) GO.
61b ; s'aver dolor Choix IV, 59, s'aver meraveillas III, 68 ;
surtout la formule si s'es (ital. se si è, si cela est) comme dans
si s'es foudatz III, 118, si s'es orguelhs 23. Le v.français se
comporte presque comme le provençal, mais le français moderne
a beaucoup restreint cette construction. Le plus ancien b.latin
ne l'emploie pas souvent non plus : quae michi (h)abui Mur.
III, 569 (ann. 757) ; ego mihi ambulabam Form. Sirm. 30 ;
perrexit sibi Esp. sagr. XXXVI, p. XXIII ; se taceant, HL.
136, répond au prov. se taisson. Ce n'est pas là un pléonasme tout-à-fait
dénué de sens, il donne à l'expression plus de bonhomie ; il
se présente assez fréquemment dans les textes de l'ancien allemand,
où l'on trouve les expressions suivantes (que nous traduisons
en allem.mod.) : du bist dir, ich weiss mir, sie kamen sich,
er gieng sich, er sass sich, ich stand mir, ich schlief mir,
er sprach sich
, ainsi donc tout-à-fait comme en italien. —
6) A l'inverse un nombre important de réfléchis propres peuvent,
sans porter atteinte à leur signification, se passer du pronom.
Le latin déjà usait de ce procédé avec beaucoup de verbes de
cette classe, comme abstinere, deflectere, inclinare, lavare,
movere, mutare, vertere
pour se abstinere etc. Les verbes
romans les plus importants employés sans pronom sont à peu
près les suivants. Collocare : esp. colgar (pendre), pr. colgar
(se coucher) : soleilh vai colgar Jfr. 193 ; de même v.franç.
estoit allé culchier TCant. 96 ; fr.mod. coucher dans un lit,
mais le soleil se couche. — Derivare : ital. derivare et derivarsi,
esp. derivar, fr. dériver. — Inclinare : ital. inchinare,
fr. incliner, v.fr. li enclina TCant. 125, 15 ; aussi
declinare lat. et rom. ; puis clinare pour se clinare dans
Lucrèce : ital. a quel parlar china la donna Ger. 4, 70.
Synonymes : ital. abbassare, esp. baxar, franç. baisser. —
Lavare (se laver) : prov. autra ves lavon Flam. v. 575 ;
v.fr. lavé ont Ccy. 234 ; fr.mod. donnez à laver. — Levare
(rom. s'élever) : ital. se tu non levi PPS. 1, 10 ; leva su !
Dec ; levando il sole
P. Son. 157 ; esp. la estrella leva ;
prov. leva sus ! LR. I, 62b ; soleils leva 63a ; una aura levet
193 ; v.fr. lieve sus ! Rq. I, 535 ; li solel leva Agol. 630 ;
fr.mod. les blés commencent à lever. De même v.fr. tolez
de ci (levez-vous d'ici) MFr. I, 302, tolez ! Trist. II, 107
(te tol ibid., tol tei 109) ; esp. alzad del suelo ! Cald. I, 80b
(très-usité). — Movere (rom. se lever, sortir) : ital. or muovi !
Inf
. 2, 67 ; come mosser gli astor celestiali Pg. 8, 104 ;
177v.esp. á mover ha mio Cid PC. 169 ; Almoçore movió
para Castylla Fern. Gonz
. 199 ; prov. de dieu mou tot saber
Choix
V, 310 ; chantars no pot guaire valer, si dins del
cor no mou lo chans
III, 56 ; v.fr. chançon muet de fine
amour Ccy
. 366. — Mutare (se changer) : esp. el tiempo
rnuda
 ; prov. lo coms muda e cambia Fer. 428 ; fr. le temps
a
changé. — Partiri : it. esp. port. pr. v.fr. partirsi, partirse
se partir
(se séparer, s'éloigner) ; esp. port. fr.mod. dans le
même sens partir sans se. — Resuscitare : ital. risuscitare,
esp. resucitar, fr. ressusciter avec ou sans le pronom réfléchi.
Tornare : esp. port. prov. tornar, fr. tourner (tourner,
se tourner) ; de même aussi prov. virar Choix V, 283, comp.
lat. vertere pour se vertere. — Usar prov. (s'user) : lo mals
d'amor franh e us' e briza
III, 220 ; v.fr. fer use Rou
v. 67 ; mais en fr.mod. les pierres s'usent. — Vestire pour
se vestire se trouve déjà dans Apulée ; et parfois aussi en ital.
esp. prov. vestir. De même calceare : ital. calzare pour calzarsi
(se chausser), pr. causar (ella vai vestir e causar Jfr.
136a), fr. chausser. — Le style de la poésie supprime souvent
le pronom, ainsi ital. adunare pour adunarsi, arricchire
pour arricchirsi, dans des poètes du XIIIe siècle tormentare,
stancare, dolere, innamorare, meravigliare
, voy.
PPS. I, 184. 187. 262. 282. 357 ; en esp. sosegar pour
sosegarse, esforzar pour esforzarse ; en franç. calmer,
évanouir, plaindre, renfermer
, formes qu'emploie par ex.
Malherbe au lieu de se calmer etc. D'autres exemples (de l'ancien
roman) ont été réunis et expliqués par Tobler, Zum Alexanderlied
p. 43. Il peut ainsi arriver qu'un verbe, sous une
seule et même forme, soit à la fois transitif, factitif et intransitif,
comme l'it. tornare qui signifie tourner, faire tourner (rendre)
et se tourner. — 7) Il reste encore à indiquer qu'il existe des
verbes exclusivement réfléchis, dont l'emploi primitif s'est tout
à fait perdu en dehors de cette forme. Par ex. : ital. accorgersi,
addarsi, affarsi, astenersi, avvedersi, diportarsi, imparentarsi,
ingegnarsi, lagnarsi, pentirsi, rammaricarsi,
vergognarsi
 ; esp. abstenerse, antojarse, deportarse, desperezarse,
portarse, quexarse, regodearse, solazarse
 ;
fr. se défier, se gausser, se méfier, se moquer (v.fr. moquer
qqun QFA
. 184), se repentir, se soucier, se souvenir ;
quelques-uns de ces verbes ont déjà été signalés plus haut 160.178

3. Impersonnel. — Il est essentiel ici de ne pas perdre de
vue l'idée que représente cette catégorie du verbe. On nomme
impersonnels les verbes qui, à la troisième personne du singulier,
renferment un sujet impersonnel (neutre), ou l'expriment extérieurement
au moyen du pronom neutre (it. egli, fr. il). Toutefois
une autre idée impersonnelle, un infinitif ou une proposition
tout entière, peut jouer le rôle du sujet. Les impersonnels
se construisent soit absolument (tonat), soit avec un cas oblique
personnel (pudet me, licet mihi). Un petit nombre seulement
de ces verbes sont simplement impersonnels et par conséquent
défectifs, comme ital. mi cale, mi lece ; la plupart peuvent se
construire avec un sujet personnel. Bien que quelques impersonnels
latins soient maintenant, ou bien employés comme verbes
personnels, comme it. egli si pente de poenitet, ou bien éteints,
comme miseret, taedet, néanmoins le nombre de ceux qui se
sont conservés dans les langues filles est considérable. Pourtant le
français a perdu un grand nombre de ces verbes ; il les remplace
par la périphrase ou d'une autre manière. En voici plusieurs
que le français moderne ne connaît plus : il espart, il vente, il
aserist, il avesprist, il est anuitié, il m'estuet, il m'apent, il
m'afiert, il me loist, il me monte, il m'abelist, il me haite,
il me deult, il me membre
. — On a déjà indiqué au chapitre
cinquième que les impersonnels se construisent avec le datif de
la personne ; quelques verbes de cette classe qui expriment des
phénomènes naturels s'emploient aussi comme transitifs : ital.
piove lagrime ; prov. cel que us ploc manna Leys I, 290 ;
v.fr. l'eve que les nues pluevent G. d'Angl. p. 56 ; fr.mod.
il pleut du sang ; lat. pluit terram ; all. es regnete Feuer
und Schwefel
.

Parmi ces verbes il en est un qui a de l'importance et qui
179d'ailleurs ne signifie rien par lui-même et ne fait qu'indiquer
l'existence d'un objet. L'all. es gibt est rendu en roman de la
manière suivante. 1) Par est, sunt, généralement en compagnie
d'un adverbe de lieu, comme aussi l'angl. there is, there are.
Ital. è, v'è, c'e (evvi, ecci), par ex. v'è un uomo, plur. sono,
vi sono, ci sono uomini ; egli ci sono dell' altre donne Dec
.
3, 3. Prov. es hom ; non es senhora que o vuelha ; v.franç.
il sunt quatre manières TCant. 170. Val. sųnt oameni ;
este vertute (il y a des vertus). Cette expression ne devient en
réalité impersonnelle que lorsque le singulier est se construit avec
le pluriel du sujet, liberté que se permettent les langues romanes
(comp. plus haut chap. X, § 4) : ital. ancor non è molt'anni
Inf
. 19, 19 ; cet est s'applique en français dans le style élevé,
mais seulement au présent, à l'imparfait et au parfait de l'indicatif :
il est des villes ; il était des peuples. — 2) Par habet,
accompagné d'ordinaire de l'adverbe de lieu dont il a été question
et d'un accusatif dépendant au singulier ou au pluriel.
L'expression italienne est ha ou vi ha, havvi, v'ha, par ex.
ha quindici giorni (il y a 15 jours) ; quivi non avea pianto ;
v'ha de' principi ; molti cittadini v'avea
. L'expression espagnole
est ha ou hay (de ha y, mais cette combinaison avec y
n'a lieu qu'au présent de l'ind.), par ex. diez años ha ; hay un
hombre ; habia una muger
 ; v.esp. (ici y s'unit aussi aux autres
temps) tales y ha PC. 3513 ; avie hy un calonge Bc. Mil.
330. Le portugais emploie simplement ha, p. ex. ha hum anno,
houve tempo ; haverá muitos homens
 ; mais l'ancienne langue
appliquait aussi l'adverbe de lieu : se y a provas FGrav. 385 ;
quantos filhos dalgos hy ha FMart. 593 ; nam ha hi outra
casa
R. Men. c. 10 ; encore dans Camoëns. Prov. mans jocs
y a Choix
III, 211 ; non ac baro 413 ; non a tan fin aman
cum me
397 ; se no i agues plus ome mas mi e vos GRoss.
3690 ; de tals n'i ac LR. I, 555a. En français l'adverbe est
indispensable : il y a longtemps ; il y a des femmes ; mais
le v.français s'en passait aussi : aguait ad e traïsun LRs.
377 ; en vous a honnour et savoir Ccy 2398. La présence de
l'accusatif dans cette formule est prouvée par les exemples provençaux
et v.français. En italien est et habet sont aussi usités
l'un que l'autre, en espagnol et en français habet est devenu
l'expression dominante. Dans les patois allemands on entend
dire aussi es hat Leute. Le daco-roman semble ignorer cet
emploi de habere. — 3) Une expression spécialement italienne,
mais peu usitée, est si dà, si danno : si può dare un uomo
180più indegno ? non credeva si desse al mondo una si rara
virtù ; si danno di quelli che sostengono. Si da
correspond
à datur, conceditur, d'où a dû se développer le sens de apparaître,
exister. L'allem. es gibt se rapproche d'autant plus de
l'expression latine que le pluriel aussi, es geben Leute, était
jadis usité, voy. Grimm IV, 230. En espagnol et en portugais on
emploie pour ofrecerse l'expression darse qui concorde à peu
près avec la locution italienne : dase en tierras calidas (il
s'en présente dans les terres chaudes) ; que medio se dará ?
Nov
. 7 ; pueden darse versos que etc. Rengifo Art. poet.
p. 18 ; port.se se dessem taes circumstancias. — 4) L'idée
opposée àil y a est rendue en français par il faut, il manque,
expressions avec lesquelles on peut également construire un
pluriel : il me faut des livres ; il nous manque plusieurs décades
de Tite-Live
. — 5) Un verbe d'un sens analogue à celui
de est, habet est facit, qui se dit surtout du temps et de la température.
Ital. fa caldo, fa freddo, fa giorno, fa notte, fa
buon tempo, fa pruina, fa vento
. Esp. hace frio, hace
buen tiempo, hace diez años
 ; de même port. faz. Franç. il
fait froid ; il fait des éclairs, du vent, beau temps, il
fait jour
. Mais val. è cald, è frig, è timp serin (cependant
se face noapte pour fit nox). — Cet usage remonte très-haut,
si le passage de Grégoire de Tours 3, 37 gravem hyemem
fecit
, donné par tous les manuscrits, est authentique ; un seul
manuscrit porte gravis hiems fuit.

On forme d'ailleurs des phrases impersonnelles au moyen
de esse et de quelques autres verbes. 1) Esse s'unit avec un
adjectif neutre ou un adverbe, comme dans les formules connues
ital. m'è grave, pr. m'es greu (m.h.all. mir ist swaere) ; pr.
m'es bel, v.fr. il m'est bel (cela me fait plaisir) ; prov. m'es
mal
(cela me fait de la peine) ; ital. m'è tardi, v.fr. il m'est
tard
(il me tarde) ; prov. m'es parven (cela me paraît clair, m.
h.all. ez ist schîn) ; prov. pauc m'es, v.fr. il m'est peu (il
m'importe peu) ; v.fr. de tex aluses petit m'est (m. s.) NFC.
II, 48, lor est de nos petit Parton. I, p. 160 ; fr.mod. il
fait cher vivre. Ou bien il s'unit avec des substantifs, et voici
les formules qu'il faut signaler. Pour opus est : it. m'è uopo,
è d'uopo
, fa d'uopo, uopo mi son libri ; v.esp. m'es huevos ;
pr. m'es obs, m'a obs Choix IV, 68, una ren m'a obs III, 6 ;
val. de op este. Pour necesse est ; ital. è necesse (latinisme
employé par Dante), è di bisogno, è mestieri, fa di bisogno,
fa mestieri ; esp. es menester, aquel ha menester una cosa ;
181port.hei mister conselho ; prov. mestier es, li a mestier que
GO
. 295a ; v.fr. il lui a mestier Sax. I, 6 ; fr.mod. il n'est
pas besoin
(affirmativement non pas il est besoin, mais
j'ai besoin de). De même ital. è forza ; fr. force m'est',
ἀνάγκη ἐστί. Pour visum mihi est : prov. m'es vis ; v.fr. il m'est
vis
 ; v.ital. ciò m'è viso PPS. II, 236 ; fu viso a me avec
l'infinitif Par. 7, 5 ; la formule procède du latin, mais elle n'est
pas un latinisme, comme on le prétend pour le passage de Dante.
Au lieu de vis, où l'on croyait sentir un substantif, le provençal
dit aussi m'es avis, v.fr. il m'est avis, il m'est advis ; ital.
mi è avviso. Synonyme : prov. veiaire m'es, veiaires es a
mi
(comme visum est mihi) GO. 15 a ; v.fr. il est viere ; le
substantif a le sens de opinio. Sur est avec l'infinitif (ital. non
è da credere
) voyez chap. VIII. — 2) Autres verbes. Stare et
andare avec des adverbes : it. mi sta bene ; va bene, va male ;
esp. bien me va ; prov. be m'esta ; mielhs me vai ; fr. il me
va bien
. De même aussi prendere : ital. m'è ben preso di
questa cosa
(bien m'en a pris) ; prov. ben lur en pren Choix
IV, 357 ; cum m'en fora ben pres 418 ; fr. il lui prendra
mal ; bien lui a pris
. Avec sapere : ital. mi sa buono ; esp.
me sabe bien ; prov. me sap bo (cela me convient). Avec
sedere : fr. il me sied bien ; b.lat. caritatis studio sedit
atque convenu
Bréq. 84a (comp. v.h.allem. ez sizit mir).
Valere : ital. val poco etc. ; esp. val mas ; prov. val pauc ;
fr. il vaut mieux.

4. Expression périphrastique de l'actif. — Il s'agit ici
non pas de la périphrase qui s'applique à certains temps et
dont nous parlerons plus tard, mais de la substitution de la
périphrase à l'actif dans son ensemble. Les verbes qui servent
à cette périphrase sont esse, stare, ire, venire, on les construit
avec le gérondif ou le participe présent d'un verbe donné. Cette
méthode, qui consiste à employer deux verbes à la place d'un
seul, est extrêmement répandue. La périphrase serait une prolixité
inutile si elle n'en disait pas plus que l'expression simple,
mais elle a au contraire, grâce à certaines idées accessoires qui
l'accompagnent, l'avantage de rendre superflus d'autres mots et
de contribuer ainsi à la concision ; seulement l'abus du verbe
qui sert à la périphrase finit par lui enlever toute valeur. 1) Esse
a pris le sens d'une existence persistante ; le participe qui l'accompagne
exprime donc une activité persistante. Ce mode d'expression
aujourd'hui vieilli était jadis fort usité. Ex. : it. perdente (pour
perdenti) sono PPS. I, 31 ; son di molte pêne sofferente
182184 ; di lei son temente 202 ; chi è di me ferente ? (qui me
blesse ?) 514 ; io son saccente di etc. BLat. 26. En espagnol
et en portugais le parfait de ser se construit souvent avec le
gérondif, mais alors il remplace le temps qui fait défaut au verbe
ir (aller) ; l'ancienne langue présente aussi l'emploi d'autres
temps qu'elle unit au participe, p. ex. merezientes erades Bc.
Mil. 276 (pour mereciades) ; yo desto so creyente Rz. 140 ;
eran creyentes que etc. Apol. 271 ; on trouve plus souvent le
verbe sedere qui s'est mêlé à esse : seyense consejando PC.
122, sonrrisando 2541. Pr. cum lo leos es dormens Choix
III, 390 ; quant la vida er dur ans 87 ; siatz de mos tortz
perdonans
IV, 365 ; siatz desheretans dels enemicx ibid.
v.fr. vos pri que ne seiez fuiant Rol.. p. 47 ; sont disanz
QFA
. 109 ; n'est lungement durant TCant. p. 10 ; en est
desirant
Ch. d'Orl. 41 ; d'elle estre jouissant Mar. I, 293 ;
sous ceste tumbe est gisant III, 250, et souvent encore chez le
même auteur. Tant que le participe reste seul, ou tant qu'il a
un génitif sous sa dépendance, il se rapproche du nom ; il a plus
de la nature du verbe lorsqu'il est suivi d'un datif ou d'un accusatif,
mais en ce cas le gérondif est plus usité. Ital. cui sono
immaginando PPS
. 1, 338 ; considerando sono li dolci
intendimenti
487 (ital.mod. sto considerando). Prov. serrai
li plazens e merceians Choix
III, 316 ; me non suy clamans
IV, 70 ; el es trastornant lo poble (commovet populum
Vg. Luc.
23, 5) GO. 242a ; v.fr. leur soyez donnans QFA.
120 ; sont tenant grant chasement Berte 15 ; suis vostre
grace attendant
Ch. d'Orl. 21. En latin déjà on trouve assez
souvent sum uni au participe présent pour donner au verbe un
sens de permanence : sum dicens (je suis un homme qui parle), et
avec un régime : fuit temporibus inserviens ; ut senectus sit
operosa et semper agens aliquid
(comp. Haase sur Reisig,
note 579). Les nombreux exemples de cette expression que
présente la Vulgate ont été suggérés par l'original grec, mais les
textes b.latins reflètent le procédé roman et cela jusqu'à une
époque avancée, par ex. erat regnum cum justitia regens
Gr. Tur. 3, 25 ; erat cernens magnalia dei 6, 6 ; sum contradicens,
sum resistens Cap. Car. Calv. ; que est pertinente

Mur. V, 1009 (ann. 754) ; simus dimicantes, simus
deo servientes Esp. sagr
. XL, 403 (Xe s.), et ce procédé est
extrêmement commun dans les chartes. La même forme se
retrouve, comme on sait, en grec (φιλῶν εἰμί), en gothique
(vas laisjands), surtout en v.h.allemand (was beitônti) et
183plus souvent encore en anglais (I am going) 161. — 2) Stare
indique un état transitoire (comme le m.h.all. stân, se trouver) ;
on dirait par exemple en espagnol yo estaba en Madrid,
mais yo soy Español. Ce sens passe au gérondif avec lequel stare
s'unit, ce qu'il peut faire dans toutes les langues où il a persisté :
ital. sto scrivendo (je suis en train d'écrire), stava scrivendo
etc. ; esp. estoy comiendo, estaba hablando ; port.estou
cantando
 ; prov. estauc baisan ; cette construction n'est plus
possible en français. Le roman sto aspettando ne répond pas
au latin sto exspectans Ter. Eun. 3, 5, qui se décompose dans
les deux idées sto et exspecto. Le v.h.all. ez frâgen gestuont
(commença) est assez près de l'expression romane. — 3) Ire
(andare)
avec le gérondif exprime en italien une activité continuée :
andar sospirando mattina e sera ; andar pensando ;
spero e vo sperando PPS
. I, 54 ; vago augelletto che cantando
vai
P. Son. 317 ; e come i gru van cantando lor lai
Inf
. 5, 46 ; la gía cercando Orl. 12, 3. En espagnol ce verbe
tend à indiquer le commencement d'une activité : les fué diciendo
(commença à leur dire) ; ellos fueron perdiendo la
fuerza ; se va haciendo tarde ; yo voy temiendo ; él se iba
burlando ; yo lo iré declarando
. Port., comme en ital. :
bradando vou CGer. I, 205 ; foy negando 293 ; o planeta
que as horas do dia vai distinguindo Lus.
2, 1, et de même
se vão libertando, forão dilatando, andarão devastando.
Parfois la périphrase semble à peine dire quelque chose de plus
que le verbe simple. Prov., aussi comme en italien : trastota dia
184vai la mort reclaman Boèce
118 ; si va mos cors alegran ;
vai s'onors descaptan
(diminue) 140 ; et de même anar ou ir
cercan, corren, conselhan, demandan, gaban
. Le v.français
dit de même son ventre va engrossaunt Bible Rq. I, 600 ;
se vunt esbaneant Charl. 270 ; um vait sa mort querant
TCant
. 23 ; mauvais arbres va craulant Thib. 161. Cette
expression est encore fréquente chez Marot : tous vont disant II,
293, chacun va sa fluste abandonnant 300 etc. Mais à partir
de Corneille cette expression est vieillie et ne peut plus s'employer
que dans le sens propre (elle va chantant elle va et chante en
même temps) ou, comme le veut Ménage (dans ses remarques
sur Malherbe p. 165), dans le sens impropre, pour indiquer la
progression d'une activité : tu te vas consumant. Au reste
aller avec le gérondif prépositionnel indique une activité croissante :
le genre humain va en se perfectionnant. Le verbe
allemand correspondant, lorsqu'il est uni au participe présent,
ne semble pas s'être dégagé de son sens matériel : sie giangen
kôsônti ze hove, dâ frou Melde spehent gât
(à la cour où dame
Médisance circule en épiant tout) ; dô gienc ich slîchent als ein
pfâwe
. — 4) Venire, dans son sens concret, s'unit volontiers au
gérondif (venir correndo). Pris abstraitement (voy. au Nominatif)
il n'est presque usité qu'en italien : venirsi accorgendo ;
lo ciel venia piu e più rischiarando Par
. 23, 18 ; e più
dirittamente esaminando vegnendo ogni particolarità Dec
.
3, 9. Le m.h.allemand werden (dâ sî sî vrâgende wart) donne
le même sens : les deux verbes désignent le passage à une activité.
En espagnol on trouve des locutions telles que venir se
durmiendo
(être sur le point de s'endormir), venir se cayendo
(fr. aller tomber). — Quant à la périphrase avec esse, stare,
ire, venire, habere
, et l'infinitif, qui contient une idée accessoire
plus marquée (celle de vouloir, de devoir etc.), nous nous
en occuperons lorsqu'il sera question de ce dernier mode.

2. Passif.

1. On a observé au livre de la flexion que la voix passive est
généralement rendue par esse et le participe prétérit, et cette
conjugaison a été décrite pour chaque langue. Sum s'applique
au présent, eram à l'imparfait, fui au parfait etc. : sono lodato
=. laudor, era lodato = laudabar, fui lodato
= laudatus
sum
162. Mais il y a à ce sujet quelques observations à présenter.
1851) Les participes passifs des transitifs dont l'activité ne se prolonge
pas au-delà d'un instant, comme saisir, surprendre, éveiller,
vaincre, abandonner, terminer, tuer, ou au moins implique un but
momentané à atteindre, comme faire, établir, orner, bâtir, battre,
charger, présentent l'action comme accomplie et parfaite, et le
temps formé avec sum et ces participes répond au parfait
latin également formé avec sum : il nemico è battuto, l'ennemi
est battu = hostis victus est ; era battuto, était battu =
victus erat
. Ensuite : io sono abbandonato, sorpreso ; la
cosa è tolta via ; il fanciullo è destato ; l'affare è finito ; il
colpevole è condannato ; la chiesa è pinta ; la casa è fabbricata ;
rotta è l'alta colonna
. Sur ce point donc le roman
n'a rien changé à la méthode latine. Ce n'est que lorsque le
verbe exprime une action qu'on ne commence pas avec
l'intention de l'achever, comme aimer, haïr, louer, blâmer,
admirer, demander, voir, entendre et autres verbes analogues,
que le participe uni à esse indique que l'action se passe au
moment où l'on parle : egli è amato da tutti, il est aimé de
tout le monde = amatur ab omnibus
 ; et de même è biasimato
lodato, odiato, riverito, temuto, desiderato, veduto
.
186Esse dans le premier cas répond à l'all. sein, dans le second à
werden. On pourrait nommer les verbes de la première classe
perfectifs, ceux de la seconde imperfectifs. Mais les participes
de la première classe, en renonçant à l'idée de temps, prennent,
comme déjà en latin (eruditus est, terra ornata est floribus),
la valeur de simples adjectifs. Aussi beaucoup de ces participes
sont-ils en italien dépouillés de leur forme participiale, comme
adorno, carico, desto, privo de adornato, caricato, destato,
privato
(voyez t. II, p. 138), et se comportent-ils en fait comme
de simples adjectifs : egli è privo di ragione = expers est
rationis
, non pas ratione privatur, bien qu'ils conservent
avec avere le sens transitif : l'ho privo pour l'ho privato.
Les participes de la seconde classe ne peuvent pas s'abréger
dans cette langue de la même manière. Si l'on veut marquer dans
ces premiers participes, qui ont une tendance à devenir adjectifs,
l'idée du passé, on a recours au nouveau participe de esse : il
nemico è stato battuto, l'ennemi a été battu
, all. der Feind
ist geschlagen worden
. Pour rendre l'idée du présent on se
sert de l'actif : batton il nemico, on bat l'ennemi, hostis
vincitur
163. En italien et en espagnol venire peut aussi se
présenter comme l'expression du présent (voy. le § suivant).
L'anglais, où le participe passé présente ce même caractère
d'indécision, possède un moyen particulier pour exprimer le
présent du passif, c'est le gérondif : the book is binding est autre
chose que the book is bound. — 2) L'impersonnel passif
des verbes neutres est rendu en roman par l'actif : itur, vivitur,
ital. si va, si vive, fr. on va, on vit. En italien toutefois
l'impersonnel est souvent aussi traité comme passif : da tutti
fu andato Dec
. 1, 1, ce que le français ne rendrait pas par
il fut allé de tous. — On a déjà observé que le passif à la
troisième personne peut aussi être rendu par le réfléchi, et on a
indiqué au livre de la flexion (p. 243) que le valaque use de ce
procédé pour la première et la seconde personne aussi.

2. Outre esse le roman fait servir à la périphrase, comme
pour l'actif, stare, ire, venire et quelques autres verbes.
1871) Stare. A côté de l'esp. está enamorando, qui est actif, se
place comme passif está enamorado avec le sens d'un état
transitoire ; cette expression est assez usitée dans ce dialecte et
en portugais : estaba ocupado (il venait d'être occupé) ; esteve
guardado
(il venait d'être gardé) ; b.lat. dum starent haec
intestata Esp. sagr
. VIII, 411 ; extitit relaxata, extitit
decoratus
etc. dans Isidorus Pacensis Esp. sagr. VIII. En
italien stare s'unit plus volontiers à des participes de signification
neutre qui ont plus de la nature de l'adjectif : stava ammalato
comme stava infermo. Des verbes étroitement apparentés à
stare sont restare et remanere, mais leur sens individuel se
fait trop clairement jour pour qu'il soit possible de les regarder
comme des verbes auxiliaires, et cependant on pourrait en
général les remplacer par esse : ital. io rimasi maravigliato ;
esp. quedaba enamorado ; queda dicho (il reste dit = il est
dit) ; v.esp. fincaredes remanida (vous serez abandonnée)
PC. 281 ; coydó ser vencedor et fincó el vencido Rz. 230 ;
destruye el regno e finca muy robado Rim. de palacio 518 ;
v.port. fiquey partida CGer. ; prov. remaner vencutz (être
vaincu). Ce procédé est surtout favorisé par les langues du sud-ouest ;
de là l'emploi fréquent de manere dans les chartes espagnoles :
notum omnibus manet Esp. sagr. XL, 364 (ann.
760) ; manet edoctus VIII, 294 (VIIIe s.) ; ubi sedes manet
constructa
XIX, 349 (ann. 915) ; ubi reconditae manent
reliqiae
XVI, 435 (ann. 937). On peut comparer ce qui arrive
dans le nord du domaine germanique, où bleiben (suéd. blifva,
dan. blive) est employé d'une façon analogue, par ex. dan.
jeg bliver elsket = lat. amor, jeg blev elsket = amabar.
2) Ire (andare) avec le participe passif donne plus de couleur
à l'expression que l'auxiliaire ordinaire ; c'est au sud qu'il est
le plus favorisé. Exemples : ital. anima che di nostra umanitade
vestita vai
(qui es revêtue) P. Cz. 2, 1 ; così va
giuocato
(c'est ainsi qu'on joue). Esp. la criatura anda guardada
Cast. de D. Sancho
96a ; el caballero andaba cansado,
andaba enamorado ; la cosa va vendida
(est vendue) ;
port.vou muito carregada (je suis très-chargé) S. de Mir. II,
79 ; anda perdido d'amores por ella ibid. 110 ; tal andava o
tumulto levantado Lus
. 1, 35 ; ando aggravado. Avec des
verbes employés comme intransitifs, ir ou andar exprime aussi
en espagnol le commencement d'un état : ainsi ir perdido, ir
desmayado
 ; port.hir quebrado GVic. II, 473 ; on peut comparer
à cet usage l'allemand verloren gehn, zerbrochen gehn,
188verdorben gehn, zerrissen gehn
. En provençal on trouve
anar endormitz Choix III, 204. En français on dit, ou on
disait, il s'en va mort (il va mourir), il s'en allait perdu ;
cette chose s'en va faite ; le carême s'en va fini. — 3) Venire
en italien répond à l'allemand werden : la porta viene aperta
(= wird geöffnet, è aperta = ist geöffnet) ; io vengo rovinato
(= werde zu Grunde gerichtet) ; la libertà gli viene
concessa ; io venni assalito ; Bulicame vien detto uno
stagno ; ma non si tosto dal materno stelo rimossa viene
Orl
. 1, 43 ; la notte viene illuminata PPS. I, 38. Avec le
datif de la personne venire peut aussi indiquer un événement
fortuit : la cosa mi vien trovata (littér. : me vient trouvée) ;
mi venne fatta (me vint faite, c.-à-d. m'arriva) ; tosto verrà
fatto a chi ciò pensa Par
. 17, 50 ; le venne sentita una
novella
(apprit par hasard) Dec. 3, 9. Dans la première acception
ce verbe n'est pas non plus étranger à l'espagnol qui peut
dire par ex. todos venimos forçados CGen. 350 (= all. wir
werden gezwungen
) ; mais cette langue l'emploie très-fréquemment
dans un sens qui est une transition du sens propre
à celui de estar : venis herido ? (venez-vous, êtes-vous blessé ?)
Nov. 10 ; los panos en que venia envuelta (dans lesquels elle
venait, elle était enveloppée) ibid. ; port.a gente vem perdida
(vient, est perdue) Lus. 1, 28. Facis carmina, ut dignus
venias hederis
Juvén. 7, 29. Au sujet de venire avec le participe
passif on peut citer les vers de Corneille : à quel point
ma vertu devient-elle réduite
Hor. (cette expression n'est
plus usitée).

3. Infinitif passif. — L'infinitif des transitifs peut en certains
cas exprimer un sens absolument passif, en sorte que
l'objet d'où procède l'action peut être, comme avec le véritable
passif, accompagné de de. Cela a lieu : 1) Avec l'infinitif pur
après les verbes faire, laisser, voir, entendre. Ital. feci mostrare
(jussi ostendi) ; lo lascia fare (sinit rem fieri) ; lo
vidi menar via
(vidi eum abduci) ; ti udiva lodare (audiebam
te laudari
) ; veggon lacrimar da tutti gli occhi Orl.
23, 44 ; già veggio il tosco apparecchiar dal tiranno Ger.
4, 49. Esp. le hizo ou mandó prender ; no le dexa ver de
nadie ; veo llevar mis esperanzas del viento Num.
2, 2 ;
se vió responder ; sintió abrir la puerta. Franç. je le ferai
voir ; je l'ai laissé chercher
. Avec voir et entendre le français
et l'italien usent d'un procédé délicat pour distinguer le sens
actif du sens passif de l'infinitif, voy. à ce sujet ch. IX, n° III.
1892) Avec l'infinitif prépositionnel, en général pour exprimer
le but. a) Après le verbe être (ou paraître), lorsqu'il répond au
participe latin en -dus. It. sono da lodare (laudandus sum) ;
le cui maniere mi pajono da commendare Dec. 10, 9.
Esp. la carta es de escribir ; aussi la carta esta por escribir
(epistola in eo est ut scribatur). Prov. es a doptar ; fr. je
suis à plaindre ; il est à désirer ; digne d'escrire
Monn.
Chrest. I, 135. b) Après divers verbes, mais ce procédé est
plus conforme au style ancien qu'au nouveau. It. ch'io lontana
a nudrir ti conducessi
(ad esser nudrita) Ger. 12, 26 ; le
donne furono cominciate a servire
(feminae coeptae sunt
curari, foveri
) Dec. 10, 10 ; ella fu cominciata a vagheggiare
ibid. 5, 5. Pr. dic ses paor de repenre (esser repres)
M. I, num. 112 ; v.fr. ont paour de metre an prison (d'être
mis
) Sax. I, 39 ; treis anz i furent senz tucher (être touchés)
Ben. I, 341 ; je sui condampnée à ardoir (à être
brûlée
) TFr. 492 ; mur ne citet n'i est remés à fraindre
Rol.
. p. 1 ; fr.mod. il est fait à peindre (à être peint). Sans
préposition, par ex. esp. estaba condenado ahorcar (a ser
ahorcado
) Nov. 5 ; fr. on le menait pendre (être pendu) ;
prov. sel c'om porta batejar (esser batejatz) M. 941.
Certains écrivains b.latins donnent avec à propos la préférence
au gérondif : ad interficiendum deputari Gr. Tur, 5, 50, ad
pendendum deduci
6, 8 (pour être tué, pendu). — 3) Lorsqu'il
dépend d'adjectifs ce mode peut aussi prendre le sens
passif ; le latin préfère en ce cas souvent le second supin. Avec
dignus on dit correctement en italien : degno di esser premiado ;
cosa degna da sapersi
(le réfléchi pour le passif)
PPS. II, 247, esp. cosas dignas de ser estimadas, de estimarse ;
fr. elle est digne d'être aimée. Mais en espagnol on
dit aussi : cosas dignas de estimar, es digna de obedecer
GVic. 54a ; los yerros dignos son de perdonar CGen. 296 ;
cosa digna de contar DQuix. 1, 32 ; vaud. es degne de
punir
(dignus est puniri) Choix II, 95 ; v.fr. digne sont
d'ardoir Dolop
. p. 30. L'infinitif est plus usité avec d'autres
adjectifs : ital. questo è buono a mangiare, bello a vedere,
mirabile a sentire ; facile a corrompersi
. Esp. es bueno o
malo de aprender ; la historia es larga de contar, sabrosa
de oir ; eso es asqueroso de comer
 ; port.he mui longo de
contar
. Franç. il est bon à employer, agréable à entendre ;
ce vin est prêt à boire
(c.-à-d. en état d'être bu) ; je serai
trop facile à confondre
 ; v.fr. seurs puet estre de la teste
190colper
(certus esse potest caput sibi abscidi) RCam. 81.
L'allemand se conforme absolument à ce procédé qui est aussi
appliqué, en partie, dans le grec moderne : ῥάδιος νοῆσαι (ital.
facile a fare), ἡδὺ ἀκούειν (dolce a udire), καλὸς ἰδεῖν (bello a
vedere
) ; mais en latin on a, avec le passif : dignus amari,
facilis corrumpi, niveus videri
164.

Chapitre huitième.
Mode.

1. Mode proprement dit.

1. L'indicatif dans la proposition simple ne donne lieu à
aucune observation. Il exprime la réalité avec tant de précision
qu'il ne peut être remplacé par aucun autre mode. Ce n'est que
dans le cas où, avec l'aide d'un adverbe, il désigne un fait
comme incertain ou possible, qu'il peut céder sa place au subjonctif.
L'infinitif ne le supplée que rarement et seulement lorsque
la proposition est elliptique.

2. Le subjonctif, le mode de la possibilité, exprime déjà par
son nom qu'il appartient à la proposition composée. Cependant
le subjonctif latin embrasse en même temps l'optatif du grec, il
peut encore être employé comme un impératif adouci, enfin il
peut aussi enfermer une interrogation ou une assertion précise.
191Ainsi dans ces cas, lorsqu'il est optatif, impératif, interrogatif
et dubitatif, il trouve place dans la proposition simple,
au même titre que le mode de la réalité. 1) Optatif : a) avec le
présent : lat. deus avertat ! ital. non piaccia a iddio ! esp.
nunca mis ojos lleguen á mirar esto ! prov. valha nos la
deu maire !
fr. le ciel vous soit propice ! b) Avec l'imparfait :
lat. tecum ludere possem ! ital. volesse iddio ! vedessi
mio padre prima di partire !
esp. oxalá lo hiciese ! supiese
yo este secreto !
prov. dieus ô volgues ! mensongiers en fos
ieu ! per amor dieu, me talhasetz d'est drap un vestimen !
GRoss
. 6694 ; fr. plût à dieu ! puissiez-vous être heureux !
En espagnol on trouve dans le même sens le conditionnel :
oxaalá estuviera ahora en mi mano la partida !2) Pour
le subjonctif impératif nous renvoyons à l'impératif proprement
dit dont il est difficile de le séparer. On peut encore distinguer
ici le subjonctif concessif, comme dans sit ita sane ; ital. giri
Fortuna la sua rota lnf
. 15, 95 ; esp. suceda aquello que
quiere
 ; franç. parle qui voudra. — 3) Interrogatif : lat.
egone illi non succenseam ? ego hoc non facerem ? ital. chi
l'avrebbe mai veduto ?
esp. quien lo diria ? prov. per queus
vulhatz metre monja ? Choix
III, 2 ; fr. sauriez-vous me
dire ?
4) Le subjonctif dubitatif, qui sert à l'expression
d'un jugement indéterminé, est surtout usuel dans les langues
du sud-ouest, qui ont recours en ce cas au conditionnel : esp.
tendria mi amigo hasta veinte años (peut avoir une vingtaine
d'années) ; port.serião tres horas (il doit être trois heures).
Au reste le même temps se présente souvent dans la proposition
simple hypothétique dont le second membre est sous-entendu :
ital. volentieri parlerei a que' duo (se potessi) ; potrebbesi
ancora allegare
 ; esp. querria saberlo ; prov. ben la volgra
sola trobar
 ; fr.je voudrais y être.

3. L'impératif est trop pauvre en formes pour épuiser le mode
de la nécessité : il se fait aider par le subjonctif, non-seulement
pour la troisième personne des deux nombres et pour la première
du pluriel, mais aussi pour celle qu'il possède, la deuxième ; et
dans quelques langues il se fait même remplacer par l'infinitif.
Les verbes esse, habere, velle et sapere, ainsi qu'on l'a observé
plus haut au livre de la flexion, sont dépourvus en italien et en
provençal de l'impératif propre (de m. que le v.h.all. sîn, magan,
wizzan
) qu'ils remplacent par le subjonctif : ital. sii siate, abbi
abbiate, vogli vogliate, sappi sappiate
 ; pr. sias siatz, aias
aiatz, vulhas vulhatz, sapchas sapchatz
, en général aussi
192veiatz (videatis) et auiatz (audiatis), mais il n'en est pas de même
pour le synonyme de ce dernier verbe : on dit ainsi auiatz (subj.)
et entendetz (impér.) Choix III, 205 ; entendetz e veiatz 312.
Les formes françaises ne peuvent pas non plus renier leur dérivation
du subjonctif : sois soyez, aie ayez, veuille veuillez,
sache sachez
(t. II, p. 232). — Sur l'emploi de ce mode il faut
faire les remarques suivantes qui reposent surtout sur la distinction
entre l'expression positive (jussive) et négative (prohibitive).
1) L'impératif positif est rendu dans toutes les langues par la
forme connue de ce mode : ital. canta ! cantate ! etc., qui est
rarement remplacée à la deuxième personne par le subjonctif
(dicas, respondeas), à moins que le sens ne soit prohibitif.
Au contraire l'emploi de la troisième personne de ce dernier
mode est fréquent : ital. venga ! esp. detenganle ! denme !
v.fr. morgent l'un et l'autre de mort ! (uterque moriatur !).
Cette personne exprime proprement le commandement dans les
cas où par politesse on l'emploie à la place de la deuxième
personne : ital. entri ! (entrez !) ; esp. diganme señores ! La
première personne encourage, excite : la t. eamus ! ital. cantiamo !
esp. dexemos estas cosas ! prov. tug diguam amen !
Le français, qui s'écarte de l'usage des langues sœurs, applique
ici la forme de l'indicatif, mais sans l'accompagner du pronom
personnel dont elle ne peut se passer ailleurs : chantons !
allons ! cherchons !
et Eulalie se sert déjà de la forme de
l'indicatif dans tuit oram (oremus omnes) ; seuls soyons et
ayons concordent avec la flexion du subjonctif ; veuillons et
sachons sont des formes spéciales 165. Une particularité des langues
du sud-ouest est l'emploi de l'infinitif à la place de l'impératif
positif, d'ordinaire après une exclamation, par ex. valme señor
é curiarm' deste espada ! PC
. 3676 ; zagales levantar de
ahí !
GVic. 47a ; así que perdon y proseguir ! (ainsi donc
pardon et continuez !) DQuix. 1, 24 ; paciencia y escarmentar
1, 23 ; port.a barca ! chegar a ella ! GVic. I, 221 ;
eia, todos apear ! 243 ; aviai vos e partir ! 245. En vieux
français aussi on trouve l'infinitif (avec de) employé dans le
193même sens après la particule impérative or (p. 196), par ex. or de
bien faire ! Aubri
, dans Fer. 168a ; mais cet infinitif est généralement
traité comme un substantif : or del requerre ! RCam.
93 ; or del aler ! or del monter ! or tost du haster FC.
IV, 214, il peut même être remplacé par un mot de ce genre :
or, ditz cascus, de guerra ! GRoss. 583 166. — 2) L'impératif
prohibitif est rendu par les diverses langues d'une manière
assez différente. Mais elles s'accordent pour exprimer la négation
au moyen de la particule non (fr. ne), déjà usitée en bas latin
au lieu du classique ne, et non sans exemple dans le latin
classique, voy. Vossius Vit. serm. 1, 35. a) L'italien n'emploie
ici le véritable impératif qu'au pluriel, même quand il s'applique
à une seule personne : anima mia, non temete ! PPS. I, 9 ;
non isperate mai veder lo cielo ! Inf. 3, 85 ; amici, non mi
fate questo torto !
Pour le singulier il se sert de l'infinitif dès
les temps les plus anciens : bella, non dispregiaremi ! dans
Ciullo d'Alcamo Nann. Lett. p. 9 ; non ti crucciare ! Inf.
3, 94 ; non impedir lo suo fatal andare ! ibid. 5, 22 ; di me
non pianger tu !
P. Son. 238 ; à côté de l'impératif positif :
levati su donzello e non dormire ! PPS. II, 187 ; lasciami
la divina giustizia mandare ad esecuzione ne ti volere
opporre Dec
. 5, 8. Le daco-roman dans le même cas a recours
aussi à l'infinitif : nu asteptà ! (noli exspectare !) ; nutzi
uità !
(ne obliviscaris !). b) En espagnol, portugais et provençal
au contraire le subjonctif est appliqué régulièrement dès
les plus anciens textes et s'emploie souvent à côté de l'impératif,
ainsi habed vuestro derecho, tuerto non querades vos ! PC.
3612 ; no hables mas de esa cosa, habla de esta ! port.
não ouças ! não tornes ! não temais ! prov. no m'en prezes
meinhs ! Choix
III, 55 ; no us dulhatz ! 66 ; non oblides
GO.
81b etc. Le sarde se sert de la même expression : non
mandighes
répond à l'it. non mangiare. Le provençal toutefois
194applique aussi l'infinitif, surtout dans des traductions en
prose : non agaitar vergena ! (virginem ne conspicias !)
GO. 7a ; non demorar ! (ne protrahas !) 16b ; non escoltar !
(noli audire !) 63b ; no manjar ! (ne comedas !) 72a ; très-rarement
dans des poésies : no m'aucire ! Choix I, 334 ; non
cobeitar gran sensa !
IV, 456 ; non creire cosselh guereiador !
GRoss
. 8331 ; am lo fol no t'acompanhar ! LR.
I, 541b ; no ho mudar per negun plai ! 551b ; dels autres
frugs manja, mas non manjar d'aquest
P. Corbiac v. 101 ;
vaud. non temer ! Choix II, 85 ; non atendre ! 96. c) Enfin
le français se contente de l'impératif, même dans le sens prohibitif :
crois ! ne crois pas ! croyez ! ne croyez pas ! Mais en vieux
français l'infinitif était assez fréquent : ne te tamer ! (ne timeas !)
LRs. 17 ; ne t'esmaer ! Charl. 674 ; ne commencier !
RCam
. 42 ; n'ester pas ! FC. II, 78 ; ne te movoir, iluec
m'atent… ne dire a nul ce que tu sez ! Trist
. I, p. 93 ;
voy. les remarques de Bekker sur le Ferabras 156a. Il faut
rappeler à ce propos le procédé correspondant du grec et de
l'allemand : μὴ ἐμὲ αἰτιᾶσθαι τούτων ! (n'en rejette pas la faute sur
moi !) Buttm. ; frisch anfangen ! wegbleiben ! stillschweigen !
nichts anrühren !
ainsi donc positif et négatif. — 3) La
périphrase opérée au moyen du présent de velle et nolle,
comme dans velim existimes, nolo putes, volo vos scire,
n'est pas non plus étrangère au roman. Ital. vo' che sappi
(velim scias) Inf. 4, 33 ; vo' che m'insegni 6, 77 ; non vo'
che tu favelli
32, 109. Esp. quiero que sepa señor andante
DQuix
. 1, 12 ; ou v.esp. quierasme ayudar Fern. Gonz.
281 ; prov. voill sapchatz Choix IV, 14 ; voill quem digatz
29 ; franç. je veux bien que vous le sachiez. La formule noli
putare
trouve déjà un pendant dans les textes les plus anciens :
ital. non vogliate usar etc. PPS. II, 183. Esp. non quieras
errar en el tu corazon contra Dios Cast. de D. Sancho

89b ; non querades seguir esta carrera CLuc. 25 ; no me
quieras olvidar SRom
. 49 (positif : vos me la querays
contar SRom
. 6) ; port.nõ queirades fazer que vos esté
mal
D. Din. p. 6. Prov. no vuelas dampnar LR. I, 540a ;
no vulhas estranhar (nolite peregrinari) GO. 139a ; v.fr.
ne vueillez et vueillez ; encore dans Molière ne veuillez point
nier les choses
(le Méd. malgré lui). Fac avec le subjonctif
a aussi persisté : ital. fa ch'io sappia (fac sciam) ; fa, fa che
le ginocchia cali Pg
. 2, 28 etc. ; val. fę sę intre (fac ut
intret
). — Sur le futur de commandement voyez ce temps.195

4. L'optatif et l'impératif sont souvent renforcés par certaines
particules qui font nettement ressortir la signification de ces
modes. Les plus importantes sont si, que, or et car. 1) Le
conditionnel si sert à l'expression énergique du souhait, comme
dans si nunc se ostendat ! it. oh se voi sapeste ! o se potessi
dormire !
esp. o si pudiese un ratο aquí dormirme ! oh ! si
supiera quien es !
Cald. I, 8a ; franç. (imparf. de l'ind.) oh ! si
je pouvais le voir !
2) Que s'emploie avec le présent du
subjonctif pour insister, et cela a) avec une valeur d'optatif :
ut illum dii perdant ! ital. che dio vi benedica ! che fiamma
dal ciel in me scenda ! Ger
. 4, 57 ; esp. que dios te guarde
de mal !
franç. que Dieu veille sur vous ! Comp. gr.mod.
ὁ θεὸς νὰ σᾶς δώσῃ καλὴν ὑγείαν ! m.h.all. daz dich schiere got
gehoene ! daz dez ros unsaelec sî !
(soit malheureux) ; all.
mod. ach, dass es nie geschehen wäre ! b) Avec une valeur
d'impératif. Que en ce cas est devenu tout-à-fait indispensable
au français pour la troisième personne, tandis que l'ancienne
langue se contentait du verbe tout seul : qu'il entre ! qu'il le
fasse ! qu'il parte tout à l'heure !
A ce que répond le valaque
qu'on prépose à toutes les personnes : sę ne intornem !
(revertamur !) sę intrem ! (intremus !) sę nu mergi ! (noli
migrare !
). — 3) La particule temporelle or (ara), qui a ici
une force intensive comme l'all. doch, accompagne quelquefois
en italien, en provençal et en français l'optatif ou l'impératif
proprement dit. a) Or avec l'optatif : ital. or foss'io morto !
(que ne suis-je mort !) P. Sest. 7 ; ch'or avess'eo tanto ! PPS.
I, 283 ; prov. ara m'alberc dieus ! Choix V, 339 ; ar sembles
ironda ! PO
. 9 ; ar agues ieu mil marcx de fin argen !
Choix
V, 350 ; v.franç. or les vosist (voulût) empirier !
pleust or à dieu !
b) Avec l'impératif : ital. or m'ajutate !
Inf. 2 ; or ti fa lieta ! Pg
. 6, 36 ; prov. aram digatz ! Choix
IV, 9 ; ara, dis el, er faitz de plan ! Jfr. 67b ; or m'escoltatz !
GRoss
. 1994 ; v.franç. ore te tais ! LRs. 164 ; bele
or ne plourez noient ! Berte
70, encore aujourd'hui dans le
langage familier : or dites-nous etc. De là les interjections ital.
orsù ! fr. or çà !4) Le v.français car semble un peu plus
expressif que or. a) Avec l'optatif (conditionnel) : ha, kar fust
mis sires od le prophete !
(utinam fuisset dominus meus
ad prophetam !
) LRs. 361 ; car vos eust li lox mengiez !
FC
. II, 144 ; car eussiez moi et lui assemblé ! Agol. 1293 ;
car la tenise en France ! Charl. 327. b) Avec l'impératif :
car t'i acorde ! GVian. 3347 ; kar le m'enseinez ! Charl.
19619 ; car chevauchés ! Gar. I, 59 ; ceste bataille car la laisses
ester ! Rol.
. p. 119 ; de vos novelles et car nus en contés !
Og
. I, p. 195 ; car retornons ! GVian. 1482 ; car li aluns
aider ! Rol.
. p. 52 ; quer me creaz ! GRoss. Mich. p. 359.
Le provençal ne présente ce mot que dans quelques poèmes et
l'a peut-être emprunté au français : quar me creatz ! GRoss.
6674 ; quar senher vostre nom si lo camgatz ! 6678 ; quar
portatz est carbo !
6753 ; quar me digatz ! 6894 167.

2. Infinitif.

Les nouvelles langues s'écartent beaucoup de la langue mère
dans l'emploi de ce mode. L'infinitif a conservé en général ses
anciennes prérogatives, mais les fonctions nouvelles qu'il a enlevées
197à d'autres modes sont si importantes que la signification
syntactique de ce mode s'est étendue dans une forte proportion ;
ce n'est qu'en valaque qu'il est tant soit peu restreint par ce
qu'on nomme dans cette langue le supin (voy. t. II, p. 243).
Le roman concorde ici sur bien des points avec l'allemand, mais
il l'emporte sur cette langue par l'emploi plus libre qu'il fait de
l'infinitif. Ainsi l'esp. por no haber visto ne peut être littéralement
rendu en allemand qu'après sa décomposition en porque
no habia visto, weil er nicht gesehen hatte
. Et il en est de
même pour des phrases comme lo mostraron con proveerles
magnificamente ; á no haber venido estos amigos ; sin
quedar herido el caballero ; el querer cobrar la honra
perdida ; si no sucediera venir el duque
. L'espagnol à la
vérité surpasse sur ce point ses langues sœurs elles-mêmes. Le
grec moderne a, à son détriment, complètement abandonné l'infinitif,
en sorte que la phrase simple de l'italien esser ou l'esser
povero non è onta
doit être rendue par la phrase composée
δὲν εἶναι ἐντροπὴ, νὰ εἶναι τινὰς πτωχός « il n'y a pas de honte à ce
que quelqu'un soit pauvre ». Cette même périphrase de l'infinitif
par un mode fini est admise aussi par le daco-roman, ainsi
amicul mieu nu va cę facę schimbul, littér. « mon ami ne
veut pas qu'il change = ne veut pas changer », ou nu poate
cę fie un lucru ca acesta
« il ne se peut pas que qqch. comme
cela soit = qqch. comme cela ne peut pas être ». Les faits les
plus importants qui concernent ce mode, en dehors de l'emploi
passif signalé plus haut, sont les suivants.

1. En latin l'infinitif s'emploie comme substantif neutre au
moins au nominatif et à l'accusatif, et en ce cas il se fait accompagner
de certains pronoms : illud peccare, hoc ridere, vivere
ipsum, meum intelligere
(Schneider II, 368) 168. Le grec l'emploie
il est vrai à tous les cas, mais seulement au singulier.
L'allemand moderne ne l'applique au pluriel que rarement. Le
roman va plus loin que toutes ces langues, car ici ce mode en
qualité de substantif, muni de l'article ou d'un autre mot déterminatif,
est susceptible d'être employé à tous les cas et, bien
que sa nature abstraite s'y oppose, même au pluriel. On dit it. il
mio parere, un parlare elegante, roco mormorar
 ; esp. mi
parecer, un callar
 ; pr. lo partirs, un belh plorar. En français
cet usage n'est admis que pour les infinitifs qu'on considère
198expressément comme des substantifs, comme le lever, le pouvoir,
mais non pas le mentir, le parler, le tomber, le tromper,
le vendre, un prier
qu'on trouve en v.français et çà et là
encore au XVIe siècle. Exemples d'infinitifs qui s'emploient aussi
au pluriel : ital. il baciare (le baiser), dire, piacere, solere,
vivere
 ; plur. i baciari, diri, piaceri, soleri, viveri (vivres),
chez les poètes aussi i soffriri Pg. 19, 76, i dipartiri P. Son.
250 etc. ; esp. el comer, dar, decir, haber, tomar ; plur. los
comeres, dares, decires, haberes, tomares
 ; prov. lo chantars,
cuidars, estars, poders, volers
 ; plur. li chantar,
cuidar, poder, voler
 ; franç. le baiser, être, loisir, plaisir
(ancien infinitif pour plaire), pouvoir, vivre, v.fr. boivre
(boisson Trist. Hag. 273a) ; plur. les baisers, êtres, loisirs,
plaisirs, pouvoirs, vivres, boivres
MFr. II, 91. En valaque
tout infinitif semble, ordinairement avec le sens des noms allemands
en ung, pouvoir s'employer comme substantif. En ce cas l'infinitif
renonce à l'apocope de la finale re, à laquelle il est soumis
dans son acception verbale, et se présente sous sa forme complète.
Exemples : adaogere augmentation, aussi supplément,
certare dispute, querelle, cruzare épargne, économie, cędeare
chute, cantare chant (comme it. cantare), cuventare discours,
aussi raison, fire (fieri) essence, existence, nature, gustare
nourriture, petit repas, lesnire soulagement, légèreté, męntuire
salut, contentement. Mais ces substantifs verbaux se
distinguent des mots de ce genre propres à toutes les langues
romanes en ce qu'ils sont du genre féminin avec la flexion
plurielle en i : urmare, urmari, avec l'article : urmarea,
urmarii
. Le b.latin aussi traite ce mode comme un nom déclinable
à tous les cas, par ex. de adframire L.Sal. ; pro velle
Bréq. 79a (ann. 584) ; qui eis donavit ipsum vivere vel regnare,
ipse, selon l'usage traditionnel, représente l'article,
81d (ann. 584) ; da vadia de probare et tu da vadia de
placito Form. ital
. n. 24 ; outre velle les verbes esse et
posse se prêtent surtout à cet emploi. Les Serments ont in
quant deus savir et podir me dunat
, ce que la traduction
allemande rend par gewizci indi mahd. Les verbes réfléchis
conservent en italien, en espagnol et en portugais leur pronom :
il pentirsi, el desmayarse, mais le français dit le repentir,
le souvenir
. — Au point de vue de la syntaxe voici ce qu'il
faut surtout remarquer : 1) De l'infinitif pris substantivement
peut dépendre un nom au génitif, nom qui peut être actif ou
bien passif, objectif. Exemples du premier cas : ital. lo spuntar
199del sole
(quando spunta il sole) ; il tornar della mente ;
il tremolar della marina ; al cader d'una pianta. Esp. al
salir del dia ; al romper del alba
. Prov. al entrar del
estor ; l'encontrar dels brans
. Exemples du second cas : ital.
il trapassar del rio ; ad ogni muover d'anca. Esp. el perder
de lo ganado ; al entrar de la ciudad
. Prov. lavars
dels pels GO
. 290 ; lo tener de la man Choix II, 202 ;
l'amars d'aquest segle LR. I, 399 ; lo pregar d'autra ; per
beure de vi
. Ici encore le français est dépassé par les autres
langues, il ne tolère pas de tournures telles que le tomber de
cet arbre, le mouvoir du pied, le perdre du gagné
. —
2) L'infinitif nominal peut en outre continuer à exercer sa force
transitive sur le nom, du moins dans la plupart des dialectes ce
procédé ne présente aucune difficulté. Par ex. ital. lo scender
questa roccia Inf
. 7, 6 ; al passar questa valle P. Cz. 16,
7 ; gli costa caro questo diffamare altrui. Esp. un secreto
desearos CGen
. 332 ; el huir la ocasion DQuix. 1, 34 ; el
comunicar los males
Cald. I, 265a ; el reprender á otros ;
Cain fué mal castigado en non temer á Dios Cast. de D.
Sancho
226a ; port.fazo mal sen en vos amar Trov. p. 23.
Cat. façam axi del pendre la ciutat Descl. p. 598b. Prov.
als colps dar = al dar los colps B. Chrest. fr. 124,
12 ; al fugir folors M. 671, 4. V.franç. au doner le don
Rut
. I, 67 ; au passer la porte II, 36 ; à un tertre monter
(au moment de monter) PDuch. 159 ; au prendre le congié
Fl. Bl
. 1168. Dans Montaigne il se penoient du tenir le
chasteau
Monn. Chrest. I, 133 ; le paistre l'erbe est salutaire
au jeune cheval
ibid. De même gr. τὸ ἐπιστολὴν γράφειν ;
m.h.all. (rarement il est vrai) ein grüezen die vrouwen (un
salut adressé aux dames) ; cette construction est impossible
en allemand moderne comme en français moderne. L'accusatif
est plus précis que le génitif : dans la locution il trapassar
del fiume
on pourrait aussi concevoir le fleuve comme actif,
comme franchissant ses rives, il trapassar il fiume écarte
toute équivoque. Avec le parfait de l'infinitif le nom dépend
directement du participe, mais l'expression substantivale reste
la même : l'età del dovere avere avuto marito Dec. 4, 1 ;
el haber hallado compañia Nov. 2. — 3) Des adverbes aussi
peuvent accompagner cet infinitif : ainsi ital. il ben giudicare,
il conoscer chiaramente, l'andar piano
 ; esp. el bien morir ;
prov. son vestir vilmen (son costume misérable) Choix IV,
333 ; gr. τὸ κακῶς λέγειν, τὸ καλῶς θνήσκειν ; franç. non pas l'aller
200doucement, le bien juger
, mais sans article ; au contraire le
v.franç. disait bien son sagemant parler, son largemant
doner Brut
II, 84. — 4) Cet infinitif a souvent sous sa dépendance
d'autres mots avec lesquels il prend dans la phrase la
place d'un seul substantif : ital. il dire di non aver avuto
tempo non gli giova
 ; esp. el sobresalto del estar en duda
de conocerle
etc.

2. L'infinitif a en outre acquis la faculté de s'unir avec une
autre partie du discours au moyen d'une préposition et de remplacer
alors d'une manière générale le gérondif latin, ou ce
qu'on nomme le participe futur passif. C'est là l'infinitif prépositionnel
qui se comporte envers l'infinitif pur comme le
cas accompagné d'une préposition vis-à-vis du nominatif et de
l'accusatif, et qui se distingue de l'infinitif pris substantivement
surtout parce qu'il possède partout essentiellement la force verbale
de l'infinitif pur. Nous reviendrons sur ce trait important.
La littérature latine ne présente aucun exemple d'une construction
prépositionnelle : même le précédent du grec, qui a suggéré
au latin plus d'une liberté dans l'emploi de l'infinitif, est resté
ici sans influence 169. Les plus anciens textes romans, comme le
Boèce, usent de cette construction, bien qu'avec une certaine
restriction ; les Serments et Eulalie n'offrent aucun passage
où elle aurait pu se présenter. Mais elle a dû se développer dès
le début du moyen âge : c'est en vain que les scribes les plus
inhabiles s'efforcent d'éviter un idiotisme aussi évident, l'histoire
de la langue peut en recueillir dès les premiers siècles un nombre
suffisant d'exemples. En voici de diverses époques : licet unicuique
de rebus suis…tum ad sancta loca seu parentum
meliorare Form. Mab
. 36, s'il est certain qu'on doive construire
licet ad meliorare, comp. v.franç. loist à faire ; per
manus nostras recipimus vel ad recipere habemus
Bréq.
433a (ann. 721) ; ad abitare aut lavorare Brun. 543 (ann.
752, autog.) ; quod dedit ad pastinare 584 (ann. 765) ; quam
ad reddere
etc. Mab. Dipl. p. 499 (ann. 775) ; obtineat me
ad habere Form. M
. app. 33 ; firmavimus et confratribus
nostris ad firmare rogavimus
, voy. Bibl. de l'Ecole des
201chartes
II, p. 78 (ann. 780) ; hanc paginam Artuino
notario a scrivere tolli = tolsi a scrivere
Tir. 28b (vers
780, apogr.) ; a scrivere tolli 33b (ann. 800) ; conquestum vel
ad conquirere
Marc. 802 (ann. 878) ; quae mihi pertinet
ad abere
Tir. 66 a (ann. 890, autogr.) ; cepit ad vendere
Esp. sagr
. XXXVI, p. XX (ann. 1015) ; pro aqua prendere
p. XL (ann. 1039) ; qui pro emere fuissent p. LXXII (ann.
1085) ; pro separare conjugium Form. ital. 19 ; potestatem
de quatuor viis ambulare
ibid. app. Souvent l'infinitif est
remplacé par le gérondif, ainsi que nous l'avons observé plus
haut pour l'infinitif passif : pro vina et melle emendum Bréq.
132 (ann. 629) ; tradimus ad proprium per habendum HL.
I, 31. 76 (ann. 804. 842). — Il n'est pas croyable que le roman
ait emprunté cet usage à l'allemand. Cette construction s'est
bien plutôt introduite d'elle-même, en raison de la tendance
connue des nouvelles langues à se débarrasser d'une manière
quelconque des expressions grammaticales, comme ici du supin et
du futur du participe, qu'elles pouvaient remplacer par d'autres
mots. Le valaque la connaît aussi, et précisément pour cette
langue il ne peut être question d'une influence de la syntaxe
allemande. Le slave l'ignore.

3. Le portugais présente un trait particulier qui se trouve
déjà dans les textes les plus anciens. Il accorde à l'infinitif,
pour désigner des rapports personnels, une flexion tout-à-fait
verbale (t. II, p. 171), mais, comme le prouvent les prépositions
dont on le fait précéder, ce mode ne devient pas pour cela un
véritable temps. Toutefois, cet infinitif ne s'emploie que dans le
cas où il est possible de l'échanger contre un mode fini, où par
conséquent il peut se dégager du rapport de dépendance qui le
rattache au verbe principal. Il est indifférent que cet infinitif ait
son sujet propre ou non. Exemples où le sujet n'appartient qu'à
l'infinitif : tempo he de partires (c.-à-d. tempo he que tu
partas, tempus est hinc te abire
) ; deos te desembaraçe o
juizo para te remediares
(para que te remedies) ; basta
sermos dominantes
(que somos d.) ; não me espanto fallardes
tão ousadamente
(de que fallais) ; vio nascerem
duas fontes
(que nascião). Exemples où le sujet est commun
aux deux verbes : não has vergonha de ganhares tua vida
tão torpemente
(de que ganhas) ; todos são alegres por terem
paz
(porque tem) ; este não podeis achar sem me
matardes
(sem que me matais). Cet infinitif fléchi s'unit aussi,
comme l'infinitif non fléchi, au pronom personnel, en tant que
202sujet ou régime, ainsi dans les passages : não he necessario
pedires me tu isso
(que tu me peças isso) ; vimos as ursas
banharem-se Lus.
5, 15. Si cette condition fait défaut, si l'infinitif
dépend par exemple d'auxiliaires du mode, il ne se conjugue
pas : pudestes ouvir, sabes dar, queres crer, de m. parecem
vencer, vereis vir, pretendem vingar-se
. On supprime parfois
la flexion, lorsque la clarté de la phrase n'en souffre pas,
p. ex. deves buscar outro modo para vos mays descanssar
(pour descanssardes) CGer. II, 270 ; parfois on l'ajoute arbitrairement :
de morrermos desejando (desejando morrer)
I, 293 ; nam curees de mays chorardes ibid. 289 et le
contraire nam cures de te queixar R. Egl. 3 170.

4. L'infinitif, lorsqu'il n'est pas employé comme substantif,
s'appuie toujours sur un autre mot. L'infinitif indépendant
n'est toléré que dans le discours passionné, par exemple lorsqu'on
donne un ordre rapide, qu'on appelle au secours, ainsi
que nous l'avons vu plus haut en parlant de l'impératif. Il faut
de plus observer : 1) Cet infinitif peut s'employer avec une
exclamation ou une interrogation. Ital. io dir bugie ! ma
io perche venirvi o chiΊ concede ? Inf
. 2, 31. Esp.
señor de tan alta suerte padecer tal ! JEnz. 14a ; yrme yo
con él ? DQuix
. 1, 4 ; yo dispertar de dormir en lecho tan
excelente ?
Cald. I, 10a. Pr. estar ses joy a deshonor ! Choix
III, 168. Franç. trahir vos intérêts et la cause publique !
Corn. Cinn. ; de quel front soutenir ce fâcheux entretien ?
Rac. Brit. ; la tragédie en fait un usage très-fréquent. Ces
phrases expriment une surprise mêlée de contrariété, elles négligent
la grammaire pour arriver plus vite au but. Il va de soi
que d'autres langues aussi adoptent cette tournure. Le grec par
ex. dit σὲ ταῦτα δρᾶσαι ! (que tu puisses faire de telles choses !),
le latin (dans les comiques) tantam esse in animo inscitiam !
hanccine mulierem alere ! haeccine fieri ! hinc abire matrem ?
minime
. Allem. (avec ou sans la préposition) dergleichen
zu behaupten ! was nun anfangen ?
2) L'infinitif
203historique du latin n'a pas trouvé d'application dans les langues
filles ; le français seul connaît un procédé analogue. Pour indiquer
le début rapide d'une action on se sert parfois dans cette
langue de l'infinitif accompagné de de au lieu du parfait, par ex.
il s'en alla passer sur le bord d'un étang, grenouilles
aussitôt de sauter dans les ondes, grenouilles de rentrer
dans leurs grottes profondes !
La Font. Fabl. 2, 14. Ce procédé
ne s'explique certainement pas par une ellipse : le de préposé
semble avoir sa source précisément dans cette tendance de
la langue à échanger l'infinitif pur contre l'infinitif prépositionnel.
En v.français les exemples de cet usage ne doivent pas
être nombreux. Blanc, 496, en a signalé quelques-uns avec un a
préposé dans la littérature italienne moderne, par ex. quindi
finalmente a moderarsi i timori e l'ire guelfe de' reggitori
di Firenze
(pour comminciarono a moderarsi).

Il nous reste encore à traiter en détail de l'infinitif pur, de
l'infinitif prépositionnel et de l'infinitif accompagné d'un sujet.
Il semble raisonnable de commencer par établir des règles applicables
à toutes les langues romanes et de passer ensuite à
l'examen des divergences propres à chacune d'elles : il résulte
de là que la théorie de l'infinitif pur contient aussi des constructions
prépositionnelles.

1. Infinitif pur.

1. Lorsque l'infinitif est rattaché à un nom par l'intermédiaire
du verbe être, comme dans vivre est difficile ; fuir le vice
est une vertu
, il est évidemment sujet et se passe de toute
préposition. Mais si l'on insiste sur le nom qui alors, dans la
construction ordinaire, est placé en tête, l'infinitif doit être
regardé comme un attribut, comme un mot plus dépendant : il
est beau de mourir pour la patrie
. Néanmoins dans cette
circonstance l'infinitif pur s'emploie souvent dans le domaine
roman, seulement ce temps a été altéré en français par la présence
de l'impersonnel il dont cette langue ne peut se passer :
en effet dans il est beau la place du sujet et de l'attribut est
occupée grammaticalement, et l'infinitif doit s'unir au nom,
comme un membre déterminatif, par l'intermédiaire de la particule
de. Exemples. 1) Avec le verbe être et des adjectifs :
difficile est tacere ; laudari jucundum est. Ital. licito m'è
andare ; è necessario cominciarlo ; non è giusto aver ciò
ch'uom si toglie Inf
. 13, 105 ; è buon pensar di bel soggiorno
204Pg
. 7, 45 ; è qui ricercargli intempestivo P. Son.
232. Esp. es necesario ir á casa ; es bueno huyr de las
ocasiones ; no era posible detenerlos ; es útil pasear ; no
le será forzoso rogar
. Prov. viure m'es greu ; non era bon
comensar negun gran faich Choix
V, 89 ; bel m'es de far
chanson plazen
III, 443. Franç. il est agréable, aisé, bon,
dangereux, difficile, doux, honteux, nécessaire, utile
de
le faire ; mais il fait beau voir. Val. par ex. è uśor a traduce
(facile de traduire). A ces locutions se rattache aussi l'emploi de
esse avec des pronoms : lat. vim hoc est afferre ; ital. questo
è far violenza ad un uomo
 ; esp. esto fué poner fuego á la
colera
 ; franç. c'est faire violence. — 2) Avec le verbe être
et des substantifs : vitium fugere virtus est. Ital. non gli
fu onore ferir me di saetta
P. Son. 2 ;quanta gloria ti fia
dir Cz
. 6, 7 ; più non t'è uopo aprirmi'l tuo talento Inf.
2, 81 ; de même aussi non fa mestiere ricordar quella cosa.
Esp. es error darle á él la carta ; seria temeridad ponerse
en camino ; es costumbre mostrar su riqueza ; es menester
morir
 ; v.esp. era uebos buscar Bc. Mill. 339 ; port.he
vaidade ter lembrança do perdido ; he fraqueza entre
ovelhas ser leão Lus
. 1, 68. Prov. peccat es portar lauzengas
GO
. 183a ; veiaire es a mi escrieure 15a ; obs m'es
a faire Choix V, 25 ; me sembla pesanza viure 61. En franç.
on dit force m'est de me taire ; il n'est pas besoin de le
répéter
 ; mais si la phrase commence par c'est l'infinitif est
d'ordinaire muni de que de au lieu du simple de : cette expression
était déjà connue de l'ancienne langue : c'est un songe
que d'y penser
Ch. d'Orl. 48 ; c'est une merveille que de
vous voir ; c'est une belle chose que de garder le secret ;
il verra ce que c'est, que de n'obéir pas
. — Dans les deux
cas l'infinitif peut être accompagné de l'article, c'est-à-dire se
présenter avec évidence comme substantif : ainsi ital. l'avermi
priva fu picciol male Ger
. 4, 72 ; esp. no es cosa fácil el
conocer á los hombres
 ; v.fr. li combatres à Karle seroit
folois Sax
. I, 104. L'allemand se passe presque aussi difficilement
de la préposition que le français ; le v.h.allemand déjà dit
lang ist iz zi sagenne ; imo ist ernest ze tuonne ; mais le
gothique se contente de l'infinitif pur (Grimm IV, 109. 102).

2. A cet usage participent ensuite les impersonnels simples
qui se font généralement suivre de l'infinitif pur. Ital. basta
saperlo ;bisogna farlo ; qui si convien lasciar ogni sospetto
Inf
. 3, 14 ; che giova nelle fata dar di cozzo ? 9, 97 ; non
t'incresca restar qui ; tornar gli lece ; non occorre andarvi ;
205mi parea lor veder fender li fianchi Inf
. 33, 36 ; a voi non
piace mirar sì basso
P. Son. 19 ; mi preme riirovarlo ; mi
sovviene averlo veduto ; valse esser costante
. On trouve
souvent di : mi diletta di pianger Pg. 14, 124 ; di rimembrar
mi giova e dole
P. Son. 123 ; mi sembra d'averlo
Ger
. 7, 43 ; parmi d'udirla P. Son. 143 ; parendo a lei
d'esser sicura Orl
. 1, 36 ; piacque di mostrarmi Inf. 34, 17 ;
spiaccia d'ascoltarme Orl. 13, 81 ; mi preme di favellargli ;
di saper ti cal Inf
. 19, 67 ; avec quelques verbes on emploie
aussi a : a me tocca a bere ; rimane a dire ; vale a dire
(cela veut dire) ; mi resta a fare. Esp. basta decirlo ; hablar
no me cale
(arch.) ; conviene hacerlo ; os cumple saber ;
á vos está hacerlo
(c'est à vous de) ; no hay dudar en eso ;
importa hablarle ; pareceme rogarle ; á él toca disponer ;
mas vale callar
. Aussi avec des prépositions : me cale de
facer CLuc ; me cumple de facer
ibid. ; conviene á saber ;
me duele de oir ; olvidábaseme de decir ; me pesaria de
verle ; placeme de deciros
etc. Pr. nom besogna dir GProv.
18 ; far m'aven chanso ; no'l cal tondre ni raire ; no vos
qual dezesperar ; no letz aver GO
. 206 ; mi plai suffrir ;
vos tanh
a far ; coven généralement avec a : me cove a nadar
Choix
IV, 44. III, 468. V, 8 ; aussi aven a membrar III,
159. Le français ne choisit l'infinitif pur que dans un petit
nombre de cas : il me semble le voir ; il faut venir ; il vaut
mieux s'accommoder que de plaider
(le second verbe exige
de) ; dans les autres on se sert de de : il m'arrive de songer à cela ;
il ne vous convient pas de parler ; il lui fâche de me quitter ;
il lui importe de le faire ; il plût à dieu de l'affliger ;
il vous sied bien de réformer les autres ; il me souvient
d'avoir lu ; il suffit de vous dire ; il me tarde d'y être
 ;
mais il reste à prouver. Le v.français se comporte comme le
provençal, ainsi : ne vos chaut desmaier GVian. 417 ; mius
nous vient la terre guerpir
(il vaut mieux que) Brut I,
p. 294 ; li covient mustrer TCant. 100 ; moi i covent aler
Charl
. v. 71 ; aler vus en estoet Rol.. p. 10 ; les estuverat
murir
49 ; lut au vant baloier (licuit) Sax. I, 111 ; li loist
a reperier FC. III, 348. — Parere, simulare (pour videri)
employés comme verbes personnels se font également accompagner
de l'infinitif pur : ital. eglino pajon esser leggieri ;
sembra maravigliarsi
 ; esp. parece haberle sucedido algun
desastre
 ; pr. non par aver razo ; fr. il paraît être content ;
la vie semble fuir
.

3. Infinitif pur avec les auxiliaires du mode vouloir, devoir,
206pouvoir (et savoir), oser et avoir coutume : it. volere, dovere,
potere, sapere, osare, solere
 ; esp. querer, deber, poder,
saber, osar, soler
 ; fr. vouloir, devoir, pouvoir, savoir,
oser
, anc. querre, souloir ; en valaque au moins vreà, puteà,
śti, cutezà
(oser), mais ces verbes admettent aussi la construction,
citée p. 199, avec le mode défini, par ex. el voieśte ca sę
petreacę
(il veut qu'il apporte = il veut apporter) ; poate
vreun um sę śtie toate ?
(quelqu'un peut-il qu'il sache tout =
quelqu'un peut-il tout savoir ?) ; comme gr.mod. θέλω νὰ τὸν δώσω
τὸ γράμμα (je veux que je lui donne la lettre = je veux lui donner
la lettre). L'étroite relation de sens qui existe entre ces verbes
et l'infinitif n'a pas permis à une préposition de s'insérer entre
deux. On dit néanmoins it. oso di fare, port.ouso de cuidar
GVic ; ouso a ver Lus. 5, 86. En espagnol deber attire volontiers
la préposition de, lorsque ce verbe exprime une présomption :
debe de estar perdida (est probablement perdue) ; mais
il s'en passe aussi : debiera acordarme (j'aurais dû me rappeler) ;
port.deves de ir Lus. I, 80 ; deve de fazer CGer.
III, 616. Un vieux poète portugais construit même ce verbe
avec a : devo a morrer, a temer Trov. n. 52. 56 171. A ces
verbes se rattachent encore quelques synonymes qui tolèrent
généralement après eux l'infinitif pur. Dignari, synonyme de
velle, prend toujours l'infinitif pur : ainsi ital. ella degnὸ mirarmi ;
esp. deña enviarme ; prov. denhetz perdonar ; v.fr.
degnet preier dans Eulalie ; fr.mod. daignez ordonner ;
lat. dignatus est loqui. Amare, dont le sens est également
207apparenté à celui de velle (faire qqch. volontiers), se construit
de différentes manières : ital. donne innamorate amano
averne e seni e tempie fornate Orl
. 1, 42 ; aussi io amo di
udirti parlare
 ; esp. amó acer servicio Bc. Mil. 462 ; no
ames condenar
S. Prov. 146 ; prov. lo coms ama far so
que deus en grat prenda Choix
V, 59 ; amava sofrir III,
400, comp. 273, IV, 94 ; franç. j'aimerais savoir, mais aussi
aimer à jouer (aimer mieux avec l'infinitif pur) ; lat. amo
bibere
, gr. φιλῶ σιγᾷν, goth. frijô bidjan. Valere, synonyme
de posse : ital. se vaglio servirla ; lat. valeo avertere. Ardire
ital., atreverse esp., synonymes de osare, suivent les deux
constructions : ardisco venire, di far motto, a parlare ; me
atrevo hacer
et á hacer ; pr. enardisc d'enviar. En portugais
au lieu de l'arch. soler on emploie costumar, par ex. ella
costuma mentir
(costumo de rezar GVic. II, 497) ; en franç.
souloir, encore usité au XVIe siècle, a été remplacé par avoir
coutume
, par ex. de faire qqch. etc. Usare, autre synonyme
de solere, veut l'infinitif avec de : ital. usava di fare qc. ;
esp. usaba de venir.

4. Avec les verbes faire et laisser : ital. fo vedere, lascio
venire
 ; esp. hago saber, dexo ver ; pr. fauc entrar, laissi
faire
 ; franç. je fais peindre, je laisse prendre. Facere
avec l'infinitif ne répond pas exactement à jubere, ce verbe
désigne l'effet immédiat d'une action, de même qu'en latin aussi :
me cernere fecisti = it. mi facesti vedere. Déjà les écrivains
du plus ancien moyen âge emploient extrêmement souvent
facere dans ce sens, mais ils l'accompagnent, suivant la règle,
de l'accusatif avec l'infinitif ; les plus anciennes chartes se
servent soit de cette dernière construction, soit de la construction
romane, par ex. quam restaurare fecimus = ital. la
quale facemmo ristorare
Bréq. 345a (ann. 696). L'emploi de
laxare pour sinere est fort ancien ; ce verbe s'unissait à l'origine
au gérondif : sibi caesariem ad crescendum laxare
Gr. Tur. 2, 41. Il faut encore noter comme exemples très-anciens
ceux qui se trouvent dans Eulalie : voldrent la faire diaule
servir
et nos laist venir. Un synonyme de facere est le verbe
mandar fort usité en espagnol et en portugais : mandaba
traer una cosa ; mandó prender el ladron ; mandava
chegar á terra as naos
 ; puis le v.franç. rover : li roveret
tolir lo chief
(lui fit couper la tête) aussi dans Eulalie.
D'autres synonymes de lasciare sont esp. dar, prov. donar,
fr. donner, ils se construisent aussi avec l'infinitif pur : dios al
208hombre dió habitar la tierra ; dieus nom do viure lonjamen
Choix
III, 219 ; vus duinst cumencer Charl. 529 ; dieu luy
donna user sa vie
Mar. III, 263.

5. Avec les verbes voir, entendre et sentir. Ital. lo vedo
venire, l'udiva cantare, sentiva parlare, mi sento morire
.
Esp. avec ver, mirar, oir, sentir. Prov. vezer, auzir, sentir ;
avec auzir aussi dans le sens de « apprendre » : non auzim
pueis l'emperador creisser
(non audivimus postea imperatorem
crevisse
) Choix IV, 106. Fr. voir, ouïr, entendre,
sentir
(et je sens refroidir ce bouillant mouvement Corn.
Cinn.) ; v.fr. aussi avec choisir (il choisi venir Agol. 420).
Un verbe d'une signification analogue, trouver, se construit
également avec l'infinitif pur : ital. il trovὸ desinare Dec.
1, 6 ; egli trovò la giovane stare nascosa 2, 7 ; prov. toz
sos fidels seder trovet Pass. du Christ
30 ; fr. elle se trouva
être Française
 ; m.h.allem. ich vant sie slâfen, vant sie
lachen
. Voy. au Gérondif.

6. Avec la plupart des verbes qui expriment un sentiment,
surtout avec ceux qui ont le sens de penser, croire, espérer,
craindre, appréhender, désirer. Mais il faut observer ici que
l'infinitif pur n'accompagne ces verbes que lorsque la phrase ne
contient pas plus d'un sujet (logique). Spero me venturum
esse
peut être rendu en italien par spero venire, en français
par j'espère venir ; mais spero te venturum esse ne peut pas
l'être par spero venirti, j'espère te venir. Le roman credo
errare
répond donc au gr. οἴομαι ἁμαρτάνειν, mais non plus au
lat. credo me errasse. L'italien est la langue qui procède sur
ce point le plus librement. Des verbes comme ceux qui suivent
peuvent se faire accompagner de l'infinitif pur ou de l'infinitif
muni de la particule di : pensare, credere, stimare, giudicare,
avvisare, immaginare, fingere, supporre, sperare,
aspettare, temere, curare, procurare, studiare, disegnare,
intendere, desiderare, bramare
. L'espagnol construit
d'ordinaire avec l'infinitif pur pensar, creer, estimar, juzgar,
imaginar, fingir, esperar, confiar, temer, rezelar,
cuidar, procurar, entender, desear, intentar, codiciar,
pretender, trazar
et d'autres analogues. Le portugais se
comporte de même. La grammaire française prescrit rigoureusement
la construction avec l'infinitif pur pour les verbes
penser, croire, s'imaginer, compter, prétendre, espérer,
désirer, souhaiter, apercevoir, considérer, observer, regarder
,
et la construction avec l'infinitif précédé de de pour
209méditer, craindre, redouter, appréhender, soupçonner,
feindre, regretter, plaindre, haïr
etc. ; désirer et souhaiter
prennent part aux deux constructions, songer veut la particule
à, penser peut la prendre. Pour plus de détails il faut consulter
la grammaire française, qui reconnaît beaucoup de nuances
délicates entre l'emploi de l'infinitif pur et prépositionnel. Mais le
v.français et le provençal jouissaient presque de la même liberté
que l'italien. Le valaque emploie de a, par ex. après sperà et
teame. Plusieurs verbes qui expriment le sens de dire prennent
également l'infinitif pur (voy. plus bas à l'Infinitif avec de § 2).

7. Avec aller et venir : esp. va besar, vamos ver, te vinieron
adorar
, déjà dans les plus anciens textes ; port.ir passear,
va cahir, vem ver
 ; prov. se van gitar, anet servir, venc
menar
 ; fr. allez lui dire, je viens vous faire mes adieux.
L'italien emploie a : vado a vedere, vengo a farlo, et cette
construction n'est point inconnue aux autres langues (la phrase
de Dante venite a noi parlar Inf. 5, 81 est une transposition
de venite a parlar [a] noi). Val., avec le supin : me duc la
dormit
(eo cubitum). Le parfait de esse, en tant qu'il est pris
dans le sens de « aller » (le lat. fui s'employait aussi pour ivi
ou veni), est encore traité de la même manière : esp. fué ferir ;
fuestes entender = entendisteis Rim. de pal
. 690 ; franç.
j'ai été le voir ; il fut jusques à Rome implorer le Sénat
Corn. Souvent aller est détourné de son sens propre et s'emploie,
surtout en français, pour indiquer le commencement d'une
action : je vais sortir (exiturus sum, je suis sur le point de
sortir), j'allais sortir (exiturus eram) etc. En espagnol et en
portugais ce verbe forme presque pléonasme dans ir morir
JEnz. 12b ; vão chamar CGer. Il, 509 ; foy ordenar 79a ;
ital. va a leggere (il se met, il commence à lire). — La même
construction est appliquée dans d'autres langues : lat. it visere,
venit speculari
à côté de la formule plus usitée it visum, venit
speculatum
 ; dans la Vulgate, qui copie le texte original :
vade reconciliare, exiit seminare, missus sum evangelizare,
gr. βῆ δ'ἰέναι ; ἦλθον ἰδεῖν σε, goth. iddjêdun gamôtjan
qvam skaidan
 ; allem. er geht schlafen. — D'autres verbes
encore qui expriment un mouvement se construisent dans les
dialectes romans avec l'infinitif pur, par ex. prov. Se corregon
armar
(coururent s'armer) GA. 1752 ; cochem vezer (se
hâtaient de regarder) GO. 65a ; mena abeurar 113b ; tramezon
prezicar GA
. 41 ; franç. il courut m'embrasser ; il envoya
chercher
. Ici aussi l'infinitif est susceptible de prendre le sens
210passif : esp. estaba condenado ahorcar (ser ahorcado) Nov.
5 ; prov. sel c'om porta batejar (esser batejatz) M. 941 ; fr.
on le mène pendre ; comp. plus haut p. 190.

8. Avec des particules interrogatives et des pronoms
relatifs
l'infinitif peut aussi remplacer le mode fini : ce procédé
est inconnu au latin. 1) Avec des particules interrogatives,
surtout après le verbe savoir : ital. non so che fare
(nescio quid agam) ; non so come dire (quomodo dicam) ;
non so dove andare (quo eam) ; non sapeva ove ricoverarmi,
a chi attenermi ; per vedere che si fare è dove
andarsi Dec
. 9, 1. Esp. no sé adonde andar ; sin saber qué
hacerse ; no sabia como consolarse
 ; de même en portugais
et en provençal. Franç. je ne sais quel parti prendre ; il ne
sait que faire ni que dire
. — 2) Avec des pronoms relatifs,
surtout a) après le verbe avoir : ital. non ho che dire (non
habeo quod dicam
) ; non ebbi che scrivere ; non hanno
donde vivere
. Esp. no he que hacer ; no tengo con quien
hablar ; no hay que tener temor
(non est quod metum
habeas
) ; bien tengo que non as porque me falescer Fern.
Gonz
. 397 ; port.he muito que temer ; não tem que fazer.
Prov. non ha que manjar ; pro y aura que dir ; no han
plus on gandir
 ; franç. je n'ai que faire de lui ; v.fr. ni ai
plus que targer
. Val. n'am ce face (ital. non ho che fare).
b) Après d'autres verbes : ital. egli impara donde dar cominciamento
alle suo indagini
. Esp. le daba que pensar ; procuremos
donde alojar esta noche ; buscaba que comer ;
sacó con que limpiarse ; queda que dudar
. Prov. troba que
lauzar ; laissa que plorar
 ; franç. il trouva à qui parler ;
la terre fournit de quoi nourrir ses habitants
. Dans ces
phrases le relatif est complexif, il se rattache immédiatement à
la particule interrogative, mais il peut aussi se rapporter à un
objet déterminé. C'est ce qui a souvent lieu en espagnol : teneis
dineros que gastar ; buscais mentiras que decir ; dios me
conceda estos dones con que vivir en paz
 ; comp. prov. ja
que no y fos motz en cui esmendar
B. Zorgi Mal aia ms.
— L'infinitif dépend d'un verbe fini et entre les deux vient se
placer, suivant que la construction est interrogative ou relative,
le pronom ou l'adverbe : non so che fare par ex. ne se distingue
que par l'ordre des mots de non so fare questa cosa. Il ne
peut donc pas être question ici de l'ellipse d'un verbe à un mode
fini dont dépendrait l'infinitif 172. Cette construction se présente
211de très-bonne heure en b.latin : non habent quid respondere
Augustin. Hymn. adv. Don. ; non habent per quos regnare
ibid. ; quid agere, quid facere nesciebat Gr. Tur. 4, 34
(un ms. donne ageret, faceret) ; habueritis quod opponere
Form. M
. 1, 29 ; non inveni per quo me convertere Mur.
V, 1007 (ann. 754) ; nullatenus habuit quod dicere nec
opponere Form. Bal
. n. 6 ; non habeant que dare Lup.
646 (ann. 806) ; non habebam unde implere illo SRos. I,
341a (ann. 943) ; non habuit ille unde pariare Esp. sagr.
XXXVI, p. XXXIX (ann. 1032) ; substitution du gérondif à
l'infinitif : non habebat unde componendum ibid. p. XXIII
(ann. 1016). Voyez des exemples de constructions semblables
avec l'infinitif tirés des lois lombardes dans Pott, Zeitschr.
f. vergl. Sprachf
. XIII, 98, comp. aussi le mémoire de ce
savant intitulé Doppelung p. 260 ss. L'infinitif pur après des
particules interrogatives est appliqué aussi par l'ancien allemand :
er enwiste waz tuon, wie gebâren, war entrinnen, mais à
peine par l'allemand moderne.

2. Infinitif prépositionnel.

Les prépositions qui précèdent l'infinitif sont de, ad, pro,
per, in, cum, sine, ante, post, tenus
ou usque ad et quelques
autres. L'infinitif peut dépendre non-seulement d'un verbe, mais
aussi d'un nom, et en ce cas il joue le rôle du gérondif latin ; il
peut en outre remplacer le supin, le participe futur actif et passif,
l'infinitif pur du latin et certaines locutions conjonctionnelles.
En valaque la préposition a est devenue si nécessaire à ce mode
que, comme l'angl. to, elle ne peut presque jamais être omise,
bien que d'autres prépositions puissent s'intercaler entre elle et
l'infinitif : inceape a suflà (incipit sufflare), poftesc a aveà
(cupio habere), a ne sculà (nos excitare), a nu lucrà (non
laborare
). L'emploi d'autres prépositions n'a pas pour résultat
de la faire disparaître, elles se placent devant elle : de a,
212pentru a
 ; cependant la, qui se joint immédiatement au verbe,
fait exception. En général de a répond à l'ital. da et di, la à
l'ital. a, de même que le simple a à l'infinitif pur. Le supin est
caractérisé par les particules de ou la qu'on lui prépose, il ne
peut jamais s'en passer : uśor de purtat (facilis portatu) ; o
unealtę de scris
(instrumentum scriptorium) ; mę duc la
dormit
(eo cubitum).

a. Infinitif avec DE.

C'est en prenant pour point de départ les rapports du nom
dépendant avec le verbe qu'on arrive à ranger de la façon la
plus simple les cas dans lesquels cet infinitif se présente. Il s'emploie
donc :

1. Avec les verbes dont dépend un accusatif de l'objet.
A ce groupe appartiennent en premier lieu un nombre important
de verbes qui expriment un sentiment, mais en italien,
comme nous l'avons vu plus haut, ils se construisent aussi avec
l'infinitif pur, tandis qu'en français un nombre déterminé d'entre
eux exigent de. De est usité plus généralement avec d'autres
transitifs tels que choisir, conclure, entreprendre, renoncer,
oublier, éviter, continuer, terminer, obtenir, mériter. Ital.
eleggere, deliberare, proporre, imprendere (aussi avec a)
tentare, cercare, cessare, lasciare (et les intransitifs mancare,
rimanere, restare
), schifare, obbliare (aussi avec l'infinitif
pur), continuare, fînare, finire, ottenere, impetrare
meritare
. Esp. determinar (souvent avec l'infinitif pur), proponer,
resolver, cesar, dexar, excusar, proseguir, conseguir,
obtener, impetrar
(merecer avec l'infinitif pur :
merece ser hija de un gran señor). Fr. choisir, préférer,
conclure, arrêter, résoudre
(mais se résoudre à), entreprendre,
risquer, hazarder, essayer
(chercher à), cesser,
omettre, négliger, oublier, continuer, finir, achever, mériter

etc.

2. Avec des verbes qui se construisent avec le datif de la
personne
et l'accusatif de l'objet, et où l'infinitif prend la
place de l'accusatif. Ce sont des verbes qui ont le sens de dire
et de signifier. Ital. par ex. dire, negare, affermare, mostrare,
scrivere, dimandare, comandare, ordinare, permettere,
offerire, perdonare, rifiutare, consigliare, giurare,
promettere
. Fr. dire, écrire, avouer, confesser, affirmer,
déclarer, demander, mander, commander, permettre, offrir,
pardonner, défendre, refuser, conseiller, persuader,
213jurer, promettre
et beaucoup d'autres, mais nier demande l'infinitif
pur. Avec ces verbes l'infinitif peut servir de complément
au régime déjà énoncé (au datif) auquel il attribue une action,
tandis qu'avec les verba sentiendi il ne peut se rapporter qu'au
sujet, c.-à-d. qu'on dit aussi bien io ti dico di venire (je te dis de
venir) que io dico di venire (je dis que je viendrai). L'application
de la préposition n'est rigoureusement observée qu'en français,
l'italien n'y renonce pas volontiers, mais l'espagnol peut
s'en passer avec la plupart des verbes. Ital. dico (di) non voler
farlo ; non nego
(di) averlo fatto ; egli mostrò (di) amarmi ;
mi ordinò d'andarmene ; io vi prometto di scrivere ; giura
non tornare Orl
. 14, 34. Esp. no digo yo hincarme de rodillas ;
niega haberla recibido ; mostra ser de ricos padres
nacido ; ordenaba
(de) hacerlo ; permite gozar una cosa ;
prometo guardar el secreto ; os aconsejo de ir
. Franç. je
lui ai dit de s'en aller ; je ne puis dire l'avoir vu ; je nie
l'avoir fait
. Lorsque le datif de la personne n'est pas exprimé,
l'infinitif pur en espagnol et en italien est la règle la plus habituelle.

3. Avec des verbes dont dépend un nom accompagné de la
préposition
de. Ce sont des verbes transitifs et intransitifs,
surtout des réfléchis, et la préposition exprime le moyen, le
motif, aussi bien que l'éloignement ou l'aversion. 1) Transitifs :
it. avvertire, pregare, supplicare, ringraziare, biasimare,
minacciare
 ; de même impedire, proibire. Franç. avertir,
prier, supplier, conjurer, remercier, blâmer, censurer,
convaincre, excuser qqun d'avoir fait qqch. ; empêcher,
dispenser
(esp. impedir, prohibir avec l'infinitif pur). —
2) Intransitifs ou transitifs employés avec cette valeur : ital.
dubitare, godere, ardere (brûler d'envie), rallegrarsi, pentirsi,
vergognarsi, maravigliarsi, accorgersi, ricordarsi,
congratularsi, avvisarsi
, mais une partie de ces verbes
se contentent aussi de l'infinitif pur (si vergognò deliberare
Mach. Disc. 1, 38 ; mi ricordo aver visto) ; astenersi, ritenersi,
guardarsi
(di et da). Esp. dudar, holgar, gustar,
concordar, convenir, contentarse, disgustarse, turbarse,
arrepentirse, avergonzarse, acordarse
(en général avec
l'infinitif pur), descuidarse ; abstenerse, defenderse, excusarse,
desistir
. Franç. douter (il ne doutait pas de réussir)
trembler, brûler, convenir, délibérer, manquer (voy. § 4),
se consoler, s'affliger, se repentir, s'étonner, se souvenir,
féliciter, s'aviser ; s'abstenir, se retenir, se détourner, se
214lasser, se garder, se désaccoutumer
et d'autres analogues ;
pr. se tener, se tolre, se sufrir, se relenquir, se laissar etc.
— Il y a en outre beaucoup d'intransitifs qui n'admettent pas
volontiers un nom avec de et qui cependant prennent l'infinitif
avec cette même particule, ou qui hésitent entre de et ad : ital.
par ex. affrettarsi di, ingegnarsi di, apparecchiarsi di etc. ;
fr. se hâter de, se presser de, se dépêcher de, se disposer
de
et à, s'efforcer de et à.

4. Des verbes qui méritent d'être relevés sont ceux qui se comportent
à l'égard de l'infinitif prépositionnel comme des verbes
auxiliaires, ou qui proprement servent à la périphrase d'une idée
adverbiale. Ainsi le fr. venir p. ex., qui indique qu'un fait s'est
produit au moment même où l'on parle : je viens de dîner ;
il vient de sonner ; nous venons d'arriver ; je venais de
chanter
. Mais en ce sens il ne s'emploie qu'au présent et à l'imparfait.
Puis la locution plus rare ne faire que : mon père ne
fait que de sortir = il vient de sortir
. L'esp. acabar désigne
une action comme terminée : con esto acabó de confirmarse
(il fut complètement convaincu) ; ocasion para acabar de consumir
lo poco que le quedaba
(pour achever de dépenser le
peu qu'il lui restait) Nov. 7 ; port.acabar de escrever (avoir
fini d'écrire) ; franç. il achève de se ruiner. Il passe au sens de
venir de : me acaban de decir (on vient de me dire) ; acaba
de morir
(il vient de mourir). Finire en italien répond à
acabar : la vostra modestia mi ha finito d'innamorare (m'a
complètement captivé). Pensare exprime qu'une action a été
près de se produire : it. pensava di morire (il a failli mourir) ;
esp. pensó perder el juicio ; fr. (avec l'infinitif pur) il pensa
mourir ; il a pensé être noyé
 ; v.esp. avec de (être sur le
point de faire qqch.) : pensar de calbalgar, de aguijar,
pensar
à deprunar PC. 1501 ; v.fr. pensèrent de monter
RCam
. 13 ; pense de l'anforcier Sax. I, 6. Manquer est
pris en français dans le même sens : il a manqué de tomber
(parum abfuit quin caderet) ; de même faillir : j'ai failli
de tomber, à tomber, tomber
 ; avec la négation : ne manquez
pas de venir
. Echar de ver en espagnol n'en dit guère plus
que le simple ver : sin echar de ver en ello (sans même s'en
apercevoir).

5. Avec des substantifs. — Les substantifs qui en latin
peuvent se construire avec le génitif du gérondif ou du participe
futur passif (libido augendi, spes vincendi, metus amittendi,
causa poenitendi, tempus dicendi
) prennent en roman l'infinitif
215correspondant avec de. Ital. cupidità d'ampliare, pensiere
di prender moglie, speranza di vincere, forza d'operare,
tempo d'andare, costume di danzare, titolo d'esser
pudica
. Esp. deseo de ver, intention de vender,
temor de perder, lastima de ver, licencia de ir, ocasion de
hablar, motivo de quexarse, modo de vivir, señal de venir,
punto de perder la vida
, et la formule très-usitée á trueco
de
avec l'infinitif (à condition que). Pr. cor e talen de saber,
paor de falhir, esper d'esser jauzens, ochaiso de gardar,
via d'esser francx
. Franç. intention d'écrire, plaisir de
voyager, crainte de perdre, art de peindre, temps de se
retirer, lieu de craindre, manière de vivre
. Val. maestria
de a scrive
(ars scribendi), putere de a domnì (potestas
dominandi
), timp de a prųnzì (tempus prandendi), pofta
de a tręì
(desiderium vivendi) ; aussi avec un simple a :
putere a te vętęmà (potestas tibi nocendi) onore a te vedeà
(honor te videndi), ou le supin : voie de invętzat (voluntas
studendi
). — L'infinitif a sur le gérondif l'avantage de pouvoir
s'employer aussi bien au prétérit actif que passif : paura di
aver perduto, di essere abbandonato
.

6. Avec des adjectifs. — Ici aussi l'ancienne construction
avec le génitif du gérondif dans studiosus audiendi, avidus
cognoscendi, peritus equitandi
etc. est remplacée par l'infinitif,
et la syntaxe romane connaît plusieurs cas de cette construction
qui n'ont pas leur correspondant en latin. Exemples :
ital. cupido di possedere, sollecito di vedere, contento di
avervi veduto, capace di far qc., degno di sapere, certo,
sicuro, dubbio di trovare, avvezzo di cantare
. Esp. curioso
de ver, dichoso de haber venido, contento de llegar, digno
de saber, capaz de enseñar, seguro de hallar
. Pr. volentos
de far, cubitos d'amar, sert de morir, segur de trobar
 ;
fr. avide, envieux, désireux de vous voir content ; affligé,
inquiet, capable, sûr, incertain de le faire
. Val. revnitoriu
de a cunoaśte
(avidus cognoscendi), datoriu de a plętì
(reus solvendi), harnic (capable) de a face aceasta. Ex.
latins où l'infinitif prend la place du gérondif (surtout au génitif) :
cupidus mori, peritus cantare, consuetus bellare, contentus
possidere, dignus perire, fruges consumere natus
.
Les langues nouvelles ne se permettent que rarement l'emploi de
l'infinitif pur : ital. bramoso porla Orl. 2, 21, prov. no so
dignes desliar lo corrés de la caussamenta
(non sum dignus
solvere corrigiam cet.
) GO. 58b.216

b. Infinitif avec AD.

A la particule ad se joint en italien da qui, dans cette situation,
ne s'applique guère qu'à la désignation du but. Une particule
identique à ce da est en v.français la locution de a, dont les
éléments sont toujours séparés, mais elle s'emploie rarement :
sont desirant de vous à conforter HCap. 180, 25 ; pres sui
de moi à baptisier Barl
. 64, 37 ; de fais de mort a soustenir
ibid. 30, 2 ; prov. la maneira de mi a chuflar PO. 339
(achuflar LRom. II, 393, GRiq. 91) ; de gent a gabar ço
queus plaz
M. n. 383 (acabar PVid. éd. B. p. 137).

1. Ad avec des verbes auxiliaires. — 1) Habere (tenere)
suivi d'un infinitif avec ad exprime une nécessité objective ou
subjective dans un sens actif, ce qui répond assez au temps
qu'on nomme en latin le participe futur passif (avec le datif de la
personne), et forme, comme ce temps, une conjugaison périphrastique
qui comprend tous les temps. Ital., avec a : ho a
scrivere
(scribendum est mihi) ; le cose che avean a venire ;
ha a perire PPS
. I, 145 ; a biasimare v'arà la gente 76 ;
plus souvent avec da : abbiamo tutti da morire (moriendum
est omnibus
) ; molto avrò da fare (multum faciendum erit
mihi
). Avec da on exprime aussi une possibilité objective ou
subjective (moyen, motif) : non hanno da vivere (non habent
unde vivant
) = non hanno niente da vivere ; non avete
da temere
(non est quod timeas) ; ou avec d'autres verbes :
trovo da fare ; resta da dire ; cf. l'expression formée avec des
relatifs p. 211. Esp., avec de : se ha de saber (sciendum est) ;
le habia de entregar (erat eum traditurus) ; tengo de escribir ;
v.esp., mais aussi avec à : ovieron á morar PC. 961 ;
avremos á yr 3482 ; an á aver FJ. 53a ; ayan á leer CLuc.
3 ; aussi avec de : ovo de passar Alx. 1131 ; a de seer FJ.
55b ; ovo de traer CLuc. 75 ; avia de decir 83 ; au XVe siècle,
au moins dans Santillana, de seul est usité. A l'ital. avere da
vivere
répond l'esp. tener de vivir et de même buscar de
comer, comprar de cenar
. Port., comme en esp. : hei de ler ;
onde havemos de ir ? tenho de estar alli a manhãa
 ; v.port.
hei a quitar ; m'ei a partir Trov. ; plus tard dans le Canc.
geral
on trouve partout de : ey de mostrar, ey d'ouvyr,
aveys de fazer
 ; dans G. Vicente tu has de começar, et déjà
dans une chanson galicienne d'Alphonse X overa de perder,
voy. Nobl. del Andal. 152a. Prov. l'emperi aig a mandar
Boèce
86 ; ai a guerir Choix III, 4 ; de même franç. j'ai à
217écrire ; il a beaucoup de choses à vous dire ; j'aurai à lui
remercier
. Val. am de scrie ou de scris (scribendum est
mihi
). L'all. haben zu répond à l'expression romane, tandis
que le latin habeo dicere et le grec ἔχω εἰπεῖν n'expriment que
la possibilité : nihil habeo dicere = quod dicam. En b.latin
on trouve à la fois ce dernier sens et le sens roman : (h)abent
latrones persequere
(ont à poursuivre) L. Sal. cod. guelph. ;
si aliquid habueritis opponere Form. 1, 26 ; habeo quaedam
prosequere
ibid. app. 54 ; deo deprecare avead Brun. 574
(ann. 763) ; quod ego inde habeo recipere Marc. 857 (ann.
944) ; habeant tenere 870 ; ad recipere habemus (voy. plus
haut p. 202) ; souvent avec le gérondif : ad laborandum habuit
Mur. III, 1023 (ann. 823). — 2) Esse ad constitue le passif de
l'expression précédente. Ital. io sono da lodare (laudandus
sum
) ; non è da credere (non credendum est) ; quello fu
da insegnare
(illud praecipiendum fuit) ; questi scrittori
saranno da udire
(audiendi erunt). Esp. avec de comme
pour haber : es de creer ; non era de oblidar ; son de venir
(venturi sunt) ; v.esp. avec á : son á aguardar PC. 1831 ;
es á fer 3006 ; es á complir Alx. 630 ; port.he de crer ;
não era de esquecer
. Prov. morz no l'es a doptar (mors illi
non metuenda est
) Boèce 175 ; lo cavalier vos er a rendre
Jfr
. 117b ; on se sert beaucoup de la formule non es a dire
(il n'y a rien à redire) ; franç. je suis à plaindre ; il était à
désirer ; c'est à croire
(de là le verbe accroire qui ne s'emploie
qu'à l'infinitif, ital. accredere), c'est à savoir. Val. nu è de
a se temeà
(non est timendum) ou avec le supin : ce è de
fęcut ?
(quid faciendum est ?). Cette expression aussi trouve un
correspondant direct dans l'all. sein accompagné de zu ; le lat.
est dicere, est credere n'exprime que la possibilité, et semble
du reste ne se présenter que comme impersonnel. Un exemple
b.latin est donné par le passage bien connu De Clothario est
canere rege Francorum
. — 3) L'it. stare avec ad équivaut
à peu près à stare avec le gérondif, par ex. egli sta a dormire
(il est en train de dormir) ; egli è statto tutto il giorno a
studiare
 ; dans ce sens on trouve aussi essere : altre son a
giacere Inf
. 34, 13 ; egli era a lavorare. En espagnol on dit
estoy á ver (= estoy viendo) ; está de ver = lat. est videre ;
port.estou a partir. En français les temps du verbe être
dérivés de stare sont employés de la même manière : les bergers
de la contrée étoient à garder les vignes
Rabel. 1, 25 ;
deux armées ont été longtemps à se regarder. — 4) Ire
218(andare)
, dans le sens propre, suivi de ad, répond au lat. ire
avec un supin en um. Ital. andava a dormire, andava a
prendere
(chercher). Esp. fué a buscar ; au sens figuré : las
seis van á dar
(franç. six heures vont sonner) ; voy á leer
(je vais lire) ; las manos fué á levantar = levantó SRom.
Le français préfère l'infinitif pur (je vais coucher, p. 210). —
5) Venire, dans son sens primordial, suivi de ad, comme ital.
venire a vedere, se comprend de soi ; il faut seulement rappeler
qu'ici aussi le français préfère l'infinitif pur (l. c.). En outre
venire ad peut être purement explétif et exprimer qu'une action
arrive à se produire. Ital. eglino verrebbero ad essere subita
preda
(ils en arriveraient à) Mach. ; vengo a dire cose P. Cz.
8, 1 ; venni aprender moglie ; verrò a narrarvi. Esp. venir
á ser cruel
(devenir cruel) Nov. 6 ; viene de facer CLuc.
84m. Fr. si ce secret venait à être découvert, angl. it came
to be revealed
. — 6) Volvere, tornare peuvent indiquer la
répétition d'une action. Ital. torno a dire (je dis encore une
fois), a vedere. Esp. tornar á seguir (suivre de nouveau),
á cantar, á decir ; volver á traer, á ver ; port.tornar a
fallar
. Prov. (sans a) es tornatz dormir (est de nouveau
endormi) Jfr. 82b ; ces verbes ne sont pas usités en français. —
7) Facere avec ad répond en provençal et en français à la
formule esse ad mentionnée sous le n° 2. Ex. Blacas no y fai
a laissar
(non omittendus est) Choix V, 346 ; no fan a
creire lauzengier
(dans le texte acreire) III, 469 ; plus fai
ad onrar us paubres PO
. 17 ; a far no fai 269 ; fai ades
bon servir o de son aver a donar Jfr
. 116a ; fai mot a
lauzar Fer
. v. 4 (très-souvent dans ce texte) ; chose ki mult
facet à loeir LJ
. 441 ; pucele ke tant face à proisier GVian.
1110 ; mult feit bel a oir (perjucundum auditu) Charl.
375 ; mult funt a crendre les seraines (valde timendae
sunt
) Brut I, p. 37 ; ne fait a demander (non opus est
quaerere
). Peut-être que cette formule tire son origine du lat.
facit ad rem. De même qu'on dit être à croire, être à savoir,
on dit aussi faire à croire (que l'usage a remplacé par faire
accroire
, p. 217), faire à savoir. — 8) L'esp. acertar
(atteindre, réussir) désigne comme fortuit l'état ou l'action
exprimée par l'infinitif. Ex. acerto á pasar uno (quelqu'un
vint à passer) ; pareciendole que habia acertado á escoger
la vida mejor
(qu'il avait précisément choisi le meilleur genre
de vie) Nov. 7 ; comp. angl. if he should happen to come.

2. Divers verbes transitifs peuvent s'adjoindre un infinitif avec
219ad en qualité de régime, ou comme détermination plus précise
de leur signification. Ce rapport est rendu en latin par l'infinitif
pur. Les verbes les plus importants qui prennent part à cette
construction sont : Commencer : incipit loqui. Ital. cominciare,
incominciare, principiare a parlare
 ; esp. comenzar,
empezar á hablar
(v.esp. en général avec de et souvent avec
l'infinitif pur), port.começar a fallar (arch. começaste dyzer
CGer
. I, 383 ; falarlhe começou R. Egl. 2 ; aussi avec de) ;
prov. comensar a dire (comenseron lo pregar GO. 303b,
comp. 39b) ; fr. commencer avec à et de, ce qui n'est souvent
déterminé que par l'euphonie ; val. incepe a se face zioę. Un
verbe synonyme (comparable au nor. nema pour incipere)
est par ex. ital. prendere a, prov. prenre et se prenre a
Choix
V, 261, Fer. 613, Jfr. 101b, v.fr. prendre à Charl.
404, TCant. 16, 16, fr.mod. se prendre à (il se prit à rire).
Enseigner et apprendre : doceo scribere, disco canere.
Ital. insegnare a scrivere (mais mostrare comporre una
cosa
), imparare a cantare ; esp. enseñar, mostrar á leer,
aprender á ser liberal
 ; prov. ensenhar a escriure (aussi
avec l'infinitif pur : essenhan bonas obras far LR. I, 530a),
aprenre a dire ; fr. enseigner, montrer à lire, apprendre
à nager
 ; val. invętzà a série. — Aider : adjuvare aliquem
vestire
. Ital. ajutare uno ad armare ; esp. ayudar á alguno
á llevar una cosa
 ; franç. aider à porter. — Donner : do
bibere
. It. dare a bere ; esp. dar á entender, dar de comer ;
pr. dar ad entendre, donar a manjar ; fr. donner à choisir ;
val. dà la spęla (donner à laver), dà de mųncà (donner à
manger), ou avec le supin : dà de beut (donner à boire). L'infinitif
pur n'est pas sans exemple en italien : dar bere Dec.
4, 3 et souvent ; de même gr. ἔδωκε φορῆσαι, goth. gêbun imma
drigkan
. Mais Donat remarque à propos de la phrase ei date
bibere
de Térence, Andr. 3, 2 : « consuetudine magis quam
ratione dixit pro date ei potionem » ; on trouve ailleurs pour
désigner le but : dare ad ferendum, ad cogitandum.

3. Les verbes qui se construisent avec un nom neutre accompagné
de
ad appliquent en partie cette même construction
lorsque le nom est remplacé par un infinitif : en ce cas le latin
employait ordinairement le participe futur passif avec ad ou le
datif. It. nato sono a soffrir miserie (natus sum ad ferendas
miserias, ferendis miseriis
) ; egli offerse la mano a baciare
(manum osculandam obtulit). D'autres verbes de ce genre
sont : porsi, mettersi, apparecchiarsi, disporsi, offerirsi,
220invitare, confortare, muovere, obbligare, indurre, inclinare,
aspirare, avvezzare, condannare
. Esp. ponerse, disponerse,
determinarse, acomodarse, invitar, solicitar,
persuadir
(ital. persuadere di, fr. persuader de), mover,
obligar, destinar, aspirar, porfiar, acostumbrar, condenar,
contribuir, llegar
. Franç. se mettre, s'appliquer,
s'attacher, se résoudre, inviter, exciter, enhardir, obliger,
destiner, préparer, incliner, aspirer, tâcher, accoutumer,
adhérer, condamner, parvenir
, mais quelques-uns de ces
verbes, comme obliger, tâcher, se construisent aussi ayec de.
Après certains verbes de ce groupe ad peut généralement, de
même que pro (dans le sens roman de pour), exprimer le but,
ainsi ital. accorrere ad ajutare, chiamare a dire, mandare
a dare, restare a vedere
 ; esp. acudir á mirar, entrar á
ver, traer á presentar una cosa
 ; fr. je suis ici à l'attendre
etc. En outre à remplace en français d'autres prépositions dont
cette langue ne tolère pas l'emploi devant l'infinitif, par ex.
s'obstiner, persister à nier = esp. obstinarse, persistir
en negar ; s'amuser, s'occuper à faire = esp. ocuparse en
hacer.

4. Ad causal ou conditionnel constitue un cas particulier :
la locution qu'il forme peut servir à abréger une proposition
subordonnée. Ital. a scrivere spesso s'impara a scrivere
(saepe scribendo scribere discimus) ; a trargli l'osso potrebbe
guarire Dec
. 4, 10 ; voi fate villania a non farmi
ragione
8, 5. Esp. á no haber venido estos amigos en ninguna
manera os dexára Nov
. 10. Franç. à vaincre sans
péril on triomphe sans gloire
Corn. ; à raconter ses maux
souvent on les soulage
ibid.

5. Ad avec des substantifs. — Si un infinitif est relié à un
substantif, en italien par da, en français par à, la préposition
exprime la même idée de nécessité ou de possibilité qu'avec esse
ad
(p. 218), et ici aussi l'espagnol emploie de au lieu de á.
À cette expression répond en latin le participe futur passif ou
l'adjectif verbal en -ilis. Ex. Ital. età da prender marito
(aetas nubilis), cosa da far piangere (res miseranda, flebilis)
un riso da far innamorare P. Son. 207. Fr. maison
à louer, avis à suivre, affaire à perdre qqun, un sourire
à rendre amoureux ; vous n'êtes point pour elle un homme
à dédaigner
Corn. Cinn. Esp. vestido de caminar, yerro de
enmendar
(error emendabilis) etc. Val., avec le supin, calu
de cęlęrit
(equus ad equitandum), casę de vindut (domus
venalis
).221

6. Ad avec des adjectifs. — 1) Les adjectifs qui ont le sens
de « être propre, destiné, préparé, disposé », c'est-à-dire qui
peuvent avoir sous leur dépendance un nom avec ad, se construisent
aussi avec un infinitif accompagné de la même préposition,
qui en latin déjà s'employait habituellement : aptus ad
agendum, fortis ad subferendas plagas, paratus ad navigandum,
idoneus moderando imperio
. Ital. atto a portar
spada, luogo comodo a vivere, egli è pronto, parato, disposto
a venire, presto a eseguirlo
. Esp. propenso, pronto
á hablar, presto
para oir, presto de servir, capaz de hazer
algo
. Franç. habile à succéder, homme commode à vivre,
fait à être peint, prêt à mourir, enclin à mal faire
. Il est
très-rare de rencontrer, comme dans disposto menarla Orl.
14, 53, l'infinitif pur, que le grec emploie partout : ἐπιτήδειος
ποιεῖν etc., et que le latin applique au moins avec le passif :
forma papillarum quam fuit apta premi Ovide. Ce sont des
adjectiva relativa dont le sens n'est complété que par l'adjonction
de l'infinitif (voy. p. 134). — 2) D'autre part des adjectifs
de significations diverses comme « facile, bon, beau, agréable »,
ainsi que ceux qui expriment les idées contraires, se font accompagner
d'un infinitif avec ad qui les explique, auquel cas le latin
présente généralement le second supin. L'infinitif étant pris ici
dans un sens passif (voy. plus haut p. 189), il ne peut appartenir
qu'à un verbe transitif, et le sujet subit l'action exprimée
par ce verbe. Ital. la cosa è facile a sapere (facilis scitu)
egli è duro a soffrire (durum toleratu), ottimo a fare
(optimum factu), grato a udire (jucundum auditu), mirabile
a vedere
(mirabile visu), difficile a dire (difficile dictu,
ad dicendum
), dolce a bere (dulce ad bibendum). Franç.
c'est facile à comprendre, difficile à lire, bon à employer,
affreux à voir
. Le provençal se comporte comme l'italien et le
français, seulement il arrive parfois, surtout devant des voyelles,
que ad est échangé contre de, aussi contre per : leu ad entendre,
greu a sufrir, bon a sufrir, suaus a apenre, laitz
a dire, clar d'entendre, agradan d'auzir Choix
III, 443,
greus per entendre GO. 95b, mal per far Fer. 722. L'espagnol
préfère en général de : facil de digerir, dificil de
alcanzar, hermoso de ver, malo de aprender, terrible de
contar, bueno de comer
(aussi para comer pour rendre l'idée
de but) ; port.leve de crer, grave de perdoar, bom de descer.
C'est en cette circonstance surtout que le daco-roman applique
son supin, par ex. lesne de intzeles (facile intellectu), greu
de suit
(difficile ascensu), frumos de vezut (formosum
222visu
) ; mais il peut aussi se servir de l'infinitif : lesne de a
intzeleage, cu anevóe de a suferì
(durum toleratu). Le
grec se contente de l'infinitif pur : ῥᾴδιος νοῆσαι, πόλις χαλεπὴ
λαβεῖν, ὁδὸς ἀμήχανος εἰσελθεῖν, ἡδὺ ἀκούειν, καλός ἰδεῖν. Le latin se
décide difficilement à employer cette locution : on trouve, avec
le passif, niveus videri Hor. Od. 4, 2, 59, urbs capi facilis.
3) Ad avec des nombres ordinaux : ital. egli è il primo
a venire, l'ultimo ad entrare
 ; fr. le premier à faire qqch. ;
lat. potior sit qui prior ad dandum est Térence, Phorm. 3,
2, 48.

C. Infinitif avec d'autres prépositions.

1. Pro (fr. pour, ital. prov. per, esp. port.por et para).
1) Avec esse et stare per indique en italien qu'une action
est sur le point de se produire, et fournit une conjugaison périphrastique
complète : ital. egli è ou sta per morire (il est sur
le point) ; sono per non esser più (je suis sur le point de n'être
plus) Dec. 5, 6 ; era per partire, stava per cadere. De même
estar por, estar para en espagnol et en portugais ; estoy por
hacer ; la carta está por escribir ; estaba por decir, para
hablar-
, port.estou por fazer, estou para vir. Ser por ou
para exprime dans ces langues la possibilité : esp. ninguno
non es por pagar
(nemini satisfaciendum est) PC. 544 ;
port.nom he pera falar (non dicendum est) CGer. II, 511 ;
(h)e por nacer nenhuma (nulla nascetur) ibid. 3. Le français
ne connaît pas cette locution : au lieu de je suis pour partir, il
dit je suis sur le point de partir. Pro se comporte vis-à-vis de
ad comme l'avenir à l'égard du présent : ital. sto per scrivere
je suis sur le point d'écrire, scripturus sum ; sto a scrivere
je suis en train d'écrire, scribo. — 2) Pro appliqué à l'idée de
but, après un verbe ou un nom, est plus expressif que ad. Ital.
vegno per veder l'amico (venio ad videndum amicum, ut
videam amicum
) ; cacciarli i ciel per non esser men belli
Inf.
3, 40 ; io vegno per menarvi all'altra riva 3, 86.
Esp. la dexaba por correr tras otra ; la desea para servirla ;
edad para casar, licencia para entrar, causa para
preguntar, poder para hacerlo, necesario para vivir ;
asqueroso para mirarse
173 ; port.por salvar o povo se entregava
223Lus.
4, 51 ; não tanto desviado resplandece o claro
sol para julgares
(pour que tu penses) 2, 111. Prov. fuy per
vos servir noiritz Choix
III, 124 ; franç. je sème pour recueillir.
Val. el cęlętoreśte spre a se invętzà (il voyage
pour s'instruire). Surtout après troppo, voy. les Propositions
comparatives § 7. — 3) Pro pour le motif, esp. port.por,
non pas para. Ital. per esser giusto e pio son io qui esaltato
Par
. 19, 13. Esp. por parecerles que etc. (parce qu'il leur
semblait) ; port.nom vos sera gram louvor por serdes de
mym louvado CGer
. II, 70. Prov. si anc nulhs hom per
aver fin coratge ac de si dons nulh' onrada aventura
Choix
III, 292 ; fr. tu n'as rien perdu pour le voir différer
(ton bonheur) Corn. Cid. — L'esp. para, anc. pora, est un
composé du latin pro ad (voy. mon Dict. étym. I, s. v. por),
et se présente aussi en v.français devant l'infinitif, mais de telle
manière que les deux prépositions peuvent être séparées par
d'autres mots. Il en est de même en provençal, seulement c'est
per qui prend la place de pro, inconnu dans cette langue. Voici
quelques exemples : per nos a salvar Choix IV, 46. 401,
Jfr. 115a ; per vos a contendre Jfr. 87b ; pel castel a recobrar
Choix
II, 58 ; si ieu vengui per vos a gualiar III,
143 ; per vos a guerir 432 ; por ols à soscorre (littér. pour
eux à secourir) SB
. 521u ; por luy à vengier 523u ; por ti
à délivrer
537m ; por luy à mostrer 547m, por à perdre un
des piez GVian
. 68 ; por à perdre la vie Og. I, p. 233.
Asalvar, acontendre, aguerir, adelivrer, amostrer, sans
doute aussi aperdre, sont en cette circonstance des formes
incorrectes. Sans s'unissait aussi de la même manière avec à :
sans lui à afoler, sans point à varier 174.224

2. Per devant l'infinitif indique en italien le moyen, comme
l'ablatif du gérondif en latin : per ficcar lo viso al fondo io
non vi discernea alcuna cosa Inf
. 4, 11 ; piaga per allentar
d'arco non sana
P. Son. 69 ; mais la distinction entre per et
pro est difficile à faire, ces deux mots ayant pris la même forme.
En français, au contraire, l'emploi de per est certain, par ex.
dans il commence par me louer, ce que les autres langues
exprimeraient plus volontiers au moyen de cum.

3. In avec l'infinitif répond en général au latin in avec le
gérondif ou le participe. Ital. costante in lodar gli amici
(constans in amicis laudandis) ; arte in accostarsi Pg. 10,
10 ; in farvi onore P. Son. 71 ; irresoluta in ritrovar consiglio
Ger
. 4, 50 ; cette construction est encore usitée aujourd'hui.
Esp. poner diligencia en procurar su libertad (adhibere
diligentiam in procuranda libertate
) ; en ser señor
de mí lo soy del mundo
Cald. I, 74b ; me consuelo en verle ;
me resolvia en decir
, et après différents verbes que les langues
sœurs accompagnent plus volontiers d'autres prépositions (voy.
p. 158) ; de même avec un sens conditionnel : vió que en irse
Andres se le iba la mitad de su alma
(s'il s'en allait) Nov.
1 ; en volver á llamar le pareció que etc. Nov. 10 ; port.
em ver embaixadores grão gloria recebio Lus. 4, 64. Pr.
en amar non sec hom drecha via Choix III, 19 ; ponhon en
amor dechazer
(ils s'appliquent à gâter l'amour) 345 ; v.franç.
mes cuers s'est mis en li amer Choix VI, 308 ; dans le plus
ancien b.latin du même pays : in preparare illum, Rev. des
lang. rom
. II, 59 ; le français moderne ne se sert plus de cette
expression.

4. Cum avec l'infinitif correspond en général, de même que
per, à l'ablatif du gérondif. Ex. Ital. lo spaventò con minacciare
(minando eum perterruit) ; con dar volta suo dolore
scherma Pg
. 6, 151. Esp. eran gozosos con solo mirarse ;
yo me hallo bien con ser caballero
 ; port.de Antonio a
fama se escurece com ser a Cleopatra affeiçoado Lus
. 3,
141. Prov. ab raubar gleizas etc. LR. I, 447 ; le fr. avec
ne se prête pas à cette construction.

5. Sine avec l'infinitif est usité dans tout le domaine : it. senza
usar misura
(nullo adhibito modo) ;, esp. sin despedirse de
225nadie
 ; fr. sans prendre congé ; val. fęrę a mi spune ceva
(sans me dire un mot). Il faut observer le v.fr. sans plus avec
de, par ex. sanz plus de delaier Sax. I, 13 ; sans plus de
demorer RCam
. ; prov. ses pus de demorar Fer. 724.

6. Ante (prius) s'unit avec de : ital. prima di entrare
(priusquam intravit) ; esp. antes de volver ; port.antes de
conhecer
 ; fr. avant de parler, ou aussi avant que de parler,
non pas avant que partir qu'on trouve pourtant dans La Font.
Fab. 6, 1 ; arch. devant que la porter Rabel. 2, 6 ; devant
qu'être à la ville
La Font. 6, 16 ; val. mai nainte de a mę
plecà
(antequam proficiscor). Cihac ne donne pas ce verbe
comme réfléchi.

7. Post : ital. dopo aver detto (postquam dixit) ; dopo di
esser battuto
 ; esp. despues de haberlo hecho ; franç. après
avoir dit cela ; depuis avoir connu
encore dans Molière,
Bourgeois gentilh. 4, 5. Cette expression est maintenant vieillie.

8. Tenus, usque ad, par ex. ital. egli odia quell'uomo fin'
a non poterlo vedere
 ; esp. no os faltaré hasta perder la
vida
 ; prov. vuelh servire tro fenire PO. 353 ; fr. il l'aime
jusqu'à mourir pour elle
.

9. L'espagnol construit aussi avec l'infinitif pur les prépositions
sobre et tras, par ex. sobre ser culpado todavia es insolente ;
ando tras hallar el punto fixo
. D'autres expressions
prépositionnelles qui se font suivre d'un infinitif sont : esp.
fuera de, fr. hors de ; fr. loin de ; ital. a fine di, esp. á fin
de
, fr. afin de ; esp. al cabo de ; ital. in vece di, fr. au lieu
de ; ital. a meno di, esp. á menos de, fr. à moins de.

3. Infinitif accompagné d'un sujet.

1. Le sujet à l'accusatif. — En latin l'infinitif dépendant de
certains verbes ou de certaines phrases peut être accompagné de
son sujet à l'accusatif, de telle sorte que si l'on changeait l'infinitif
en un mode personnel il faudrait changer l'accusatif en nominatif.
Il n'est pas nécessaire que le verbe principal soit un verbe transitif
qui régisse l'infinitif ou le sujet de ce mode : ce verbe peut
aussi bien être intransitif, et alors l'idée exprimée par l'accusatif
avec l'infinitif se comporte comme un attribut, comme dans in
omnibus innatum est esse deum ; constat nivem esse albam
.
Cette importante construction (accusativus cum infinitivo), qui
n'est pas non plus étrangère au grec et au v.allemand, a-t-elle
persisté dans les langues romanes ? Un accusatif et un infinitif
226peuvent à la vérité se présenter sous la dépendance des verbes
faire, laisser, voir et entendre : faceva, lasciava, vedeva,
udiva entrar l'amico
. Mais ici l'accusatif, comme dans l'expression
allemande correspondante, est le régime immédiat du
verbe fini, et l'infinitif est rapporté à ce régime ; c'est ce que
prouve, au moins pour l'espagnol, l'emploi dans cette circonstance
de l'accusatif prépositionnel (veo entrar á mi amigo), qui
est rigoureusement limité au verbe fini. Et ce qui montre bien
aussi qu'il ne faut pas voir là l'ancienne construction, c'est
l'échange, indiqué plus haut, de l'accusatif contre le datif, lorsqu'au
premier régime s'en ajoute un second (lo vedo fare a lui
= video eum id facere
). On ne peut rigoureusement prouver
l'existence de la construction latine en roman que dans les cas où
le nominatif se distingue par la forme de l'accusatif, c'est-à-dire
pour quelques formes pronominales, et en provençal et en
v.français aussi pour un grand nombre de substantifs ; or le cas
appliqué dans cette construction est en fait l'accusatif, le sujet
attribué à l'infinitif doit donc être regardé comme un accusatif
alors même qu'il ne se ferait pas reconnaître comme tel par la
forme. Le verbe qui domine la formule est encore ici un verbum
sentiendi
ou significandi, et cette construction s'applique tout
aussi bien avec des intransitifs. — Voici ce qu'il faut observer
à propos de chaque langue. En italien les exemples de cette
construction avec des pronoms personnels sont fort nomhreux :
poichè me fuggito aver le sue mortali insidie il traditor
s'accorse Ger
. 4, 56 ; conobbero voi essere re e me figliuola
Dec
. 10, 7 ; risposero se essere apparecchiati ibid. proem. ;
non avesse detto lui veramente esser perduto 2, 1 ; immaginava
lei di bassa condizione dovere essere 2, 8 ; avvisando
Torello
loro essere stanchi 10, 9. Il en est de même
avec des substantifs : quando leggemmo il disiato riso esser
baciato Inf
. 5. 133, disse niuna cosa quanto questa piacergli
Dec
. 5, 6 ; tra gli lazzi sorbi si disconvien fruttare il
dolce fico Inf
. 10, 65 ; mestier non era partorir Maria Pg.
3, 39. Cette construction persiste encore de nos jours, seulement
les accusatifs me et te ne s'emploient plus ici et sont remplacés
par des nominatifs 175. — Elle est beaucoup moins employée en
227espagnol, après des transitifs, en tant que l'infinitif se comporte
comme un régime. Voici des exemples empruntés a la langue
archaïque : non tengas por maravilla el diablo querer engañar
á los santos padres Cast. de D. Sancho
88b ; Bocacio
afirma el rey Juan averse dado á los estudios
Sanch. Colecc.
I, p. LIII ; quieren algunos haver ellos sido los primeros ibid.
LIV. Elle est plus usitée lorsque l'infinitif ser accompagné d'un
nom forme le membre de phrase dépendant, p. ex. respondió no
ser posible ; veo ser verdad ; conocí ser muger
. Mais quand
l'infinitif, avec le membre de phrase qui en dépend, est pris comme
sujet, la langue n'hésite pas à se servir de cette construction :
mas fácil cosa es entrar un cable etc. (facilius est transire
rudentem
) ; gran piadad es dar omne consejo á los menores
FJ.
73a ; buena cosa es aver el hombre vergüenza
CLuc
. 84m ; ligera cosa es meterse home a las aventuras
Cal. é D.
p. 45a ; las quales (gracias) son : conocerse el
home
etc. Cast. de D. Sancho 88a ; mayor sabor es, vender
home el castillo
ibid. 98a ; sorbernos una nave una tormenta
es decirnos que
etc. Cald. I, 264a ; verter purpura
el cielo es gala
ibid. ; novedad tan grande es mudarse un
hombre ?
360a ; si no sucediera venir el duque Nov. 10.
De même après des substantifs : el pensamiento no ser verdadera
la nueva
. Ces exemples prouvent que l'espagnol ramène
aussi facilement que l'italien la proposition composée (avec
que) à la proposition simple. Mais le sentiment de l'accusatif
du sujet semble s'être perdu ici, du moins les formes et
ne sont-elles employées nulle part : on les remplace toujours par
yo et (voy. § 2). — Le portugais se comporte comme l'espagnol,
ainsi não soffre muito a gente generosa andarlh'os
cães os dentes amostrando Lus
. 1, 87. Mais il faut rappeler
qu'ici on applique en ce cas l'infinitif fléchi, ce qui dispense de
l'emploi du pronom personnel, par ex. vos devia de agradecer
quererdes
(vos) saber R. Men. c. 2 ; parece escandalo curardes
mais de vossa dôr
c. 6 ; não parece rezão (razão)
estardes sem companhia GVic. II, 39 ; vimos as ursas
banharem-se Lus
. 5, 15. — Quant au provençal il présente
228incontestablement la construction en question dans des phrases
traduites du latin. Ex. esperi mi istar (spero me manere)
GO. 251a ; plus leugiera cauza es passar lo camel per lo
caus dell'agulha quel ric intrar el regne de dieu
(facilius
est camelum transire
etc.) ibid. 58b ; eu volh vos esser savis
e be
(volo vos sapientes esse in bono) ibid. 135a ; cove lo
bisbe senes crim esser
(oportet episcopum sine crimine
esse
) 43a. Les noms camel, ric, savis, bisbe se font reconnaître
par leur forme comme accusatifs. Comp. ensuite no deven
etc. ibid. 5a ; causa etc. 46b ; plus leu etc. 243a. Mais cette
construction est rare dans les textes originaux. — Le v.français
aussi imite la ratio obliqua dans les traductions : il sofferat
moi estre occis (me occidi ipse permiserit) Grég. Roq. I,
325a ; dissent soi avoir ferme sperance (spem habere se
dicerent
) 330a ; queile chose disons nous estre 48a ; certe
chose est
nos nient devoir etc. (nos certum est non debere)
Grég. dans les Mém. de l'Acad. des Inscr. XVII, 721 ; il
avint gentz montez estre veuz
(contigit videri equites) Bible
Rq. I, 741 ; est bonne chose habiteir les freres en un SB.
562m. Mais lorsque la langue est abandonnée à elle-même elle
montre peu de goût pour cette tournure. La plus ancienne poésie
la connaît à peine, ce qui est d'autant plus frappant que la
littérature française de la période de transition en présente de
nombreux exemples. Christ. de Pisan : il juge l'amer estre
doux
 ; Comines : disant les causes estre justes p. 339 ; estimant
la gloire estre sienne
372 ; il luy sembloit le roy estre
affoibli
428 ; j'ai connu beaucoup de gens s'y trouver bien
empeschez
431. Marot : je la soutiendrai estre telle II, 334 ;
ce vous sera trop plus d'honneur et gloire qu'avoir chascun
quelque grosse victoire
304. Rabelais : ils demandoient les
cloches leur être rendues
1, 18 ; disant misère être compagne
de procez
1, 20 ; cuides-tu ces outrages être recelez
es esprits éternels ?
1, 31 ; qui endurent cette inhumanité
être exercée
1, 37. Montaigne : les actions que nostre coustume
ordonne estre couvertes
1, 3 ; les loix que nous disons
naistre de nature
1, 22. Avec le relatif, comme dans les
derniers passages, l'accusatif est encore usité de nos jours :
Charles était un prince qu'on savait n'avoir jamais manqué
à sa parole ; les mêmes effets que nous avons dit
appartenir à cette maladie
etc. — Enfin en valaque cette
construction ne saurait se présenter dans toute sa pureté, car
l'infinitif ne peut pas se passer de la préposition : on ramène
229le sujet de l'infinitif sous la dépendance immédiate du verbe fini
et l'on fait suivre l'infinitif prépositionnel : eu am vezut pre
frate tęu
a fì scris carte (vidi fratrem tuum — scripsisse
epistolam
) ; se vorbeśte de fratele a fì cępętat mare dregętorie
(dicitur de fratre — accepisse magnum munus). —
Les langues nouvelles ne craignent pas la prolixité, aussi cette
construction concise a-t-elle été sinon tout-à-fait abandonnée,
du moins très-restreinte ; elle se résout volontiers en une
proposition composée dont le second membre débute par la
conjonction que (ital. che) qui répond au latin quod. Le lat.
quid vultis me facere vobis ? le gr. τί θέλετε ποιῆσαί με ὑμῖν ?
est maintenant rendu par ital. che voleté ch'io vi faccia ? all.
was wollt ihr, dass ich euch thue ? (mais le gothique dit
comme le latin : hva vileits taujan mik igqvis ?) ; au lat. non
vult te scire se rediisse
répond l'ital. non vuole che tu sappi
ch'egli è ritornato
 ; et l'on dirait de même en espagnol no
quiere que tú sepas que él es llegado
, sans craindre la répétition
de la particule que, car Cervantes lui-même a dit la
arrogancia que dicen que suelen tener los Españoles
etc.
Ces langues trouvent, il est vrai, une certaine compensation
dans l'emploi de l'infinitif subjectif ou objectif dépendant de
verba sentiendi ou significandi, dont il a été question plus
haut.

2. Le sujet au nominatif. — Il s'agit ici d'une construction
étrangère au latin, en vertu de laquelle on unit à l'infinitif un
pronom ou un substantif au nominatif, en qualité de mot complémentaire,
sans que ce mot se trouve dans un rapport organique
avec un membre quelconque de la phrase. On ne pourrait pas dire
en allemand : das ich dies sagen beleidige dich nicht ; ich
that es ohne jemand es zu wissen
, comme en espagnol : el
decirlo yo no os ofenda ; lo hice sin saberlo ninguno
. Peut-être
cette transformation de la proposition composée en proposition
simple, tout en laissant le nominatif intact, est-elle une sorte
de violence faite à la langue, et les phrases citées seraient-elles
des contractions pour que lo digo yo no os ofenda ; lo hice sin
que lo supo ninguno
. On pourrait aussi expliquer de la même
manière à peu près l'infinitif fléchi du portugais, auquel on a en
effet transporté, en l'empruntant précisément à la proposition
composée, la flexion personnelle du mode fini, en sorte que de
basta que somos dominantes par exemple, se serait peu à peu
développé l'expression basta sermos dominantes. Ce sont les
langues du sud-ouest qui favorisent le plus cette intercalation,
230cependant elle ne semble pas se présenter dans le Cid, et encore
dans les textes les plus voisins de celui-là elle n'apparaît que
très-rarement. On l'emploie : 1) Dans la construction ordinaire
de l'accusatif avec l'infinitif : elle n'est reconnaissable ici qu'au
pronom personnel. It. (chez d'anciens auteurs) perché io dissi
io aver trovato iscritto Malisp. cap. 42 ; comprese la reina
ella essere la sua figliuola ibid. c. 18. Esp. los quales
creerian
yo no haber leido las reglas S. Prov. p. XXIII ;
es mas milagro darme á mí un poeta un escudo que yo
recibirle Nov. 1 ; es gran bienaventuranza tener tal
eredad
JEnz. 14b ; port.sem razão seria eu querer que o
lessem ellas
R. Men. c. 1 ; todo pastor confessava seres
o mais ufano R. Egl. 1 ; bom siso fora contar eu donde
vinha
S. de Mir. II, 111. — 2) Avec l'infinitif muni de l'article.
Ital. il voler io le mie poche forze sottoporre è stata
cagione
Bocc. Esp. haceme creer esto el saber yo que etc.
Nov. 2 ; el decirlo tú y entenderlo yo me causa admiracion
Nov
. 10 ; aquí fué el desmayarse Preciosa (il arriva alors
que P. s'évanouit) ibid. ; al salir la lumbre pura del sol Cald.
I, 274b. — 3) Avec l'infinitif prépositionnel. Ital. prima di
narrarci il poeta la favola ; senza sapere alcuno
. Esp. sin
lo
el saber Cal. é D. 68 ; la ora de la alma essir, c.-à-d.
de essir la alma Bc. Mill. 299 ; en semejar fijo al padre
Rz. 705 ; en vivir é haber yo tu amor haberé solaz Cal.
é D. 42b ; despidieronse con prometerles el negro (le nègre
leur promettant) Nov. 7 ; sin quedar herido el caballero
Nov
. 10 ; llegado el punto de partirse el amigo Nov. 9 ;
port.se vos grav' é de vos eu ben querer D. Din. p. 23 ; non
m'é mester d'eu viver mais Trov
. p. 40 ; non mi a prol de
vo-la
eu dizer (il n'y a pas d'avantage pour moi à vous le dire)
p. 58 ; sois contento de eu ser namorado vosso ? GVic. III,
265 ; por eu não ser dina II, 294 ; não me admira de terdes
vos sido ; sem lhe valer defeza
(sans que sa défense lui servît
à qqch.) ; et en laissant le pronom de côté : muito folgaria de
me contardes
(vos) vossa tristeza R. Men. c. 3 ; sem a vista
alevantarmos
(nos) Lus. 4, 93. — Le grec unit à l'infinitif
muni de l'article le sujet à l'accusatif : τό θνήσκειν τινὰ ὑπὲρ τῆς
πατρίδος καλή τις τύχη ; οὐδὲν ἐπράχθη διὰ τὸ ἐκεῖνον μὴ παρεῖναι (per
non esservi egli presente
). En outre l'attribut au nominatif,
lorsque le sujet est sous-entendu, peut être rattaché à l'infinitif,
et le roman peut reproduire littéralement cette construction :
ὀ Ἀλέξανδρος ἔφασκεν εἶναι Διὸς υἱός serait en provençal : Alixandres
231dis esser filhs Jupiter
 ; mais elle repose sur le principe
de l'attraction, lequel est inconnu aux langues nouvelles,
au moins dans cette circonstance.

Remarques sur l'infinitif. — 1) La souplesse de ce mode
et la docilité avec laquelle il se prête aux constructions les plus
diverses est particulièrement sensible dans le roman, qui rappelle
souvent ici le grec. Comme un participe, il se rattache immédiatement
au verbe fini (fr. je viens apprendre, ἥκω μανθάνειν) ;
comme un substantif, il sert à déterminer un adjectif (esp. fácil
de entender
, ῥᾴδιος νοῆσαι), et peut prendre une préposition là
même où il occupe la place du nominatif (il suffit de vous dire) ;
nous passons des combinaisons plus hardies encore. Grâce à
cette souplesse il remplace d'une façon concise et simple les
constructions latines les plus diverses, qui sans lui auraient dû
être rendues par de lourdes périphrases. Mais il faut reconnaître
que la langue moderne en prodiguant ainsi son infinitif se montre
fort à son désavantage vis-à-vis de la belle variété des tournures
antiques. — 2) Il vaut la peine de présenter encore une fois par
des exemples un aperçu de la refonte des constructions latines
opérée par le roman au moyen de l'infinitif, a) Infinitif pur :
statuit ulcisci, ital. dispose di vendicare ; incipit loqui,
comincia a parlare
. b) Accusatif avec l'infinitif : se vidisse
dicit, dice di aver veduto
. c) Participe futur passif : canendum
est nobis, abbiamo da cantare ; laudandus sum, sono
da lodare
. d) Gérondif ou participe futur passif au génitif :
libido augendi, cupidità d'ampliare. e) Au datif : studet
linguae discendae, studia imparare la lingua
. f) A l'accusatif :
invitat ad audiendum, invita a udire ; venio ad
videndum, vengo per vedere
. g) Premier supin : cubitum
ire, andare a dormire, aller coucher-
h) Deuxième supin :
facile dictu, facile a dire, i) Participe présent : video te
venientem, ti vedo venire
, k) Participe futur actif : venio
visurus, vengo a
(per) visitare. l) Proposition composée avec
quod : gaudeo quod video, godo di vedere. m) Avec ut :
oro ut venias, ti prego di venire ; restat ut dicam, resta
a dire
, n) Avec ne : timeo ne moriar, temo di morire.
o) Avec quin : non dubito quin fugere possim, non dubito
di poter fuggire
. p) Avec quid : nescio quid agam, non so
che fare
. q) Enfin l'infinitif pour l'impératif : ne crede, ital.
non credere. — 3) Il faut remarquer la faculté que possèdent
les langues nouvelles d'exprimer certaines idées adverbiales au
moyen de verbes accompagnés d'un infinitif. Les idées accessoires
232de temps, et aussi de mode, sont présentées par là d'une
manière plus vivante, et même l'échange entre la forme verbale
et adverbiale procure certains avantages. Le grec se sert parfois
en ce cas du participe. Les tournures de ce genre les plus importantes
sont à peu près les suivantes : a) it. sta et è a dormire,
esp. esta á dormir (il est en train de dormir), b) it. sta et è
per uscire
, esp. está por salir (il est sur le point de sortir).
c) it. pensa di morire, esp. piensa de morir, fr. il pense
mourir
, d) fr. je vais dire, esp. voy á decir, gr. ἔρχομαι λέξων.
e) fr. je viens de dîner, f) it. questa cosa a finito di perderlo,
esp. ha acabado de perderle, fr. a achevé de le
perdre
, g) it. torno a vedere, esp. vuelvo á ver (je vois de
nouveau), h) acertó á estar presente, gr. ἔτυχε παρών (il lui
arriva d'être présent), i) fr. j'ai failli tomber, il a manqué
d'être tué
. k) it. amo di leggere, fr. j'aime à lire. — 4) La
construction avec l'infinitif pur s'est restreinte de plus en plus,
à mesure que la langue se développait. Ce fait a été parfaitement
constaté pour l'allemand : les verbes wissen, pflegen,
geruhen, meinen, denken, wähnen, fürchten, begehren,
suchen, gebieten, bitten, rathen, schwören, erlauben,
beginnen, schicken, geben
etc. ne se faisaient jadis accompagner
d'aucune préposition. Le même sort est échu aux nombreux
verbes latins tels que cupere, studere, curare, statuere,
destinare, permittere, imperare, invitare, adjuvare, niti,
conari, docere, discere, pergere, incipere, desinere,
cessare
, qui aujourd'hui demandent d'ordinaire de ou ad. Le
plus ancien b.latin disait encore, en se conformant en partie à
l'usage ancien : licentia habeat supplicare Bréq. 453c ; licentiam
habeat fodere
Mur. III, 761 (ann. 761) ; consuetudo
habuisti exigere
ibid. 1023 (ann. 827) ; cum inclinasset se,
attollere eam Gest. reg. Fr
. c. 10 ; paratus, ad pugnam
procedere
c. 40 ; erubesco scribere Bréq. 108a (ann. 615).
D'autres tournures du même genre sont extrêmement fréquentes.
Aussi dans la période romane primitive l'infinitif prépositionnel
est-il employé avec une certaine retenue. On trouve par ex.
dans des traductions du latin : autorgui senhoriar GO. 31a,
encombret obezir 111a, permes escrieure 286b, non taïnar
redre
299a. Des exemples v. français ont été cités à l'occasion :
la phrase rovéret tolir, du plus ancien poème de ce dialecte,
doit être rendue maintenant par commanda d'enlever. Aujourd'hui
c'est l'espagnol qui favorise le plus l'infinitif pur,
l'italien manifeste déjà plus de goût pour la préposition, ou bien
233concède au même verbe les deux constructions, le français a
porté encore plus de préjudice à l'infinitif pur, enfin le valaque
l'a presque abandonné. En général cette dernière langue, pour
remplacer l'infinitif, se sert plus souvent que les autres du mode
fini, c'est-à-dire du subjonctif avec ou  ; voy. quelques
exemples de ce procédé plus haut p. 207. — 5) La préposition
dont le sens est le plus effacé est de ; elle n'a pas d'analogue en
allemand. Tant qu'elle indique les rapports de l'infinitif comme
ceux d'un substantif propre, la construction est claire et naturelle.
En général de remplit le rôle du génitif ; après les verbes
« venir, cesser, empêcher » elle répond à la question « d'où ?
de quoi ? » ; après « douter, s'accorder » et la plupart des verbes
réfléchis, à la question « pourquoi ? ». Mais même lorsque l'infinitif
prend le sens du nominatif ou de l'accusatif, cette particule,
ainsi que nous l'avons observé surtout pour le français, peut
le précéder sans exprimer aucun sens, et c'est ce qui fait que
dans ce dialecte, et dans d'autres, elle peut souvent tout aussi
bien être omise. Quelle est l'origine de cette façon de parler ?
Peut-être a-t-on éprouvé le désir de changer dans ces cas la
proposition simple en une proposition composée qui paraissait
mieux répondre à l'idée : on a obtenu ce résultat, au moins
approximativement, en faisant précéder l'infinitif d'une préposition
qui l'empêche d'être régime ou sujet. Les phrases italiennes
mi piace di raccontarvi una cosa ; ti permetto di leggere
questo libro
séparent plus clairement les deux idées de plaire
et de raconter, de permettre et de lire, et se rapprochent plus
des phrases doubles mi piace ch'io vi racconti, ti permetto
che legga
que les expressions plus concises, mais aussi plus
dures mi piace raccontarvi, ti permetto leggere. — 6) Ad,
qui répond à l'all. zu, a une signification plus marquée que de
et ne se laisse pas facilement supprimer. Cette particule désigne
le but, comme devant le nom, et s'emploie souvent dans les
circonstances où le latin se contente de l'infinitif pur. Avec
quelques verbes elle possède un sens tout différent, ainsi que
nous l'avons déjà observé plus haut. — 7) Il va de soi qu'un
seul et même verbe peut, dans des sens différents, choisir des
prépositions différentes. La grammaire française donne des règles
précises pour l'emploi de de et à avec le même verbe. Tâcher
de
par ex. signifie « s'efforcer » (je tâcherai de vous satisfaire)
tâcher à « se proposer » (il tâche à me nuire). S'efforcer
de
signifie « s'évertuer » (il s'efforce de gagner les
bonnes grâces de qqun
), s'efforcer à « faire tout son possible »
234(il s'efforce à courir). Demander prend habituellement
à au lieu de de, lorsque l'infinitif se rapporte au sujet : je
demande à boire
(déjà v.fr. demanda à mangier TCant.
p. 31), au contraire : je vous demande de m'écouter 176.

3. Participe.

Il faut distinguer le participe qui accompagne un nom construit
avec le verbe principal, nom qui est exprimé ou sous-entendu
dans la proposition, du participe qui est l'attribut d'un
sujet placé en dehors de la proposition : le premier est le participe
dépendant, le second le participe absolu.

1. Participe dépendant.

1. Présent. — Ce participe persiste en roman en tant qu'avec
la valeur d'un adjectif il attribue en propre, sans égard à l'idée
de temps, une activité à un objet, comme dans ital. esp. una
cosa importante
, fr. une victoire éclatante, v.fr. s'en alad
criante et plurante LRs
164 ; mais tous les verbes ne sont
pas aptes à fournir un participe de ce genre (nommé en français
adjectif verbal). Lorsque le participe a cette valeur, diverses
parties du discours peuvent être mises sous sa dépendance, aussi
bien que sous celle du verbe d'où il dérive : ainsi it. un palazzo
appartenente al principe ; mio fratello dimorante in
Francia ; una costa sopra il mare riguardante
 ; fr. une
maison à lui appartenante ; une ville jouissante de ses
droits ; mon ami demeurant dans la rue N
. Mais ce n'est
que par d'anciens écrivains qu'il est appliqué, dans une certaine
mesure, avec une pleine force verbale : il a fini dans ce cas par
céder complètement au gérondif. Boccace a dit par ex. una
novella non guari meno di pericoli in se contenente Dec
.
2, 5 ; lei invano mercè addomandante uccise 4, 3 etc. Dans
235quelques-uns, comme comandante, rappresentante, le verbe
est resté transitif. En v.espagnol on trouve des exemples comme
mientras que vivió fué temiente á dios etc. voy. la Gram.
de la Acad
. Des poètes du XVe siècle appliquent encore volontiers
ce participe dans le style élevé. On trouve dans le Canc.
general : sostinientes la natura
p. 235 ; fuente manante
metros
279 ; las aves produzientes cantos 375. Les exemples
ne manquent pas non plus en v.portugais : nos Priol e convento
ventes a vontade do dito N
., voy. SRos. II, 398 ;
lançantes bom cheiro ibid. 84 ; encore aujourd'hui o homem
temente a deos
, comme en espagnol. Il est très-fréquent en
provençal dans les traductions : metents la sua ma (mittens
manum
) GO. 21b ; destrians lo cors (judicans corpus) 96a ;
auzents aquestas causas 97a ; fazens paz 102b ; engauzents
del esgardamen
114a ; dizens 163a. De même en v.français :
escandalizanz un de cez petiz SB. 557o ; anonzanz l'ewangile
562u ; convoitans terriennes gaanges Roq. I, 463b ;
disans 136 ; levans 281. On le trouve rarement dans les
textes originaux des deux langues : los clercs messa cantans
GA
. 531 ; complaingnans leurs dolours Ccy. 16 177. Un
exemple du dialecte vaudois est li acaisonant vos Choix II,
88. Si le participe est devenu, au point de vue de la forme,
substantif, en se faisant accompagner de l'article, sa force transitive
n'est pas moins restreinte que celle de l'infinitif pris substantivement
(p. 198). On la sent encore dans des phrases comme
it. i componenti la società (ceux qui composent la société), ou
v.fr. tuit li inhabitant le cercle, d'après le lat. omnes inhabitantes
orbem Lib. psalm
. 32, 8 ; tu dunas as criemanz tei
significatiun, dedisti metuentibus te vexillum
, ibid. 59, 4.
Quelques combinaisons comme ital. luogotenente, viandante,
esp. lugarteniente, poder habiente, fe haciente, témoignent
encore de la persistance de la force transitive, aujourd'hui
perdue, de ce participe. L'allemand exige que le régime précède
le participe, ce qui ressemble à un composé (der die Welt
Beglückende
), mais le lat. dividentis flammam pouvait être
236rendu dans l'ancienne langue par la même construction : des
scheidenten daz fiur
Wack. Leseb. I, 113. En valaque
l'adjectif verbal correspondant en -oriu (t. II, p. 327) possède
une force verbale complète, au même degré que le participe
présent latin : tinerul ne infręnatoriu poftelor sale équivaut
à juvenis non refrenans suas cupiditates.

2. Gérondif. — Nous avons vu en parlant de l'infinitif que le
gérondif a dû céder à ce mode dans toutes les fonctions dont il était
chargé. Il a cependant conservé une de ses formes, l'ablatif ; car
la syntaxe démontre assez que l'it. esp. cantando, le fr. chantant
procèdent de ce cas et non d'un autre. Cette forme casuelle
a étendu peu à peu son domaine aux dépens du participe présent,
mais seulement du participe verbal ; la valeur d'adjectif ne lui
est pas accordée, elle s'appuie bien plutôt, comme l'infinitif, sur
un verbe, ou, lorsqu'elle s'appuie sur un substantif, c'est comme
apposition. On dit par ex. ital. un fanciullo giuocante (che
giuoca
), mais un fanciullo si divertiva giuocando ; v.esp.
una virgen durmiente, mais fuiste virgen durmiendo é velando
Flor
. I, 6 ; fr. une femme mourante, mais une femme
parla en mourant
. Seul le gérondif valaque peut être traité et
décliné comme adjectif, par ex. gemųnda omenire (l'humanité
souffrante), voy. Barcianu, Gram. § 281. Le grec moderne a tiré
du participe présent un gérondif en οντας, indéclinable et synonyme,
au point de vue syntactique, du gérondif roman : αὐταῖς
αἱ γυναῖκαις βλέποντας τὸν κίνδυνον ἔφυγαν = ital. queste donne
vedendo il pericolo se ne fuggirono
. Cette forme modale est
susceptible de la périphrase avec des verbes auxiliaires, et ainsi
elle est arrivée à posséder un parfait : ital. avendo amato, esp.
habiendo amado, fr. ayant aimé ; par ex. ital. avendo tutto
visto se ne partì
(quum omnia vidisset, abiit ; omnia contemplatus
discessit
). On lui a donné de la même manière un
passif. Présent : ital. essendo amato, esp. siendo amado,
franç. étant aimé ; ce n'est pas un simple développement prosaïque
du simple amato : cette formule possède en même temps
le sens du gérondif, par ex. essendo egli lodato da' suoi
nemici
(quum laudetur ab inimicis), parfait : ital. essendo
stato amato
, esp. habiendo sido amado, franç. ayant été
aimé
. — Sur le gérondif roman il convient de faire encore les
remarques suivantes (sur le gérondif français voy. § 3) : 1) Il
répond au même mode du latin, lorsqu'il indique le moyen. Ital.
insegnando s'impara (docendo discitur) ; la guancia che
fu già piangendo stanca
P. Son. 45 ; pensa rubando ristorare
237i suoi danni Dec.
2, 4. Esp. non se hace así el mercado
sinon primero prendendo é despues dando PC
. 139 ;
estudiando se aprende ; hablando nos entendemos. Prov.
mostra sobsrien l'alegreza de ton cor (subridendo laetitiam
mentis indica
) GO. 289b ; ieu ai ben trobat legen (legendo
inveni
) Choix III, 81 ; pus a vos platz que m'auciatz deziran
V, 17. Val. cetųnd cęrtzi multe ne facem invętzatzi
(legendo multos libros fimus docti). — 2) Il répond au participe
présent au point de vue de son action verbale. Ex. ital.
venivano volando (veniebant volantes) ; rido piangendo ;
esp. suspirando dixo ; prov. pessan remire vostre cors 178. —
3) Pour que le gérondif fournisse un équivalent suffisant au
participe, il faut qu'il puisse être rapporté au régime aussi bien
qu'au sujet. Mais la grammaire, afin d'éviter toutes les équivoques
qui pourraient être causées par sa nature de mot indéclinable,
exige qu'il soit restreint au sujet, de sorte que par ex.
ital. egli disse a me partendo signifie dixit mihi discedens
et non pas mihi discedenti, qui doit être exprimé par disse a
me che partiva
 ; val. eu' l vęzui mergųnd équivaut à vidi
eum discedens
. Cette règle semble, à la vérité, se justifier par
l'origine du gérondif, mais elle ne pouvait guère s'appliquer
dans la pratique, à moins que la langue ne voulût revenir au
participe. Ici, comme dans d'autres cas, on se fie aussi au bon
sens de l'auditeur, et l'on dit par ex., avec un gérondif qui se
rapporte au régime : ital. ch'Amor quest' occhi lagrimando
chiuda
P. Cz. 14, 2 ; esp. pasando por la roperia le dixo
una ropera Nov
. 5 ; val. am vezut pre frate tęu trecųnd
(vidi fratrem tuum praetereuntem). On n'hésite pas à user
de ce procédé lorsqu'aucune équivoque n'est à craindre : it. due
ignudi uccidere dormendo Dec
. 5, 6 ; fra' suoi duci sedendo
il ritrovarono Ger
. 2, 60 ; esp. una ninfa durmiendo
le mostraba
Garc. Egl. 2 ; pr. amors me trebalha durmen
e velhan Choix
III, 268 279.238

3. Le gérondif peut être accompagné de la préposition in,
elle désigne alors une action dans laquelle s'intercale une seconde
action, mais elle peut avoir aussi le sens instrumental : sed
quid ego heic in lamentando pereo ?
Plaute. Cette forme prépositionnelle
n'a pas bien pris pied dans l'italien, qui préfère la
forme pure ou aussi l'infinitif avec in. Ex. in cantando lo
voglio cantare PPS
. I, 55 ; facciendo buone operazioni in
esaltando la chiesa
Malesp. c. 51 ; in andando ascolta Pg.
5, 45 ; lo crin che bianco in lei servendo ha fatto Ger. 12,
19 ; certains écrivains modernes l'emploient plus souvent. L'espagnol
en fait un usage très-étendu, on dit ainsi : ella en
entrando se arrojó en cima de mi lecho ; en viendola Cornelia
le dixo
etc. ; les anciens auteurs l'emploient encore avec
un certain ménagement ; le Cid n'en offre peut-être aucun
exemple. Port.em lhas dando CGer. II, 397 ; em olhando
vio a Aonia
R. Men. ; em tomando a governança tomou a
vingança Lus
. 3, 136 ; ici aussi cette forme du gérondif est
fort usitée. De même en provençal s'ill en baisan me rete
Choix
IV, 28 ; en planhen soven dizia III, 402 ; en chantan
m'aven a membrar
159 ; me fetz dir en chantan 288. En
français le gérondif prépositionnel a acquis une plus grande
importance vis-à-vis du mode pur. Ce dernier remplace tous les
cas du participe présent lorsque ce mode sert d'apposition, par
ex. les femmes voyant le danger se mirent à fuir ; on
représente Flore tenant en main une guirlande de fleurs
.
Le gérondif prépositionnel qui ici, à côté du sens temporel,
possède surtout le sens instrumental, ne peut, comme le participe
présent (p. 226), être rapporté qu'au sujet : les soldats
répondent en tremblant ; on apprend en enseignant
(docendo
discimus
) ; nous parlons en nous faisant des signes.
Ainsi, conformément au caractère de cette langue, la règle écarte
toute équivoque : j'ai vu le roi en montant à cheval = regem
vidi equum conscendens ; j'ai vu le roi montant à cheval =
regem vidi equum conscendentem
. Il est à peine besoin de
démontrer que cette règle n'a pas toujours et partout été rigoureusement
observée. On lit par ex. dans Corneille : ce souhait
impie est un monstre qu'il faut étouffer en naissant Hor
.
4, 6 ; et à l'inverse, sans en : gagnez une maîtresse accusant
un rival Cid
3, 1. C'est à la grammaire française spéciale qu'il
appartient d'exposer cette règle dans tous ses détails 180. — Outre
239in on trouve parfois con en italien : con levando ogni dì
grandissime prede
dans G. Vilani.

4. L'expression périphrastique de l'actif au moyen des verbes
auxiliaires esse, stare, ire, venire et du gérondif a été indiquée
plus haut p. 182. On trouve en outre quelques combinaisons
dans lesquelles le gérondif a pris la place de l'infinitif. Videre
préfère ce dernier mode, cependant la construction latine video
te currentem
n'est pas du tout éteinte : it. ti vedo correndo ;
esp. le ví escribiendo ; prov. vi guaya bergeira sos anhels
gardan
 ; fr. je l'ai vu lisant ; val. multzi oameni am vezut
eśiųnd
(multos homines vidi exeuntes). Le gérondif est plus
rare avec audire : prov. quant ilh m'auzi cantan PO. 260 ;
val. te aud cųntuųnd. Il est très-fréquent avec trovare : ital.
lo trovai giocando ; esp. hallaron durmiendo á un muchacho ;
prov. nos atrobem aquest hom somovent GO. 245b ;
fr. je l'ai trouvé lisant ; v.fr. aussi il le laissa illec gisant
voy. Orelli 416. L'it. mandare (envoyer) se construit volontiers
avec le gérondif : mandare dicendo = mandare a dire (faire
dire), mandar pregando (faire prier), comp. prov. mandet
dizen Choix
V, 195. Il en est de même pour certains verbes
qui expriment un rapport de temps, surtout en espagnol : seguir
cantando = seguir de cantar ; acabar diciendo = acabar
de decir
(achever de parler) ; tornar hablando = tornar
á hablar
. Le grec et, parmi les langues modernes, l'anglais
surtout présentent de nombreuses constructions du même genre :
he saw him coming, he heard him telling, he continued
singing, he avoided seeing him, I can not help thinking
etc.

5. Prétérit. — Ce temps du participe se présente, au point
de vue du genre du verbe, avec trois valeurs différentes. 1) Le
prétérit des verbes transitifs a, comme en latin, le sens passif,
bien qu'il forme avec habere l'expression périphrastique des
240temps actifs : laudatus ab omnibus est rendu par it. lodato da
tutti
, esp. alabado de todos, fr. loué de tout le monde. Sur
la signification temporelle de ce temps voyez le chapitre suivant.
2) Les verbes intransitifs se donnent également un participe
prétérit que le latin ne pouvait employer qu'impersonnellement
avec esse (itum est, ventum erat). Mais, de même qu'en allemand,
les verbes dont les temps périphrastiques se forment avec
esse (voy. au chapitre suivant) sont seuls capables d'avoir un
participe conservant la valeur du verbe, car le participe de
ceux qui opèrent la périphrase avec habere serait nécessairement
pris, comme celui des transitifs, dans un sens passif.
L'espagnol et le portugais, il est vrai, ne forment la périphrase
qu'avec habere, mais l'emploi de esse à une période antérieure
a sauvé les participes. A tout prendre le participe ne fait défaut
qu'à un petit nombre d'intransitifs, car ceux même qui se conjuguent
avec habere, comme les verbes français disparaître,
dégénérer, rajeunir
, admettent aussi esse, et même quelques-uns
d'entre eux conservent cet auxiliaire, lorsqu'ils sont pris
au sens passif, comme fr. veillé, songé. Ex. : ital. Rinaldo
nella camminata entrato ; la gentildonna con lei rimasa ;
la novella assai alle donne piaciuta ; i panni stati del
marito di lei
(qui avaient appartenu à son mari) Dec. 2, 2.
Esp. los compañeros llegados en Madrid ; salidos de Zaragoza ;
de même en portugais. Fr. Gargantua venu à l'endroit
du bois ; Phèdre au labyrinthe descendue ; monté sur le
faîte il aspire à descendre
. — 3) Les réfléchis aussi fournissent
en italien un participe caractérisé par l'adjonction de
mi, ti, si, ci, vi : partitami di casa mia al papa andava
Dec.
2, 3 ; maravigliatosi disse costui ; aussi pentitisi
d'averlo ingannato, ricordatosi, confidatesi in una cosa,
deliberatosi, destatasi, fattasi innanzi, andatosene, postisi
a sedere, avvicinatiglisi
. En espagnol la dureté d'un pluriel
comme alegrádosse devait faire écarter cette locution, aussi
cette langue s'est-elle habituée à employer le participe du réfléchi
sans pronom (comme passif), ce qui a lieu aussi en allemand :
admirados de tal suceso (étonnés de cet événement) ; olvidado
de lo pasado
(de olvidarse de una cosa) ; corrido de tal
hecho
(de correrse) ; puesto en rodilla (de ponerse) ; de
même en port.admirado, esquecido etc. En provençal et en
français le participe s'appuie sur le gérondif réfléchi du verbe
auxiliaire : on dit par ex. en français : m'étant assoupi ; mon
frère s'étant réjoui ; s'étant moqué
. Quelques-uns de ces
241participes sont employés comme adjectifs : réjoui, repenti équivalent
à gai, repentant ; d'autres tels que éveillé, étonné
peuvent, bien que passifs, exprimer un sens réfléchi. Avec ce
participe le daco-roman n'admet pas non plus le pronom réfléchi :
culcatzi par ex. est pour se culcatzi (inf. se culcà, ital. corcarsi).
Le latin rend les participes réfléchis et neutres des
dialectes modernes par des déponents ou des neutres passifs :
miratus = it. maravigliatosi, gavisus = allegratosi, fisus
= confidatosi, misertus = impietosito, lapsus = caduto,
profectus = viaggiato
. — A ces trois cas l'italien en ajoute
encore un quatrième : en effet cette langue emploie parfois incontestablement
le participe de certains verbes transitifs dans un
sens transitif, qui répond à celui des déponents latins, en
sorte qu'on peut sous-entendre le gérondif auxiliaire avendo. Des
exemples de ce genre ne sont pas rares chez les vieux auteurs :
e lui regnato nello 'mperio otto anni morì (avendo regnato)
Malisp. c. 88 ; cautamente domandato della donna (avendo
domandato
, lat. caute percontatus feminam) Dec. 2, 8 ;
perché i compagni fra se ordinato che dovessero fare,
ritornarono
8, 5 ; la donna con fatica le mani dalla cassa
sviluppatogli quella ne portò
2, 4 ; mandato a dire alla
donna…prestamente andò via
2, 2 ; queste guardato ben
per tutto e veggendo
3, 1 ; mangiato e bevuto s'andarono
5, 3 ; il gentile uomo fatto secondo che il marchese il pregava
10, 10. — Dans tous les cas cités on peut aussi employer
le prétérit du gérondif, dont nous avons parlé plus haut, et qui
même souvent est de rigueur : ainsi ital. essendo sorpresi si
misero a fuggire ; essendo arrivata cominciò a parlare ;
essendosi confidati intrarono
.

6. A propos du participe dépendant il est encore un point
sur lequel il n'est pas indifférent d'attirer l'attention. Le roman
possède, comme l'allemand, beaucoup de prétérits de verbes
transitifs et intransitifs qui, après s'être dépouillés de leur signification
modale et temporelle, deviennent de véritables adjectifs.
Lorsqu'on dit en allemand er ist verschwiegen, il ne s'agit pas
de présenter comme passé le fait de se taire ou d'être tu : le
participe exprime absolument la discrétion comme qualité, et
c'est dans le même sens qu'on emploie des participes tels que
vergessen, erfahren, besonnen, entschlossen, gelehrt, en
lat. cautus, consideratus, discretus, fictus, notus, occultus,
scitus, suspectus
et d'autres encore. En roman c'est au sud-ouest
qu'ont été créés le plus grand nombre d'adjectifs de ce genre,
242mais ils n'ont pas perdu pour cela leur valeur verbale. En voici des
exemples : v.esp. acordado, ital. accorto (circonspect) ; esp. agradecido
(reconnaissant) ; ital. ardito (audacieux) ; esp. atentado,
ital. attentato (prudent) ; esp. atrevido (=ital. ardito) ; ital.
avveduto (avisé) ; esp. bien hablado (honnête et prudent dans
ses discours) ; esp. callado(silencieux) ; esp.cansado (ennuyeux) ;
descreido (incrédule) ; esp. disimulado, fr. dissimulé, it. simulato ;
esp. entendido, fr. entendu ; it. inteso (attentif) ; port.
esquecido (oublieux) ; esp. fiado, confiado, it. fidato, confidato
(familier, confiant) ; esp. fingido (= disimulado), ital. finto ;
pr. issernitz (prudent, de issernir, c.-à-d. excernere) ; esp.
leido (qui a de la lecture) ; v.esp. membrado (de membrarse)
PC. 3711, Bc. Mill. 310, port.lembrado, prov. membrat
(avisé), ital. smemorato (inconsidéré) ; esp. mirado (= ital.
avveduto) ; esp. olvidado (= port.esquecido) ; esp. osado,
fr. osé (= ital. ardito) ; ital. pentito, v.esp. repentido PC.
3569, esp.mod. arrepentido, fr. repentie (le féminin seul est
usité) ; esp. pesado (incommode) ; esp. porfiado (opiniâtre, de
porfiar disputer) ; esp. presumido (vain, arrogant) ; esp. razonado,
ital. ragionato, fr. raisonné ; esp. reposado, ital.
riposato (tranquille) ; esp. sabido, ital. saputo, prov. saputz
Choix
V, 400 (expérimenté) ; esp. sentido (susceptible), ital.
sentito (précautionné). — En latin il existe en outre quelques
prétérits comme coenatus, potus, pransus qui prennent un
sens actif, sans renoncer pour cela à l'idée de passé : « quelqu'un
qui a mangé ou bu. » A ces exemples se rattachent quelques
mots romans comme esp. bien cenado, bien comido (qui a bien
mangé), v.esp. soy yantado PC. 1047, era yantada Apol.
355 ; de même prov. sui dinnat (moi qui ai dîné) GA. 1117,
son se disnat (ils ont dîné) Jfr. 129b. Aussi esp. una leona
parida
(qui a mis bas). Puis l'expression citée plus haut : port.
esquecido, esp. olvidado, dans le sens de « qqun qui a oublié »,
v.fr. oublié, voy. Tobler, Roman. Gestaltung der lat. Conjugation
p. 26, et un article dans le Jahrbuch VIII, 334, où
il a signalé cette dernière forme et d'autres analogues comme
« des vestiges du déponent latin ». En valaque on peut observer
des prétérits pris dans le sens du présent : ainsi pleçut agréable
= lat. placitus, voy. le Lex. bud. et Cihac ; d'après Mussafia,
Jahrb. X, 378, crezut, temut équivalent à credens, timens.

7. Futur, — Un petit nombre de futurs latins de la voix
active et passive ont passé dans la langue moderne, et seulement
en qualité d'adjectifs, par ex. it. venturo, casuro, adorando,
243orrendo
. Pour l'actif l'espagnol, le portugais et le provençal
emploient en outre un composé en -dero (venidero), -douro
(vindouro), -dor (venidor), voy. t. II, p. 327, le vaudois
préfère le suffixe -ador, voy. Grüzmacher, Jahrb. IV, 392.
Mais la grammaire a de plus créé, au moyen de la périphrase,
un futur verbal, c'est-à-dire un participe de la nécessité, sens
qui en latin ne revient aussi qu'au seul futur passif. Ainsi pour
l'actif : ital. avendo ad amare et essendo per amare, esp.
habiendo de amar, fr. devant aimer ; pour le passif : ital.
avendo ad essere amato, esp. habiendo de ser amado, fr.
devant être aimé. Il est vrai que de semblables périphrases
sont bien loin d'épuiser les attributions du futur latin. Il arrive
surtout fréquemment, ainsi que nous l'avons vu plus haut, qu'on
est obligé d'appliquer l'infinitif : gladium eduxit eum occisurus
est exprimé en italien par trasse la spada per ucciderlo,
ou bien le relatif : res semper placitura, ital. cosa
che sempre piacerà
. L'espagnol a créé une expression commode
pour le participe futur passif au moyen de por et de l'infinitif,
p. ex. las bestias por domar é domadas (belluae domandae
et domitae
) Bc. Sil. 452 ; tierras por poblar é pobladas
Alx
. 610 ; mugeres casadas y por casar ; port.feitos e
por fazer FSant
. 533 ; intransitif : los astrologos tratão
do por vir
(agunt de rebus futuris) S. de Mir. II, 117 ;
b.lat. vineas plantatas vel pro plantare SRos. II, 51a (ann.
1098). A cette expression correspondent parfois l'ital. da et le
fr. à : cosa da far piangere, livre à lire, fer jadis tant à
craindre
(ferrum olim tam metuendum) Corn. Cid ; v.fr.
nez ou à nestre (natus vel nascendus) NF. Jub. I, 73 (voy.
plus haut p. 222). On peut aussi dire avec le sens actif : esp.
las cosas presentes y las por venir JMen. 23 ; las gentes
que aun son por llegar Fern. Gonz
. 340 ; port.o trabalho
por vir
(labor venturus, futurus) ; fr. la vie à venir, à tous
présens et à venir
 ; ital. le cose a venire (res futurae) ;
de même prov. aministradors esdevenidors (futuri) Rev. d.
lang. rom
. II, 95, causas esdevenidoiras LR.

2. Participe absolu.

Lorsque le participe est indépendant du verbe principal et
qu'il s'emploie comme attribut d'un sujet qui lui appartient en
propre, on a la construction nommée en latin l'ablatif absolu.
D'autres langues expriment la même idée par d'autres cas. Les
244deux éléments, le participe et le nom, ne sortent pas pour cela
de la proposition simple, ils y prennent la place d'une locution
adverbiale incidente. Cette construction éminemment favorable
à la force et à la concision de l'expression, le roman ne l'a pas
laissé perdre, tandis que l'allemand, au moins aujourd'hui, n'en
fait qu'un usage très-restreint, et que le grec moderne l'a presque
tout-à-fait oubliée ; seulement ici, comme pour l'accusatif avec
l'infinitif, des traits inconnus au latin se sont introduits. Il est
vrai qu'il ne peut plus être question ici de l'ablatif : la forme
du cas indépendant, autant qu'on peut le reconnaître, est l'accusatif,
et c'est l'accusatif aussi que les langues germaniques
et, bien que dans une plus faible mesure, le grec, emploient dans
cette circonstance. Le plus ancien b.latin favorise ce cas, par
ex. adprehensum unum rusticum de civitate, interrogabant
eum Gest. reg. Fr
. c. 26 ; qui, acceptum ab eo pacis
pretium, recedunt App. ad Marii chron
. Bouquet, II, 19 ;
et dans la langue juridique : si quis homo, insticantem inimicum
humani generis, cum ipsa ancilla adulterium perpetraverit

etc. LLong. Il faut surtout noter quelques expressions,
qui ont passé à l'état de formules, comme illas exceptas Bréq.
50b (ann. 543), inspecta ipsa instrumenta Form. M. 2, 7,
inspectas ipsas praeceptiones Bréq. 394a (ann. 712), inspectant
nostram firmitatem
Mab. II, 667 (ann. 793). Dans la
pratique le choix du cas a peu d'importance, et nous sommes
d'autant moins autorisés à nous étonner de voir le nominatif
prendre ici la place de l'accusatif que d'autres langues, même le
grec, admettent l'emploi du premier cas.

1. Le participe présent dans le sens absolu ne se présente
qu'à la période primitive : plus tard il a été remplacé par le
gérondif, ou ne s'est conservé que dans certaines formules. Ital.
dio permettente Pétr. Cap. d. div. v. 123 ; te permettente
Ger
. 5, 7 ; udenti molti baroni CN. 20 ; veggente tutta
gente
44 ; veggente messer Ricciardo Dec. 2, 10 ; vegnente
il terzo dì
2, 9 ; crescente il fuoco 4, 4 ; me vivente, te
operante, regnante Carlo, ajutantemi la divina grazia
.
En espagnol et en portugais il semble encore moins usité ;
l'Académie espagnole cite : la segunda batalla que fizo Anibal
fué pasante
(sc. él) los Pireneos ; autres exemples : entrante
el Janero Alx
. 78 ; entrante la semana Apol. 366. En provençal
et en v. français les verbes videre et audire surtout sont
employés avec la valeur absolue ; l's ou le z de flexion montre
qu'on a ici le participe, ainsi : eaz toz veanz (cunctis videntibus)
245Grég. (Orelli 89), ses iauz veanz Ren. I, p. 22, vezens
las autras gens
P. de Corbiac v. 473. Mais en général la marque
de flexion fait défaut, c'est-à-dire qu'on a le gérondif : prov.
vezen sos ueils Flam. v. 994 ; vezen totz li baro (au lieu
de los baros) Fer. 3326 ; auvent la gent Boèce 23 ; auzen
totz Jfr
. 55a ; de même cossabent la sua moler (conscia
uxore sua
) GO. 40a ; v.fr. veant cent mille humes Rol..
p. 91 ; votant maint chevalier RCam. 69 ; oiant toute la
gent Berte
127. Il est plus rare de voir d'autres verbes
prendre part à cette construction, par ex. je conu racontant
Antoine lo noble baron
(illustri viro Antonio narrante
cognovi
) Grég. Roq. I, 430a ; avesprisant lo jor ibid. 614.
Sous l'influence de l'original latin il arrive qu'une vraie construction
participiale s'insinue dans une langue romane : les Egiptiens
eux constreinans de issir
(cogentibus exire Egyptiis)
Rq. I, 360b. Quelques adjectifs, au nombre desquels il faut
compter même le participe mortuus, adoptent cette construction :
ainsi ital. lei viva, lei morta, lui presente ; contento
io contenta sarà ella pure
 ; esp. yo vivo ; tú muerto ; tú
presente tengo gloria Flor
. I, 233b ; franç. lui mort nous
n'avons point de vengeur
Corn. ; toute la cour présente ;
présents l'évêque et les autres seigneurs
. — Les expressions
prépositionnelles qui ne tolèrent plus aucune flexion, durante,
pendente, mediante, non obstante
, ont déjà été signalées plus
haut (p. 172). Les participes ou gérondifs de videre et audire,
mentionnés ci-dessus, se rattachent en quelque sorte à ce groupe,
car ils peuvent être considérés comme représentant la préposition
coram.

2. On se sert au contraire beaucoup du gérondif simple ou
périphrastique (cantando, avendo cantato), lorsqu'il est pris
au sens absolu. Exemples : it. i lor cavalli pendendo i morsi
dall'arcion pasceansi Orl
. 12, 32 ; essendo della notte una
parte passata arrivarono
. Esp. sangriento trae el brazo
por el cobdo ayuso la sangre destellando PC
. 788 ; ajuntemosnos
todos la tiniebra cadiendo
Bc. Mill. 212 ; nos
dormiendo, sus discipulos vinieron
Bc. Loor. 114 ; facerlo-he
dios queriendo Cal. é D.
72b ; estando ellos en aquesto
entraron dos hombres CLuc
. 88 ; que habiendosele caido
un bonete descubrió un rostro como el carmin Nov
. 4 ;
port.o rei vendo a estranha lealdade mais pode em fim a
piedade Lus
. 3, 40 ; a flamma que assoprando o sibilante
Boreas vai queimando
3, 49. Le pronom personnel est parfois
246mis à l'accusatif par d'anciens auteurs italiens : en général le
nominatif est seul usité : i' avea già i capelli in mano avvolti
latrando lui Inf
. 32, 105 ; dans Pétrarque : ardendo lui,
dans Boccace : me vivendo, me sedendo, lui tacendo ; questi
m'apparve tornand'io in quella Inf
. 15, 53 ; essendo egli
Cristiano, io Saracina Orl. 13, 10 ; esp. que fagan esta lid
delant estando
yo PC. 3494 ; de même gr.mod. ἀναχωρῶντας
ἐγὼ ἀπὸ τὴν Σμύρνην ἔγεινε σεισμός (ital. partendo io di Smirna
v'avea un tremuoto
). Pour des exemples provençaux voy. § 1.
Franç. eux tenant ces menus propos de buverie Gargamelle
commença se porter mal
Rabel. 4, 6 ; notre profond
silence abusant leurs esprits ils n'osent plus douter de
nous avoir surpris
Corn. ; la ville ayant été prise le soldat
y fit un immense butin ; il prit ce parti, son ami s'obstinant
à se taire
. Val. Cristos fiind searę au inviat (ital. Cristo
essendo sera ha inviato
) ; mę preęmblu stręlucind luna
(deambulo splendente luna).

3. Le prétérit du participe au sens absolu est appliqué en
italien presque dans la même proportion qu'en latin. Le pronom
personnel se présente ici également sous la forme du nominatif,
à l'exception de egli, dont l'accusatif, lui, est devenu équivoque.
G. Villani dit bien encore morto me, mais on lit ailleurs arrivato
io arriverà egli ancora ; lei partita cessò la pioggia
Dec.
2, 8 ; lo re Manfredi intesa la novella fue molto
sbigottito
Ric. Malisp. ; partito il re subitamente furon
molti sopra i due amanti Dec
. 5, 6 ; il dì seguente mutatosi
il vento fer vela Dec.
2, 4 ; passati i cavalieri in mostra
viene la gente a piedi Ger
. 1, 61 ; posta giù la paura si
fecero innanzi ; date le lettere ; venuta la mattina ; passata
la notte
etc. L'espagnol et le portugais favorisent aussi cette
construction, par ex. esp. la oracion fecha luego cavalgaba
PC
. 54 ; las archas aduchas prendet seiscientos marcos
147 ; ellos asentados vido uno en habito de Obispo Cast. de
D. Sancho
94b ; comenzada su misa entraron unos mancebos
ibid. ; corrutas nuestras costumbres acaece el contrario
S. Prov. 81 ; hecha la cuenta y pagado al huesped
(acc.) se salieron de la posada Nov. 9 ; ida la muchacha
vinieron los otros ; oidas las lecciones ; acabado el baile ;
celebradas las bodas
 ; port.passada esta tão prospera
victoria, tornado Afonso á lusitana terra, o caso triste
aconteceo Lus
. 3, 118 ; abrazados os amigos e tomada
licencia se parte
6, 56 ; partido vosso primo chegou meu
247tio
. Les langues du nord-ouest appliquent moins souvent cette
construction. En provençal elle ne se présente que dans des
traductions ou des chartes, par ex. Jesus sozlevaz los olls
diss
(sublevatis oculis) Ev. de Jean éd. Hofm. ; las fadas
prezas las lampezas
(acceptis lampadibus) no prezero oli
ab lor GO.
142b ; vistas e mostradas las sobredichas cauzas
es obs que hom sapia lo poder cet. Rev. d. lang. rom
.
II, 94. En français on ne l'applique d'ordinaire que lorsque
l'action attribuée aux accusatifs est celle du sujet lui-même
par ex. une fois la règle enfreinte rien n'arrête plus ; la
ville prise ils se permirent toute sorte de cruautés ; les
chevaux perdus ils ont fermé leur écurie ; eu égard à sa
jeunesse on lui a pardonné ; un jugement rendu parties
ouïes
. Et c'est lorsque les accusatifs contiennent un sujet purement
personnel indépendant de l'autre qu'elle est le plus généralement
évitée, comme dans les phrases : mon père arrivé
mon ami partit ; les chevaliers passés en revue les hommes
de pied avancent ; le roi Alphonse retourné en Portugal
le triste événement arriva
. En ce cas on a recours au gérondif
qui fait mieux ressortir l'activité du sujet : mon père étant
arrivé mon ami partit
. La construction absolue est encore fort
usitée par les anciens auteurs ; Marot dit par ex. : luy là venu
ils cessèrent leurs chants
3, 305 ; Montaigne : l'apotiquaire
retiré, le patient accomodé…il en sentoit pareil effect

1, 20 ; et des écrivains modernes s'en servent aussi, par ex. :
on se persuada aisément que Robespierre arrêté les exécutions
devaient cesser
. Le valaque semble éviter le participe
prétérit absolu ou le remplacer par le gérondif : il traduit le
congregatis omnibus etc. de la Vulgate, Luc 15, par nu
dupę multe zile adunųnd toate
(c.-à-d. congregans omnia).
— Il faut encore observer : 1) Les langues du sud-ouest, pour
faire mieux ressortir l'idée de temps, préposent au cas absolu
l'expression despues de, en quoi elles détruisent, il est vrai,
à nouveau la construction absolue, par ex. despues de hechas
(las cosas) S. Prov. p. 70 ; despues de dormido su amo
Nov
. 7 ; port.despoys de entendidas as mesajeens CGer.
I, 288 ; comp. ital. com'io dopo cotai parole fatte venni
quaggiù Inf
. 2, 111 ; franç. après ces affaires réglées les
princes se séparèrent ; après la mort du comte et les
Maures défaits
Corn. Cid. — 2) Les participes se comportent
souvent comme des adjectifs attributifs sans signification temporelle :
esp. estuvo los brazos abiertos (il tenait ses bras ouverts) ;
248pr. plegatz los ginolhs (les genoux plies) ; ce trait a déjà
été indiqué plus haut à propos de l'accusatif (p. 112). De plus
avec certains verbes la construction en question a passé à l'état
de formule. Ital. detto questo, ciò fatto (aussi così fatto)
detratte le spese, i libri eccettuati. Esp. hecho et dicho esto,
supuesta esta cosa, vista la requisicion
. Fr. cela dit, six
personnes exceptées, ces principes supposés, certaine
hauteur passée
 ; ou bien le participe reste invariable devant
le nom : excepté six personnes, supposé ces principes,
passé certaine hauteur
, de même attendu sa jeunesse, vu
ses infirmités, considéré la grande quantité
. Le participe
possède parfois aussi cette même valeur neutre en v.italien :
venuto la sera etc. Blanc 501.

4. Il arrive souvent que le verbe principal exerce au moyen
du pronom personnel une action rétrospective sur les accusatifs
absolus qui le précèdent : dans ce cas le latin ferait régir le
participe et le nom par le verbe. La phrase italienne chiamata la
sua fante le disse Dec.
2, 2, qui est littéralement accita ancilla
sua ei dixit
, en dit autant que accitae ancillae suae dixit.
Autres exemples : dove trovati de' suoi cittadini…fu da
loro rivestito Dec.
2, 4 ; dormendo egli gli parve in sogno
di vedere la donna
. Esp. Troyano yendo en hueste…salió
una viuda á él
S. Prov. 131 ; quedando yo en su lugar
me deparó la suerte dos galeras Nov
. 4 ; port.sendo elles
acerca de huma ponte lhe disse hum escudero
R. Men. c. 5.
Franç. lui étant en cet âge son père ordonna qu'on lui fist
habillement
Rabelais 1, 8. B.lat. venientem autem illum
apud villam, collectus est ad eum omnis exercitus Gest.
reg. Fr
. c. 32 ; avec un nominatif absolu : reversus ad provinciam
contradixerunt me episcopi Esp. sagr
. XIX, 372
(ann. 962) ; comp. b.lat. te custode gregis nil tihi praedo
nocet
Ven. Fort. 3, 14. Le latin lui-même use de ce procédé
lorsqu'il veut marquer avec plus de précision la suite des événements :
Vercingetorix convocatis suis clientibus facile eos
incendit
(Krüger, Gramm. 500) ; le grec aussi lorsqu'il applique
le nominatif absolu : ἀποβλέψας γὰρ πρὸς τοῦτον τὸν στόλον ἔδοξέ μοι
πάγκαλος εἶναι 181.2495. Dans certains cas le participe seul peut représenter la
construction tout entière. 1) Lorsque le sujet est facile à suppléer
on omet parfois le pronom qui le représente : ital. così di varie
cose parlando
(eglino, loro) avvenne che etc. Dec. 2, 2 ; ove
poco stante
(lui) due gran cocche pervennero 2, 4 ; i miei
dì fersi morendo
(io) eterni P. Son. 238. De même gr.
ἀπόντος (αὐτοῦ) ἠσέλγαινον. — 2) Les impersonnels renoncent sans
hésitation au pronom personnel, qui ne leur est même pas attribué
dans tous les dialectes : ital. essendo già tardi ; nevicando
forte
(comme gr. ὕοντος πολλῷ) ; grandinando ; il en est de
même en espagnol. Un pronom indéfini peut être de la même
manière absorbé par le gérondif. Ital. considerando (lorsqu'on
considère), veggendo (quand on voit). Esp. un lugar que
viniendo de Roma á Florencia es el ultimo
(lorsqu'on vient
de R. à F.) Nov. 4. Fr. avouons qu'humainement parlant
ces horreurs révoltent la raison
. Val. totz lęcuitorii tzęrii
incepųnd dela cel dintęiu
(tous les habitants du pays en
commençant par le premier). — 3) Quelques participes ont en
quelque sorte leur sujet dans la phrase qui se trouve sous leur
dépendance, ainsi : ital. non ostante che, eccetto che, posto
che, considerato che
, et de même dans les langues sœurs, lat.
excepto quod, audito, comperto, cognito etc., all. ausgenommen,
gesetzt, abgerechnet dass
. Ces particules avec que
sont considérées comme des conjonctions ; mais beaucoup d'autres
prennent aussi part à cette construction, par ex. ital. da tutti
tenuto che
(comme tout le monde croyait que) ; esp. siendole
dicho que
(comme on lui disait que).

Remarques sur le participe. — 1) Au moyen de la construction
absolue on condense des propositions composées, formées avec
le pronom relatif ou avec des conjonctions qui expriment le temps
ou le motif, en propositions simples. Cette méthode est appliquée
dans les langues modernes presque dans la même proportion
qu'en latin, et en la négligeant on porterait préjudice à l'élégance
du style. Les exemples italiens qui suivent feront voir
comment le contenu de propositions composées peut être exprimé
par des propositions simples. Il giovane udendo questa cosa
disse
(= che udiva) ; la donna con lui rimasa l'abbracciò
(che era rimasa) ; volendo uscire di casa trovai l'uscio
serrato
(quando voleva) ; appena le lagrime ritenendo
rispose
(mentre che riteneva) ; questa cosa avvenne regnando
Alfonso
(mentre che regnava) ; costui essendo stato
preso
(poichè fu preso) ; venuta la sera andai nella città
250(posciachè fu venuta) ; vedendo la primavera mi rallegro
(quando vedo) ; concedente dio lo faremo (se dio lo concede) ;
disse che arrivando il termine ritornerebbe (quando
arrivasse
) ; io non andai da lui credendo che fosse partito
(perché credeva) ; perseguito da tutti si salvò (benchè
fosse perseguito
) ; potendolo fare non lo fece (benchè). —
2) Quelques grammairiens expliquent la construction absolue
avec le prétérit par une ellipse du gérondif auxiliaire : perduta
la paura, venuta la notte
serait abrégé de avendo perduta la
paura, essendo venuta la notte
. Les deux expressions s'emploient
l'une à côté de l'autre : cela est incontestable ; mais
pourquoi le roman aurait-il fait un détour et passé par le gérondif
pour revenir à une construction que le latin lui offrait immédiatement ?
Il la possédait déjà pour le participe présent, car
venuta la notte ne se comporte pas autrement, au point de vue
syntactique, que vegnendo (anc. vegnente) la notte. Au reste
c'eût été pour la langue une moindre hardiesse de créer à nouveau
cette construction, si elle l'avait oubliée, que d'omettre le
gérondif de habere ; et en ce qui concerne le gérondif de esse
il faut remarquer que ce mot ne s'est développé que tard et
péniblement : il n'a pas de forme dans la lingua rustica,
chaque langue le représente à sa façon. En effet, l'italien l'a tiré
de esse, l'espagnol de sedere, le français de stare, le valaque
de fieri. Aussi le plus ancien bas latin connaît-il peu ces
gérondifs auxiliaires, qui n'ont sans doute été appliqués qu'à
l'époque où les anciennes constructions commençaient à tomber
en désuétude. Dans les cas où la signification temporelle du
participe est indifférente, un gérondif complémentaire serait inadmissible
et même souvent contraire au génie de la langue, ainsi
dans ital. vi rimandero tutto, avendo (ou essendo) eccettuati
i libri
 ; esp. este hombre andó, habiendo perdido el
tino
. Peut-il y avoir eu un moment dans le développement de
la langue où l'on ait vraiment ajouté dans ces cas le gérondif ?
On a fait encore valoir contre cette opinion l'accord du participe
avec le nom, accord qui n'est pas exigé par le gérondif de habere
(trovata la casa, avendo trovato la casa, voy. le ch. suivant),
mais cet accord aurait pu se produire aussi à la suite de l'ellipsc.
Même le cas italien, cité à la p. 242, d'un participe de verbe
transitif employé au sens actif, ne demande pas nécessairement
à être expliqué par une ellipse de avendo. Comme le participe
seul se prêtait à remplacer la construction entière (par ex. dans
così detto), certains auteurs ont pu être amenés à lui adjoindre
251encore un régime, comme dans la donna sviluppatogli le
mani
etc. — 3) De toutes les langues modernes de l'Europe,
c'est l'anglais qui suit de plus près l'usage roman. La périphrase
s'y opère de là même manière. Le prétérit actif est having
loved = ayant aimé
, le prés. passif being loved = étant
aimé
, le prét. having been loved = ayant été aimé. Les deux
gérondifs auxiliaires having et being sont d'un emploi très-fréquent,
même au sens absolu. Ex. both kingdoms were
principally supported by agriculture, there subjects never
having attained any high degree of improvement in art ;
this banquet diffused new joy, the préparations for it
being made
. Le participe prétérit s'emploie aussi de la même
manière : the poem concluded = ital. finita la canzone ;
I extinct = morto io ; le présent est plus rare : properly
speaking = fr. proprement parlant
, de même supposing,
allowing
.

Chapitre neuvième.
Temps.

On a montré au livre de la flexion que les divers temps sont
rendus soit par des mots simples, soit par des périphrases composées
du participe prétérit et d'un verbe auxiliaire. La syntaxe
a trois questions à éclaircir : la signification de chaque temps,
l'emploi des verbes auxiliaires et le traitement du participe avec
lequel ils s'unissent.

1. Signification des temps.

La proposition simple ne peut employer que les temps qui
sont capables d'exprimer une idée temporelle absolument complète.
Si leur propriété essentielle est de se rapporter à une autre
idée de temps, ils ne peuvent trouver place que dans la proposition
composée. Il va de soi que les temps relatifs appartiennent
tous au subjonctif, comme mode dépendant, et c'est seulement
dans le cas où ce mode prend la valeur de l'optatif ou de l'impératif,
comme dans certaines phrases elliptiques (voy. au chap.
précédent), qu'il peut occuper une place dans la proposition
simple. Mais bien que, à l'inverse, quelques temps de l'indicatif
possèdent aussi la faculté essentielle de se rapporter à une autre
idée de temps, il semble néanmoins raisonnable de grouper tous
252les temps simples ou périphrastiques de ce mode afin de faire
ressortir les formes absolues en face des formes relatives. On
peut observer en général que l'emploi des temps de l'indicatif
diffère peu de ce qu'il était en latin ; mais il existe maintenant
de nouveaux prétérits qui revendiquent leurs droits particuliers.

1. Le présent, en dehors de son emploi ordinaire, peut être
appliqué dans les circonstances suivantes. 1) Dans le style narratif
il présente le passé comme présent et joue ainsi le rôle du
parfait avec lequel il alterne sans difficulté (présent historique).
Ce procédé, très-employé surtout par les poètes et que repousse
l'allemand, au moins l'ancienne langue dans tous les dialectes
(Grimm IV, 140 ss.), est tout-à-fait familier au roman dès sa
première apparition : il ne faut donc pas y voir une copie de
l'expression latine introduite par des écrivains savants. On en
trouve partout des exemples. Eulalie présente déjà l'alternance
entre le présent et le parfait : voldrent la faire diaule servir,
elle non eskoltet les mals conseillers
. Dans le Boèce 52 :
fez u breu faire per gran decepcio e de Boeci escriure fez
lo nom e sil tramet é Grecia la regio, de part Boeci lor
manda tal raizo
. Comp. aussi les vers du Cid au début : allí
piensan de aguijar, allí sueltan las riendas ; á la exida
de Vivar ovieron la corneja diestra é entrando á Burgos
ovieron la siniestra ; mezió mio Cid los ombros
etc. Les
romances et les pastourelles du v.français, récemment mises
en nombre considérable à notre portée, dont le style délicat tient
le milieu entre le genre lyrique et épique, se comportent sur
ce point avec la plus grande liberté. — 2) On peut de même
employer le présent pour le futur, lorsque l'idée du futur est
assurée par le contexte ou de toute autre manière. Ital. io vengo
questa sera da voi ; quando arriva vostro fratello ?
Esp.
mi amigo llega mañana. Franç. mon frère part après-demain ;
je vous suis tout-à-l'heure
. Val. noi cęlętorim
mųne
(nous partirons demain). Certains patois prodiguent le
présent ; le vaudois d'aujourd'hui possède à la vérité le futur
commun du roman, mais il se sert plus volontiers du présent
accompagné de la particule peui (fr. puis), par ex. i soun peui
sént
(ils seront sains, littér. ils sont ensuite saints) ; goden peui
(ils jouiront).

2. Imparfait, nommé aussi en italien pendente et en français
relatif. 1) Comme temps absolu il est usité, de même qu'en
latin, en parlant de la durée dans le passé, et par là il exprime
surtout l'habitude et la qualité. On dit par ex. ital. i Pazzi in
253Firenze erano ricchissimi ; Socrate soleva dire
etc. ; franç.
Henri IV était un grand prince, il aimait son peuple ;
val. Romanii premiau faptele cele frumoase prin corone
(leSRomains récompensaient les belles actions par des couronnes).
Aussi le style narratif passe-t-il du temps historique,
du parfait, à l'imparfait, lorsqu'on oppose une action durable
à une action passagère, ou lorsqu'on veut donner une explication
de l'événement qu'on raconte : on l'emploie dans un récit
détaillé, descriptif, et l'ancienne règle perfecto procedit, imperfecto
insistit oratio
n'est pas tombée en désuétude. Voici
quelques exemples empruntés à des prosateurs. Machiavel : Il
primo che mosse alcun ragionamento contro ai Medici fu
Francesco. Era costui più animoso e più sensitivo che
alcuno degli altri, tanto che deliberò d'acquistare quello
che gli mancava o di perdere ciò ch'egli aveva… E perché
egli era al conte Girolamo amicissimo, si dolevano costoro
spesso l'uno coll'altro de' Medici, tantochè dopo molte
doglianze e' vennero a ragionamento
. Cervantes : Tuvieron
luego muchos amigos…Mostrahanse con todos liberales
y como eran mozos y alegres, no se disgustaban de tener
noticia de las hermosas de la ciudad
. Fénelon : Les nymphes
servirent d'abord un repas simple…On n'y voyait
aucune autre viande que celle des oiseaux qu'elles avoient
pris dans les filets… Un vin plus doux que le nectar
couloit des grands vases d'argent… On apporta dans des
corbeilles tous les fruits que le printemps promet
. — 2)
Comme temps relatif il désigne un passé qui, par rapport à un
autre événement passé, n'est pas encore accompli. Ce rapport
qui est parfaitement approprié au sens de l'imparfait sera étudié
à la section de la proposition composée. — 3) L'emploi de l'imparfait
pour le présent (et par suite le mélange de ces deux
temps dans la même phrase), bien que tout-à-fait anomal, se présente
dans d'anciennes poésies espagnoles, surtout populaires, et
non pas toujours à la rime. Ex. caçador me pareceys en los
sabuessos que traýas
(au lieu de traes) SRom. 238 ; si hallo
el agua clara, turbia la bevia yo
310 ; la culebra me comia,
come me ya
etc. (le même verbe répété au présent) 298. Dans
Gil Vicente : digas tu el marinero que en las naves vivias
65b ; quierome ir allá por mirar el ruiseñor como cantaba
66b. Chez un poète moins connu : de una parte tiene una
asna, de la otra un buey yacia Flor
. I, 30b. Ce procédé ne
se rencontre pas dans le Cid, mais il se trouve déjà dans une
254charte bien plus ancienne : ubi nunc dilectus episcopus praesulatum
tenebat
(pour tenet) Esp. sagr. XIV, 412 (ann.
975). Un exemple portugais est : os dias vivo chorando, as
noites mal as dormia
R. Egl. 4. Les poètes artistiques ne
semblent pas connaître cet usage singulier ; cependant Camoëns
a dit armas que trazia 1, 64, d'après son commentateur Faria
e Sousa, pour le présent trago, « inclinandose á la vulgaridad »,
et cette expression est également regardée par Ferreira comme
un « modo vulgar ». L'existence de ce solécisme en portugais
est donc attestée.

3. Leparfait, l'expression du passé entièrement accompli, a
à sa disposition, dans les nouvelles langues, deux formes, l'une
simple, l'autre périphrastique. Le premier parfait ou parfait
simple, it. indeterminato, fr. défini (amai, j'aimai, pass. fui
amato, je fus aimé
), désigne un passé absolument séparé du
présent et sert surtout au style historique 182. L'allemand lui donne
pour correspondant le simple prétérit. Le second parfait ou parfait
périphrastique, it. determinato, fr. indéfini (ho amato,
j'ai aimé
, pass. sono stato amato, j'ai été aimé), désigne au
contraire, comme le temps correspondant en allemand, un passé
plus rapproché, ou du moins qui se trouve en rapport avec le
présent de celui qui parle, en sorte que sa signification est en
parfait accord avec ses éléments. On dit ainsi en italien : l'anno
passato trovai il mio amico a Napoli
, mais l'ho trovato
oggi ; Cesare arrivò a Roma
, mais mio fratello è arrivato ;
ho inteso una nuova che mi sorprende ; in questo secolo
sono state molte guerre
. Les autres langues procèdent exactement
de la même manière : esp. mi padre me enseñó á hablar
latino ; Cervantes nació en Alcalá y murió en Madrid ;
siempre te he tenido por discreto ; he callado un año
ahora no puedo mas
 ; fr. Alexandre attaqua Darius et le
vainquit deux fois ; il a fait grand chaud cette semaine
.
Ainsi donc le latin vidi regem est, au point de vue de l'idée de
temps, plus exactement déterminé dans les langues modernes,
puisqu'il est rendu par io vidi il re, yo ví al rey, je vis le roi,
ou par ho veduto il re, he visto al rey, j'ai vu le roi. La
grammaire a strictement déterminé l'emploi des deux formes :
255le premier parfait ne doit être employé qu'en parlant d'événements
qui ont au moins un jour de date, s'ils sont plus récents,
c'est le second qui doit être appliqué : fr. il partit hier ; il est
parti aujourd'hui
. Cependant ce dernier temps pourrait s'appliquer
aussi à des événements d'une date plus reculée qu'on
veut rapprocher du présent, moins pour les faire connaître que
pour les apprécier, par ex. ital. egli è stato in Italia ; mio
padre è partito jeri
 ; fr. Carthage a été détruite par les
Romains
183. — Les temps du passé se comparent mieux avec les
temps du grec qu'avec ceux du latin. L'imparfait correspond à
l'imparfait grec, le premier parfait à l'aoriste et le second parfait
au parfait grec.

4. Au lieu du premier parfait le style populaire ou de la
poésie épique primitive emploie souvent aussi, outre le présent,
l'imparfait ou le second parfait, de sorte que toutes ces formes
s'appliquent indifféremment à la même idée de temps. Dans certains
cas la rime ou la structure du vers peuvent bien avoir
amené cet échange : abaxan las lanzas apuestas de los pendones,
enclinaron las caras desuso de los arzones, ybanlos
ferir de fuertes corazones PC
. 724. Prov. l'us fai lo
juec dels bavastelz, l'autre jugava de coutelz Flam
. 603 ;
a chival l'en fan traire e puis si fon pendutz GA. 2455.
Le traducteur français a donc rectifié le second passage de la
façon suivante : ils le firent tirer par des chevaux et puis
le
pendirent. V.franç. il garde avant, vit un espié forbi,
il s'abaisait, maintenant l'ait saisi GVian
. 819. L'usage de
faire suivre le présent ou le premier parfait du second parfait,
généralement accompagné de si, a presque pris dans ce poème
(et aussi dans d'autres) la valeur d'une formule : l'espée trait,
soure li est aleiz
773 ; comp. 546. 555. 663. 870. 945. 1016.
1095 etc. ; prov. pres lo entre sos bratz, si l'a baizat GRoss.
8101. Mais même des poètes épiques artistiques ne craignent
pas cette confusion, Camoëns moins que tout autre, ainsi il dit :
blasphema e maldizia 1, 90, tocava e pagarão 3, 83.

5. Au plus-que-parfait correspondent deux sortes de formes.
1) Deux formes périphrastiques, la première formée avec l'imparfait
256(ital. trapassato imperfetto, fr. antérieur : aveva
amato, j'avais aimé
, pass. era stato amato, j'avais été
aimé
) ; la seconde avec le parfait (ital. trapassato perfetto,
fr. antérieur défini : ebbi amato, j'eus aimé, pass. fui stato
amato, j'eus été aimé
). Comme le plus-que-parfait exprime
un passé accompli par rapport à un autre passé, il appartient
à la proposition composée. — 2) A côté de ces périphrases la
forme simple du latin subsiste encore en espagnol et en portugais
(amara), mais elle sert en même temps, et en provençal
exclusivement, à l'expression du temps nommé conditionnel.
Ce plus-que-parfait est resté jusqu'à nos jours un ornement de
la langue portugaise, où il sied surtout au style élevé ; il est
maintenant vieilli en espagnol, mais les deux langues l'emploient
très-bien comme conditionnel. Ex. esp. alegre era, que dios
le ayudara
(l'avait aidé) PC. 1166 ; el caso como passara á
todos yva á contar SRom
. 80 ; port. Sancho que em sua vida
ja se exprimentára Lus
. 3, 85. En outre il se présente aussi
avec le sens du premier parfait : esp. muy cerca fuera á llegar
(il s'approcha) SRom. 62 ; luego perdiera el sentido 62 ; port.
agasalhados foram juntamente o Gama e Portuguezes
Lus
. 7, 66 ; cinco vezes a lũa se escondêra, quando a
cidade se rendêra
(se rendit) 3, 59. On trouve rarement cette
forme de temps dans le Cid, et seulement dans l'acception
primitive. Sur l'existence de ce plus-que-parfait en provençal et
en vieux français, voy. t. II, p. 183. 209.

6. La formation du futur a été expliquée au tome II, p. 108.
Amare habeo, d'où sont sorties par contraction les formeSRomanes
amerò, amaré, j'aimerai etc., était déjà une expression
connue en latin, mais elle a passé du sens de la possibilité à
celui de la réalité (amabo), que peut aussi exprimer le gothique
frîjon haba. La haute ancienneté de cette expression dans le
senSRoman est attestée par des passages de chartes comme qui
sedent vel sedere habebunt = sedebunt
Bréq. 162a (ann.
635) ; si interrogatus fueris, quomodo dicere habes ? =
dices
Brun. 441 (ann. 715) ; non sis tristis, domni pater,
quia deus satisfacere tibi habet
, etc. Vita S. Euphros.
éd. A. Boucherie (VIIIe-IXe s.). Le futur de la nécessité a été
rendu au contraire, comme en v.h.allemand, au moyen d'une
préposition intercalée entre les deux verbes : ital. ho da scrivere,
ih haben zi scrîbanne, scribendum mihi est
(voy. plus
haut p. 217). Il faut rappeler à propos de ce temps, et aussi du
conditionnel (amaria), que leurs éléments peuvent être séparés
257de nouveau en espagnol et en portugais par le pronom personnel
(voy. t. II, p. 155. 171) : esp. (arch.) casar me hé, ou en un
seul mot casarmehé (= me casaré), estar le ha (le estará)
parecermeia (me pareceria), port.ir-m-hei, dar-mo-ha,
obrigá-la-heis, mandar-nolo-hão, espantar-me-hia
 ; et les
formes du v.espagnol où les éléments sont plus étroitement unis
encore : pesarmá (me pesará), consejartia pour consejartehia
(te consejaria) ; avec la suppression de l'r de l'infinitif :
port.sabéloedes Trov. Vat. p. 123, ohrigá-laheis. V.cat.
revelar-s'an, complir-hi-em, dir-vos-n'em. La même construction
peut s'effectuer en provençal, sans modification de sens ;
ainsi increpabit me est traduit par malmenar m'a GO. 193b ;
metr'er l'etz équivaut à er lo metretz Choix II, 266, et
deslivrar los ai à los deslivrarai Jfr. 68b. Voyez pour
plus de détails P. Meyer, Guillaume de la Barre p. 36, et
Bartsch, Jahrb. VII, 191. Le v.français ne semble pas fournir
d'exemples de cette construction, et en italien on ne pourrait
pas non plus risquer un amar l'ho, amar l'aveva. En valaque,
surtout dans l'écriture cyrillique, le futur composé avec voiu
(lat. volo), lorsque cet auxiliaire suit le verbe principal, est en
général traité comme un mot simple, ainsi luavoiu (voiu luvà,
ital. voglio levare, leverò), sculaseva (se va sculà). — La
syntaxe de la proposition simple appelle à propos de ce temps
les observations suivantes : 1) Le latin emploie aussi le futur
comme impératif adouci : assimulabis tuam amicam hujus
esse
, dit par ex. un esclave à son maître dans Térence, Heaut.
2, 2. Il en est de même dans les langues modernes : ital. questa
fatica ti serberai in altra volta
, dit quelqu'un à son ami Dec.
1, 2 ; esp. mio huesped seredes (soyez mon hôte) PC. 2059 ;
vos iredes comigo 3075 ; prov. chansos, tu m'iras outra
mar Choix
III, 83. De même qu'ici le futur exprime un conseil
ou un souhait, il peut aussi, suivant les circonstances, exprimer
un ordre énergique, et servir ainsi d'équivalent au futur de
l'impératif du latin. La Vulgate déjà se sert de ce temps pour
rendre les commandements de Dieu : non habebis deos alienos
coram me ; non occides ; non moechaberis ; non furtum
facies
 ; esp. no tendrás dioses agenos delante de mí ; no
matarás
 ; fr. tu ne feras point adultère ; pr. no portaras fals
testimoni GO
. 40a. Des traductions italiennes présentent en ce
cas l'infinitif ou l'impératif, mais on commande tout aussi bien
avec le futur, p. ex. tu dirai il vero = vera dicito ; prenderai
quel cuor di cignale e fa che tu ne facci una vivandetta
258Dec
. 4, 9, passage dans lequel l'impératif succède au futur.
Ce dernier temps n'est pas non plus inconnu aux anciens
textes de lois germaniques, qui expriment en général le commandement
avec le subjonctif : inter Burgundionem et Romanum
haec forma servabitur L. Burg
. ; sacramentum
praebere debebit L. Wisig
. ; il n'est pas moins fréquent dans
les chartes, par ex. illi maledictioni subjacebit iste au lieu
de subjaceat Mabil. III, 55. L'ancien droit français n'emploie
pas d'autre temps, ainsi déjà dans les lois de Guillaume le
Conquérant : si li rendra demi were (il lui donnera un demi
wergeld) § 13 184. — 2) De même que le futur conseille ou commande,
il appelle aussi, sous forme d'interrogation, le conseil
ou l'ordre, ainsi gr. εἰ πατάξομεν ἐν μαχαίρᾳ ? ital. percoteremo
noi con la spada ?
esp. heriremos á cuchillo ? franç.
frapperons-nous de l'épée ? prov. vos fara pros domna
amor complida ?
(une noble dame doit-elle vous donner tout
son amour ?) Choix IV, 25. — 3) Comme un fait placé dans
l'avenir est incertain, le futur peut aussi servir à exprimer la
probabilité. Ital. mia moglie sarà col suo figliuolo. Esp. el
joven será á mi parecer de edad de diez y ocho años ;
estará enfermo, pues no me escribe
. Franç. mon ami sera
à Paris
. Val. placętzi a śedeà, cę vei fì ostęnit (assieds-toi,
car tu dois être fatigué). B.lat. quia intellectus (puerorum)
scientiam non habebit (ne peut guère avoir) LBurg. 47, 3.
Plaute nous fournit l'exemple suivant : an Chares ? an Charidemus ?
num Charmides ?
Réponse : hem, istic erit (ce doit
être lui) Trin. 4, 2, 77.

7. Le futur antérieur qui désigne un avenir accompli (ital.
futuro perfetto, franç. futur passé : avrò amato, j'aurai
aimé
, pass. sarò stato amato, j'aurai été aimé), pris comme
temps absolu, peut aussi être échangé contre le deuxième parfait :
ital. l'avrà fatto subito ou l'ho fatto subito ; fr. j'aurai fini
dans un moment
285 et j'ai fini dans un moment. En latin on
259exprime d'une manière analogue avec le futurum exactum la
rapidité d'une action : si pergis, abiero (je serai parti, j'aurai
disparu).

8. En dehors de ces temps la grammaire française possède
encore à l'actif un parfait, un plus-que-parfait et un futur
surcomposé
 : j'ai eu aimé, j'avais eu aimé et j'aurai eu
aimé
, et ces temps sont destinés à exprimer le passé avec encore
plus de force ; mais on ne se sert que rarement de ces périphrases
exagérées.

9. Quant au sens temporel de l'infinitif et des participes,
les différences avec l'usage latin ou général qu'on peut relever
sont peu nombreuses. 1) La forme simple de l'infinitif, qui a
la valeur d'un présent, lorsqu'elle dépend des verbes « espérer,
promettre, menacer » et autres semblables, s'emploie pour
le futur : on dit en ital. spero di venire, franç. il promet
de le faire
etc. Ce n'est que dans le style négligé que cet
infinitif peut prendre la place du parfait, ainsi dans une romance
espagnole : prometo de no enterrar el cuerpo hasta su
muerte vengar
(pour haber vengado) SRom. 69, et sans
doute aussi dans ce passage de Dante : che di vederli (averli
veduti
) in me stesso n'esalto Inf. 4, 120. Le parfait amavisse,
amatum esse
, est, comme on sait, rendu par une périphrase
(ital. avere amato, essere stato amato etc.), et pour
le futur amaturum esse et amatum iri on a aussi créé une
formule (p. ex. it. essere per amare, essere per essere amato)
qui, il est vrai, s'emploie peu. — 2) Le gérondif simple suit,
comme l'infinitif, au point de vue de la détermination du temps,
le verbe principal, ainsi ital. imparo leggendo, imparai leggendo,
imparerà leggendo
, et ce n'est que pris absolument
qu'il répond au présent ou à l'imparfait de l'indicatif ou du
subjonctif : ital. io dissi tacendo lui = mentre egli taceva ;
esp. dixo que llegando el termino volveria = quando llegase
el termino
. Le prétérit nouvellement créé (avendo amato,
pass. essendo stato amato) a la même valeur que le parfait
ou le plus-que-parfait des modes finis : avendo detto questo
260me n'andai
. Il a été question plus haut (p. 244) du futur du
gérondif et du participe. — 3) Tandis qu'en latin le participe
prétérit passif
exprime absolument un passé accompli, en roman,
au contraire, la signification temporelle du participe prétérit
dépend uniquement de la nature de l'idée qu'il énonce. Cette
question a aussi été traitée plus haut p. 186. Le participe de verbes
transitifs est donc considéré soit comme un présent, comme
dans la phrase un principe amato dal suo popolo ha ragione
di rallegrarsene
, lat. princeps qui amatur, non pas
amatus ; soit comme un parfait, comme dans la phrase il nemico
vinto da noi si ritira
, lat. hostis victus a nobis.
Amatus
, au sens latin, peut être rendu, au moins en italien,
par la périphrase stato amato, par ex. un principe stato
amato dal suo popolo e poi odiato ; Sparta e Vinegia state
da me di sopra nominate ; la revelazione statagli fatta
.

2. Emploi des verbes auxiliaires.

Deux verbes, habere (auquel dans quelques langues est
adjoint tenere) et esse, sont destinés à remplacer les temps qui
manquent à l'actif. L'origine de cette méthode a été expliquée
au t. II, 107 ss. La question qui se pose ici est de savoir lequel
de ces deux auxiliaires on choisit pour accompagner le verbe, suivant
qu'il est transitif, intransitif, réfléchi ou impersonnel. Dans
leur état actuel, les langues romanes ne s'accordent pas sur ce
point : elles s'accordaient autrefois.

1. Le verbe transitif, c'est-à-dire tout verbe employé comme
transitif, prend, dans toute l'étendue du domaine, habere. Cette
expression est la plus ancienne des deux : le latin la côtoie dans
des phrases comme librum scriptum habeo, et déjà dans les premières
chartes elle apparaît avec la valeur grammaticale qu'elle
a gardée : it. ho scritto, esp. he escrito, fr. j'ai écrit, val. am
scris
ou, en un seul mot, scrisam, au vezut et vezutau, comme
au futur. Cependant l'espagnol peut échanger haber contre le
synonyme tener, par ex. au parfait on dit aussi bien tengo
escrito un libro
que he escrito un libro. Mais pour cela il
faut que le participe ait une valeur véritablement transitive :
si ce n'est pas le cas, comme dans he comido, he bebido (sans
régime), haber reprend ses droits. Ce second mot auxiliaire n'a
rien qui doive surprendre, il se trouve aussi en v.h.allemand par
exemple, où haben répondrait à l'esp. haber, eigan (posséder)
à tener ; seulement ces deux verbes ont chacun leur application
261spéciale dans les divers temps ou nombres, ce qui est étranger à
l'espagnol. L'introduction en espagnol de ce second verbe auxiliaire
ne semble avoir été causée que par le désir d'éviter la répétition
d'un seul et même verbe. Nous avons rencontré plus haut
plusieurs autres exemples d'une semblable périphrase, ainsi
estoy enamorado, andaba cansado, queda dicho pour soy
enamorado, era cansado, es dicho
. Pour ce qui concerne
l'historique de l'expression, il faut remarquer que la périphrase
avec tener ne remonte pas à l'époque des premiers textes. On
ne la trouve nulle part dans les chartes, elle ne se présente pas
davantage dans le Cid, dans Berceo, dans l'Alexandre, ou du
moins elle y est certainement fort rare ; on la rencontre quelquefois
dans Ruiz, par ex. tiene omen su fija de corazon amada
384 = ha amada (parfait) ; yo torné en la mi fabla que tenia
comenzada
643 = habia comenzada (plus-que-parf.) ; souvent
dans Lopez de Ayala († 1407) : al pobre tiene deseredado Rim.
76 ; en logares que el rey les tiene dado 259 ; la justicia
tienen olvidada
342 etc. ; les verbes tener et haber alternent
avec le même participe : diré que tengo pensado 1139 ; tu non
has pensado etc. 1074. En portugais l'emploi de ter avec des
transitifs est devenu une règle générale, et les plus anciens textes
présentent déjà ce verbe à côté de haber, par ex. affan ey
levado
D. Din. 18 ; ouve jurado 124, m'avedes chegado 77 ;
ey perdudo Trov. n. 119 ; ten me chegado a morte n. 180 ;
me ten forçado p. 300. — Il faut encore tenir compte d'une circonstance
qui concerne aussi les autres langues. Comme habere
et tenere ont aussi conservé leur signification concrète, il faut
savoir, lorsqu'ils se trouvent unis à des participes, s'ils servent
à la périphrase d'un temps, ou bien si le participe est attribué
au régime comme un adjectif. Le français distingue nettement
les deux cas : j'ai imprimé un livre et j'ai un livre imprimé ;
j'ai écrit une lettre et j'ai une lettre écrite
. De même dans l'it.
ho scritto una lettera et dans l'esp. tengo escrita una carta
le parfait est clairement reconnaissable, et dans l'ital. ho una
lettera scritta
et l'esp. tengo una carta escrita le participe
sera considéré comme un adjectif : non pas d'une façon absolue
toutefois, eu égard à la liberté de construction de ces langues.
Mais parfois le contexte permet seul de faire la distinction, ainsi
par ex. dans les phrases ital. i capelli ho tagliati (capillos
abscisos habeo
) Dec. .7, 8 ; esp. el rey tenia cercada la
cibdad
(urbem cinctam tenebat) Cast. de D. Sancho ;
abierta la cabeza tiene (caput fractum habet) Num. 4, 1 ;
262port.as aguias tem pintadas (aquilas pictas habet) Lus.
8, 5, qui, grammaticalement parlant, pourraient signifier capillos
abscidi, urbem cinxerat, caput fregit, aquilas pinxit
186.

2. Avec le verbe intransitif la question du verbe auxiliaire
est moins claire. Ici les langues se divisent en deux groupes :
le premier emploie soit esse, soit habere, suivant qu'il se représente
l'idée verbale comme subjective ou objective ; le second
emploie partout le dernier verbe 287. 1) Les langues qui appliquent
les deux verbes, c'est-à-dire l'italien, le français et le provençal,
sont loin de s'accorder dans tous les cas, car chacune d'elles
donne la préférence tantôt à l'un tantôt à l'autre de ces deux
verbes. a) L'italien emploie essere avec les verbes être et
paraître et avec les verbes qui expriment une modification involontaire
d'un état, comme devenir, naître, croître, diminuer,
par ex. sono stato, paruto, divenuto, diventato ; il libro è
apparso ; una guerra è surta ; la cosa è smarrita ; egli è
nato, morto, perito ; il tempo è passato
. Aussi lorsqu'il
s'agit d'un changement dans l'espace, comme avec aller, venir et
autres verbes analogues : sono andato, camminato, venuto,
arrivato, giunto, entrato, ritornato, sortito, uscito, partito
scampato, fuggito
 ; ou d'espèces de mouvements plus
spéciaux : sono asceso, salito, levato, montato, disceso,
calato, caduto, corso, cavalcato
. Avec les verbes rester,
cesser, être couché : ella era rimasa ou restata di parlare ;
l'ira è cessata ; io sono dimorato ; io sono giaciuto. Cas
divers : la giovane è piaciuta ; niuna cosa è mancata ;
questa cosa mi è giovata ; è sonato mezzo giorno
. Plusieurs
263de ces verbes peuvent se conjuguer en même temps avec avere,
ainsi ho camminato, corso, fuggito, dimorato ; il en est ainsi
même pour vivere : siamo vivuti insieme ; sono poco vivuta ;
ho vivuto
. On ne peut construire qu'avere avec les suivants :
ho abitato, dormito, vegliato, taciuto, riso, pranzato, et
d'autres encore, de ceux surtout qui deviennent facilement transitifs.
Comme dans cette langue beaucoup d'intransitifs revêtent la
forme réfléchie, essere acquiert une prépondérance encore plus
grande. On dit ainsi : mi sono volato, mi sono taciuto, mi sono
riso
. Souvent le participe construit avec essere doit être compris
comme adjectif et ne représente pas la périphrase du parfait,
ainsi io sono assiso, usato, solito, errato (je suis égaré),
sudato, ammalato, annegato, impoverito, impallidito, impazzito ;
ce procédé est connu aussi des autres langues 188. —
b) En français avoir l'emporte sur être, qui forme lui-même ses
temps périphrastiques avec le premier verbe. Être s'emploie
avec plusieurs verbes qui ont le sens de naître et de périr : il
est devenu, né, mort, décédé ; cela lui est échu ; la fleur
est éclose ; le temps est passé
. Avec aller, venir : je suis
allé, venu, revenu, parvenu, arrivé, entré, rentré, issu,
sorti, parti
 ; aussi je suis monté, descendu, et de même je
suis accouru
(à côté de j'ai accouru) ; je suis tombé. Avec le
verbe rester : je suis resté (à peine j'ai) ; je suis demeuré
(j'ai demeuré signifie j'ai habité). On peut encore remarquer
les locutions comme je suis convenu du prix, mais cet emploi
m'
a convenu ; il en est disconvenu. Avoir se construit
avec être et aussi avec d'autres verbes qui signifient se produire,
croître, périr : j'ai été (dans beaucoup de dialectes
allem. : ich habe gewesen) ; le livre a paru ; il a disparu ; sa
colère a éclaté ; les eaux ont crû
(aussi sont crues) ; la rivière
a décrû
(est décrûe) ; l'enfant a grandi ; j'ai rajeuni,
vieilli, déchu, dégénéré ; j'ai
(je suis) péri ; j'ai expiré ; le
vaisseau a
(est) échoué ; aussi j'ai rougi, j'ai pâli. Avec des
264verbes qui indiquent un mouvement matériel : j'ai voyagé, marché,
erré, couru, sauté, fui, échappé ; j'ai
et je suis passé
(v.fr. il est mer passez), le sang a coulé. Avec le verbe cesser :
j'ai cessé, j'ai cédé ; de même j'ai succombé. On dit encore
il a réussi dans son dessein ; cela lui a plu ; cela n'a pas
suffi
. La plupart de ces verbes peuvent aussi se faire accompagner
du verbe être, lorsqu'il s'agit d'exprimer non point une
activité, mais un état accompli. Aussi dit-on : il a disparu de
la cour, l'argent est disparu ; il a vieilli dans le service,
il est vieilli ; il a déchu de jour en jour, il est déchu de
son autorité ; il a dégénéré de ses ancêtres, cette race est
dégénérée ; le reste a péri de faim, tous sont péris ; il a
expiré entre mes bras, le terme est expiré ; il a échappé
au prévôt, une chose est échappée de la mémoire ; il a
cessé de pleuvoir, la fièvre est cessée ; grandir
et rajeunir
peuvent se construire de même. On remarque en v.français plusieurs
particularités, par ex. j'ai alé LRs. 177, Charl. 279,
PDuch. 213 ; je sui failli Sax. II, 98, RCam. 65 ; j'ai
guenchi
et je sui guenchi Gar. I, 230. 235 ; est sorse une
cumpaigne
(ital. è surta) Orelli 237 ; ot geu (ital. è giaciuto)
285 ; j'ai remasu RCam. 59 (ailleurs je sui remes) ; j'ai
arestu
ibid. 77 ; j'ai chevauché ; j'ai walcré par mer Part.
I, p. 83. Le dialecte provençal se comporte à peu près comme
le v.français, ici aussi on trouve souvent par ex. ai anat à côté
de sui anat. — 2) En espagnol haber seul est employé ; ni
ser, ni tener, qui est réservé aux transitifs, ne servent en cette
circonstance. On dit donc yo he sido, he nacido, he muerto,
he caido
, sans avoir égard à l'état passif de la personne. Dans
les plus anciens textes toutefois ser prédomine encore. Le poème
du Cid donne : es venido v. 574, son exidos 466, es tornado
946, es pasada 1798 ; hydos son los cavalleros 1421 ; el dia
salido é la noch entrada es
1707 ; nuevos son legados 2357 ;
d'autre part : ovo corrido 1598 ; arrivado han las naves
1637 ; han entrado 2257. Berceo : fo venido Sil. 456, fo
passado
537, fueron tornados Mill. 316, fué partida 318,
fueron finados Mil. 334. Lorenzo de Segura (Alx.) : fueran
exidos
590, fueron venidos 582. Ruiz : es entrada 643,
es pasado 635. Santillana : ayan venido Sanch. I, p. LIII,
aver procedido LXI. J. de Mena : eres venido Laber. 55,
aver muerto 245. Le Canc. general : son venidos 256, es
yda
272. Gil Vicente : es nacido, son pasados. A la fin du
XVe siècle ser et haber avaient encore presque les mêmes droits :
265es nacido, ha nacido, es venido, ha venido se trouvent chez
les mêmes auteurs. Garcilaso semble appliquer partout haber,
mais Cervantes dit encore au moins es muerto ; á do sois
idos ? Num.
2, 2 (p. 42) ; era venido 2, 2 (p. 31). — Le
portugais se sert de l'auxiliaire ter : tem sido, estado, ido,
dormido, cahido, vivido, morrido
 ; mais d'anciens auteurs,
comme encore Ribeyro, disent aussi bien sou ido, sou vindo,
sou crecido, sou passado ; foy llegado
dans une chanson
galicienne d'Alphonse X, Nobl. del Andal. 152b ; este saydo
D. Din. 136 ; este passado 137 ; eu soon chegado Trov. n. 78.
— Enfin le daco-roman emploie partout son verbe aveà : am
fost
(= esp. he sido), am venit, mers, trecut, ręmas, cazut,
tęcut, crescut, murit,
aussi s'au nęscut (il est né). A partir
de quelle époque ? C'est ce qu'on ignore.

3. Le verbe réfléchi, qu'il soit propre ou impropre (voy.
p. 175), forme ses temps périphrastiques (qui sont les mêmes
que ceux du verbe transitif) en italien, en provençal et en
français avec esse, en espagnol et en valaque avec habere, en
portugais avec tenere. Pour ce qui concerne les trois premières
langues on peut donc observer que sum à la voix réfléchie
marque le parfait, à la voix passive le présent. Exemples du
verbe réfléchi propre : ital. io mi sono doluto, mi sono riso,
mi sono taciuto, io mi fossi lodato, eglino si sono feriti
 ;
prov. me sui meravilhatz, se son batut ; franç. je me suis
réjoui, ils se sont blessés
 ; esp. yo me he alegrado etc. ;
val. m'am mirat, m'am fost mirat ; port.eu me tenho lembrado ;
o amigo se tem ido. Exemples du réfléchi impropre :
ital. io mi sono proposto qc. ; ella si è stracciato il viso ;
fr. je me suis causé du chagrin 189. Si l'on considère le pronom
comme étant nécessairement un accusatif, la périphrase avec
esse peut étonner ; mais elle s'explique lorsqu'on l'examine de
plus près. En effet avec les verbes réfléchis qu'on doit reconnaître
comme intransitifs, tels que io mi pento, io mi maraviglio,
le pronom personnel ne peut avoir d'autre fonction que
de faire ressortir l'activité interne, sans se trouver, logiquement
parlant, sous la dépendance du verbe. Ici l'emploi de habere
était impraticable, car cet auxiliaire, dans le système primitif,
demande à être suivi d'un participe passif : ha lodato gli amici
266= habet amicos laudatos. Esse
convenait bien à ces verbes,
de même qu'à d'autres neutres : mi sono maravigliato équivaut
à miratus sum, ici le réfléchi mi exprime le sens du
déponent. Cette explication, il est vrai, ne peut convenir
aux transitifs employés comme réfléchis, mais peut-être que ces
verbes aussi ne furent à l'origine conjugués qu'avec habere,
et en italien au moins il ne manque pas d'exemples de l'emploi
de cet auxiliaire : quella donna cui dato m'aveva PPS. II,
128 (l'édition porte data) ; rivolsersi alla luce che promessa
tanto s'avea
(pour s'era) Par. 8, 43, Blanc 480 ;
egli s'aveva fatto coronare Fernow § 278 ; si avevano lungamente
amati
ibid. Avere est d'un usage fréquent en italien
avec des réfléchis impropres : on dit ainsi : avendosi l'anel di
lei messo in bocca Dec
. 7, 3 ; tu te n'hai data la perdonanza
tu stessa
4, 10 ; s'avea posto in cuore 3, 6 ; tanta
licenza che v'avete tolta Orl
. 2, 29. Le seul cas dans lequel
la conjugaison avec habere soit commandée se présente lorsque
le pronom est employé sous sa forme absolue, car ici l'activité
prend une forme plus objective ; on trouve au moins en italien :
se ha slocato PPS. I, 45 ; hai offeso te e me, hai te meco
offeso
(fr. c'est toi que tu as offensé).

4. Les verbes impersonnels qui expriment des phénomènes naturels
forment leurs temps en italien avec avere : ha piovuto, mais
aussi era nevicato Dec. 8, 7 ; presque tous les autres verbes
de cette classe prennent essere : m'è accaduto, occorso, ben
preso ; è bisognato ; gli era convenuto partire ; gli è molto
di me caluto ; niente m'è valuto che
etc. ; mi è bastato,
sembrato, paruto, piaciuto, rincresciuto
. Le français dit
avec avoir : il a plu, neigé, grêlé, gelé ; bien lui a pris ;
il a fallu le payer ; il m'a paru, semblé, il a plu à dieu
de l'affliger ; il m'a convenu que ; il aurait mieux valu ;
il a suffi de lui dire ; il a résulté que
 ; mais il est arrivé
que
. Quelques verbes tels que importer, réussir, souvenir
sont dépourvus, comme impersonnels, de leurs temps périphrastiques ;
d'autres comme chaloir et seoir (il me sied) n'ont pas
de participe. Il va de soi que l'espagnol a recours ici pour tous
les verbes à haber, et quand on dit par ex. es anochecido
(v.fr. il est anuitié, il est aseri, il est aviespri), il faut reconnaître
que le participe a la valeur d'un adjectif, il exprime un
présent et non pas un parfait. Le valaque procède comme l'espagnol :
au tunat, au nins, mi au plęcut etc. 190.267

3. Traitement du participe.

Le participe qui sert à la formation des temps se comporte
envers son sujet, au passif, comme en latin : il s'accorde avec
lui, comme tout autre adjectif attributif. Le roman l'emporte
donc à cet égard sur l'allemand moderne en ce qu'il permet de
reconnaître le genre d'une personne qu'on n'a pas nommée à la
forme du participe : io sono lodato, a, tu sei lodato, a, all. ich
werde, du wirst gelobt
 ; le v.h.allemand permettait encore la
distinction, mais il ne la commandait pas (er was giwuntôter,
er was giwuntôt = all.mod. er war verwundet). Lorsque
le participe de esse (stato, sido, été etc.) sert à former des
prétérits, l'italien le fléchit ; il est invariable dans les autres
langues où il dépend de habere : ella è stata lodata, aquella
ha sido alabada, elle a été louée
, jamais sida, étée. — Il
reste encore à rechercher comment le participe se comporte au
point de vue de l'accord avec son régime à l'actif, où, comme
on sait, il ne sert à former que certains temps 191.268

1) Dans le verbe transitif, qui ne prend comme auxiliaire
que habere ou tenere, jamais esse, le participe devrait, d'après
l'exemple donné par le latin, se construire avec le régime et
s'accorder avec lui, de sorte que habeo absolutum carmen
donnerait en ital. ho compita la canzone, en esp. tengo acabada
la cancion
. Et, à la vérité, cet accord avec le régime
n'a pas encore disparu, mais la langue a établi à côté un autre
procédé qui ne pouvait guère ne pas se produire. En effet comme
habere dans cette construction a passé de sa signification concrète
à une signification absolument abstraite, qui était déjà très-sensible
dans les formules latines sans régime neutre comme
habeo cognitum, habeo perspectum, la force transitive de
ce verbe devait nécessairement s'effacer ; il devait se fondre avec
le participe suivant en une seule formule pour pouvoir gouverner
le régime, et de cette façon le participe s'est pétrifié en une
expression neutre désormais incapable de flexion. On nomme
le participe construit, suivant l'usage latin, avec le régime et
accordé avec lui, participe variable, et celui qui se rapporte
simplement au sujet, invariable. Au point de vue de leur signification
dans la proposition on peut aussi bien nommer l'un
objectif et l'autre subjectif. Sur l'emploi de l'un ou de l'autre
de ces participes la grammaire donne des règles précises ; celles
du français sont les plus strictement déterminées, aussi les présentons-nous
ici en premier lieu.

Règles du français. 1) Le participe est invariable lorsqu'il
précède le régime : j'ai vu la maison ; j'ai reçu les lettres.
2) Il est variable lorsqu'il le suit. Le régime est alors soit
un pronom personnel, soit un relatif : je les ai vues ; les
lettres que j'ai reçues
. Chez les anciens auteurs c'est souvent
aussi un substantif amené à cette place par inversion ; Corneille
dit encore : aucun étonnement n'a leur gloire flétrie (au lieu
de flétri leur gloire) Hor. 3, 5 ; et l'on trouve dans La Fontaine :
j'ai maints chapitres vus Fabl. 2, 2, et d'autres
exemples encore. Il faut remarquer à ce propos : a) Si le participe
est suivi d'un infinitif, la règle reste en vigueur, tant que
l'accusatif du pronom est regardé comme dépendant du participe :
je l'ai vue danser ; l'histoire que je vous ai donnée
à étudier ; la résolution
que vous avez prise d'aller à la
269campagne
. Il n'en est pas autrement lorsqu'un second participe
dépend du premier, par exemple : ces bras que dans le sang
vous avez vus
(non pas vu) baignés. C'est à peine si le poète
peut s'affranchir de cette règle, comme l'a fait Racine, lorsqu'il
dit : tantôt à son aspect je l'ai vu (vue) s'émouvoir Athal.
5, 2. Mais si l'accusatif dépend de l'infinitif, le participe reste
invariable : la route que l'on a commencé à suivre, aussi
lorsque l'infinitif n'est pas exprimé : vous lui avez rendu tous
les services que vous avez pu
ou (sc. rendre). En conséquence
l'infinitif dépendant de voir et d'entendre peut être
caractérisé comme actif ou passif : je l'ai vue peindre, je
l'ai entendue chanter
répond à vidi eam pingentem, audivi
eam canentem
, mais je l'ai vu peindre, je l'ai entendu
chanter
répond à vidi eam pingi, audivi eam cani. Cependant
les participes de faire et de laisser suivis d'un infinitif
restent invariables parce qu'on les regarde comme n'exprimant
avec ce complément qu'une seule idée : on les a fait
mourir, on les a laissé tomber
, b) Si le participe a sous sa
dépendance une phrase commençant par que, il ne peut être
fléchi : les livres que vous n'avez pas voulu que j'étudiasse,
c) Si le participe est suivi du sujet de la phrase, il est également
invariable, selon certains grammairiens, mais il semble, d'après
l'usage le plus suivi, devoir s'accorder : la lettre qu'a écrite
le roi
. — Diverses exceptions à ces règles ont été signalées par
Monnard, Chrestom. I, 141.

Le provençal ne connaît pas de règle stricte, mais il fléchit
volontiers, surtout lorsque le régime précède ; après le relatif
le participe est partout fléchi ; voy. à ce sujet les Leys II, 382.
Voici seulement quelques exemples pour établir la comparaison
avec le français : 1) Participe placé avant le régime : ai fag
tantas clamors Choix
III, 278 ; que renegat a tota cortesia
V, 5 ; mais a forostada honor ibid. 13 ; ai passatz pons ni
planchas
33. — 2) Participe placé après le régime : la doussa
votz ai auzida Choix
III, 91 ; l'avia gent servida 92 192 ; la
chanso quel joglar avia facha
V, 32 ; la crotz qu'avem
perduda
IV, 115 ; mais qu'ieu ai sufertz III, 249 ; falsa
mortz quens a faitz partir
(en français on dirait fait partir)
270167 ; sos baros a fahs mandar GRoss. 3419 ; et de même
los ans qu'ai laissatz passar Choix IV, 419 ; cent donas
ai faitas plorar LR
. III, 261 ; le sujet suit le participe : tan
l'a onrada dieus
. — On peut prévoir que sur ce point aussi
le v.français s'est comporté comme le provençal.

L'italien se meut plus librement que le français. 1) Lorsque
le participe précède le régime, il peut rester invariable ou être
fléchi : ho ricevuto le lettere ; ho perso due zecchini ; et
ho saputa la nuova ; ho perduti i danari. — 2) S'il suit son
régime il s'accorde avec lui : non li ho veduti ; i danari ho
presi ; le lettere che avete ricevute
. On a restreint cette règle
comme en français, a) Le participe accompagné d'un infinitif
est fléchi lorsqu'il se rapporte au régime : la risoluzione che
avete presa di andare alla campagna
 ; il est invariable
quand le régime dépend de l'infinitif : la lettera ch'egli ha
cominciato a scrivere ; gli ha restituito quei libri che ha
voluto
(restituire). La distinction qui s'opère en français avec
voir et entendre existe ici aussi avec vedere et udire : dans
l'ho veduta depingere, l'ho udita cantare, la est régime du
participe, dans l'ho veduto dipingere, l'ho udito cantare,
la
est régime de l'infinitif. Mais fatto et lasciato peuvent s'accorder
avec leur régime : una nave, la quale io ho fatta
apprestare Dec
. 5, 1 ; una parte vi ho lasciata a dire 2, 7.
b) Une phrase qui commence par che rend également invariable
le participe qui la précède : le ragioni che ho creduto ch'egli
approvasse
. c) Il en est de même lorsque le sujet suit le participe :
le fatiche che hanno sofferto i soldati.

Voici quel est le principe suivi en espagnol : avec haber le
participe reste invariable, avec tener il se fléchit ; ces deux
règles doivent être observées dans toutes les circonstances : he
escrito una carta ; la carta que he escrito ; tengo escrita
una carta ; las cartas que tiene recibidas mi hermano
.
Mais si l'on se reporte aux anciens textes dans lesquels haber
est encore l'auxiliaire prédominant, on voit que l'usage commun
aux autres langues romanes est ici aussi en vigueur. Exemples :
1) Lorsque le participe précède : mio Cid ganada ha Xerica
PC
. 1335 ; sacada me avedes 1604 ; ovieron echados los
tizones
Bc. Mill. 221 ; 2) lorsque le participe suit : una tienda
ha dexada PC
. 590 ; ovo la missa acabada Bc. Mill. 180 ;
ovo la verdat manifestada Alx. 578 ; así como la hobiese
ganada SPart
. II, 369 ; non hdbia las cartas rescebidas
Rz. 1173 ; bien los ovo bastidos PC. 68 ; los averes que
271avien ganados
101 ; mais aussi batalla que han arrancado
2494. Néanmoins la variabilité a dû se perdre peu à peu à partir
du XIVe siècle déjà, elle semble à peine se présenter dans le
Conde Lucanor, et elle a tout-à-fait disparu au XVe siècle, dans
Santillana par exemple.

En portugais le participe n'admet aucune flexion : on dit tenho
escrevido huma carta ; as cartas que tenho escrevido
. Mais
c'est là aussi un usage de la langue moderne. L'ancienne langue
procédait exactement comme le v.espagnol, par ex. ouve mostradas
todas estas maravillas
dans une chanson galicienne
d'Alphonse X ; que vos a servida D. Din. 87 ; grandes autores
muy acupados tenes CGer
. II, 72 ; teve acupada a vista
388 ; ter merecida a morte III, 621. Encore chez Camoëns
par ex. flores que regadas tinha 3, 132 ; tem as flores mudadas
4, 42.

En valaque aussi le participe est invariable, par ex. dela
cine o ai cępętat ?
(a quo illam accepisti ?) ; le am cetit (eas
legi
).

2. Les verbes intransitifs qui forment la périphrase avec
esse ont le participe variable des verbes passifs, ceux qui l'opèrent
avec habere ont, comme on peut s'y attendre, le participe
invariable : ital. ella è morta ; gli amici non sono venuti ;
costoro hanno dormito
 ; fr. ils sont partis ; elle a dormi ;
les années qu'a duré notre liaison ; les jours que nous
avons vécu ensemble
 ; v.esp. la noche es entrada, esp.mod.
la noche ha entrado.

3. Les verbes réfléchis, dans les langues où la périphrase se
fait avec esse, ont le participe variable ou invariable. 1) Il est
variable, de façon à s'accorder avec le sujet, lorsque le pronom
personnel est considéré comme étant à l'accusatif, que le sens représenté
par le verbe soit neutre ou passif. Ex. It. ella si è vantata ;
eglino si sono maravigliati ; essa si è fatta monaca ;
i libri non si sono trovati ; la donna si è fatta sedurre
. Fr.
mon amie s'est trompée ; elles se sont trouvées innocentes ;
ils se sont repentis
. Prov. lo coms s'es esforsatz Choix V,
59 ; me sui a vos donatz III, 214 ; mos cors s'es mesclatz
118. Le procédé est exactement le même que pour le passif :
le participe est au nominatif, c'est ce que prouvent les exemples
provençaux, que les Leys II, 12 contredisent en vain, en
déclarant que ieu me soi ufert est plus correct que ufertz.
On n'applique pas la règle lorsqu'un infinitif est placé sous la
dépendance du participe, comme ital. ella si è fatto (non pas
272fatta) dipingere ; fr. elle s'est fait peindre. — 2) Le participe
est invariable, quand le pronom personnel est regardé comme
étant au datif. Ital. eglino si sono preso la libertà ; essa si è
figurato trovargli
. Fr. je me suis donné toutes les peines ;
elle s'est proposé de partir
. — En espagnol, portugais et
valaque le participe du réfléchi reste partout invariable : la cosa
que se ha ganado
etc.

4. Les verbes impersonnels qui forment la périphrase avec
habere se séparent des verbes transitifs en ce que leur participe
ne s'accorde pas avec le régime : on dit i gran calori che ha
fatto ; après la pluie qu'il a fait
.

Chapitre dixième.
Nombre du verbe.

La règle qui veut que le nombre de l'attribut se règle sur le
nombre du sujet est soumise à certaines conditions et restrictions
dans les cas où l'on considère le sujet au point de vue de sa valeur
logique et non pas de sa valeur grammaticale. Voici à peu près
les remarques qu'il convient de faire à ce propos.

1. Le sujet au singulier veut l'attribut au singulier. Ce
n'est qu'avec des noms collectifs que le verbe peut passer per
synesin
au pluriel, non-seulement comme en latin dans la poésie,
mais aussi dans la prose. On peut distinguer les idées suivantes :
1) L'idée de peuple : veniunt leve vulgus. Ital. la gente ci
accorressono PPS
. I, 9 ; gente che sospira e fanno pullular
Inf
. 7, 119. Esp. saldran la gente Apol. 580 ; quien
son esta gente d'armas ? SRom
. 164 ; la gente no saben
medio tomar Flor
. I, 241a ; port.a gente cahirão Lus. 1,
80. Prov. tota la soa gens monteron Choix V, 92 ; v.franç.
ja furent venu la gent FC. II, 443 ; là ierent sa gent Rou
3668 ; gent corrent Villeh. 203, 1. 20 ; franç.mod. le peuple
…vole de toute part…ils la mènent au temple
Rac.
Brit. 5, 8 (mais ici c'est ils qui est proprement le sujet) ; b.lat.
ipse populus, qui in ipsa villa habitant Yep. III, num. 8
(très-souvent). — 2) L'idée de masse et de partie : le pluriel
est presque nécessaire ici lorsque ces expressions ont sous leur
dépendance un nom au pluriel : magna multitudo convenerant ;
pars navium haustae sunt
. Ital. la maggior parte
sono da molto più vecchj Dec
. 5, 10. Esp. dieron en el
273jardin mucha cantidad de Turcos Nov
. 2 ; parecieron una
buena cantidad de cabras DQuix
. 1, 23 ; entraron en la
ciudad una tropa de soldados
 ; port.aqui dos Scythas
grande quantidade vivem Lus
. 3, 9. Prov. guanrren an
perillat LR
. I, 574 ; franç. nombre d'historiens l'ont ainsi
raconté ; quantité de gens ont dit cela ; la plupart furent
d'avis ; la plupart de ses amis l'abandonnèrent
(mais la
plupart du peuple voulait
 ; le singulier avec le singulier du
nom dépendant) ; de même beaucoup de gens pensent ainsi
(non pas pense) 193 ; v.franç. vindrent moult de genz FC. III,
406 ; assez voi souvent maint ribaut qui de parler se font
si baut
voy. Ruteb. I, 337 294. — 3) Le pronom chacun : sibi
quisque inde exemplum expetunt
. Ital. vanno a vicenda
ciascuna al giudizio Inf
. 5, 14 ; come ogni uomo desinato
ebbero
. Esp. cada uno por si sos dones avien dados PC.
2269 ; viven cada uno dellos desvariadamente CLuc. 27.
Prov. quascus prendetz lo plus bo Choix II, 199 ; usquecx
guerreiatz
213 ; franç. (lorsqu'un sujet au pluriel précède) les
assistans jurèrent chacun les saints
Rabel. 1, 17 ; ils ont
apporté chacun leur offrande
 ; mais aussi chacun de vous
louez le nom du créateur
Mar. II, 275. Rarement avec aliquis,
nemo
 : aperite aliquis Plaute Merc. 1, 2, Térence Ad.
4, 4 ; prov. non conoissetz degus NAmfos ? Choix III, 409 ;
esp. nadi nol diesen posada PC. v. 25. — 4) Unus alterum
(l'un l'autre), que le sujet soit ou non énoncé, se construit
avec le pluriel, ce qui n'était pas rare non plus en latin pour
alter alterum, alius alium. Ital. i fratelli si amano l'un
l'altro ; nelle braccia l'un dell'altro s'addormentarono
Dec.
5, 6. Esp. se miraron uno á otro. Prov. agron gran
malvolensa l'us a l'autre
 ; franç. ils se gâtent l'un l'autre.
Si le verbe suit le pronom, il peut se mettre au singulier : ital.
l'un l'altro si rode Pg. 6, 83 ; port.os deoses…hum do
outro differia Lus
. 1, 30. — Le style plus négligé de la période
ancienne se laisse aller très-facilement à employer cette construction
conforme au sentiment naturel. En provençal et en
v.français le singulier se trouve rarement employé avec les noms
274collectifs cités ; en b.latin le pluriel s'unit souvent au pronom
indéfini : ut nullus judex…ingredere non debeant Form.
M
. 1, 4 ; ut nullus quislibet inquietare praesumant Mur.
II, 24 (ann. 787).

2. Le sujet au pluriel veut l'attribut au pluriel. La langue
archaïque ou populaire se risque parfois aussi à mettre l'attribut
au singulier lorsqu'il précède le sujet. Ital. par ex.
vi morì molti Cristiani Malesp. c. 106 ; ora cominciò a
Roma divisioni moite
c. 12 ; soperchiava d'un peccatore
i piedi Inf
. 19, 22 ; apparvemi cose Dittam. 1, 1 ; même
diverse colpe gli aggrava (où d'autres lisent colpa) Inf. 6,
86. Esp. legó grandes poderes Alx. 1140 etc. On se laisse
plus facilement aller à ce procédé lorsque le sujet au pluriel est
suivi d'un autre sujet au singulier, comme dans ce passage de
Dante : usciva insieme parole e sangue Inf. 13, 43. Logiquement
parlant cette licence ne devrait être admise que dans
le cas où le pluriel peut être échangé contre le singulier. Grimm,
IV, 196, a montré avec quelle liberté le v.allemand se comportait
sur ce point.

3. Plusieurs sujets au singulier peuvent en général se construire
avec le pluriel aussi bien qu'avec le singulier de l'attribut :
en d'autres termes le verbe se règle, comme l'adjectif attributif,
soit sur l'ensemble des sujets, soit sur le dernier d'entre eux. Ex.
de l'emploi du singulier : cum tempus necessitasque postulat.
It. misericordia e giustizia gli sdegna Inf. 3, 50 ; or che'l
ciel e la terra e'l vento tace
P. Son. 131. Esp. la hora, el
tiempo, la soledad, la voz y la destreza del que cantaba causó
admiracion DQuix
. 1, 27 ; menos el llanto y el dolor seria
Cald. I, 171b. Prov. quar dols e plors e pietatz mi ve Choix
V, 5 ; franç. sa piété et sa droiture lui attirait ce respect.
C'est dans le cas où il précède le sujet que l'attribut peut le plus
facilement se mettre au singulier, et la grammaire française
ne concède l'emploi de ce nombre que sous cette condition : ce
héros qu'armera l'amour et la raison
Rac. Le singulier
s'emploie bien aussi avec plusieurs sujets qui se suivent sans
copule, comme ital. un sospiro, una parola lo farebbe ; esp.
la prudencia, el valor, la bizarria se ha de mostrar ahora
Cald. I, 272b. Voici ce qu'il faut encore remarquer : 1) Les
êtres vivants exigent le pluriel comme en latin : il padre e
la madre morirono
, non pas morì ; cependant il ne manque
pas d'exemples dans l'ancienne langue de l'emploi du singulier :
ital. il detto Arrigo e la moglie v'infermò Malesp. cap. 87 ;
275tosto che'l duca ed io nel legno fui Inf. 8, 28 ; ella ed esso
è più costante Ger. 2
, 31 ; prov. lo reis e el a vist l'auzel
Jfr
. 162b. — 2) Si un pluriel se trouve mêlé à plusieurs singuliers,
l'attribut se met d'ordinaire au pluriel, mais quelques écrivains
qui y regardent de moins près construisent l'attribut au
singulier avec le sujet singulier le plus rapproché, comme prov.
vostre bel cors cortes e las beutatz el fin pretz q'en vos es,
fai
etc. Choix III, 257. — 3) Si la copule est remplacée par
cum on peut se servir de l'un ou de l'autre nombre : Domitius
cum Messala certus esse videbatur ; Syrus cum illo consusurrant

Ter. Heaut. Ital. Giovanni con Alberigo andarono
in Puglia
Malesp. c. 49 ; il papa con due cardinali è tornato.
Esp. Ector con los Troyanos fueron mal quebrantados
Alx
. 584 ; Venus con Marte jamas hacen durable
ayuntamiento Num
. 1, 1 ; port.eu co'o grão Macedonio
e co'o Romano demos lugar
etc. Lus. 1, 78. Prov. lo rei
ab sos baros pueion Jfr
. 50a ; franç. le pape avec le cardinal
sont retournés
. — 4) L'enchaînement de plusieurs sujets par
nec…nec entraîne en latin généralement l'application du singulier
de l'attribut : sine imperio nec domus ulla nec civitas
stare potest
. La syntaxe romane donne une règle plus précise :
on emploie le singulier lorsque la négation porte sur chaque
sujet séparément, le pluriel lorsqu'elle porte sur l'ensemble.
Ainsi ital. nè io nè altri crede Inf. 2, 33 ; nè vecchiezza
nè infermità nè paura l'hanno potuto rimovere Dec
. 1, 1.
Esp. ni mi padre ni mi tio ha escrito este libro ; ni Pedro
ni Antonio asistieron á la fiesta
. Franç. ni le frère ni le
fils ne sera nommé ambassadeur ; ni la douceur ni la force
n'y peuvent rien
. Cependant le pluriel est usité aussi dans le
premier cas, comme fr. ni lui ni son Christ ne règnent plus
sur nous
Rac. Athal., et le singulier de même dans le second,
comme esp. ni guardas ni recatos ni otra humana diligencia
fué bastante Nov
. 10. — 5) La particule disjonctive
aut fait mettre l'attribut au singulier : ital. non so se il padre
o il figlio verra ; né notte o giorno l'arresta Orl
. 12, 67 ;
cometa o stella risplende Ger. 4, 28. Esp. la casa ó el
jardin será vendido
. Franç. la crainte ou l'impuissance
les empêcha
. Telle est la règle ; mais le pluriel n'est pas sans
exemple, et la syntaxe latine aussi admet ce dernier nombre.
Avec aut…aut on applique généralement le singulier, mais le
pluriel n'est pas exclu, et la grammaire française le prescrit
même souvent : ou la honte ou l'occasion le détromperont.
2766) Unus et alter se construit en latin avec le pluriel : qui
modo de multis, unus et alter erant
Ovide, Trist. 1, 3. En
roman cette expression, qui a reçu le sens de uterque, peut
prendre le singulier ou le pluriel. Ital. l'una e l'altra gente
è diretata Inf
. 14, 108 ; l'una parte e l'altra avranno fame
di te
15, 71. Esp. lo uno y lo otro es bueno ; el uno y el
otro me lo han prometido
. Franç. l'une et l'autre est
aimable, sont aimables
. Mais nec unus nec alter exige le
singulier : ital. ne l'uno ne l'altro sarà eletto ; esp. ni el
uno ni el otro lo sabe
 ; v.fr. l'un ne l'autre ne peut dire
TFr
. 536 ; fr.mod. ni l'un ni l'autre n'est venu, mais lorsque
le verbe est en tête on dit par ex. ils ne sont venus ni l'un ni
l'autre
.

4. Il reste encore à faire les remarques suivantes sur le verbe
être (et paraître) comme copule entre le sujet et l'attribut : 1)
Il se règle sur le nombre du sujet. Ital. i cittadini sono la
difesa del paese
. Esp. las Indias fueron el refugio de los
desesperados ; todo es lisonjas el viento
Cald. I, 129b. Fr.
leSRomains étaient une nation belliqueuse. L'accord de la
copule et de l'attribut est rare : literae thesaurum est Pétrone
c. 46 (grécisme). Ital. gioia mi par le pene PPS. I, 283 ;
le mura mi parea che ferro fosse Inf. 8, 78. Esp. todos
los encamisados era gente medrosa DQuix
. 1, 19 ; port.
seus olhos fontes d'agua parecia GVic. III, 348. — 2) Les
verbes esse et facere, lorsqu'ils sont précédés de plusieurs
nombres cardinaux jouant le rôle de sujets, se mettent en italien
au singulier ou au pluriel, en espagnol et en français au pluriel :
tre e quattro fa (fan) sette ; tre via tre fa (fan) nove ; dos
y tres son cinco ; deux et trois font cinq ; deux fois deux
font quatre
. — 3) Le franç. être, quand il rattache le démonstratif
ce à un pluriel, se met au même nombre : ce sont mes
amis ; ce sont eux ; ce sont elles
(c'estoit les frontières,
dit Comines p. 341). Mais devant la première et la deuxième
personne du pluriel il se règle sur le nombre du sujet : c'est
nous, c'est vous
, comp. angl. it is we, it is you, mais aussi
it is they (voy. p. 84). — 4) Nous avons vu plus haut (p. 180)
qu'on peut unir à l'expression impersonnelle est (il y a), à côté
de laquelle on emploie aussi habet, le nom au pluriel. On dit
ainsi franç. il est des hommes, il y a des femmes ; aussi
il est trois heures ; ital. vi ha uomini ; non è molti anni etc.
En français le neutre il s'accommode avec le singulier du verbe
et le pluriel du nom : il se trouve de belles choses ; il s'est
277élevé des questions ; il reste trois ; il mourut deux mille
hommes
Com. 369.

Chapitre onzième.
La personne.

1. En roman, de même qu'en latin, la personne n'a pas
besoin d'être désignée d'une manière plus précise par le nominatif
du pronom personnel ; en espagnol notamment la troisième
personne en est rarement munie. Le français fait exception
à cette règle. Mais dans sa période primitive il jouissait de la
liberté commune aux autres langues romanes, et encore au
XVIe siècle on disait généralement ne sçay pour je ne sçay ;
si
(je) suis descolorée ; si pitié (tu) n'as ; et (il) ne pense ;
(nous) ne craindrons etc. ; cependant l'omission du pronom ne
semble déjà plus tolérée au début du discours, ainsi on dit bien
aveugle suy, venus sommes, mais non pas suy aveugle
sommes venus
. Des exemples de cette liberté se trouvent chez
les classiques du XVIIe siècle, surtout dans Molière, par ex. en
de nouveaux périls
(je) viens de m'embarrasser l'Etourd.
2, 1 ; et lui (il) ne vouloit pas sortir Mal. imag. Monnard,
Chrest. I, 115, en a cité d'autres exemples. Plus tard le pronom
est devenu si nécessaire qu'il a presque servi de substitut à la
flexion en décadence. Il importe surtout de faire à ce sujet les
remarques suivantes : 1) Même les langues romanes qui ne sont
point tenues d'employer le pronom l'appliquent au moins partout
où l'on veut insister, et en ce cas c'est lorsqu'on le place après
le verbe qu'il fait le plus d'effet, ainsi ital. tu hai quel medesimo
desiderio che aveva egli
 ; esp. esos cuentos os podré
contar yo
. Le français a recours ici à ses accusatifs moi, toi,
lui : moi je n'en sais rien ; lui il pense autrement
(p. 44).
2) Quelque nombreuses que soient les circonstances où le
pronom est ajouté sans nécessité, cependant il ne s'emploie pas
de cette façon à l'impératif avec la deuxième et la première
personne : ici il indique toujours qu'on insiste sur l'idée. Ex.
Ital. dimanda'l tu che più gli t'avvicini ! Pg. 14, 5 ; e tu
ferma la speme !
ibid. 3, 66 ; ora andiam noi ! Dec. 10, 9 ;
facciam noi ! Ger. 2, 3. Esp. mira tú y considera ! ten tú
lastima de tí ! vivid vos muchos años ! cantemos nosotros !

Prov. per dieu tu lo m'escriu ! Choix V, 30 ; belhs amicx
278tu me guida !
III, 348 ; be siatz vos vengutz ! GA. 605.
Lat. tu fac ut dixi ! tu animo bono es ! Mais le pronom s'emploie
aussi avec la troisième personne de ce temps, sans marquer
d'insistance, ainsi it. ella mi dica ! (dites-moi !) entrino loro !
(entrez !). En français la deuxième et la première personne de
l'impératif sont les seules formes de temps qui puissent se passer
du pronom : chante ! chantez ! chantons ! la troisième l'exige :
qu'il chante ! qu'ils chantent ! Cette expression concise chantons
(voy. plus haut p. 193) laisse loin derrière elle la formule
périphrastique allemande composée avec lassen (sinere) : lasst
uns singen
 ; mais dans l'ancienne langue le simple optatif
singêm était encore usité. Exemples de l'emploi du pronom en
v.français : ne passes tu noient ! FC. II, 78 ; bien soies vous
venus ! Ccy
2154 ; ne vous en doubtez ja ! QFA. 219.

2. On doit encore tenir compte de quelques questions qui
concernent la troisième personne. En premier lieu les verbes
impersonnels doivent-ils être accompagnés d'un pronom neutre
comme dans les dialectes allemands ? Sur ce point encore les
langues romanes ne s'accordent pas. En français le pronom ne
peut pas manquer : il pleut, il fait chaud, il est des hommes,
il y en a beaucoup, il reste quatre, il viendra de l'air,
il manque bien des livres, il lui en coûte son argent
etc. ;
cependant l'usage a consacré n'importe, reste à savoir, plût
à Dieu
. Mais en v.français et en provençal le pronom neutre
n'est pas plus nécessaire que le pronom personnel ; c'est surtout
dans le second de ces dialectes qu'il est d'usage de l'omettre.
En italien on peut indifféremment l'appliquer ou le laisser de
côté : tuona, fa caldo, è vero, pare, et egli tuona, egli
fa caldo, egli è vero
(même gli è vero), egli pare, come ti
pare egli ?
et de même lorsqu'un sujet suit : egli appare subitamente
cosa Pg
. 28, 37 ; egli è alcuna persona Dec. 10,
4 ; egli è qui un malvagio uomo 2, 1 ; egli è sentenza degli
antichi scrittori ; egli è ora
(il est temps) ; ou bien avec un
pluriel, et dans ce cas egli est sans doute pris pour eglino :
egli non sono ancora molti anni passati Dec. ; e' sono stati
assai principi
Mach. Disc. 195 L'espagnol s'abstient absolument
de ce pronom abstrait ; on ne trouve pas de ello llueve, ello
acaece, ello hace frio
, et lorsqu'on dit ello parece muy
279dificil, mas no lo es
, en ce cas ello a une valeur démonstrative.
Le portugais a complètement renoncé au neutre ello.

3. Indépendamment du pronom abstrait il y a un sujet abstrait,
exprimant une pluralité indéterminée qui peut être préposé à
la troisième personne. C'est homo, que nous avons déjà appris
à connaître plus haut (p. 79) dans le sens d'une unité indéterminée
(= unus, aliquis). Homo est ici un mot atone qui
se rattache au verbe et prend par rapport à ce dernier la même
place que les pronoms ego, tu, ille : il répond tout-à-fait à
l'all. man. A en juger d'après des passages b.latins comme ut
inter tabulas adspicere homo non posset
(afin qu'on ne pût
pas voir) Gr. Tur. 4, 12 ; sic debit (debet) homo considerare
Lup. 527 (ann. 774), l'usage de cette expression a dû se développer
de bonne heure dans la langue vulgaire. Le français est
la seule langue qui en fasse encore usage, il l'applique aux deux
genres et aux deux nombres de l'attribut : on pense ; on voit ;
on doit être bon ; on doit être bonne ; on se battit en désespérés
.
On prépose souvent l'article à on, par raison d'euphonie,
surtout après et, si, où et que, lorsqu'il n'est pas suivi dans
ces cas d'un pronom commençant par un l, ou bien aussi quand
il se trouve au début d'une phrase : et l'on fera mieux ; si
l'on veut ; où l'on trouve ; que l'on connaît
 ; mais on dit
et on le fera ; si on la veut ; où on les trouve. Le v.français
employait presque indifféremment l'expression munie de l'article
l'on, aussi l'en (qui se trouve d'abord dans des textes picards,
d'après Fallot), ce qui prouve qu'on avait oublié l'origine de
cette particule : on écrivait par ex. que l'um le voleit ; que
l'on jurt ; deit l'un livrer ; le deit l'um ; se um veut ; femes
doit l'en honourer
etc. Lorsqu'ici au lieu de om ou hom on
emploie la forme home (qui ne convient proprement qu'au cas
oblique) comme dans onques si bele (chançon) n'oï home
Ren
. III, 47, ce mot est considéré non point comme un pronom
conjonctif, mais comme un pronom absolu (p. 79). Le dialecte
voisin, le provençal, fait également un usage libéral de ce pronom,
avec ou sans article, par exemple dans la phrase l'om
nol laiset a salvament annar Boèce
69, où l'om ne répond ni
à homo, ni à quisquam, mais exactement à l'allem. man. —
En italien cette acception de uomo est vieillie. Des poètes du
XIIIe siècle disent dicess'uom, uom cresce, uom non si debbe
tener
(voy. les PPS. et d'autres collections où ce mot se retrouve
très-souvent). Dante : com'uom fa dell' orribili cose
Pg
. 14, 69 ; dove uom s'affibbia'l manto Inf. 31, 66. Pétrarque :
280per chiamar ch'uom faccia Cz. 6, 1. Boccace :
come uom dice Dec. 1, 7 ; per lo quale uom dice 3, 7.
La place du pronom est quelquefois occupée par la locution
munie de l'article l'uomo, qui est prise, il est vrai, dans
un sens moins abstrait, comme dans l'uomo s'inganna,
l'uomo si lusinga
. Le valaque dit de même de este omul
beteag
(lorsque l'homme est malade). — Le v.espagnol emploie
souvent hombre ou ome dans le sens en question. On trouve
par exemple en que ome los ata Alx. 215 ; es razon que
home guarde mucho aquello SPart
. I, p. 76 ; en pocos
que vos hombre diga CLuc
. 44 ; lo que hombre face por
su alma 66 ; no puede hombre conocer
S. Prov. 70.
Le portugais dit de même : o que homen traz na fantezia
R. Men. c. 7 ; segredos que homem não conhece Lus. 3,
69. Raynouard cite d'autres exemples italiens, espagnols et
portugais, voy. le Choix VI, 187 ss.

4. Une autre propriété de la troisième personne consiste à
pouvoir rendre exactement la même personne du passif latin
en s'unissant au pronom réfléchi se ; cet usage est déjà développé
dans les plus anciens monuments. Il faut distinguer deux cas.
1) Expression impersonnelle, a) Avec des verbes transitifs :
ital. si dice (dicitur), si è detto (dictum est), si crede
(creditur), si sa (scitur), non si può dire (dici non potest) ;
esp. se dice, se ha dicho, se cree, se sabe ; port.diz-se,
sabe-se
 ; val. se vorbeśte, s'au vorbit, se creade. Mais en
provençal : om ditz, om crei ; fr. on dit, on croit, b) Avec
des verbes intransitifs : ital. si va (itur), si viene (venitur)
si vive (vivitur) ; esp. se anda, se viene, se vive ; val. se
mearge, se vine
 ; fr. on va, on vient, on vit. c) Les verbes
réfléchis n'admettent pas l'emploi impersonnel : si maraviglia,
si lusinga
est personnel (il s'étonne, il se flatte), et on ne forme
pas au sens impersonnel de locutions comme si si maraviglia,
si si lusinga
. — 2) Expression personnelle. Le verbe, qui ici
ne peut être qu'un transitif, se règle sur le nombre du sujet.
Ital. il libro non si trova, i libri non si trovano. Esp. se
teme una borrasca ; se creen muchas cosas
 ; port.diversos
pareceres se dão ; a arvore se prantou
. Prov. blasme se
mier PO
. 165 ; sa porta non si degra vedar Choix IV,
364 ; franç. un bruit se répand ; la bibliothèque se vendra ;
l'offre s'accepte ; cela ne s'oublie jamais ; il se fait des
protestations
. Si le sujet est, comme dans les exemples cités,
une chose, rien ne s'oppose à l'emploi de l'expression réfléchie ;
281mais si c'est une personne, ou tout au moins un être vivant,
cette expression peut devenir équivoque. On ne dit pas volontiers
en italien il fratello si loda, i fratelli si puniscono ;
mais on dit bien, puisqu'il n'y a pas de confusion à craindre :
si che veder si poten tutti quanti Inf. 4, 117 ; la gente
potrebbesi veder ?
10, 7 ; laddove Cristo tutto dì si merca
Par
. 17, 51 ; perché si de' punir donna ? Orl. 4, 66 ; coloro
i quali tu vuogli che s'ardano Dec
. 5, 6 ; de même prov.
la genser qu'el mon se mire ; l'espagnol et le portugais ne
se comportent pas autrement. Le français, qui restreint autant
que possible la part de l'interprétation et fixe avec la dernière
précision le sens de chaque tournure, réserve le passif réfléchi
pour les objets inanimés et les idées abstraites. L'emploi de cette
expression avec des personnes n'est pas commun ; on dit par
exemple un tel ami se trouve rarement. On a montré au
livre de la flexion comment en valaque ce passif s'est à l'inverse
emparé aussi de la première et de la deuxième personne 196.
Il faut ajouter encore que la grammaire italienne prescrit l'emploi
du passif propre au lieu de la forme réfléchie lorsque la
phrase contient un pronom personnel, ainsi mi è stata tagliata
la borsa
pour mi si è tagliata. Mais en espagnol des phrases
telles que si presto no se me da remedio Nov. 10 sont parfaitement
admises. — Le nom dans cette locution est sujet et non
point régime, aussi ne dit-on pas en italien si vede molte cose
pour si vedono. L'espagnol seul a perdu le sentiment de cette
formule, car il ne craint pas de placer le nom sous la dépendance
du verbe. Ex. muy pocos reynos se halla (on trouve très-peu de
royaumes) JMen. 79 ; se ofende á dios Nov. 6 ; dése á Ceuta
(qu'on rende Geuta) Cald. I, 269b ; avisarse puede á Carlos
136b ; se le enterró (on l'enterra) Flor. éd. Wolf II, 39 ; se cita
á D. Lucas
etc. ; port.se sõa os grandes feitos (on proclame
les hauts faits) Lus. 2, 103. Des exemples de ce genre empruntés
282à quelques anciens écrivains italiens ont été cités par Blanc 312.
L'esp. reynos se halla n'a pas son pendant dans les phrases
françaises il se trouve des royaumes ; il se fait des protestations ;
il s'est élevé des questions
, car il occupe ici la
place du sujet grammatical. — L'expression réfléchie du passif
dans le domaine roman est d'autant plus heureuse qu'on l'obtient
par un procédé bien simple, l'addition si aisée de la petite particule
se : ital. s'intende = intelligitur, viensi = venitur,
lodansi = laudantur
, esp. leese = legitur, leense = leguntur ;
certains patois se contentent même d'une s ajoutée en
guise de suffixe, voy. t. II, p. 77. Cette expression répond à
la théorie de la grammaire comparée, d'après laquelle la forme
du passif latin n'est pas autre chose qu'une forme réfléchie,
c'est-à-dire que legitur est pour legit-u-s = legit-se. Le v.h.
allemand n'a même pas atteint sur ce point la liberté du français 197.

5. Comme dans les langues anciennes, la troisième personne du
singulier du passif peut être échangée contre la troisième personne
plurielle
de l'actif : λέγουσι est identique syntactiquement
à λέγεται, dicunt à dicitur, ital. dicono à vien detto. Cette
tournure n'a pas besoin d'être expliquée. Une particularité plus
importante consiste en ce que l'espagnol et le portugais emploient
la même personne de l'actif surtout pour rendre l'expression
pronominale que nous connaissons déjà, homo, ou bien le passif
réfléchi. Voici à l'appui de cette remarque deux passages de
Calderon : á mí, por ser de nacion Alarbe, el lugar me
deben primero ; que los extraños, donde hay propios, no
prefieren. Donde saben cortesia sí hacen, pues vemos
siempre, que
dan en qualquiera parte el mejor lugar al
huésped
I, 275b. Les verbes seraient ici en italien si deve,
si preferiscono, si sa, si fa, si dà
, fr. on doit, on préfère,
on sait, on fait, on donne
. Ce procédé est aussi très-usité
à l'impératif : oiganle = ital. sia udito, uditelo ; denme
= sia dato, datemi
. Cet usage de l'espagnol est si voisin de celui
de on en français qu'on peut entendre ce passif comme représentant
une seule personne déterminée. Dans une romance le
Cid dit en parlant de Urraca : una vira me han tirado (quelqu'un
m'a lancé un trait) SRom. 304 ; Cervantes : quedó sola
283Leocadia, reconoció el lugar donde la dexaron
(où Rodolphe
l'avait laissée) Nov. 6 ; Calderon : matan á Clotaldo (Sigismond tue C.)
I, 13b.

6. Il va de soi que partout la première et la deuxième
personne
des deux nombres peut représenter le sens indéterminé
de la troisième. Ital. or li vedi ire altieri, or rannicchiarsi
Orl.
2, 9 ; qui mille immonde Arpie vedresti Ger. 4, 5.
Esp. veriedes armarse Moros PC. 705 ; vereys tocar las
trompetas SRom
. 21 ; luego vieras al viento las banderas
tremolando
Garc. Egl. 2. Prov. als us viratz vestir ausbercx
Choix
III, 408 etc. Lat. quocunque adspiceres, luctus
gemitusque sonabant
. Outre le verbe « voir », ce sont surtout
les verbes « entendre, dire » et « penser » qu'on trouve employés
de cette manière, c'est-à-dire à la deuxième personne.

7. Accord des formes personnelles : 1) Avec un seul pronom
personnel. Il est clair qu'ici les deux mots doivent s'accorder.
Quand le provençal dit es ieu qu'ai vist (litt. ego est qui vidi),
il omet le démonstratif que le français exprime dans c'est moi,
c'est vous
 ; en italien on dirait questi son io, comme en latin
hic ego sum. — 2) Si le verbe se rapporte à diverses personnes,
on s'écarte rarement de l'ancienne règle qui veut que la première
personne prenne le pas sur la deuxième et celle-ci sur la
troisième. Ex. Ital. tu ed egli lo sapete ; d'una radice nacqui
ed io ed ella Par
. 9, 31 ; e voi con meco insieme prenderemo
Dec
. 4, 3 (mais nè io nè altri crede Inf. 2, 33).
Esp. ó él ó yo perdemos las vidas ; yo y mi padre llegábamos ;
port.tu e elle me ameaçais. Prov. eu et tu et el
devem disnar ensems GProv
. 38 ; vos e tuich l'autr'
amador etz remazutz
 ; franç. (la personne du verbe ne supprime
pas même dans ce cas le pronom qui la complète) vous et moi
nous avons le même intérêt ; toi et lui vous avez promis
que
etc. Val. eu śi tatęl tęu te am cęutat (moi et ton père
t'avons cherché).

Avant de terminer cette étude du verbe, il nous reste encore
à mentionner les ellipses verbales. Elles ne sont pas aussi
largement admises dans les langues modernes que dans les
langues anciennes. On supprime facilement après des verbes de
mode les infinitifs andare, venire et d'autres analogues, ainsi
ital. egli non potè (andare), non volle (venire) ; ou bien le
participe de ces mêmes verbes après esse : v.franç. il est (allé)
acheter NFC. 1, 307. Ce qui a lieu le plus souvent c'est l'ellipse
284emphatique de la copule esse dans les exclamations. Ainsi
ital. felice (è) l'alma ! grazia (sia) a dio ! Esp. oh que gran
crueldad
(es) esta ! dios (sea) loado ! Franç. heureux (est)
le peuple qu'un sage gouverne ! En valaque on dit beaucoup
mi bine, mi ręu (je me porte bien, mal) etc. Un trait propre
à l'espagnol consiste à mettre l'attribut sans copule après certaines
particules : no dormia por (ser) pobre Nov. 7 ; era
su emperatriz por
(ser) mas hermosa Cald. I, 12b ; no
habiendo tenido atrevimiento de llegarse á él quando
(era)
hermosa Nov. 4 ; serás de la misma condicion que eras
quarido
(eras) lindo mozo. — On peut encore signaler à ce
propos une abréviation qu'il est possible aussi d'expliquer par
esse, sans toutefois qu'elle ait sa cause dans une ellipse de ce
verbe. On dit en allemand als kind verlor er seinen Vater :
l'adverbe als indique un état contemporain de l'événement
raconté qui se laisserait aussi bien exprimer par une proposition
temporelle, par ex. als er ein Kind war. Le v.allemand
se contentait du nom seul : kind warth her faterlôs, et le roman
s'en contente encore. Ex. Ital. regnò papa anni undici (allem.
als Papst, c. à. d. essendo papa) Malesp. c. 132 ; che tenero
fanciullo il popol crea signore
(essendo fanciullo). Esp.
á servir al rey vine infante (siendo infante) Cald. I, 265 b ;
doncella la quise (siendo d.) 370b ; el arroyo que sierpe de
plata se quiebra
(siendo casi s.) 2a ; si hermosa te quise,
fea te adoro
(= siendo hermosa, quando eras hermosa)
Nov. 4. Prov. que valia mais coms (quant era coms) Choix
IV, 68 ; puois irai pelegrins part Sur 23 ; v.franç. qui virge
enfanta le roi
(étant vierge) NFC. II, 156 ; je ne le vis des
quel norri garçon RCam
. 53 ; fr.mod. où l'on a vécu fille
Corn. Hor. 3, 4 ; il est beau de mourir maître de l'univers
Corn. Cinn. 2, 1 ; il sort vainqueur du combat ; nous partimes
cinq cent
Corn. Cid.

Chapitre douzième.
Adverbe.

La syntaxe n'a qu'un petit nombre d'observations à présenter
sur cette partie du discours.

1. On a déjà montré au tome II, 432, que les rapports
exprimés par ubi, quo et unde ont été troublés dans l'adverbe
285de lieu. Nous allons revenir avec plus de précision sur ce point.
Un seul et même mot sert en général pour ubi et quo ; ce mot
aune valeur interrogative dans : ital. dove sei ? dove vai ? esp.
donde, adonde estás ? donde, adonde vas ? de même port.onde,
aonde
 ; prov. ont es ? on vas ? franç. où êtes-vous ? où allez-vous ?
val. unde ai fost ? unde mergi ? Et démonstrative dans :
ital. io sto qui ; venite qui ; ci sono, ci entro ; esp. estoy acá,
venid acá
 ; port.estou cá, vem cá ; franç.je suis ici, venez ici.
Le lieu où l'on va est parfois indiqué d'une manière plus exacte
au moyen de in : ital. in dove ? in qua, in là etc. Pour rendre
unde on a des locutions composées avec de, par ex. ital. donde
venite ?
esp. de donde venis ? port.d'onde vens ? franç. d'où
venez-vous ?
val. de unde ? De même ital. uscite di qui ! esp.
salid de aquí ! franç. sortez d'ici ! — La négligence apportée
dans la distinction de ubi et quo date déjà certainement du
latin populaire, car on la constate même chez certains écrivains
(sur l'emploi de ubi pour quo, voy. Forcellini). Cette confusion
est naturellement très-fréquente dans le plus ancien b.latin :
ut et ego ibi veniam Tat. Matth. 2, 8 ; ibi eum miserit (in
puteum
) Chloth. capit. Pertz IV, 9 (c. 550) ; ubi aliter
pervenire non poteras
Cassiod. d'après Funccius De inerti
ling. lat. senect
. 719 ; ibique veniens Bréq. 335b (ann. 693) ;
ibidem mittat 475d (ann. 739) ; vadat ubi voluerit (= quo)
Brun. 532 (ann. 749) et beaucoup d'autres exemples.

2. Quant à ce qui concerne d'abord les adverbes pronominaux,
ceux d'entre eux qui ont une valeur personnelle ont déjà été
traités au chapitre troisième ; quant aux adverbes relatifs il en
sera parlé dans la deuxième section. Il nous reste à parler ici
des adverbes démonstratifs et interrogatifs. 1) En italien l'adverbe
démonstratif, de même que le pronom démonstratif, exprime,
relativement à celui qui parle, trois rapports différents.
A la première personne se rapportent qui et qua (hic), à la
deuxième costì et costà (istic), à la troisième et avec
colà (illic). Pour d'autres idées de lieu la deuxième et la troisième
personne se confondent : quici, ci (ici), ivi, quivi, vi
(là, là même), quinci (d'ici), indi et quindi (de là), l'anc.
costinci tenait le milieu ; cependant ci et vi s'emploient très-habituellement
l'un pour l'autre. L'espagnol et le portugais ne
font aucune part à la deuxième personne, car ces langues n'ont
tiré aucun dérivé du pronom ese : pour la première personne
l'espagnol a aquí et acá, le portugais aquí et , pour la
deuxième et la troisième personne à la fois, l'espagnol emploie
286allí, allá, ahí, acullá, et le portugais allí, lá (anc. allá), acolá ;
le français se sert de même de ici pour la proximité et de
pour l'éloignement. — 2) Les adverbes interrogatifs sont
pour ubi et quo : ital. ove, dove, esp. do (chez les poètes),
donde, adonde, port.onde, aonde, prov. on, franç. , val.
unde. Pour unde : it. donde, esp. de donde, port.d'onde, pr.
don, franç. d'où, val. de unde. Pour cur : ital. perché (aussi
pour quia), esp. por que (porque pour quia), port.porque,
prov. per que et quar (rarement, par ex. quar no ten gics ?
PQ
. 136, comp. Boèce 130, Fer. 661, Choix II, 281), franç.
pourquoi, val. de ce. Pour quid, comme synonyme de cur,
on emploie le même mot sous sa forme romane : ital. che pur
vai ?
esp. qué vas temiendo las nuevas ? franç. que n'avezvous
pas soin de vos affaires ?
Pour ut dans l'exclamation
on se sert également de que : ut miser est homo qui amat !
ut istuc est lepidum !
esp. ah qué tu esfuerzo generoso es
vano !
franç. que Dieu est puissant ! 198 Pour quomodo on a :
ital. come, esp. port.como, prov. com, co et comén, cossí,
franç. comment, qu'il faut distinguer du relatif comme, qui
toutefois en v.français était aussi interrogatif, et Molière encore
l'a employé dans cette acception (comme vous en va ?), val.
cum. Ce come, sous la forme du mode et de la qualité, sert
encore à questionner sur le motif, c'est-à-dire qu'il passe au
sens de quare : esp. como no hablas ? port.como me deixastes
só ?
prov. com lo volguist aucir ? Choix V, 12 ; franç.
comment vous êtes-vous avisé ? le m.h.allemand dit de même :
wie tuostu sô ? (pourquoi agis-tu ainsi ?). Pour quando on a :
ital. esp. port.quando, prov. quan avec quora, fr. quand 299.
3. Adverbes qui prennent la place des prépositions. La
plupart des prépositions sont en même temps des adverbes de
lieu et peuvent comme tels s'attacher à l'idée du verbe, sans
exercer d'influence sur un cas contenu dans la proposition, ainsi
dans la phrase latine tribus annis post decessit qui s'emploie
à côté de post tres annos decessit. L'italien est de tous les
287dialectes romans le plus porté à cette réduction des prépositions
à leur valeur adverbiale. Voici des exemples : si vede apparir
la terra avante
(c.-à-d. avante a se) Orl. 2, 24 ; le va
davante
13, 47 ; che la dolcezza ancor dentro mi suona
Pg.
2, 144 ; e dietro le venia Inf. 3, 45 ; incontra mi
stette
8, 99 ; innanzi mi saliva Pg. 4, 136 ; mi veggio
intorno Inf
. 6, 5 ; la penna al buon voler non può gir
presso
Pétr. ; che sopra gli arriva Orl. 2, 13 (comp. t. II,
400) ; io mi vidi sopra un giovane (vidi un giovane sopra
di me
) Dec. 4, 2 ; sotto vasi vi son (sotto quella cosa) Orl.
4, 38 ; su vi montò (sc. sulla quercia) Dec. 5, 3. Esp. vayan
te delante PC
. 861 ; cosas que de mí no salen fuera Garc.
Prov. me venon denan PO. 301 ; portar com al fron
denan Choix
III, 66 ; ill Juzieu li vengron sobre V, 91 ;
v.franç. li fussent encontre TCant. 118, 15 ; li curent sure
101, 1 ; por coi avez Karlon sore coru ? Agol. 1104 ; li
corrent sus Sax
. I, 19 ; grans duels nos en est sor (= sor
nos
) Rom. fr. 65 ; la fosse o fut enz (o, où = dans laquelle)
Rol. p. 95. Les locutions françaises là-contre, là-dedans,
là-dessus
se rattachent à cet usage : pouvez-vous tenir là-contre ?
que pensez-vous là-dessus ?

4. L'adverbe prend la place de l'adjectif. 1) Avec le verbe
« être ». a) Bene et male : bene est, male est ; comp. m.h.all.
daz ist wol, daz ist übele. Ital. è bene, è male, è peggio.
Franç. c'est bien, c'est mal ; elle est bien (sc. faite) ; mon
ami est bien auprès du roi
. Esse avec l'adverbe attribue au
sujet un état, non pas une qualité : elle est bien exprime tout
autre chose que elle est bonne ; bien est en quelque sorte une
particule séparée du verbe qui se présente unie à lui dans bien-être.
Avec les verbes stare et parere, qui ont un sens plus
concret, ce procédé étonne moins : ital. sto bene ; la cosa sta
male ; parmene male
 ; esp. estoy bien ; la muchacha me
parece bien
. — b) Les adverbes de lieu et de temps doivent
être jugés comme bene et male : prope sum ; longe tibi sum ;
procul este !
Ital. quando saranno più presso ; lungi fia
dal becco l'erba Inf
. 15, 72 ; l'ubbidir m'è tardi 2, 80. Esp.
la ciudad es lexos ; es ya tarde. Franç. il est près ; celui-ci
est loin dans cette science ; ta fortune est bien haut
Corn.
Cinn. ; il est tard. — c) L'ancienne langue emploie les adverbes
en -mente, dans leur sens propre, à la place de l'adjectif : ital.
essendo poveramente CN. p. 8 ; prov. s'il vis lo mesquin
nudamen LR
. I, 550a ; v.franç. cel jugement est droitement
288FC
. II, 149 ; je me sent moût faiblement NF. II, 334 ; vos
truise ci molt escheriemant Sax
. I, 216 ; quant il la vit
si pourement
Rut. II, 210. Plus habituellement avec stare :
ital. ch'eo stesse allegramente PPS. I, 185 ; state lietamente
Dec.
2, 2 ; prov. ab los fatz sap estar nesciamen
Choix
V, 28 ; paupramens vos vei estar PO. 350 ; el sieu
senhoratge
remang tot vencudamen Choix III, 129. Le
v.allemand use du même procédé avec les adverbes en -lîchen,
par ex. diu ist gar jaemerlîchen ; daz er ze müelîchen sî
(Grimm IV, 926) 1100. — 2) Nous avons déjà montré, p. 13 et 137,
que certains adverbes intensifs et partitifs peuvent se construire
avec le substantif. Les langues romanes ne vont guère plus
loin ; les tournures grecques : οἱ vῦv ἄνθρωποι, ἡ τότε μεταβολή, οἱ
πάλαι ἄρχοντες, τὰ πρὶν καλά, ὁ μεταξύ τόπος, latines : nunc homines,
illa tum mutatio, retro principes, ante mala, saepe leges
,
anglaises : the then ministry, the above discourse trouvent à
peine un écho dans notre domaine. Le b.latin employait surtout
semper et quondam comme attributs (semper virgo Maria,
per semper saecula, de quondam patre meo
), l'esp. asiempre
(la siempre senora mia BQuix. 1, 25, à quoi répondrait le
gr. ἡ ἀεὶ δέσποινα), l'ital, fu (feu), qui est proprement tiré d'un
verbe (il fu re, fu mia madre ; franç. feu p. 85).

5. Un usage très-suivi en roman, comme en grec et en allemand,
consiste à employer comme substantifs des adverbes et
d'autres particules qu'on munit alors de l'article masculin. Dante
dit par ex. ed io rimango in forse, che'l no e'l sì nel capo
mi tenzona Inf
. 8, 110 ; state contenti al quia Pg. 3, 37 ;
lo imperchè non sanno ibid. 84 ; esp. el sí, el no, el porque
non pas lo etc.) ; franç. le pour, le contre, le pourquoi,
le dedans, le oui, le non
.

Chapitre treizième.
Formes de la proposition simple.

La signification des éléments de la proposition simple et leur
enchaînement organique ont été exposés aux chapitres précédents.
289Il nous reste à traiter des formes de cette proposition, qui
sont l'énonciation et l'interrogation.

1. L'énonciation est soit positive, soit négative. Dans le second
cas elle est avec la proposition composée dans une relation si
intime qu'il y a avantage à l'étudier après l'examen des diverses
formes de propositions. Quant à l'enonciation positive, il faut remarquer,
sur l'ordre des éléments qui la composent, que, contrairement
à la proposition interrogative, elle place régulièrement le
sujet en tête et fait suivre l'attribut avec les mots qui en dépendent ;
les exceptions à cette règle ainsi que la place des autres mots
seront étudiées dans la section consacrée à l'ordre des mots. On
peut indiquer ici une extension de la proposition simple
qui ne trouve son application que lorsqu'on veut insister sur
l'idée, et qui est devenue si usitée dans l'une des langues sœurs
que l'esprit n'y voit presque pas autre chose qu'une proposition
simple : c'est pour cela seulement qu'elle mérite d'être mentionnée.
Cette extension s'opère au moyen du verbe substantif
qui prend place dans la proposition principale, tandis que la
proposition suivante débute par le relatif ou la conjonction que.
Au lieu de mio padre me lo tolse ; ieri stavi meco, on dit
en italien avec plus de force mio padre fu chi me lo tolse ;
egli fu ieri che tu stavi meco
. De même en espagnol : amor
era quien me habia vencido ; á quien mas le pesó, fué á
una dueña
(non pas una dueña) ; lo que él mas sintió, fué
que no podia vengarse ; ce procédé est surtout appliqué ici
dans la phrase conditionnelle : si es que lo sabes ; si es que
la fortuna quiere
. De même aussi en m.h.allemand : ist daz
ir des niht entuot
(= all.mod. ist es, dass ihr dessen nichts
thut) ; ist daz er solher tumpheit gert
(= all.mod. ist es
dass er solcher Thorheit begehrt
). C'est en français que cette
figure du discours est devenue extraordinairement fréquente ; on
y prépose au verbe substantif le démonstratif neutre ce (c'est
ce sont, c'était
etc.) : c'est mon frère que je plains ; c'est
de moi de qui il l'a reçu ; c'est de peur d'être injuste que
je refuse vos présents ; c'est sans les oublier qu'on quitte
ses parents
. Le style poétique de l'ancienne langue aime à faire
précéder la détermination du temps et du lieu de la formule ce
fut : ce fuit à paiques que l'en dit en esteit GVian
. 348 ;
ce fut en mai k'il fait chaut et seri 3916 ; ce fut en mai
ke la rose est florie
3292 ; de même aussi prov. so fo a un
dilus que Karles tenc sa cort GRoss
. 2735 ; so fo a una
festa que ha nom Epifania GA
. 2338. Cette expression existe
290aussi dans la poésie populaire espagnole, mais elle n'y est pas
autant devenue formule : domingo era de ramos…quando
moros y christianos todos entran en la lid SRom
. 106.

2. L'interrogation, qui peut également être positive ou
négative, doit être considérée à un double point de vue. Lorsqu'on
se borne à demander si quelque chose est ou n'est pas,
de manière à attendre pour réponse un « oui » ou un « non »,
on peut alors disposer de deux méthodes qui sont caractérisées
par l'ordre des mots. 1) On place le verbe en tête de la phrase,
de telle façon cependant que les pronoms conjonctifs et les particules
négatives conservent la place qui leur revient dans la
phrase ordinaire, c'est-à-dire qu'elles peuvent précéder le verbe.
Les langues qui ne sont pas obligées d'employer les sujets ego, tu,
ille
peuvent aussi les omettre dans l'interrogation. Par ex. ital.
è egli arrivato ? vuoi mi tu per marito ? non me lo sapreste
dire ?
Esp. venis vos herido ? dormis amigo ? no tengo yo
mi alma en mi cuerpo ?
port.crês tu ? queres tu ir passear ?
Pr. falh vos conoyssensa ? a om mon caval emblat ? amarai
(ieu) ma enemia ? partirai m'en ieu ? no sabetz amar ? ges
nous par ?
Le français présente plusieurs particularités dans la
proposition interrogative. Il faut distinguer si le sujet est un
pronom personnel ou un substantif, a) Si le sujet est un pronom
personnel, il se rattache au verbe par un trait d'union de la
même manière que les enclitiques (donnez-moi, voy. à la quatrième
section) : lui donnent-ils ? ne lui donnent-ils pas ?
le leur donnerons-nous ? ne le leur donnerons-nous pas ?
en désirez-vous ? n'en désirez-vous pas ? y viendrez-vous ?
n'y viendrez-vous pas ?
Au point de vue de la forme, il faut
observer ce qui suit : α) La troisième personne, lorsqu'elle se
termine par une voyelle, reprend son t originaire en l'accompagnant
d'un trait d'union ; par ex. a-t-il ? parle-t-elle ?
aime-t-on ? vous l'a-t-il donné ?
mais on dit en v.français,
au moins dans les dialectes et encore pendant toute la durée du
XIVe siècle : aime-on ? fu-il ? comp. t. II, p. 232. β) Devant
je l'e muet se fait entendre de nouveau et on le munit de l'accent
aigu : parlé-je ? aimé-je ? exclamatif : dussé-je ! b) Si le
sujet est un substantif ou un pronom (excepté un pronom personnel
atone), il se place au début de la phrase, comme dans la
forme affirmative, et l'interrogation est marquée par un pronom
personnel agglutiné au verbe, qui renvoie au sujet : l'âme de
l'homme est-elle immortelle ? vos sœurs vivent-elles encore ?

non pas vivent encore vos sœurs ? comme en v.franç. est Saul
291entre les prophètes ?
D'autres langues aussi favorisent cette
construction du sujet en tête de la phrase : ital. il padrone è
egli in casa ?
Aux deux formes indiquées sous a) et b) le français
peut encore en substituer une troisième, en intervertissant
l'expression citée plus haut c'est que en est-ce que : est-ce
que je parle ?
(ce qui est préférable à l'expression dure parlé-je ?) ;
est-ce que vous m'entendez ? est-ce que mon père
est venu ? est-ce ainsi que vos yeux consolent ma disgrâce ?

Si l'on veut insister particulièrement sur le nom, on le place
dans la première phrase et on fait suivre le relatif : est-ce
nous qui avons fait cela ?
Le valaque a aussi ses
particularités. 1) Il place bien le verbe en tête, mais de telle
manière que dans les temps périphrastiques l'auxiliaire suit le
verbe principal. Ex. sęvęrśeśti lucrul ? (perficisne opus ?) ;
are el vin bun ? (habetne vinum bonum ?) ; eśti sanitos ?
(esne sanus ?) ; veniva stępęnul casei ? (veniet herus ?) ;
venivoiu ? (veniam ?). Avec le verbe substantif l'attribut se
place en tête : cald è ? bunę è cale ? (bona est callis ?). —
2) On applique la construction de la phrase ordinaire, et en ce
cas on marque l'interrogation en prolongeant d'une façon particulière
l'accentuation de l'attribut, comme dans it. ella è bella ?
esp. el padre viene ? tú no eres Pedro ? port.tu não sabes o
porque ?
prov. tu non entens ? fr. il a gagné ? val. acest om
tzi au adus calul ?

3. La réponse à ce genre de question se fait comme en allemand
avec une simple particule : pour la réponse positive ital.
, esp. , port.sim, pr. oc, o 1101, fr. oui, dans les deux derniers
dialectes si s'emploie aussi pour un « oui » énergique ; pour la
réponse négative ital. esp. no, port.não, pr. non, no, fr. non
(t. II, p. 443) 2102. Il faut encore observer ce qui suit : 1) On prépose
ou on ajoute en provençal à la simple particule le pronom
personnel lorsqu'on veut insister sur l'idée, mais cette addition
n'est pas nécessaire, par ex. amas trop ? ieu oc Choix V, 332 ;
autreyatz lom vos ? o ieu III, 163, de même dans Jfr. 57a ;
voletz vos combatre ? oc nos Fer. 2267 ; poyray m'i fizar ?
292oc vos
998 ; vos o PO. 171 ; ella de quem rete ? o ill Choix
III, 255, ou ela oc ; non potz guérir ? ieu no V, 332 ; non
es mals ? lo non PO
. 358. En italien on trouve aussi parfois
io sì, io no, non già io, esp. eso sí, eso no, v.fr. je non,
il non, non il, nenil
. On peut voir d'autre part dans Grimm
III, 765, combien les dialectes v.h.allemands, m.h.allemands
et m.b.allemands favorisent aussi cette adjonction du pronom
(jâ ich, nein ich) qui rappelle le latin ego vero, tu vero. —
2) La méthode latine, qui consiste à répéter dans la réponse
le verbe énoncé dans la phrase interrogative, est encore usitée
au moins au sud-ouest après les particules si et no : teneis ?
sí tengo ; nombro ? sí nombro ; acuérdaste de un papel ?
sí acuerdo ; tem V. M. açucar ? não tenho ; esteve V. M. no
prado ? sim estive
. Exemples empruntés à d'autres dialectes :
ital. non ebbe egli un pane ? sì ebbe CN. ; prov. al re non
puesc aver
si auretz Jfr. 143b ; si seretz a derrier
sobrat…no serai
154a ; ou si fauc (sic facio), no fauc ;
v.fr. n'est-ce pas cruauté ? si est TFr. 492 ; il est mors…
non est… si est Ren
. I, p. 158 ; vous avez doubté ? non ay
446. Un grand nombre de passages b.latins prouvent que c'est
là la forme la plus ancienne de la réponse positive ou négative,
ainsi interrogavimus si abuisset ? dixit sic habemus Mur.
II, 972 (ann. 845) ; et dixit sic habeo HL. I, 25 (ann. 782) ;
abes annonam ad equos ? sic habeo Altd. Gespr. p. p. W.
Grimm ; si vis bibere bonum vinum ? sic volo ibid. ; si volo
ibid. ; dicis tu ita, mulier ? sic dico Form. ital. 7 ; avec
facere : spondes ita ? sic facio ibid. 4 ; nec tibi pertinent ?
non faciunt
ibid. app. En valaque, la répétition du verbe ou du
pronom personnel constitue la forme propre de la réponse, par
ex. scrisau cę va o face ? scris (scil. au : scripsitne se id
facturum ? scripsit
) ; rugaseva de ertęciune ? rugà (sc. se
va : petetne veniam ? petet
) ; tu eśti cęręuśul lui ? eu (esne
ejus auriga ? ego
) ; fiu tzi este acest ? da fiu (filius est iste
tibi ? omnino filius
). Cependant on peut aussi dire simplement
aśà (sic, ita) et nu, ba nu.

4. Si la question porte en même temps sur les idées de
personne, d'objet et de circonstance, on se sert alors
des particules interrogatives pronominales ou adverbiales que
nous connaissons déjà, et on les place en tête de la phrase,
puis les autres éléments se suivent dans l'ordre qui est observé
pour la première forme de question. Ital. chi è quell' uomo ?
di che paese siete ? dove sono i miei amici ? quando verrà
293egli ?
Esp. qual es la cosa mas cierta ? qué criatura es
aquella ? donde esta él ?
port.que mulheres são essas ?
cujo irmão he elle ?
Nous avons encore ici à faire quelques
observations sur le français : 1) Si le sujet est un pronom personnel,
il se comporte ici comme dans les autres langues, et l'on
dit : de qui se moque-t-il ? quel temps fait-il ? pourquoi
ne lui écrivez-vous pas ? jusqu'à quand attendrai-je ? où
suis-je ?
2) Si le sujet n'est pas un pronom personnel, il se place
avant le pronom interrogatif, mais il peut suivre l'adverbe, par
ex. ces filles de quoi s'occupent-elles ? votre père où est-il
mort ? cette ville comment s' appelle-t-elle ? comment s'appelle
cette ville ? comment cela se fait-il ? à quand la partie
est-elle remise ? où ma raison se va-t-elle égarer ?
Il n'est
pas besoin de dire qu'en v.français le pronom qui renvoie au
sujet peut s'omettre : ices ueilles (ouailles) que unt forfait ?
LRs
. Exemples valaques : cine au fost acì ? (quis hic fuit ?) ;
de ce vorbesc oameni ? (qua de re loquuntur homines ?) ;
cętzì ani ai tręit ? (quot annos vixisti ?) ; cum te afli ? (quomodo
vales ?
) ; unde atzi mųncat eri ? (ubi coenastis heri ?).
On a recours dans tout le domaine à l'extension de cette phrase
interrogative au moyen de esse pour marquer l'insistance : quis
est qui non dicat ?
chi fia che mel creda ? que es lo que me
dices ? quand sera-ce que vous nous viendrez voir ?

5. Il n'existe pas en roman de particules interrogatives
comme le lat. num, an, ne ; on a seulement diverses expressions
qui donnent à la phrase un caractère d'insistance ou lui
font exprimer un rapport avec quelque chose qui a déjà été
énoncé. Par ex. ital. cosa si è questo mai ? (qu'est-ce donc ?
quid tandem est ?) ; perché pur diffidi ? che pur vai ? Esp.
pues que nuevas me traeis ? (eh bien ! qu'y a-t-il de nouveau ?) ;
pues quien lo duda ? (qui donc en doute ?). Prov. mancipi,
doncas aves companaje ? (d'après le lat. pueri, numquid
habetis pulmentarium ?
) GO. 194a ; v.franç. est dons sale
estaule ?
(numquid aula est stabulum ? SB. Rq. I, 641b,
aussi franç.mod. que faites-vous donc ? L'espagnol commence
volontiers la question par qué : que tan al cabo estás ? qué
tal te sientes ? Num
. 4, 1 (p. 79) ; et aussi l'exclamation : o
qué tales sois los hombres !
(oh ! pourquoi êtes-vous ainsi,
vous autres hommes ?) Cald. I, 357a. Il sera parlé plus bas de et.294

Deuxième section.
Proposition composée.

La proposition composée est formée de plusieurs propositions
qui s'unissent en un tout grammatical, et sont entre elles
dans le rapport de propositions principales et de propositions
subordonnées. La liaison se fait par un mot de nature relative,
une conjonction ou un pronom, et souvent elle se comprend
d'elle-même sans secours extérieur. Il faut distinguer de la proposition
composée au sens propre un autre procédé, en vertu
duquel plusieurs propositions indépendantes les unes des autres
sont réunies au moyen de conjonctions spéciales, souvent démonstratives ;
c'est ce qu'on nomme la coordination. Ce procédé
qui, par quelques côtés, se rapproche beaucoup de la proposition
composée, sera aussi étudié dans la présente section.

Une particularité des filles du latin qui demande à être signalée
en premier lieu est que l'assemblage de la proposition principale
s'opère dans la plupart des cas par une seule et même particule,
qui, ou bien est à elle seule suffisante, ou bien s'unit à des adverbes
et à des prépositions pour leur communiquer une force
conjonctionnelle. Cette particule est que (ital. che), mot d'un
usage si étendu que même l'all. dass, à plus forte raison ut ou
ὅτι, est hors d'état de la représenter complètement. Il n'est pas
facile d'indiquer le mot latin d'où procède cette importante
particule. La forme la plus ancienne est quid dans les Serments
devant une voyelle, dans Eulalie qued devant des voyelles,
que devant des consonnes ; l'italien dit de même ched et che,
le provençal quez (z pour d) et que. Ces formes renvoient à
quid, non pas à quod, qui se serait, selon toute vraisemblance,
continué sous la forme co (ainsi l'esp. algo est sorti de aliquod).
On ne présume pas trop de l'individualité de la nouvelle langue
en admettant que le pronom interrogatif quid, qui en latin déjà
était en train de passer à un sens relatif abstrait (faciendum
est quid vis, loquere quid velis
), a été transformé en un
pronom relatif neutre, puis en une conjonction 1103. Que est un
295simple mot formel, sans signification sensible, une copule de la
proposition subordonnée, aussi peut-il souvent être absolument
omis. Lorsqu'on dit en ital. vedo, egli viene ; prego, me lo
diciate ; egli è sì saggio, non può errare
, on a là des phrases
indépendantes au point de vue de la forme, qu'on peut, sans
les modifier matériellement, réunir au moyen de que en un tout
grammatical, dont elles représentent le sens au point de vue
logique. Or, aucun mot ne se prêtait mieux à effectuer cet assemblage
que le neutre du pronom relatif, qui se présente ici comme
une conjonction relative. Il faut rappeler à ce propos que le grec
ὅτι, le gothique thatei ne sont pas non plus autre chose que
des relatifs neutres. Le grec moderne est entré dans une autre
voie : il a abrégé l'ἵνα de l'ancienne langue en νά, et a aussi attribué
à ce va les fonctions de ὅτι et d'autres encore, de sorte qu'au
point de vue syntactique il répond assez au roman que. Ce mot
a été aussi ajouté, comme nous venons de l'observer, à des idées
adverbiales afin de pouvoir, avec l'aide de la phrase dont il
forme le premier membre, exprimer des déterminations accessoires
de la proposition principale. C'est de là que proviennent des
combinaisons nouvelles comme ital. poichè, posciachè, subito
che, anzichè, dopo che, allora che, frattanto che, giacchè,
purchè, sol che, benchè, ancorachè, perciocchè
etc., qui
se retrouvent aussi pour la plupart dans les langues sœurs. A ces
expressions répondent des formes du grec moderne comme πρὶν νά,
μὲ τὸ νά (it. con ciò che), εἰς τὸ νά (a ciò che), πρὸ τοῦ νά, et de
l'allemand comme dadurch dass, seitdem dass, darin dass etc.
Le latin, dans quelques circonstances, unit les prépositions avec
quam, atque, ut, quod (priusquam, simulatque, modo ut,
excepto quod
), ailleurs il ne peut recourir qu'à des particules
simples. Des prépositions propres aussi se placent devant une
phrase comme devant un substantif, ainsi ital. dacchè, senza
che, secondo che, finchè, fuorchè
, gr.mod. διὰ νά, all. ohne
dass, auf dass, ausser dass, bis dass
. Enfin la langue s'est si
296fort habituée à ce mode d'assemblage qu'elle accompagne de que
même des mots qui ont déjà par eux-mêmes un sens relatif ; c'est
ce qui a lieu pour l'ital. quando che, come che, mentre che
quanto che, chi che
(comp. gr.mod. ὅτι νά). — C'est là tout ce
que nous avons à observer sur que dans le sens de l'all. dass.
Mais cette particule sert aussi bien à relier les deux membres
de la proposition comparative, elle remplace donc le lat. quam.
Que est-il peut-être ici un dérivé de quam ? Cela semble
à peine possible, du moins la loi phonique de l'italien, qui veut
que l'u de la syllabe latine qua soit partout sonore (quale,
quando, unqua, unque
), s'y oppose, tandis qu'au contraire
le français tire onques de unquam). Il convient d'observer que
d'après la méthode de l'ancien roman ce que comparatif peut
être aussi assez souvent omis : il est en cela identique à l'autre
que. — Il reste encore à signaler la copule valaque de la proposition
dépendante. Le relatif neutre prend ici la forme ce,
qui, si l'on veut choisir entre deux étymologies, pourrait fort
bien être rapporté à quid, mais en aucune manière à quod ;
de sorte que l'hypothèse énoncée plus haut trouverait ici une
confirmation. Mais ce ce n'est employé comme mot de liaison
que lorsque des adverbes précèdent, comme dans dupę ce (ital.
dopo che), indatę ce (tosto che), de vreame ce (poichè).
La particule qui sert à renvoyer directement à l'attribut n'est
pas ce, mais  : cette nouvelle forme a en même temps le sens
de quia et nam et provient peut-être de la conjonction quod.
Elle s'unit aussi à des idées adverbiales ou à des particules,
par ex. dans macar ce (ital. benchè), de vreame ce (= de
vreame ce), pentru cę
(ital. perciocchè), deacę (ital. dacchè).
Une troisième expression valaque pour le roman que est ca,
qui réunit les significations comparatives et finales de ut, et
peut même aussi s'employer, comme le gr. ὡς, pour circiter
(p. 167) : elle pourrait dériver de qua (sc. ratione), et c'est
aussi l'opinion de Cihac. Ce mot peut également s'unir à des
particules comme dans pentru ca (ital. acciocchè), deaca
(= deacę) etc. Enfin à ces expressions se rattache encore ,
qui est absolument étranger aux autres langues.

Pour faciliter l'intelligence de l'exposé suivant, nous rangeons
les espèces diverses de la proposition composée dans un ordre
déterminé par la nature du mot de liaison. On peut en conséquence
distinguer les locutions suivantes : 1) avec la simple
copule que (proposition conjonctionnelle pure) ; 2) avec un que
combiné ou des conjonctions simples pour les idées de temps,
297de motif et de qualité (propositions conjonctionnelles adverbiales) ;
3) avec le pronom relatif (proposition relative) ; 4) avec
diverses particules interrogatives (proposition interrogative indirecte) ;
puis une catégorie mixte, c'est-à-dire 5) des locutions
avec des corrélatifs et que comparatif = lat. quam (propositions
comparatives). — Mais il faut étudier d'abord le mode et le
temps.

Chapitre premier.
Mode et temps.

Un point important de la syntaxe de la proposition composée
est l'emploi de ces deux catégories du verbe. Nous avons déjà
présenté dans la première section une courte caractéristique des
temps ; à cet endroit il ne pouvait être question du subjonctif
qu'en tant qu'il se prête à remplacer l'indicatif, l'optatif et
l'impératif : la véritable place de ce temps se trouve dans la
proposition dépendante. Les langues filles présentent ici aussi
dans l'emploi relatif et absolu des modes et des temps plusieurs
particularités qui n'ont pas leurs correspondants dans la syntaxe
latine ou allemande. Une étude approfondie de ce sujet complexe,
à supposer que la théorie réussît à le maîtriser complètement,
ne saurait trouver place dans ce livre : on la remplacera par
un aperçu des traits caractéristiques les plus remarquables, mais
l'emploi des modes sera encore spécialement indiqué dans les
chapitres suivants à propos des diverses espèces de propositions.

1. Sur le mode et le temps dans la proposition composée, il
faut faire les observations générales qui suivent : 1) Le subjonctif,
ainsi qu'on l'a remarqué plus haut p. 191, s'emploie
dans la proposition simple lorsqu'il s'agit d'exprimer un souhait,
un ordre, une concession, un doute. Dans la proposition composée,
il est le résultat immédiat et nécessaire du sens de la proposition
principale, lorsqu'elle exprime un doute ou une manifestation
de la volonté, ou bien il s'emploie d'une façon indépendante
avec le même sens que dans la proposition simple.
Voici, pour parler plus exactement, les cas dans lesquels ce
mode s'emploie : a) Après la particule que, que non, lorsqu'elle
prend la place du latin ut, ne, quin, quo minus, b) Après le
relatif à peu près comme en latin, c) Dans la proposition interrogative
dépendante, mais bien moins souvent qu'en latin.
298d) Dans les propositions subordonnées de temps avec priusquam
et quoad. e) Dans les propositions hypothétiques, mais
ici encore plus rarement qu'en latin, f) Dans les propositions
concessives, et cela dans une plus grande proportion que dans l'ancienne
langue, g) Avec quasi. A tout prendre, lorsqu'on se tient
au point de vue de la syntaxe latine, le subjonctif a plus perdu
de domaine qu'il n'en a gagné. Plusieurs temps de l'indicatif,
comme l'imparfait et le futur, ont usurpé certaines fonctions de
ce mode, et même les formes qu'on nomme conditionnelles ne
sont originairement pas autre chose que des formes de l'indicatif.
Il y a cependant quelques cas dans lesquels le subjonctif évince
l'indicatif latin. — 2) Un fait important est le suivant. Le
verbe de la proposition subordonnée est, au point de vue du mode
et du temps, moins soumis à l'influence de la proposition principale
qu'en latin ou dans d'autres langues, c'est-à-dire que le
mode et le temps de la proposition subordonnée restent dans
beaucoup de combinaisons ce qu'ils seraient à l'état indépendant.
Ainsi lorsqu'on cite le dire de quelqu'un, en tant qu'il contient
une opinion, un fait, on se sert de l'indicatif, même lorsqu'un subjonctif
précède : It. egli dice che io vi devo la vita ; se alcuno
dicesse che questi modi erano straordinari
. Esp. decia
mucho bien del gigante Morgante, porque él solo era
afable DQuix
. 1, 1 ; le preguntó dixesse que mal sentia.
Franç. il dit qu'il le connaît ; v.franç. il graante que les
costumes tendra TCant
. p. 101. B.lat. asserebant, quod
injuste facit
Mur. II, 952 (ann. 851) ; dixit, quod fuit riparius
ibid. 953 (ann. 851) ; dixerunt, quod verum est ibid.
938 (ann. 930). Ensuite lorsqu'un fait énoncé dans la proposition
subordonnée conserve sa valeur dans le présent, on
emploie le présent, quand bien même la proposition principale
contiendrait d'autres temps. Ital. Leda avria ben detto che
sua figlia perde
P. Cz. 17, 4. Esp. os dixe que la esperanza
es el unico bien ; á quien yo he preguntado si
sabe algo Nov
. 10 ; fuera bien que vamos un poco adelante
DQuix
. 1, 20. Prov. quan sabia lo salvadre que la
soa ora ve Évangile de Jean
éd. Hofm. ; mout m'estera
gen, s'ieu mor
(meure) per mi dons PO. 63 ; diran li mal
parlador que d'als deu pensar cavaliers Choix
III, 362.
Franç. on croirait qu'il est malade ; un sage soutenait
que la santé fait la félicité
. La règle qui veut que d'un subjonctif
procède un autre subjonctif a donc beaucoup perdu de sa
valeur.299

2. Sur les temps de l'indicatif il faut surtout observer ce
qui suit. 1) L'imparfait (auquel appartient aussi le plus-que-parfait)
est employé comme temps de la proposition subordonnée
dans une double acception. a) Il se rapporte à un prétérit de la
proposition principale : ce procédé est déjà connu par la syntaxe
latine. It. egli la comincio a riguardare, perché era bella ;
io la trovai che voleva sortire ; avvenne questo, mentre
io era in Francia ; giunse il medico che savio uomo era ;
egli aveva tre figliuoli, il primo de' quali si chiamava
Lodovico
. Esp. no pude asistir, porque estaba malo ; el
caballo no me pareció tan bueno, como él decia ; figurósele
que las casas eran palacios
. Franç. comme ils étaient
assemblés, on leur apporta des lettres ; je lui parlais qu'il
était encore au lit
. Val. aceasta se intųmplà in timp ce
mę aflam la tzearę
(ceci arriva pendant que j'étais à la campagne),
b) Ensuite il a pris une valeur conjonctive, tout à fait
inconnue au temps latin correspondant, et cela surtout en français
et déjà en provençal. Ainsi notamment après un si optatif ou
hypothétique, ou bien après comme si : franç. oh si je pouvais
y entrer ! si je pouvais, je le ferais ; comme si j'y étais
obligé
 ; prov. cum si vist no m'avia Choix IV, 62. Dans ces
phrases, les autres langues se serviraient du subjonctif. Aussi
le Donatus provincialis range-t-il l'imparfait au nombre des
temps du subjonctif : lo preterit non-perfeitz del conjunctiu
es semblans
(est identique) al preterit non-perfeitz de
l'indicatiu et es contra gramatica
(sc. latina), si cum en
aquest loc : s'ieu te
donava mil marcs, serias tu mos hom ?
GProv
. 16. On est moins surpris de trouver ce temps dans le
membre conditionnel de la proposition hypothétique, ainsi dans
ital. lo faceva, se avessi potuto, car ici le latin donnait
l'exemple ; ou bien encore dans l'expression non conditionnelle
d'un souhait, comme dans ital. quant' era meglio ch'io concludessi
con lei !
Dans d'autres cas, l'emploi de l'indicatif pour
le subjonctif n'affecte pas seulement l'imparfait, il s'étend à tous
les autres temps : ital. egli domandò che aveva fatto ; esp.
le preguntó como se llamaba ; si supiera que lo ignorabas ;
franç. j'ai cru que vous vous appliquiez aux études. —
2) Le parfait pénètre également dans la proposition subordonnée,
mais non pas pour ajouter une explication à la proposition
principale : ce temps se place surtout après des particules
de temps lorsque l'action a lieu à un autre moment que dans
la proposition principale. Ital. quando arrivai, egli era già
300partito ; poichè mi vide, cominciò a parlare ; appena
l'ebbi veduto, che corse ad abbracciarmi
. Esp. quando
llegué, acertó á pasar mi hermano ; así como le vió, dixo

etc. ; el castellano se vino á donde D. Quixote estaba, al qual
mandó hincar de rodillas
. Franç. j'étais malade, quand je
reçus votre lettre
. Il arrive souvent, mais plutôt dans la poésie
que dans la prose, que le parfait prend la place du plus-que-parfait,
en exprimant une action accomplie relativement à une
seconde action. Par ex. ital. al tornar della mente che si
chiuse
(s'era chiusa) Inf. 6, 1 ; quando fu sortito nel luogo
che perdè
(aveva perduto) l'anima ria 19, 95 ; ritrovossi
al fin onde si tolse Orl
. 1, 23 ; a dar si volse vita con
l'acqua a chi col ferro uccise Ger
. 12, 68. Esp. tornos' al
escaño, don se levantó PC
. 3192 ; el rey eredó al apostol,
como gelo promiso
Bc. Mill. 460 ; llamaron á la doncella
que entregó á D. Juan la criatura Nov
. 10. Fr. Vortimer
à tos
(tots) randi ce que cascuns par als perdi Brut. I,
340 ; il mourut d'une apoplexie que ce coup luy causa
Mont. 1, 19. — 3) Futur, a) Il est suivi du même temps,
lorsque les deux actions sont placées dans l'avenir. Ital. io
m'esprimerò come potrò
(exponam ut potero) ; la difenderò
quant' io potrò
. Esp. yo vendré luego que vos me lo
mandareis
. Franç. croira qui voudra. b) Mais si l'action
dépendante est considérée comme présente, le futur est suivi du
présent du subjonctif : reperiam multos, quibus id persuadeam.
It. egli sarà degno che tutti lo lodano. Esp. vos
me sabreis dar todo aquello que me esté bien
. Prov. nous
falhirai ja tan com viva
. C'est ce qui a lieu surtout après antequam
et quod : nous reparlerons plus bas de ce fait, c) Le futur
suit le présent lorsque l'attribut de la proposition principale
exprime un espoir ou un doute. Ainsi it. spero che lo vedremo ;
credete voi ch'egli non lo saprà ? forse che verrà
. Esp.
espero que lo alcanzaremos ; quizá que habrá algun placer.
Fr. j'espère qu'il réussira ; je doute si je partirai demain ;
je ne sais si votre frère viendra ; peut-être qu'il le fera
.
Mais on trouve aussi dans ce cas le présent du subjonctif, lorsque
l'objet qu'on désire ou dont on doute est ramené au présent,
par ex. ital. che speri tu ch'egli possa fare ? esp. no
dudo sino que venga
 ; franç. je doute qu'il vienne. — 4)
Le rapport du futur antérieur au futur simple est observé à
peu près aussi soigneusement qu'en latin. On dit : it. quando
sarà arrivato a Roma, ti scriverò
(Romam quum venero,
301scribam ad te
) ; quando abbastanza avremo passeggiato
ci poseremo
(quum satis erit deambulatum, requiescemus).
Esp. desque aya resuscitado, esperaros he (postquam resurrexero
praecedam vos
). Prov. al jorn que l'aurai viza,
non aurai pezansa PO
. 8. Fr. j'en jugerai lorsque vous
m'aurez mieux informé
. Cependant on se sert parfois aussi
du futur simple au lieu du temps périphrastique. Parfois ce
dernier temps présente une action écoulée en fait comme dépendant
conditionnellement d'une action future. Ex. Ital. io vi
dirò quello che avrò fatto e quel che no
(ce que j'ai fait et
ce que je n'ai pas fait) Dec. 2, 1. Esp. (futur du subj.) ponedle
las joyas que os hubiere dado el duque
(a données) Nov.
10. Franç. je verrai les lauriers fumer encore du sang que
j'aurai tant chéri ?
(= que j'ai tant chéri) Corn. Hor. 2, 6.
Comp. plus haut p. 260.

3. En ce qui concerne les temps du subjonctif voici ce
qu'il faut remarquer : 1) Le présent restreint absolument son
action au temps présent, il ne peut jamais être confondu, comme
en allemand, avec l'imparfait. Ital. vorrei sapere che ne possa
esser la cagione
(all. sein möchte). Esp. no hay ninguno que
no sea de esta opinion
(all. wäre). Franç. il n'y a pas de capitaine
qu'on puisse comparer à César
. Sur le rapport du
présent et du futur, voy. le § précédent. — 2) L'imparfait
avec le temps périphrastique du plus-que-parfait (cantassi,
avessi cantato
) s'emploie : a) Dans son acception propre de
temps du passé après les prétérits ind. de la proposition principale
dans tous les cas où l'imparfait de l'indicatif est exclu.
Ex. Ital. comandò che egli venisse ; chiese qual fosse la
sua patria ; io venni meno sì com'io morisse Inf
. 5, 141.
Esp. dixo que entrase ; le daba por consejo que no caminase
sin dineros ; determinó hacerlo antes que otra cosa
sucediese
. Fr. j'ai douté que la chose fût vraie ; nous craignîmes
qu'il ne mourût ; il était impossible qu'il s'en tirât
mieux
. Ici l'emploi du présent, comme dans l'all. er fragte, ob
noch etwas fehle
, serait incorrect. b) Sans idée déterminée de
temps, lorsque l'attribut de la proposition principale est également
à l'imparfait du subjonctif ou au conditionnel : l'imparfait,
suivant l'idée contenue dans la proposition principale, peut exprimer
aussi le présent ou le futur, comme en grec et en allemand.
Ex. It. volesse iddio ch'egli ritornasse ! credo che pochi sarebber
quelli che v'attendessero
. Esp. si pudiese ser que yo
le viese ; pluguiera al cielo que yo la gozase !
Prov. s'esser
302pogues quet conogues ; ieu volgra qu'us autres o disses
 ;
fr. plût à dieu que cela fût ! je fusse venu, si j'eusse eu le
temps ; j'aurais voulu qu'il eût achevé son affaire
1104. — 3)
Une acquisition nouvelle du roman est le conditionnel, qui se
présente sous deux formes dans quelques dialectes (it. canterei
et canteria, ce dernier est défectif et n'est même plus usité à
la Ire personne sing., esp. port.cantara et cantaria). Ce temps
n'est proprement lié à aucune idée temporelle : sa signification
est modale, il exprime une activité conditionnelle, un souhait,
un doute, mais aucune idée de réalité. Aussi peut-il remplacer
l'imparfait du subjonctif latin ou l'optatif grec, le présent ou le
parfait du subjonctif latin, et même dans certains cas le présent
de l'indicatif. Ital. volentieri parlerez a que' due (loquerer)
Inf. 5, 73 ; forse direbbe alcuno (forsitan aliquis dixerit) ;
nessuno te lo concederebbe
(nemo id tibi concedat). Esp.
quien no temiera á dios ? (quis non timeat deum ?) ; querria
saberlo
(scire velim). Fr. croiriez-vous votre fils ingrat ?
(putasne filium tuum esse ingratum ?) ; vous devriez vous
conduire autrement
(debes aliter vivere). Le conditionnel
n'est lié à l'idée de temps que dans le cas où, se trouvant
en rapport avec un temps périphrastique, il se sert lui-même
de la périphrase (ital. avrei cantato, se avessi potuto).
Sa fonction la plus importante dans la proposition composée
consiste à représenter le membre conditionnel de l'assertion
hypothétique et par conséquent l'imparfait du subjonctif latin :
303c'est de là que lui est venu le nom de conditionnel ; voyez
pour plus de détails au chapitre troisième. Les deux formes de
ce temps ne sont pas tout-à-fait synonymes. La première est par
exemple usitée de préférence en espagnol dans la phrase conditionnelle
(voy. plus bas), et en provençal la seconde semble se
mettre volontiers en rapport avec le présent, par ex. soi mal
paguatz, qu'estiers no m'en partria Choix
III, 135 ; sius
platz, a mi plairia
166 ; e sap que pois noill valria nien
349 ; conquier mais que dregz nol consentria 347. — 4) Le
futur du subjonctif, qui n'existe qu'au sud-ouest, appartient
exclusivement à la proposition subordonnée, les autres langues,
même le catalan, se contentent du futur de l'indicatif. On l'emploie
avant tout lorsque la proposition principale contient un
futur de l'indicatif, un présent du subjonctif concessif ou jussif
ou un impératif, principalement dans des phrases conditionnelles.
Ex. Esp. si quisieredes ser mi amigo, yo lo seré vuestro ;
el romance que no saliere bueno, no ha de entrar en
cuenta ; dareisle el nombre que quisieredes ; le tengo de
ayudar en quanto pudiere ; tendré peladas las barbas á
quantos imaginaren tocarme ; corra la suerte por do el
cielo quisiere ; sea lo que fuere ; acomodate donde quisieres
.
Prov. desbaratareis tudo o que quiserdes ; quando
escreveres, te responderei ; eu virei, se deos quiser ; andemos
quanto pudermos
1105.304

Chapitre deuxième.
Proposition conjonctionnelle pure.

Ainsi qu'on l'a remarqué plus haut, il existe des constructions
syntactiques où la conjonction ne revendique pour elle-même
aucun sens, et n'a d'autre but que d'unir en un tout grammatical
deux propositions qui s'accordent ensemble au point de vue
logique. Cette conjonction, que son manque de signification propre
rend analogue au pronom relatif, est que, et l'on pourrait nommer
les combinaisons qu'elle sert à former propositions conjonctionnelles
absolues ou pures, pour les distinguer des combinaisons
dans lesquelles cette copule donne à une idée adverbiale la force
conjonctionnelle. La proposition secondaire fournit à la proposition
principale son sujet ou son régime, ou bien sert à la détermination
plus précise d'un membre de phrase ; dans certains cas,
que tient exactement lieu du relatif, ce dont il sera encore
parlé à propos de la phrase relative. — Le valaque emploie plusieurs
particules de liaison : répond généralement au latin
quod ou remplace la construction de l'accusatif avec l'infinitif,
se a plus de la signification de ut, ca est le plus souvent préposé
à .

1. Proposition secondaire dans le rapport du nominatif. —
Ce cas se présente après des verbes impersonnels ou des phrases
impersonnelles : ital. accade spesso che l'uomo s'inganna ;
siegue da ciò che voi siete senza colpa ; è vero ch'egli è
morto
etc. Le valaque emploie , par ex. trebue sę (oportet)
lipseśte sę (opus est), è timp sę (tempus est). — Ici il convient
de rappeler que les expressions qui indiquent une prétention,
comme « il convient, il est nécessaire, il est possible, il me plaît
(c.-à-d. je veux) », se construisent avec le subjonctif. Ital.
convenne che là venisse con noi ; degno ben è che 'l nome
pera Pg
. 14, 29 ; non bisogna ch'io ve lo dimostri con
parole ; l'asta è forza che si spezzi ; è uopo che ben si
distingua
. Esp. conviene que lo hagais ; es razon que obedezcas ;
es bien que lo sepas ; es menester que lo cuentes ;
es justo que un mismo zelo os inflame ; no es posible que
venga mas
 ; de même aussi en portugais. Prov. se cove qu'om
los assai Choix
IV, 3 ; nous esta be quem fassatz mal
traire
I, 338 ; dregz es qu'ieu refranha III, 99 ; ops m'es
305que y tenda
472 ; mestier es que sierva V, 36 ; me platz
que manje
IV, 67. Fr. il est juste qu'il soit puni ; il faut
que vous lui obéissiez ; il n'est pas nécessaire que vous
sortiez ; il est possible qu'il soit resté chez lui
. Après « il
semble », l'italien, de même que le provençal, emploie surtout
le subjonctif, l'espagnol et le portugais se servent surtout de
l'indicatif. Ital. chi è quel grande che non par che curi
l'incendio ? Inf
. 14, 46 ; prov. par que nous envenga res
Choix
IV, 8 ; m'es veiaire qu'ieu senta III, 84 ; me par
qu'a razon respos es
IV, 36. Esp. parece me que no era
bien
 ; franç. il paraît que vous avez tort ; il me semble que
je le vois
(il me semble et les formes pareilles ne peuvent être
suivis que de l'indicatif).

2. Proposition secondaire dans le rapport de l'accusatif.
— Cette construction est appliquée : 1) Après les verbes qui ont.
le sens d'éprouver, de dire et de signifier. Au point de vue
du mode, voici ce qu'il faut observer : a) Après « voir, entendre,
sentir, savoir, penser » et autres verbes analogues qui expriment
une conviction, on emploie partout l'indicatif. Ex. ital. vedo,
odo ch'egli è bugiardo ; so che non vi piace ; penso che
avete ragione
 ; il en est de même en espagnol, en portugais, en
provençal, en français, et aussi en valaque où la particule usitée
est . Si la proposition principale est conditionnelle ou négative,
c'est le subjonctif qui est appliqué le plus habituellement : ital.
se vedete che cerchino d'ingannarvi ; en français notamment
ignorer, dissimuler prennent ce dernier mode, tandis que ne
pas ignorer, ne pas dissimuler
prennent l'indicatif. Après
« croire » l'usage est hésitant, même le temps auquel le verbe est
employé influe sur le choix du mode. Ex. Ital. credo che viene ;
credo che sia necessario ; credo ch'ei credette ch'io credesse
Inf
. 13, 25 ; credeva che venisse. Esp. creed que yo
lo sé ; creo que lloverá esta tarde ; siempre he creido que
la cosa es verdadera
. Prov. crei que planha Choix IV, 40 ;
franç. je crois qu'il a tort ; je crois que ce soit l'autre Corn.
Ment. 1, 4 (Voltaire blâme ce subjonctif) ; nous croyons qu'il
était mort
. La proposition principale négative amène ici aussi
le subjonctif : ital. non credo ch'egli più m'ami ; franç. je
ne crois pas qu'il réussisse
. — b) Après « espérer, craindre,
douter » on a le subjonctif ou le futur de l'indicatif. Ital. sperava
che dovesse esser pace ; spero che lo rivedremo ; temo che
la venuta non sia folle Inf
. 2, 36 ; dubito che il nostro
amico venga oggi
. Esp. espero que habremos de ser buenos
306amigos ; temo que no se vuelva ; dudo que sea rico
. Prov.
non ai esperansa que i an reys ni princeps Choix IV, 56 ;
tem qu'amors l'aucia ; franç. j'espère qu'il viendra bientôt ;
je me flatte qu'on le fera ; je crains qu'il ne vienne pas ;
je doute que vos raisons le satisfassent
. — c) Après « dire »
et d'autres verbes qui indiquent une communication de la pensée,
on emploie partout l'indicatif, même là où, comme nous l'avons
vu plus haut (p. 299), on rapporte le dire d'autrui. Ital. vi
confesso che l'ho fatto io ; egli disse che io aveva ben
fatto ; il re ha pubblicato che, s'alcun la difesa di lei
piglia, l'avrà per moglie Orl
. 4, 60. Esp. yo confieso que
os debo la vida ; replico que aquel era el décoro mas conveniente
.
Prov. ieu dic quel (c'est-à-dire que lo) bes amoros
es maier ; me dis que mos chantars li plai Choix
III, 86 ;
el respos que avia tot lo sen perdut V, 77 ; v.franç. cil
dient que nel feront Brut
I, p. 298 ; franç.mod. on dit que
la paix est conclue ; j'avoue que cela est surprenant ; il
assure qu'il le connaît
. Si la proposition principale est négative,
c'est le subjonctif qui suit : ital. non dico che voi l'abbiate
fatto
 ; prov. ieu non dic ges que ma dona erguelh
aya Choix
III, 13 ; franç. je ne dis pas que vous l'ayez
fait
1106. Le valaque est la seule langue qui emploie le subjonctif
pour citer une opinion : au ręspuns el mie cum cę aceasta
se fie cu neputintzę
(il me répondit que [propr. : comme que]
cela est impossible), comp. Clemens, Gramm. § 155. — d)
Après « vouloir, désirer, prier, ordonner, permettre, défendre,
promettre », de même qu'après les verba dicendi qui se rapportent
307au vouloir, auquel cas le latin emploie presque partout
ut avec le subjonctif, c'est aussi ce mode qu'on applique. Voici
seulement quelques exemples. Ital. voglio che siate sicuro
della mia affezione ; prego, desidero che m'aspettiate ; egli
ordinò che ciò si facesse ; consento che voi lo facciate ;
la legge vieta che si seppellisca nella città ; ditegli che
venga
. Esp. quiero que lo hagais ; os suplico que me dexeis ;
mandó que tomasen sus espadas ; no dexo que te vayas ;
prometióles que las regalaria ; replicó que entrasen ; nos
dixo que no nos maravillasemos
 ; il en est de même en portugais
et en provençal. Franç. la loi veut que vous obéissiez ;
je désire que vous ayez raison ; je vous prie que cela
n'arrive plus
. La particule propre du valaque est ici avec
le subjonctif, cependant on se sert aussi de  : vreu sę vedem
(volo ut videamus) ; te rog sę mi dai (te rogo ut mihi des) ;
m'am rugat lui cę zicę (mandavi ut diceret) ; aś poftì ca
sę nu śtie nimenea
(vellem ut nemo sciret), exemple dans
lequel ca s'unit à . — 2) On peut aussi reconnaître ce même
rapport de la proposition subordonnée après divers autres verbes
qui régissent l'accusatif, comme faire, opérer, éviter et leurs
négations ; on emploie ici le subjonctif comme en latin après
ut, quin. Ital. fate che egli a me vegna ; non posso fare
che non me ne dolga
. Esp. hizo que aquellos señores se
sentasen ; hicele que se retirase ; no podia escusar que no
buscase ; debemos evitar que no agravemos el mal
. Val.
sę intrę
(fac ut intret).

3. La construction latine qui consiste à placer un relatif
ou une particule interrogative dans le rapport de
l'accusatif ou du nominatif avec l'infinitif, est rendue dans
les langues nouvelles par une double phrase, c'est-à-dire qu'elles
expriment l'infinitif par un verbe fini dépendant de que. Ital.
colui ch'io credea che tu fossi (quem te esse putabam) Inf.
19, 77 ; le opere che pajono che abbino in se qualche virtù
Mach. Disc. 1, 33. Esp. la arrogancia que dicen que suelen
tener los Españoles Nov
. 10 ; esta suerte es la que el cielo
quiere que yo tenga Nov
. 7 ; port.aquellas grandes honras
que sabeis que no mundo ganhei Lus
. 6, 32. Prov. cill
qu'ieu dic qu'aiso fan Choix
IV, 96 ; qual vos par que
sion maior ?
11 ; franç. voilà des raisons qu'il a cru que
j'approuverais
. La répétition de ce que ne choque pas, et on
la trouve dans les meilleurs auteurs ; cependant pour l'éviter on
peut employer l'infinitif. Ital. il che io giudico esser verissimo ;
308il tempo, il quale dicono esser padre d'ogni verità
. Esp. el
qual se dice haber muerto
(qui mortuus esse dicitur) ; de
quien se acord'o haberle dicho
. Franç. cette chose que nous
avons dit appartenir à lui
(voy. p. 229). On admet aussi la
suppression de la conjonction devant le verbe fini. Ital. che dice
(che) si chiama Pietro (qui Petrum se appellari dicit) ;
questi che vuole (che) non sia lodato alcuno (ille qui
neminem laudari vult
). Esp. que dice (que) se llama Lorenzo
etc., comp. plus bas § 8.

4. On ne peut concevoir la proposition secondaire dans le
rapport du génitif qu'après certains substantifs et adjectifs,
comme ital. ho speranza che ; questi è degno che ; mais la
langue identifie la plupart du temps ces expressions à de simples
idées verbales : ho speranza = spero, ho paura = temo,
è degno = merita
. Au contraire, la proposition accessoire
répond dans beaucoup de circonstances à un substantif accompagné
de la préposition de, et par là, dans les cas où de désigne le
motif, au latin quod ; certaines langues ont l'habitude de faire dans
ces cas précéder la phrase dépendante de la préposition. Le mode
peut être l'indicatif ou le subjonctif : l'emploi de ce dernier est
amené surtout par des verbes qui expriment un etonnement, une
joie ou une affliction. En italien, on emploie simplement che, par
ex. mi maravigliava che cotanto ti dilettassi di questa cosa
(mirabar te tam valde hac re delectari) ; Varrone si maravigliò
e dolsegli che tutto il pretorio l'avesse udito Dec
.
10, 8 ; godo che mi ami ; si rammaricano che egli debba
rimanere lor signore
. L'espagnol se sert de la combinaison
de que, par ex. de lo que yo me maravillo es de que mi
jumento aya quedado libre DQuix
. 1, 15 ; he de gustar
mucho de que lo sepais ; perdoname de que me tome
licencia para responder ; se olvida de que nació libre ;
disculpóse de que jamas habia entrado ; me quexo de
que ; blasono de que
etc. Surtout après des substantifs et des
adjectifs : es tiempo de que respondas ; yo tendré cuidado
de que os hagan sabidor dello ; seguro de que no los
hallarian
. Toutefois cette langue omet aussi le de : gracias à
Dios que llega
(non pas de que) ; deseoso ou sospechoso que
le siguiesen
. Le portugais applique de que au même usage. Le
provençal met le simple que aussi après des substantifs : meravil
me que auza estar Choix
IV, 55 ; pot escusar se que
non sia GO
. 317b ; ai cor quem recreya Choix III, 5 ; luecx
es e sazos que anem servir
IV, 93. Il donne ailleurs la préférence
309à son quar causal qui est synonyme du lat. quod :
non aia dol car lo pert (non doleat, quod perdiderit) GO.
250a ; mot m'agrada quar vos ai trobada Choix III, 463 ;
nous (= no vos) sia greu car vos am V, 49 1107. Le français
se sert également de que, qui peut être développé en de ce
que : je m'étonne qu'il ne voie pas le danger ; je suis
fort aise de ce qu'il écrive si bien ; je suis fâché que vous
ne m'ayez pas prévenu ; donnez-vous de garde qu'on ne vous
trompe ; je suis persuadé que c'est un très-honnête homme

etc. Au franç. que répond le valaque cę : bucurę te cę (gaude
quod
) ; mę mir cę (miror quod).

5. La proposition secondaire se présente à peine dans le rapport
du datif, pris comme cas personnel. Mais de même
que certains verbes prennent un régime complémentaire qui
indique l'action avec la préposition ad, ils peuvent aussi gouverner
une phrase entière par l'intermédiaire de que, et dans ce cas
l'espagnol prépose encore spécialement à que la particule á. Le
mode appliqué ici est le subjonctif. Ex. Ital. voi m'avete stimolato
che io d'amare questa mia amiga rimanga Dec
. 5, 8 ;
io l'ammoniva che lo dicesse. Esp. me ha obligado á que
yo no le encubra Nov.
3 ; yo te exhorto á que prosigas ;
me forzaron á que yo creyese ; esperaba á que viniese ;
acudid á que ella os pague
Cald. I, 14a ; me persuado á
que otra vez te he visto
ibid. 12b (où seul l'indicatif pouvait
être employé) ; port.exhortar a que etc. Le français donne
la préférence à l'infinitif : on l'exhorte à faire son devoir ;
il persiste à rester
 ; mais on dit aussi il est accoutumé qu'on
lui donne à travailler
. — La proposition finale tient de près
à cette combinaison, mais comme la simple copule ne lui suffit
plus, nous ne pourrons en parler qu'au chapitre suivant.

6. La proposition secondaire après des adjectifs et des adverbes
d'intensité exprime l'action de l'attribut compris dans la proposition
principale : dans cette combinaison, le latin ut avec
le subjonctif est rendu par que avec l'indicatif. Des expressions
intensives de ce genre sont par exemple ital. tanto, intanto
tale, talmente, sì, così
, esp, tanto, tan, tamaño, tal, así,
franç. tant, tel, tellement, si. On ne doit pas employer les
composés qui marquent expressément une comparaison, comme
310ital. altretanto (aussi grand), altretale, altresì, pr. atretan,
atretal, atresi
, franç. autant, aussi, ainsi ; ces mots prennent
place dans la proposition comparative. L'intensité est aussi
exprimée par des substantifs qui, ne désignant par eux-mêmes
que le mode et la qualité, se passent de tout adjectif intensif :
ital. in guisa, in maniera, in modo (au lieu de in tal guisa,
con sì fatta maniera
), esp. de modo, de manera, de suerte,
franç. de manière, de sorte. Dans cette dernière langue si
que
et tant que ne s'emploient que dans certaines conditions :
quand il s'agit d'intensité, la proposition principale doit être
positive, quand il s'agit de comparaison, elle doit être négative :
il est si sage qu'il n'a pas son pareil ; il a tant de
richesses qu'on ne les saurait compter ; il n'est pas si sage
que son frère ; il n'a pas tant de richesses que vous
.

7. Une tournure qui présente de l'analogie avec la proposition
relative est celle où la proposition subordonnée, avec la copule
en tête, ajoute à un objet de la proposition principale un rapport
qui le détermine avec plus de précision
. On dit par exemple
ital. la trovai sul letto che ella dormiva (tandis qu'elle
dormait, dormant) ; mi ritrovai in una selva oscura che la
diritta via era smarrita Inf
. 1, 2 ; come mastin ch'ultimo
giugne al bue…che trova sol le corna Orl
. 14, 37. Esp.
aquellos que mueren que no fazen testamientos FJ. 67a ;
harallonle en el patin que queria cavalgar SRom. 11 ;
yo le vi que presidia ; port.como dama que foi mal tratada,
que se queixa e se ri Lus
. 2, 38 ; como menino da
ama castigado, que quem o affaga o choro lhe accrescenta

2, 43. Prov. ben la volgra sola trobar que dormis Choix
III, 55 ; cen domnas sai que cascunam volria tener ab se
P. Vid. p. 84 ; el estava ab sa moiller que mais de lieis nos
(= no se) partia Choix V, 98 ; v.franç. e li sainz s'esveilla
qu'il fu en esfreur TCant
. 93, 5 ; franç.mod. je lui parlai
qu'il était encore au lit
(où que est pris pour lorsque). Val.
eu am vezut pre frate tęu cę au scris carte. Comp. m.h.
all. sint wol drîzic, daz man âne angest sande ir islîchen
(ils sont bien trente dont chacun pourrait être envoyé sans
crainte) Ulr. v. Licht. p. 148, comme prov. ac n'i trenta que
cascus plora Jfr
. 76b. Le verbe de la proposition secondaire
pourrait être aussi remplacé par un gérondif : la trovai dormendo ;
mi ritrovai essendo la via smarrita
. Parfois on
ne voit pas clairement si l'on a affaire à la conjonction ou au
pronom que. - Si les deux phrases sont négatives, la seconde
311exige le subjonctif, et il en résulte une combinaison qui peut se
comparer au latin non…ut non ou non…quin. Ex. Ital.
non posso lodar uno che non lodi tutti (non possum laudare
unum, ut non laudem omnes
) ; tu non cadrai ch'io
non caggia teco
(non cades, quin cadam tecum) ; nè mai
sarebbero iti che non avessino persuaso ai soldati
etc.
Mach. 1, 14. Esp. nunca me hallé con ellos que no estuviese
seguro
 ; port.não correo muito tempo que a vingança não
visse Pedro Lus
. 3, 136. Prov. messonja no-s pot cobrir
que no-s mostre qualque sazo PO
. 62 ; v.franç. ils ne
passent en ville qu'on ne les voit gabant QFA
. 444 ; n'en
mentirai que je n'en die tot le voir Ren
. II, p. 173 ; nus
ne remest que tuit ne soient a l'ors batre
(aucun ne resta,
au contraire tous allèrent combattre l'ours) Ren. I, p. 344 ;
fr.mod. je ne m'en irai point que vous ne veniez avec moi.
Cette construction rappelle le v.h.all. denne ni kitar parnô
nohhein den pan furisizzan, ni allerô mannô welîh ze
demo mahale sculi
(aucun fils des hommes ne doit manquer
à l'invitation, bien au contraire ils doivent tous être jugés).

8. Omission de la conjonction. — Deux propositions peuvent
aussi exprimer le même assemblage d'idées sans mot de liaison,
et le roman n'est pas peu porté à se servir de cette expression
elliptique. Il faut distinguer trois cas. 1) Les deux propositions
sont grammaticalement séparées, le verbe de la seconde (de la
proposition complémentaire) est conséquemment à l'indicatif :
ital. ben credo, savete vera moneta divisare da falsa
Choix
VI, 311 ; sacciate, eo pero PPS. I, 441 ; veggendo
i Fiorentini, per forza non la poteano avere
Malesp. c. 53.
Esp. sepas de mí, non puedes nulla cosa levar Choix VI,
311. Prov. ben sai, mon lausars pro nom te III, 160 ; v.fr.
sachiez de fi, n'est failli Thib. 123 ; quant l'arcevesque vit,
tuit se tindrent al rei TCant
. p. 102 ; ore veit li patriarches,
deus i fait vertut Charl
. v. 196 ; quant il oient,
Tristran s'en vet
(vait) Trist. I, p. 142. Cette construction
s'applique après les verba sentiendi, mais plutôt dans la période
ancienne des langues. La même ellipse, si ce nom peut s'appliquer
au procédé en question, a lieu en provençal et en v.français ;
elle est aussi extrêmement fréquente dans la proposition d'intensité
(voy. plus haut § 6). On trouve par exemple ella's tan
bella,
(que) reluz ent lo palaz Boèce 162 ; adoncx remanc
si esbaitz, no sai on vauc Choix
III, 202 ; sa beutatz
resplan tan fort, nuegz n'esdeve jorns
38 ; ieu sui hom
312d'aital natura, no vuelh l'onor
28 ; v.franç. tel plenté, ja
par home n'erent nombré Brut
II, p. 132 ; qui a tel cuer,
plus chante au bois FC
. I, 302 ; tant ont fouï, le mireoir
ont desterré SSag
. p. 160 ; vostre amor mi destrent si,
mors suis, se n'aveis merci Rom
. éd. B. 162. Comp. v.ital.
tanto è saggia, non credo che distornasse di ciò che m'impromise
PPS
. I, 67 ; certamente è tanta (la gioja) non ha
dove s'asconda
191. — 2) Le verbe principal est intercalé dans
la proposition accessoire comme une parenthèse et forme une
seule proposition indépendante ; c'est là un usage fort répandu.
Lat. nemo posset, sat scio, hanc perpeti ; fiet aliquid,
spero ; male, credo, mererer ; narra id, quaeso, quid sit
.
Ital. voi stessi serbate, prego, ai prosperi successi Ger.
5, 91 ; sono parole, credo, assai chiare. Esp. entendieronse,
creo, estas artes ; pernotar, asmo, se debe
J.Enz.
34b ; esa gana que dices, te ha venido Nov. 12 ; ya, me
parece, vuelve mi hermano
. Franç. j'ai pu, vous le savez,
vous laisser échapper
Corn. Cinn. ; v.franç. (surtout espoir) :
ja, espoir, gré ne l'en saurai. — 3) Les deux propositions
sont unies grammaticalement par le fait que le verbe de la
seconde est au subjonctif. Cette construction aussi est latine et
d'un emploi fréquent : oro dicas ; velim existimes ; concedo
sit dives ; jube mihi respondeat ; fac intelligam ; me ames
oportet ; fremant omnes licet
. On en a de nombreux exemples
en roman, surtout à la période ancienne. On peut avoir dans la
première proposition des verbes de toute nature. Eulalie présente
déjà non la pouret omqi pleier (que) la polle non
amast
 ; et Boèce : no es obs (que) fox i ssia alumnatz 164 ;
fasia en so sermo (que) creisson deu 23. Exemples ital. :
pregolla caramente la tenesse celata Malisp. ; non volle
fosse recato in luogo sacro
ibid. ; l'aria par di faville
intorno avvampi Ger
. 1, 73 ; in dee non credev'io regnasse
morte
P. Son. 270 ; spera vedal colei (al. vedel) Cz. 22, 5 ;
nè spero i dolci dì tornino Son. 100 ; temendo no'l mio
dir gli fusse grave lnf
. 3, 80 ; dubitava forte non gl'ingannasse
Dec
. 1, 1 ; pregandolo glielo dicesse 5, 9 ; le
comandò si uscisse di Roma
Mach. Disc. 1, 13. Esp. es
fuerza te quiera á tí
JEnz. 22b ; es bien haga fiestas Cald.
I, 139a ; no creo las rosas sean tan fermosas voy. Choix
VI, 310 ; guarda tal engaño no te prenda S. Prov. 194 ;
le habia pedido le dexase ; ordenóle le entretuviese y que
le pusiese ; les aseguró estuviesen seguros ; de même port.
313prouvera a Deos fora assi S. de Mir. I, 82. Prov. no sembla
sia corals amics Choix
I, 341 ; miels fora fosses campios
ibid. ; volgra moris PO. 251 ; non crei pieier mortz sia
Choix
IV, 17 ; ar es sazos fassam son mandamen 91 ;
gara nom sia celat Fer. 844 ; v.fr. et quide ce soit faerie
Choix
VI, 308 ; defent nes tiengiez mie TCant. p. 23 ;
ne puus (peux) lesser nel die Charl. 683 ; c'estoit avis li
mons deust fenir Gar
. I, 41 ; ce procédé était encore usité
au XVe siècle (Choix VI, 309), il est maintenant abandonné.
Le bas latin l'appliquait rarement, voy. par exemple rectum
est, regalis potestas illis tuitionem impertiat HL
. I, 29
(ann. 795) etc. Sur ce point encore, le vieux haut allemand se
rencontre avec le roman, car il supprime facilement la conjonction
après des verbes impersonnels, des verba sentiendi
et significandi, et d'autres encore. Otfried dit thâhta, iz imo
sâzi
(il pensait qu'il lui convenait) 1, 8, 12 ; kundt er imo in
droume, er thes wîbes wola goume
(il lui annonça en songe
de prendre bien garde à la femme) 1, 8, 20 ; iagilîh bimîde,
inan thiu akus ni snîde
(que chacun prenne garde que la
hache ne le coupe pas) 1, 23, 58. — Il sera parlé, au chapitre
de la proposition relative, de l'ellipse de que devant la négation,
ce qui équivaut au latin quin 1108.

9. Rapport avec l'infinitif. — A la proposition composée
formée au moyen de la copule que répond matériellement la
proposition simple suivie d'un infinitif, et il n'est pas rare que
l'une de ces formes de proposition se présente à la place de
l'autre. On peut dire par exemple en italien : lo vedo venire
et vedo che viene ; confesso di conoscerlo et vi confesso
che lo conosco
 ; et en français de même : il assure le connaître
et qu'il le connaît ; je confesse avoir tort et que j'ai
tort
. Cependant cet échange de formes n'est pas du tout indifférent.
Si le second verbe n'a pas de sujet qui lui soit propre,
314on s'en tient généralement à la proposition simple : au lieu de
voglio sapere, spero di vedervi, on ne dirait pas aussi bien
voglio ch'io sappia, spero che vi vedrò, et il en est de même
dans les autres langues. Les phrases avec l'infinitif pur ne
tolèrent en aucune façon l'échange de ce mode contre un mode
fini. Si le second verbe possède un sujet propre, on ne peut en
général appliquer que la forme de la proposition composée : ital.
voglio che voi lo facciate ; fr. j'espère que vous viendrez ;
cependant le second membre de cette proposition peut être
rendu, suivant les circonstances, par l'accusatif avec l'infinitif :
dico lui esser perduto etc. Plusieurs verbes impersonnels aussi
admettent cette transformation de la proposition composée en
proposition simple : au lieu de ital. conviene ch'io renda
ragione ; bisogna ch'io vada
 ; franç. il faut que vous veniez
de bonne heure ; il est nécessaire qu'on l'en fasse sortir
,
on peut dire aussi bien mi conviene render ragione ; bisogna
andare ; il faut venir de bonne heure ; il est nécessaire de
l'en faire sortir
. — La transformation de l'accusatif avec l'infinitif
en une proposition complète commençant par quod, quia, quoniam
est un trait caractéristique de la Vulgate qui a son origine
dans le gr. ὅτι, car dans le Nouveau Testament (grec) l'accusatif
avec l'infinitif est déjà assez rare. On trouve par ex. audiret quod
regnabat
(ὅτι βασιλεύει) ; coepit dicere ad illos quia hodie
impleta est haec scriptura
(ὅτι σήμερον πεπλήρωται ἡ γραφή) ;
videret quoniam illusus esset (ὅτι ἐνεπαίχθη). Ce procédé communiqué
au latin se présente déjà souvent chez des écrivains
comme Pétrone (scio quod, video quod, dico quod), et dans
les plus anciennes chartes on dit régulièrement : notum sit
quia dominus tradidit
etc. Bréq. 5a (ann. 497) ; scimus,
quia locus iste intemperatus est
21c (ann. 523) ; cogitans,
quia attribuerentur
63a (ann. 566) ; cognitum est, quod etc.
69c (ann. 572) ; ad notitiam cunctorum pervenire jubemus,
quoniam adiit
etc. 64a (ann. 673) ; manifestum est multis,
quoniam
etc. Tir. 29a (ann. 789) ; et de même partout. Cet
usage b.latin a sans aucun doute sa source dans la langue
populaire ; la réduction de la proposition infinitive à la proposition
composée a dû se produire très-facilement, mais moins par
suite de la chute des flexions (en tant qu'elle entraînait la confusion
du nominatif et de l'accusatif) qu'en vertu de la tendance
générale à décomposer les tournures simples en locutions périphrastiques.315

Chapitre troisième.
Propositions conjonctionnelles adverbiales.

Les propositions conjonctionnelles adverbiales ajoutent à
la proposition principale, qui à elle seule forme un tout
complet, une détermination plus précise, une circonstance
accessoire (il fait chaud parce que le soleil brille ; je viendrai
quand je le pourrai), et s'unissent à elle au moyen de conjonctions
qui ont un sens déterminé, comme en latin quum,
quando, dum, priusquam, postquam, simulatque, quoad,
donec, quia, quoniam, quod, si, etsi, ut, quasi
. Mais dans les
langues filles, conformément à leur méthode ordinaire, les rapports
des propositions secondaires sont rendus, non plus par ces anciennes
conjonctions, mais par des combinaisons nouvelles : la particule
de liaison que se joint à un adverbe ou à une préposition, et
souvent même en vient à ne former qu'un mot avec ces particules,
voy. p. 296). Les combinaisons de ce genre les plus importantes
se rapportent au temps, au motif, au but, à la condition
et à la concession, enfin au mode. Puis d'autres rapports
encore de la proposition secondaire avec l'attribut de la proposition
principale peuvent être marqués par diverses prépositions :
ainsi en italien par in ciò che, senza che, eccetto
che, secondo che
, esp. en que, con que, sin que, excepto
que, segun que
, franç. en ce que, avec ce que, sans que,
excepté que, outre que, selon que
, mais c'est à peine si la
syntaxe a quelque chose à dire à leur sujet. Dans beaucoup de
cas la copule est suppléée par l'esprit, en sorte que par exemple
ital. ancora, avvegna, acciò, mentre, poi, esp. mientras,
pues, segun
suffisent à marquer la liaison. — A propos de ces
assemblages de propositions, il est une circonstance importante
à observer. Quand la proposition principale est placée après
la proposition secondaire, ce fait n'a pas pour conséquence une
interversion dans l'ordre des mots comme en allemand (da es
regnet, bleiben wir zu Hause
) ; et dans ce cas des adverbes
démonstratifs ne précèdent cette proposition que pour indiquer
des rapports de temps comme le latin tum (ital. allora, franç.
316alors, pr. donc, esp. entonces). Cependant l'ancienne langue,
pour marquer l'insistance, préposait d'ordinaire certaines particules
au second membre de la proposition, lorsque le premier
avait une valeur temporelle, causale ou conditionnelle. Ces particules
sont sic et et. Exemples de sic : Ital. quando li venne
dinanzi, sì la presentò CN
. 124 ; poichè tu non vogli dimorare
meco, sì ti farò grazia
41 ; s'io fossi ben certo di
avere vittoria, sì non combatterei
142. Prov. can lo paire
moric, sil laisset mol ric Choix
V, 150 ; s'ils eran aytals
iiij, sils
(si los) conquerria ieu Fer. 976 ; v.franç. quant
il veneit devant le rei, si li soleit li reis demander LRs
.
107 ; in quant deus savir et podir me dunat, si salvarai eo
dans les Serments. Dans l'ancienne prose française et provençale,
ce si, dans le second membre de la proposition, est presque aussi
fréquent que so en allemand, et l'on trouve dans le plus ancien
b.latin déjà dum…sic, cum…sic rapportés l'un à l'autre, par
ex. dum interpellassetsic traditi suntMur. II, 665a(ann.
787) ; cum ordinaremus…sic invenimus HL. I, 114
(ann. 862). Le valaque śi s'emploie de même. Ce si sert encore
de la même manière à introduire l'attribut après des propositions
qui servent de sujet, ou des propositions relatives qui dépendent
du sujet ; c'est ce que Tobler a montré par des exemples du vieux
français comme qui se vialt, si l'oie ; hom qui riens n'a,
si est tenus por vil
 ; voy. Li dis dou vrai aniel p. 24. —
2) Exemples de et (alors) : ital. quando veggio gli altri cavalieri
arme portare, ed io tutto mi doglio PPS
. I, 15 ;
poichè fu morto Otto, e gli elettori elessono Arrigo Malesp.
cap. 53 ; poichè tu così mi prometti, e io la ti mostrerò
Dec
. 3, 4 ; posciachè voi mi promettete…e io il vi dirò
ibid. 1, 1 ; perché tu vuoi…e io il dira 2, 9 ; se Arrigo
fue nimico della chiesa, e questo Otto fue pessimo
Malesp.
c. 89 ; se dirà la saracina, ed io dirò CN. 116 ; stando uno
tempo, ed elli vide uomini CN
. 68. Prov. quant las an en
bailia, et ill las fan morir Choix
IV, 308 ; con il van aissi
parlan, et Estoutz venc esperonan Jfr
. 60b ; per so car li
nominatiu son plus salvatge…et darai vos en semblanz
(je
vais donc vous en donner des exemples) GProv. 77 ; v.fr. et quant
ce vint as lances baissier, et li Greu lor tornerent les dos

Villeh. 201, 1. 19 ; quant l'en demandoit au bricon…e
Maimon le chat apeloit FC
. II, 167. Cet et n'est employé
que lorsque les deux propositions ont des sujets différents, et
semble destiné à faire ressortir le second sujet.317

1. Propositions secondaires de temps.

1. Quum, quando. — 1) Le roman quando (franç. quand,
val. cųnd), qui exprime aussi le sens de quum, sert à indiquer
le temps en général et s'unit à tous les temps du verbe. En espagnol
le rapport de la proposition accessoire avec la proposition principale
est souvent mis en relief au moyen de prépositions ; c'est
ce qui a lieu ici : ensiemplo de quando la tierra bramaba
(histoire de la terre qui mugissait) Hz. 88 ; por ganar amigos
para quando despertemos
(litt. pour quand nous nous réveillerons,
c.-à-d. pour le temps de notre réveil) Cald. I, 19a. La
répétition de l'adverbe quando équivaut en italien, espagnol
et portugais au lat. nunc…nunc. — 2) D'autres expressions
destinées à rendre la même idée sont : it. allorchè et qualora :
io credea che tu fossi, allor ch'io feci'l subito dimando
Inf
. 19, 78 ; qualor si rasserena il cielo, il sol traspare ;
pr. lanquan, qualora Boèce 166 ; quoras 185 ; fr. lorsque
et le poétique alors que 1109. Ces mots aussi peuvent accompagner
tous les temps. — 3) Un synonyme de quando est la particule
comparative come, como, comme (cf. ut, ὡς) ; elle passe au sens
de ut primum, et en ce cas elle appelle volontiers en italien
son corrélatif così dans la proposition secondaire. Ex. com'io
fui dentro, l'occhio intorno invio Inf
. 9, 109 ; come tu
mi senti, così tu il fà entrare Dec
. 8, 8 ; come pria (ut
primum
) si scopre, il suo splendor sì gli occhi assalta
Orl.
3, 67. Esp. como fué creciendo Isabela, aquella violencia
se tornó en deseos Nov
. 4 ; y assi como Bon Quixote
los vió, dixo á su escudero
 ; port. de même como. Prov. cum
el es velz, vai s'onors descaptan Boèce
114 ; franç. comme
ils étaient assemblés, on leur apporta des lettres
. Val.
cum l'am vęzut, deloc l'am cunoscut (dès que je le vis, je
le reconnus). — 4) Enfin que peut aussi prendre la place de
quando lorsque l'antécédent est négatif, ou restrictif avec
appena, apénas, à peine. Ital. non avea fatto via molta,
che scontrò
etc. ; nè prima veduta l'ebbe, ch'egli assalito
fu Dec
. 1, 4 ; appena di nasconder compiuta s'era, che
318coloro furono alla porta
. En espagnol apénas est plus volontiers
suivi de quando, le français à peine est accompagné de
que aussi bien que de lorsque. — Le mode appliqué en cette
circonstance est l'indicatif. D'anciennes traductions reproduisent,
il est vrai, le subjonctif latin, et ce mode se trouve même en
dehors de ce cas, surtout avec como, par ex. esp. como la
reina tomase uno, dieron á cada uno por orden el suyo,
é como llegasen á donde la dueña estaba, fizoles señas la
reina
etc. Cast. de D. Sancho 94b ; como el preste esperase
aun algund pedazo é ella tardase de ir, envióla otra vez

ibid. 95a ; como reissen é escarneciesen dél, avino la noche
226a. Port.como na terra ao rei se apresentassse…orava
Lus
. 2, 78. Pr. co agues recebuda la companha, vec (venc)
ab laternas (cum accepisset) etc. GO. 144b ; co agues ditas
aquestas causas
(haec cum dixisset) 126b. Franç. comme le
roy de Perse fust en chemin
Amyot (Monnard I, 130) ; com
il comenchaissent à nagier Brand.
66 (com est toujours suivi
du subjonctif, mais non pas quand) ; comme tous les poeples
oïssent le suon Bibl
. L'espagnol favorise aussi l'emploi de ce
mode, lorsque le verbe de la proposition principale est au futur ;
c'est-à-dire qu'il applique le présent du subjonctif au lieu du
futur ou du présent de l'indicatif, par exemple : verás lo que
podemos, quando nos muestres tú lo que pudieres Num
.
jorn. 1, sc. 1 (p. 14) ; mi intento sabrás, quando sola estés
Cald. I, 79b ; los arroyos, los quales me han de dar de
beber, quando tenga gana DQuix
. 1, 26.

2. Dum. — Les correspondants Romans de cette particule
sont : ital. mentre che et le simple mentre, aussi frattantochè,
esp. à peine mientras que, plus habituellement mientras,
aussi entretanto que, et de même en portugais, pr. domentre
que, entre que
Choix IV, 157, V.franç. dementres que,
entruesque
, franç. mod. pendant que, tandis que, mais non
pas le simple tandis, encore employé par Corneille, par ex.
Hor. 4, 2. Ces mots se construisent généralement avec l'imparfait.
— Pour quamdiu on a : ital. quanto, in quanto,
tanto che
, esp. en tanto que, en quanto, prov. quandiu que,
aitan quan
, fr. tant que, v.fr. tant com etc. La syntaxe n'a
rien à remarquer sur ces mots.

3. Simulatque. — 1) ParticuleSRomanes correspondantes et
exemples de leur emploi : ital. tosto che verrà, glielo dirò ;
subito che lo vide, corse ad abbracciarlo ; dibattero i
denti
, ratto che'nteser le parole crude Inf. 3, 101, de
319même aussi non si tosto…che. Esp. luego que la oracion
fué acabada, engafeció el conde CLuc
. 15. Fr. aussitôt
que (sitôt) que
j'ai reçu votre lettre, je suis parti ; v.fr. lues
que, incontinent que, soudain que, manes que, tantost que
,
aussi sitost com Gar. I, 41. — 2) La même idée de temps peut
être en outre exprimée par le participe prétérit suivi de que.
Ital. sciolto che fu (tosto che fu sciolto). Esp. apartados que
fueron
(luego que fueron apartados) ; de même en portugais.
Prov. ditas que hac Karles sas paraulas etc. Choix I, 177 ;
franç., chez d'anciens écrivains : venu que fut Rabel. I, 36 ;
apportez qu'ils estoyent Mont. 1, 20 ; aujourd'hui avec aussitôt
sans que (aussitôt votre lettre reçue etc.).

4. Antequam. — Cette détermination temporelle se construit,
comme en latin, avec le subjonctif : il n'y a guère d'exceptions à
cette règle. Ital. innanzi che venga a questo oggetto (antequam
veniam ad hoc argumentum
) ; mi smarrii, avanti che l'età
mia fosse piena Inf
. 15, 50, et de même avec anzi che,
prima che
. Esp. antes que amanezca, llevemos ; primero
que
llegase á la casa, oyó gran ruidò. Prov. farai chansoneta
nueva
ans que vent ni gel ni plueva Choix III, 1 ;
abans que lo reis porta…sil trames GRoss. 7229 ; franç.
sortons avant qu'il pleuve ; v.franç. aussi ains que, primes
que, premier que
, par ex. il entrent ens, ains que soit
esclari Gar
. I, 218. Val. mai nainte de..

5. Postquam. — A cette conjonction répondent ital. poichè,
(jadis aussi le simple poi) dipoi che, posciachè, dopochè, dappoichè,
esp. despues que, v.esp. pues que, desque, port.
despois que, prov. pueissas quan, pus (sans que), desse que,
fr. après que, val. dupę ce. Le temps qui se construit avec
cette conjonction est en latin le parfait ou le présent historique
(postquam hominem sentio molliri Térence, Phorm. 4, 3),
et cette construction a été conservée en italien ; les autres langues
donnent la préférence au plus-que-parfait. Voici quelques exemples :
ital. poichè la sua mano alla mia pose, mi mise
dentro Inf
. 3, 19 ; poichè'l pasto morde ; poichè l'alber
fiacca ; poi la veo, oblio ciò ch'ho pensato PPS
. I, 42 ;
poi giunti fummo Pg. 15, 34. Esp. despues que se vió
solo, tornó á pensar
 ; v.esp. desque se asentaron ; desque
ha perdido
voy. CLuc, S. Prov. etc. Prov. puissas qan
ressucitarei
(postquam resurrexero) GO. 252a ; pus son
rics, vos tenon a nien Choix
IV, 102 ; franç. après que vous
avez dîné ; après que vous aurez parlé
.320

6. Ex quo. — MotSRomans : ital. dacchè, esp. desde que,
prov. des que, daus que (voy. Flam. 5934), fr. depuis que,
val. deacę, de cųnd. Au point de vue syntactique, il n'y a rien
à ajouter. Sur que pour ex quo et quando, voy. la Proposition
relative.

7. Quoad. — Ital. finchè, sinchè, finattantochè, esp.
hasta que, hasta tanto que, port. té que, prov. tro que,
aussi tro, franç. jusqu'à ce que, v.fr. aussi le simple jusque,
de même tant que, jusques a tant que, val. pųne cųnd. On
emploie l'indicatif lorsqu'on présente une action comme accomplie,
le subjonctif lorsqu'on la présente comme devant ou pouvant
s'accomplir. Quand la proposition principale est au futur, la
proposition dépendante prend le présent du subjonctif. Ex. Ital.
egli tacque finchè io lo dimandai (tacuit donec eum interrogavi) ;
rimani qui con noi finchè egli rivenga (mane hic
apud nos, dum redeat ille
) ; seguirò l'ombra finchè l'ultimo
dì chiuda questi occhi
. Esp. hasta que sale el sol, parece
hermosa una estrella
Cald. I, 357b ; no me levantaré hasta
que vos me otorgueis un don
. Franç. attendez jusqu'à ce
que cela soit fait ; je vais traîner une mourante vie, tant
que par ta poursuite elle me soit ravie
Corn. Cid. — L'ital.
finchè a encore avec les particules latines dum, donec cette
ressemblance qu'il marque la durée d'une activité sans y mêler
la notion de terme : null'uom può mal pensar finchè la
vede PPS
. I, 111 ; fin che virtute al suo marito piacque
Inf
. 19, 111.

8. On a indiqué plus haut (p. 250. 251) de quelle manière
ces propositions secondaires peuvent aussi le plus souvent être
rendues par des locutions participiales. A la place de dum
(jusqu'à), antequam et postquam, on peut encore se servir de
prépositions suivies d'un infinitif, par ex. esp. hasta perder la
vida, antes de haber llegado, despues de haberle hallado

(p. 225. 226).

2. Propositions secondaires explicatives.

1. Suivant qu'il s'agit dans la proposition subordonnée d'expliquer
ou de motiver la proposition principale, les conjonctions
sont de deux genres. Dans le premier cas la proposition secondaire
répond à la question pourquoi : (il fait chaud parce que
le soleil brille ; il a été puni parce qu'il a commis une faute) ; dans
le second, l'explication, en tant que fait, est déjà connue de celui
321auquel on s'adresse, et on ne la rappelle que pour en tirer une
conséquence (puisque le temps est beau, nous sortirons). Les
langues romanes n'ont pas conservé les expressions latines quia,
quoniam
etc. Pour l'explication simple (quia), qu'elles considèrent
comme contenant proprement le pourquoi de l'action,
elles emploient des composés où entrent les prépositions causales
pro ou per (comp. en anglais le simple for) ; quant à la raison
déterminante (quoniam), elles la considèrent comme un rapport
de temps, si bien que l'énonciation de la proposition principale
est conçue comme une conséquence de la proposition secondaire,
et pour l'exprimer elles se servent de particules de temps,
ce qui a aussi lieu dans d'autres langues (lat. quum, quoniam de
quum jam et même postquam, gr. ἐπεί, gr.mod. ἀφ'οὑ, v.h.
all. sît, all.mod. da, indem, angl. since). — Le mode appliqué
ici est toujours l'indicatif, il n'y a que les particules italiennes,
aujourd'hui vieillies, conciossiacosachè, conciofossecosachè,
qui prennent le subjonctif, car elles sont elles-mêmes formées
avec ce mode : la première forme se construit avec le présent,
la seconde avec l'imparfait. Como en portugais peut aussi se
faire accompagner de ce mode, voy. dans Camoëns : como
fosse debil, não teve resistencia Lus
. 2, 69 ; como Gama
desejasse piloto, cuidou que entre estes Mouros o tomasse

2, 70. Il en est de même pour comme dans le français de
transition : comme il soit voir (puisqu'il est vrai) ; comme
jeunesse soit de soy encline à mains mouvemens
Christ.
de Pisan (Monn. Chrest. I, 129).

2. La conjonction pour l'explication simple est : it. perchè
ou perciocchè, esp. porque, port. porque, porquanto, fr.
parce que, prov. quar ou per so quar et per so que, val.
pentru ce, pentru cę, cęci. Ex. Ital. così penso, perché a
noi si è forza di così giudicare
(ita sentio, quia sic existimare
nos est necesse
) ; la cosa è notissima, perché è da
molti scrittori celebrata ; egli la cominciò a riguardare,
perciocchè bellissima era
. Esp. no pude asistir, porque
estaba malo ; solo porque me has oido, te tengo de hacer
pedazos
Cald. I, 2b ; port.estava confusa, porque cada
hum os ouvia fallar em sua propria lingua ; os puzerão
em guarda, porquanto ja era a tarde
. Prov. pauzet lo en
la crupia, quar non avia autre luoc
(quia non erat eis
locus
) GO. 80a ; e cuida, quar es manens, qu'autre dieus
no sia Choix
IV, 109 ; et ar suefre qu'Espanha-s vai
perden, per so quar lai trobavon ochaiso
110 ; franç. il a
322été puni, parce qu'il a manqué ; je le veux bien, parce
que cela est juste
. — Il arrive sans doute, au moins en italien,
et plus souvent encore en provençal, que ces expressions s'emploient
aussi pour le motif proprement dit ; c'est ainsi qu'on lit
dans Pétrarque : perché la vita è breve (considérant que la
vie est courte) Cz. 8 ; prov. quar verais pretz fis es en
N'Alazais aclis…mi par
(comme elle possède un véritable
prix, il me semble que etc.) Choix IV, 35. — Le motif peut
encore être indiqué par causa : ital. a cagione che, esp. á
causa que
, fr. à cause que.

3. La conjonction la plus usitée pour le motif est : it. poichè,
ou le simple poi (très-employé dans l'ancienne langue), aussi
posciachè, esp. pues que, plus souvent pues, port.poisque,
pois
, prov. pos et d'autres formes secondaires (presque toujours
sans que), fr. puisque. L'expression valaque est de vreame ce
(litt. depuis le temps que). Ital. poichè iddio mi ha fatto
tanta grazia, io morrò contento ; piacerebbevi egli, poichè
altrove andar non posso, di qui ritenermi ? Dec
. 5, 3 ;
perchè ardire e franchezza non hai, posciachè tai tre
donne benedette curan di te ? Inf.
2, 423. Esp. pues huir
no podemos, desde aquí escuchemos ; quiero que me lo
perdones, pues te he perdonado tantos yerros ; eres simple,
pues desto haces caso ; mal informada estais, pues que
la fe de mis fiuzas dudais
Cald. Port.poisque perguntados
somos, seja vos notorio que
etc. ; eu me vou, pois me
mandais
. Prov. puois fin' amors me torn'en alegrier, ben
dei pensar de far gaia chanso Choix
V, 163 ; pus mi
preiatz qu'ieu chant, ieu chantarai
III, 58 1110. V.franç. puis,
encore chez Marot : allez au tect, puis le soleil tombe III,
303 ; franç.mod. puisque vous le voulez, j'accorde qu'il le
fasse ; je le veux bien, puisque vous le voulez
. En français
le motif est aussi très-bien rendu par l'expression prosaïque
vu que, moins usitée en espagnol et en portugais sous la forme
visto que ; l'espagnol se sert encore de supuesto que 2111.323

4. D'autres conjonctions, dont la signification originaire
est aussi temporelle, peuvent s'employer pour le motif. Ce
sont : 1) ital. dacchè, giacchè, esp. ya que, port.ja que.
Ex. Ital. dacchè (var. poichè) hai pietà del nostro mal perverso
Inf.
5, 93 ; avrò pazienza, giacchè il cielo così
destina
. Esp. ya que me tratais así, que delito cometí ?
Cald. ; port.ja que minha ventura foi essa, necessario he
segui-la
. — 2) On se sert moins de quando pour quoniam ou
quia qu'en latin, où l'on dit : quando ego tuum non curo,
ne cura meum ; quando ita vis, dî bene vertant
. Ital. così
stimo, quando a lasciare il campo è stato il primo Orl
. 1,
67. Esp. denme mis espadas, quando mis yernos non son
PC
. 3169 ; querria mas la muerte, quando por mios pecados
la fija he perdida Apol
. 441. Prov. quant es fers
no preza Olivier Fer
. 891 ; vos amer' ieu, quan aissi fui
fadatz Choix
III, 341 ; v.franç. dex, tu soies aorez, quant
j'ai trové celui
etc. PDuch. 217 ; ne sai u est, quant jo nel
voi Parton
. II, p. 38 ; quant il est vostre huem liges, il vus
deit fei porter TCant
. p. 27 et souvent ; ce mot n'est pas usité
en français moderne. — 3) Enfin l'expression comparative come
s'applique aussi bien au motif qu'à des rapports de temps, et
alors elle exprime proprement une conformité logique du motif
et de l'action. La proposition principale peut être rapportée à
la proposition secondaire au moyen d'un corrélatif. Ital. siccome
il mio delitto è provenuto da amore, non credeva avesse
a rimproverarmene il figlio stesso
. Esp. como eran mozos
y alegres, no se disgustaban de tener noticia de las hermosas
de la ciudad Nov
. 10 ; port. (Venus) como hia affrontada
do caminho, tão fermosa no gesto se mostrava
(parce
qu'elle était excitée) Lus. 2, 34. Prov. cum eu amei fortmen
tortz es si no sui amatz GProv
. 12 ; franç. comme cet
homme est inconstant, aussi voit-on qu'il réussit rarement
.

5. Les propositions secondaires de motif, de même que celles
de temps, et tout aussi souvent, peuvent être représentées d'une
façon abrégée par des locutions participiales, par ex. ital. io ti
consento sembrandomi che hai ragione ; volendo trarre
gli uomini di questo errore ho giudicato necessario che
etc.
324On a indiqué plus haut, p. 224, une autre manière de s'exprimer
au moyen de pro suivi d'un infinitif.

3. Propositions secondaires de but.

Pour le but on a : 1) Des combinaisons comme ital. acciocchè
(qqf. acciò), affinchè, finchè, esp. para que, á fin de que,
aussi á que (v.esp. por amor que Bc. Mil. 410), port.para
que
ou pera que, franç. afin que. Le mode usité est le subjonctif.
Ital. non giudicate, acciocchè non siate giudicati ;
lo dico, affinchè voi lo sappiate
. Esp. decidme quien sois,
para que yo lo sepa ; les pondera los males á fin de que
huyan de ellos ; le traigo á que le veas
 ; port.não mandou
deus a seu filho ao mundo, pera que condenasse
. Pr. totz
vicis tenemper escuzatz, can se fan per qu'ont no laysshe
bo mot
(pour ne pas perdre une bonne expression) Leys
d'am.
I, 28. Franç. je le dis, afin que vous le sachiez. La
particule valaque pour le but est ca (p. 297), mais on se sert aussi
de et ca sę : eu am trimęs, sę te chieme (misi ut te vocent) ;
cinsteśte pre pęrintzii tei, ca sę ai zile lungi (honora parentes
tuos, ut habeas dies longos
). — 2) Comme les idées
de but et de motif sont intimement unies, certaines particules
causales peuvent aussi trouver leur application dans la proposition
de but. Ex. Ital. il mulattiere lo cominciò a battere,
perchè passasse Dec. 9, 9. Esp. lo digo, porque lo sepas ;
port.a casa passa o sancto Henrique, porque o tronco dos
reis se sanctifique Lus
. 8, 9. Prov. la laida deu gardar lo
maritz senatz
per q'om no veia sas foudatz Choix IV, 15 ;
lo joglar cantava sa canso, per so que be la saubes V, 32.
Il en est de même des combinaisons franç. pour que et val.
pentru ca, dont le sens était originairement causal, mais qui
ne sont pas usitées pour le motif. — 3) Parfois la simple copule
suffit : ital. par ex. che non ti fai insegnare quello incantesimo,
che tu possa far cavalla di me ? Dec
. 9, 10. Esp.
guardanos de mal colpe, que las almas ayan buena essida
Bc. Mil. 911. Prov. chansos vai, quet chant (va, pour qu'elle
te chante) Choix III, 83 ; v.franç. si m'oci, que ces vassals
ne m'ocient
(et percute me, ne isti interficiant me) LRs.
118 ; franç.mod. approchez, que je vous parle.

2. Une autre forme de la proposition de but, lorsqu'elle n'a
pas de sujet qui lui soit propre, consiste, comme nous l'avons
indiqué plus haut, p. 223, dans l'emploi de l'infinitif accompagné
d'une préposition.325

4. Propositions secondaires de condition.

1. La particule la plus usitée pour le membre conditionnel de
cette construction est latine. C'est en italien se (devant les voyelles
aussi sed, dans l'ancienne langue) ; port.se, esp. prov. fr. si,
le valaque emploie quelquefois , mais bien plus habituellement
de. L'espagnol place aussi sa particule après des prépositions, il
affectionne surtout les combinaisons por si, para si (dans le cas
où) : por si acaso mis penas pueden en algo aliviarte,
oyelas atento
Cald. I, 3a ; yo lo fixé en mi memoria para
si sucediese tiempo de poderlo decir Nov
. 12. D'autres
combinaisons du même genre sont para quando, de quando,
de como, en como
 : il en sera parlé plus tard. En latin si sert
encore à indiquer le moment, par ex. herus si redierit, molendum ;
lunam, si crescat, ortus spectare haud dubium
est
. La grammaire romane a renoncé à cette acception ; cependant
on trouve en italien : lo saprà s'a lei arrivo Inf. 15, 90.
(où le fait énoncé est certain, non pas hypothétique) ; dans le
même sens : quando sarai dinanzi etc., da lei saprai 10,
130) ; fr. si mon frère vient, vous m'avertirez. En revanche,
quando s'emploie aussi pour si.

2. Pour ce qui concerne le mode dans les propositions de ce
genre, la règle est simple. Lorsque la proposition principale
énonce un fait comme présent, passé ou futur, elle exige l'indicatif
aussi bien que la proposition conditionnelle : ital. lo vedo, lo
vidi, lo vedrò, se non m'inganno ; lo vedrò, se potrò
.
Le subjonctif est appliqué dans les deux membres (ou, ce qui
revient ici au même, le conditionnel dans le premier et le subjonctif
dans le second) lorsque la phrase exprime une simple
supposition : se Giove stanchi il suo fabbro, non ne potrebbe
aver vendetta allegra Inf
. 14, 52. Ce dernier mode forme la
proposition hypothétique, qui a cela de particulier que les
deux membres qui la composent sont la condition l'un de l'autre.
Sur ce genre de proposition il faut remarquer ce qui suit : 1)
Une règle commune à tout le domaine roman, sauf au français,
prescrit pour la proposition conditionnelle l'imparfait du subjonctif
et pour la proposition principale le premier ou le second conditionnel
et les périphrases dérivées de ces deux formes. Dans les deux
cas le latin emploie un seul et même temps, l'imparfait ou le plusque-parfait,
bien que les deux temps s'accommodent ensemble. It.
io il farei, se potessi (hoc ego facerem, si possem) ; io l'avrei
326fatto, se avessi potuto
(fecissem, si potuissem) ; io il farei, se
tu non fossi venuto
(hoc ego facerem, nisi venisses). Esp. si
yo le viese, se lo dixera
ou diria ; si yo le hubiese visto,
se lo hubiera
ou habria dicho ; de même en portugais. Prov.
si tu o denhesses lauzar, elhas non o degron suffrir (1er
cond.) Choix IV, 44 ; ieu passera, si agues 136 ; si mandesson,
farian
(2e cond.) 197. — 2) Le français remplace
l'imparfait du subjonctif par le temps correspondant de l'indicatif ;
si je pouvais, je le ferais ; si j'étais venu plus tôt, je vous
aurais trouvé
. Cette même forme s'emploie aussi en provençal
à côté du subjonctif : que ben poiratz dechazer, s'aviatz mil
marcx de renda Choix
IV, 20 ; comp. ops m'auria, si volia
etc. III, 87 ; semblaria, si era 145 ; laissarian, si durava
238 ; si podia, salvaria 402 ; elle est plus rare dans les langues
sœurs. — 3) En italien, on admet souvent l'imparfait de l'indicatif
dans la proposition principale lorsque la proposition conditionnelle
contient le plus-que-parfait du subjonctif. Ex. s'avesse dato
all'opera gentile voce ed intelletto, di sospir molti mi
sgombrava il petto
P. Son. 58 ; vedervi, s'avessi avuto di
tal tigna brama, colui potei
(potevi) Inf. 15, 111 ; se
potuto aveste veder tutto, mestier non era Pg
. 3, 38 ; gli
altri modi erano scarsi, se'l figliuol di dio non fosse
umiliato Par
. 7, 18 et souvent. Cette langue procède donc
comme le latin dans jam fames quam pestilentia tristior
erat, ni annonae foret subventum
, et l'allemand dans er
war gerettet, wenn man ihm geholfen hätte
. La réalité d'un
événement restreinte par la possibilité d'un autre devient elle-même
une simple possibilité. — 4) Un seul et même temps peut
aussi être appliqué dans les deux membres de la proposition.
Au sud-ouest, on se sert surtout du premier conditionnel pour
la proposition conditionnelle et du premier ou du second pour
la proposition principale : si el nombre os importára saberle,
os le dixera
ou diria ; port.se o fizeras, eu seria muito
contente
. Le français se sert du plus-que-parfait du subjonctif :
si vous fussiez (étiez) venu plus tôt, vous l'eussiez trouvé.

L'emploi de l'imparfait de l'indicatif est plus général, mais il
est aussi plus rare. Ital. se non era ch'altri quivi arrivar,
ben l'assaliva Ger
. I, 48 ; tremò così che ne cadea, se meno
era vicina la fedele aita
12, 81. Esp. sino guardaba este
artificio, no habia poder averiguarse con él DQuix
. 1, 7.
Franç. s'il bougeait, il était perdu. — 5) Il convient encore
d'observer au sujet de l'idée temporelle que le temps simple
327prend souvent la place du temps périphrastique. Ainsi le conditionnel
simple est surtout usité en espagnol et en portugais :
todo esto fuera poca parte, si no sucediera etc. (pour hubiera
sido, hubiera sucedido
) Nov. 10 ; se passáram, deixáram
(pour tiverão passado, tiverão deixado) Lus. 5,
23 ; se a víra, matáram 2, 35 ; se tivera, recevera 2, 69.
Le provençal donne la préférence à l'imparfait du subjonctif qui
est ainsi ramené à sa signification première : e dic vos, si
l'aconseghes fermament, que tot lo fendes
(au lieu de agues
aconsegut, agues fendut
) Jfr. 62a ; se l'enfançon n'eust
veu, il nel deist pas
(n'eust pas dit) NFC. I, 309. De même
lat. si esset unde id fieret, faceremus pour fuisset, fecissemus
Térence Andr. 1, 2, 27. Sur l'emploi inverse du plus-que-parfait
pour l'imparfait du subjonctif en bas-latin, voy. plus
haut p. 303 note. — Aperçu des formules de la proposition
hypothétique établi d'après la correspondance logique des temps :

Ital. s'egli venisse, lo troverebhe (n. 1)

se fosse venuto, l'avrebbe trovato (n. 1)

se fosse venuto, lo trovava (n. 3)

se veniva, lo trovava (n. 4)

Esp. si él viniese, le hallára (hallaria) (n. 1)

si hubiese venido, le hubiera hallado (n. 1)

si viniera, le hallára (n. 4)

si hubiera venido, le hubiera hallado (n. 4)

si venia, le hallaba (n. 4)

Franç. s'il venait, il le trouverait (n. 2)

s'il était venu, il l'aurait trouvé (n. 2)

s'il fût venu, il l'eût trouvé (n. 4)

s'il venait, il le trouvait (n. 4).

3. La conjonction si est prise encore dans une autre acception
qui semble moins appropriée à l'idée qu'elle représente : elle
s'emploie dans les invocations et les serments, et exige en ce
cas toujours le subjonctif. Ital. l'uom, se dio mi vaglia, creato
fu
etc. BLat. 59 ; se m'aiti iddio, io il vi credo. Esp. oyd
mesnadas, si vos vala el criador PC
. 3139 ; si el criador
vos salve
1124 ; si veas paraiso Bc. S. Laur. 59 ; si dios de
mal mi guarde
Rz. 958 ; oytme, sy Jesucristo vos perdon
Fern. Gonz
. 203 ; port.se deus mi perdon D. Din. p. 8 ;
si deus me perdon Trov. n. 152, 2 1112. Prov. perdonatz me,
328sim sal lo filh sancta Maria Choix
III, 410 ; si dieus mi
valha, mot voluntiers irai ab luy
402 ; si Jhesu Crist
m'ampar GA
. 1844 ; si m'ajut fes PO. p. 2 ; si m'ajut dieus
ni fes Choix
III, 404 ; se dieus m'ajut Jfr. 117a ; v.franç.
si ait m'arme pardon QFA. 525 ; se m'ame soit sauvée
976 ; se nostre sires me regart FC. II, 329 ; si deus vos
voie
B. Chr. fr. 201, 3 ; se diex me voie Rom. éd. Bartsch
p. 168 (et ailleurs souvent) ; se diex me saut Ccy. 1268 ;
se dieu vous doint santé TFr. 496. Si a ici aussi une valeur
conditionnelle : « dis la vérité, si Dieu t'aide = si tu veux que
Dieu t'aide 1113 ».

4. D'autres mots simples et composés se prêtent à exprimer
la condition : 1) Quando. Ital. quando è così, contento sono ;
nè riparar si può ch'ella non pera, quando per lei non
venga un guerrier forte Orl
. 4, 59. Esp. quando tu non
quieres, yo vevir non cobicio Alx
. 1542 ; quando mi muerte
pretendas, no has menester mas armas
Cald. I, 81a. On
voit que quando se construit aussi avec le subjonctif. Emploi
de quando dans les propositions hypothétiques : Ital. la quale
elezione sarebbe più savia, quando gli uomini fossero
contenti
Mach. Disc. 1, 1. Esp. tuvierate entonces por
amigo, quando con pecho y animo seguro este mio afligido
traspasáras Num
. 4, 1. Fr. quand on découvrirait votre
démarche, on ne pourrait la blâmer
. Le valaque emploie
de même cųnd. On trouve en allemand le même sentiment qui
fait envisager la condition dans le temps, comme un simple
événement, et c'est ainsi que la conjonction wenn (quand) en
est venue à exprimer la condition, qui se rendait autrefois par
ob. En latin la particule également temporelle quum peut aussi
servir à marquer la condition : quis non, quum haec videat,
irriserit ?
(Reisig, Vorlesungen p. 531). — 2) Expressions
329restrictives répondant au lat. dummodo : ital. sol che, purchè,
esp. sol que, con solo que, prov. sol que et le simple sol,
toutes avec le subjonctif. Ital. questo farò io volentieri, sol
che voi mi promettiate Dec
. 10, 4 ; purchè mia coscienza
non mi garra Inf
. 15, 92. Esp. los perdona, sol que se
tornen á el repentiendose SPart
. II, p. 15 ; yo te perdono
con solo que me prometas Nov
. 6. Prov. sol dieus mi gart
mon escudier Choix
IV, 11. Comp. lat. scies, modo ut tacere
possis
Térence, Phorm. 1, 2. L'esp. como se prend aussi dans
le même sens de dummodo : ninguna es mala, como sea
verdadera DQuix
. 1, 9 ; como ellas no fueran tantas,
fueran mas estimadas
c. 6 ; podemos, como en otro trage
entremos, llegar á hablarle
Cald. I, 93a. — 3) Mots qui
expriment une présupposition : ital. in caso che, posto che,
esp. caso que, puesto caso que, supuesto que (d'autre part
puesto que s'emploie pour quamquam), prov. ab que, franç.
en cas que, supposé que, pourvu que et d'autres locutions
qui, par leur nature même, exigent le subjonctif. — 4) Expressions
relatives qui correspondent au lat. ubi et à l'all. wofern :
ital. ove, dove, esp. donde, par ex. ove così non fosse, io
mi rimarrò Giudeo Dec
. ; le disse che, dove ella volesse,
egli l'ajuterebbe ; lo habeis de defender, donde no conmigo
sois en batalla DQuix
. 1, 4. A ce groupe se rattachent les
combinaisons usitées déjà dans les Serments : in quant, in o
quid
, ital. inquantochè etc. — 5) Pour nisi, il faut encore
remarquer le franç. a moins que ne avec le subjonctif, par ex.
à moins que vous ne lui parliez ; aussi esp. port. á menos que.

5. On trouve aussi dans l'ordre des mots un moyen d'exprimer
la proposition hypothétique, lorsqu'elle est négative ;
cependant ce procédé est vieilli ou n'est presque plus permis
qu'au langage familier. La construction appliquée en cette circonstance
est celle de la proposition interrogative qui place le
verbe en tête. Ital. par ex. contenti saremmo…non fosse
che
etc. PPS. I, 391 ; non fosti alato, morresti, di freddo
II, 129 ; mostrato avrebbe il suo valore, non fosse stato
Onorio Dittam
. 2, 27. Pr. retengutz fora, no fos W. d'Encontre
GA
. 2558 ; v.franç. bien lor allast, ne fust li rois
Gar
. I, 111 ; fr.mod. et n'eût été Léonce, ce dessein seroit
tombé
Corn. Héracl. ; cet ouvrage serait fort bon, n'était
la négligence du style Dict. de l'Acad
. s. v. ne. Cette construction
est plus rarement employée lorsque la phrase secondaire
est positive. It. com'uomo in mar che si vede perire e camperia,
330potesse in terra gire
Nann. Lett. I, 93. Esp. fuera
aun viva y en su ser Numancia…me holgára Num
. 4, 4 ;
port.houvera elle lido os modelos da antiguedade, fora
mais correcto
. Prov. ieu am mais morir…e fos mia
Alamanha Choix
IV, 114. V.franç. fust i li reis, ni oüssum
damage Rol
. p. 44 ; se retraist chascun vers leur ville,
voulsist le connestable ou non
Froiss. A ces exemples peuvent
se comparer les phrases latines volueris, de bulba faciet
piscem
Pétrone cap. 70 ; unum cognoris, omnes noris. —
D'autres formes de propositions conditionnelles ont été indiquées
à propos du participe (p. 251) et de l'infinitif avec ad et in
(p. 221. 225) ; nous en signalerons une autre lorsque nous parlerons
de la proposition relative.

5. Propositions secondaires de concession.

Il existe un grand nombre de conjonctions pour la proposition
secondaire concessive. Elles sont pour la plupart composées d'un
si ou d'un quando conditionnel et d'un adverbe de concession,
ou bien d'un adverbe de ce genre et de la copule que. Ex.
sebbene, se anche, quando anche, quantunque, benchè,
comechè, ancorchè
, ou simplement ancora surtout dans l'ancienne
langue, avvegnachè ou avvegna, tuttochè, non ostante
che
, même perchè ; esp. si bien, bien que, aunque,
puesto que, dado que
et quando, v.esp. aussi magar, magar
que, comoquer que
(surtout dans les Cast. de D. Sancho et
le CLuc.) ; port.se bem que, bem que, ainda que, posto que ;
prov. sitot (rarement séparé : s'om tot nol demanda LR. I,
486), si ben, ben que, cum que PO. 153, quanque, ja
(pour ja que), ja sia que, ja sia so que GO. 39b ; franç.
quand même, quand, bien que, encore que, quoique, et
aussi malgré que ; val. de śi (c.-à-d. quand même), macar ce,
macar cę, bátęr
.

2. Les locutions adverbiales suivantes servent à la proposition
adversative : elles se composent généralement de démonstratifs
auxquels s'adjoint d'ordinaire la négation en tant que
cette proposition nie ce qui est énoncé dans l'autre : ital. non
perciò, non però, non per tanto, ciò non ostante, non meno,
nondimeno
et d'autres analogues, con tutto ciò, tuttavolta,
tuttavia, pure
, esp. no por eso, con todo esto, todavia,
sin embargo
, port.les mêmes expressions, prov. no per tal,
no per tan, nequedonc, ges no
, parfois si (Choix III, 266 :
331si dei chantar), franç. néanmoins, pourtant, toutefois, val.
totuśi, śitot, tot, macar, iare, afarę de aceasta. Ces mots
servent à faire ressortir la contradiction et ne s'emploient régulièrement
que dans le cas où la proposition principale prend la
place de la proposition secondaire. On les omet lorsqu'on ne veut
pas mettre en relief l'idée en question : ital. quantunque di
buona famiglia fosse, era avarissimo e cattivo
 ; esp. dado
que no sea muy alabada, siempre es digna de la mayor
alabanza
 ; prov. sitot ai tarzat mon chan, ar ai ben cor
e talan
 ; franç. quoiqu'il soit pauvre, il est honnête homme.
L'allemand se passe bien plus difficilement de ces particules
adversatives.

3. Le mode, dans la partie concessive de cette proposition,
se comporte à peu près comme en latin. S'il s'agit d'une simple
conception ou d'une présupposition, on applique le subjonctif,
l'emploi de l'indicatif serait incorrect ; au contraire si un fait
est énoncé comme réel, l'indicatif reprend ses droits. Cependant
le subjonctif est facilement appliqué dans le second cas aussi,
lorsque celui qui parle use de la liberté qui lui est laissée d'insister
moins sur le fait en lui-même que sur l'expression du fait.
Les diverses langues présentent, il est vrai, d'importantes divergences
à cette règle de la grammaire commune. 1) En italien,
on se sert rarement de l'indicatif pour représenter formellement
un fait comme tel. Ex. benchè ʼl parlar sia indarno P. Cz.
16 ; benchè la somma è di mia morte rea Son. 126 ; benchè
avea gli occhj di lagrime pregni Orl
. 12, 91 ; nacqui sub
Julio, ancorchè fosse tardi Inf
. 1, 70 ; io ti conosco, ancor
sie lordo tutto
8, 39 ; avvegnachè la subitana fuga dispergesse
color, io mi ristrinsi Pg
. 3, 1. Quantunque qui est
le lat. quantumvis, quamvis, exige, conformément à l'idée
qu'il représente (quelque que), le subjonctif : quantunque ciò
sia ottimamente detto, non è perciò così da correre a farlo
Dec
. proem. Perché aussi prend le subjonctif lorsqu'il est
concessif, de même qu'il prend l'indicatif lorsqu'il est causal :
perché ne' vostri visi guati, non riconosco alcun Pg. 5, 58,
comp. 17, 15, Inf. 15, 14. — 2) Esp. aunque et puesto que
se construisent, conformément à la règle, avec l'un ou l'autre
mode : traidores pueden poco, aunque sean muchos ; le
diera muerte, aunque le estimára ; puesto que tú no quieres,
no por eso dexaré de hacerlo Nov.
2. Quando veut
le subjonctif : quando esto no tema, temo á mi hermano
Nov
. 9. L'arch. maguer souffre les deux modes : mager eran
332esforzados PC
. 171 ; maguer que flaco era Bc. Mill. 188 ;
non sabran, magar quieran Alx. 938 ; maguer me dice
mi alma Cal. è D
. p. 26a ; maguer me yo tema ibid. ; como
quier que
sean madres, los sus hijos son semientes de
sus padres Cast. de D. Sancho
96a ; como quier que bien
es verdat
etc. ibid. ; port.par ex. macar m' el viu sol, non
quiz falar migo Trov. vat
. p. 97. — 3) Le prov. sitot ne
s'emploie partout qu'avec l'indicatif, même là où on s'attendrait
à trouver le subjonctif : sitot m'o tenetz a fades, per tan
nom poiria laissar Choix
II, 249. Parmi les autres expressions
ja que, ja sia, quan que régissent le subjonctif, comp.
III, 207, III, 472, GO. 228b. — 4) En français, toute énonciation
concessive demande le subjonctif, même lorsqu'un fait
est énoncé comme tel : il est de très-bonne maison, quoiqu'il
ne soit pas riche ; encore qu'il soit fort jeune, il ne laisse
pas d'être fort sage
. D'autre part, une simple présupposition
peut être exprimée par quand et quand même avec le conditionnel,
par ex. quand (même) je le voudrais, je ne le
pourrais pas
.

4. Diverses conjonctions concessives peuvent être préposées
comme des adverbes à un nom, sans régir elles-mêmes un verbe :
elles se comportent en ce cas comme la particule adversative
sed. Ex. Ital. ho avuto un guadagno benchè piccolo, quantunque
piccolo ; gli impotenti como che virtuosi
Mach.
Disc. 1, 18. Esp. el juez aunque severo parece justo. Fr.
la pièce a réussi quoique faible de style. On supprime avec
élégance la particule adversative devant un adjectif attributif,
ainsi en espagnol muerte aunque cruel, loable Num. 3, 2 ;
port.aspeito ainda que agreste, venerando Lus. 4, 71.

5. On peut, sous certaines conditions, obtenir un sens concessif
d'une autre manière encore qu'à l'aide des conjonctions
citées. 1) S'il s'agit de concéder une qualité dans une proportion
indéterminée, on place devant l'adjectif la préposition causale
pro (ital. per), et on le fait suivre du mot de liaison que ;
puis vient le verbe au subjonctif. Ital. per bella che sia, non
mi piace
(quamvis sit pulchra, mihi non placet). Esp. por
celado que lo tu estés, Dios te oirá Cast. de D. Sancho

223a ; por docto que seas, no me puedes convencer. Prov.
que quecs, per pauc qu'el n'agues, son pretz volri' escoiscendre
Choix
IV, 381 ; franç. pour grands que soient les
rois, ils sont ce que nous sommes
Corn. Cid (archaïque).
En espagnol et en portugais, le comparatif n'est pas non plus
333inusité dans cette circonstance : por mas grande que fuese ;
por mas discrecion que tenga ; por mor mal que me façaes

(quelque grand que soit le mal que vous me fassiez) GCer. II, 268.
Même des substantifs peuvent entrer dans cette construction :
ital. per pena ch'eo patisca PPS. II, 134 ; per chiamar
ch'uom faccia
(quantumvis clames) P. Cz. 6, 2 ; esp. por
ocasion que venga Alx
. 1466 ; prov. per perdre que fassatz
(quantumvis perdas) Choix V, 44 ; v.franç. pour povoir
qu'aie eü TFr
. 539. — 2) La même action peut aussi être
exercée par l'ital. tutto, le fr. tout devant des adjectifs suivis
de que : ce mot est concessif comme la conjonction tuttochè :
tutto ricco ch'egli era ; tout puissants qu'ils sont ; toute
charmante qu'elle est
 ; l'espagnol semble ignorer cette tournure.
Le mode prescrit en ce cas est l'indicatif, peut-être parce
que la conjonction a ici un sens comparatif comme come ou
quanto. Le v.fr. tant suivi du subjonctif produit le même effet :
vens, tant ait grant force, n'en abat jus foille FC. III,
117 ; tuit li paintre qui sont vivant, tant soient sage, ne
portreroient un visage si biau NF
. Jub. II, 259. — 3) Les
expressions interrogatives accompagnées de que expriment
également un sens concessif, de même que les mots correspondants
en allemand lorsqu'ils sont unis à auch. « Qui que ce soit
qui l'ait dit, la chose est fausse » équivaut à « que celui-ci ou
celui-là l'ait dit etc. » ; seulement l'idée indéterminée ressort
davantage dans le cas où le pronom est placé en tête. Divers
interrogatifs de ce genre, par leur composition avec d'autres
mots, ont passé dans la classe des pronoms indéfinis ou des
adverbes ; mais ces derniers sont pour la plupart aussi accompagnés
du mot de liaison que. Le mode appliqué ici est le subjonctif,
contrairement à l'usage du latin qui se sert de l'indicatif.
Voici quelques exemples : Ital. chi che l'abbia detto et chiunque
l'abbia detto
(quisquis id dixit) ; che che questo sia
(quidquid id est) ; chenti che elle si fossero (qualescunque
fuerunt
) ; ovunque ella sia (ubi ubi est) ; comunque si sia
(ut ut est). Esp. quienquiera que seais ; en qualquiera manera
que sea ; comoquiera que ello sea
 ; port.quemquer
que seja ; qualquer cousa que succeda ; como quer que
apparecesse o inimigo
. Prov. qui que m'en tengues per
perjur ; cui que plassa ; que qu'om vos dia ; que quel corps
faça Boèce
155 ; qual que-s vuelha ; en qualque loc que
sia ; quoras qu'ieu fos grieus
(en quelque temps que je fusse
chagrin) Choix III, 195 ; quoras que-s vol (ind.) Boèce 185 ;
334on qu'ilh estey ; cum que sia ; franç. qui que ç'ait été ;
quoi que vous disiez ; quel que soit son mérite ; quelque
personne que ce soit
 ; on se sert aussi de quelque devant des
adjectifs : en ce cas il est adverbe et ne varie pas, par ex.
quelque savants qu'ils soient. — 4) Il y a un cas où le sens
concessif peut être exprimé au moyen de la particule disjonctive
(lat. sive) suivie du subjonctif : c'est quand on admet dans
la proposition subordonnée la possibilité de diverses actions,
sans que la proposition principale y revienne. Il va de soi que
la particule peut aussi être omise. Au subjonctif roman s'oppose
ici encore l'indicatif du latin. Ital. o vero o non vero che si
fosse, morendo egli addivenne
(sive verum fuit sive falsum
etc.) Dec. 2, 1 ; sia o no stato, ciò nulla importa (sive fuit
sive non fuit, nihil ad rem) ; il cielo, opra sua fosse o
fosse altrui, celolla Ger
. 2, 10 ; o ira o coscienza che
l' mordesse, forte spingava Inf. 19, 119 ; vogliatemi bene,
vogliatemi male, non m'importa niente
. Esp. ya libres ó
ya cautivos esteis, escuchadme
Cald. I, 139b ; ora fuese
visto, ora no DQuix
. 1, 27 ; ahora calles, ahora hables etc.
(le sens disjonctif s'exprime volontiers par ya ou ahora) ; respondió
que el pagaria, viniese ó no huesped alguno ; mi
padre era muy igual, sea en lo adverso, sea en lo prospero
 ;
port.irei, quer chova, quer faça bom tempo. Prov.
l'amarai, ben li plass' o li pes Choix III, 73 ; volgues o non
volgues
(v.fr. vossist ou non) ; o sia que il sunt pupil o
sia que non GO
. 91a ; franç. qu'il soit brave guerrier, qu'il
soit grand capitaine, je lui rabattrai bien cette humeur si
hautaine
Corn. Cid ; soit qu'il cède ou résiste etc. Les
formules ital. sia…sia (sia…o), esp. sea…sea (sea
…ó
), si quier…si quier, port.quer…quer, franç. soit que
…soit que
(soit que…ou que, ou) rendent le lat. sive…sive.

6. De même que la proposition conditionnelle, la proposition
concessive se forme parfois en appliquant la construction de
l'interrogation directe avec le subjonctif, et cette forme est moins
rare que dans le premier genre de proposition. Ital. par ex.
lo troverò e fosse egli alla fine del mondo ; v.ital., sans
modification de l'ordre des mots : (quantunque) morto fossi,
dovria a madonna tornare PPS.
I, 276. Prov. am mais
morir de lai, e fos mia Alamanha Choix
IV, 114 ; mais
vueilh servir vos qu'autra, em des ni anel ni cordon
217 ;
franç. fût-il la valeur même…il verra ce que c'est que
de n'obéir pas
Corn. Cid ; dût tout cet appareil retomber
335sur ma tête, il faut parler
Rac. Iph. Dans Charles d'Orléans,
une chanson commence par un et, qui est un renforcement :
Et eussiez vous cent yeulx. — Nous avons signalé plus haut,
p. 251, les constructions participiales concessives.

6. Propositions secondaires de mode.

Il y a des propositions secondaires pour exprimer la manière
réelle et la manière possible dont se passe une action.

1. La proposition secondaire pour la manière réelle est caractérisée
par le relatif come qui répond au lat. ut, quemadmodum :
ital. è notissima l'istoria di Cocle, come egli
sostenne i nemici
 ; l'espagnol et le portugais emploient de
même como et le français comme 1114. Pour indiquer la conformité,
on emploie surtout l'ital. secondo che, prov. segun que,
franç. selon que, tandis que l'espagnol et le portugais, parfois
aussi l'italien, se contentent de la simple préposition. Ex. Ital.
egli è morto secondo che affermano ; secondo pare loro
più a proposito
. Esp. él es muy rico segun creo ; no era
posible levantarse segun ténia brumado todo el cuerpo

(selon que) DQuix. 1, 4 ; v.esp. (avec que) segund que es en
otra ley FJ.
 ; port.segundo estava mal apercebido (comme)
Lus. 3, 35 ; b.lat., dans des chartes espagnoles : secundum
docet sententia Esp. sagr
. XL, 363 (ann. 757) ; secundum
testaverunt bisavi
XVIII, 935.

2. La manière possible est rendue par quasi, qui, toutefois,
n'est usité comme conjonction qu'en italien et en provençal
(cais que Jfr. 144b etc.). On remplace cette particule dans
tout le domaine roman par une combinaison qui répond au lat.
uti si : ital. come se, esp. como si, qual si, prov. cum si, fr.
comme si, val. ca cum, ca cųnd. On emploie après cette combinaison
avec si le même mode qu'après si dans la proposition
hypothétique ; en provençal et en français on peut donc employer
l'imparfait de l'indicatif. Ex. Ital. vi stette quasi non potesse
parlare ; io venni meno come s'io morisse Inf
. 5, 141 ;
336tu ci ucelli quasi come se noi non conoscessimo Dec. 6, 6.
Esp. la he criado yo como si fuera mi hija ; qual si fuese
de romanas haces Num
. 4, 2 (p. 81) ; port.os marinheiros
trabalhavam como se aqui os trabalhos se acabassem ;
busco desaventuras alheyas como
que as.minhas não abastassem
R. Men. c. 3. Prov. cum s'ieu moris ; cum si eron
canut Choix
III, 196. Franç. il me pressait de le servir
comme si j'y étais obligé
. En italien on se sert aussi bien du
simple come : com'avesse lo ʼnferno in gran dispitto Inf.
10, 36 ; come'l sol fosse davante Pg. 1, 39, et ailleurs fort
souvent ; aussi v.franç. cume ço fust David LRs. 75 ; com
eles unkes ne s'en partissent LJ
. 496u ; con fusse une garse
TFr
. 492 ; comp. m.h. all. mir was wie (comme si) mich zer
helle ein tiuvel fuorte
.

Chapitre quatrième.
Proposition relative.

La proposition relative s'unit soit à un nom isolé, soit à une
proposition entière : dans le premier cas, elle est ou bien attributive,
par exemple : « voici un arbre qui fleurit bien (un arbre
fleurissant bien) », ou bien explicative : « mon ami, qui était sur
le point de s'en aller, ne pouvait plus m'écrire (parce qu'il était
sur le point de s'en aller) » ; dans le second cas elle n'est qu'une
simple forme copulative : « on essaya de le convaincre, ce qui
réussit (et cela réussit) ». Ces constructions s'opèrent au moyen
du pronom adjectif et forment la proposition relative propre.
Si le sujet de l'énonciation est contenu dans la proposition secondaire,
non point dans la proposition principale, ce qu'on exprime
par le pronom substantif (par ex. « qui n'est pas pour moi
est contre moi »), il en résulte une proposition relative impropre ;
cependant ce second cas peut être rattaché à la proposition
relative propre, puisqu'il en dérive immédiatement (qui
équivaut ici à is qui).

1. Constructions avec le pronom adjectif.

Le pronom le plus important est que, invariable partout,
sauf en français (probablement dérivé de quid, voy. p. 295) ;
L'italien l'écrit che et le valaque ce. Ce pronom est de
337l'usage le plus étendu et s'applique partout presque indifféremment
aux personnes et aux objets. Cependant la grammaire
exige qu'il suive immédiatement l'objet auquel il se rapporte,
mais la pratique ne s'accorde pas partout avec la règle (pour
ce qui concerne le français, voy. Monnard Chrest. I, 118).
Voici ce qu'il convient d'observer à propos de chaque langue
en particulier : 1) En italien, il faut éviter les combinaisons
per che et da che, parce qu'elles existent déjà comme conjonctions
sous la forme perchè, dacchè ; on les remplace par per il
quale, dal quale
. L'italien possède en outre une forme secondaire
cui pour les cas obliques du singulier et du pluriel, précieuse
en ce qu'elle évite les équivoques (è morto Francesco,
cui molto Pietro amava
) et peut même dispenser de l'emploi
des particules casuelles ; elle se rapporte le plus ordinairement à
des personnes, mais on l'applique aussi fort souvent à des objets.
Blanc donne, p. 299, des exemples de l'emploi de cui au nominatif.
2) La même forme existe en provençal et en v.français,
et ces dialectes en font le même usage, par ex. la domna cui
désir ; lo rei cui es la terra ; vos autres a cui d'amor
non cal ; celui cui il atendoit ; la culpe cui avoient ; le rois
cui la cité estoit. Qui
pour cui (dat.) se trouve dans quelques
textes v.français : li sires ki le castiaus fu MFr. 1, 98 ;
Renart qui des chapons sovient Ren. II, p. 208. — 3) Le
français moderne présente une particularité. Le nominatif qui
et l'accusatif que peuvent se rapporter à des personnes et à des
objets, mais il n'en est pas de même des cas prépositionnels
(de qui, à qui, par qui, sans qui etc.), qui ne renvoient qu'à
des personnes ou à des objets personnifiés ; les objets non personnifiés
exigent d'autres relatifs, comme lequel, dont, où, comp.
t. II, p. 101. Ex. l'homme qui raisonne ; la femme de qui
je parle ; le rocher à qui je me plains
(le rocher est ici
personnifié) ; la personne que vous connaissez ; la maison
que vous avez vue ; les terres qui portent du blé
 ; mais le
moyen duquel
(non pas de qui) il s'est servi ; le cheval sur
lequel je suis monté ; les pays dont nous n'avons point de
connaissance ; la maison où je demeure
. Cette langue établit
donc pour le relatif qui les mêmes restrictions que pour le pronom
personnel il, mais les poètes se permettent parfois d'enfreindre
cette règle. Enfin une forme propre au français, quoi, qui ne
peut se construire qu'avec des prépositions, s'appliquait jadis
aux objets non personnifiés de toute nature, par ex. li cevaus
(cheval) sor quoi il sist ; la contrée en quoi il sont ; mais
338aujourd'hui c'est tout au plus s'il est permis de rapporter quoi
à des noms abstraits : l'ignorance en quoi nous sommes ; le
grand secret pour quoi
etc. (au lieu de pour lequel). Quoi
renvoie bien plus habituellement à des pronoms indéfinis comme
chose ou rien : la chose à quoi l'on pense ; il n'y a rien
sur quoi on ait plus écrit
. — 4) Dans une partie du domaine
germanique on peut, sous certaines restrictions, omettre les
pronoms relatifs, par ex. angl. the apartment (which) he had
occupied
(la chambre qu'il avait occupée) ; suéd. det medel
(som) han valde (le moyen qu'il a choisi) ; dan. den vei (som)
han gik (le chemin qu'il a suivi). Cette même ellipse s'observe
aussi dans les anciennes langues de la France, par ex. pr. tals
la cuj' en bailia tener
(qui) non a mas l'ufana B. Chrest.
pr. 57, 29 ; m'azauta sos aibs de tal (qu'ieu) non am B.
p. 40, 7 ; non ai membre (qui) nom fremisca Choix II,
223 ; non ha una peir' el mur (qui) non luza com d'aur o
d'azur Leseb
. 35, 43 ; franç. el pais n'a home ne femme
(qui) ne cuit qu'ele soit decolée Orelli 61 ; n'i ha un (qui)
ne face samblant etc. Burguy I, 165. Le fait que le pronom
relatif est réellement omis dans cette circonstance a été reconnu
par les grammairiens, voy. Raynouard, Choix I, 237, VI, 184,
Orelli, l. c., Burguy, l. c., Bartsch Denkm. p. 322, Tobler
dans ses notes sur le Chev. au Lyon p. 12 et Jahrb. VIII, 350.
On trouve aussi en italien des exemples de cette omission, surtout
lorsque le déterminatif quello précède : sempre s'indovinava
di fare tutte le cose
(che) mi piacessono Ric. Malisp.
(Nann. II, 14) ; non rimase un solo (che) non lacrimasse ;
impose loro quello
(che) avessero a fare, voy. Blanc 297 ;
non si curano molto di quello (che) si scriva o si dica di
loro ; impadronitisi della prima carozza
(che) fosse loro
capitata davanti
, voy. Tobler. Lorsque les verbes des deux
propositions sont à l'indicatif, il n'est guère possible de douter
de la chute du pronom. Quand le verbe de la proposition dépendante
est au subjonctif, la nature du mot de liaison omis est
incertaine, c'est-à-dire que le que qu'il faut suppléer peut aussi
être une conjonction, comp. plus haut p. 311.

2. Qualis, toujours muni de l'article (sauf parfois en v.italien,
voy. Blanc 294), a charge d'appuyer la particule neutre que
et renvoie à des personnes et à des objets. C'est ainsi qu'on
l'emploie parfois à la place de que pour rattacher la proposition
secondaire à un objet qui s'en trouve éloigné. Ital. Amor e ma
donna trovai, lo qual mi disse
GCav. 292. Esp. conocí ser
339muger en el habito largo, la qual dixo
etc. Prov. hom
simples sembla lo riu de la font, lo qual fai deleitable
beure
. Fr. j'ai vu le mari de votre sœur, lequel je connais
bien
. Val. fiia negutzętoriului, carea trecù pe aici (la fille
du marchand qui a passé par ici) ; carele est privé de l'article
lorsqu'il se rapporte à des objets. On emploie encore cette locution
lorsque le nom, par trop éloigné de la proposition principale,
est uni de nouveau au relatif dans la proposition secondaire :
it. il qual giardino mi piace (ce jardin dont il a été question).
Ensuite lorsque le relatif dépend d'un substantif précédant,
comme ital. la donna, la beltà della quale etc. ; esp. muchas
horas, al cabo de las quales
etc. Cela n'a lieu en français
que lorsque le substantif est précédé d'une préposition : l'âne,
pour l'ombre duquel vous disputez
 ; mais on dit : la nature
dont nous ignorons les secrets
. Cette même langue n'emploie
régulièrement lequel qu'au génitif, au datif ou avec des prépositions ;
elle ne s'en sert au nominatif et à l'accusatif que pour
éviter des équivoques.

3. Le possessif cujus s'accorde en espagnol et en portugais
(cuyo, cujo) avec le substantif dépendant et peut-être précédé
de particules casuelles et de prépositions : el autor, cuyos
libros he leido ; una criatura, á cuyo lloro estaba atento ;
o moço, cuja imprudencia me admira, de cuja imprudencia
estou admirado
. Les autres langues remplacent ce
pronom par le génitif des autres relatifs.

4. Il y a deux adverbes de lieu qui peuvent exprimer le
sens d'un pronom relatif prépositionnel, unde et ubi, et qui
correspondent tout-à-fait aux démonstratifs inde et ibi (p. 49.
50), qu'on emploie également avec une valeur pronominale. Ces
adverbes s'appliquent aux objets aussi bien qu'aux personnes.
1) Unde (ital. onde, donde, esp. de donde, port.d'onde, prov.
don, franç. dont) était déjà usité en latin dans le sens de ex
quo, a quo
(fons unde hauritur ; praedones unde emerat) ;
les langues filles l'appliquent à tous les rapports exprimés au
moyen de leur préposition de. Seuls l'espagnol et le portugais,
du moins aujourd'hui, ne lui laissent plus que le sens local.
Il s'unit, comme qui, immédiatement à son substantif. Ex. Ital.
il crine onde (del quale) le fiere tempie eran avvinte Inf.
9, 42 ; la mano onde io scrivo ; quel dond'io mai non fui
sazio
P. Cz. 8, 5. Esp. la casa de donde habia salido ; v.esp.
el regno onde el rey es alma et cabeza SPart. II, p. 8 ;
port.o lugar d'onde vem ; de même val. regïunea unde
340resare soarele
(où le soleil se lève). Prov. Torquator dunt
eu dig Boèce
43 ; lo mestier don aviatz honor. En français,
cette particule est fort usitée, non-seulement dans le sens prépositionnel,
mais aussi dans le sens causal de de qui ou duquel :
les fautes dont je l'ai repris ; les héros dont il tire son
origine ; Dieu dont nous admirons les œuvres
. B.lat. Ex.
digitum, unde sagitta trahitur L. Sal. tit. 47 ; unde se
postea poenitivit Form. Bal
. 13 ; res ecclesiasticas, unde
decimae dantur Cap. Car. Calv
. Baluze II, 206, monasterio,
unde tu es abbas Form.ital
. app. ; comp. Du Cange
s. v. et Pott sur la L. Sal. 135 1115. Le synonyme français d'où
exprime au sens concret ou figuré l'éloignement d'un lieu, par
ex. l'endroit d'où il vient ; des secrets d'où dépend le
destin des humains
. — 2) Ubi (ital. ove, dove, esp. donde
et en poésie do, port.onde, prov. on, franç. ) s'emploie en
latin pour in quo, apud quem (navem ubi vectus fui ;
meretricem ubi abusus sis
Térence) et de même en roman ;
mais il s'applique ici aussi bien au mouvement qu'au repos, et
en général avec un sens plus abstrait ; cependant il ne remplace
pas proprement le datif. Ex. Ital. il giardino dove siamo
stati
(nel quale). Esp. las sepulturas donde estaban enterrados ;
en los palacios do está SRom
. 4. Prov. domna on
es beutatz
(pour ab cui) Choix IV, 15 ; sella on ja merse
non trobarai
, I, 235 ; v.franç. (ici ubi se rapporte souvent à des
personnes) le duc Rollan où tant ait baronie GVian. 1304 ;
franç.mod. l'état où je suis (dans lequel) ; l'emploi de pour
auquel est tombé en désuétude : cet achat où tu pousses si
bien
Mol. l'Étourdi 1, 10 ; le bonheur de lui plaire est le
seul où j'aspire
Rac. ; je renonce à l'empire où j'étois destiné
ibid. ; le dieu où on croit QFA. 1029 2116.341

5. En outre, chaque pronom relatif ou adverbe peut se rapporter
à un nom déterminé de la proposition principale. Ainsi
qualis, dans son acception primitive (sans article) et quantus,
par ex. tutti i cittadini, quali credeva potessero essere
gonfalonieri ; tutti i nemici, quanti erano
 ; de même en
espagnol et en portugais. Quando peut de même s'adjoindre à
une idée de temps (ital. il giorno quando, lat. dies quum),
perchè à un nom qui exprime le motif ou la manière (la ragione
perché, il modo perchè
, lat. causa cur, ratio cur),
mais perchè peut aussi être remplacé par que, comp. plus bas
§ 11, n. 1.

6. Lorsqu'il s'agit de renvoyer à une proposition entière,
on se sert des neutres. L'ital. che se fait ici précéder de l'article
(il che, lo che), par ex. eglino cominciarono a vivere sotto
quelle leggi, il che successe loro felicemente
 ; cependant
lorsqu'il s'emploie au génitif et au datif et après diverses prépositions,
il se passe plus volontiers de l'article ; on dit aussi per
il che
pour éviter la confusion avec la conjonction perchè.
L'espagnol se sert du neutre qui lui est propre, lo qual, et
parfois aussi de lo que : á lo qual respondió ; lo que hice
de muy buena voluntad
. Le français prépose le démonstratif
au relatif et dit : nom. ce qui, acc. ce que, après des prépositions
quoi, et au lieu de de quoi il emploie ce dont, par ex.
il est mort, ce qui m'afflige beaucoup ; il fut absous, ce
dont personne ne doutait ; il a manqué à son ami, en quoi
il est coupable
. On renvoie encore par l'ital. cosa che, l'esp.
cosa que, le franç. chose qui à une idée déjà exprimée.

7. Lorsque le relatif, comme sujet, se rapporte à la première
ou à la seconde personne, c'est-à-dire à ego, tu, nos, vos,
même lorsque ces mots sont sous-entendus, le verbe de la proposition
secondaire se met à la même personne, sans qu'il soit
nécessaire, même en français, de lui adjoindre un pronom personnel.
C'est que qui se prête surtout à marquer ce rapport.
Ital. io che non lo sapeva ; tu che nulla vedi ; poeta (voc.)
che mi guidi ; ahi gente che dovresti esser devota ! Pg.
6, 91 ; tu magnanimo Alfonso, il qual ritoglime etc. Ger.
1, 4. Esp. yo que vine á tan buen puerto ; ah traidores que
sois muchos !
port.tu que nunca repousas. Prov. ieu qui
vos am tan ; tu quim sols goernar ; gai a vos guizadors
,
342li qual disets GO. 172a ; franç. moi qui te veux ; c'est toi
qui es la cause de tout cela
. Val. eu carele fęcutam (ital.
io che ho fatto) ; voi carii atzi vezut (voi che avete veduto).
Ce procédé est commun au roman et au latin et se retrouve
encore, pour ce qui concerne l'omission du pronom personnel,
en v.h.allemand et en anglais : ih bin ther sprichu ; I who
am your scholar ; our father which art in heaven
. Le Tasse
a pu dire o Musa tu che circondi, jamais o Musa che tu
circondi
. En français cependant on applique parfois encore la
troisième personne : si c'était moi qui eût fait cette faute ;
c'est toi seul qui l'a fait
Corn. Cinn. ; nous qui sachent
bien écrire
(au lieu de sachions) Mol. Femm. sav. 3, 2 ;
mais c'est contre la grammaire. — A ce sujet, il reste encore à
observer un cas. Lorsque le relatif ne renvoie pas directement
à la première ou à la deuxième personne, mais à un nom attributif
qui leur est attaché, la règle citée plus haut trouve également
son application. Ital. io son un che vo piangendo GCav.
277 ; che son un che piango Inf. 8, 36 ; io son la donna
che volgo la rota, sono colei che tolgo e do stato
GCav.
326 ; tu sei quelli che non volei (volevi) etc. CN. 48 ; (io)
come quel che men curato avrei Orl. 2, 40. Esp. yo he de
ser el primero que he de pisar tu margen arenosa
Cald.
I, 263b ; heme holgado que tú fueses la que llegaste 14a ;
yo no soy hombre que robo DQuix. 1, 25 ; port.tu es o
deus que fizeste o ceo
. Prov. eu sui cel c'a tota ma vida te
farai aital esvasida Jfr
. 55a ; de totz caitius sui ieu aisselh
que plus ai gran dolor Choix
III, 189 ; aquel soy ieu que
nous falhirai
V, 23 ; sols sui que sai 34 ; franç. jo sui la
tue ancele ki fis
etc. LR. 5 ; es tu ço li huem Deu qui venis
de Juda ?
288 ; tu es li ters (tertius) qui Rome auras Brut
II, p. 128 ; je suis tel qu'amour j'avois en vous (avec un
je pléonastique) Mar. III, 305 ; je suis médecin passager
qui vais de ville en ville
Mol. Mal. imag. De même en latin :
non sum is qui putem ; solus sum qui ita senserim ; tu es
qui interrogas, ego respondebo ; ego sum panis vivus qui
de caelo descendi
Vulg. Évang. de Jean 6, 41 ; v.h.allem.
ih bin Gabriel die azstantu (qui suis là) fora gote. Mais la
langue se permet souvent de construire le verbe avec l'attribut,
surtout lorsqu'on insiste sur cet élément de la proposition, par
ex. esp. que fuí yo quien le guardó la vida (celui qui) Cald.
I, 90a ; port.eu sou o que fallou ; franç. je suis le seul qui
ait vu cela ; je suis celui qui a parlé ; car je sui cil qui
n'en auroit mestier
Thib. 10.343

8. Rapport du démonstratif avec le relatif. — 1) Lorsque
dans la proposition principale le démonstratif employé substantivement
indique un objet suffisamment déterminé par lui-même,
qu'on a nommé ou qu'on montre, il peut être représenté
par tous les pronoms de cette classe : ital. questi che, colui
che
etc., esp. este que, aquel que, franç. celui-ci qui, celui-là
qui
(non pas celui qui). Le pronom personnel formé de ille
n'est même pas exclu : ital. egli ch'avea il brando nudo
Orl
. 12, 83 ; franç. elle qui se prétend si sage. — 2) Mais
si l'objet désigné par le démonstratif n'acquiert sa détermination,
son existence que dans la proposition secondaire, on choisit
un démonstratif de la troisième personne, le déterminatif
(p. 70), qu'accompagne régulièrement le relatif que, plus rarement
quale. Les formules usitées sont donc : ital. quello che
ou colui che, esp. aquel que, el que (non pas él que), port.
aquelle que, o que, prov. aquel que, selh que, el que, franç.
celui qui, val. cel ce ; toutes ces formules répondent au lat.
is qui, ille qui et à l'all. derjenige welcher. Ex. Ital. la
gloria di colui che tutto muove
. Esp. aquel ou el quel lo
hizo se llama Alfonso
. Prov. non es fis drutz cel ques
camja soven ; d'els qui solon esser melhor Choix
IV, 105 ;
franç. ceux qui ont vécu avant nous ; mais cependant ceux-
se trompent qui croient etc., c'est-à-dire qu'on emploie
celui- lorsque le déterminatif est séparé du relatif par un
verbe. Ce qui vient d'être dit s'applique aux personnes. S'il ne
s'agit pas de personnes, le démonstratif ne peut représenter
qu'un nom déjà exprimé : ital. questo giardino e quello che
ho comprato
 ; esp. la escuridad de la noche y la que causaban
los portales Nov
. 10 ; franç. cette maison et celle que
vous m'avez montrée
. — 3) Le sens du déterminatif est aussi
attribué en italien au pronom personnel lui (fém. lei, pl. loro),
qu'on regarde généralement dans cette acception comme une
abréviation de colui, bien que colui ne soit autre chose qu'un
renforcement de lui, par ex. siccome lui che ardeva di sapere
Dec
. 10, 4. Le provençal et le v.français emploient leur pronom
correspondant, qui peut être aussi remplacé par le possessif :
un gai descort tramet lieis cui dezir Choix I, 178 ; pustell'
en son huelh qui l'en amonesta
(en l'huelh de lui qui) IV,
172 ; Deus est en lui ki aime vérité TCant. p. 22. La même
force démonstrative existait aussi dans les pronoms personnels
et possessifs du v.allemand, par ex. er ist ein vil wîser man,
der tumbe gedanke verdenken kan
(celui-là est un homme
bien sage qui peut chasser de son esprit les folles pensées) ;
344sunder sînen danc, wider den niemen niht enmac (sans
la volonté de celui contre qui personne ne peut rien). L'anglais
dit de même he who escapes from death is not pardoned.
Le pronom conjonctif lui-même peut, dans la première aussi
bien que dans la seconde proposition, renvoyer à un relatif,
mais il faut que ce relatif soit pris substantivement. Ital. ben li
falla pensieri chi crede
(= a colui che crede, a chi crede)
PPS. I, 307 ; quale in contumacia muore, star li convien
etc. Pg. 3, 137. Esp. el que me paga, non le fago enojo
Rz. 927. Prov. mot l'es ops sacha sofrir, qui vol a gran
honor venir Choix
V, 48 ; qui canso fai, no l'es grazit
PO
. 156 ; qui te fera a la maissela, dona li l'altra GO.
191a ; franç. qui voudra vivre au beau paradis, il faut premier
que mourir je le fasse
Mar.

9. Le mode dans la proposition relative. — Le roman se
conforme ici en général au latin en ce qui concerne l'emploi du
subjonctif, mais il s'est formé quelques usages nouveaux 1117.
Il faut relever les cas suivants. Le subjonctif prend place dans
la proposition secondaire : 1) Lorsqu'il explique le but de la
proposition principale. Le pronom relatif peut ici aussi s'échanger
contre la conjonction relative que ; il est impossible parfois de
distinguer ces deux expressions. Ital. ordinò general ministra
e duce che permutasse li ben vani Inf
. 7, 78 ; in fuoco
di pietà strali d'amore tempra onde pera il core Ger
.
4, 90. Esp. le entregaba á un gran maestro que hiciese
manifiesta aquella anima rara
Garc. Egl. 2 ; el otro queda
con quien consolarse pueda Cald. I, 275a ; port.levaras
tudo tão sobejo, com que
(lat. ut eo) faças o fim a teu
desejo Lus.
2, 4. Franç. ils envoyèrent des députés qui
consultassent Apol
. Dignus produit le même résultat, toutefois
ce n'est peut-être qu'en italien qu'il peut, comme en latin, se
faire accompagner du relatif : sarà degno a cui Cesare Ottone
Alda sua figlia in matrimonio aggiunga Orl
. 3, 27, comp.
Ger. 12, 52. — 2) Lorsque la proposition secondaire exprime
les qualités qu'on exige dans l'objet : amicum quaero, qui
sit probus et honestus
. Ital. vorrei vedere una cosa che mi
piacesse ; mancano leggi che possan indurre gli uomini
a far bene
. Esp. mostradme un hombre que sea contento
345de su suerte ; necesito de un criado que sea fiel
. Franç.
attaque un ennemi qui te soit plus rebelle ! choisissez une
retraite où vous soyez tranquille ! lyon resamble qui de gaut
soit partis Gar
. DC. s. v. gualdus. — 3) Lorsque la proposition
secondaire précise une négation contenue dans la proposition
principale : nullum est animal praeter hominem, quod habeat
notitiam aliquam dei
. It. non havvi dell'uomo infuori
altro animale che abbia notizia alcuna d'Iddio ; pensa
che ʼn terra non è chi governi Par
. 27, 140 ; non avea
membro che tenesse fermo Inf
. 6, 24 ; poche ve ne trovò
che avessero sentimento
. Esp. no hay ninguno que no tenga
su angel de guarda
 ; pocas lenguas hay que no lo publiquen.
Prov. deguna causa no es cuberta que no sia descuberta
GO
. 266a ; anc no fo nulhs hom que us valgues
Choix
IV, 48 ; franç. les changemens d'état n'ont rien qui
soit funeste
Corn. Cinn. Il en est de même aussi dans l'interrogation :
quis est qui eum non oderit ? ital. chi è colui
che non abbia compassione di me ?
esp. qué alivio tenemos
que nos consuele ?
franç. quel est l'insensé qui tienne pour
sûr qu'il vivra jusqu'au soir ?
Si la proposition principale
est affirmative, on a l'indicatif : ital. molti sono che dicono =
lat. multi sunt qui dicant ; rarement le subjonctif, comme dans
l'esp. tambien hay quien présuma saber la lengua griega
Nov
. 12. — 4) Lorsque la proposition secondaire fournit l'explication
d'un superlatif contenu dans la proposition principale,
le français emploie le subjonctif, quand la proposition secondaire
exprime une simple conception, et l'indicatif, lorsqu'elle exprime
un fait, par ex. c'est la plus belle femme qu'on puisse imaginer ;
le plus grand homme que je connaisse ; c'est la plus
belle femme que j'ai vue
 ; prov. la gensor que port benda
Choix
V, 106. L'italien donne la préférence au subjonctif dans
le second cas aussi : il peggiore uomo che forse mai nascesse ;
il più brav'uomo che io abbia mai conosciuto
.
L'espagnol favorise dans tous les cas l'indicatif, sans exclure
le subjonctif : la mayor belleza que humanos ojos han visto
Nov
. 10 ; una de las mas regaladas hijas que padres
jamas regalaron DQuix
. 1, 28 ; una de las mejores que
hay ; este caballero es el mas rico que se pueda ver
 ; port.
a mais fermosa cousa que meus olhos virão ; o mais generoso
que seja
. On procède de même avec les idées superlatives
primus, ultimus, solus : ital. io fui il primajo uomo a cui
egli dicesse
etc. Dec. 8, 9 ; esp. aquel era el primero que
346se presentase
 ; fr. le premier, le dernier qui ait fait cette
faute ; c'était l'unique orateur qu'il y eût dans ce temps-là ;
voilà l'unique ami qui m'est resté fidèle
. — 5) Lorsqu'on
développe dans la proposition relative une comparaison en la
précisant, le latin se sert de l'indicatif : qualis populea moerens
philomela sub umbra amissos queritur foetus, quos
durus arator…detraxit
Virg. Georg. 4, 511. Il en est
généralement de même en roman ; par exemple dans Garcilaso,
qui imite le poète latin en disant : qual suele el ruiseñor
con triste canto quexarse…del duro labrador que le despojó
Egl
. 1 : Camoëns : assi como a bonina que cortada
antes do tempo foi…o cheiro traz perdido
3, 134. Bernart
de Ventadour : assi col peis que s'eslaissa el chandorn
Choix
III, 73. Marot : tout ainsi que l'on rompt une roche
pour trouver l'eau qui dessous est cachée
II, 301. L'italien,
qui ne sent ici qu'une simple présupposition, donne la préférence
au subjonctif. Dante, par ex., dit : come d'un stizzo verde
ch'arso sia Inf
. 13, 40 ; com'uom che riverente vada etc.
15, 45. L'Arioste : qual pargoletta damma o capriuola che
…alla madre veduta abbia la gola stringer Orl
. 1, 34.
Le Tasse : qual uom ch'aspetti Ger. 4, 51 ; siccome nave
che turbine scioglia
4, 55. Les exemples de l'indicatif ne sont
pas rares toutefois, voy. Inf. 6. 28. Pg. 22, 67. Par. 33, 58.
33, 133. Orl. 2, 38. 14, 37. Avant Dante il serait difficile de
trouver le subjonctif dans cette circonstance 1118.

10. Attraction de l'adjectif. — Cette construction, connue
déjà du latin, en vertu de laquelle un adjectif de la proposition
principale est attiré par le verbe de la proposition
secondaire (equus quem misere Achivi ligneum, c'est-à-dire
equus ligneus quem, miserunt Achivi), est devenue
tout-à-fait familière au roman ; aussi s'emploie-t-elle dans la
poésie populaire comme dans la poésie artistique et même en bas
latin, surtout avec facere et habere. Voici quelques exemples :
Ital. esti mali ch'i' soffero tanti PPS. II, 27 ; un uom che
canuto avea da canto Ger.
2, 41 ; la fè ch'ho certa in tua
pietà
4, 42 ; un boschetto, il quale era in quella contrada
bellissimo Dec
. 5, 1. Esp. las bozes que dan grandes SRom.
168 ; las aras que levanta rudas Flor. éd. Wolf II, 159 ;
port.alguns que trazia condemnados Lus. 2, 7 ; cat. un
fill que avia natural
RMunt. 84. Prov. de la justicia que
347grant aig a mandar Boèce
54 ; per cofizamen c'ay bon en
Dieu Choix
IV, 284 ; escut e lansa que ac melhor GRoss.
416 ; sa dolor que saben que soffre tan gran Jfr. 107b ; lo sirventz
a son coltel traitz que portet gran a la centura
68a ;
colps qu' eu fier tan mortals P. Vid. p. 84 ; v.franç. flaiels
que grand
(z) sustint S. Lég. 40 ; sa vois qu'il ot clere QFA.
v. 920 ; encore en franç.mod. : après un repas qu'elle fit léger,
voy. Herrig, Archiv X, 385. B.lat. species, quas meliores
habebat
Gr. Tur. 7, 25 ; de statum meum, quem ingenuo
habeo Form. Bal. min
.

11. La conjonction que prise comme relatif. — Nous
avons indiqué plus haut, p. 310, que cette conjonction se rapproche,
au point de vue du sens, du pronom relatif dont elle
procède. Il existe en outre diverses constructions où que empiète
si complètement sur le domaine du relatif qu'il pourrait le
remplacer partout. Ces constructions sont à peu près les suivantes.
1) Lorsqu'il s'agit d'une idée de temps ou de motif,
la conjonction que remplace le relatif accompagné d'une préposition
ou les conjonctions quum, quod, cur. a) Que pour
quum, rom. quando. Cette substitution est fort usitée. Ital.
l'ora che'l cibo ne soleva essere addotto Inf. 33, 44 ; al
tempo che passaro i Mori Orl
. 1, 1. Esp. al tiempo que
estaban las cosas en paz ; la primera vez que la ví
. Prov.
lo jorn que el fo mortz ; en la sazon que lo reis guerreiava ;
franç. le jour que cela arrive. Que n'étant pas ici
pronom, le participe reste invariable, par ex. franç. la nuit
que j'ai couché
(non pas couchée). Ce que renvoie aussi à des
adverbes de temps : ital. ora che, esp. ahora que, fr. maintenant
que
etc. b) Que pour quod (ex quo) est aussi d'un
emploi très-fréquent : ital. sono tre giorni che non ti ho
veduto
(tertius dies est, quod te non vidi) et de même partout.
L'ancien roman pouvait ici aussi omettre la particule relative :
esp. pasado avie tres años (que) non comieran mejor PC.
2077 ; prov. trop ai estat, mon bel Esper no vi LR. I, 419 ;
tres jorns a, no mangem Fer. 3012 ; même jamay no
finara, Frances aura trobatz
ibid. 587, où le que omis doit
être pris pour tro que (jusqu'à ce que) ; de même v.fr. tant
atendi, de lui sont esloigniez Otin
. p. 67. c) Que pour cur,
rom. perchè, porque, pourquoi, par ex. ital. la ragione che
non ti guardi
etc. 1119. — 2) Lorsque l'idée pronominale idem
348accompagne le substantif de la proposition principale auquel se
rapporte la proposition secondaire, ou lorsque cette idée peut
être suppléée par l'esprit, la relation s'indique au moyen de la
particule que. Il convient de choisir des exemples où le substantif
est précédé d'une préposition, car ailleurs la particule que
ne pourrait pas être distinguée du pronom que. Ital. in quello
medesimo appetito cadde che cadute erano le sue monacelle
Dec
. 3, 1 ; in quel medesimo accidente cadde che
prima caduto era Pasquino
4, 7 ; con quella agevolezza
che si vede gittar la canna Orl
. 13, 37 ; che a quelle necessità
le leggi gli costringano che il sito non gli costringesse

Mach. Disc. 1, 1. Esp. volvió con el mismo silencio que
habia venido Nov
. 7 ; mueras con las mismas armas que
matas
Cald. I, 361a ; untase con aquel ungüento que se él
untó CLuc
. 30 ; del modo que la he servido Cald. I, 78b.
Prov. non es del sen que son il Choix IV, 368 ; franç. que
de la mesme ardeur que je brûle pour elle, elle brûle
pour moy
Malh. ; me voyoit-il de l'œil qu'il me voit aujourd'hui ?
Rac. La preuve qu'on a affaire ici à une particule et
non pas au pronom que privé de préposition est fournie par la
forme du français, où on aurait qui, si c'était un pronom, et où
le participe serait variable (voy. p. 348) : de la façon que
j'ai dit
, et non pas dite. Que est ici une particule de conformité
qui est immédiatement apparentée au latin quam ou
au roman come. Il ne peut être question à ce propos de l'usage
de la langue mère, qui omet volontiers la préposition réclamée
par le relatif, lorsque cette préposition a déjà été unie à l'idée de
rapport accompagnée de idem ou de is, comme si on voulait rendre
le premier exemple italien par in idem desiderium incidit,
quod inciderant monachae
. — 3) Mais que doit incontestablement
çà et là remplacer le pronom relatif prépositionnel, surtout
en espagnol qui manque de mots analogues à l'ital. onde ou ove,
au franç. dont et . Choix d'exemples. Ital. a molte cose
che
(pour a che, alle quali) la ragione non t'induce Mach.
Disc. 1, 6 ; s'andà a nascondere in parte che (in che, ove)
egli poteva Dec. ; in loco che son gradite BLat. p. 8. Esp.
debes tú caer en lo que (en que) cayó el cuervo Cal. é D.
67a ; en la dura ocasion que (en que) te invoco Num. 2, 2 ; 2 ;
en el estilo que mas me ocupo, es en el comico, voy. Viage
al Parn
. c. 8 ; sea dado por siervo á la muger que (á que)
fizo fuerza FJ. 58a ; halló otros versos y cartas que (de las
quales
) algunas pudo leer DQuix. 1, 23 ; dos perros que el
349uno se llamaba Cipion Nov
. 11. Fr. en l'estat qu'on doit
venir
Com. 1, 8 ; de l'humeur que je sais la chère Marinette
Mol. Dépit amour. 5, 9 1120. — 4) A l'inverse, il arrive
que le rapport casuel dont la particule que contiendrait l'expression
est marqué par un pronom personnel contenu dans la même
phrase, ou, lorsqu'il s'agit d'un génitif, par le pronom possessif :
en sorte que le cas n'est pas exprimé d'abord et se trouve déterminé
subsidiairement. Exemples de cet usage : Ital. tal che per
lui ne fia la terra aperta
(= tal, per il quale) Inf. 8, 130 ; tai
che sarebbe lor desio quetato
(il desio de' quali sarebbe quetato)
Pg. 3, 41. Esp. como el cabdal rio que todos beben
delli
(del qual todos beben) Bc. Mil. 584 ; la fuente que
beben todos della Cal. é D
. p. 12a ; en casa de home que
(al qual) su muger faga tuerto ibid. 40b ; las flores que
sus mayores favores son quemados
(de las quales) CGen.
218 ; un valle que toda cosa en él me daba gloria (en el
qual
) Montem. Diana ; port.outros que muito melhor lhe
fora
(aos quaes) CGer. II, 509 ; que de Homero a cithara
para elles só cobiço
(para os quaes) Lus. 1, 12. Prov.
Folquets que degus de bontat ab el no s'aparelha (ab lo
qual
) GA. 1026 ; autres que capdels non lur es donatz (als
quals
) GRiq. p. 176 ; cels que trasgitars es lor us (dels
quals
) ibid. ; la lansa que de son colp non podi' hom guerir
(del colp de la qual) Choix III, 43 ; v.franç. tels me tendra
pur asoté ke plus de lu
(i) serai sené Trist. II, p. 98. Ou
bien faut-il considérer ici que comme un pronom originaire
dont le cas est subsidiairement déterminé, comme celui d'un
substantif (esp. el rey…le plugo = al rey plugo, voy. à
350la IVe section) ? En v.français, on trouve par ex. li trei prelat
qui mult lur pesa (c'est-à-dire à qui mult pesa TCant. 118,
6. — 5) Une ellipse de l'expression relative, hardie, bien qu'elle
ne porte pas préjudice à la clarté de la phrase, appartient aux
archaïsmes des dialectes de l'Italie et du nord-ouest. Après les
formules négatives « il n'est personne, il n'est rien », si la proposition
dépendante ou complémentaire, qui prend ici le subjonctif,
est aussi négative, il est d'usage d'omettre le relatif.
Ital. non è alcuno (che) non aggia plusori di sangue seco
congiunti
, voy. Choix VI, 185 ; non vi rimasse un sol, non
lacrimassi
ibid. Prov. no y a ram, no s'entressenh de belas
flors
V, 35 ; una non sai, vas vos no si' aclina III, 23 ;
franç. or n'a baron, ne li envoit son fil RCam. 21 ; il n'ont
espée, ne soit bien acéré Agol
. 699 ; ja a cel pont hom ne
passast, quatre deniers ne li donast Fl. Bl
. 1575. D'autres
exemples dans Choix VI, 184, Orelli 121. Il est rare que la
seconde proposition s'emploie sans négation comme ital. non
fu uomo veduto, potesse comprar l'una PPS
. II, 46 ; prov.
hanc no fo hom, ta gran vertut agues Boèce 92 ; anc non
ac en la cort baro, de las novas no s'azautes Choix
III,
413 ; anc no vi dona, tan mi plagues Choix I, 238 ; franç.
jamais n'ert hume, plus volenters le serve Rol. p. 167.
Il ne faut pas suppléer ici le pronom, mais la conjonction que
(comp. p. 312), dont l'omission dans des circonstances analogues
est un fait grammatical reconnu, par ex. v.ital. non
serea
(seria) null' uomo sì acerbo, nol movesse pietà (nul
homme si cruel qu'il n'en prît pitié) PPS. II, 34 ; prov. amic
non ai, ben d'aisso nol traïs
(je n'ai pas d'ami [tel] que je
ne le trompasse pas en cette circonstance). Ce que avec la négation
répondrait pour le sens à la particule latine quin dans des
passages comme nihil est, quin possit vituperari (pr. res non
y a, no puesc' esser blasmatz
), dies fere nullus est, quin
hic domum meam ventitet
(comp. v.franç. ne jamais n'iert
uns jurs sainte iglise n'en plurt TCant
. p. 17). Il convient
d'observer que la langue francique (dans Otfried) emploie dans
les mêmes conditions la même tournure, par ex. nist man
nihein in worolti, thaz saman al irsageti ; kuning nist in
worolti, ni sî imo thionônti
(il n'y a pas d'homme au monde
qui pût dire tout cela ; pas de roi qui ne le serve pas).351

2. Constructions avec le pronom substantif.

1. L'idée pronominale is qui, qui résulte de la combinaison
du déterminatif et du relatif, peut tout aussi bien se concentrer
en un simple pronom substantif, qui se distingue même par
la forme du relatif propre, savoir : ital. chi et quale, esp. quien
(anc. qui 1121), port.quem, prov. qui, fr. qui (acc. qui : je nommerai
qui je voudrai
, tandis que le relatif a la forme que).
Ce pronom n'est autre chose que l'interrogatif tiré de quis,
auquel la langue a donné une acception conjonctionnelle, et
cette acception a fini par exclure les autres dans des composés
comme ital. chiunque. Le pronom latin correspondant, au point
de vue syntactique, n'est pas quis, qui n'est devenu conjonctionnel
que dans quisquis, mais qui, qu'on employait en même
temps comme relatif. Le pronom substantif roman, de même que
le latin qui et l'allemand wer, répond à is qui, non-seulement
dans son sens plus précis de « celui qui », mais encore dans
son sens indéterminé de « quelqu'un qui ». — Comme ce qui
comprend en lui-même le démonstratif aussi bien que le relatif,
le cas où on le met peut être déterminé par les mots qui gouvernent
la proposition principale, aussi bien que par ceux qui
gouvernent la proposition dépendante. Ainsi la phrase est tout
autrement conçue dans egli è amico a chi (a colui che) odio
que dans egli odia a chi (colui al quale) sono amico : dans
le premier cas le datif dépend du premier verbe, dans le second
du second verbe. Ce sont ces cas qui donnent lieu aux règles
les plus importantes pour l'emploi de qui. 1) La construction
se présente sous sa forme la plus simple lorsque le pronom est sujet
des deux verbes à la fois. Ital. ben ascolta chi la nota ; qual la
vede, conviene che mova sospiri PPS
. 1, 524. Esp. quien teme
ser engañado bien merece serlo
 ; port. quem. não pede não
tem
. Prov. pauc ama qui non es aziros ; franç. qui prend
s'engage
. — 2) Le pronom se trouve sous la dépendance de
mots de la proposition principale qui le déterminent. En ce cas
il peut représenter : a) l'accusatif du pronom démonstratif ou
indéfini. Ital. credo trovar chi me lo dica (c.-à-d. alcuno
che
). Esp. no era justo provocar á quien le tenia en su
poder
 ; port.não prezo a quem me preza. Franç. aimez
352qui vous aime
. b) le datif. Ital. credi a chi ti salvò (a colui
che
). Esp. yo doy á quien amo. Pr. (vaud.) la ley demostra
a qui ha sen Choix
I, 239 ; franç. je m'en rapporte à qui
vous voudrez
. c) le génitif. Ital. ho compassione di chi
piange ; oltre al creder di chi non l'udì
. Esp. no hableis
de quien es ausente
 ; port.fazeis me lembrar de quem me
fez esquecer de mim
. Franç. c'est l'excuse de qui n'en a
pas de bonne
. d) le cas prépositionnel. Ital. da chi disia il
il mio amor, tu mi richiami Orl
. 2, 1 ; io son implacabile
con chi mi contrasta
. Esp. has de poner los ojos en quien
eres
(litt. sur celui qui tu es). — 3) On a aussi de nombreux
exemples du cas où la particule est déterminée par un mot de
la proposition dépendante. Ital. a chi son servidore, (colei)
m'ha molto grandemente meritato (c.-à-d. premiato) PPS.
I, 119 ; amate da chi mal riceveste. Esp. yo odio de quien
no puedo vengarme ; yo no soy á quien llamas ; pareció
que podia correr algun peligro
cuya (de quien) era la
criatura
(celle à qui appartenait l'enfant) Nov. 10. Franç.
vous trouverez à qui parler. — L'usage roman transgresse
la règle latine selon laquelle qui ne s'emploie comme pronom
substantif que dans le cas où les verbes de la proposition principale
et de la proposition dépendante exigent le même cas :
qui tacet consentire videtur ; coelestis ira quos premit
miseros facit
. Mais même en latin classique cette règle n'est
pas rigoureusement observée ; le latin des bas temps et celui
du moyen âge se comportent sur ce point aussi librement que
le roman : ils omettent is à leur gré : cui autem minus dimittitur
(is) minus diligit Vulg. ; non omnes capiunt verbum
istud, sed
(ii) vulnera nulla timent Ven. Fortunat 3, 14 ; qui
doluit,
(ei) tollis gemitus 3, 20 ; componat solidos XL,
medium regi et medium (ei), cujus aldia fuerit L. Roth.
209. Le même procédé s'observe dans l'ancienne langue allemande
où le relatif, après l'omission du démonstratif, peut non-seulement
prendre le cas qui lui revient naturellement, mais
encore revêtir celui du démonstratif : mir cham des ih ker
was
= ital. mi venne di chi io era bramoso ; er antwurta
demo za imo sprah = rispose a chi gli parlava
. Il y a toutefois
une différence entre les procédés des deux langues : c'est
que le roman exprime le rapport en question par une forme
spéciale, celle de l'interrogatif, et que la décomposition du pronom
en deux parties (di chi, a chi) voile quelque peu le libre
procédé de la langue.353

2. Lorsque les deux verbes ont un seul sujet, comme dans la
phrase italienne ben ascolta chi la nota (§ 1, n. 1), on peut
aussi échanger le pronom indéfini contre la formule conditionnelle
se alcuno ou quando alcuno (si quis, quum quis). Ce
qui est curieux, c'est l'usage suivant lequel la langue donne ce sens
conditionnel au sujet chi, même quand la proposition principale
possède son sujet propre : on dit par exemple io lo farò, chi
non m'impedisce = se nessuno m'impedisce
. Mais la langue
moderne évite cette expression, fort usitée dans la période
ancienne. Voici quelques exemples : Ital. Cherubin son niente
belli, chi vede lo signore
(lorsqu'on regarde le Seigneur)
PPS. I, 25 ; ben è gran senno, chi lo puote fare 196 ; bon
è pensare anzi la cosa ditta
(detta), chi ragiona II, 54 ;
siccome la candela luce men, chi la cela BLat. 8 ; le cose
mortali…chi ben l'estima
P. Cz. 28, 10 ; chi esaminerà
la edificazione di Roma, sarà di quelle città
etc. Mach.
Disc. 1, 1 ; e vedesi, chi considera bene ibid. 11. Ils sont
rares en espagnol et en portugais : que vale la gloriosa, qui
la sabe rogar
Bc. Mill. 703 ; esta es de grant forcia, qui
la podies' aver Alx
. 1311 ; he moor mylagre, quem qua
tem dinheiro CGer
. 1, 137 ; e poren se semellan, quen o
ben entender Trov
. n. 286. Prov., extrêmement souvent :
non pretz colp, qui nol pot auzir Choix IV, 26 ; que quim
crida nim brai, eu non aug nulha re
III, 59 ; e qui tals
mestiers auria, d'aisso es amors jauzia
82 ; qui lo castia
el se irais GO
. 288b ; uns dels maiors sens es, qui demanda
ni vol apenre so que non sap GProv
. 70 ; v.fr. qui d'argent
li donast cent onces, n'alast arriere ne avant ; c'est un
vain estude, qui veult
dans Montaigne, voy. Orelli 121. On
se sert encore aujourd'hui de cette construction après la particule
comparative come : it. come chi direbbe ; fr. comme qui dirait ;
pr. com qui volia dir GProv. 78u ; esp. así como quien dice ;
esso me parece como quien tiene dineros en mitad del
golfo DQuix
. 1, 22. Dans beaucoup de circonstances cette
construction pourrait s'expliquer par une ellipse de la particule
casuelle, ainsi dans ital. rispose (a) chi la chiamò con fede
P. Cz. 29, 1, ou dans pr. par debonaire (a) qui l'au parlar
Choix
I, 239. Et en fait on emploie souvent cette particule :
ital. è facil cosa a chi esamina le cose passate prevedere
le future
Mach. 1, 19 ; mais en voulant la suppléer on ferait
dans la plupart des cas une violence mutile au sentiment de la
langue. — D'autres langues aussi présentent des exemples de
354cette construction où elles font entrer le relatif propre. En latin
dans des phrases comme ista virtus est, quando usu'st, qui
malum fert fortiter
Plaute Asin. 2, 2, 57 ; qui secus faxit,
deus ipse vindex erit
Cic. de leg. 2, 8 ; Aulus minus supplicii
meruit ? plus hercule aliquanto, qui vere rem aestimare
velit
Liv. 3, 19, où qui a tout-à-fait le sens du pronom
roman, ainsi ce qui vere aestimare velit est assez fidèlement
rendu dans les exemples cités plus haut, chi considera bene,
quen o ben entender
 ; mais les grammairiens latins expliquent
cette forme d'après un principe différent, par l'ellipse du démonstratif :
illa virtus est ejus qui etc. Le v.allemand avec le relatif
der concorde exactement avec l'expression romane, par exemple
dans les passages : ich izze gerne, der mirz gît (je mange
volontiers, lorsqu'on me donne à manger) ; der die von dir
nemen wolte, so geriuw ez dich
 ; après la particule comparative
als, de même qu'en roman après come : mîn sper
brast, als der ein dürren ast zerret nider
(comme si l'on) ;
ces passages pourraient être littéralement traduits en roman,
mais non pas si facilement en latin. Le b.latin aussi a recours
à cette expression, par ex. ego non parvam censeo gratiam,
qui hoc meruit
Gr. Tur. 4, 5 ; hic est venditio, qui se ipsum
vendit Form. Mab
, n. 2. Sur quicunque, voy. plus bas § 5.

3. Le pronom substantif ne se restreint pas à l'emploi que
nous venons d'indiquer, il peut aussi se rapporter, en qualité
de relatif propre, comme que, à des personnes et à des objets.
L'italien l'emploie assez rarement dans cette circonstance : on
trouve messagier da chi Orl. 2, 62 ; l'alba chi Ger. 4, 75 ;
et d'autres exemples encore. Mais l'espagnol en fait très-ordinairement
usage lorsque des particules casuelles ou des prépositions
précèdent : dueñas de quien so yo servida PC. 270,
mi hijo de quien, vuestro padre de quien, personas de
quienes
ou de quien, el cielo á quien, la galeota con quien,
aquel por quien
. Il est vrai que ce pronom se rapporte mieux
à des personnes qu'à des objets. Le v.espagnol qui s'emploie
dans la même acception : Dios en qui creemos Bc. Sil. 288 ;
prado en qui Mil. 19 ; aquel qui FJ. 62b. Et le portugais
s'accorde ici aussi avec l'espagnol : on dit aquelles de quem,
eternidade a quem, as tetas com quem
.

4. Bien que le pronom personnel qui s'emploie pour is qui,
le neutre que (franç. qui, acc. que) ne peut pas remplacer id
quod
 : en ce cas le déterminatif est indispensable. Ital. ben
discerno ciò ch'io odo ; vedo quello che vedete ; sai quel
355che si tace
. Esp. allí me sucedió lo que habeis visto ; port.
tu bem sabes o que tenho. Prov. om resconda so qu'es
malvatz e mostre so dont es honratz
 ; franç. vous ne savez
plus ce qui s'est passé, ce que vous dites, ce dont je parle,
ce à quoi l'on songeait
. A cette formule ce qui répond aussi
en b.latin l'expression fort usitée hoc quod, par ex. et hoc
quod debes L. Sal
. tit. 50, 2 ; hoc quod dicebat HL. I, 25
(ann. 782) ; hoc quod superius scriptum est possidere debeat
ibid. 39 (ann. 813). Les anciens dialectes se comportent
plus librement : le complément du déterminatif ne leur est pas
indispensable. On trouve par ex. v.ital. faccia che le piace
PPS
. I, 239 ; per non mostrare che sente lo core II, 398 ;
faccia uom che de' (deve) Dittam. 1, 4 ; prov. huei fai que
platz, deman que pes Choix
III, 35 ; v.franç. fai que dois,
voy. Orelli 123, et encore chez des écrivains postérieurs, comme
Malherbe : qui n'avoit jamais éprouvé que peut un visage
d'Alcide
 ; de même en valaque : ce fęgęduisem eu, am sì
plinit
(quae promiseram, praestiti) ; scrie ce tzi spun eu
(scribe quod tibi dicto). L'idée pronominale indéfinie (quelque
chose) peut aussi en général se passer d'une expression spéciale :
ainsi dans la phrase italienne non hanno di che disputare (non
habent de quo disputent
).

5. Les combinaisons qui répondent au lat. quicunque et qualiscunque
sont des pronoms indéfinis qui possèdent une valeur
conjonctionnelle et qu'on traite comme qui, Ex. It. io ne starò
alla sentenza di chiunque voi torrete ; batte col remo qualunque
s'adagia lnf
. 3, 111. Esp. Dios castigará á quienquiera
habrá traspasado sus leyes ; qualquiera lo dirá,
sará castigado
. Franç. sa peine étonne quiconque après sa
mort aspire à la couronne
. — Les règles qui viennent d'être
indiquées, au § 2, à propos de qui s'appliquent aussi à quicunque ;
la proposition qui en dépend peut avoir son sujet
propre : quicunque non receperit vos, excutite pulverem
de pedibus vestris
Vg. Matth. 10, 14 ; pr. qualsque jurara
per lo temple, nient es GO
. 172a ; m.h.allem. swer iuch mit
lêre bestât, deist ein verlorn arbeit
(quiconque cherche à vous
instruire, etc.).

6. Qualis et quantus, pris substantivement ou adjectivement,
peuvent, de la même manière que qui et quicunque, servir à la
construction de la proposition relative, sans qu'ils aient besoin
pour cela de leurs corrélatifs talis et tantus, par ex. ital. egli è
qual fu suo padre ; servirò con quanto potrò
 ; esp. serviré
356con quanto las fuerzas alcanzaren ; no halló ninguno de
quantos criados tenia
(comp. plus bas, ch. VI). Il en est de
même pour les particules relatives. Beaucoup de ces mots de
liaison sont renforcés de la copule que, lorsque leur signification
doit être étendue à tous les objets et à toutes les circonstances :
de là procèdent les combinaisons italiennes chi che sia (qui que
ce soit, tous sans exception) ; chenti che si fossero ; quando che
sia
. C'est surtout le rameau du sud-ouest qui aime à renforcer
de la sorte le sens et en même temps la force conjonctionnelle de ces
expressions, par ex. esp. decid la verdad á quienquiera que
vos hableis ; qualquier que la buscará, sepa etc. ; á maravilla
lo han quantos
que y son PC. ; dans une charte portugaise :
omne quanto que ivi est SRos. I, 129a ; comp. omnia
quantum
quod ego retineo Marc. 847 (ann. 936).

Chapitre cinquième.
Proposition interrogative dépendante.

Sous ce titre, il faut comprendre toutes les propositions dépendantes
unies par des particules interrogatives qui ne renvoient
pas, comme les propositions relatives, à une idée ou à une pensée
déjà énoncée, mais qui, possédant par elles-mêmes un sens
complet, sont placées comme un régime grammatical sous la
domination d'une autre proposition. La double phrase italienne
pensa qual fu colui peut être réduite à la question ou à l'exclamation
qual fu colui, et à la conception objective rendue par
pensa. Il n'est pas nécessaire que la question que renferme cette
proposition exige une réponse : l'objet sur lequel elle porte peut
y être examiné ou déjà décidé.

1. C'est à peine si la syntaxe a quelque chose à enseigner au
sujet de la proposition reliée par des particules interrogatives,
en tant qu'elle contient une énonciation et non point une question
qui attend sa réponse. Les exemples qui suivent peuvent
donner une idée de cette construction : subitamente comprese
qual fosse la cagione ; considera quanti spettatori erano ;
gli disse quando era morto ; mirate come il tempo vola
.
Voici cependant les quelques observations que suggère l'une de
ces particules, l'adverbe interrogatif come. 1) En italien, il est
souvent renforcé par si : mirate come ʼl tempo vola e siccome
la vita fugge P. Cz. 16, 7 ; ma ben veggi'or come al
357popol tutto favola fui Son
. 1. Voici un exemple provençal :
sol que ma dona conogues aissi cum ieu l'am finamen Choix
III, 46. — 2) En espagnol et en portugais, on lui prépose aussi
la préposition de dans les mêmes circonstances qu'à la particule
que (p. 309), par ex. este capitulo habla de como el rey non
deba consentir
etc. ; muito mi pagava de como mha senhor
disse
etc. Trov. vat. p. 111 ; mais cette expression, connue
aussi de l'italien (nè saccio ragion vedere di come sia caduto
PPS
. I, 95), est sortie de l'usage. — 3) En français comment,
la particule interrogative au sens propre, doit être distingué de
comme. Le premier de ces mots se rapporte à la qualité d'un fait,
le second au fait en lui-même, par ex. je ne vous dirai point
comment la chose s'est passée, je ne vous dirai point
comme la ville fut emportée
(c.-à-d. la prise de la ville).
On a déjà indiqué plus haut, p. 287, qu'en v.français comme
s'employait aussi pour comment ; voici un exemple des deux
mots usités à la même époque avec le même sens : bien vit com
jusc' a la mer chevalcha et comment il revint ariere
Rob. le Diable
. — 4) L'emploi de come pour che après les
verba sentiendi et significandi est commun à toutes les
langues romanes. Ainsi ital. dicendo come era sano CN. 90 ;
pensò di scrivere come egli era vivo Dec. 10, 9 ;
facendo intendere come eglino erano matti Mach. Disc.
1, 38 ; subito conobbe come i vicini lo stimavano poco
1, 20. Esp. manda cuemo veniessen (imperavit ut venirent)
Alx. 1139 ; quando las nuevas llegaron de como venian
CLuc
. 17 ; olvidábaseme de decir como Grisostomo fué
grande hombre DQuix
. 1, 12 ; port.signal lhes mostra de
como a nova gente lhes seria jugo perpetuo Lus. 8, 46.
En valaque, on emploie de la même manière cum cę (litt. comme
que). En b.latin, le même rapport est rendu par quomodo,
mais plus souvent par qualiter, par ex. cognoscatis qualiter
apostolicus vir ad nos venit
Bréq. 445c (ann. 724), comp.
aussi Funccius De inerti lat. ling. senect. p. 725. Cet emploi
de come, qui est propre aussi au gr. ὡς et à l'allem, wie, ne
mériterait pas d'être relevé s'il n'avait pas profondément pénétré
dans la langue. Le grec moderne a été plus loin encore : ὅτι est
ici tout-à-fait remplacé par πῶς, ainsi ὁ ἀδελφός σας μοί ἔγραψε
πῶς θέλει φθάσαι ἐδὼ εἰς δύο ἡμέραις (votre frère m'a écrit qu'il
arriverait ici dans deux jours) Schmidt, Neugr. Gramm.
p. 273.

2. La proposition interrogative dépendante qui appelle une
358réponse, la question indirecte, s'unit à une autre proposition
qui exprime l'intention d'obtenir une réponse, comme les
formules « je demande, dis-moi, sais-tu ? », et cette intention
peut même être indiquée par « je ne sais pas ». Aux deux modes
d'interrogation directe (p. 291) répondent deux modes d'interrogation
indirecte. S'il s'agit simplement de l'affirmation ou
de la négation d'une phrase, on se sert de la conjonction si,
qui rend le même service que le lat. ne, num, an ou utrum.
Cette conjonction remplit donc les deux fonctions de particule
conditionnelle et de particule interrogative, comme le gr.
εἰ, le v.h.all. ibu ou l'angl. if, tandis que l'all.mod. ob est
restreint à l'acception interrogative. On sait qu'en latin, par
un grécisme qui s'est glissé dans la langue, si s'est accommodé
à la question indirecte (tentata res est, si primo impetu capi
Ardea posset
) ; la Vulgate emploie partout cette particule pour
le gr. εἰ ; quant au latin du moyen âge, il a suivi l'emploi populaire
de cette particule indépendamment de l'influence grecque.
Pour ce qui concerne le mode, la syntaxe latine prescrit le subjonctif,
mais seulement dans le cas où l'interrogation indirecte,
en prenant la construction directe, exigerait ce même mode, ou
du moins un auxiliaire modal analogue. Ital. egli domanda se la
strada è buona ; dimmi se il tempo è cattivo ; voglio vedere
se egli è arrivato ; pensa se io mi sconfortai Inf
. 8, 94.
Esp. díme si estás loco ; preguntaron si queria comer alguna
cosa ; hay alguna diferencia
de si fué nueva fundacion
(et sobre si ; sobre est ici préposition comme devant que
et como) ; port.não sei se me conheces ; pregunta se estão
Christianos na terra
. Fr. dites-moi s'il est venu ; voyez s'il
est arrivé ; je me demande si vous viendrez
. L'indicatif s'est
introduit de bonne heure dans la langue populaire, car les plus
anciennes chartes en présentent déjà des exemples : interrogaverunt
ipsius illi se habebat homines Form. Mab
. n. 29 ;
interrogatum fuit si ipsa causa vera erat Form. M. app.
n. 3 ; interrogaverunt si potebat etc. HL. I, 25 (ann. 782) ;
interrogavimus, si habebat aliquid Marc. 780 (ann. 843) ;
ut vidissent, si erant etc. HL. I. 99 (ann. 852) ; mais aussi
interrogatum ei fuit se ipsa villa vindedisit (vendidisset)
Bréq. 447b (ann. 726).

3. Si l'interrogation indirecte se rapporte à des personnes,
des objets ou des circonstances, on se sert alors des pronoms
interrogatifs et des adverbes de la question directe. Le mode
est le même que dans la proposition interrogative commençant
359par si, par ex. ital. spiegami cosa tu pensi di ciò ? (explica
hac de re quid sentias ?
) ; non so che ha detto (nescio quid
dixerit
) ; non so dov'io fugga (nescio quo fugiam). Autres
exemples italiens : chiede chi gli avea adunati ; domandava
di che viverebbe
(parfois di quello che viverebbe (p. 350) ;
ditemi qual è costui ; volentier saprei quanto abbiamo ad
andare ; io non so come questa la mia moglie si faccia ;
vorrei sapere perchè non venite più da me
. En espagnol
que est souvent préposé à la particule interrogative, même
lorsqu'elle est elle-même que, et cela a lieu déjà dans la plus
ancienne période de la langue. Exemples : preguntaron que
quien era aquel ; díme con quien andas ; dadme cuenta de
quien sois, de donde venis ; preguntóle
que qué habia Cal.
è D. p. 33a ; preguntóle uno que qué navio era aquel ;
preguntóle uno
que qué consejo daria, que de qué se reia,
que quales paños queria, que como le habia ido, que
porque lo haria ; replicaronle que porque decia aquello ;
les preguntó como harian ; el clerigo debe preguntar
que
como debe haber nombre SPart. I, p. 57. Franç. dites-moi
en quoi je puis vous servir ; je ne sais quel homme c'est ;
voulez-vous savoir comment la chose s'est passée ? je ne
sais pourquoi vous n'avez pas réussi
. Val. vezi cine è (vide
quis sit
) ; noi nu śtim ce este sęnętate (nescimus quid sit
sanitas
).

4. Le régime ou le sujet qui appartient au verbe dépendant
est construit par attraction avec le verbe principal : c'est là
un procédé bien connu du grec et aussi du latin, où il passe pour
imité du grec : οἶδα γῆν ὁπόση ἐστί ; scin me in quibus sim
gaudiis ? ego illum nescio qui fuerit ; os tuum videre vellem
qui esset status ; rem vides quomodo se habeat
. En roman,
il appartient plutôt au style ancien, plus disposé à céder au
sentiment, qu'au style moderne, plus rigide. Voici quelques exemples :
Ital. tu ʼl saprai bene chi è Dec. 7, 8. Esp. veran las
moradas como se facen PC
. 1650 ; sé el lobo como se mata
Rz. 973 ; no os conozco de donde seais ; procuraba ver á
aquel hombre quien fuese
 ; port.não podes comprender
seus triumphos quantos são
GVic. II, 487. Cat. si volets
saber la corona quina era
RMunt. 546. Prov. contava del
temporal cum es Boèce
97 ; dig vos ai lo mieu voler quals
es Choix
V, 50 ; lo metge sai ben qui es 325 ; be sabetz
lo vassalh qui es
III, 399 ; ara sai eu de pretz quals l'a
plus gran
IV, 94 et beaucoup d'autres exemples ; v.franç. ne
360sorent la corone cui doner Sax
. I, 6. Le b.latin, qui offre
de nombreux exemples de l'attraction, semble sur ce point aussi
suivre l'exemple de la langue vulgaire, ainsi quia neque te
novi unde sis
Gr. Tur. 4, 47 ; confirmat illorum fortitudinem
qualis fuit
Fréd. Bouq. II, 461. Le v.allemand favorise
aussi beaucoup cette tournure : nû sehent den honic wie süeze
er sî ; diene weiz ich war ich tuo
(je ne sais pas où la mettre) ;
disen lieben guoten man enweiz ich wiech von mir bekêre
(je ne sais pas comment l'éloigner de moi), voy. Wackernagel
dans les Fundgruben de Hoffmann I, 294.

Chapitre sixième.
Propositions comparatives.

Afin de donner une idée plus claire des moyens dont use la
langue pour comparer entre elles deux idées dans une même
proposition, nous rapprochons ici la comparaison dont les termes
sont au même degré de celle où les degrés diffèrent, bien que le
rapport organique des propositions ne soit pas le même dans
les deux cas. En effet, ou bien ces propositions se trouvent sur
la même ligne, c'est-à-dire sont corrélatives, et alors l'ordre
dans lequel elles se placent peut être indifférent : ainsi « il est
aussi noble qu'il en a l'air ; elle est aussi blanche que la neige
(autant que la neige elle est blanche) » ; ou bien la seconde
proposition est à tel point dépendante de la première qu'elle ne
peut en prendre la place : « il est plus noble qu'il n'en a l'air ».
Mais les deux espèces de propositions s'accordent en ce que la
première contient une expression intensive (adjectif, pronom ou
adverbe) dont la valeur doit être déterminée par la seconde
proposition. Suivant les circonstances, l'intensif aussi bien que
l'attribut de la seconde proposition peuvent être sous-entendus
(son œil brille comme le soleil). Les mots de liaison varient suivant
la nature de l'intensif qui précède ; en français seulement l'importante
copule que est arrivée encore ici peu à peu à représenter
tous les rapports.

1. La comparaison de termes au même degré opérée
par des adverbes
ne s'exprime pas dans toutes les langues filles
au moyen des mêmes mots. Lat. sic…ut, ita…ut, tam…
quam
. Ital. sì…come, così…come, par ex. così vivo io come
361vivete voi
(ego ita vivo ut vivitis vos) ; questi è così ricco
come quegli
(hic tam dives est quam ille) ; così era mirabil
cosa come si ragionava ; ella è si bianca come la neve ;
caddi come corpo morto cade Inf
. 5, 42. L'espagnol se sert
de tan (ou du neutre tanto)…como : sois tan nobles como
pareceis ; tan obscuro como la noche ; ella salta como un
gamo
 ; sur qual pour como, voy. § 3 ; port.tâo como.
Prov. tan…cum, aissi ou en aissi…cum : ancmais tan
jauzens no fuy cum er suy ; non es acsi cum anaven dicent
Boèce
145 ; en aissi fos pres com ieu sui Choix I, 407.
Franç. aussi…que, si…que, la seconde formule n'est usitée
que dans les propositions négatives, car dans les propositions
affirmatives elle exprime l'effet produit (p. 310) : il est aussi sage
que vaillant ; il est aussi à plaindre qu'un autre ; il n'est
pas si
(aussi) riche que vous. Le v.français emploie comme :
altresi blanche cume flur, et cette expression se trouve encore
dans Malherbe et même dans Corneille : aussi bon citoyen
comme parfait amant
 ; mais que était entré dans l'usage à
une époque bien antérieure, par ex. dans Comines 1, 9 : chose
si incertaine qu'une bataille. Comme
a été conservé par le
français moderne lorsqu'une expression intensive précède : il
est hardi comme un lion
. Val. atųt…ca, cum : sųnt atųt
de amic al statului ca ori-care
(tam sum amicus reipublicae
quam qui maxime
) ; un om cum eśti dumnia tà (ital.
un uomo como è V. S.) — Il faut de plus faire les remarques
suivantes : 1) Lorsque dans ce genre de comparaison, qui relève
seulement les points spéciaux sur lesquels deux objets s'accordent,
la proposition relative est en tête, on renforce d'ordinaire
la particule de cette proposition en lui en préposant une
autre qui a un sens démonstratif, et il peut alors arriver que
la proposition suivante contienne un second démonstratif. Voici
ces formules : ital. siccome, così come…così, esp. así como
…así
, prov. si com, aissi com, atressi com…si, franç. ainsi
(non pas aussi) que…ainsi, puis comme…ainsi. Exemples :
Ital. siccome eterna vita è veder Dio…così me, donna,
il voi veder felice fa
P. Son. 158. Esp. como un espejo
quebrado finge varios tornasoles, así el sol entre arreboles
no muere
Cald. I, 131a ; port.assi como a boninatal
esta morta a pallida donzella Lus
. 3, 134. Prov. si cum la
nibles cobrel jorn, si cobre avers lo cor Boèce
133 ; aissi
com la clara stela guida las naus…si guida bos pretz
selui Choix
V, 152 ; franç. ainsi que les rayons du soleil
362dissipent les nuages, ainsi
etc. ; ainsi que la vertu, le crime
a ses degrés ; comme le soleil chasse les ténèbres, ainsi la
science chasse l'erreur
. — 2) Dans les attestations où il
s'agit d'un souhait dont on subordonne la réalisation à un fait,
le latin réunit le souhait au fait par les particules comparatives
ita (sic)…ut : ita me dii ament, ut ego nunc non laetor.
Il en est de même en roman : Ital. cosi foss'io sano, come
io non sono
, che io mi leverei (je me lèverais, si j'étais aussi
bien portant que je le suis peu maintenant) Dec. 9, 3. Esp.
ansí (así) las ninfas…vengan humildes á tus aguas claras,
que prestes á mis asperos lamentos atento oido Num
. 1, 2.
Prov. aissils gart dieus, com els non an erguelh Choix IV,
286 ; fr. ainsi dieu me soit en aide, que je ne mens point.
Il va de soi que la seconde proposition n'existe pas, lorsque la
première renvoie à quelque chose qui a déjà été énoncé : lat.
ita me dii ament ! sic valeant pueri ! it. cosi iddio m'ajuti !
si foss'io morto !
esp. así Dios te guarde ! v.fr. ensi me
puisse Dieus tehir !
m.h. all. sô helfe mir dîn hulde !

2. La combinaison pronominale talis…qualis, prise adjectivement
ou adverbialement, se construit avec le substantif
ou le verbe. Quelques langues romanes prennent certaines
particules dans l'acceptation de qualis. Ital. quale io fui vivo,
tal son morto ; quale è quel cane…cotai si fecer quelle
faccie lorde Inf
. 6, 31 ; quali colombe vengon…cotali
usciro Inf
. 5, 82 ; un uomo (tale) quale fu Cesare ; aussi
chente il padre, tale il figliuolo. Esp. qual es la madre,
tal es la hija ; yo soy quedada qual la nave sin patron ;
port.quaes as formigas as forças exercitam, tàes andavam
as nymphas Lus. ; se mia verdade tẽes por
(tal) qual he.
Prov. ieu soi tals, com a drutz cove PO. 219 ; de même aussi
en v.français m'avez jugée à telle mort com d'ardoir ? TFr.
520 ; le français moderne emploie la locution tel que, qui,
comme l'ital. il quale, peut aussi se placer en tête de la proposition
entière : il est tel que son père ; tel qu'un lion rugissant
met en fuite les bergers, tel le héros
etc. — Il convient
encore de rappeler à ce sujet : 1) L'italien et l'espagnol qual
s'emploient aussi sans flexion, comme adverbes, pour le lat. qualiter,
surtout dans l'équivalence : quale i fioretti…tale Inf.
2, 27 ; quale i Fiamminghi…a tale immagine etc. 15, 4 ;
esp. qual suelen las ovejas…tal niños y mugeres…andan
de calle en calle Num
. 4, 2 (p. 81) ; quai rapidos torrentes,
tal
(así). — 2) Dans les langues filles, talis…talis a pris
363aussi une valeur corrélative : ital. tal opera, tal mercede ;
esp. tal amo, tal criado ; fr. telle vie, telle fin ; v.fr. itel
com tu es, itel fui
. Cette combinaison n'est usitée que dans des
propositions de peu d'étendue.

3. Tantus…quantus se construit comme talis qualis ;
ici aussi on remplace le relatif par des particules. Ital. tante
(cotante) volte, quante nella memoria mi viene ; lo secol
primo quant'oro fu bello ; tante volte
, quantunque gradi
vuol che giù sia messa lnf
. 5, 11. On blâme l'emploi de tanto
…come, tanto…che
. L'espagnol emploie généralement tan,
quan
pour tanto, quanto devant des adjectifs et des adverbes,
et aussi como pour quanto, mais cette substitution n'est nécessaire
que lorsque la proposition relative n'a pas d'attribut
propre : tiene tanta hacienda, quanta su padre tenia ;
aunque la vida se alarga, no es para vivir tan larga quan
corta para llorar ; junto tanta gente como pudo ; hablaba
tanto como solia ; he leido tantos libros como tú
 ; port.
cantado de (tantos) quantos bebem a agoa do Parnaso ; nada
tanto o deleitava como a voz do rouxinol
. Prov. el mon tan
laia malautia non a can gilozia
(c'a'n dans le texte imprimé)
Choix III, 412 ; ai d'amor tan quan vuelh 28 ; atretan
volon dire
com etc. 248 ; atrestan…cum 419. Fr. autant
…que
(et l'inverse autant que…autant), avec la négation
aussi tant…que (p. 310), par ex. il boit autant d'eau que
de vin ; je le défends autant que je puis ; autant que de
David la race est respectée, autant de Jézabel la fille est
détestée
Rac ; rien ne m'a tant fâché que cette nouvelle.
En v.français on se servait aussi des formules tant…quant,
tant…com, autant…comme
, dont Corneille faisait encore
fréquemment usage (qu'il fasse autant pour soi, comme je
fais pour lui Polyeuc
. 3, 3), et tant…que dans les propositions
positives (il estoit tant aspre qu'il estoit possible).
Le français fait aussi entrer dans quelques locutions tant
…tant
comme corrélatif : tant vaut l'homme, tant vaut sa
terre
.

4. La juxtaposition de deux comparatifs (tanto brevius
quanto felicius
) s'effectue dans une proposition corrélative,
soit au moyen d'intensifs déterminés comme tanto…quanto,
dont le premier peut aussi être omis, soit même par le simple
comparatif. Chaque dialecte a ses particularités. Ital. tanto più
…quanto più
, par ex. quanto più egli ha, tanto più vuol
avere
 ; plus simplement : quanto la cosa è più perfetta,
364più senta il bene Inf
. 6, 107 ; pensandoci più, più dolor
sento
. Esp. tanto mas…quanto mas : tanto mas mostrareis
quien sois, quanto mas con paciencia supieredes llevar
estos casos ; quanto mas lexos de tí, mas sin gloria y mas
sin mí CGen
. ; le portugais se comporte comme l'espagnol.
Prov. tant plus…quant plus, ou avec le comparatif : es tant
plus aondos en plors, quant fo en pechaz plus talantos
GO
. 299a ; qui mais val, mais dopta far faillida Choix I,
381 ; en outre, le membre relatif est souvent caractérisé par
cum et plus souvent encore par on (lat. unde dans le sens de
ubi), et la seconde proposition débute parfois par e (et) : cum
plus l'esgart, mais la vey abelhir
III, 50 ; un plus tost leva,
tant es plus tost gastaz GO
. 272a ; on mais mi faria d'amor,
e plus fizel m'auria LR. I, 496 ; on plus…plus Choix
IV, 2, 15 ; on trouve même ont plus…ont plus GO. 227
(comp. l'all. je mehr…je mehr). Le français rend le rapport
en question soit par d'autant plus…que plus, soit par le simple
comparatif, et ici aussi et peut être mis en tête de la seconde
proposition : la vertu se fait d'autant plus révérer qu'elle
se montre plus modeste ; plus le péril est grand, plus
doux en est le fruit ; plus j'apprends son mérite
, et plus
mon feu s'augmente
Corn. Cid ; plus j'y pense, et moins
je puis douter
Rac. Athal. En v.français, on dit comme en
provençal quant plus ou com plus, par ex. quant miex i
cuid' hon estre
, et ele plus tost faut, voy. Ruteb. I, 399 ;
com plus vraiement sont dolent des lur (pechiez), plus
droitement blament les altrui LJ.
451m. Le daco-roman
emploie soit cųt mai…atųta mai (c.-à-d. quanto magis,
tanto magis
) soit cu cųt mai…cu atųta mai (littér. cum
quanto magis
etc.), par ex. cųt mai prost este cineva,
atųta este śi mai obraznic
(ital. quanto uno è più stolto,
tanto è anche più moroso
) ; cų cųt eśti mai pre sus, cu
atųta cautę sę fii mai smerit
(quanto tu stai più alto,
tanto più conviene che sii umile
).

5. La proposition qui dépend d'un comparatif est rattachée
à ce comparatif par que, comme en latin par quam, qu'elle
ait ou non un verbe qui lui soit propre ; on déterminera à la
troisième section dans quelle mesure la négation peut l'accompagner.
Ital. ella è più bella che tu non credi ; lucevan gli
occhj suoi più che la Stella Inf.
2, 55 ; prov. dona genser
que no sai dir ; plus blanca es que Elena
 ; franç. vous
écrivez mieux que vous ne parlez ; cela lui convient mieux
365qu'à personne
1122. L'espagnol et le portugais se séparent des
autres langues en reliant la proposition dépendante, lorsqu'elle
a un verbe propre, par de lo que, do que (sans négation) :
aquel es mas rico de lo que se piensa ; llegaron mas presto
de lo que quisieron ; he melhor do que parece ; atravessa
com mais furor o mar do que costuma
. Si le verbe est
commun aux deux propositions, que suffit, bien que le portugais
recoure volontiers à do que : esp. aquella es mas hermosa
que el sol
 ; port.mais belha que a flor de lis ; vosso irmão he
mais animoso do que o meu
. Cette expression circonstanciée,
que ne s'interdisent pas non plus les langues sœurs (par ex. ital.
ella fessi lucente più assai di quel ch'ell'era Par. 5, 131),
rappelle un autre procédé indiqué à la p. 309, où l'on a aussi
recours à de que. Le dialecte valaque n'emploie pas de particule
correspondante au que des autres langues : le mot qui lui
sert ici est de cųt (= ital. di quanto) : Georgie este mai inalt
de cųt mine
(major est me) ; mai alés este numele bun
de cųt avutzii multe
(fama melior est divitiis).

6. L'objet auquel est comparé le sujet peut aussi être indiqué
par la préposition de, lorsque le verbe est commun aux deux
propositions. Cependant cette faculté n'est pas restée à toutes
les langues, sauf dans un cas : c'est lorsqu'il ne s'agit pas de
comparer deux objets entre eux, mais seulement d'augmenter
ou de diminuer le nombre attribué à un seul objet, ainsi « il y a
plus de cinq chevaux », c'est-à-dire « il y a cinq chevaux et
plus ». L'italien ne connaît aucune restriction de ce genre ; on
dit par exemple : l'uno ha più forza dell'altro (alius alio
plus habet virium
) ; la terra è più grande della luna ; sono
più di cinque cavalli ; più di due ore
 ; il en est de même
déjà dans les plus anciens textes, où on lit par ex. chiù (sicil.
366pour più) bella dona di me PPS. I, 6. On ne donne la préférence
à que qu'avec les noms qui se passent de l'article : Roma
è meno popolata che Napoli ; meglio qualche cosa che
niente
. Cet usage a été suivi aussi par le v.espagnol, comp. des
passages tels que de mi mucho mejor (multo melior me) Bc.
Mill. 315 ; era dél mayor (major illo) Mis. 199 ; mejor de
pan de trigo
(melior pane triticeo) Mil. 341 ; de la qual
ninguna cosa hay mas digna
S. Prov. p. XXIX. Cette construction,
sans parler de la formule de lo que mentionnée au
paragraphe précédent, subsiste il est vrai en espagnol moderne,
mais elle y semble réservée au style élevé, par ex. harto mejor
de aquella Num
. 4, 2 ; que mayor desdicha puede ser
de aquella que aguarda la muerte ? DQuix
. 1, 15 ; mas
hermosa de aquel coro de ninfas fué la diosa
Cald. I,
76b ; mas de un acero tiñe el agravio 370a. De est partout
usité dans le cas exceptionnel qui vient d'être indiqué, c'est-à-dire
avec des noms de nombre : poco mas de una hora ;
en menos de quince dias
. en port.comme en espagnol : como
quererlle mellor d'outra ren Trov
. n. 210 ; louvar mais
de merecydo CGer
. II, 73. Le provençal et le v.français procèdent
exactement comme l'italien et le v.espagnol, par ex. non
es lo sers maier de so senior Ev. de Jean
éd. Hofm. ; plus
ponhens d'espina Choix
III, 100 ; meils de nul autre PO.
3 ; melz del tresor la amiral Charl. 432 ; meillor vassal
de lui Rol
. p. 108 ; encore dans Alain Chartier : plus parfaite
des autres choses
, voy. Choix VI, 140 ; dans Charles d'Orléans :
mieulx de moi hébergé p. 95 ; dans Marot : son
cueur tient le mien en sa tente plus d'un ardant frisson

II, 327. En français moderne, de ne s'est conservé qu'avec des
noms de nombre : il a fait plus de (non pas que) deux lieues ;
il y a plus de quinze jours ; moins de la moitié
 ; à moins
qu'il ne s'agisse ici de comparer deux objets : il travaille plus
que quatre
(sc. ne travaillent). Val., comme en italien, par ex.
de śi esti mai avut decųt el (benché sii più ricco di lui) ;
nu sųnt mai multe de cinci (non sono più di cinque) ; val.
du sud : indreptatea este ma bunę di źunaticlu (la giustizia
è migliore della prodezza
). En b.latin cet emploi de de est
rare : si minus sunt de decem L. Long ; si minor grex de
trigenta capita fuerit
ibid. ; menus de quadraginta juges
Mur. I, 526 (ann. 769) ; harum (navium) duas minus de
triginta
Nith. 2, 6 (ainsi dans la numération) ; on trouve a
pour l'expression populaire de dans cet ancien passage : cum
367…esset Bilichildis utilis
(v.h.allem. vrum)…nihil se
minorem a Brunichilde esse censeret, sed Brunichildem
despiceret
Fréd. c. 34, et souvent aussi ailleurs. — Comment
doit-on comprendre ce de comparatif ? Est-ce un exemple d'une
assimilation directe et instinctive de l'ancien ablatif au génitif
périphrastique (comp. p. 127), qui concorderait ici avec le
génitif du grec ou de l'ancien slave, ou bien le génie de la langue
nouvelle a-t-il de lui-même choisi la préposition de, en tant
qu'elle indique l'éloignement d'un objet, en sorte que par ex.
l'uomo è più grande della donna signifierait « l'homme est
plus grand quand on le considère en partant de la femme, au
regard de la femme » ? On pourrait objecter à cette dernière
manière de voir qu'il serait difficile de trouver un motif à cette
restriction du domaine de quam (rom. que), surtout si l'on
considère qu'elle ne serait due qu'à une abstraction assez raffinée.
Mais précisément dans les langues nouvelles il ne manque pas
d'exemples de conceptions abstraites, surtout lorsqu'il s'agit de
créer de nouvelles locutions, et ce qui montre encore que la
préposition de se prêtait à cet emploi, c'est que le grec moderne
applique le synonyme ἀπό à la comparaison en même temps que
παρά : αὐτός εἶναι πλουσιώτερος ἀπὸ τὸν ἀδελφόν (egli è piu ricco di
suo fratello
).

7. Pour rendre l'idée qu'exprime le latin en unissant un
comparatif à une proposition dépendante par quam ut, quam
qui
, comme dans major sum, quam ut mancipium sim mei
corporis ; major sum, quam cui possit fortuna nocere
,
le roman, pour marquer la prépondérance du sujet, remplace
le comparatif par le positif renforcé de l'intensif troppo, et il
fait suivre la préposition du but, pro (per), avec l'infinitif : ital.
egli è troppo accorto per credere questa menzogna ; è
troppo onesto per ingannarvi
 ; franç. il est trop jeune pour
entrer en charge
. L'espagnol emploie demasiado para, aussi
muy para (Chalumeau II, 819). Ici le grec s'accorde avec le
latin et l'allemand avec le roman : τὸ ἄχθος ἐστὶ μεῖζον ἢ ὥστε
φέρειν ; er ist zu mächtig, um bezwungen zu werden.

8. En ancien roman la particule comparative peut être
omise
dans certaines circonstances. 1) Devant des noms de
nombre après plus (magis), sans doute aussi après minus :
on trouve en provençal mais cen piuzellas Choix II, 260,
LR, IV, 157b ; mais cent ans Choix III, 3 ; et de même en
latin : plus decem millia. — 2) Devant une proposition complète,
pourvu qu'elle soit accompagnée de la négation : prov.
368am vos mais (que) no fetz Seguis Valensa ; mais en vueill
aver d'umelitatz no ac lo leo
, voy. Choix I, 151 ; bon
essemple valon mais no fay sermos LR
. I, 530b. Voici des
exemples v.français recueillis par Orelli p. 74 : fi fi, plus
puent ne fait fienz
(fumier) ; plus chante au bois ne fait
en cuer
(chœur). Voy. des exemples italiens tirés de Gui
d'Arezzo dans Raynouard Choix VI, 142 : piò (più) soave
dorme no face segnore ; migliore stimo la condizione
umana poi lo trepassamento del primo nostro parente
non era avante
.

9. Si l'on compare deux qualités, on ne peut se servir que
du comparatif périphrastique et non du comparatif organique,
par ex. ital. la tavola è più lunga che larga ; questo uomo
è più buono che cattivo
, non pas migliore che cattivo ou
migliore che peggiore comme lat. longior quam latior. Le
grec moderne dit de même αὐτή ἡ κοπέλλα εἶναι πλέον πλουσία παρὰ
εὔμορφη (cette jeune fille est plus riche que belle).

10. Les idées comparatives, comme alter, prius, potius,
sont généralement suivies de que, comme alius en latin de
l'ablatif (ne putes alium sapiente beatum). Ital. non sono
rimasi altri che noi ; altr'uom
da quel ch'io sono P. Son.
1 (comme diverso da) ; prima che io vi rivegga ; anzi virtute
che gran ricchezza
. Esp. otros premios que aquellos ;
otro vestido
del que trae puesto ; con diferente intencion
que pensaba
. Prov. autra de mi LR. III, 310a ; v.fr. altre
de li Trist
. Dans les propositions négatives ou interrogatives,
alter peut aussi être suivi de particules restrictives. Ital. par
ex. ne altra cagion avea se non che etc. Esp. no habia allí
otra navecilla
sino una ; hacese otra penitencia mas de la
dicha ?
Prov. qui s'atura en autre joy mas en dieu obezir ?
Choix
IV, 60 ; v.fr. n'en pot el (c.-à-d. aliud) faire fors
atendre Brut I, p. 87.

Chapitre septième.
Assemblage des propositions.

L'assemblage de deux ou de plusieurs propositions grammaticalement
indépendantes (coordonnées) s'opère soit par des
conjonctions propres, soit par des adverbes conjonctionnels. Les
conjonctions sont peu nombreuses, ce sont celles qui répondent
369à et, nec, aut, sed et nam : elles se placent toujours, conformément
à l'idée qu'elles expriment, en tête de la seconde
proposition. Les adverbes conjonctionnels se placent, il est vrai,
généralement aussi en tête de la proposition, mais ils peuvent
toutefois être précédés d'une conjonction, comp. le lat. sed
etiam, et enim, aut vero, et ideo, at tamen
. On ne peut ici
transposer arbitrairement les propositions, comme on le fait
dans la plupart des formes de la proposition composée au sens
propre, parce que les pensées ne forment pas une unité ; mais
si la première proposition contient une particule qui appelle une
idée complémentaire, la seconde est présupposée nécessaire (non
solum pater, sed etiam filius
). Les particules de liaison, lorsqu'elles
peuvent être suppléées par le contexte, sont souvent
tout-à-fait omises : cette liberté est surtout propre à la poésie
populaire.

1. La copule et se présente dans quelques langues sous une
double forme. Ainsi l'ital. e s'emploie devant les voyelles sous
la forme ed (odio ed amore), le prov. e sous la forme et ou ez ;
l'esp. y est remplacé devant les syllabes initiales i ou hi par
e accentué (é imaginacion, è hija, non pas é hierro, car hi
ne forme pas syllabe dans ce mot). Il faut encore observer :
1) En général et n'est préposé qu'au dernier des membres
qu'il unit ; cependant, pour marquer l'insistance, on peut
le préposer déjà au premier membre, comme en latin ;
l'allemand en ce cas emploie la formule plus circonstanciée
sowohl…als auch. Ital. resta senza e voce e moto Ger.
12, 67. Cet usage est rare et archaïque en espagnol, par ex.
Arsenio me vió y por su mal y aun por el mio Diana de
Montem. (voy. Herrig, Archiv IV, 468). Prov. molt lo laudaven
e amic e parent Boèce
142 ; v.franç. si salvarai eo
cist meon fradre Karlo et in adjudha et in cadhuna cosa
 ;
franç.mod. satisfaire aux devoirs et de sœur et de femme ;
je sentis tout mon corps et transir et brûler 1123. — 2) L'ancien
370style roman favorise au plus haut degré la répétition de
la copule (polysyndète) entre des mots isolés et des phrases
entières. On trouve partout des exemples comme prov. montet
en destrer e mes l'elm en la testa e fai sonar las trombas
e fai deserrar los sieus confanos Choix
V, 92. — 3) La
suppression de la copule, même devant le dernier membre
(asyndète), s'opère partout librement, et le seul fait caractéristique
à observer c'est que le roman, là où il se montre abandonné
à lui-même, est beaucoup moins porté que le latin à se
passer de conjonctions dans une série de notions et de pensées.
Mais certains poètes se passent de la copule, lorsqu'ils se proposent
d'indiquer une gradation de l'expression, ainsi prov. fon
de valor, de gaug, de totz los bes Choix
V, 12, uns malapres
vilas, cobes, avars
III, 358. — 4) Et pour etiam se
trouve surtout encore dans le domaine italien : ciò ch'esorta
Goffredo, ed io consiglio Ger
. 1, 29 ; il en est de même dans
des traductions provençales : tot aco que vos volez que vos
fassunt li home, e vos faides a els
(ita et vos facite illis)
GO. 143b ; v.fr. car qui merci nen a d'altrui, et dex merci
nen a de lui Brut
I, p. 380.

2. Il arrive souvent qu'on emploie et, non point pour unir
des propositions, mais pour servir d'intermédiaire entre l'interpellation
et la question, l'exclamation ou la réponse. L'interpellation,
qui consiste en un vocatif, est rarement omise. Les
dialectes anciens, et maintenant encore l'espagnol, se montrent
particulièrement favorables à ce mode d'expression. Ital. se i
tuoi parenti trovanmi, e che mi posson fari
(fare) ? Nann.
Lett. I, 3 ; lo vostro insegnamento, e dond'è miso ?ibid.
105 ; damigella, e chi sete voi ? CN. 156 ; misera, ed a
qual'altra il ciel prescrisse vita mai grave ed immutabil
tanto ? Ger
. 4, 70 ; il frate disse : e io son contento Dec.
1, 1. Esp. valame dios, y qué es esto ? Nov. 9 ; valame dios,
y quien sera aquel que puede contar
etc. DQuix. 1, 9 ; o
pan, y quan tarde vienes ! Num
. 4, 1 (p. 76) ; ay dulce
fuente mia, y de quan alto me arrojaste !
Garc. Egl. 2 ;
o criadas, y quantas honras ilustres se han perdido ! Cald.
I, 361b ; daros lo he yo, mi señora, y supiesse yo las tierras !
SRom. 238 ; port.nostro senhor, e ora que sera ! Trov.
Vat
. p. 73 ; et a primeira palavra foy: e o pastor ? R. Men.
c. 20 ; hui ! e que gaio he ora este ! GVic. I, 256. Prov.
francs cavaliers, e con estas ? Jfr. 78b ; e non anaretz vos
ab nos ?
79a ; seiner, e non la conoissetz ? 96a ; barons, dis
371el, e deu vos gar, a om mon caval enselat ?
100b ; pueys
li a dich : e qui es tu ? LR
. I, 552a ; Johan, Johan, e dormes
tu ?
561b ; Gausselm, e com auzatz dir ? Choix IV, 21 ;
las ! e doncx que farai ? III, 337 ; ai dieus, e quem fos
ironda !
(var. ai dieus, ar sembles irunda POcc. p. 9) ;
amors e com er de me ? ibid. 247 ; v.franç. sire pere, fait il,
e vus que m'en loez ? TCant
. p. 14 ; amis, e je l'otrei Rou
I, p. 365 ; dame, et je les amerai Berte 12 ; cousins, dist
Aallars, et nos le vos dirom RMont
. 248, 30. — Le latin
emploie et dans l'interrogation qui marque le dépit : et quisquam
dubitavit ? et a quo nugamenta haec comparasti
 ?
Le gr. καὶ, qui dans le discours passionné se place en tête d'une
proposition, tend tout-à-fait, dans la langue actuelle, à prendre
le sens du roman et, ainsi dans γέροντα, καὶ τίνος εἶν' τ' ἀμπέλι ?
(vieillard, à qui appartient la vigne ?) Millier, Volksl. II, 24.
Ce procédé n'est pas étranger non plus à l'ancien allemand ;
on trouve déjà en v.h.allemand inti thu ni hôrtôs fon themo
heilante ?
Grafl I, 362 ; voy. sur ce point les recherches étendues
de Ludwig Tobler dans la Germania XIII, 91-104.

3. Après et, il nous reste encore à traiter d'une autre copule
simple. Le valaque a tiré du lat. sic la forme śi, qu'il emploie
exclusivement. Le v.français, au contraire, se sert aussi bien
de si que de et ; il règle l'emploi de ces copules à peu près de
la manière suivante. Si se place en tête d'une proposition qui
n'introduit pas de sujet nouveau et toujours immédiatement
devant le verbe ou les expressions conjonctives qui accompagnent
le verbe. Cette copule appartient surtout à la narration : en
rattachant chaque phrase à celle qui la précède, elle donne au
style une certaine prolixité qui n'est pas sans grâce ; on trouve
cette copule dès les plus anciens temps jusqu'au XVe siècle. Il est
inutile d'en donner beaucoup d'exemples : ces d'Amalech la
cited assailirent, si la pristrent LRs.  ; le areisuna, si li
dist
ibid. ; s'aparut Deus, si l'apela ; en piez se dresset, si
li vint cuntredire ; rent mon oisel, si ne le port avant !
GVian
. 107 ; elle me fait ici attendre, si m'ennuie, Miracle
(XIVe siècle) ; sui d'espouser vous envays, si sera fait (je
suis pressé de vous épouser et cela sera fait) ibid. ; aler
m'en vueil vers Cupido, si leur raconteray
Ch. d'Orl. ; il
m'aperceu, si commença à rire
ibid. Si la proposition a un
sujet nouveau, elle doit être reliée par et, non pas par si, par
ex. e cis vindrent encuntre David e il les saluad LRs. ;
e reprist une altre dame e furent ambesdous ses muilliers

372ibid. Mais aussi dans des cas où si pourrait être usité, et s'emploie
comme copule ordinaire, surtout devant la négation ou
pour alterner avec si : David e li suen cururent par la
cuntrée e enmenoent les preies LRs. ; e David guastout
tute la terre e n'i laissad vivre LRs. ; e li Philistien s'asemblerent
e vindrent en terre de Israel, si s'aloyerent en
Sunam
ibid. Et prend aussi fort souvent la place qui lui revient
de droit devant si, car en fait les phrases qui débutent par si sont
asyndétiques : l'apela e si li dist LRs. ; preneiz me et si me
gittiez en la mer SB. ; deus vos dont honor et si vos gart
de dolor Rom
. éd. B. 311 ; vers li m'en alai et se la salue
ibid. 306 ; dist e si li granta TCant. p. 105 1124. Il est hors de
doute que le pronom personnel conjonctif occasionne extrêmement
souvent l'introduction de la particule si, et alors cette
particule suffit à effectuer l'assemblage des propositions. Le provençal
emploie si de la même manière. Les poètes lyriques
l'évitent, il est vrai, probablement comme une forme vulgaire ;
mais si est assez usité chez les autres poètes et dans la prose,
par ex. fez sos mes segre, silz fez metre é preso Boèce
v.59 ; ven acorren, sil pren per lo talo 240 ; pren mon
bon destrier, sil ne mena de grat Fer
. 917 etc. 2125. — Il faut
encore remarquer l'ital. sì…e sì, parfois sì…sì ou sì…e,
qui a tout-à-fait le sens de et…et. Ici comme partout on peut
encore se servir d'autres particules comparatives, par ex. così
…come, sì… che
(dispone sì della guerra che della pace),
esp. así…como, tan…como, tambien…como, fr. aussi…
373que
, v.fr. tant…comme etc., val. catųt…cųt, b.lat. sic…
quomodo
.

4. La copule négative nec (ital. etc.) unit une proposition
ou un mot isolé à une négation déjà exprimée, ce dont il
sera parlé dans la troisième section. Ici il convient de faire les
remarques suivantes : 1) Et aussi est capable de transporter,
au moins à des idées de même nature, la force négative d'un
non ou d'un nec contenu dans la proposition, bien que nec nie
d'une façon plus expressive. Ital. parente e amico non t'ave
ad aitare PPS
. I, 11. Esp. ni la distancia, ni interpuestos
montes y proceloso mar me apartarán
. Prov. si molt non
es savis e pros Choix
IV, 84 ; si Falco nolh secor el reys
83 ; s'ar no socort la crotz el monumen 92 ; v.franç. qu'il
ne muire
(meure) de duel et d'ire Rom. fr. 57 ; franç.mod.
s'il n'est pas sage et docile etc. — 2) Pour unir une négation
à une énonciation positive, on se sert de et non. Ital. lo cerco
e non lo truovo ; l'amico mio e non della ventura Inf
. 3,
61. Esp. el verdadero amor ha de ser voluntario y no forzoso ;
aquel vino y no quiso partir
. Franç. il est mon ami
et non le vôtre
. Cependant on peut aussi employer, comme en
latin, nec pour et non, tant qu'on ne cherche pas à marquer
une opposition : ital. il fanciullo piange nè osa parlare
(puer lacrymat nec audet loqui) ; mal fa il re che può nè
la correge Orl.
4, 67 ; esp. donde le dexé ni sé si muerto
ó si vivo DQuix
. 1, 28 ; mais franç. l'enfant pleure et n'ose
parler
. Lorsque la seconde proposition ne contient pas de verbe
propre, l'espagnol se sert d'ordinaire de que no : esto es artificio
que no naturaleza ; vuestra fué la culpa, que mia
no SRom
. 311 ; mas nos preciamos que menos no PC. 3312 ;
feos, ca non lucientes Bc. Mil. 734 ; port.d'ouro erão, que
não d'al
GVic. 356 ; maravilha feita de deos, que não de
humano braço Lus
. 8, 24 ; aussi prov. (rarement) a vos sera
rendut lo cavals, que a altre non Jfr
. 158a 1126. — 3) Enfin
374pour marquer l'insistance, nec, de même que et, se place devant
le premier des membres négatifs et se répète après ; nous reviendrons
encore sur ce sujet dans la section suivante.

5. Les particules qui expriment le sens de etiam, c'est-à-dire
ital. anche, anco, ancora, altresì, esp. tambien, franç.
aussi, se comportent, au point de vue syntactique, comme le
mot latin. Mais ces mots peuvent encore, surtout le franç. aussi,
exprimer une conséquence : ces étoffes sont belles, aussi (= c'est
pourquoi) coûtent-elles beaucoup. Pour etiam, négatif ou ne
quidem
on a en italien nè anche, neppure, nemmeno (non ci
voglio venir nemmen'io
moi non plus), altresì non, esp.
ni aun, ni siquiera, ni menos, tampoco, prov. anc sol no,
ni anc sol
(par ex. Jfr. 51a) ; franç. pas même, ni non plus etc.
On se sert aussi du simple nec, par ex. ital. sì che nè Orlando
sentia alcun ribrezzo
(et Roland non plus) Orl. 23, 101 ;
esp. en derredor ni sola una pisada estaba señalada Garc.
Egl. 2 ; port.mas se não consente, nem eu consentirei
Lus
. 2, 87 ; v.franç. ne cestui n'ad pas deus eslit (et celui-ci
non plus) LRs. 59. — La liaison est mieux marquée par non
solum…verum etiam
 ; ital. non solo (non solamente)…ma
ancora, ma eziando
(ou simplement ma), esp. no solo…mas,
no solo…sino, sino tambien, sino que
, prov. non solament
…mas atressi
, aussi mas GO. 221a, 287b, fr. non seulement
…mais (mais encore)
, v.fr. non seulement…ains encore
dans Marot III, 303. Les expressions négatives correspondantes
sont : non modo…sed ne quidem ; ital. non solamente non
…ma neppure, ma neanco
. Ces formules peuvent aussi être
remplacées dans quelques langues par non que ou non…non
que
, où l'elliptique non que désigne l'objet dépassé : ital.
Annibale, non ch'altri farian pio (Hannibalem, nedum
alios
) P. Cz. 6, 5 ; i' non poria giammai immaginar, non
che narrar gli effetti
(non modo narrare, sed ne cogitare
quidem
) Cz. 10, 5 ; esp. bastantes á desmoronar cuerpos
de bronce, no que de vidrio
.

6. La particule disjonctive, qui tient lieu de aut et vel, est :
ital. o (devant les voyelles souvent od), esp. ó (ú devant un o),
port. ou, prov. o (devant les voyelles aussi oz), franç. ou, val.
au et sau. L'italien possède en outre les composés ovvero,
ovveramente
qui, en raison des éléments dont ils sont formés,
375expriment un sens rectificatif : vago augelletto che cantando
vai ovver piangendo
P. Son. 317, mais n'en disent d'ordinaire
pas plus que le simple o. Il en est de même pour oppure et
l'esp. ó bien ou le franç. ou bien. Voici ce qu'il faut encore
observer : 1) L'explicatif sive est rendu en italien par ossia
(littér. aut sit) : Pallade ossia Minerva (franç. Byzance ou
[ou bien] Constantinople). — 2) Aut peut être, comme en
latin, préposé à chacune des notions ou des pensées qui s'excluent
mutuellement. Ital. o voi a sollazzare mi disponerete
o mi licenziate ; o per amistà o per vicinanza congiunte
.
Esp. un amigo ó para ayuda ó para consejo ; port.isso
he ou lobo ou cão
. Prov. o no sabetz o mesconeissetz ? (an
nescitis aut ignoratis ?
) GO. 202b ; franç. il faut ou vaincre
ou mourir ; il est ou honteux ou confus
. Val. au traiu au
moarte
(aut vita aut mors) et de même sau…sau. Au latin
sive…sive répondent ital. sia…sia (ossia…ossia, sia…o) ;
esp. sea…sea (sea…ó) et sans doute aussi ó bien… ó bien ;
port.quer…quer ; franç. soit…soit ; voy. plus haut à la
Prop. concessive p. 335.

7. Le distributif partim...partim est de même rendu par
le substantif parte. Ital. poi come gru ch'alle montagne
Rife volasser parte e parte inver l'arene Pg
. 26, 43. Esp.
parte de palabra, parte por escrito ; port.parte de cansado
e parte de contente transportouse
R. Men. c. 26. Franç.
il a fait cela partie pour l'amour de vous, partie pour
son propre intérêt
. Un synonyme est l'ital. tra…e, par ex.
siccome quelle che tra per grave angoscia e per paura
morte si erano Dec.
2, 7 ; tra con parole e con atti ; altri
tra maschi e femmine ; trentasei figliuoli
fra madernali
e bastardi
Malesp. 1127. — Il a été question plus haut des pronoms
376distributifs ; parmi les adverbes itératifs, nous n'avons guère à
signaler que les représentants romans de modo…modo : ital.
esp. port.quando…quando ; ital. ora…ora, talora…
talora
 ; esp. á veces…á veces ; port. ora…ora, agora
…agora
 ; prov. ara…ara, quora…quora ; franç. tantôt
…tantôt
 ; v.franç. donc…donc (Orelli 316). Le second mot
peut être accompagné de et.

8. Quant aux conjonctions adversatives, nous en avons
surtout deux à relever : l'une dérive de magis, c'est l'ital. ma,
esp. port. prov. mas, franç. mais 1128, l'autre de per hoc, c'est
l'it. pr. però, esp. péro ; mais le port. dit porem (de proinde).
Le valaque avec son earę (probablement de iterum) s'écarte
tout-à-fait des langues sœurs. La seconde particule, en raison de
son origine, possède un sens causal (propterea), et l'italien est
obligé de l'unir à non lorsqu'il l'oppose à une proposition concessive
(non però non pour cela, pourtant) ; mais pour que cette
particule devînt à elle seule propre à marquer la restriction, la
négation devait finir par s'omettre, comme avec d'autres mots et
surtout avec l'analogue français pourtant, qui est pour non
pourtant
. Le sens de ces deux particules s'est développé d'une
façon quelque peu différente dans les divers domaines, et il ne
se laisse pas rigoureusement définir, car les écrivains donnent
la préférence tantôt à l'une, tantôt à l'autre. L'italien ma a la
signification la plus large, il embrasse presque toutes les acceptions
des particules adversatives, même lorsqu'on n'a pas l'intention
d'indiquer une véritable restriction : on dit ainsi io
vorrei, ma non posso ; io gli volli parlare, ma egli non
377mi ascoltò ; ho perduto molto, ma finalmente non è la
mia rovina ; accetto l'amor vostro, ma non le lode che mi
date ; egli è ricco, ma ancora liberale
. Une opposition moins
marquée, telle qu'on la trouve dans le lat. verum et l'allem.
jedoch, indessen, s'exprime généralement par però, qui est
régulièrement ramené dans l'intérieur de la proposition, par. ex.
desidero gli faccciate questo piacere, con quella discrezione
però che si conviene ; egli mi scrive che io glielo
debba mandare, io però intendo che non manderò cosa
alcuna
. Les deux particules peuvent être réunies, en ce cas
però est pris adverbialement : ma conviene però sapere. —
En espagnol mas et pero sont si bien synonymes qu'on peut
presque partout employer à son gré l'un ou l'autre. En général
le premier sert plutôt à marquer l'opposition directe, comme le
lat. sed ou at, par ex. quisiera salir, mas no puedo ; él
quisiera verme, mas yo procuré de no verme con él ; aquel
mozo andaba como page, mas no de los ordinarios
. Pero,
parfois empero, a un domaine plus étendu que l'ital. però ;
il se prête ordinairement à exprimer le sens moins adversatif
de verum, autem, et même celui de tamen, mais il se place
toujours en tête de la proposition : el dinero hace á los hombres
ricos, pero no dichosos ; hablaron pocas palabras
pero tan calladas que
etc. ; á noche la ví, pero no me
atrevia á decirle quien era ; yo no quiero saber quien sois,
pero os digo que
etc. Il sert ensuite à indiquer la nouvelle
direction que prend le discours : no vengo á hurtar, pero
decidme, esta por aqu'i alguna venta ? Nov
. 1 ; pero qué es
lo que veo ?
Cald. I, 12b ; aussi se place-t-il volontiers, comme
l'allem. indessen, au début d'une période. En portugais mas
répond à l'esp. mas, porem à l'esp. pero, mais porem est plus
adversatif de sa nature et peut par conséquent se placer dans
l'intérieur de la proposition : a cantiga he breve, mas a grosa
muito longa ; agora porem não quero ; se porem posso
.
Ici aussi le choix de l'une ou de l'autre particule dépend, sauf
quelques petites restrictions, de la volonté de celui qui parle.
— Le provençal se comporte à peu près comme l'espagnol : mas
exprime l'opposition caractérisée de sed et at, pero répond soit
à verum, soit à tamen, par ex. dans le passage amera la,
s'a lieys plagues…mas
(mais) no s'eschai, pero (cependant)
ben sai qu'assatz fora avinen Choix III, 78. — Le français
mais s'applique à tous les cas, il représente donc à la fois l'esp.
mas et pero. — La particule concessive quidem est beaucoup
378plus rarement appliquée qu'en latin ou en allemand ; c'est l'italien
qui l'emploie le plus volontiers sous les formes sì, bensì : le faci
men dolci sì, ma non men caldi Ger
. 12, 97 ; abbia il
chiesto don costei dai vostri sì,
(ma) non dai consigli miei
4, 82. L'espagnol dit á la verdad (= v.h.all. zi wâre), et le
français à la vérité.

9. On oppose une affirmation à une négation précédente par
la formule non…sed ; pour sed le roman emploie la conjonction
correspondante ma, mas, mais. Ital. par ex. non l'ho
veduto, ma udito
(ma bensì udito). Esp. un lago no de
olvido, mas de gozo
 ; port.fronte não torvada, mas serena.
Franç. ce n'est pas aux hommes que vous avez menti, mais
à Dieu
. A côté de mas, l'espagnol emploie encore la forme plus
expressive sino (c.-à-d. nisi) : no has mentido á los hombres,
sino á Dios
 ; port.não mentiste aos homens, senão a Deus ;
et le provençal parfois aussi si non : non ho dic mia per gap,
si per ver non
(non en plaisantant, mais sérieusement) Choix
I, 428. Le b.latin, en se conformant à l'exemple donné par la
langue vulgaire, se sert souvent de cette même expression adversative,
que le latin au reste connaissait déjà : non effugietis
manus meas, nisi ponam gladium super vos
Gr. Tur. 4, 43 ;
nullum sortiatur effectum, nisi vacuus et inanis appareat
Form. M
. 2, 3 ; le v.h.allem. nibu s'employait aussi dans le
même sens. — On exprime le renforcement des particules adversatives
par anzi, qui répond à potius, quand la première proposition
est négative, à quin, lorsqu'elle est affirmative : ital. e non
mi si partia dinanzi al volto, anzi impediva tanto il mio
cammino Inf
. 1, 35 ; una lettera, anzi un intero trattato ;
de même esp. port.antes, pr. ans, enans, v.fr. ains, ainçois
(encore au XVIe siècle), fr.mod. plutôt, au contraire, it. aussi
all'incontro et d'autres expressions encore. — Remarques.
A l'adverbe restrictif nonnisi répondent deux expressions
analogues que la langue moderne préfère à l'adverbe solum.
1) Non accompagné de ma, mas. Ital. nè si dimostra ma che
per effetto Pg
. 18, 53 ; non è ma che uno. Esp. yo no vengo
hoy mas que á defenderme
Cald. I, 267a ; acompañado no
mas que de mis criados ; no lo sé mas de por fama
 ; port.
elle não era mais que hum diligente descobridor. Prov. no
dura mas un an ; non portet ren mas un drap solamen
Choix
IV, 91 ; et dans le sens de praeter, praeterquam :
tug amador son guay mas ieu Choix III, 51 ; el mon non es
don puesc' aver joy gran mas quan de vos
182 ; non…mas
379quam
ibid. 186 ; v.franç. n'ad mais un (n'en a qu'un) LRs.
123. — 2) Si non, qui est encore plus usité que le précédent.
Ital. non ringrazio si non col cuore. Esp. no bebe sino en
fuente
 ; port.não sento senão contentamento. Prov. non
parlan si non de volada d'austor
 ; v.franç. on ne parloit si
de lui non ; ne menoit avec elle sinon douleur
Mar. ; le
français moderne remplace si non par que : on ne parlait que
de lui ; il n'aime que l'argent
, et l'italien aussi dit non hanno
che una cameretta
.

10. Tamen, qui, dans sa valeur propre, ne s'oppose pas au
contenu même d'une énonciation, mais n'en contredit que la
conséquence logique, est représenté non seulement par l'esp.
pero et le prov. però, mais encore par plusieurs autres expressions
déjà mentionnées au chapitre de la proposition concessive
(p. 331). Souvent ces expressions sont encore précédées de la
particule ma, mas, ce qui leur donne un caractère d'insistance.
Choix d'exemples : Ital. ciò si è pur vero, ma non per tanto
credo che
etc. ; al giudeo cominciarono forte a piacere le
dimostrazioni, ma pure ostinato volger non si lasciava

(aussi eppure pour et tamen) ; non sono necessarie le raccomandazioni,
con tutto ciò ve lo raccomando
. Esp. ninguno
se osaba juntar con ellos, con todo eso el pueblo los alababa
.
Fr. vous me l'avez promis et cependant vous faites
tout le contraire ; il lui avait promis de l'aller voir, néanmoins
il ne l'a pas fait ; tous les hommes recherchent les
richesses et toutefois on voit peu d'hommes riches heureux
.
Pour ce qui concerne la synonymie de ces diverses expressions
qui n'ont pas toutes exactement le même sens, nous renvoyons
aux grammaires spéciales.

11. La particule qui tient lieu du lat. nam est ital. che, val.
, esp. port. v.fr. que, prov. que et quar, franç.mod. car,
puis v.esp. v.port. ca. Que est proprement un relatif (lat. quod,
quia
), et il est redevable de son emploi dans le sens de nam
à la prédilection des langues romanes pour les tournures relatives ;
que se place en tête d'une proposition principale reliée
à une autre proposition ou d'une proposition intercalée entre
deux autres ; mais le franç. car peut aussi se placer au début
d'une période. Ex. Ital. andate, che io vi seguito ; io vidi
venir Pietro, che così si chiama
(car c'est ainsi qu'il s'appelle).
Esp. yo no les temo, que traidores pueden poco ;
sucedió pues que D. Juan, que así se llamaba mi amigo
etc. ; v.esp. non fies dél ca fe non te ternie Alx. 864. Prov.
380prêtz y a et honors de diversas lauzors, car tug cill que
pretz an, non l'an ges d'un semblan Choix
IV, 413 ; v.fr.
vous l'aurez, que je le vueil ; fr.mod. il ne faut pas faire telle
chose, car dieu le défend
. Val. creade mi, cę è aśà (crede
mihi, nam res ita se habet
). A côté de che l'italien, lorsqu'il
veut insister sur le motif, se sert aussi des particules démonstratives
imperocchè, perocchè, perciocchè ; en outre nam
est souvent rendu par des particules qui ont le sens de quia,
comme ital. perché, esp. port.porque.

12. Les particules qui expriment la conséquence et qui renvoient
soit à la cause (lat. inde, hinc), soit au motif (ideo,
propterea
) sont : ital. quindi, perciò, pertanto, esp. por
eso, por tanto
, port. por isso, fr. c'est pourquoi, pour cela
et d'autres semblables. It. egli mi minaccia di morte, quindi
(hinc) la mia paura ; pensa che tali sono gli uomini e
perciò
(ideo) sii contento. Esp. no podeis servir á Dios y
á Mamon, portanto
(ideo) os digo, no os congoxeis. Franç.
il a perdu son père, c'est pourquoi (hinc) il est triste ; il
est orgueilleux, c'est pour cela
(ideo) que je ne l'aime pas.
— Pour la conclusion (lat. ergo), on emploie soit des combinaisons
comme ital. per conseguenza, esp. por consiguiente,
fr. par conséquent, soit des mots simples comme esp. luego,
así
, prov. doncx, fr. donc, ainsi. Exemples du dernier genre :
esp. mi padre eres y mi rey, luego toda esta grandeza me
da la naturaleza
Cald. ; prov. la truep pus salvatg' e peior,
doncx ben es fols totz hom qu'en lor se fia Choix
I, 351 ;
franç. je pense, donc je suis (cogito, ergo sum) ; le prince
est bon, ainsi vous pouvez implorer sa clémence
. Pour
ergo, on se sert encore de ital. pertanto, esp. portanto, fr.
partant.

13. Avant de terminer ce chapitre, il nous reste à présenter
quelques observations sur l'enchaînement des périodes .Ce sont
les mots relatifs, employés à la place des démonstratifs, qui opèrent
le mieux cet enchaînement. Aucune langue n'use autant de
ce procédé imité du latin que l'italien : on trouve à chaque page
des phrases qui débutent par la qual cosa, per la qual cosa,
il che, perchè
(ideo), onde etc. ; l'espagnol et le français préfèrent
l'expression démonstrative. Parmi les mots de liaison
cités dans ce chapitre, et est celui qui se place le plus volontiers
en tête d'une période ; cette construction est surtout habituelle
aux écrivains plus rapprochés du langage familier, elle a été
employée ensuite, avec plus de réserve, par des écrivains soigneux
381jusqu'à notre époque à peu près ; on la trouve plus rarement
en français. A côté de et on se sert aussi de nec, du moins
en italien. A autem, qui marque la transition dans la langue
mère, répond la particule temporelle ital. dipoi, esp. pues, port.
pois (à laquelle on peut comparer le goth. v.sax. than, v.h.all.
danne) : ital. quella cosa dipoi (quae autem res) ; esp. uno
pues de esta nacion ; digo pues que
etc. L'ital. ma, l'esp.
mas et pero, le franç. mais peuvent aussi indiquer le passage
d'une période à une autre, sans marquer une opposition sensible,
par ex. ital. ma il padre vostro che dice ? ma ecco mia
sorella !
etc. Pour rendre le lat. quodsi, le français se sert
de que si, par ex. que s'il m'allègue (voy. Dict. de l'Acad.
s. v. que), en ital. aussi che se. Une conséquence légère
s'exprime par ital. dunque, adunque, prov. doncas, adoncas,
franç. donc, par ex. ital. tu dunque dirai (tu igitur dices) ;
consideriamo adunque la natura dell'uomo ; prov. adonc
repausero li baro
(discubuerunt ergo viri) ; franç. donc
un nouveau labeur à tes armes s'apprête
(Dict. de l'Acad.
s. v. donc). Ces mots sont remplacés en espagnol et en portugais
par pues, pois, par ex. emendai-vos pois e arrependei-vos
(poenitemini igitur et convertimini). Enfin il nous reste à
citer l'it. ora et le fr. or, qui se prêtent tout particulièrement à
l'enchaînement des périodes, en ce qu'ils renvoient, de même que
l'all. nun, à la dernière énonciation, qui est considérée comme
accomplie : ora aveva costui una bellissima donna ; or pour
revenir à ce que nous disions
 ; cette particule unit aussi des
phrases plus courtes : tout homme est sujet à se tromper,
or vous êtes homme
etc.

Chapitre huitième.
Substitution et omission.

Lorsque dans une suite de propositions coordonnées ou simplement
rattachées l'une à l'autre, la seconde a à reprendre un mot
qui se trouve dans la première, il s'agit de savoir dans quelle
mesure la répétition de ce mot peut être évitée à l'aide du procédé
de la substitution ou de l'omission. Le remplacement du substantif
par le pronom n'appelle aucune observation ; il ne sera
question ici que du verbe, de la conjonction et de certains mots
formels ou déterminatifs.382

1. Un verbe exprimé dans la première proposition est souvent
représenté par facere, qui, dans cette acception, n'est qu'un
simple verbum vicarium. Toutes les langues filles usent de ce
procédé. Ital. il salutava, come faceva (pour salutava) gli
altri Dec.
3, 6 ; e sì ver noi aguzzavan le ciglia, come
vecchio sartor fa nella cruna Inf
. 15, 20. Esp. priso á
Almenar, así fizo Cebola PC
. 1336 ; degollaban las madres,
assí facien los fijos Alx
. 1066 ; así le deshacia, como
hace á la niebla el viento Nov
. 7. Prov. laissa sa molher,
cum tu fezitz la toa GRoss
. 1402 ; Olivier los abat, cum
hom fay am faus blat Fer
. 266 ; bon essemple valon mais
(que) no fay sermos LR. I, 530b ; franç. je te traiterois
comme j'ai fait mon frère
Corn. Hor. 2, 5 ; il est encore
appliqué par Corneille, Molière, Bossuet et d'autres encore, voy.
Monnard, Chrestom. I, 185. B.lat. (rarement) ut animam
reddere videretur, et fecisset
(reddidisset) forsitan Gr. Tur.
7, 22 ; absorvent eum terra, quemadmodum fecit (absorbuit)
illorum corpora Esp. sagr. XVI, 428 (ann. 916). Le
même usage est pratiqué aussi par l'ancien allemand, par ex.
wande sî sîns tôdes gerten, alsam der wolf der schâfe
tuot ; ich fürhte iuch alsô cleine, als der habich tuot daz
huon
. C'est quand facere est accompagné du régime du verbe
remplacé que ce procédé de représentation se présente avec le
plus de clarté, et non pas lorsqu'il est employé dans son sens
spécial, comme dans la phrase « il nous aime, comme il a toujours
fait » 1129. — Le latin ne dit pas salutabat eum, uti et alios
faciebat
 ; il supplée le verbe, lorsqu'il ne veut pas le répéter :
nihil succenseo nec tibi nec huic, nec vos est aequum mihi
(sc. succensere) Tér. Heaut. 5, 2. Il va de soi que les langues
modernes peuvent procéder de même : ital. d'onrata impresa
lo rivolve, come falso veder
(rivolve) bestia Inf. 2, 47 ;
esp. diz vos tan grand mentira, que non podrie (decir)
maior Bc. Mil. 557 ; franç. oubliez l'amitié, comme lui les
bienfaits
. Corn. En outre, un verbe commun à plusieurs propositions
383réunies par et, nec ou sed, ou qui se succèdent sans
conjonctions, peut prendre place dans la dernière proposition :
rari cometae et ob hoc mirabiles sunt ; ital. il mar tranquillo
e l'aura era soave
P. Cz. 24, 2 ; non pur per l'aria
gemiti e sospiri, ma volan braccia e spalle Orl
. 12, 80 ;
quando tutte sono all'aura sparse, velocissime mostra
l'ali sue
2, 49 ; v.franç. Breton l'ensaigne lor signor et li
Romain crient la lor Brut
II, 178.

2. Lorsqu'on rattache à une proposition accessoire débutant
par la conjonction que une autre proposition au moyen de et
ou aut, il est d'usage de répéter cette conjonction, car la proposition
ainsi ajoutée pourrait être regardée comme une proposition
principale, par ex. ital. credo che egli è ricco e che vuol
comprare questa casa
etc. Nous avons indiqué plus haut,
p. 314 note, une répétition analogue de cette particule. Si la
conjonction placée en tête de la proposition accessoire est un
mot composé avec que, on ne répète pas la conjonction complète,
mais seulement le mot de liaison que, auquel est alors
transporté le sens de la conjonction. On dit ainsi ital. giacchè
voi non volete e che io non voglio
 ; franç. lorsqu'un homme
est livré à ses passions et qu'il est connu
etc. Mais l'espagnol
préfère répéter la conjonction entière ou l'omettre tout-à-fait.
Quelques particules simples telles que si, quando, come
peuvent aussi être représentées en ce cas par que ; et à ce propos
il faut observer que la particule que, lorsqu'elle est prise pour
si, se fait suivre en français, et généralement aussi en italien,
du subjonctif. Ex. Ital. s'alcuno la difesa piglia e che l'estingua
la calunnia Orl.
4, 60 ; dove (au lieu de se) l'elezione
abbonda e che vi si può usare licenza
Mach. Disc. 1, 3 ;
Scipione quando fu fatto consolo e che desiderava 1, 53,
et autres analogues ; come egli era salito in quel luogo e che
e' vedeva
1, 77. Esp. si aquí le hallo y que habla en otra
lengua DQuix
. 1, 5 ; como fulano era hombre de bien y
que tenia buena causa
. Franç. si je l'avais appris plus tôt
ou qu'il me l'eût dit ; quand on est jeune et qu'on ne prend
conseil que de soi-même ; comme il le soutenait et que je
ne le croyais pas
 ; prov. si las peiras eran pa e que las
aiguas fosson vi Choix
IV, 360. Cette substitution, à la vérité,
n'est ni originaire, ni rigoureusement imposée. En provençal
on dit aussi sans que, par ex. si a alcun deutor et el non
paguet GO
. 320a ; v.franç. se trestuit cil ki sont en paradix
…ierent present et chascuns fust garnis
etc. ; se ma dame
384fust née de Paris et ele fust
etc. Rom. fr. 183 ; et il en est
aussi de même très-souvent en italien ; mais, le français moderne
conserve le que. Des faits analogues se présentent aussi dans
d'autres domaines. Au roman quando…e che, par exemple,
répond le m.h.all. dô…und daz : dô er sus an dem tôde lac
und daz sîn leben zem tôde wac
(s'inclinait vers la mort)
Wigal.

3. Il se présente encore au sujet des particules et, nec,
aut, sed
, en tant qu'elles unissent des idées isolées, une question
un peu plus importante que nous devons nous contenter
d'effleurer. On peut se demander si les idées rattachées au
moyen de et exigent la répétition de certains mots de forme
ou de détermination plus précise déjà exprimés, comme les
caractéristiques des cas, l'article, l'adverbe comparatif, le pronom
personnel, le possessif et les prépositions, ou si ces mots
peuvent être sous-entendus. Les langues analytiques sont surchargées
de petits mots de ce genre, et l'inconvénient serait
grave si l'on était tenu de les répéter toujours dans cette circonstance.
L'usage le plus suivi consiste à ne pas les répéter lorsque
les idées rattachées par et ont entre elles de l'analogie, et à
les répéter dans le cas contraire. Cependant les diverses langues
se comportent sur ce point assez différemment. C'est encore la
syntaxe française qui procède ici avec le plus de rigueur. L'article,
le possessif et les prépositions, par exemple, doivent être
répétés devant les idées de toute nature : le père et le fils ;
les bons et
les mauvais serviteurs ; mon frère et mon
cousin ; dans la pauvreté et dans la richesse ; au contraire
les grandes et belles actions ; mon cher et digne ami (les
adjectifs se rapportent ici à un seul individu) ; sans rime ni
raison ; dans la mollesse et la volupté ; sans l'avoir entendu
et examiné
. On doit aussi répéter les particules casuelles de
et à : de France et de Navarre ; de parler et de se taire ;
il en est de même pour l'adverbe comparatif : elle est plus
belle et
plus aimable ; la plus belle et la plus aimable.
La grammaire enjoint de répéter les pronoms qui accompagnent
la première et la deuxième personne après et ou ni, et d'omettre
ceux de la troisième ; cependant on répète généralement les
pronoms, lorsque les temps diffèrent, aussi ce passage du Cid :
j'ai trahi mon ami…, et croirai toutefois, est-il regardé
comme incorrect. Enfin même les pronoms personnels conjonctifs
doivent être répétés, surtout devant des verbes de signification
différente, et le poète lui-même n'est pas autorisé à dire je le
385crains et souhaite
(au lieu de le souhaite), comme a fait
Corneille, Cid. 1, 3. L'ancienne langue se comporte ici bien plus
librement, mais nous ne pouvons pas insister plus longtemps sur
ce sujet. — L'espagnol en use aussi très-librement ; voici des
exemples qui le montrent. On dit par exemple : de Italia y
Flandes ; de promesas ni dádivas ; de la corona y el cetro ;
de decir y pensar ; la humildad y dolor
(ainsi l'article s'omet
malgré la différence des genres) ; un pabellon ó tienda ; los bellos
y ricos vestidos ; los viejos y los nuevos vestidos
(l'article a été
conservé ici avec le second adjectif qui est l'antithèse du premier) ;
el mas hermoso y mas (non pas el mas) discreto ; tu mucha
virtud y grande hermosura ; ni la temo ni
la respeto ou ni
la temo ni respeto ; ó le premian ó
le castigan ; en arras y
señal ; y en la guerra y sosiego ; sobre montes y mares ; con
el deseo y
con la obra ; ni en dicho ni en pensamiento ; un
amigo ó para ayuda ó
para consejo. Le portugais se comporte
comme l'espagnol. — L'italien, qui en général se maintient entre
les deux extrêmes, semble pencher plutôt du côté de l'usage du
français moderne.386

Troisième section.
Méthode de négation.

L'emploi de la négation est un des points sur lesquels la
syntaxe romane s'écarte le plus des principes de la syntaxe latine,
bien qu'il y ait dans certains détails des coïncidences surprenantes.
Les langues filles s'accordent assez entre elles, le français
seul a suivi ici une direction si particulière que la grammaire est
obligée de séparer cette langue des autres.

Chapitre premier.
Méthode italienne, espagnole, portugaise, provençale
et valaque.

Il faut distinguer quatre cas : la signification absolue des
négations, les périphrases qui les remplacent, l'emploi des négations
avec le verbe dépendant et leur renforcement. Avant tout
il convient de donner un aperçu des diverses particules négatives.
1) Particule négative simple non : ital. non, esp. no (arch. non),
port.não, prov. non, no, val. nu (n'). 2) Conjonction nec :
ital. (ned), esp. ni (arch. nin), port.nem, prov. ni, val. nici.
3) Pronom nullus : ital. nessuno, niuno, nullo, veruno
(toutes ces formes ne sont usitées qu'au singulier), esp. ninguno,
nulo
, port.nenhum, nullo, prov. negun, neisun,
nulh, degun
, val. nici un ; nemo : esp. nadie, port.ninguem,
val. nimenea, ce mot est remplacé par : ital. niuna persona,
prov. nulhs om, etc. ; nihil : ital. nulla, niente, prov. nien,
esp. port.nada, val. nemic. 4) Adverbe nunquam : esp. port.
nunca, prov. nonqua.

1. Signification. — Les mots latins non, nec, nullus, nemo,
nihil, nunquam
expriment une négation absolue ; les mots
romans qui en sont dérivés ou qui les remplacent n'ont pas tous
la même force ; la plupart hésitent entre la valeur négative et
dubitative, et cette valeur est généralement déterminée par la
387place que ces mots occupent dans la proposition, ou par le mode
ou le contenu de l'énonciation ; aucun de ces mots n'est devenu
vraiment affirmatif. Il faut donc distinguer ici entre négation
complète et incomplète, ou négation parfaite et demi-négation.
Nous avons à considérer en premier lieu les négations simples
non et nec. 1) Non est resté la négation parfaite : l'italien non
mi ricordo
est exactement le latin non memini. Mais non
s'emploie aussi comme intensif dans l'exclamation, surtout pour
donner plus de vivacité à l'expression du souhait : ainsi ital. che
non darei !
esp. qué non daria ! (que ne donnerais-je pas !).
2) Nec est également une négation complète en italien : egli
venne nè volle andarsene
. En espagnol ce mot s'emploie plus
rarement seul dans une acception aussi tranchée (le dexé ni sé si
muerto
, voy. p. 374) ; ici, comme dans les autres langues, ni
s'appuie sur une autre négation contenue dans la proposition, ou
bien se décompose en et non : no puedo ni sé decirlo ; aquel
vino y no quiso partir
 ; prov. no m'alegra cant ni critz ; non
l'es honors ni bes ; lo poders nil semblans no es en mi ; l'elme
ni la cofa no li valc ; ieu l'auzia e nol vezia
. Cependant la
force négative de cette particule est augmentée par la répétition,
ce qui prouve qu'elle nie déjà par elle-même : ce n'est pas en
italien seulement qu'on dit nè in confessione nè in altro atto
peccò giammai
, mais on trouve en espagnol des locutions telles
que ni infante ni maestre soy Gald. I, 277b ; ni poso en ramo
verde ni en prado que tenga flor SRom
. 310 ; el mozo ni
sabia qué decir ni qué hacer
 ; et en provençal de même : qui
a vos se fia, ni a amor ni paria PO
. 153. En espagnol on
sous-entend aussi parfois le premier ni : (ni) pan, hijo, ni aun
otra cosa Num.
4, 3 (p. 68) ; en toda mi vida me han sacado
(ni) diente ni muela JDQuix. I, 18 ; que (ni) una ni otra se
dilate Cald.
I, 28b ; ainsi comme en m.h.allemand : dem (en)
sint die engel noch die vrouwen holt. Il est d'usage aussi
de nier encore spécialement le verbe principal accompagné de
non : non possum reliqua nec cogitare nec scribere ; nec
sursum nec deorsum non cresco
Pétron. cap. 38 ; b.lat.
nec super nec subtus terra plus de facultate non abit
(habet) L. Sal. Pott 142. Ital. non voleva nè consiglio
nè ajuto ; egli non rimase nè morto nè vivo
. Esp. no
les queria ni aconsejar ni favorecer ; no es bueno ni para
uno ni para otro
. Val. nu poate venì nici la prųnz nici la
cinę
(ni à dîner, ni à souper). De même gr. οὐ δύναται οὔτ'εὖ λέγειν
οὔτ' εὖ ποιεῖν τοὺς φίλους ; ν.h.all. thaz man ni swere (all.mod.
388schwöre) noh bi himile noh bi erdu. Mais lorsque la proposition
contient plusieurs verbes définis le v.italien et le provençal
accompagnent souvent nec de non : ital. non laudo nè non
m'è a piacimento PPS
. I, 145 ; non sie inizzatore nè non
usar rampogna
BLat. 138 ; non li fece motto niente nè non
fece rispondere CN
. 9 ; prov. nom tolh manjar ni dormir
ni'n sent freidura ni calor ; ni non badalh ni non sospir
Choix
III, 438 ; comp. v.h.all. sie ni arbeitent noh ni spinnent.

2. Les pronoms rentrent dans la classe des demi-négations,
mais leur force négative varie d'une langue à l'autre. En italien
il est d'usage de munir encore le verbe de non ou de ne lorsqu'il
se trouve placé avant les pronoms : non vedo nessuno ; non
trovo veruno ; da lui non rimase nulla figlia ; non ne farò
nulla ; non ho niente veduto
. Lorsque les pronoms précèdent
le verbe, ils nient suffisamment par eux-mêmes, bien qu'en ce
cas aussi on les accompagne parfois de la particule négative :
nessun guardia face Inf. 10, 9 ; quasi niuno vicino ha dell'
altro cura ; veruna persona se ne accorse ; niente del rimanente
si curarono ; niente non ti bale
(vale) PPS. I, 7 ; null'
altra amistanza non guadagna uomo
120 ; gente neuna non
v'arrivava CN
. 55. En espagnol le pronom qui suit le verbe doit
être renforcé : non facien nul perdon Bc. Mill. 219 ; esto no
es agravio en ninguna manera ; no la dexaria ver de nadie ; no
importa nada
 ; il peut se passer de la particule négative, lorsqu'il
le précède : nulla ren destruia Alx. 831 ; ninguna palabra
creo ; nadie osó contradecir
. Cependant la particule s'emploie
aussi fort souvent, surtout chez d'anciens écrivains ; voici
quelques exemples : que nadi nol diessen posada PC. 25 ;
ninguno non (es) por pagar 544 ; nada non perderá 1397 ;
nul consejo non daba Bc. Mil. 591 ; nenguna muger non se
casa FJ
. 51a ; nada no veo JMen. 18 ; que ninguno no quede
Num
. 1, 1. Les pronoms portugais nenhum, ninguem, nada se
construisent de même. Les pronoms provençaux n'ont également
qu'une demi-force négative : ils demandent à être appuyés par
non ; canson no fetz nenguna ; amic no pot nulhs hom
partir ; negus cantars no s'appellava cansos ; degun assaut
no fezetz ; ni nuls non pot vezer ; neguna res nom val
 ; il
serait difficile de trouver un exemple de l'omission de non. Le
daco-roman aussi ajoute la particule négative : n'au zic mi
aceasta incę nici unul
(nemo id mihi dixit) ; nu erà niminea
(nemo erat) ; nimenui nu se cuvine (nemini convenit) ; nu
389zicę nimic
(nihil dicat). En ce qui concerne encore spécialement
nihil dans tous les dialectes, il convient de remarquer que ce
mot, lorsqu'il sert d'attribut, ne prend pas la négation ; ital. ciò
era niente
(= invano) ; tutto era nulla ; esp. yo soy nada ;
prov. aisso es niens Choix IV, 215 ; encontra lui foron nienz
Flam
. 1582. — L'esp. port.nunca est traité comme le pronom :
no pensó nunca en solicitarlo ; que nunqua serien minguados
PC
. 2479 ; port.nam me fezera lembrança nunca CGer. II,
52 ; não se vira nunca em tal extremo ; nunca cousa mays
senty CGer
. I, 129. Même le mot provençal correspondant
n'exige aucune négation complémentaire lorsqu'il précède le
verbe : nonca m'es gen Choix IV, 17 ; sitot noqua-m faitz
autre be
III, 13. — Ce n'est pas sans raison qu'on fait ainsi
précéder le pronom et l'adverbe d'une seconde négation. Dans le
domaine roman il est reçu d'indiquer le sens négatif d'une
proposition avant d'exprimer le verbe, et cela n'empêche pas le
pronom ou l'adverbe qui suit d'être négatif. En effet le précepte
de la grammaire latine (qui n'est même pas suivi dans tous les
cas) d'après lequel deux négations équivalent à une affirmation
s'accorde difficilement avec les tendances des dialectes populaires,
et les idiomes romans doivent être considérés comme tels au point
de vue de leur origine. Cela étant, on arrive facilement à admettre
même une triple négation comme renforcement, sinon comme
pléonasme ; ainsi en italien : ned a null'uomo che sia la mia
voglia non diria PPS
. I, 221 ; esp. porque no sepa ninguno
nada CLuc
. 81 ; sin que nada á nadie envidie Cald. I, 369b ;
port.não vou nunca a casa de nenhum homem ; prov. a nul
paupre no vei negus aon PO
. 301. Comp. gr. οὐκ ἐποίησε
τοῦτο οὐδαμοῦ οὐδείς ; m.h.all. daz nie nieman nihtes inne wart.
Les chartes en b.latin montrent que cet usage de la langue populaire
remonte haut : nec per meum nullum ingenium
nunquam perdedit Form. Mab
. 11 ; ut nullus non praesumat
de his speciebus nihil abstrahere
Bréq. 108b (a. 615) ; ne
nullus nihil audeat auferre jubeo
112 (a. 615), etc. Des
manuscrits d'Apulée donnent neque nullo modo (voy. Oudendorp
sur Metam. p. 335). La phrase de Pétrone nemini nihil
boni facere
est-elle une locution populaire ou un grécisme ?
voy. le Rheinisches Museum für Philologie, N. F. II, 77.
Cette accumulation de mots négatifs a dû, à la vérité, porter
préjudice au sens même de ces mots ; c'est pourquoi les expressions
romanes correspondantes à nullus, nemo, nihil, nunquam ont
fini par ne plus exprimer que le sens de ullus, quisquam,
390quicquam, unquam
, , et cet affaiblissement est surtout sensible
dans les propositions dépendantes. Non ne supprime la négation
que lorsqu'il est construit avec le pronom négatif et non avec le
verbe, ce qui arrive rarement : du moins les composés esp. port.
nonada et val. nu nemica équivalent-ils à non nihil.

3. Expressions périphrastiques. — Les pronoms et les
adverbes négatifs dont il vient d'être parlé peuvent aussi être
remplacés par des pronoms (ou des substantifs employés pronominalement)
et des adverbes de signification positive unis à
non ou nec, et par ce moyen on obtient même les équivalents
des négations de la langue mère qui n'ont pas subsisté. 1) Les
pronoms sont aliquis, homo, res et leurs synonymes qui,
construits de cette manière, expriment le sens de nullus, nemo,
nihil
. Ital. non hai tu spirto di pietate alcuno ? Inf. 13, 36 ;
io nol dirò mai a persona ; non vedea persona che'l facesse ;
non vi discernea alcuna cosa ; cosa non
(c.-à-d. nihil) ha
ripar che voglia torre Orl.
2, 4. Esp. no sintió palabra
alguna ; no podia decir ni una palabra ; ni él conocia en
toda la ciudad persona ; no hay cosa
(nihil est) ; v. esp. non
podia saber ome Alx
. 787 ; hombre non vos podria decir
cosa CLuc
. 52 ; port.não sentem vir pessóa ; eu não lhe
perguntarei cousa alguma ; não vos saberia negar cousa
.
Prov. alcus no raubira (non rapiet quisquam) GO. 258b ;
una non sai ; non es hom (nemo est) ; no posc re donar
Boèce
89 ; erguelhs no val res ; no i trobec causa GO. 8b. —
2) Les adverbes de temps sont jam, magis, etc. ; ces adverbes
accompagnés de la négation équivalent donc à nunquam ; mais
l'esp. jamas a tout-à-fait pris le sens de nunca, puisqu'il nie
absolument lorsqu'il est placé devant le verbe. Ital. mai non
empie la bramosa voglia Inf
. I, 98 ; nè giammai avvenne
che
etc. ; les adverbes mai, giammai ont parfois en v.italien le
sens de l'esp. jamas. Esp. no pareció jamas ; el jamas como
se debe alabado caballero
 ; port.cithara ja mais contou
victoria
. Prov. anc ieu non l'aic (jamais encore) ; ancmais
non mi plac tan ; ja non er hom tanpros que no sia blasmatz

(jamais) ; jamais non serai chantaire 1130. Les langues romanes
391possèdent un adverbe qui mérite d'être cité ici, car, sauf peut-être
dans la proposition interrogative ou conditionnelle, il se fait
toujours accompagner de la négation et prend alors le sens de
non valde, haud diu, cet adverbe est ital. guari, prov. gaire
(cf. t. II, 422). Ex. nè stette guari (nec diu commoratus
est
) ; no pretz gaire (non magni aestimo) ; pro non es gaire
(non es valde utile). — Il faut encore ajouter qu'en provençal
moderne les mots cités ont pris un sens négatif : cet accident est
connu aussi par d'autres langues. On peut, il est vrai, dire avec
la négation : acou noun mi fa ren (franç. cela ne me fait
rien
), mais on dit aussi : creignoun ren la magagnou (ils ne
craignent pas la fatigue
) ; lou pichot fay ren que plourá
(l'enfant ne fait que pleurer) ; lei lou faran plus mau ei
fedou
(les loups ne feront plus de mal aux brebis) ; lei noué
valon plus ren
(les noëls ne valent plus rien) ; l'y ai gayre
leissa de rasin
(je n'y ai laissé guère de raisins) ; de même
degoun m'a respoundu (personne ne m'a répondu) ; jamai
degoun mi dara tor
(ne me donnera tort). Voy. les Noëls
composés par Saboly
, Avignon 1836.

4. Emploi des négations dans les propositions dépendantes.
— Après certaines énonciations négatives, on accompagne
le verbe de la proposition dépendante rattachée par que à
la proposition principale, de la négation pleine, qui ici répond
généralement au lat. quin ou ne, quelquefois aussi au gr. μή ; la
phrase interrogative exerce en ce cas la même action que
l'énonciation négative. Cela a lieu dans les cas suivants : la négation
peut y être soit littéralement exprimée, soit résulter du sens.
1) Après les locutions ne pas douter, ne pas nier. Ital. io non
dubito che voi non dobbiate vivere il più consolato signor
del mondo
(non dubito quin) Dec. 10, 10 ; io non posso
negare che la fortuna e la milizia non fusser cagioni dell'
imperio romano
(negare non possum quin) Mach. 1, 4. Esp.
no dudo sino que importa Num. 1, 1 ; no hay duda sino
que los caballeros pasaron mucha malaventura DQuix. 1,
13 ; no niego que no pudiese hacerlo. Prov. res nom fai
duptar qu'el nol vencha Choix
IV, 230 ; nous desdiria que
ma domna tals non sia
32 ; ges ieu non esconditz quel
392preiars non aia sabor
31. De même val. nu mę indoesc cę
nu va
(non dubito, quin eat). A prendre les choses au pied de
la lettre, on ne veut pas contester ni nier la négation de la
seconde proposition, on l'admet sans la faire sienne. On peut, il
est vrai, se placer à un point de vue un peu différent, et alors la
seconde négation tombe ; c'est ce qui a lieu ordinairement lorsque
la proposition secondaire est remplacée par un infinitif, échange
connu déjà du latin, qui peut rattacher aussi à non dubito la
formule de l'accusatif avec l'infinitif au lieu de quin : ital. quello
non negherò esser vero Dec.
2, 8 ; esp. nadie duda que
fenece Flor
. I, 27b ; que buscas mi bien, no hay duda Cald.
I, 126a ; port.não duvido que o inimigo venha. On introduit
parfois la particule négative dans la proposition secondaire,
même lorsque le doute et la négation sont positifs, mais c'est un
pléonasme, par ex. ital. dubito que non venga oggi. Cependant
si le doute qui porte sur la proposition dépendante est de telle
nature qu'on incline vers l'affirmation, la particule négative
trouve une application naturelle : ital. dubitava non fosse
alcuna dea
(il se demandait si ce n'était pas là une déesse,
dubitabat an dea esset) Dec. 5, 1. — 2) Après les locutions
ne pouvoir s'empêcher, ne pas manquer, ne pas tarder et
autres analogues. Ital. non posso fare che non me ne dolga
(facere non possum quin) ; non relinque che non ne cerchi
Orl.
12, 19 ; io non starò ch'io non adombri I, 58 ; v.ital.
non mi posso sofferire di non fare PPS. I, 477 ; non lascia
che non vada
BLat. 130. Esp. no podrán escusar que no
ayan á leer CLuc
. p. 3 ; como podrá dexar de no dolerse ?
Nov
. 2 ; no se pudo contener de no cortar la balija Nov. 3 ;
port.nam se podia ter que lho nam mostrasse (tenere se
non potuit quin
) R. Men. c. 12 ; nam tardou que logo nam
tornasse
. Prov. no puesc mudar no digua mon veiaire
Choix
V, 379 ; non estarai mon chantar non esparja IV,
177 ; no pues sofrir que la lenga no vir (pati non possum
quin
) III, 310 ; non se poc tenir q'el nol dizes V, 190 ; nom
puesc estener que nom contenda
(non possum abstinere quo
minus
) IV, 19 ; non laissarai que non atenda V, 58, no pot
esser remazut que vas cel no volon tronso
IV, 150. Ici
l'action est considérée comme pouvant être niée, et c'est cette
négation possible que dément la proposition principale, ce qui
donne à l'énonciation entière plus de force. — 3) Après craindre,
éviter, défendre, empêcher
et autres verbes analogues qui
contiennent explicitement un sens négatif : on ne désire pas, on
393ne veut pas que quelque chose arrive. Exemples. Ital. temo che
la venuta non sia folle
(timeo ne) Inf. 2, 35 ; temeva di non
peccare ; per paura di non essere accusati ; dubitavano
forte, non gl'ingannasse ; dubitarono di non essere riconosciuti ;
aveva sospizione ch'egli non lo rivelasse ; guardatevi
che persona non vi miri ; guardati bene di non rispondere ;
gli vietò che non si passasse ; cominciò a pensare in
che maniera potesse impedire che ciò non avesse effetto Dec
.
5, 1. Esp. recelo y temo que no se vuelvan ; por evitar que
no se aumente la dura pestilencia Num
. 3, 1 ; por miedo de
no ser hallado ; guardaos que no descubrais vuestro secreto ;
defendemos que non los maten FJ. ; me hallo imposibilitada
de no poder sufrir esta ausencia DQuix
. 1, 34. Prov. deu
gardar que non prenda mermansa Choix
III, 7. Aussi val.
mę tem sę nu mę muśche (timeo ne me mordeant). Voy.
Clemens Gramm. § 173. On supprime aussi la négation après
« craindre », ainsi ital. dubita che giaccia Ger. 7, 30 ; esp.
temo que en lugar de alaballe le ofendiese Garc. Egl. 2 ;
prov. dubti que m'embles PO. 125. — 4) Après peu s'en
faut
 : ital. poco mancò che non morì (paulum abfuit quin),
et plus brièvement : per poco non morì ; prov. per pauc que
nol fetz, per pauc nol fetz
.

5. Si dans les cas qui viennent d'être cités le roman se modèle
sur le latin, un autre emploi de la négation dont il s'agit maintenant,
dans la proposition comparative, est tout-à-fait propre
aux langues filles. Il faut distinguer les cas suivants : 1) Une proposition
dépendante d'un comparatif prend généralement la négation,
lorsque la proposition principale ne nie pas déjà par elle-même.
On a considéré comme une négation le contenu de la
proposition dépendante rectifié par la proposition principale ; en
allemand par ex. er ist reicher als man glaubt équivaut à er
ist so reich wie man nicht glaubt
. Exemples : ital. ho trovato
più ch'io non credeva
ou più ch'io credeva, più di quello
ch'io credeva ; più bella gli parve assai che stimato non
avea ; ben posso cantare più amoroso che non canta null'
altro amante PPS
. I, 191 ; (tu) entendi me' ch'io non
ragiono Inf.
2, 36. Esp. aquel es mas diestro que no parece ;
es mejor que yo pienso ; vos traio promessa mejor que non
querrie
Bc. Mil. 531 ; port.minhas coitas buscá-las me são
mais caras que não soffré-las
GVic. II, 507. Prov. dona
genser que no sai dir
. — 2) Si le second membre de la proposition
comparative n'a pas d'attribut qui lui soit propre, l'emploi
394de la négation pleine est en dehors de la règle, bien qu'il y en ait
des exemples. Machiavel par ex. dit : fu usata meno ingiuria
dalla repubblica che no dal principe
et de même souvent.
Esp. mas sé yo de mi facienda que non vos Cal. é D. 40a ;
un grano de pimienta mas trae d'amargura que non toda
la quilma Alx
. 773 ; la muerte menos temiendo que no la
tardanza della
JMen. est. 18 ; el remedio es peor que no el
daño
GVic. 94a ; mayores afrentas son las que estos pasaron
que no las que aora nosotros pasamos DQuix
. 1, 15 ; mas
vale algo que no nada
 ; port.he melhor que vamos sós que
não mal acompanhados
GVic. II, 525. Un verbe qui s'introduit
dans le second membre de la proposition ramène facilement
la négation : ital. ama più questa donna che non faceva
l'altra
(au lieu de che l'altra) ; troppo maggior cosa che
questa non è
 ; prov. maiers fo que non es us taurs Jfr. 50b ;
per vezer suy sai vengutz mais qu'ieuno suy per vostr'aver
Choix
IV, 1. — 3) D'autre part les demi-négations sont assez
généralement usitées dans le second membre ; mais des pronoms
et des adverbes positifs n'en sont pas exclus pour cela. Ital. era
più iracondo che niun
(alcun) altro. Esp. mas pena que
ninguna muerte
S. Prov. 224 ; plañiré mas que ninguna
CGen
. 253 ; eran muy mas alegres que nunca fueron antes
Alx
. 603 ; port.mais amador que ninguem ; os ventos mais
que nunca impetuosos Lus
. 6, 205. Prov. mais am per vos
morir que d'autr' aver nul joi PO
. 276. — 4) Les expressions
comparatives alter, potius, priusquam se font aussi d'ordinaire
accompagner de la négation pleine ou de la demi-négation. Ainsi
ital. altre catene che non son quelle ; prima che nulla parola
di ciò facesse Dec
. 10, 8 ; senza (l'elmo) me ne vado
finch'io non ho quel fino Orl.
12, 42. Esp. dixo otras palabras
que non las que dixera el preso Cal. e D
. 68b ; otros paños
que no los que tiene Nov
. 10 ; antes que hallase ninguno.
Prov. autra dona mas vos ; estiers que non es (autrement que
ce qui est) ; no manjara tro que combatutz se sera (non
manque ici) Jfr. 66b.

6. En outre les demi-négations s'emploient habituellement
dans le sens de ullus et quisquam : 1) D'une manière générale
dans les propositions dépendantes lorsque la proposition principale
est négative. Ital. non so io se niente è meglio (haud scio an
quidquam melius sit
) ; non so quando trovarne potesse
veruno ; non voglio che niente perda
. Esp. no es bien que
ninguna misericordia me valgo ; no tenemos ventanas para
395ver á nadie ; nunca vinieron fisicos que le valiesen nada
 ;
port.nenhũa cousa ha em que se deva ninguem muito de
fiar
. Prov. negus hom no vei que negun paupres apel PO.
301 ; encaras mens cre que nul ben acab 327. — 2) Après la
préposition privativesine. Ital. senza veruno ajuto (sine ullo
auxilio
) ; senza dir niente ; aussi senza alcuno indugio, etc.
Esp. sin que nadie le viese ; sin hablar palabra ninguna ;
sin duda
alguna ; port.sem na ninguem conhecer CG er. III,
623 ; sem vergonha de ninguem ; sem sahir nunca. Prov. ses
nulh corrumpemens
. — 3) Dans l'interrogation. Ital. havvi
nissuno che lo dica ?
(estne quisquam qui id dicat ?) ; è
nissuno con lei ?
(ecquis cum ea est ?) ; sapete nulla della
mia figliuola ?
Ep. hizo el amor á ningun pecho cobarde ?
Num.
2, 2 ; quien vió nunca tal mal ? port. quem vio nunca
tal cousa ?
Prov. auzitz contar novelas de negus afars ?
Choix
V, 23 ; com pot tan esser desvergoignatz nuls hom !
IV, 330. — - 4) Dans la proposition conditionnelle, aussi bien
que dans celle qui en dépend. Ital. se nessuno vi è (si quisquam
est
) ; se di niente vi domandasse ; se tu hai nulla a fare ; se
alla sua giovane novità niuna fosse fatta Dec
. 9, 2 ; mais
aussi se alcuno conoscesse ; se persona fosse stata uccisa
Dec
. 7, 6. Esp. si se vuelve nulla otra Bc. Mis. 173 ; si
nunqua tornasses Sil
. 429 ; si él supiese que yo estoy
hablando con nadie Nov. 7 ; si
alguien hubiese venido ;
port.se ninguem, se alguem, se nunca fora. Prov. s'ieu anc
nulh temps chantiei
(si ullo unquam tempore cantavi) ; si
negus falhia ; si
alcus vol primer esser.

7. Renforcement de la négation pleine. — Ce renforcement
s'opère au moyen de substantifs qui signifient un rien, une bagatelle ;
mais la condition que la grammaire met à l'emploi de ces
mots est qu'ils doivent toujours s'unir au verbe sans article, comme
des adverbes, et qu'ils ne peuvent jamais prendre la place du
sujet ou du régime. Le roman a singulièrement favorisé ce procédé
expressif de marquer la négation ; naturellement toutes les langues
ne l'emploient pas dans la même proportion, et le langage
populaire en use plus largement que le style soigné. Il nous reste
quelques observations à ajouter à ce que nous avons dit à ce
sujet au tome II, p. 444. Les expressions de renforcement les
plus usitées sont les suivantes : 1) Mica. Dans la construction
partitive ce mot était déjà appliqué en latin comme renforcement :
non micam panis, non micam sanae mentis habere. Mais
l'ital. non mica s'emploie comme'l'adverbe minime : egli non
396è mica idiota ; non mica giovane ; non mica a guisa di
padre ; vui non tegno mia PPS
. I, 321. Prov. (très-habituellement)
miga no fo Boèce 58, 123 ; no m'en desconort
mia ; no m'oblidatz mia
. Il ne semble pas se rencontrer en
espagnol ni en portugais, mais on trouve le dérivé migalla,
ainsi dans une chanson galicienne d'Alphonse X : ne comia nen
migalha
 ; dans G. Vicente não me presta ne migalha II, 501.
2) Punctum. Ital. (souvent)punto non lo vidi ; senza punto
mostrarsi crucciato
 ; sans négation dans la proposition conditionnelle :
se voi mi volete punto di bene ; de même dans la
proposition interrogative dépendante : andiamo a vedere se 'l
fuoco è punto spento Dec
. 8, 7. Esp. (plus rarement) sus
vestiduras non fueron nin un punto ensuciadas Cast. de
D.Sancho
127a ; no li nució nin punto Bc. Mil. 365 ; no se
daban punto de reposo ; sin faltar punto DQuix
. Prov. (plus
rarement aussi) no fai ponh de dampnage LR. L'allemand a
pour correspondant Stich, et un vieux poète italien a dit dans le
même sens : eo non son meo quanto un ago pungesse (je ne
m'appartiens pas autant qu'une aiguille pique) PPS. I, 439. —
3) Le provençal remplace cette expression par gens ou ges, mot
dont l'étymologie n'est pas parfaitement assurée, par ex. gens a
lui non atend Boèce
131 ; non fai ges tan gran faillida ; ges
ieu no sui d'aital faisson
 ; sans négation comme punto : ara
sabrai s'a ges de cortezia en vos Choix
III, 10. Les patois
provençaux peuvent omettre la négation avec ges comme avec le
pronom (p. 391) : li farai ges de maou (je ne lui ferai point
de mal
). — 4) Passus, qui est le renforcement français, ne
se trouve en dehors de cette langue qu'en provençal, mais les
poètes lyriques l'évitent ici ; on trouve par ex. non degra pas
dir ; non pas dos jorns ; nous sai pas esmenda
etc. Le provençal
moderne s'en sert couramment : n'i a pas longten ; n'en
trouvara pas gis
 ; et aussi bien sans la négation : meis affaires
van pas tant mau ; deves pas tant vous attristá ; mas aco fu
pas ren
1131. Passo, dans ce sens, en italien, est un gallicisme,
voy. par ex. non mi muto passo PPS. II, 237. A ce roman
pas on peut comparer le lat. pes et le m.h.all. fuoz, qui tous
397deux ont un sens local : nunquam pedem discedere, pedem
penetrare
, Plaute Men. ; daz er niemer fuoz von mir
entwîche
. — 5) Gutta est un mot commun à tous les dialectes,
mais il est peu employé : neque gutta certi consilii Plaute,
Pseud. 1, 4. Ital. fien nè gotta (ils ne deviendront rien,
neppure una gotta) PPS. I, 431. Esp. non puedo desir gota
(je ne peux rien dire du tout) Rz. 1492 ; gota no dormido GVic.
50b ; port.não ver gota. L'italien se sert aussi de flos : mi par
morte non vedervi fiore PPS
I, 267 ; non possa comprender
fiore
GCav. 274 ; dans la phrase conditionnelle sans négation :
se fior la penna abborra Inf. 25, 144. — 6) Nihil pour
minime doit encore être signalé comme renforcement : nihil me
fallis ; nihil equidem tristis sum ; numquid iratus es ? nil
profecto
. Ital. nulla sbigoitisce Ger. 7, 96 ; nulla si mosse
Orl
. 12, 83 ; niente non mi movo PPS. I, 13 ; niente si mosse
Dec.
7, 4.Esp. yo nada temo la muerte CGen. 360 ; Zamora
no se da nada SRom
. 302 ; la muchacha es nada boba Nov.
1 ; las piernas eran no nada limpias DQuix. 1, 35 ; port.
sois agravadas nada GVic. II, 512 ; todos seus ameaços teme
nada Lus
. 8, 90. B.lat. si de his nihil est laesus poenis Gr.
Tur. 6, 35 ; nihil est dignus domino Mur. III, 1025 (a. 842) ;
quod nihil pertinuit (= nullo modo) 1034 (a. 858). Il en est
de même aussi pour res et causa : prov. no i dormirai re
Choix
III, 66 ; esp. no me agrada cosa este casamiento (en
aucune façon).

8. A côté de ces expressions abstraites on emploie pour le
même objet un grand nombre d'autres mots qui ont un sens plus
concret et qui, en leur qualité de substantifs propres, se font
accompagner de l'article indéfini. Empruntés pour la plupart au
langage de la vie ordinaire, c'est à la poésie populaire qu'ils sont
le plus familiers, mais ils ne sont pas étrangers non plus au style
élevé. Comme on peut s'y attendre, l'ancienne littérature classique
n'en présente qu'un petit nombre. On trouve souvent hilum
(neque proficit hilum etc.), d'où a été tiré nihilum, nihil,
comp. val. nemic de ne mica, roum. nagut de ne gutta. On
disait encore : non assis, non flocci, non nauci, non pensi,
non pili facere, d'après Festus aussi non hettae facere (Dict.
étym
. II, 26). Térence ne se sert d'aucune de ces expressions,
mais Plaute emploie : ciccum non interduim Rud. 2, 7, 22 ;
non istuc emissim titivillitio (un brin ?) Cas. 2, 5, 39 ;
denegavit se dare granum tritici Stich. 4, 1, 52 ; pluma
haud interest Most. 2, 1, 60 ; non ego nunc emam vitam
398tuam vitiosa
nuce Mil. 2, 3, 45 ; si ex istoc loco digitum
transvorsum aut unguem latum excesseris Aul. 1, 1, 17 ;
triobolum ne duis Rud. 5, 3, 11 ; neque ridiculos jam
terunci faciunt Capt. 3, 1, 17 ; libellam argenti ne duis
5, 1, 27 Horace : quam te cassa nuce pauperet Sat. 2,
5, 36. Pétrone : matrem meam dupondii non facio cap.
58. Dans les glosses de Placidus. : nec cicerim, nihil. Des
images analogues se trouvent en roman. Ital. non lo stima
una
brisa (dial. lombard, comp. prov. briza c.-à-d. mica) ;
non acquista cavelle ; si è cavelle Dec. 8, 3 (sens inconnu) ;
non m'importa un cavolo ; non vale una fava ;
non m'importa un fico (très-usité) ; non rileva un frullo
(zeste) ; non montarono un frullo Dec. 2, 10 ; un sol
grano non fie che tu non saccie BLat. 34 ; senza costar
un gran di
moco (vesce) Dittam. 2, 23 ; non prezzo una
mollica (mie de pain) PPS. II, 141 ; non vi aggiungo un
pelo Orl. 2, 54. Esp. tres agallas (noix de Galles) non daban
Bc. Duel. 19 ; quanto val un cabello Mil, 325 ; non valiron
quanto tres
cannaveras (trois roseaux) Alx. 663 ; no mover
el paso un
dedo Garc. Egl. 2 ; non quiero facer un dinero
de daño PC. 252 ; no valient una erveja (vesce) Bc. Mil.
505, Danza de la muerte p. 432 ; non vale una fava Rz. 871 ;
non daria una arbelha Rom. de José (Ticknor III, 398) ; non
vos miento un
grano Bc. Sil. 262 ; non val un vil grano de
mijo (grain de mil) Rz. 380 ; no li valió una nuez foradada
(noix vide) Bc. Mill. 118 ; no valen dos pajas (fétus) JEnz. 4b ;
non los precio dos piñones (pommes de pin) Rz. 638 ; apartarse
un negro de
uña (le noir de l'ongle) DQuix. 1, 20. Des locutions
traditionnelles sont : no vale un ardite (liard), un bledo
(duvet des oiseaux), un comino (cumin), un figo (figue) etc.
Prov. no valer un aiguilent (gratte-cul) GA. 1347 ; un arenc
(hareng) PO. 45 ; ieu no m'i presaria un auriol (loriot)
GRoss. 3235 ; nol pritz un boton GA. 856 ; no lo quier pas
lo valen d'un
carbo 217 ; no valer una castanha 1084 ; un
clavelh (aiguille) Choix III, 301 ; un dat (dé) GA. 1328 ;
nous pretz una figa PO. 153 ; un gan (gant) GA. 2092, Choix
IV, 436 ; valer una glan 1041 ; nom pretz un jau (coq) PO.
2 ; no doneren d'una notz lo valent (noix) 1679 ; no valon un
fais de
pailla LR. III, 249 ; nom val una poma V, 40 ; prezar
una poma poria
(pomme pourrie) GA. 1041 ; ieu no m'o prezaria
un rossinhol
3240 ; nols tem una rusca de vern
(écorce d'aune) PO. 216 ; no m'o pretz una soritz (souris) ib.
3992 ; non valria un uou (œuf) Choix V, 36. Voy. des exemples
allemands dans Grimm III, 726 1132.

9. Quand l'idée exprimée par homo est l'objet d'une négation
on peut la renforcer par des épithètes qui expriment que cette
idée est aussi générale que possible, et qui s'emploient aussi bien
dans la poésie que dans la prose. A l'all. kein lebendiger
Mensch
répondent ital. non uomo vivente, fr. homme vivant
(aussi âme vivante), b.lat. ullus vivens homo, quislibet homo
vivens, ulla vivens persona
, et l'on trouve aussi dans ces
langues le correspondant de l'expression kein sterblicher
Mensch
. Mais parmi ces locutions il en est une qui a tout à fait
pris la valeur d'une formule pronominale et qu'on peut même
faire remonter jusqu'au latin le plus archaïque : c'est natus uni
à homo ou nemo. Lucilius a dit : optumu' longe post homines
natos gladiator qui fuit unus
(Dousa 4, 10) ; et Plaute :
concedere homini nato nemini Cas. 2, 4, 15 ; et souvent
simplement nemo natus. Chez des écrivains latins de la décadence,
tels qu'Apulée, l'expression négative de homo natus sert
aussi à renforcer nemo, comme en grec ἄνθροπος πεφυκώς renforce
οὐδείς. Le roman étend aussi cette négation renforcée au féminin
(par ex. donna nata etc.). Exemples : Ital. non trovo uomo
nato PPS
. II, 238, comp. 257 ; non aggi talento di tratar con
uomo nato
BLat. 56 ; non ho trovato uomo di carne nato
ibid. 8 ; non ho trovata donna nata PPS. I, 236 ; non facci
a donna nata
BLat. 153. Esp. que non ventasen ome nado
PC
. 151 ; non quiere casarse con otro ome nado Rz. 772 ;
non es nado que lo pueda terminar Alx. 1315 ; non mepriso
fijo de mugier nada PC
. 3297, aussi avec la forme nouvelle
du participe : hombre nacido Alx. 896, SRom. 153 ; persona
nacida
GVic. 74 ; port.homem nascido GVic. III, 33, mais
mulher nada D. Din. p. 113. Prov. non envei nulh home
nat Choix
III, 197 ; no fi per home nat Fer. 912 et bien
d'autres exemples ; l'expression est plus individualisée dans
hom de maire nat Jfr. 54b, 100a ; v.fr. hom nez FC. I, 248 ;
400homme né TFr. 459 ; nus hom de mere nés Rol. p. XXVII ;
très-fréquent aussi. Enfin dans quelques langues on a encore
appliqué comme expression neutre res nata : prov. res que sia
nada GRoss
. 645 ; re nascut id. 4087 ; v.franç. riens née Ccy.
2333, QFA. 973, Berte 66, Ren. I, 177, Ruteb. I, 214 et encore
dans Froissart.

10. Il nous reste encore à parler d'une acception spéciale du
provençal ni (lat. nec), acception qui s'étend aussi au v.français
ne. Suivant Raynouard, Choix I, 450, VI, 347, ni peut avoir
absolument le même sens que et ; mais aucun écrivain n'a dit
ai vist lo paire nil filh pour el filh. Il est plus vrai de dire que
cette particule, lorsqu'elle prend la place de et, ne s'applique qu'à
l'énonciation négative, hypothétique, indéterminée dans les propositions
dépendantes, ou bien à l'interrogation indirecte, et se
comporte ainsi comme les pronoms qui jouent le rôle de demi-négations.
Voici quelques exemples. Ni après un que comparatif :
plus belha que rosa ni flors ; ans que vent ni plueva
(avant qu'il vente et qu'il pleuve). Après une proposition principale
négative : anc non fo cavalliers que fos tan pros ni tan
larcs
. Après la préposition privative : ses porta ni ses clau.
Après si, quant, com, qui dans le sens conditionnel : s'ieu sui
avols ni recrezutz ; cant ilh peccavan ni fazian malament ;
cum plus remir ni vey LR
. I, 430 ; qui (si on) m'en ténia
per vil ni m'o contava a folia
. Dans l'interrogation négative :
qui pot dire ni saber ? et en général après des mots interrogatifs :
ieu sai don venc ni on vauc. Dans l'énonciation indéterminée
(concessive) : vas qualque part qu'ieu an nim vuelf
nim vire
(de quelque côté que je me tourne). Cet emploi de ni
a survécu à l'époque des Troubadours. Ex. li cossols de la dicha vila
que y son ni per tot temps y seran
(franç. qui y sont
et seront) Charte de Gréalou, p.74
. On retrouve cette particule
dans les langues sœurs. Plus rarement en italien : se viene in
ricchezza nè in potere PPS
. II, 87, voy. Monti, Proposta III,
2, p. XLI. Souvent en espagnol, par ex. yo he mas embidia que
manzilla ni pesar CGen
. 297 ; primero que los ofendas ni
agravies
Cald. I, 3b ; los mas famosos hechos que se han
visto ni veran DQuix
. 1, 5 ; dexemonos (c.-à-d. no hablemos)
de cuentos ni de caballerias 1, 17 ; sin añadir ni quitar
una tilde ; como si hubiese en el mundo encantos ni palabras
suficientes Nov
. 5. Le plus ancien allemand se rencontre ici
avec le provençal ; voici un exemple de noch après le comparatif :
ein swert daz scharpfer was den (= all.mod. denn als) der
401guote Eckesahs
noch der maere Mimminc. Mais il est à
remarquer qu'en provençal une négation morale, telle qu'en
présentent les idées de « injuste, mauvais, insensé, coupable,
repentant », entraîne généralement l'emploi de la particule
négative ; ce point demande toutefois à être examiné de plus près.
Voici des phrases où la présence de ni semble s'expliquer de cette
manière : gran tort as que ferit ni résidat m'as Jfr. 83b ; fai
nescies, quan tolh las autrui heretatz ni bast castelhs Choix

IV, 89 ; fort mal m'a servit cels que a-ls auzels espaventatz
ni-ls a faitz gequir de cantar Jfr
. 82a ; trop fatz gran folor,
quar am ni dezire Choix
III, 63 ; dels falhimens qu'ai fags
en ditz ni en pessan, mi ren colpables penedens Choix
IV,
88. En effet à tort, mal, folor on peut substituer no dreit, no
ben, no sen
. Si on trouve parfois ni employé dans des propositions
secondaires, même quand il n'y est pas justifié, il est facile
d'excuser cette négligence par l'habitude d'appliquer surtout la
particule en question dans des propositions de cette nature. On
trouve par ex. ben aia'l maire queus portet e queus noirit
nius allaiet Flam
. p. 58 ; vos avetz auzit qui fon Gaucelms
ni com venc ni estet Choix
V, 158. Il ne semble pas que cette
faute ait été commise dans des propositions principales. Voyez
aussi Leys II, 410 et, pour le v.français, Monnard, Chrest. I,
149. On peut encore comparer aux phrases irrégulières que nous
avons citées les passages catalans que voici : Deus ho jutge
segons la rahó que ell hi ha feyt ne hi fa
RMunt. 71u ;
digueren li tot ço quils era esdevengut ne com entra…
finalment tot quant feu ne dix
164o.

Chapitre deuxième.
Méthode de négation française.

Les négations françaises sont : 1) non, ne, 2) ni ; 3) nul et
aucun, personne, rien, en v.français aussi nului, nun, nesun,
neant
 ; 4) nullement et aucunement, jamais, v.fr. nonques.

1. La négation pleine non, conservée par les autres langues,
persiste bien aussi en français, mais elle y a perdu sa fonction
la plus importante, qui est d'exprimer la négation du
verbe : on ne peut l'employer que devant des idées nominales ou
des particules, ou bien, à l'état isolé, dans la réponse. On dit
ainsi : non prix, non solvable, fin de non recevoir, non pas,
402non plus, non seulement, non que ; le voulez-vous ? non
.
L'ancienne langue, il est vrai, unit encore non à des verbes, mais
elle ne le fait généralement que dans la réponse, lorsqu'à la particule
qui suffirait à elle seule on ajoute per synesin un verbe
emprunté à la proposition précédente. Ex. quidez que ci seie
venuz senz la volented vostre seignur ? nu sui
(sc. venuz)
LRs. 409 ; il est mors, fet li uns. Non est. Par la cervele
Dieu, si est Ren
. I, p. 158 ; vous i avez menti ? non ai
voir
(menti) Gar. I, 271 (comp. plus haut p. 293) ; si dévoient
beneïçon reçoivre ; cil respondirent : non devon Brut
II,
p. 256. On était donc autorisé à dire aussi veuilles ou non
veuillés R. Flor
. 16. Mais en ce cas l'usage le plus suivi
consiste à employer faire (et Molière use encore de ce procédé),
qui tient lieu du verbe de la phrase précédente (voy. plus haut
p. 383) : disoit que non fesoit (il disait qu'il ne faisait pas
[qu'il ne pleuvait pas], c.-à-d. il disait non)FC. II, 167 ; non ferai-je
dit
(il dit, je ne le ferai pas, je ne parlerai pas) ibid. 168 ;
e li reis dist ke non fereit Rou II, p. 135 ; non ferait-il GVian.
2224 ; non fera-il Thib. 140 1133. Partout ailleurs, sauf dans les deux
plus anciens monuments de la langue, non s'abrège en ne (n'), qui,
après avoir suffi d'abord à l'expression de la négation complète, a
été d'ordinaire renforcé de l'ancien substantif pas, qu'on place immédiatement
après le verbe personnel. L'usage fréquent de cette
formule a fini par réduire le renforcement à un simple complément,
en sorte que la locution ne pas en est arrivée à ne
représenter que le latin non, la négation pleine. L'addition d'un
régime ou d'un attribut après le verbe ne change rien : je ne
veux pas ce livre ; vous n'êtes pas sage
. On emploie notamment
ne…pas avec l'impératif et devant des adverbes de comparaison
et de degré : n'y allez pas ! Demosthène n'est pas si abondant
que Cicéron ; il n'est pas très-riche
 ; v.franç. pas ne vous
esmaez ! ne cuidiez pas que je vos hace ; la pucelle n'est pas
si ose ; ne menoit pas trop grant effroi
. Dans l'interrogation
directe ou dans l'exclamation il est de règle d'employer la
négation pleine, lorsque le sens de la phrase est affirmatif,
c'est-à-dire lorsque celui qui parle exprime sa conviction sous
403cette forme : n'est-ce pas vous qui me trahissez ? que de
maux le fanatisme ne cause-t-il pas à l'humanité !
A lui
seul pas ne signifie rien, cependant quelques auteurs anciens, et
même quelques écrivains modernes regardés comme classiques
lui retirent souvent la négation dans la phrase interrogative, par
ex. vient-elle pas de mourir ? Mont. (très-souvent) ; clost-elle
pas la bouche ?
Malh. ; et sais-tu pas ? Mol. ; avois-je pas raison ?
La Font. 3. 11 ; suis-je pas votre frère ? Rac. Esther 2, 7.
Ni se comporte comme en provençal et a besoin d'être soutenu
par la particule ne, qui se place avant ou après ni :je ne l'estime
ni ne l'aime ; je ne crois pas qu'il vienne ni même qu'il
pense à venir ; il n'est ni bon ni mauvais ; ni l'un ni l'autre
ne fait son devoir
. En v.français aussi cette particule, qui avait
la forme ne (n') et par conséquent se confondait avec ne (latin
non), demandait l'appui d'une seconde négation ; c'est ce qui a
lieu déjà dans les Serments : ne io ne neuls nun li iv er ; et
dans des textes postérieurs : ou il n'a pitié ne merci ; à home
ne à feme ne porta amistié ; par nule riens que il veïst ne
nuit ne jor poor nel prist ; n'avoit gaires ne soi (soif) ne
fain ; de franc ne de chaitif n'out merchi ne pitié, ne ne
dota à fere mal' ovre ne pechié
1134. Il est rare qu'on omette la
seconde négation : ne il malmet l'entencion ne il engingnet
LJ
445° ; fr. mod. ce peuple depuis quatre mille ans n'avance
ni recule
(Matzner 512).

2. Les pronoms et adverbes négatifs en v.français exigent
aussi la particule négative, du moins ils s'emploient rarement
sans en être munis. Les deux plus anciens textes ont ne neuls,
nulla adjudha nun
, mais nul plaid nunquam (sans non) ;
404niule cose non, mais dont lei nonqi chielt. Autres exemples :
nus ne saveit ; a nulluy ne porta rancune ; nel donast por
nul avoir ; n'y a seüreté nesune ; ne s'en parçurent de
noient ; nonques cançon ne fis
. Lorsqu'ils précèdent le verbe
on leur retranche parfois la négation : nient i a ; nul puet etc.
La langue moderne n'a conservé que nul qui s'emploie comme
substantif pour nemo, et en ce cas seulement au nominatif singulier,
ou comme adjectif (fém. nulle), mais toujours avec ne :
nul n'en sera excepté ; il n'a nulle raison. Les triples ou les
quadruples négations, si l'on s'en tient au sens originaire des
mots, sont aussi fréquentes en v.français qu'en provençal : empereres
ne rois n'ont nul pooir
Thib. 53 ; ne nuls nul mandement
ne tenist ne guardast TCant
. p. 54. Le français
moderne est revenu à l'usage latin en tant qu'il se sert ici des
expressions dubitatives, devenues il est vrai pour lui négatives :
et je n'ai jamais rien refusé à personne équivaut à neque
quidquam unquam cuiquam denegavi
.

3. A côté des pronoms et des adverbes négatifs le v.français,
comme les langues sœurs, employait déjà en relation avec ne des
pronoms et des adverbes positifs. Le français moderne est
presque réduit maintenant à ces derniers : nesun, nului, neant,
nonques
sont représentés par aucun (et aucunement), pas un,
personne, rien, jamais, mots que l'ancienne langue appliquait
encore dans leur acception positive. Il est à remarquer qu'aucun
n'est usité qu'au singulier et ne peut jamais prendre la valeur
absolue d'un substantif comme l'it. alcuno : je ne le veux en
aucune manière ; je ne connais aucun de vos juges ; aucuns
monstres ne m'ont acquis le droit
Rac. Phèdre ; pas un ne
le dit ; il n'y a personne si peu instruit ; personne ne sera
assez hardi ; il ne fait rien ; rien ne me plait davantage ; on
ne peut changer
chose en Virgile voy. Régnier Sat. 2 ; je
n'en veux aucunement ; je n'en ai jamais ouï parler
. Pour
jamais le v.français disait aussi ja ou mais : ja n'i plorerai ;
ne le vout mès sofrir
 ; en outre ainc et oncques : ainc ne
quistrent l'autrui ; unques ne fut rois plus doté ; oncques
nul n'eut aintel martire
. Il faut encore citer ici plus dans son
acception d'adverbe de temps (pour amplius) : je n'y pense
plus ; je n'en veux plus entendre parler
 ; enfin l'adverbe
quantitatif guère ou guères (multum, res magna) qui n'est plus
employé que dans des formules négatives (pour parum), comme
tous les mots de cette classe : il n'y a guère de bonne foi dans
le monde ; il n'a plus guère à vivre ; il n'est guère sage
.405

4. Plusieurs demi-négations citées aux §§ 2 et 3, lorsqu'on
les emploie isolément pour répondre à une interrogation, peuvent
exprimer une négation pleine ; on dit ainsi : voulez-vous telle
chose ? nullement ; y a-t-il quelqu'un ici ? personne ; que
vous a coûté cela ? rien ; avez-vous été à Rome ? jamais
 ;
v. franç. à vos que monte ? nient. Cette ellipse était nécessaire,
car si l'on eût voulu appuyer la demi-négation de ne, il eût fallu
répéter le verbe. Pas aussi, en s'unissant à un autre mot,
fournit une négation pleine : pas encore, pas beaucoup, pas
du tout
etc. ; ce fut un oubli et pas autre chose. Il en est de
même pour rien qui, quand il a un sens concret, se passe de la
particule négative, par ex. je compte cela pour rien (pour
néant, nihil facio
) ; cela se soutient sur rien ; Dieu a créé
le monde de rien. Jamais
et plus peuvent également nier dans
des phrases elliptiques : son style est toujours ingénieux,
jamais recherché ; plus de larmes, plus de soupirs
(il ne
faut plus verser de larmes
etc.).

5. Le français n'emploie pas la locution ne pas dans tous les
cas où les autres langues ont recours à non ; le simple ne lui
suffit dans beaucoup de circonstances : 1) Lorsque la négation est
complétée par les pronoms ou les adverbes dont il vient d'être
question, nul, aucun, personne, rien, guère, jamais, plus,
nullement, aucunement
, ou qu'elle est étendue à d'autres
membres de la proposition au moyen de ni : en ce cas pas serait
un véritable pléonasme. On se passe aussi de ce complément
devant que, quand ce mot sert (dans le sens du latin nisi) à
restreindre la négation, par ex. il ne fait que rire ; vous n'avez
qu'à vous informer
 ; en v.français aussi devant les synonymes
fors et sinon : ne poet faire fors dreit TCant. p. 116 ; k'il
n'est amis fors que cil
Thib. 133 ; n'avoit se les Grex non
Villeh. 229. — 2) Avec les verbes oser et pouvoir : on n'ose
l'aborder ; je ne puis me taire ; je ne puis que faire à cela

(aussi je n'ai que faire là). Ce sont des verbes de mode, à la
signification desquels est mêlée une idée d'indécision, et qui par
conséquent ne peuvent pas transporter à l'infinitif qu'ils régissent
une négation absolue. Lorsque la proposition ne contient pas
d'infinitif, pas redevient nécessaire : je n'ose pas : je ne peux
pas. Le verbe savoir aussi, quand on ne veut pas insister particulièrement
sur la négation, participe à la même liberté de construction :
je ne saurais en venir à bout (= je ne puis etc.) ;
je ne sais si j'irai le voir ; je ne sais qu'en penser ; je ne sais
quoi
 ; au contraire on dit ; je ne sais pas ; vous ne savez pas
406votre devoir ; je ne sais pas l'anglais
. Le verbe cesser se contente
aussi de ne, par ex. il ne cesse de pleurer, autre tournure
pour il ne fait que pleurer, mais sans infinitif il ne cesse pas,
il ne cesse pas son jeu. Enfin bouger est dans le même cas : je
ne bougerai de là
. Dans l'ancienne langue vouloir et l'analogue
avoir cure peuvent également se contenter de ne : mes cuers
ne veut soffrir ; je n'ai cure de tel harnois FC
. I, 211 ; cele
qui n'a de moi cure
Thib. 77 ; mes chiens n'a cure de beste
Ren
. II, p. 49. En français moderne cette construction s'applique
avec avoir garde et rarement avec avoir cure. — 3) Le simple
ne s'emploie en outre dans des propositions secondaires après
la conjonction que ou le pronom relatif lorsque la proposition
principale est négative, par ex. il ne fait point de voyage qu'il
ne lui arrive quelque chose ; je ne vois personne qui ne vous
loue ; y a-t-il un homme dont elle ne médise ?
En v.français
cette construction est même fort usitée avec une proposition principale
affirmative, lorsqu'on n'insiste pas sur la négation : li rois
commanda lors qu'il ne celaissent FC
. II, 61 ; je croi bien
que il ne s'en sovient
Thib. 74 ; la mauvis qui de lonc tans
n'a chanté
87 ; molt est hardis qui pour mort ne s'esmaie
149. — 4) Dans la proposition secondaire après a moins que, ou
après si lorsque ce mot a le même sens restrictif : il n'en fera
rien, à moins que vous ne lui parliez ; je ne sortirai point,
si vous ne venez me prendre en carrosse ; il viendra à bout
de cette affaire, si les puissances ne s'y opposent
. Les poètes
omettent parfois la négation avec à moins que : à moins que la
servante en fasse autant
, au lieu de n'en fasse Mol. Dépit
amour
. 1, 1. En v.français le simple ne est généralement appliqué
dans la proposition conditionnelle aussi bien après si qu'après
quand et qui, par ex. s'il n'en cuidast estre blasmez, il feist
etc. FC. I, 191 ; lors maleureux te jugeras, quant pres d'elle
tu ne seras Ros
. I, 78 ; et qui (si l'on) bien ne vos lieroit,
aucun de nos le comparroit FC
. II, 135. — 5) Dans la proposition
secondaire après il y a que, depuis que, lorsque le
verbe est au parfait : il y a six mois que je ne lui ai parlé ;
depuis que je ne l'ai vu
. — En v. français, où pas possède
encore une certaine force, le simple ne nie souvent d'une façon
suffisante, comme nous avons eu l'occasion de le remarquer. On
dit : ne plot à Dieu ; je n'ai de chanson faire envie ; mon
pensé ne vos ert celé ; covoitise n'a mesure ; nel devés faire
en tel maniere ; ultre mer servir ne devon
. L'absence de
pas s'observe surtout dans des locutions concises comme : je ne
407l'ai fait ; je ne m'en soucie ; ne me chalt ; ne li vaut ; n'importe

(encore en français moderne) ; et presque sans exception
devant des substantifs non munis de l'article et dont la détermination
plus précise est donnée dans la proposition relative qui
suit, par ex. vous n'avez à la cort voisin qui ne vos hace ;
il n'i a chevalier qui vienne ; il n'est homme qui sache ; il n'i
a beste ne s'atort
(c.-à-d. qui ne se dispose). L'adjonction
de pas, encore au commencement du XVIIe siècle même, comme
on peut le voir par exemple dans Régnier, était bien moins
nécessaire qu'aujourd'hui. — La méthode de négation de l'ancien
allemand offre une ressemblance frappante avec celle du français,
en ce sens qu'ici aussi la faible particule ne (proclitique
en) ne reçoit aucun complément dans certains cas déterminés,
par ex. nu ne wizze wir mêre (or nous n'en savons plus) ;
n'ist wen der eine (ce n'est que lui seul) ; nu ne mag es ander
rât sîn
(comp. je n'ai d'autre but) ; ich enmac, ich enkan,
ich enwil
etc. ; ichn weiz waz tuon (je ne sais que faire) ;
ich enruoche wes ein boeser giht (v.fr. je n'ai cure de ço
que li vilains dist
) ; ich ensihe niemen, er enlobe iuch (je ne
voi home ne vos lot
) ; nu enwelle Got ! (Diex ne vueille !) Ici
encore ce sont les phrases courtes qui favorisent l'omission du
complément.

6. Nous passons maintenant à l'emploi spécial — qui a déjà
sa source en latin — de la négation dans les propositions
dépendantes
, après certaines énonciations négatives (comp.
chap. Ier, § 4). Tandis que les autres langues font figurer ici la
négation pleine non, le français se contente de ne non renforcé
de pas. Ainsi ne pas répondrait au latin non, et le simple ne
précédé de que au latin ne ou quin. La négation simple se présente :
1) Après ne pas douter, ne pas nier : je ne doute pas,
je ne nie pas que cela ne soit
 ; au contraire lorsque la proposition
principale est positive, je nie, je doute que cela soit (nego, dubito
rem ita se habere
) ; mais dans le premier cas aussi l'omission
de la négation dans la seconde proposition n'est pas sans exemple :
je ne nie pas que cela soit Dict. de l'Acad. Les locutions ne
disconvenir, ne désespérer
se construisent comme ne nier.
Le m.h.allemand dit de même sone lougen ich des niht, ezn
vuocte mîn rât
(je ne nie pas que cela ne soit l'effet de mon
conseil
). — 2) Après ne pouvoir s'empêcher, ne laisser, au
moins dans l'ancienne langue : ne laisserai que ne face d'amors
une chançon
Thib. 85 ; ne se puet tenir qu'il ne voie sa dame
Ccy
. 424. M.h.all. daz si des niht lân, sine komen mir zuo
408mîner hôchgezît
(que vous ne laisserez pas de venir à ma fête).
3) Après craindre, se garder, empêcher : je crains que
mon ami ne meure
(timeo ne) ; j'ai peur que cela ne vous
fasse de la peine ; on appréhende que la fièvre ne revienne ;
je tremble que cela n'arrive ; évitez qu'il ne vous parle ;
prenez garde qu'on ne vous séduise ; la pluie empêchait
qu'on ne s'allât promener
. Ici aussi certains écrivains se
passent de la négation, comme avec à moins que : je crains
qu'un Romain vous écoute
Corn. ; de peur que ma présence
encor soit criminelle
Mol. ; empêcher qu'un rival vous
prévienne
ibid. Ex. du français de transition : je crains que
l'absence m'y nuise
voy. Monnard Chrest. I, 148 ; j'ay peur
que cestuy soit devenu fol
ibid. Le complément est nécessaire
quand on veut exprimer la crainte que quelque chose n'arrive
pas
(timeo ne non, timeo ut) ; si l'on nie la crainte, la seconde
proposition ne prend pas de négation : je ne crains pas qu'il
l'oublie
. En v.français le verbe défendre se fait généralement
aussi accompagner de la négation, ce que ne permet pas la grammaire
de la langue moderne : ge te deffent que ne soies pas
covoitox FC. II, 139. — 4) Après peu s'en faut : peu s'en
faut
(il ne s'en faut presque rien) quon ne m'ait trompé ;
de même v.fr. poi s'en faut que il n'est cheüs FC. I, 191 ; à
poi ne chiet entre lor mains
.

7. La phrase dépendante d'un comparatif est également présentée
comme à demi négative, quand la proposition principale
est affirmative : il est plus riche qu'on ne croit ; il travaille plus
que personne
(non pas que quelqu'un) ; v.fr. plus iert blans
que n'est fleurs de pomier ; je l'aime plus que nule rien
. Il
est rare que ne soit omis. C'est le sens qui décide si le pronom
est pris dans l'acception négative, par ex. dans la phrase : un
peu plus que rien
, v.fr. mix que nient FC. I, 402. Autre,
autrement
, en v.français parfois aussi devant et ainçois, puis
en français moderne avant que, exercent une action identique à
celle du comparatif : c'est autre chose que je ne croyais ; on
méprise ceux qui parlent autrement qu'ils ne pensent ;
devant qu'aucune enseigne n'aye Ros
. I, 79 ; ançois qu'ele
en presist nul FC
. I, 416 ; je serai morte avant qu'il n'entre
dans cette chambre
.

8. Les pronoms et les adverbes négatifs, ou qui sont devenus
négatifs, s'emploient encore avec le sens de ullus, quisquam,
quicquam, unquam
, excepté après le comparatif : 1) Dans des
propositions dépendantes quand la proposition principale est
409négative
, que la négation soit grammaticale ou logique : je ne
pense pas qu'il y ait rien de constant dans la vie ; je doute
que personne ait mieux connu les hommes ; il défendit
qu'aucun étranger entrât dans la ville
. — 2) Après la préposition
sans : sans aucuns frais ; sans rien dire ; v.fr. sanz nul
sejor FC
. I, 194 ; sans parler à nului Villeh. 369 ; sans que
nul lui résistât
Rabel. — 3) Dans l'interrogation : personne
a-t-il narré plus naïvement ? qui vous reproche rien ?
v.fr.
où a nul pel ? (où y a-t-il un pieu ?) FC. I, 262 ; estes-vous en
nul lieu blechié ?
(êtes-vous blessé quelque part ?) Ccy. 1486 ;
savés-vos nient de cele ? FC. I, 416. — 4) Dans la proposition
conditionnelle après si et en v.français aussi après quand et
qui : si jamais personne est assez hardi pour l'entreprendre ;
s'il y a rien qui me plaise
 ; v.fr. se nuls plus i atent TCant.
p. 142 ; quant nule beste venoit boivre Agol. 369 ; orrai
qui sor moi vodra noient dire
(j'écouterai celui qui aura
quelque chose à dire sur mon compte) Ren. II, p. 32.

9. Mots servant à renforcer la négation : 1) Point, que la
langue moderne emploie continuellement. Ce mot, qui prend un
sens adverbial, suit immédiatement le verbe fini, comme l'autre
expression du même genre, pas. D'après l'Académie point
exprime une négation absolue et pas une négation qui peut être
restreinte, par ex. il ne joue pas veut dire « il ne joue
pas maintenant » ; il ne joue point signifie « il ne joue
jamais. » Ne pas équivaut au latin non, ne point à omnino
non : je ne doute point ; il n'est point riche
 ; avec un génitif
qui suit : il n'a point d'esprit. Dans l'interrogation directe pas
exprime une conviction de celui qui parle (p. 403), point un
doute : n'avez-vous pas menti ? (= pouvez-vous nier d'avoir
menti ?) ; n'avez-vous point menti ? (= n'est-il pas vrai que vous
avez menti ?) ; c'est donc contre la grammaire que Racine a dit :
de quoi pour vous sauver n'étois-je point capable ? Phèdre 1135.
D'anciens écrivains emploient point sans négation aussi bien que
pas, surtout dans l'interrogation : l'avez-vous point oy parler
de moy ?
Ch. d'Orl. 147 ; sentez-vous point ? Mar. II, 296 ; il
estoit point marié
Mont. 1, 20 2136. A lui seul ce mot ne nie que
410dans la réponse ou dans la proposition elliptique : êtes-vous fâché ?
point ; je le croyais mon ami, mais point
. — 2) C'est à peine
si l'on peut compter le v.fr. mie au nombre des renforcements. Ne
mie en
dit autant que ne pas, c'est-à-dire plus que le simple ne,
mais ne dépasse pas le latin non. Tel écrivain préfère la première
locution, tel autre la seconde : les Liv. d. Rois par ex. emploient
rarement pas et encore plus rarement mie, les sermons de
S. Bernard et Job donnent la préférence à mie. Ex. il n'i
pooient mie aler ; ne m'oublies vos mie ! n'aveit mie granz
genz ; il ne fu mie marriz ; il ne savoient mie plus
 : dans
toutes ces phrases on pourrait employer pas, tandis que point
ne conviendrait qu'à quelques-unes d'entre elles. Fr. mod. je
n'en ai
(pas) trouvé miette. — 3) Les mots brin, goutte,
mot
fournissent des renforcements d'une signification plus concrète :
les deux derniers mots ne s'appliquent qu'à certains
verbes : il n'y en a brin ; je n'en ai recueilli brin ; il n'est
un seul brin estonné
(dans Nicot) ; je ne vois goutte, et même
je n'entends goutte ; et jadis aussi n'en doubter goute, ne
mentir goute
etc. ; il ne répond jamais mot ; sans dire mot.
4) Néant et rien pour nullement dans l'ancienne langue :
nient n'i alad (il n'y alla nullement) LRs. 90, jo ne vus aim
nient Rol. ; ne m'en merveil neent TCant
. 106 ; ne vorrés
riens ma deshonnour Ccy
. 2251. En français moderne on dit
couramment ne savoir rien de rien, ne dire rien de rien
(ce qui répond au m.h.all. nihtes niht). — On trouve sous la
plume des écrivains français certains renforcements opérés au
moyen de comparaisons, aussi souvent que dans les langues
sœurs (voy. ch. Ier, § 8) ; il semble superflu de réunir ici des
exemples ou de reproduire ceux qui ont été réunis ailleurs 1137.

10. Nous avons déjà eu l'occasion de remarquer que le v.fr.
ne (fr. mod. ni), de même que le prov. ni, exprime une négation
faible, douteuse, lorsqu'il n'est accompagné d'aucune autre
négation. Voici quelques exemples répondant aux exemples provençaux.
Après le comparatif : plus que beautés ne fresche
colors
. Dans la proposition accessoire lorsque la proposition principale
est négative : ne cuit en cest païs pucele qui tant soit
avenant ni bele ; des que Diex fist Adan ne Eve ne fu
aferes si deffez
. Après sans : sans barat ni sans tricherie.
Dans des propositions conditionnelles : si jamès puet trover ne
411avoir ; s'il est chose que tu voyes t'amie à point que tu la
doies araisoner ni saluer ; qui tant porroit dire ne faire,
mout aroit fait bone journée
. Dans la question directe et
indirecte : qui set donc avoir amie ne servir à son talant ?
en quel guise ne comment ? demanda quex hon c'estoit
ne s'il avoit guerre ; se
(si) il a mesfait ne en parole
ne en fait
. Dans une énonciation générale : tant com vos en
oseriez demander ne prendre
. Après des expressions négatives :
mar virent mescreant lui ne se (sa) vaillandie, voy.
Ruteb. I, 429. Sur le ni affirmatif en français moderne voy.
Mätzner, Gramm. p. 514 et la Syntaxe du même, I, 409.412

Quatrième section.
Ordre des mots.

C'est dans cette partie de la syntaxe que la langue latine est
le plus évidemment supérieure aux jeunes langues qu'elle a produites.
La perte de la flexion casuelle a été la cause principale
qui a privé les langues filles de la liberté presque illimitée que
possède à cet égard le style classique. Néanmoins elles peuvent
encore pratiquer l'inversion dans une mesure assez large, plus
large assurément que les langues germaniques d'aujourd'hui.
Cette faculté qu'elles ont gardée, malgré les obstacles imposés
par leur structure grammaticale, d'ordonner librement, sous
certaines restrictions, les éléments de la proposition, est incontestablement
à certains égards, — par exemple en ce qui concerne
la place des épithètes, — un héritage du génie de la langue
latine. Mais en tant que cette faculté va jusqu'à séparer des éléments
de la phrase étroitement liés par le sens, elle a en outre
deux causes particulières : l'une est le fait que les nouveaux
idiomes ont à l'origine servi presqu'exclusivement à des compositions
poétiques où un arrangement plus libre et plus hardi des
parties du discours était inévitable ; la seconde est l'imitation
du style latin, que l'on avait devant les yeux comme un
modèle. Les chanteurs illettrés sentaient eux-mêmes le
charme et la portée de l'inversion ; les poètes plus cultivés
ont parfois dépassé les bornes prescrites par le bon sens 1138. Un
413résultat nécessaire de l'application d'un ordre des mots plus libre
a été le triomphe du principe logique sur le principe grammatical :
la construction est abandonnée à l'intelligence, au bon
sens du lecteur et ne s'opère plus suivant les strictes convenances
grammaticales. Il arrive souvent que celui qui parle néglige les
ressources encore subsistantes de la flexion, qui favoriseraient la
construction grammaticale, et laisse à l'interprétation de l'auditeur
le soin de trouver le sens de la phrase. En italien, par
exemple, le pronom relatif lorsqu'il est régime peut être clairement
caractérisé par la forme cui, et cependant on renonce souvent à
cette ressource alors même que le sens est douteux, comme dans
cette phrase de Dante : Anastagio papa guardo, lo qual
trasse Fotin della via dritta
. En espagnol on ne voit pas
d'inconvénient à présenter sous la forme du datif, conformément
à l'usage de cette langue, deux régimes personnels (daba á sus
hijos á sabios maestros
) dont l'un a le sens de l'accusatif : il
serait pourtant facile de caractériser ce dernier cas en omettant
la marque du datif (daba á sus hijos sabios maestros). On
pourrait réunir un nombre considérable de ces traits qui se présentent
tant dans la construction ordinaire que dans la construction
inverse. En comparant les divers dialectes, on trouve que c'est
l'italien, le rejeton le plus proche du latin, qui s'est accordé les
plus larges libertés en ce genre, si l'on tient compte ici, non pas
seulement du style poétique, mais aussi de la prose. Dans la
poésie l'espagnol, le portugais, le provençal et le v.français ne
cèdent en rien à l'italien ; le français moderne s'est astreint ici,
comme pour d'autres faits de syntaxe, à la règle la plus rigoureuse.
— Dans les paragraphes suivants nous traiterons d'abord
de l'ordre des mots isolés unis aux divers éléments de la proposition,
puis de l'ordre de ces éléments eux-mêmes, c'est-à-dire du
sujet, de l'attribut, du régime et des membres prépositionnels,
enfin de l'ordre des propositions entières. Certains points de cette
théorie ont déjà dû être traités çà et là dans les sections qui
précèdent ; ainsi en étudiant l'interrogation, dont le principe
repose en partie sur l'ordre des mots, on ne pouvait éviter d'en
parler.

I. Ordre des mots isolés.

Les mots qui ne constituent pas un membre principal de la
proposition sont des substantifs attributifs, des adjectifs, des
pronoms et l'article, ensuite des participes, des infinitifs dépendant
du verbe auxiliaire, enfin des adverbes et des prépositions.414

1. Substantif attributif.

Dans l'ordre habituel le substantif dépendant suit le substantif
principal, mais le style élevé place à son gré le génitif en tête,
surtout lorsque les deux mots sont entre eux dans un rapport de
possession, et en ce cas l'article du nom principal ne disparaît
pas comme en allemand. Ainsi l'on dit en italien, même en prose :
de begli occhi i rai ; del magnanimo quell'ombra ; degli
altri poeti onore e lume ; della vita mortal il fiore e 'l verde ;
di noja grandissima cagione ; degli uomini letterari amatore ;
di leggi ordinatori
. Esp. de su rostro la blancura ; de
las cornejas el superno vuelo ; del hado la ley tremenda ;
de cristal columna
 ; port.de Trojano os navegaçoens. Il en
est de même en provençal : de cel (coeli) la dreita lei déjà
dans Boèce 208 ; de prêtz lo frug, d'onor cims e razitz ;
surtout lorsque la particule casuelle est omise : Deu la paterna
(la paternité de Dieu) Boèce 151 ; ses Deu licencia 40 ; natz
de Monferrat linatge
(del lin. de M.) Choix IV, 210 ; pel
Dieu comandamen LR
. I, 552a ; au Karle trap GRoss. 189 ;
de même en v.fr. : pro Deu amur dans les Serm. ; Deu est de
science sires LRs
. 6 ; fut Rollan drus GVian. 37 ; li Deu
amis TCant
. p. 28 ; la rei prisun 6 ; le Damnedeu mestier
93 ; l'article est ici séparé de son substantif comme en m.h.all. ;
der Gotes vlîz ; der Sigmundes sun. En français moderne
cette construction est un des ornements du style poétique : les
dieux de l'Olympe habitants ; de nos rois et la femme et la
mère ; ah ! quitte d'un censeur la triste diligence ! es-tu de
mon honneur si mortelle ennemie ?
Avec le verbe intercalé :
Dieu qui de l'orphelin protège l'innocence ; quand je devrois
du ciel hâter l'arrêt fatal ; si de leur empereur ils poursuivent
la mère
. — Des substantifs dépendant d'adjectifs sont
facilement aussi sujets à l'inversion : ital. di riposo impaziente ;
prov. d'aver poderos ; franç. de votre honneur jaloux ; de
vos malheurs coupable
.

2. Les pronoms substantifs en ui sont volontiers immédiatement
préposés au substantif principal : ital. la di lei casa ; il
costui consiglio ; l'altrui male ; il di cui valore
 ; prov. l'autrui
saber ; li cui fag
 ; v.franç. en autrui nom ; de cui païs ; cuy
loi
(cujus legem SB. 548). Le relatif qualis suit le substantif
principal : ital. il valor del quale (aussi del quale il valore) :
esp. la habilidad del qual (cuya habilidad) ; algunos de los
quales
 ; franç. les amis sur le secours desquels vous comptez.
415Le français dont est précédé du sujet, et le régime suit le verbe :
la nature dont nous ignorons les secrets.

2. Adjectif attributif.

Dans la place qu'occupe l'adjectif attributif (épithète) relativement
au substantif il reste quelque chose de la liberté antique : l'accent
oratoire et l'expression rhythmique sont les principes qui en
général décident, bien qu'il y ait en roman une tendance à placer
l'adjectif ainsi que d'autres mots attributifs après le substantif.
C'est l'accent qui exerce la plus forte influence. Lorsqu'un
substantif est accompagné d'un adjectif le mot quel qu'il soit qui
est en second prend l'accent principal (alta montágna, abito
vérde
). Aussi lorsque l'adjectif attribue à son substantif une
qualité peu saillante, exprimée généralement, ou qui lui appartient
naturellement, perd-il par cela même l'accent oratoire et prend-il
la première place ; ainsi dans ital. alta montagna, aurea
corona
 ; esp. duro hierro, hermoso caballo ; franç. cher ami,
doux parfum, heureuse paix, claire fontaine
. Mais si la
qualité est individuelle ou distinctive l'adjectif prend la seconde
place en même temps que l'accent principal, comme ital. abito
verde, stile chiaro
, esp. hombre mudo, muger querida, fr.
amande douce, soleil levant. L'inversion est permise en cette
circonstance, mais alors l'accent principal reste sur l'adjectif et
sa signification gagne en énergie, comme par ex. ital. incomprensibil
cosa
, franç. horrible faute. Après l'influence de
l'accent vient immédiatement celle de l'équilibre rhythmique du
discours, qui assigne volontiers la seconde place à l'adjectif
lorsqu'il est d'une certaine longueur ou qu'il reçoit des compléments.
Mais comme le principe de l'accentuation admet l'inversion
et que le sentiment du rhythme ne peut donner de règle déterminée,
il est clair que la place de l'attribut reste toujours très-arbitraire :
on dit par ex. aussi bien ital. vergogna eterna que
eterna vergogna, franç. émotion douce que douce émotion.
En ce qui concerne le v.français il est à remarquer que l'adjectif
précède son substantif plus souvent que ne l'admet la grammaire
actuelle. Le sens de certains adjectifs dépendait aussi moins
rigoureusement qu'aujourd'hui de la place occupée par eux.
Voy. Monnard, Chrest. I, 11.

2. Voici les règles plus ou moins strictes qui fixent dans les
divers domaines la place que peut occuper l'adjectif attributif :
1) Certains adjectifs de petite dimension, et dont le sens n'a rien
de caractéristique, précèdent le substantif. La grammaire française
416cite beau, bon (aussi meilleur), digne, grand, gros,
jeune, joli, mauvais, sot, vieux
. Dans les autres domaines
aussi ces mots sont généralement placés en premier lieu : ital.
bella mano, buon principe, gran casa, alta torre ; esp. buen
hombre, gran milagro, mala muger
 ; prov. bel Dieu, bona
domna, ferm cossir, fin cor, franc rei, gran malastre, lonc
esper, mal talent, pauc efan
, mais aussi home bo, blasme
gran, talent mal, efan pauc
comme esp. hombre bueno,
muger mala
etc. — 2) L'adjectif précède encore le substantif
lorsque ce dernier est un nom propre : ital. il sublime Dante,
il magnanimo Alfonso
 ; esp. el ingenioso Don Quixote ; fr.
le divin Platon, le grand Frédéric ; on peut lui donner la
seconde place quand on veut insister sur le nom ou le distinguer
de ses homonymes : ital. Raffaele il divino, Lorenzo il
superbo ; esp. Alfonso el sabio
 ; franç. Frédéric le Grand. —
3) On place après le substantif les adjectifs qui expriment une
propriété purement matérielle comme la forme, la couleur, le
goût, etc. : ital. dito grosso, cielo azurro, vino brusco ; esp.
mesa redonda, vestido blanco, vino agrio ; fr. table ronde,
habit noir, herbe amère, lait chaud
. La grammaire française
donne ici les règles les plus strictes. Les autres dialectes en règle
générale font précéder l'adjectif quand il désigne une qualité qui
appartient essentiellement au substantif : ital. bianca neve,
bianca mano, nero corvo, candido cigno
 ; esp. blanco cristal,
verde laurel, roxa sangre, dulce miel, fresca rosa
 ; et c'est
ce qui a lieu même en français chez les poètes, par ex. dans
Marot : noire nuict, blanc et fin samis, et en outre dans des
composés comme blanc-bec, rouge-gorge, chaude-fontaine.
Comp. § 3. — 4) On place encore après le substantif les adjectifs
qui expriment des rapports externes et des états corporels, au
moins en français : opinion commune, défauts naturels, genre
humain, guerre civile, langue vulgaire, langue moderne,
femme malade, homme aveugle
 ; ital. comune morte, natural
colore, umani desideri, ragion civile, lingua volgare,
volgar opinione, moderni tempi, fanciullo infermo, uomo
mutolo
. C'est avec des adjectifs dérivés de noms propres qu'on
observe le plus rigoureusement cet ordre : ital. scuola veneziana,
locuzione dantesca
 ; esp. navio español, lengua castellana ;
prov. coms peitavis ; franç. empire romain, église luthérienne.
Le style élevé se permet ici l'inversion : ital. tedesca
rabbia, italici cuori, l'italiana letteratura
 ; esp. el hispano
suelo, el español Apolo
 ; v. franç. el tyois païs Berte 10, nostre
417françoise gent
14, le gallique hémisphère Mar. III, 307. —
5) Les participes passés en français se placent également après
le substantif, les autres langues admettent aussi l'ordre inverse :
franç. sort inattendu ; ital. donne innamorate, lagrimata
pace
 ; esp. muger casada, olvidadas lagrimas, encubiertos
caminos
. Les participes présents peuvent partout prendre la
première place : ital. languente voce, voce languente ; esp.
andante caballero, caballero andante ; franç. éclatante
victoire, victoire éclatante
. — 6) L'adverbe quand il n'est
pas trop long influe à peine sur la place de l'adjectif qu'il accompagne :
ital. assai bella fanciulla, così onesto giovane, donna
poco amabile, pensier molto pauroso
 ; esp. muy grande
victoria, tan suelta lengua, una tan desdichada como amorosa
historia, hombre muy pensativo, hombre sumamente
rico
 ; franç. une très-jolie femme, une si tendre amour, un
mensonge si noir, une fille si belle
. L'adjectif au superlatif
conserve la place qu'il a au positif : ital. il più gran palazzo
ou il palazzo più grande etc. ; en valaque il suit le substantif :
mintea darul firei cel mai nalt (la raison, le plus grand
présent de la nature). — 7) Les adjectifs qui ont sous leur dépendance
d'autres mots laissent toujours en français, et le plus
souvent ailleurs, la première place au substantif : uomo cupido
di danari, luogo famosoper tanti letterati, per età compiuti
uomini
 ; esp. luz al mundo cara, al parecer justos sentimientos ;
franç. femme agréable à tout le monde. — 8) S'il
y a plusieurs adjectifs, le substantif peut prendre une place intermédiaire :
ital. bella donna amorosa ; esp. hermoso caballo
tordillo
 ; prov. francs reis valens ; franç. belle musique italienne.

3. Un grand nombre d'adjectifs sont déterminés dans leur
signification même par la place qu'ils occupent ; c'est là un trait
inconnu à la langue mère. Pris au sens propre ils ont la place
qui leur est propre et qui convient spécialement à la catégorie de
mots dont ils font partie ; pris au sens figuré on les met en tête.
On dit ainsi : ital. dolce risa, cieca severità à côté de vino
dolce, fanciullo cieco
 ; esp. dulces prendas, amarga historia
à côté de sabor dulce, almendra amarga ; franç. verte
jeunesse, noirs pressentiments, pâle mort, aveugle désir,
brillante action h
. côté de habit vert, cheval noir, couleur
pâle, homme aveugle, lumière brillante
. C'est ainsi que pauper
mis en second lieu a le sens de inops, et en premier le sens de
miser : ital. uomo povero, pover'uomo ; port.terra pobre,
418pobre creatura
 ; franç. auteur pauvre, pauvre auteur ; peut-être
déjà prov. hom paupres (inops) Choix IV, 280, paubra
generatio
(vilis) V, 69. Pour d'autres adjectifs, le motif de la
différence de sens qui résulte de la différence de place n'est pas
aussi clair. Le français en possède un assez grand nombre ; nous
ne citerons ici que galant, brave, honnête, vilain : homme galant
et galant homme, homme brave et brave homme ; homme
honnête
et honnête homme ; homme vilain et vilain homme.
Aussi ital. uomo galante, galant'uomo ; uomo gentile,
gentiluomo
 ; esp. hombre gentil, gentilhombre. Voici encore
quelques cas importants : certus placé après le substantif est
pris au sens propre, placé en tête il a le sens pronominal de
quidam : ital. notizia certa, certa notizia, esp. señal cierta,
cierta señal
 ; port.pessõa certa, certa pessõa, franç. chose
certaine, certaine chose. Proprius
en italien et en français
prend après le substantif le sens inconnu au latin de purus,
mundus
, et conserve sa signification originaire lorsqu'il a la
première place : vestido proprio, proprio vestido, franç. habit
propre, propre habit. Solus
après l'article indéfini équivaut à
singulus et avant à unus : ital. un uomo solo non lo potrà
fare ; egli disse una sola parola
 ; et de même esp. un hombre
solo, un solo dios
, franç. un homme seul, un seul Dieu
(comp. p. 36).

4. Les noms de nombre précèdent généralement le substantif.
Mais lorsqu'il s'agit de distinguer des personnages du même
nom ou d'indiquer le numéro d'ordre d'un objet, on se conforme
au principe indiqué au § 1, en plaçant d'ordinaire le nom de
nombre après le substantif, ainsi ital. libro tre, tomo secondo
(avec l'article : il secondo tomo), Carlo quinto ; franç. chapitre
trois, livre second
1139. Lorsqu'un nombre cardinal se rencontre
avec un nombre ordinal, on peut presque indifféremment placer
en tête l'un ou l'autre ; en italien par exemple on peut dire i
primi dieci libri
et i dieci primi libri. — Les adjectifs quantitatifs
comme multus et paucus et les termes qui leur servent
d'augmentatifs ou de diminutifs se placent avant le substantif :
ital. molti uomini, poca carità, troppo vino, meno amicizia ;
esp. muchas casas, mas caballos, pocas esperanzas, menos
dolores, hartos muertos
, parfois casas muchas, edad poca ;
v.franç. mainte parole et souvent parole mainte.419

5. Les pronoms adjectifs prennent place d'habitude devant
le substantif. Mais voici ce qu'il faut observer à ce propos :
1) Les pronoms indéfinis unus, alter, certus, omnis (it. ogni)
quisque (esp. cada, prov. quec, franç. chaque) vont toujours
en tête. Alter en italien et en espagnol se place volontiers devant
un nom de nombre : gli altri due, altri molti, los otros dos,
otros muchos, otros algunos dias, otro ninguno
, comp.
v.h.all. andare zuêne, andaru managu, gr. οἱ ἄλλοι πάντες
ἄνθρωποι. Totus peut se placer avant ou après (p. 35). Les pronoms
italiens composés de unus, comme alcuno, nessuno,
niuno, veruno
sont dans le même cas ; l'esp. alguno, le port.
algum se placent avant quand ils ont le sens affirmatif, et après
quand ils ont le sens négatif (du moins il est rare dans ce dernier cas
de les trouver avant le substantif comme dans no quede alguna
muger Num
. 3, 2, p. 67). L'it. alquanto, qualche, le franç.
quelque se mettent en premier, ainsi que l'ital. qualunque,
tandis que le franç. quelconque se place en second ; en v.français
ce mot pouvait prendre les deux places. Tantus et talis se
mettent parfois en second. — 2) La place du possessif n'est pas
partout la même. En italien elle est libre : l'amico mio et il mio
amico
, et avec des adjectifs : la lor cieca vita, la sua bella
mano
et i be' vostri occhi, la magnanima tua impresa, il
savio vostro padre, una leggiadra sua vendetta
. En espagnol
mi, tu, su ne se placent qu'avant, mio, tuyo, suyo qu'après le
substantif : mi amigo, el amigo mio, el aspero rigor tuyo,
es amigo suyo, por vida vuestra
. En port.comme en italien :
o vosso escudo, o reino vosso, o ninho meu paterno. En provençal le
possessif est régulièrement mis en premier, il n'est mis
en second qu'assez rarement, comme dans los angels sieus Choix
I, 207. Le français construit le possessif exactement comme
l'article : mon père, monsieur votre oncle. Le valaque
procède aussi librement que l'italien : al mieu fus et fusul mieu
(ital. il mio fuso, il fuso mio) ; entre l'adjectif et le substantif :
brunii mei prieteni (i miei buoni amici), dulcea mea soarę
(la dolce mia sorella), mais les noms d'hommes de la deuxième
déclinaison veulent être suivis du possessif : Petrul nostru etc.
Sur le rapport du possessif et de l'article voy. plus haut p. 60. —
3) Les démonstratifs, que le latin met indifféremment avant
ou après, prennent ici la première place. Seules les formes valaques
en a suivent le nom muni de l'article : on dit ainsi acest
om, aceastę zamę
ou omul acesta, zama aceasta. — 4) Nous
avons indiqué à la p. 72 dans quelles circonstances les pronoms
420romans qui répondent à ipse prennent la première ou la seconde
place.

6. Les langues romanes ont comme d'autres langues la faculté
de séparer l'adjectif, le participe et le pronom du substantif par
d'autres mots. Ce procédé est souvent employé pour produire un
effet oratoire, car il n'est pas indifférent de dire « la surprise du
peuple fut grande » ou « grande fut » etc. Voici des exemples de
cette inversion : Ital. loda di dio vera ; con grave di tutta
Italia danno ; un dolce di morir disio ; nulla di noi pietà ti
muove ; ricchissimo ad Alete un elmo diede ; progenie scende
dal ciel nuova ; degni darà supplici ; molte latrar voraci
Scille ; tu ben sette a fondarlo anni pugnasti ; quai contra
il tiranno avrà rifugi ; quanti m'hai fatto di dogliosi ;
tacevansi amendue già li poeti
. Les poètes prennent même
la hardiesse de préposer au substantif un participe dont dépendent
d'autres mots : fregiati d'oro e di gemme arnesi ; gli avuti
con Ruggier complessi ; l'emersa dall'eterna notte larva
.
Esp. la condicion de los mugeres comun ; hacia un espectaculo
con su vista no visto ; tales de su ingenio señales ; este
de la fortuna vaiven
Cald. I, 273a ; quanto encierra dolor !
gritos daban desiguales ; con voz lamentandose quexosa
.
Port.dans Camoens : o segundo de Rhodes estranhissimo
colosso ; em versos divulgado numerosos ; golpes se dão
medonhos ; c'hum tom de voz começa grave e horrendo
.
Cette construction est surtout fréquente en provençal et en
v.français. Déjà dans le Boèce, d'un style si simple : tuit a plorar
repairan mei talant ; cal an li auzil signifacio
(significacio).
Puis dans d'autres œuvres de ce dialecte, même en
prose : reys est forz en terranaz Ch. d'Alex, v. 53 ; grant pres
pavors als Judeus Pass. de J. Chr
. 19, 2 ; in raizons bels oth
sermons Leod
. 6, 5 ; lo saint de Deu amor Gst. L. 14 ; messatge
trametrai fizel ; comte sai eu plazen ; anc Alixandres
no fetz cors ni Karles tant honrat Choix
IV, 277 ; fes gran
a nos amor
469 ; dela quinta parlar cobla GRiq. p. 224,
comp. plus haut p. 413 note ; fiz et filles out plusurs LRs. ;
pour
(peur) en ourent grant ; dous mil orent chevaliers ;
vieulx semblent charbonniers QFA
. 442  ; peliçons porta vairs
et gris ; sor un ceval monta mult bel Brut
II, p. 53 ; une
rose d'or fin nouvele Rom. fr
. 58 1140. La séparation se produit
421surtout aisément lorsque le substantif occupe la première place.
Il peut y avoir équivoque lorsque les deux expressions qui se
trouvent dans des rapports différents ont même genre et même
nombre, comme dans ce vers de Dante : fanno lamenti in su
gli alberi strani lnf
. 13, 15, et aussi chez d'autres poètes de
tous les dialectes.

3. Article.

On sait déjà que la place de l'article est immédiatement avant
le substantif ou l'adjectif qui le qualifie, et que la seule exception
à cette règle concerne l'article défini en valaque. Lorsque l'article
s'intercale entre un nom propre et un adjectif (Federigo il
grande
) ou suit les adjectifs totus, ambo, medius, solus
(p. 35), c'est une liberté qui affecte moins l'article que le
substantif ou l'adjectif placé en tête : l'article reste attaché à
l'idée qu'il doit déterminer. Mais il convient d'observer que
l'article n'est pas assez solidement attaché au nom pour rendre
impossible toute intercalation d'autres mots. Outre l'intercalation
d'un génitif comme dans la cui dirittura, l'article, défini ou
indéfini, admet encore celle de la négation, d'adverbes et
d'expressions adverbiales : ainsi ital. la molt'anni lagrimata
pace Pg
. 10, 35 ; una non fallibile regola ; il non suo fallo
Orl. 23, 52 ; esp. el no esperado acontecimiento ; el nunca
como se debe alabado Tirante DQuix
. 1, 13 ; la siempre
señora mia
, 1, 25 ; escuchad la no sé si diga mi desdichada
historia Nov
. 10. C'est le français qui résiste le plus à cette
séparation de l'article et du nom 1141.

4. Participe et verbe auxiliaire.

L'ordre dans lequel les deux éléments des temps périphrastiques
se présentent le plus habituellement consiste à donner la
première place au verbe auxiliaire, mais l'inversion se fait sans
inconvénient dans la plupart des langues, même en prose : ital.
la donna che veduta aveva ; poichè arrivato era ; esp. la
422vida que aborrecido habia ; todos llegados se han
 ; pr. l'ome
que trobat avetz ; vengut em al temps
 ; v.franç. que quis
avez
(que vous avez cherché) ; si cum escrit est. On admet
aussi l'intercalation de régimes ou d'autres mots : ital. non
aveva la sua donna trovata ; poichè legato fuor Brigliadoro
ebbe
 ; esp. los tuvo á todos rendidos ; aquel fué segunda vez
herido
 ; franç. l'amour a sa main animée ; je te les ai sur
l'heure et sans peine accordées
. — La même liberté s'étend
encore à l'infinitif après des verbes de tout genre : ital. udire
non volle ; tu convincer dei
 ; esp. partiros heys ; venir non
puedo
 ; v.franç. ardeir les fist ; ici encore le français moderne
se prête difficilement aux libertés des autres langues.

5. Adverbe.

Dans l'ordre commun l'adverbe simple ou composé suit immédiatement
le verbe, il ne le précède ou ne s'en écarte complètement
que lorsqu'on veut insister sur l'idée qu'il représente, ainsi
ital. caumente cominciò a riguardare ; bene i suoi piaceri
seguiva ; aperse la porta prestamente
 ; esp. siempre he oido
decir ; conocióme mi hermano luego
 ; franç. jusqu'ici j'ai
parlé de cette affaire ; alors je lui dis ; soudain il partit ; il
pleuvra demain, demain il pleuvra
. La place de l'adverbe
est moins fixe avec des temps periphrastiques du verbe. Ainsi les
longs composés avec mente, par exemple, doivent en français se
placer après le participe, tandis que dans les autres langues cette
règle n'est pas aussi strictement observée ; il en est de même
pour les adverbes de lieu et de temps : sono ritornato qui ; me
l'hanno raccontato ieri
 ; esp. he pasado adelante ; habrá
llegado ayer
 ; franç. il est arrivé ici ; il est revenu nouvellement.
Mais on dit aussi ital. l'ho già trovato ; esp. he ya
hallado lugar
 ; franç. il est déjà arrivé. Les adverbes de degré
se placent avant le participe : ital. l'ho cotanto amato ; non
era guari andato ; avete ben fatto
.

2. Les adverbes, même quand ils ont plusieurs syllabes, se
placent devant l'adjectif qu'ils qualifient : ital. molto caro,
sufficientemente grande
 ; franç. extrêmement laid, totalement
ruiné
. Mais il n'est pas rare, surtout en italien, de voir
l'adjectif prendre la première place : bello assai, lucente più
assai, presta molto
 ; prov. alegra fort, bella assatz ; v.franç.
sages hom asez, cuintes mult. C'est ce qui a lieu principalement
avec des particules de comparaison, comme ital. chiaro più che
il sole ; bella sì che
etc. ; esp. ardientes mas que la llama ;
423port.triste mais que d'antes ; comp. m.h.all. schoener vil
dann ê
(beaucoup plus beau qu'autrefois). Tous ces adverbes de
degré sont séparés de leur adjectif par un verbe, ainsi ital.
colui che più sied' alto Pg. 7, 91 ; sì venivan lente ibid. 3 ;
così parlando onesto Inf. 10 ; tanto era forte ; esp. mucho
avie grandes cuidados PC. ; tanto estaba de bien atado
 ;
prov. assatz es dreitz ; mout fa grant engan ; fort fo bella ;
plus fora ricx ; pro val mais ; tant es grans
 ; franç. tant
le monde est crédule
. Après les expressions adverbiales
quanto et come c'est même l'ordre le plus usité : ital. quanto
mi parea pien di disdegno ! quanto è bella ! come è graziosa !

prov. cum es grans sa vertutz ! franç. combien il est dangereux !

3. Les particules de négation non et nec, sous les formes
diverses qu'elles ont dans chaque langue, sont immédiatement
préposées à l'idée qu'elles nient ; il n'y a que les pronoms personnels
conjonctifs et les particules du même ordre (ital. ci, vi,
ne
) qui puissent les séparer du verbe : io non posso, io non
lo vedo ; je ne le vois pas ; je ne m'y rends pas
. Le v.all.
ni (ne, en) avait une attraction plus forte pour le verbe, dont il
ne se laissait séparer par aucun mot (voy. p. 408). Les compléments
adverbiaux de la négation, franç. pas, point et plus
suivent immédiatement le verbe fini ou simple, par ex. il n'a pas
réussi ; on ne doit pas abandonner ses parents ; il n'a point
souffert ; nous n'en avons plus parlé
 ; en ital. il fuoco non è
punto spento ; non l'ho più veduto
. En v.français et en italien
ces compléments peuvent aussi précéder la négation lorsqu'on
veut insister : pas ne vus esmaez ! Charl. 681 ; cest avoir pas
ne li rendron FC
. II, 121 ; que plus ne me mete en lor
barsaigne
I, 147 ; pas ne travailler, point ne me soucier
encore dans Rabelais : ital. punto non lo vidi ; più non fece
motto
 ; comp. plus haut p. 373. Le français moderne se permet
au moins de les placer avant ou après l'infinitif dépendant de
prépositions : pour ne souffrir pas, point ; pour ne pas, point
souffrir ; à ne me plus revoir
 ; ital. senza punto mostrarsi
crucciato
. Les négations pronominales ainsi que l'adverbe
jamais peuvent se placer partout devant la négation : rien ne
me plaît davantage ; jamais je ne ferai cela
.

6. Préposition avec infinitif.

La préposition peut être séparée de l'infinitif non-seulement
par des négations ou des adverbes (franç. pour ne point
424souffrir ; à proprement parler
), mais aussi par des régimes
ou d'autres éléments de la proposition. Cette construction s'effectue
facilement avec des prépositions qui ont une signification bien
nette comme sine et per : ital. senza spada adoprar ; senza
alcuna cosa dire
 ; esp. para con ellos casar SRom. 143 ; por
con alguno hablar
, 156 ; pr. per solatz revelhar ; v.fr. por
son ami aidier
 ; fr. mod. sans rien dire ; pour de ce grand
dessein assurer le succès
Corn. Mais de, ad, in sont aussi
séparables. Ital. di mai per lor niente voler fare Dec. 9, 1 ;
alle quali cose ricogliere (a ricogliere le q. c.) Dec. 6, 10.
Esp. de con los Moros pelear SRom. 19 ; vino á la misa oir
Bc. Mil. 832 ; al mi fijo rogar (à rogar al mi f.) ; port.de
con vusco falar Trov. ; de me tan muito mal fazer
ibid. ;
em poesyas trazer CGer. ; em largas coytas passar ibid. ;
a flores colher ; a calhando padecer ; de nella morir. Prov.
de lur tenso jutjar Choix II, 187 ; vos de cui vezer es
cobeitos
III, 204 ; del sieu ric pretz poiar (c.-à-d. de poiar
en lo sieu r. p.
) ; al vers fenir (a fenir lo vers) 195 ; en
Dieu obezir Choix
IV, 60 ; v. franç. mis curages est del
martire suffrir
(de suffrir le m.) ; d'à lui parler desiros (de
parler à lui
) Parton. I, p. 126 ; al sucurs Deu requerre (à
requerre lo suc. D.
) LRs. Cette inversion ou cette attraction
est parfois rendue méconnaissable par l'agglutination de l'article
aux prépositions. Voyez d'autres exemples dans Tobler, Dit dou
vrai aniel
, p. 22.

II. Ordre des éléments de la proposition.

Le verbe fini forme le point central de la proposition, puisqu'il
peut à lui seul représenter une énonciation complète ; autour de
lui se groupent comme attributs les autres membres de la proposition.
Dans la construction ordinaire le sujet précède l'attribut
auquel succèdent le régime le plus rapproché, puis le régime le
plus éloigné et les autres membres prépositionnels. Mais déjà la
prose la plus vulgaire brave cette réglementation. L'ordre
des éléments qui suivent l'attribut est surtout tellement arbitraire
qu'il est à peine possible de distinguer un ordre régulier et un
ordre inverse. Avant tout il faut tenir compte d'un usage qui
concerne l'arrangement de la proposition tout entière : dans la
prose on reporte volontiers à la fin de la proposition les éléments
complexes, ceux surtout dont dépendent des phrases entières,
pour les laisser se dérouler librement avec leurs déterminations
425accessoires. Ital. era per legato del papa venuto un cardinale
che molto suo signore era
. Esp. volvió la cabeza á estos
gritos aquella señora toda sobresaltada ; estabale abriendo
á azotes con las riendas de una yegua un villano que era
amo suyo
. Franç. j'ai envoyé à la poste les lettres que vous
avez écrites ; le soldat doit conserver dans le combat la
modération nécessaire pour obéir
. En ce qui concerne
maintenant chacun des éléments de la proposition, voici à peu
près ce qu'il y a de plus important à remarquer.

1. Lorsque pour mettre en relief l'idée de l'attribut on le place
en tête de la phrase, ce qui se fait sans difficulté dans la plupart
des langues, le français, qui se prête moins aisément à l'inversion,
prépose au verbe ou à l'adjectif attributif un pronom personnel
et au substantif attributif la formule connue c'est. Ex.
elle approche, cette mort inexorable (ital. s'appressa quella
morte inesorabile
) ; il se répandit une nouvelle ; elles
furent terribles les suites de cette longue guerre
(ital. terribili
furono gli effetti
etc.) ; c'est une qualité nécessaire pour
régner que la dissimulation
. Ainsi dans les deux cas il met en
tête un sujet apparent pléonastique, pour satisfaire à l'ordre
habituel. — Le style narratif aime en général à débuter par le
verbe, sans vouloir marquer aucune insistance : ital. disse il
pagano ; vedendo il principe ; dolsersi gli amici
 ; esp. volvió
el defendido ; habiasele caido el sombrero ; en llegando el
mancebo
etc. Cette construction est des plus usitées dans
l'ancienne poésie épique française : prov. dis la domna ; dis lo
senescals ; dis Jaufre
 ; franç. dist la dame ; oit le li rois ;
vait s'en Raoul
 ; et même dans la prose narrative : dist Saul à
David ; respundi li vadlez
(valet). — Sur l'usage de mettre le
verbe en tête dans les propositions conditionnelles et concessives
voy. p. 330, 335.

2. Comme les langues nouvelles ne peuvent pas distinguer le
sujet du régime direct par la voie de la flexion, elles cherchent
naturellement à obtenir cette distinction, lorsque le sens de la
phrase l'exige, au moyen de l'ordre des mots, en assignant au
régime sa place après le sujet. Un des avantages des anciens
dialectes de la France est de pouvoir distinguer dans une certaine
mesure par la forme même le nominatif de l'accusatif. Aussi ces
dialectes peuvent-ils pratiquer l'inversion du sujet et du régime
dans des circonstances où d'autres langues doivent hésiter à en
faire usage. La phrase provençale los fortz venson li forsor
PO
. 198 serait mal rendue en italien par i forti vincono i più
426forti
, et la phrase du v.français l'arcevesque ne puet flechir li
reis Henris TCant
. p. 8, serait encore plus équivoque dans une
traduction italienne ou française qui garderait le même ordre des
mots. Deux autres dialectes, l'espagnol et le portugais, qui du
moins possèdent l'avantage de caractériser les régimes personnels
par la particule á (voy. plus haut p. 91), sont aussi bien plus
favorables à l'inversion que l'italien et le français ; on dit
également bien al marido la muger ama, á la muger el
marido ama
, que la muger ama al marido, el marido ama
á la muger
. Il arrive souvent que ces langues pour faciliter
l'inversion étendent cette caractéristique du régime à des objets ;
la grammaire de l'Académie elle-même dit par ex. rige al verbo
la preposicion
. Il y a encore à ce sujet une remarque à faire
qui s'étend à tout le domaine roman : c'est qu'on renvoie souvent
encore par un pronom personnel au régime placé en tête de la
phrase, ce qui rétablit l'ordre régulier : ital. gli amici vostri
non
gli conosco ; esp. ese motivo de mi hermano él solo le
entiende ; prov. lo comte Raymon ieu nol tenc per bon. Ce
pléonasme est indispensable en français : votre cousine, je la
connais ; tout ce qu'il a, il le tient de votre libéralité ; moi-même
il
m 'enferma dans des cavernes sombres Rac. ; mon
pays, mes enfants, pour vous j'ai tout quitté
(où tout remplace
le pronom personnel) ibid. Il arrive aussi dans cette langue
que le cas du nom placé en tête est déterminé postérieurement par
un pronom personnel qui y renvoie. Ce procédé est plus rare en
italien : quelli che hanno costituita una republica, tra le cose
ordinate
da loro è stato etc. Mach. Disc. 1, 5. Cette anacoluthe
est très-fréquente en espagnol : el rey, señor de grant valia,
entro
l en corazon Alx. 1118 ; el rey de Napol, claro é
virtuoso principe, tanto esta sciencia
le plugo Sanch. I,
p. LII ; el delfin que es rey de los peces, le dibuxan escamas
de plata y oro coronas
Cald. I, 277b ; la mugier que fuere
dexada del marido, ninguno non se case
con ella FJ. 63a ;
la villa sin regidores, su triunfo será breve (pour el triunfo
de ella
) Flor. I, 144a ; port.o triste que a levar, a vyda lh'
ha de custar CGer. I, 129 ; o cavalleiro que assi o vio mesurado
bem
lhe pareceo razam R. Men. 1, 5 ; eu que cahir
não pude neste engano, encheram-
me o peito de desejos
(moi qui ne me laissai pas prendre à ce piège, elles me remplirent
le cœur de désirs) Lus. 5, 54. Prov. ricx hom que per aver
traire sec torneyamen plevitz per penre sos vasvassors,
non
l'es honors Choix III, 146. En français cette tournure
427favorable à l'inversion est très-commune, par ex. tous ces crimes
d'Etat qu'on fait pour la couronne, le ciel nous
en absout
alors qu'il nous la donne
Corn. Le cas du substantif doit être
ici le nominatif, c'est-à-dire le cas le moins défini, ce qui est
indiqué aussi dans les derniers exemples cités en portugais et en
provençal. Voici un exemple grec : ἐκεῖνος δέ, οὐ δώσω αύτῷ οὐδέν
« mais celui-là (en ce qui concerne celui-là), je ne lui donnerai
rien. » — L'intercalation du régime entre le sujet et le verbe est
admise par toutes les langues qui jouissent en général d'une certaine
liberté de construction, par ex. ital. la vostra avarizia il mondo
attrista Inf
. 19, 104 ; esp. el aire las cargadas ramas mueve ;
port.as filhas do Mondego a morte escura memoraram ;
prov. Guillems la ma nuda miret, etc. Il semble même que
l'ancienne prose française place de préférence le régime et les
autres membres de la phrase avant le verbe ; voy. par ex. dans
les Liv. d. rois : li sires le humble eslieve ; li poples del
service Deu se retraist ; lur tentes i tendirent ; cunseil
quistrent
. Si ce procédé était familier à la langue ordinaire, le
français moderne ne l'a pas peu restreint.

3. Il faut surtout observer une inversion du sujet plus ou
moins rigoureusement prescrite, en vertu de laquelle ce membre
de la proposition se place après le verbe dans le cas où ce dernier
est précédé d'autres mots. Cette inversion a lieu : 1) Dans des
propositions incidentes où le sujet est représenté comme portant
la parole : Ital. voi avete ragione, disse egli (plus usité que
egli disse) ; non piaccia a Iddio, rispose mio fratello. Esp.
entrad, dixo ella ; en verdad, prosiguió el caballero ; mucha
merced me habeis hecho, respondió el otro
 ; de même en
portugais. Prov. auiatz gran feunia, fi m'ieu ; seiner, dis
Jaufre ; ieu m'en irai, so ditz el
. Franç. je me croirai
heureux, dit-il ; arrête, a-t-elle dit ; faites ce qu'il commande,
reprit mon frère
(en v.franç. le sujet de la proposition
incidente précède souvent le verbe : je nel puis faire, li rois
respont
). De même aussi en valaque : è bun, ręspunse el. Il est
même permis de préposer au discours qu'on cite une partie de la
proposition incidente ; par ex. fr. d'un air égaré « tu vois de mes
soldats tout ce temple entouré
 » dit-elle Rac. Athal. ; et il en
est de même dans les langues sœurs. — 2) Dans une seule et même
proposition lorsque le verbe est précédé d'autres éléments de cette
proposition. Il n'y a pas ici comme en allemand une règle stricte,
mais il est impossible de méconnaître dans plusieurs idiomes romans
une tendance à faire usage de cette construction, surtout lorsque
428la phrase débute par un adverbe. Elle est surtout fréquente en
provençal, où se présentent partout des exemples tels que ceux
qui suivent : ara sai ieu ; ara m'alberc dieus ; a penas sai
eu ; doncs dic eu ; lai venc lo reis ; bem plai lo dous temps ;
mais prez' om ; del vezer sui ieu bautz ; d'amor son mos
cossiriers ; de nuilla ren non es tan gran cardatz ; d'un
sirventes m'es grans volontatz presa ; de sapiencia anava
eu ditan Boèce
78 ; per lieys ai eu joy ; ab sol aitan for' ieu
guays ; en te solia eu fiar ; Peiracorna perdetz vos ; mi eys
puesc ieu ben azirar ; lur faitz non pot hom durar ; gaug
ai ieu tal ; las oit partz que om troba en gramatica, troba
om en vulgar
. C'est là la construction prédominante qui proprement
repose sur un renversement de la phrase ; car si l'on
prépose au verbe un membre de phrase qui en dépend il est préférable
de placer le sujet en dernier pour ne pas troubler l'accord
logique de ce membre avec le verbe : de ieu sai ara on a fait
ara sai ieu. Le v.français affectionne aussi cette construction.
Il n'en est pas de même dans le français moderne : ici il n'y a que
certains adverbes qui puissent amener le sujet à se placer à la
suite du verbe, ainsi à peine, souvent aussi après, aussi, encore,
ensuite, en vain, de là, au moins, du moins, peut-être,
toujours
(pour au moins), par ex. à peine fut-il arrivé ou
bien, comme dans la phrase interrogative, à peine mon ami
fut-il arrivé ; aussi le veut-il ; de là dépend votre salut ;
peut-être viendra-t-il ; toujours ai-je fait mon devoir. Tel

et ainsi dans le sens de en cette manière renvoient aussi le
sujet à la fin de la phrase. L'espagnol trahit de même une tendance
à suivre l'usage provençal, du moins la construction la
plus usitée est celle qui est appliquée dans les phrases que voici :
apenas oyó estas palabras Isabela ; antes he yo oido decir ;
entonces se comenzó el juego ; despues dixo el juez ; aqui
fué la priesa ; luego fueron llevadas las acémilas ; así
llaman ellos á los que
etc. ; desta manera no haré yo mucho ;
una noche sintió Anselmo que
etc. ; con esto se consoló
Sancho ; con gran deseo quedó el caballero ; al son de
añafiles se comenzaron los juegos ; esto haré yo de grado ;
este sitio escogió el escudero
. L'italien aussi se sert souvent
de la même tournure : appena fui io arrivato ; or sai tu che
io non voglio ; allora disse il frate ; quivi s'odono gli
uccelletti ; dopo alquanto fece l'oste aprir la porta
 ; cependant
il met plus volontiers que l'espagnol le sujet en tête. —
3) Le provençal aime à mettre le sujet après le verbe même dans
429la proposition secondaire, surtout lorsque la proposition principale
commence par quan, lanquan, com, pus ou si. On trouve
des phrases telles que quan lo reis fo estatz desconfitz, si fon
grans dolors ; quan vey pels vergiers desplegar…m'adoussa
la votz dels cavaus ; quant vey lo temps renovellar, mi dona
ardimen amors ; lanquan son li rozier vermelh, m'es bel

etc. ; cum el es velz, vai s'onors descaptan Boèce 140 ; pus
li borges se claven d'eviron, m'es bon e belh que
etc. ; si
bem partetz de vos, non es razos
. Lorsque la proposition
secondaire débute par des adverbes ou autres mots de même
nature, cela suffit pour renvoyer le sujet à la suite du verbe :
quan la vertz fueilla s'espan, per lo dolz chan del auzel si
va mos cors alegran ; pus vezem florir pratz, ben deu
quascus lo joy jauzir ; sim laissava de chantar, ben leu
diria la gens ; s'al cor plagues ; ben for' hueimais sazos
.
D'autre part le sujet, quand on insiste, se met en tête : quan lo
dous temps comensa, ieu sols fauc estenensa ; quant en
gran ricor pueia, l'avers lo fai folleiar ; pus vos platz, ieu
i cossen ; sil cor es pres, la lengua non es presa
. Les
exemples de cette construction sont trop nombreux pour qu'on
en refuse le sentiment à la langue provençale, et par là elle
montre une certaine affinité avec l'allemand.

4. Quant à la place des membres prépositionnels, la grammaire
française enjoint de les placer après le régime direct ; on
doit dire par ex. : il sacrifie le présent à l'avenir ; nommez
les choses par leur nom ; il lui donna des conseils sur sa
conduite
 ; à moins que cet arrangement ne rende le sens équivoque,
ou que le régime direct ne présente une certaine complication
(voy. plus haut) : aussi doit-on dire le physicien arrache à la
nature tous ses secrets ; de fameux exemples nous apprennent
que Dieu a renversé de leurs trônes des princes qui
ont méprisé ses lois
. Mais la prose élevée et la poésie obéissent
ici aussi à leur sentiment et mettent par exemple le membre prépositionnel
devant le sujet ou l'attribut. Racine a dit : en vain
sur les autels ma main brûloit l'encens ; dans le fond des forêts
votre image me suit ; le ciel avec horreur voit ce monstre
sauvage ; la foiblesse aux humains n'est que trop naturelle ;
vous cachez des trésors par David amassés
. Il est inutile
d'emprunter aux autres langues des exemples de cette tournure.
Les expressions adverbiales de lieu, de temps, de motif et de manière,
surtout celles qui complètent directement l'idée du verbe,
s'unissent immédiatement au verbe dans le discours ordinaire.
430Ital., par exemple, pigliava con la mano il bicchiere ; si levò
di terra a gran fatica ; egli era in contado ad una sua
possessione ; a Firenze fu un buon uomo
. Esp. os digo en
breves razones la inmensidad de mis desventuras ; desta
manera se escusaban todos
.

5. La formule est qui, est quod fournit un moyen puissant
pour marquer l'accent oratoire. Cette tournure, dont il a été
question plus haut et qui transforme en propositions composées
les propositions simples, demande encore à être signalée ici, car
elle favorise l'inversion de tous les membres de la phrase ; voy.
des exemples ci-dessus, p. 290. Lorsque dans l'interrogation
directe
on veut mettre en relief le nom qui en fait l'objet, il est
encore d'usage de préposer au verbe ou à l'interrogatif un membre
de la phrase, généralement le sujet ou le régime. Lat. hi qui
sunt ? Aeschines ubi est ? virgo cuja est ? istam vestem,
quam habes, unde habes ?
Ital. il padrone è egli in casa ? il
padre vostro ed il padre mio che dicono ? questo che dice ?
questi chi sono ?
Esp. tu hermano donde está ? vuestra
merced qué causa tiene para volverse loco ? el oro é la
plata quien vos lo podrie contar ? PC. ; ese corazon como
lo podré ablandar ?
port.isso que he ? ao fidalgo quem lhe
deu o mando ?
GVic. ; ao amor quem lhe porá ley ? R. Egl.
Prov. a me quar no ves ? Boèce ; ieu que farai ? l'afan per
que podetz sufrir ?
Franç. (ici c'est presque une règle, p. 292) :
le roi fils de David où le chercherons-nous ? d'un chaste
amour pourquoi vous effrayer ?
Cette inversion, qui dans la
question indirecte est une véritable attraction, est si populaire
qu'elle se montre déjà dans les plus anciens documents bas-latins,
par exemple dans les interrogations de témoins : te quis sacravit ?
antecessor tuus quomodo dictus est ? presbiter ubi fuit
consecratus ?
Brun. n. 8. (a. 715) ; et tu quid dicis ? Form.
ital. app
.

Pronom personnel.

Quand le sujet ou le régime de la proposition est un pronom
personnel, la place de ce terme relativement au verbe est déterminée
par certains principes qui varient plus ou moins suivant les
langues.

1. Le pronom personnel comme sujet n'est pas assez fortement
attiré par le verbe pour ne pas pouvoir en être séparé dans
la plupart des langues par d'autres mots. Ex. ital. l'amore, il
quale io a costui portava ; egli del tutto si dispose
 ; esp. yo
431por eso lo escucharé ; como él despues confesó
, port.eu
remedio não espero ; tu bem sabes
 ; v.franç. quant je son
dous viaire vi ; se j'onques fis rien
 ; de même come hom
pierre jeter porreit Rou
. I, p. 338. En français moderne les
deux termes ne peuvent être séparés que par la négation (ne) et
les formes conjonctives. Le sujet peut même être placé dans les
autres langues après le verbe quand on veut lui donner plus de
relief : ital. tira tu la spada e io andrò ; esp. con saber que
estoy yo donde estás tu, vivo contento
 ; voy. plus haut.
— Le pronom personnel qu'on nomme absolu employé comme
régime équivaut pour l'ordre des mots à un substantif : il peut
donc se mettre avant ou après le verbe : ital. io vedo lei, e non
te ; egli lui richiama
 ; esp. me parece á mi ; á mí me parece.

2. La place du pronom personnel conjonctif auquel nous
joignons les particules dérivées de hic, inde et ibi (ital. ci, ne,
vi
, franç. en, y) demande une étude détaillée. D'après une règle
générale ce petit mot veut toujours être immédiatement uni au
verbe afin d'en recevoir l'action avant tous les autres membres
de la proposition. Les Serments le présentent déjà dans ce
rapport, que l'écriture rend souvent plus sensible en unissant les
deux termes en un seul mot : me dunat, non lo s tanit, non
l'int pois, non li iv er
 ; dans il mi altresi fazet, mi est pronom
absolu et s'oppose à il. En général le pronom conjonctif ne se
sépare du verbe qu'en v.espagnol et en portugais : se lo tu mandasses
Alx
. 751 ; honra que les él face SPart. I, p. 2 ; á qui
lo él mandasse
II, p. 4 ; si te tu quisieres salvar Cast. de
D. Sancho ; que te yo agora daré
ibid. ; le él mandára CLuc.
102 ; lo Dios face 103 ; lo non devia facer 123 ; si me tú non
vales Flor
. I, 4 ; poys que vos Deos quer guysar D. Din. 41 ;
pois m'ant' ela veg' estar Trov. n. 38 ; me não val ; mo não
consentio ; vos eu olho ; se não dedignou ; onde o ninguem
visse
. L'ital. loro est un mot d'une trop forte consistance pour être
traité comme un membre de phrase atone, il peut donc être séparé
du verbe, par ex. domandando a ciascuno che loro luogo
facesse
. — Au reste la place de ces petits mots avant ou après
le verbe, et leur ordre respectif quand ils sont plusieurs à se
rencontrer, diffèrent plus ou moins sensiblement dans les divers
dialectes ; nous examinerons chaque langue en particulier.

Italien. — 1) Placés devant un verbe qui commence par une
voyelle, ils se comportent comme proclitiques et prennent
l'apostrophe : l'amai, m'incresce, n'hanno, on écrit aussi ce'l
diede, no'l fece
avec l'aphérèse. Tous ces pronoms sont traités
432comme enclitiques (à l'exception de loro, comme nous l'avons
dit déjà) et le verbe alors peut être soumis à une apocope : amoti,
battendolo, godiamci, godonsi, andiamone
(andianne)
dissergli, vuolsi, porsi (pour porresi, ponersi), diragli
(pour diraigli), dissi loro 1142. Après une voyelle accentuée ces
mots redoublent leur consonne initiale : amolla, dammi, dillo,
havvi
(pour amò la, da' mi, di' lo, ha vi) ; excepté gli, ainsi
celeragli, non celeraggli, ce qui s'explique de soi-même. —
2) On est libre de placer le pronom avant ou après le verbe
lorsqu'il est à l'indicatif ou au subjonctif : lo vedo et vedolo,
gli dissi
et dissigli, loro narrò et narrò loro. On le met après
les autres modes : guardati, maravigliarsi, farne, conosciutoli,
vedendoci
 ; l'impératif prohibitif et l'infinitif s'en font précéder :
non vi maravigliate ; non lo fare ; et le verbe accompagné
d'une négation conserve ailleurs encore cette même place
au pronom : per non mi discostare ; di non si partire ; per
non ne dar sospetto ; non trovo chi mi consigliare PPS
. I,
183 ; senza lo dipartire II, 82 ; dans Boccace per vedere che
si fare e dove andarsi Dec. 911 ; non si contentando ; il se
place parfois aussi devant l'impératif positif : il prendi, t'inchina,
tu qui m'aspetta ; mi fa battezzare
. — 3) Lorsque la
proposition contient un verbe principal et un infinitif, on place le
pronom soit après l'un, soit après l'autre, plus rarement entre
les deux : lo credeva vedere, credeva vederlo, s'andò a
nascondere, andò a nascondersi, lascici andare, fecelo
addimandare, cominciommi a dire
. Quand il y a deux infinitifs,
c'est au premier que les pronoms s'unissent le plus volontiers,
même lorsqu'ils dépendent du second : credeva di poterlo
vedere, per volerne prendere
. Ils s'unissent à l'auxiliaire
quand le verbe est à un temps périphrastique : l'ebbe trovato, ti
sei vantato
. — 4) La rencontre de plusieurs pronoms conjonctifs
monosyllabes amène une petite modification de forme : l'i se
change en e (tome II, p. 80). Mi précède les autres pronoms : mi
si mostrava, raccomandamelo, concedetemegli ; ti
et ci se
placent devant si : ti si dava, ci si dice ; li, le, lo, la se placent
généralement après les autres pronoms, mais on les met aussi
avec élégance avant : ve le donerò, le vi donerò, rendervelo,
renderlovi, poterlasi, mostrerolti, dalmi
(c.-à-d. me lo dà
Par
. 24, 134), faccialevisi. Ne (en) est toujours placé en
433dernier, mais il précède loro : datemene, andarsene, datene
loro ; ci
(ici) se place devant si, et vi (là) devant ti, mais après
mi : ci si lavora, dormiviti, mi vi conosce.

Espagnol. — Cette langue est d'accord avec l'italien sur
presque tous les points. 1) Les pronoms qui suivent le verbe sont
traités comme enclitiques ; nous avons déjà montré au livre de la
flexion l'influence qu'ils exercent dans ce cas sur la forme du
verbe. — 2) Les pronoms conjonctifs précèdent ou suivent l'indicatif
et le subjonctif, ils se placent en premier lieu surtout
lorsque le sujet se trouve avant le verbe : se mostraba, os persigue,
llevaronla, aconsejaronnos, Dios lo quiere
(non pas
Dios quierelo). Ils précèdent toujours le subjonctif prohibitif :
no me digas mas ; et suivent les autres modes : mostradme,
sosegaos, hallarse, viendome, vencidole
 ; cependant un nom
placé avant le verbe peut les attirer à lui : todos os sentad. Dans
l'ancienne langue il n'est pas rare de les trouver préposés à tous
ces modes ; dans le Cid par ex. : non saben que se far 1164 ;
dans les Cast. de D. S. : para la servir, de lo quitar ; dans
le Conde Lucanor : a me facer, non se faciendo ; dans Santillana :
por le injuriar, de lo hacer ; dans des chartes du
XIIIe et du XIVe s. : de les prender, de les facer ; dans d'anciennes
romances : de le alcançar, de la nombrar, en la
mirar
. Des écrivains construisent de même ces pronoms avec
l'impératif : me dad licencia, atento me escucha. — 3) Quand
la phrase contient un infinitif dépendant du verbe principal les
pronoms peuvent s'attacher comme enclitiques à l'infinitif ou se
placer devant l'autre verbe : pudo oirlas, las pudo oir ; mais
on ne dit pas bien pudolas oir ; fué á ponerse, se fué á poner,
decirse suele
. Si la phrase contient deux infinitifs, ils peuvent
s'attacher soit au premier, soit au second : sin poderme remediar,
sin poder quexarme
, mais en v.espagnol de la non
poder sofrir Cal. è D
. Le participe les renvoie au verbe
auxiliaire, bien que Cervantes ait dit aussi habia mezcladose
DQuix
. 2, 11, habiendo sosegadose Nov. 6. — 4) En ce qui
concerne la place respective de ces pronoms lorsqu'ils se rencontrent
dans une même phrase — auquel cas se remplace le,
les
(voy.t. II, p. 83) — la règle générale veut que le datif prenne
le pas sur l'accusatif, par ex. me lo ha dicho, traiganmele, se
lo daban, por encomendartela, darosla, si no nos lo mienta,
entregarnoslos
. Cependant l'accusatif se précède aussi les autres
pronoms et te se place avant me : imprimirsele, se nos muestra,
rindeteme
.434

Portugais. — Cette langue ne se comporte pas tout-à-fait
comme l'espagnol. 1) L'apostrophe n'est usitée que par certains
écrivains : m'alegro pour me alegro etc. On unit les enclitiques
au verbe par un trait d'union : fazei-lhe, chamo-o, trazião-na,
casar-se
 ; on emploie même parfois le trait d'union entre
deux pronoms conjonctifs : no-lo, vo-lo. Les modifications de
forme que le pronom enclitique subit lui-même ou qu'il fait
éprouver au verbe sont importantes, voy. t. II, p. 85, 172 ; nulle
part les deux mots ne s'unissent aussi intimement qu'ici. — 2) Avec
l'indicatif et le subjonctif on procède comme en espagnol : me
disse
et disse-me, se embarcou et embarcou-se, os animarão
et animarão-os, as amais et amai-las. Avec l'impératif et le
gérondif les pronoms deviennent enclitiques : poem-me, dai-me,
valendo-se, exhortando-os
 ; ils précèdent parfois aussi le
premier mode : me ensina, nos conta. On les place indifféremment
avant ou après l'infinitif : de perdê-la, para resolvê-la,
para disporse, para se distinguir, para lhe herdarmos,
a se lograr, em nos dar, sem lhe valer
, par conséquent
comme en v.espagnol. — 3) Lorsque la phrase contient un
infinitif et un participe outre le verbe principal, la règle est la
même qu'en espagnol. — 4) Quand deux pronoms se rencontrent,
le datif a aussi le pas sur l'accusatif : vendeo-mo, tomando-lha ;
mais l'accusatif se se place en premier lieu : se lhe apresenta,
converte-se-me, imputando-se-me
.

Provençal. — 1) Ici est appliqué le principe, qui s'étendait autrefois
à tous les dialectes romans, en vertu duquel les pronoms
conjonctiis (et ne) peuvent rejeter leur voyelle, même devant des
consonnes, en s'agglutinant au verbe ou au mot qui les précède
immédiatement : farau partir, nom recre, sit volias, nos pot
partir
, voy. t. II, p. 89 1143. — 2) L'indicatif et le subjonctif s'en font
plus souvent précéder que suivre : s'eschai, li dei, la troba,
los auretz, quels
(que los) volretz, en plora, hi agues, respos
me, faram jauzir, enqueron m'en, fassan, batrial, es se
meravilhatz, son s'en intratz
. On les place presque sans
exception après l'impératif positif et avant l'impératif négatif :
faitz o, aconselhatz mi, fenhetz vos, lo gart, tu lo li tol,
vos o aujatz, aram digatz, me perdonatz
et perdonatz me
Choix
III, 410 ; nous (no vos) fassatz, no m'o vulhatz celar.
On les prépose au gérondif et à l'infinitif ; des exceptions telles que
435pot escusar se GO. 317, de vezer lo Choix V, 80 sont du
moins rares ; en vaudois au contraire cette tournure est tout-àfait
admise (gardant se, venjar se). — 3) On est libre de rattacher
les pronoms au verbe principal ou à l'infinitif : me fai falhir,
se cuia calfar, deu s'esbaudir, deu m'esser, se vol faire auzir
.
4) Ici encore le datif se place avant l'accusatif : tenc m'o
(moi le), faria l'o (lui le), us o cossentia, lim defen-, cependant
les accusatifs lo, la, los, las prennent plus volontiers la première
place : lam tuelha, los lor donet. Ne ou en suit les autres
pronoms : s'en va, se n'irais, me n'es escazuts, nous en
creiran, tornatz vos ne
.

Français. — La grammaire a réglé de la manière la plus
rigoureuse la construction de ces petits mots. 1) Devant des
voyelles on apostrophe l'e ou l'a, mais les enclitiques sont unis
au verbe par un trait d'union à moins que le pronom ne soit
attiré par le mot suivant : je l'ai, donnez-nous, donne m'en.
2) Les pronoms précèdent tous les modes : il me donne, elle te
connaît, on nous suit, il leur conseille, se soucier, se voyant,
y songeant
1144 ; ils ne suivent que l'impératif positif : voyez-la,
tournez-vous, donnez-leur, regardez-moi, corrige-toi,
parlez-en, songez-y
, avec l'impératif négatif : ne le croyez
pas, ne lui dites rien
 ; mais chez les anciens on trouve aussi
sans négation te tien, te toi, i venez etc. On peut citer la phrase
bien connue d'une litanie : tu lo juva = toi, aide-le. Dans le
cas où plusieurs impératifs sont unis par et ou par ou le pronom
peut se placer devant le second : du moins contente-toi de
l'avoir étonnée et me laisse achever cette grande journée

Corn. Hor. ; finissons et me dites Mol. l'Avare. Quand le singulier
de ce mode se termine par une voyelle et qu'il est placé devant
en et y, on le munit d'une s euphonique comme dans vas-y,
donnes-y, vas-en, donnes-en
(tome II, p. 231) ; mais si ces mots
se construisent avec le verbe qui suit, l's n'est pas ajoutée : va y
mettre ordre, va en porter la nouvelle
. — 3) Lorsque le
verbe principal a sous sa dépendance un infinitif, les pronoms se
placent le plus souvent devant l'infinitif : je ne puis te prêter,
j'ose les approuver, il doit se taire, il est allé lui parler
,
mais aussi je le fais venir, je le laisse parler, je la veux
rendre, je l'ose dire, il vous vient écouter, il lui est allé
436parler
. Si l'infinitif dépend d'un temps périphrastique qui a pour
auxiliaire avoir, il attire les pronoms ; seuls les participes fait,
laissé, vu
et oui les renvoient au verbe auxiliaire, par ex. on
n'a pu me trouver, je l'ai fait venir, je l'ai laissé sortir, je
l'ai vu partir, je l'ai oui dire
. Quand la proposition contient
deux infinitifs, les pronoms précèdent le premier. Des exceptions
à cette règle se rencontrent de temps en temps. — 4) Les pronoms
au datif se placent devant l'accusatif, à l'exception de lui
et leur : il me le donne, il nous l'envoya, on le lui reproche,
il le leur a prêté
1145. En et y se placent après les autres pronoms,
mais devant moi et toi : il m'en a parlé, il s'en est allé, je lui
en donne, je l'y ferai consentir, donne m'en, va t'en, rendez-vous
y, conduisez-nous y, transportes-y-toi
. Quand y
et en se trouvent en présence, c'est y qui vient en premier lieu :
j'y en ai mis. — L'ancienne langue était aussi libre que le provençal
en ce qui touche la place de ces pronoms. Voici quelques
exemples qui le feront voir. Avec l'indicatif et le subjonctif : voit
le li dus, enpoint le bien
 ; avec l'impératif positif : vus haitez,
lui servez, puis t'en va, or me dites, le congié me donés
 ;
avec l'infinitif : pur destruire la LRs. 218, pur rachater le
ibid. 145, por tenir la Brut. I, p. 153, pur oïr i le grant
servise Trist
. II, p. 25, vueil aler m'en (ital. andarmene)
TFr. : 444 ; ce traitement du pronom en enclitique est à la vérité
fort rare. L'accusatif le, la précède le datif dans : il le me dunad,
la me delivra, je la te communique, je le vous otri
(cet
exemple est très-fréquent).

Valaque. — Unis au verbe auxiliaire, les pronoms en question
sont traités comme proclitiques, ils perdent donc leur voyelle :
m'am ou mam (mę am), v' am (vę am), v' atzi, mais mi am,
mi ai, te am, le au
. Lorsque mi, tzi, śi, lu s'unissent comme
enclitiques au verbe ou à un mot qui le précède, leur voyelle finale
ne se prononce pas, comme en provençal, alors même qu'on
l'écrit, par ex. dęmi (da mihi), nutzi (non tibi), fiutzi este
acest
(filius tibi est hic), nul (non illum), ś'il (et illum) ; le
datif est alors réduit à un simple i : sęi (ut illi), śii (et illi), dęi
(da illi). En s'appuyant au verbe ils font revivre l'u de flexion
(pr. cųnt[u], cųntęm[u], gér. cųntųnd[u], part. cųntat[u], etc.)
comme dans muncescumę (ou en séparant muncescu mę). D'ailleurs
437la place qu'ils occupent dans la phrase est presque la même
qu'en italien, toutefois ils peuvent aussi se placer devant l'infinitif.
Ex. se chiamę (ital. si chiama), eu il bat (io il batto), vedul eu
(vedol io), contenitzivę (contenetevi), placętzi (piacciati),
dirigųndule (dirigendole), lęudatulu (lodatolo), sųntem
datori a i onorà
(siamo tenuti d'onorargli), mil dede (mel
diede
), mi se pare, eu tzi am crezut.

3. La construction interrogative n'amène aucun changement
dans l'ordre des pronoms conjonctifs : le sujet prend place après
le verbe, et dans l'interrogation négative non conserve sa place
habituelle. Ital. sallo mio fratello ? non Io sa mio fratello ?
me lo avete detto ? non me lo avete detto ?
Esp. lo quiere tu
padre ? no lo quiere tu padre ?
Franç. le lui avez-vous dit ?
ne le lui avez-vous pas dit ? nous y mènerez-vous ? ne nous
y mènerez-vous pas ?

III. Ordre des propositions.

L'inversion des membres de la proposition composée, dont le
but est généralement de mettre en relief l'un d'entre eux, s'opère
ici comme ailleurs. Dans certaines catégories de cette proposition
l'ordre inverse est même le plus usité. Il y a lieu cependant
d'appeler ici aussi l'attention sur quelques traits que les langues
filles ont en commun avec le latin. Mais avant tout nous devons
parler de la place des mots qui servent à relier les membres de
la proposition composée. Les conjonctions propres se placent
en tête de la phrase ; mais, de même qu'en latin, on les met parfois
avec élégance après un autre membre de phrase et toujours après
le relatif. Ital. par ex. da questa tema acciocchè tu ti solve,
dirotti Inf
. 2, 49 ; questo se 'l ti piace, io il ti prometto Dec.
5, 5 ; alle qua' poi se tu vorrai salire, anima fia Inf. 1, 121 ;
il che come egli ebbe udito, così si ricordò Dec. Il en est de
même aussi parfois en espagnol : lo qual si es verdad, no
debemos
etc. S. Prov. 280 ; lo qual el rey como lo sintió,
desnudó su habito
ibid, 38. Prov. bar si noirisca cri, anta
es a lui
(vir si comam nutriat etc.) GO. 79a ; de mon senhor
sitot fan grans lo brutz Choix
IV, 221. Franç. dans le
vulgaire obscur si le sort l'a placé
Rac. Athal. L'inversion
du relatif est très-rare en dehors du cas où il est sous la
dépendance d'un substantif (p. 415). L'ancienne période des langues
est peut-être seule à en fournir des exemples. Ital. figliuola
che fu di messer N.
(filia quae fuit) Malesp. c. 51 (souvent),
438on trouve même viv'onde chez d'anciens poètes pour onde vivo.
Prov. tuit omne de sapiencia qui commencen razo Boèce
234 ; la comtessa, molher que fo del comte Choix V, 173.

1. L'intercalation d'une proposition secondaire adverbiale
dans la proposition principale
est un arrangement fort
usité et qui se rattache à l'inversion des conjonctions dont nous
venons de parler. On dit ainsi ital. questo, poichè conceduto
non è, non farò io
 ; prov. amicx, quan se vol partir de si
dons, fai gran enfansa
etc. Même une proposition relative
peut se glisser entre deux noms dont l'un sert d'épithète à l'autre,
ce qui ne saurait étonner en présence de la facilité avec laquelle
les substantifs se séparent des adjectifs. Ital. un boschetto, il
quale era in quella contrada, bellissimo
. Esp. con estas
que daba, al parecer justas escusas DQuix
. 1, 12 ; las, que
senti, passiones CGen
. 242 : port.os duros casos, que Adamastor
contou, futuros Lus
. 5, 60 ; Prov. los mals, qu'ai
traitz, durs e cozens Choix
III, 453. Dans certains de ces
passages on peut admettre tout aussi bien une attraction (p. 347).
L'entrelacement est plus hardi quand un substantif de la proposition
principale s'introduit dans la proposition relative. Ital.
quel che in altrui pena tempo si spende (quel tempo che) P.
Cz. 16, 7 ; a quei che sono alti principi orditi Ger. 1, 27.
Esp. los que vertió propicios dones naturaleza (los pr. don.
q. v. nat.
) Flor. éd. Wolf II, 159 ; do son las que el viento
enseñas vanas desplegó ondeantes ? ibid. 228. Enfin la proposition
comparative dépendante admet aussi dans la plupart
des cas une semblable intercalation : ital. più ch'io non credeva
è bella
 ; et cela très-facilement quand elle n'a pas de verbe
propre : più che'l sole chiaro (comp. chiaro più che'l sole,
voy. plus haut p. 423) ; esp. mas que la llama ardientes ; fr.
plus qu'autre profonde Mar. ; de m. ital. non hai del viso
il cor men bello ; chi ha di me più stato ?
prov. tant com
d'argent val mais aurs LE
. II. 445b ; v.franç. il est de vous
ainsnez
(plus âgé que) FC. III, 470 ; voy. des exemples espagnols
à la p. 367.

2. Intercalation de la proposition principale dans la
proposition secondaire
. Cette sorte d'inversion a lieu lorsque certains
membres de la seconde de ces propositions, sur lesquels on
veut insister, sont préposés à la première ; elle est admise même
dans la prose et se présente surtout dans les constructions
formées au moyen de la conjonction che. Ital. tal modo parve
a me che quivi fosse Par
. 21, 40 ; questi mercati giudico io
439che fossero la cagione
Mach. Esp. tú que cobarde has nacido,
es bien que mudanza esperes
Gald. I, 77b ; los forzados del
rey quiere que le dexemos DQuix
. I, 22 ; mala sobrevienta
sabed que les cuntió PC
. 2291 ; los arboles parece que se
inclinan
Garc. Egl. 1 ; esta osadia teme que no es cierta
Egl
. 2 ; port.vos bem sei que suspirais GVic. II, 35 ; este
quiz o ceo justo que floreça Lus
. 3, 20 ; Henrique dizem
que Portugal houve em sorte
3, 25. Prov. cosselh m'es ops
qu'ieu en prenda Choix
III, 332 ; mos bels miraills voill
quem lais
141 ; tan gent cors no cre qu'el mon se mire 73 ;
ma chansos prec que nous sia enois V, 35. Frànç. la plus
belle des deux je crois que ce soit l'autre
Corn. Les exemples
provençaux montrent que le nom placé en tête ne dépend pas du
verbe de la proposition principale. Cet entrecroisement des deux
propositions est parfois adouci par l'omission de la conjonction,
comme dans ital. in dee non credev'io (che) regnasse morte ;
voy. plus haut p. 313. On prépose de la même manière à la
proposition principale des fragments de la proposition interrogative
ou relative : ital. mio padre e mio fratello dimmi ove
sono ?
esp. la fama de mi belleza pocas lenguas hay que no
la publiquen
.440

Appendice.
Chute des voyelles.

Pour restreindre la rencontre de voyelles atones finales et
initiales on laisse souvent tomber les premières, et rarement les
secondes ; le sentiment rhythmique peut demander cette abréviation
du mot même devant des consonnes. Mais les langues
romanes ne s'accordent pas du tout entre elles sur ce point.
L'abréviation des éléments grammaticaux, c'est-à-dire des particules
casuelles, de l'article, de certains pronoms, prépositions et
conjonctions a été en bonne partie traitée au livre de la flexion,
mais nous ne pouvons la passer sous silence dans l'aperçu
qui suit. La chute de certaines voyelles dans l'intérieur des mots
regarde la métrique.

I. L'italien, dont presque tous les mots se terminent par des
voyelles, s'est aussi réservé le droit de supprimer à son gré ces
voyelles dans certaines circonstances, bien que cette langue n'ait
aucune aversion pour la rencontre des voyelles. Les grammairiens
donnent à ce sujet des règles détaillées auxquelles nous
empruntons ce qui suit. Le signe de l'apostrophe se met à la
place de la voyelle finale dans tous les cas où cette voyelle placée
devant des consonnes ne pourrait pas tomber : on écrit par ex.
com'erano, parce qu'on ne dit pas com furono.

1. Après une muette toute voyelle peut en général tomber
devant une voyelle initiale ; sa place est occupée par une
apostrophe, par ex. tropp'ardito, ebb'assai, vengh'ella (h
a été intercalée pour conserver au g sa valeur), fresch'erba (il
en est de même ici), second'ordine, grand'uomini, quest'
obbligo, cent'altri, fors'anche, dic'egli
.441

2. Après une liquide les voyelles e, i, o tombent devant les
voyelles et devant les consonnes à l'exception d's impure.
L'apostrophe est exclue ici dans les deux cas : tal altro, vuol
essere, la qual sentenza, suol dire, abbiam avuto, uom
felice, abbiam parlato, buon amico, man manca, aver uno,
maggior dolore
. La voyelle a ne s'élide que devant une voyelle
initiale et alors on emploie l'apostrophe : buon'anima, un'
idea
 ; devant des consonnes elle ne tombe que dans l'adverbe ora
et ses composés, et dans suora (sœur en religion) : or sai, ancor
bello, talor dice, suor Francesca, suor Angela
. — Mais il y
a quelques remarques à faire sur la règle qui s'applique aux
liquides devant des consonnes : 1) L'abréviation des mots en m
est la plus restreinte. Elle n'est admise que pour le substantif
uomo et pour la première personne du pluriel lorsque la voyelle
qui précède immédiatement l'm est accentuée : ainsi sarém
lodati
, non pas avéssim lodati. Les anciens disaient aussi com
pour come devant des consonnes. — 2) Les noms en l, n, r
abrègent le singulier, mais non le pluriel ; on écrit pali rotondi,
pene gravi, are sacre
. Les poètes se permettent l'apocope de l'i :
i cavalier, i giovenil furori
. — 3) La Ire et la 2e pers. sing. du
présent ne s'abrègent pas, à l'exception de son pour sono. — 4)
Les groupes de consonnes ll, nn, rr laissent tomber la seconde
consonne en même temps que la voyelle, et à ce propos il faut
observer : a) Parmi les noms il n'y a guère que ceux de trois syllabes
et plus qui admettent cette abréviation, et au singulier seulement,
comme caval, fratel, fanciul ; au sujet de bel et quel
voy. t. II, p. 61, 81. b) Puis certains verbes à la 3e pers. pl. comme
han, fan, ameran, den, plus souvent chez les poètes, c) Des
infinitifs : trar, condur. Lorsque l'élision a lieu devant des
voyelles, on écrit l'apostrophe : bell'uomo, vedrann'ogni cosa.

3. Après une voyelle l'i peut tomber devant des consonnes
dans diverses circonstances : cette voyelle est alors remplacée
par l'apostrophe. Cette suppression affecte surtout des formes
verbales : se' savio, puo' vedere, sare' felice : des combinaisons
avec l'article, a', de', da', co', su' etc. ; la voyelle o du
pronom io dans la poésie : i' piansi, i' mi vivea.

4. Beaucoup de mots, surtout des verbes, perdent en poésie,
parfois aussi en prose, leur dernière syllabe tout entière, par
ex. cre' (credo), fe' (feci), ve' (vedi), die' (diedi), vuo' (vuoli),
te' (tieni), e' (egli), cape' (capelli), be' (belli). Cette suppression
a proprement commencé par la chute des consonnes (creo, fei etc.)
qui a entraîné celle des voyelles. Cette apocope est encore plus
442forte dans des formes comme vo' (voglio), me' (meglio et
mezzo), po' (poco), san (santo), gran (grande, voy. t. II,
p. 61), fra (pour frate, frère en religion) devant des noms propres :
fra Dominico.

5. Certains monosyllabes peuvent être apostrophés ; ainsi la
particule di, les articles lo et la, les pronoms mi, ti, si, gli (ce
dernier seulement devant i), li, lo, la, le (comme acc. plur., non
pas comme dat. pl.), ci (devant i et e), vi, ne, mais non pas les
formes accentuées me, te, se ; ensuite che comme pronom (pas
interrogatif) et particule (devant h on écrit c' par ex. c'hanno,
sans doute aussi c'aveva), che comme particule aussi dans les
composés : perch'io, acciocch'egli ; enfin se (si) : s'al principio,
s'io credessi
. Plusieurs monosyllabes échappent à l'élision
en s'adjoignant un d : ainsi ad, ed, od, ned, ched, sed
(pour se si), mad (ma mais) ; ces formes sont en partie
vieillies.

6. L'i initial tombe seulement lorsqu'il est atone devant l ou
n, chez d'anciens auteurs, aussi devant m : sotto'l cielo,
lo'nferno, lo'mperadore
.

II. Contrairement à l'italien la langue espagnole n'admet pas
la chute des voyelles, aussi ne se sert-elle jamais de l'apostrophe.
Seul de se fond, par élision, avec quelques pronoms en un seul
mot : dél, dese, desto. En outre divers adjectifs peuvent perdre
leur o final (parfois aussi l'a féminin), ainsi bueno, malo, primero,
tercero, postrero, postrimero, alguno, ninguno
 ;
santo et ciento perdent la dernière syllabe, comp. t. II, p. 62.
On abrège aussi le substantif mano dans quelques combinaisons,
comme man salva, man derecha. Les mots esotro et estotro
(eso otro, esto otro) sont traités comme des composés. — En
v.espagnol l'élision des voyelles était assez usitée dans certains
cas : on écrivait d'arena, d'otros, l'ignorante, m'olvidasse,
m'ha, l'era
(le era), l'an (le han), mirandos (mirandoos),
est'año, qué (qué he), qu'embió, sobr'ella, de même com
(como) devant des consonnes. Sur diverses combinaisons des
prépositions voy. t. II, p. 28 ; et sur l'abréviation du pronom personnel
devant des consonnes (ibid. 83), etc.

III. Le portugais fait à l'élision une place un peu plus grande
que l'espagnol. Il élide parfois l'a : hum'hora ; minh'alma ;
parfois aussi e dans de : d'alegria, d'alem, desse, deste. Sur
les adjectifs santo, grande, cento, voy. t. II, p. 63 ; sur les pronoms
personnels p. 85, 86. L'ancienne langue élidait avec une
grande liberté.443

IV. Le provençal élide librement l'a et l'e atones : sec' aire,
fals' amor, ir' e dolor, vostr' esperansa, domn' amada,
cortez' esmenda, si' amatz, paubr' enrequitz, an' ad autre,
estr' emperaire
. Pour ce qui concerne en particulier les monosyllabes,
la particule casuelle de et l'article lo s'apocopent toujours
devant des voyelles, la généralement, lo aussi devant des consonnes
et il s'attache alors au mot précédent : portal chan, pl.
portals chans (proprem. porta l's pour porta los) ; voy. t. II,
p. 32, 33 ; cette combinaison s'opère aussi là où le sens exige un
temps d'arrêt entre les deux mots, par ex. domnal fin cor pour
domna, lo fin cor ; et le pronom enclitique peut même être
séparé par la fin du vers du mot auquel il s'applique sans
renoncer pour cela à se combiner avec le mot suivant, de telle
sorte qu'il ne compte pas pour une syllabe, voy. t. II, p. 32, n. 1.
Les pronoms mi, ti, si (ou me, te, se), li, lo, la et ne s'apocopent
généralement devant des voyelles ; ces mêmes pronoms
ainsi que nos, vos, los sont traités comme enclitiques devant des
consonnes, voy. t. II, p. 89, 90 1146. Sur les formes possessives ma
ta, sa
voy. t. II, p. 92. Il faut remarquer en ce qui concerne les
particules que no résiste à l'enclise, qui causerait une confusion
avec n' de inde ; pourtant on en trouve des exemples, comme
dans ja n'er credutz Choix V, 7 ; n'ert Geist. Lied. num. 4,
13 ; les patois la favorisent : à côté de acou noun mi fa ren on
trouve n'a ren adu (franç. il n'a rien apporté). Ni aussi
maintient sa voyelle. Il n'en est pas de même de si (si), qui est
traité comme l'ital. se. Que l'est comme l'ital. che. Il ne manque
pas d'exemples de l'aphérèse ; qui's (qui es), si fe ʼnvolopar,
la ʼspasa
.

V. Comme en français la seule voyelle finale atone (e) est
presque partout muette, l'élision n'a pas de raison d'être. Parmi
les polysyllabes quelque, jusque et entre s'apostrophent dans
certaines combinaisons : quelqu'autre, jusqu'à, jusqu'aujourd'hui,
entr'eux, entr'autres
etc. C'est ce qui a lieu généralement
devant des voyelles ou l'h muette pour plusieurs monosyllabes,
ainsi la particule casuelle de, les articles le, la ; les pronoms personnels
444me, te, se, le, la (mais pas après l'impératif : menez-la
à Paris
) et je, ce, ne, que, la particule si, mais seulement devant
il et ils. Le nom de nombre onze présente cette particularité que
son initiale tolère l'hiatus : de onze enfants, le onze du mois
(de là les onze avec s muet) ; de même aussi l'onzième à côté de
le (la) onzième ; on dit encore le oui, et non l'oui. L'initiale dans
huit, huitième, huitaine est traitée comme une consonne, de là
le huit etc. Sur grand' pour grande voy. t. II, p. 70 ; on trouve
encor pour encore en poésie. — Le v.français était plus libre :
si (si) et ne (ni) par exemple peuvent s'élider partout : s'aucun
vient, s'ainsi est, n'onques vi
 ; même le si copulatif (lat.
sic, voy. p. 372) subit parfois cet accident : e s'estes mult
vassaus
Ben. I, p. 148o. On trouve de même l'uitisme, mais
aussi li unzimes. Il faut remarquer l'aiguisement des voyelles
finales, comme dans qu'importé-il ? suffirá-il, jé irai, jé en
sai une, jé onques
(à côté de j'onques), que il ne s'en sovient.445

11. En ce qui concerne le dernier de ces mots il faut remarquer qu'en
provençal et en vieux français la forme plurielle des cas obliques amors
s'est mêlée au singulier, en sorte qu'elle est devenue synonyme de
amor (l'amour, le dieu de l'amour). Il est vrai que Matfre Ermengaud
a intitulé son ouvrage lo breviari d'amor et non d'amors, mais Molinier
nomme le sien las leys d'amors et non d'amor ; d'autres auteurs ont
écrit par amors (par amour), segon amors (selon l'amour), des poètes
français ont dit la chasse d'amours, li jeu d'amours, sospris d'amours.
Voici encore à ce sujet une petite remarque : le Vocabularius S. Galli
latin-allemand (XVIIIe siècle) traduit déjà l'adverbe allemand gernlîho par
l'expression ex amurs, dont le second mot, à cause de l'u et de l's, doit
être emprunté littéralement au français.

21. Les grammairiens du XIIIe siècle déjà admettent en provençal
l'existence d'un adjectif neutre. Ainsi Uc Faidit parle d'adjectius, quan son
pausat senes substantiu, si cum mal m'es, greu m'es, fer m'es, estranh m'es
qu'el aia dit mal de me GProv
. p. 6 ; Raimon Vidal remarque : pot hom
abreujar
(c.-à-d. supprimer l's de flexion) per rason del neutri el (c.-à-d.
en lo) nominatiu el vocatiu singular, aisi com qui volia dir : bon m'es car
m'aves onrat ; mal m'es car m'aves tengut ; bel es aiso
ibid. p. 73. Raynouard,
dans sa grammaire du moins, ne sait rien d'un neutre : dans bel m'es,
greu m'es
il ne voit pas autre chose qu'un emploi impersonnel de l'adjectif.
Mais que dire de tot ais quant es avinen ? Le triple genre de l'adjectif
provençal a sans doute été reconnu pour la première fois dans la
Poésie der Troubadours p. 299, car à cette époque les anciens textes
grammaticaux étaient encore inédits.

31. Mussafia observe à ce propos : « La minima parte non corrisponde
perfettamente a l'ottimo parlatore ; questo è, como lo dicono, superlativo
assoluto (le très-bon parleur), quello è relativo » (non pas la très-petite
partie
, mais la plus petite partie).

41. En allemand aussi on entend dire quelquefois eine rechte schœne
Geschichte, ein rechtes liebes Kind, ein ganzer guter Mann, ein ganzes leeres
Glas
pour recht, ganz. Les langues se rencontrent souvent dans leurs
procédés ; en v.franç. de même l'adverbe tout est échangé contre l'adjectif
tout : on dit tous petis pour tout petits.

51. La différence entre second et deuxième consiste en ce que ce dernier
n'est pas employé pour clore une série : Machabées, livre second (et non
deuxième), mais livre second ou deuxième des Rois.

62. Une forme provençale pour les multiplicatifs est per un dos (deux
fois), per un tres (trois fois), voy. LR. s. v. cen ; comp. ital. per un cento
PPS
. I, 193.

71. Pour un nombre indéterminé plus petit l'italien, ainsi que l'observe
Mussafia, se sert de quattro : venite a far quattro passi ; ho da dirvi quattro
parole ; con quattro lagrimette lo sedusse
.

81. Si l'on compare au point de vue de la statistique de l'article l'évangile
de saint Marc, ch. 1, v. 1-9, voici le résultat auquel on arrive :
tandis qu'en grec il y a 22 exemples, le gothique n'en offre aucun ;
le v.h.allemand et le français ont le même chiffre de 19.

91. Bel aussi est en quelque sorte destiné à annoncer par lui-même le
vocatif, auquel cas il signifie proprement « cher » ou répond au possessif
latin : bel fiz = fili mi LRois 190 ; bels sires = mi domine 193 ; prov. bel
companho Choix
III, 313.

101. Sur la raison qui a fait appliquer l'article aux noms de femmes, voy.
Galvani dans l'Arch. stor. ital. XIV, 359.

112. Emmanuel Bekker a montré dans les dernières pages qu'il ait consacrées
à des questions romanes que l'l dans dameldiex ne doit pas être
regardé comme un article, mais bien comme une lettre dérivée de n
(Monatsberichte der berl. Akad. 1866, p. 331).

121. Il faut observer qu'avec le verbe nommer l'ancienne langue emploie
volontiers l'article : ital. che ha nome la pantera PPS. I, 190 ; esp. á esta
llaman la floresta SRom
. 63 ; v.fr. si ot non (nom) li quens Pavien Ruteb.
II, 209 ; il avoit nom le seigneur de Contay Com. 345 ; m'apelle on un
levrier
 ; gr. καλεῖται τὸ ὄνομα αὐτοῦ ὁ λόγος ; φωνεῖτέ με ὁ διδάσκαλος N. Test. ;
m.h.all. man hiez in der Bâruc ; ich heize ein ritter.

131. Est-ce là un trait emprunté à l'ancien allemand ? Otfried et le
Ludwigslied disent tout aussi facilement sans article Frankon, Northman,
Kriachi
.

142. Déclinaison du substantif avec l'adjectif : a) Masculin.

tableau dulcele pom | a dulcelui pom | dulcelui pom | pre dulcele pom | dulce(le) pom | dulcii pomi | a dulcilor pomi | dulcilor pomi | pre dulcii pomi | dulci(lor) pomi | Sing. N. pomul dulce | G. a pomului dulce | D. pomului dulce | A. pre pomul dulce | V. pomule dulce | Plur. N. pomii dulci | G. a pomilor dulci | D. pomilor dulci | A. pre pomilor dulci | V. pomilor dulci

b) Le féminin a cela de particulier qu'au génitif et au datif singulier
le second nom met e pour ę.

tableau Sing. N. pęnura albę | G. a pęnurei albe | D. pęnurei albe | A. pre pęnura albę | V. pęnurę albę | Plur. N. pęnurile albe | G. a pęnurilor albe | D. pęnurilor albe | A. pre pęnurile albe | V. pęnuri(lor) albe | alba pęnurę | a albei pęnure | albei pęnure | pre alba pęnurę | albę pęnurę | albele pęnuri | a albelor pęnuri | albelor pęnuri | pre albele pęnuri

151. En v.espagnol quelquefois todo los hombres etc., selon la pratique du
langage familier qui ne fait pas sonner l's dans ce mot devant los, las.
On a aussi en v.port. todolos pour todos os.

161. La nature de cet e est très-hypothétique. Compris comme copule
(omnes et très) il n'aurait aucun sens et cette acception ne s'appuierait
sur l'usage d'aucune autre langue. Salviati (voy. Blanc 233) le regarde
comme une abréviation de cioè (omnes, id est tres) : ce serait l'abréviation
d'une locution bien lourde. L'expression tutti e tre renvoie à un
nombre déjà connu et est en quelque sorte la continuation de ambo qui
signifie tutti e due ; e pourrait donc avoir un sens démonstratif et à cette
idée répond l'opinion de Blanc l. c. qui y voit une forme de l'article
qu'on retrouve dans l'ancienne langue pour i. Mais il y aurait lieu de
se demander pourquoi l'on ne dit pas aussi bien tutti e cavalli, outre que
l'e dans cette locution (ce qui d'ailleurs n'a pas échappé à Blanc) remplace
aussi le féminin le. Enfin pour tutti e tre les anciens disaient déjà
souvent tutti a tre, tuttatre, ce qui rappelle la formule espagnole toute
semblable ambos á dos. Cet a est-il l'expression primitive, et quel sens
la préposition pouvait-elle avoir ici ?

171. H. Étienne, Traicté de la conformité du lang. fr. avec le grec p. 4
(1569), compare à ce propos le franç. manger du pain avec le grec φαγεῖν
τοῦ ἄρτου, manger le pain avec φαγεῖν τὸν ἄρτον, manger pain avec φαγεῖν
ἄρτον.

182. Pourquoi l'adjectif n'admet-il pas l'article ? Peut-être parce que
dans les cas dont il s'agit l'article se rapporte à un total dont on retire
une partie, boire du vin c'est « prendre pour boisson le vin ». L'adjectif,
en vertu de la propriété qu'il a d'individualiser, supprime cette idée de
totalité : boire de bon vin c'est « boire un bon vin (d'une bonne espèce) ».
L'adjectif, lorsqu'il suit, ne contrarie pas l'article, car alors il n'individualise
que postérieurement, comme apposition : j'ai bu du vin rouge,
du vin qui est rouge
. En m.h.allemand on trouve les deux procédés : ich
trinke des guoten wînes ; ich trinke guotes wînes
.

191. « Ha della tenerezza, dello spirito. Neologismi, che fanno contra al
genio della lingua. Parlare a degli sciocchi si trova, ma è assolutamente
da fuggire (Mussafia). »

201. Tobler a montré comment le pronom féminin est généralement
employé dans le sens d'un neutre (Jahrbuch VIII, 338 et dans ses Mittheilungen
I, 270, aussi dans le Dis dou vrai aniel p. 22) par les exemples
suivants : il en ra une doné tel ; li a tele donnée (pr. a'n donat a Jaufre
tal…a'l tal colp donat LRom. I, 153) ; puis ja altre n'en ferons ; ceste
m'a il bastie ; ital. di sorta glien' ho data una. On est sans doute convenu
d'expliquer d'autres cas par la chute d'un substantif, ce qui est possible
pour l'it. in quella (sc. ora), mais non pas pour in questa Petr. Canz. 17,
à moins qu'on ne veuille suppléer dans ce passage meditazione.

Du reste cet emploi de pronoms féminins dont il vient d'être ici
question rappelle un procédé analogue qui se présente pour divers
adjectifs dont les féminins ont pris la valeur de substantifs indépendants
et dont le sens répond à des neutres latins, féminins à côté
desquels subsiste encore çà et là une forme masculine, c'est-à-dire
neutre. Exemples : ital. esp. prov. alba, franc, aube (proprement la
blancheur du ciel) ; ital. chiara, esp. prov. clara, franc, glaire ; it. grossa,
esp gruesa quelque chose d'épais, un tas ; esp. larga distance ; it. lunga
longueur ; ital. nuova, esp. nueva, prov. pl. novas nouveauté ; it piana,
prov. plana, franc, plaine, esp. llana un outil plat ; ital. piena surabondance ;
v.franç. pure la vérité pure ; ital. secca bas-fond, esp. seca banc
de sable ; ital. stretta étroitesse ; v.franç. voire, esp. pl. veras ce qui est
vrai, vérité.

211. On ne peut sans doute plus contester que Pétrarque Son. 93 ait
écrit ciò che non è lei (d'après d'autres ciò che non è in lei), voy. Blanc
267. Cette leçon a été acceptée aussi par Marsand.

222. Du moins les expressions dont se sont servis D. Diniz : o coraçon,
pode mays ca
mi p. 101, ou Camoens, dans une de ses chansons, porque
sois maior que
mim, semblent être des gallicismes.

233. « Le pronom personnel conjonctif » remarque à ce propos un savant
roumain « est toujours appliqué, même à côté de la forme absolue, de
el mi-a zis et el mi-a zis mie ; eu l'am vezut et eu l'am vezut pre el ».

244. Rarement, dans Jaufre par ex., le prov. lo est aussi employé pour
so = ital. ciò : quant la veg, lom dobla mai mon mal B. Chr. prov. 250, 4.
Voy. Paul Meyer Derniers troub. p. 64.

251. Il ne faut pas voir des accusatifs dans les formes italiennes familières,
mais qui se trouvent aussi chez de bons écrivains, la pour ella,
le
pour elle, par ex. la va così ; se le vi piacciono (le cose). Déjà dans les
PPS. 1, 32 : se c'è fallanza, la è tua.

261. Sur la combinaison provençale lo y, la y comp. cependant tome II,
p. 90 note.

271. Cette confusion n'est pas moins fréquente dans le latin du moyen-âge :
nolui sine consilio vestro, tu autem dixisti Gr. Tur. 5, 19 ; qui timor
tibi in deum sit…omnia quae gloria vestra profert
8, 30 ; ut dignemini
quasi firmo amico tuo Form
. B. I ; tu domine mi rex, audiat me clementia
vestra Esp. sagr
. XXXIV, 474 (ann. 985).

282. Conformément à ce procédé, certaines personnifications sont quelquefois
accompagnées du titre seigneur ou dame. Prov. En et Na :
En Leutatz
(employé comme masc.) LR. I, 413, Na Discordia Poes. der
Troub
. 200 ; v.franç. sire, dame : sire Yver NF. Jub. II, 40, aussi dans
Denier
ibid. 265, dame Envie Ruteb. 1, 81 ; esp. Don, Doña : Don Jueves,
Doña Quaresma
Rz. On connaît le m.h.all. hêr Meie, vrou Minne.

291. Ce n'est qu'en s'adressant à des personnages très-haut placés que
l'inférieur parle à la troisième personne, par ex. Son Excellence veut-elle
que je lui raconte ce qui s'est passé ?

301. L'abréviation est forte, mais elle est certaine. On en trouve la
confirmation clans des formes correspondantes, comme usencia de vuestra
reverencia
, aussi useñoria et même usia de vuestra señoria. Le v initial est
tombé, comme dans os pour vos, mais il s'est conservé dans les formes
catalanes vosté (qui est aussi usité en sarde), vosencia, vosenyoria. La
dérivation du persan-arabe ustâd (maître, seigneur) est dépourvue de
tout fondement.

311. Dans le dialecte du Berry par ex. on dit : c'est soi (lui) qui a dit cela.

321. Peut-être parce qu'ils sont assimilés à des noms propres et qu'ils
n'ont pas besoin d'être individualisés ? En v.h.allemand on dit aussi
bien mîn fater que der mîn fater. Mais le bulgare se comporte comme
l'italien : basta mi (mio padre) sans article, mais kęśtę tę mi (la mia casa)
avec l'article, voy. Miklosich Vergl Gramm. I, 263. — Toutefois Mussafia
remarque à propos de l'exemple cité ci-dessus : « Non loro zio (p. es.
andò), ma il loro. L'articolo s'omette solo quando è predicativo : io sono
loro zio
. »

331. Les variantes de l'Alexandre d'Albéric chest et chel (= ital. questo et
quello), avec une gutturale à l'initiale, que Tobler (Bemerkungen zum
Alexanderlied
Zürich 1857 p. 39) a soumises à une étude attentive, ont
été par hasard omises au tome II, p. 92 de cette grammaire. Voyez
pour plus de détails le mémoire cité.

341. D'anciens poètes l'emploient quelquefois comme adjectif pour questo :
di ciò partimento
Nann. Lett. I, 127 ; a ciò trapassamento PPS. I, 324.

351. L'adverbe sic répété exprime de même une différence dans la
manière d'être : modo sic, modo sic = modo haec, modo illa eveniunt
Pétrone ch. 45 ; all. bald so, bald so ; v.fr. n'einsi, n'einsi (ni de cette
manière, ni d'une autre) Dolop. p. 107.

362. Il en est de même lorsqu'en v.français ne…cel exprime le sens de
nemo : n'i a cele qui ne vousist que etc. Voy. Reiffenberg sur Phil. Mousk.
v. 19227.

371. Malespini emploie souvent le simple chi pour unus et alter (plusieurs) :
chi la chiamava la piazza di S. Cicilia cap. 41.

381. Mussafla remarque à ce propos : « Mérita d'esser notato l'uso d'altro
colla negazione. Comunissime sono dizioni come non voglio altrimenti
che il facciate ; non accettai altrimenti il denaro offertomi
per non voglio
punto, non accettai punto
. Così in Dante Pd. 11, 117 ed al suo corpo non
volle altra bara
per non volle bara di sorte alcuna. »

391. Christianus aussi, pour le dire en passant, était usité comme synonyme
de homo ou persona. Voici quelques exemples : ital. non credo che
al mondo sia cristiana si piena di beltade
G. Guinicelli (Nann. Lett. I, 43) ;
era il più bel cristiano de' suoi tempi ; prov. ancmais non ausi crestians a
nulha ren tan gran dol far Jfr
. 114b ; que cristians ni cristiana anc en
neguna terra vi
ibid. 165a ; al mon non es crestians de lunh aire que sieus
liges non fos Choix
IV, 66 ; v.fr. une des plus beles dames c'onques veist ne
cristiens ne cristiene Chev. au lion
(Romv. 552). Les sens de christianus et
de homo se confondent même dans le roumanche cristiaun.

401. Il est rare qu'on supprime le pronom comme en latin. En italien
on peut dire e chi è dunque ? (quis igitur est ?). Le passage de la Bible
ἐγώ εἰμι, ego sum Joh. 6, 20 etc. est rendu en prov. également par eu so
GO
. 286b ; de même goth. ik im et v.h.all. ih bin.

412. Sur l'it. esso qui, devant le pronom personnel, a tout-à-fait la valeur
d'une particule (con esso meco, sovresso noi), voy. t. II, p. 426.

423. « Quest' ultimo non mi pare che calzi. Qui mezzo non sta come
aggettivo, ma è divenuto sostantivo, o a dir meglio colla prep. in è una
locuzione avverbiale. Sarebbe possibile la costruzione in mezza l'alma,
per mezzi i boschi
 ; ma non è imaginabile p. es. in mezza alla (= della)
fiamma. » (Mussafia.)

431. Dans les chartes il semble qu'on ne la trouve pas avant le commencement
du XIe siècle, par ex. ad illa una matabit (á la una mató) Esp.
sagr
. XXXVI, p. XXIII (ann. 1016) ; decepit ad suo germano (engañó á su
hermano
p. XXXIX (ann. 1032).

441. Une exception sans importance à cette règle est la construction
du verbe enseigner en valaque avec un double accusatif : cine te au
invętzat aceasta ?
(qui t'a enseigné cela ?) ; val. du sud invetzatorlu inveatze
Petrulu gramatichia
(le maître enseigne la grammaire à Pierre).

451. Voici quelques exemples des VIe et VIIe siècles : donamus ad ecclesiam
Bréq. 53d (ann. 558) ; ad matrem concedimus ibid. ; vindedi ad venerabile
fratri Form. Mab
. n. 4 ; ad ipsa congregatione supplico Bréq. 239b
(ann. 662) ; monachi ad monasterium deservientes 240a (ann. 662) ; ad
loca sanctorum indulta Form. M
. 1, 4 ; si quis admissario ad homine
franco furaverit L. Sal
. tit. 62 éd. Schilter (al. franco homini) ; très-souvent
dicere ad, comme déjà dans la Vulg. dixit ad eos, d'après εἷπε πρὸς
αὐτούς. Ce datif est employé sans hésitation à côté de l'ancien, par ex.
medietas ad basilicam et alia medietas monachis proficiat Bréq. 73d (ann.
572) ; ad parentes nostros et nobis 473b (ann. 739) ; feci ei, ad dulcissimo
nepote Form. Mab
. n. 35 ; tibi vel ad tuisque heredis Fumag. 47 (ann. 774) ;
mihi seu et ad filiis meis Tir. 50a (ann. 837). Comp. encore Choix I, 24.
L'abréviation a remonte haut dans le moyen âge ; au tome II, 448, nous
avons cité a liberto dedimus, voici d'autres exemples : a liberta mea dedi
Bréq. 470d (ann. 739) ; a nos perteneat Brun. 461 ; offerimus a tibi Esp. sagr.
XVI, 446 (ann. 998).

461. Il ne faut pas se laisser tromper par les phrases italiennes comme
dimandollo quello che facesse ou ciò che facesse. Ici quello ou ciò est le
déterminatif, placé comme de coutume avant le relatif, qui appartient
à la seconde proposition et non pas à la première.

471. Mussafia remarque à ce propos : « Un bell' esempio di a per in è
il seguente : Porta alcun' arma che l'antica gente Non vide mai nè fuor
ch'
a lui la nova » Orl. 9, 28 (dans ses mains, avec lui).

481. Le datif qui en latin avec les passifs remplace l'ablatif avec ab ne
se présente peut-être en roman qu'avec videre. Du moins Dante a dit a
lui fu vista
(= da lui) Inf. 19, 108 ; stelle non viste mai ch'alla prima gente
Pg
. 1, 24.

491. Raynouard, Choix I, 24, a réuni des exemples b.latins de ce génitif.
Nous en donnons d'autres dans les paragraphes suivants.

501. Cette ellipse se produit aussi avec certains noms propres espagnols
et portugais. En effet avant l'apparition des noms de famille le nom du
fils était accompagné du nom du père, ainsi : Fernan (hijo) Rodriguez,
Ruy
(hijo) González, Sancho (hijo) Froilaz. Le grand père du Cid se nommait
Layn Calvo, le fils de ce dernier Diego Laynez (fils de Layn), le Cid
ensuite Ruy Diaz, c.-à-d. Rodrigo fils de Diego. On peut trouver des
exemples de cet usage aussi haut que le IXe siècle. Les chartes disent
ou Roderici, ou Roderiquiz (Rodriguez), ou même Roderiquici. La finale
ez (iz) pourrait avoir sa source dans le génitif de la troisième déclinaison
latine, et cette dérivation semble claire pour Juanez ou Feliziz
par exemple : les noms de la première et la deuxième déclinaison se
seraient alors réglés sur les premiers, comme dans Garcia Garcez,
Pelayo Pelaez
, c'est ce qui est arrivé en effet dans Lunes (lat. Lunae),
Miercoles (Mercurii). A la vérité les noms de la deuxième déclinaison
sont beaucoup plus nombreux que les autres et sembleraient avoir
plus de droits à servir de modèles, mais l'espagnol ne pouvait pas utiliser
les génitifs en i, car cette voyelle atone n'est pas volontiers tolérée
à la finale. Cependant les formes en az, comme dans Anaia Anaiaz,
Dia Diaz, Ecta Ectaz, Froila Froilaz, Mutarra Mutarraz, Sunna Sonaz,
Vela Velaz
, ne s'accordent pas bien avec cette étymologie du lat. is.
Quelques savants expliquent ces patronymiques par le basque. Schmeller
qui a consacré à ce sujet une dissertation spéciale cite comme le premier
et le seul Espagnol qui ait essayé cette théorie Terreros (1758),
mais Larramendi (1729) l'avait précédé dans cette voie. Voyez les objections
soulevées contre cette explication dans mon Dict. étym. p. XI
(3e éd. p. XV). J'ai déjà indiqué dans la première édition de cette
grammaire le génitif gothique comme source probable de l'expression
espagnole, car dans cette langue ce cas se termine par s à toutes les
déclinaisons, Rodriguez, pourrait répondre à Hrôthareikis, et même la
terminaison az, au premier abord si anomale, pourrait, comme le
suppose Schmeller, provenir d'une contraction de l'ancienne forme
gothique, attestée par le b.latin anis : Fróila Fróilanis Fróilaz. Les mots
étrangers se seraient soumis à la déclinaison gothique. Il est étrange
que l'espagnol ait introduit z pour s (le portugais a s : Alvares), même
dans les plus anciennes chartes on trouve ez, az, à peine quelquefois
es ou is, de là l'orthographe Roderiquici, Gometius, prov. Sanchitz, qui
renvoie au z ; dans Didaci = Diaz de Didacus le z s'explique de lui-même.
— En v.italien ce rapport s'exprimait de la manière suivante :
on revêtait le nom du père de la forme du génitif latin, comme dans
Giovanni Boccacci, plus anciennement on faisait sans doute aussi précéder
le génitif de l'abréviation Fi (filius), comme dans Figiovanni, Firidolfi
(Blanc 167), ce qui répond à l'anglais Fitz-James pour le germanique
James-son Jamie-son.

511. L'ancienne poésie fait un usage fréquent de l'apposition, et alors
elle met en tête le nom de la ville : prov. en Paris la ciptat GRoss.,
Mem. de la ciutat S. Enim. LRom. I ; v.franç. Paris la cité Berte, Langres la
cité Gar
. ; esp. en Paris essa ciudad SRom. ; de même m.h.all. ze Rôme in
der stete
.

521. En b.latin pour répondre à la question ubi on emploie plus volontiers
devant les noms de ville et de pays apud que ad, d'après le latin
apud urbem, apud exercitum esse. Ce mot se trouve souvent dans Prosper,
Idace, Grégoire de Tours, mais le roman n'a pas laissé prendre cette
acception à son appo, ap, ab.

531. Ab a dû disparaître très-tôt de la langue populaire, du moins l'influence
de de est-elle impossible à méconnaître chez des écrivains du
Ve siècle déjà. Procul de Emerita, de Gallaecia ad Lusitaniam, dit Idace.
D'autres écrivains postérieurs, tels que Grégoire de Tours, hésitent
continuellement entre de et ab. Les plus anciennes chartes penchent
plus sensiblement encore vers de.

541. Ainsi qu'on l'a déjà remarqué au tome II, p. 448, ab procède de
apud, comp. cap de caput. Cet apud au sens de cum se risque pour la
première fois, a ma connaissance, dans les formules et les chartes du
VIIe siècle et seulement dans le domaine français. Ex. apud tres et alios
tres sua manu septima Form. M
. 1, 38 ; apud duodecim francos debeat
conjurare
ibid. app. 2 ; apud arma sua (avec ses armes) 29 ; de lite quem
aput mihi abuit Form. Mab
. 6 ; homo aput femina 29 ; apud tris homenis
conjurare debirit
Bréq. 328a (ann. 692) ; concammio apud ipso Magnoaldo
fecissit
348a (ann. 697). Comp. Bignon sur les Form. M. app. 38. La forme
ab est rare : ab eum L. Sal. (al. apud eum Pott, 151) ; ab his cellulis HL.
I, 43 (ann. 814) ; ab omni integritate 35 (LR. II, 10), Esp. sagr. XVI, 444 pour
la locution usitée cum omni integritate (avec toutes ses appartenances).
— Voy. des exemples du v.fr. ab et ad au t. II, l. c, auxquels on peut
encore ajouter unum vasum ad apis L. Sal. éd. Schilter 9, 2 (al. unum
vas cum apibus
). Autres exemples : firent plait al rei David LRs. 154 ;
à l'une main si ad sun piz batud Rol.. p. 72 ; feroit biau jouer à li FC. III,
29 ; sapais ait faite à Gerard GVian. 1098 ; vien od mei LRs. ; li poples le
sewid od chanz et à grant leece
ibid. 225 ; od espée, à lance et à escu 67 ;
Harnaus o le fier vis GVian. v. 10.

551. Per est fréquent dans les chartes de l'Italie et de la France méridionale :
obligo me per me et per meos heredes Tir. 36a (ann. 802) ; repromitto per
me et meis heredibus
Lup. 679m (ann. 830) ; per animarum nostrarum
remedium HL
. I, 51 (ann. 817) ; quem Sigheboldus habet per beneficium
Mab. III, app. 9. Voy. d'autres exemples b.latins plus bas, § 4.

561. Près du rivage : esp. ribericas de la mar, ribera de un rio, port.
ribeira do mar, prov. ribal mar Fer. 1345 (avec l'accusatif comme josta).

572. Egal, engal (de aequalis) est aussi employé avec un sens de préposition :
d'après son étymologie ce mot exprime une égalité, mais il faut
souvent le traduire de différentes manières. Comp. la beutatz es egual
la valensa
(répond à) LR. I, 430 ; égal son linhatge mante son pretz Choix
IV, 222 ; la gaita engal la meia noit escrida (juste à minuit) Jfr. 91b ; vai
ferir engal la bocla del escut
(juste à côté) 61a. Comp. encore LR. I, 551b,
III, 135b.

581. Pour circiter on applique aussi l'adv. como comme le gr. ὡς, le goth.
svê, c.-à-d. wie : esp. como dos millas DQuix. 1, 4 ; fr. comme au milieu,
voy. Com. 1, 6 ; val. ca (avec le sens de como) : au peritu ca la cinci mii
(5000 environ ont péri).

591. L'attribution qui a lieu en italien du sens de intra à infra est,
comme on le sait, de toute ancienneté en b.latin ; nous ne décidons
pas si le v.allemand undar, qui embrasse les deux significations, a
déterminé l'usage roman. Cette confusion est commune aux chartes de
toutes les provinces romanes, par ex. infra vel foras civitatem Bréq. 50a
(ann. 543), infra muro Andecavis Form. Mab. 45, infra quadragesima Brun.
438 (ann. 715), infra plebe et territorio 469 (ann. 724) ; infra circulum Esp.
sagr
. XI, 260 (IXe s.), dans Grég. de Tours infra castelli saepta 3, 13,
infra paucum tempus 5, 20. Il semble donc que cet infra pour intra a
été d'abord commun à tout le domaine roman, mais que plus tard le
français et l'espagnol ont renoncé à cette particule qu'ils trouvaient
superflue.

601. La conjugaison du réfléchi suit, en ce qui concerne la place du
pronom par rapport au verbe, les règles qui seront données à la quatrième
section. Il faut remarquer ce qui suit : en italien le pronom, à l'indicatif
et au subjonctif, peut précéder ou suivre le verbe : (io) mi pento et
pentomi, ti penti pentiti, si pente pentesi, ci pentiamo pentiamci, vi pentite
pentitevi, si pentono pentonsi
. Mais à l'impératif pentiti (tu), pentasi et si
penta, pentiamoci, pentitevi, pentansi
et si pentano. Inf. pentirsi ; gér. pentendosi,
part. pentitosi. — Esp. me alegro et alégrome, te alegras alégraste,
se alegra alégrase, nos alegramos, os alegrais, se alegran
et alégranse. Au
subjonctif le pronom précède : que me alegre. Impér. alégrate, alégrese,
alegrémonos, alegraos, alégrenae
. Inf. alegrarse ; gér. alegrandose. De même
en portugais. — En français le pronom précède toujours, sauf à l'impératif
propre : réjouis-toi, réjouissons-nous, réjouissez-vous. — Val. (eu)
mir, te miri, se mirę
etc. Impér. miręte tu, mirese el, miratzivę voi ; inf. a
se mirà
, gér. mirųnduse.

611. Elle est moins employée en allemand moderne : ich bin verlangend
es zu wissen
 ; la phrase de Lessing, Emilia Galotti II, 7 : ich war mir sie
in dem Vorzimrner nicht vermuthend
, est assez lourde. — Les langues romanes,
dans la période ancienne, favorisent aussi la périphrase avec
esse et l'adjectif verbal en tor (amator), par ex. ital. il core sia pensatore
(c.-à-d. pensi) PPS. I, 47 ; esp. como sodes sabidor (como sabeis) PC. 2962 ;
dod eran movedores 3631 ; al otro eres destroidor Rz. 406 ; será merescedor
pora ser privado del rey
(il méritera de devenir le confident du roi)
Cal. è D. 70a ; de una cosa so bien sabidor Fern. Gonz. 225 ; port. souvent
ser ajudador, desejador, perguntador, morador, rogador, sabedor, sofredor,
etc., par ex. serei rogador a deus (rogarei a. d.) Trov. n. 130 ; prov. vos
suy de ben razonaire
(vos razoni de ben) LR. I, 423 ; cui sens non es guidaire
PO
. 134 ; qui qu' en sia lauzaire Choix III, 318 ; del plus serai atendens e
sufrire
(uni au part.) III, 316 ; v.franç. li estes aideor Ben. II, 79. C'est en
provençal que cette tournure est le plus usitée. B.lat. qui subter subscripturi
vel signa factores sunt HL
. I, 55u (ann. 821) ; donatores sumus
domino deo Choix
II, 152 (ann. 993). Elle a lieu aussi avec facere : port.
quero vos eu fazer sabedor Trov. Vat. p. 121.

621. Il n'est pas facile d'établir à quelle époque le passif a disparu de
la langue populaire ; il peut avoir survécu à la perte de la déclinaison.
Voici ce qui est certain : le transport de la formule laudatus sum au
présent et la disparition du passif sont un seul et même phénomène ;
du moins les expressions laudatus sum et laudor n'ont pas pu exister
longtemps l'une à côté de l'autre comme synonymes. On lit dans des
chartes : quae ibi sunt aspecta = aspiciuntur Bréq. 55 (ann. 558) ; sicut a
nobis praesente tempore est possessum = possidetur
314b (ann. 690) ; ut tibi
thus vel luminaria debeant esse procurata = procurari
450b (ann. 726) ;
recta esse videtur = regi Mur. III, 1029 (ann. 857). Je ne doute pas qu'on
ne trouve des exemples plus anciens et plus décisifs du passif roman.
D'autres chartes, surtout de l'Italie, présentent souvent fieri pour esse,
par ex. erogatum fieri debeat = erogari debeat Lup. 530 (ann. 774) ; fierent
datum = darentur
646 (ann. 806) ; res illas, quae rectas fiunt per Petronem
= reguntur
Mab. II, 689a (ann. 835) ; observata fiat religio — observetur
Cap. Lud. pii
(Georgisch p. 373) ; qui recta fit per Lioperto = regitur Lup.
686 (ann. 840) ; non fiat ipsa causa per pugna judicata aut finita L. Long.,
voy. à ce sujet Pott, Zeitschr. f. vergl. Sprachf. XIII, 83. Probablement
qu'en italien ce fieri, dont le futur s'est conservé dans la langue moderne,
a concouru à l'origine, de même que l'all. werden et peut-être
par son influence, à la formation de la périphrase ; voy. sur la périphrase
opérée avec ce même verbe en anc.milanais tome II, 129. —
Une autre trace du passif roman se montre dans la tendance, qui est
commune déjà aux plus anciens diplômes, à éviter l'emploi des formules
laudatus sum pour le parfait et laudatus eram pour le plus-que-parfait,
et à les remplacer d'ordinaire par laudatus fui, fueram.

631. Suivant que l'on considère l'activité comme momentanée ou durable,
certains participes tout-à-fait synonymes peuvent être rapportés
à la première ou à la seconde classe. Quelque manifeste que soit l'idée
du passé dans il est battu, la locution il est vaincu s'emploie cependant
en parlant du présent, par ex. il veut surprendre l'ennemi, mais il est
vaincu ; qui veut mourir ou vaincre est vaincu rarement
Corn., au contraire
ital. già vinta dell'inferno era la pugna (victa erat, non pas vincebatur).

641. En b.latin on trouve souvent dicit pour dicitur, par ex. formula,
in qua dicit
(où il est dit) Cap. Lud. pii, Georgisch p. 834 ; titulo primo,
ubi dicit
(où il est dit) HL. I, 100 (ann. 852) ; in villa, quae dicit Botbori
ibid. II, 122 (ann. 970) ; invenimus petra scripta ubi dicet (dicit, dicitur)
S. Eulaliae Esp. sagr. XVIII, 316. Cet usage se retrouve sans doute plus
souvent encore dans certains textes peu soignés de la langue vulgaire ;
Malespini par ex. dit cap. 20 ora dice (on raconte maintenant) ; prov. dis
el libre de Genezi
(il est dit dans le livre de la Genèse) LR. III, 100a.
Comp. v.h.all. iz quidit = dicitur ; m.h.all. ez sprichet an einer stat dâ
(il est dit là en un passage) Arm. Heinr. 91. Lat. inquit = inquit aliquis
(Reisig, Vorles. p. 331). Le b.latin emploie aussi comme passifs vocare,
vocitare, nuncupare, cognominare
 ; on lit de même era exercente per
Gundepert
(gouverné par G.) Lup. 527 (ann. 774) ; regente per Orsone ibid.
Dans ces derniers cas le pronom réfléchi pourrait avoir été omis. Sur
l'emploi de l'actif pour le passif, voy. aussi Pott L.Sal. p. 143, Plattlat.
385.

651. Il est remarquable que cet emploi de l'indicatif pour l'impératif ait
son pendant en gothique : gibam signifie nous donnons et donnons. Mais
Grimm IV, 82 interprète ce phénomène d'une autre manière : « Il est
possible et même croyable qu'à une époque ancienne les formes de
l'indicatif visam et visith se distinguassent d'une façon quelconque de
celles de l'impératif visam et visith, comme amatis et amate se distinguent
en latin. »

661. En raison de l'étymologie de la particule or (du subst. hora) on a
considéré cette combinaison avec de comme une construction avec un
génitif, et des passages comme ueimais es ora de colgar Jfr. 171b ou
oimais es temps del ir GA. 3684 semblent favorables à cette opinion. Si
elle est fondée on doit toutefois reconnaître que le sentiment de cette
construction n'était plus vivant : or s'y présente trop clairement comme
une simple particule, et même il n'est pas indispensable, puisqu'on
trouve pensez del envaïr Rol.. p. LVI, éd. 1837 (aussi or pansez dou deduire
Sax
. II, 95) ; e G. lor escrida del evaïr, e K. preguals seus del esbaudir GRoss.
2194.

671. Sur la manière dont car (du lat. quare) a été rendu propre à
accompagner l'optatif et l'impératif on peut avoir différentes opinions.
Si l'on se tient au sens actuel (= nam), on pourrait admettre que cette
particule était destinée à donner une certaine énergie au souhait et l'on
pourrait invoquer l'exemple de uti-nam. Mais nam, comme le gr. γάρ ou
l'all. denn, accompagne bien l'interrogation, mais non le souhait, qui
dans uti-nam est indiqué par uti et non par nam. — Si, laissant de côté
la signification nam, on revient à celle de quare, il serait alors possible
de rattacher le mot français à la signification conclusive du latin, qui
répond à peu près à ergo, voyez la remarque de Donat sur Térence
Andr. 4, 2 : ergo semper addimus, ut hortemur tarde quid facientes. Mais
en ce cas non plus le sens ne satisfait pas : car indique une prière, ergo un
ordre. — Il reste encore le sens interrogatif de quare, qui se retrouve
en provençal ; en ajoutant à ce mot non on peut exprimer un souhait :
quar no ves ? (pourquoi ne viens-tu pas ?). Mais ce quar no, en raison du
changement de l'interrogation en une exclamation, aurait perdu la
négation qui n'avait plus ici de raison d'être, ainsi que cela a dû se
passer pour le m.h.all. wan (pourquoi) de wande ne : wan waer ich tôt !
— prov. quar fos ieu mortz ! — Mais à côté de car un certain nombre de
textes emploient aussi cor, auquel s'ajoute encore parfois or. Ex. : cor
fussiens or andouz ansamble ! Dolop
. p. 371 ; cor m'eust or son lit presteit !
Wack. p. 32 ; cor le jetés MFr. I, 536 ; cor l'apelez ! FC. I, 214 ; dame et cor
souffrés ! Fl. Bl
. 1053. La plupart des éditeurs, et Bekker avec eux,
écrivent c'or (c.-à-d. que or), de sorte qu'à l'optatif or que nous connaissons
déjà on aurait encore préposé que. Cette opinion semble juste, du
moins le changement de car en cor, admis par Wackernagel (Altfr.
Lieder
p. 145), ne trouve aucun appui dans les lois phoniques du français,
et l'adverbe car avec le sens causal ne se présente jamais sous la forme
cor. Il semble qu'on doit aussi séparer de cette expression le prov.
quora, roum. cur (= qua hora) qui ne s'applique qu'au temps : cora la
veirai !
quand la verrai-je ? Or si cor est pour que or, car aussi pourrait
être pour que ar (Raynouard écrit quelquefois qu'ar dans le GRoss.) ;
mais ar n'est pas une forme française.

681. « Infinitivo Lucretius saepe utitur pro casu recto substantivi, ex.
gr. divitiae grandes homini sunt vivere parce. » Lachm. in Lucretium.

691. Vossius toutefois remarque (Arist. 7, 50) : « nec ignotum antiquis
jungere praepositionem infinitivo, si Lucretius sic locutus : ad sedare
sitim
(ubi vulgo etiam in optimis membranis nostris at sedare) fluvii
fontesque vocabant
, quomodo apud Macrobium is locus legitur, lib. 6.
Sat. cl. 1 »

701. Le galicien aussi conjugue ce mode ; voici un exemple ancien :
para sairen e entraren Esp. sagr. XLI, 351 (charte de 1207). L'espagnol
littéraire ne possède pas cet infinitif, nous ne saurions dire s'il est
connu de certains patois. Gil Vicente se trompe, lorsqu'il dit en espagnol
par ex. teneis gran razon de llorardes vuestro mal II, 71. Camoëns dans
ses drames ne commet jamais cette méprise. Mais cet infinitif se trouve
déjà chez certains poètes du Cancioneiro geral qui s'efforcent d'écrire en
espagnol, voy. Gessner, Das Altleonesische p. 26.

711. La signification de ces mots auxiliaires, aussi bien que celle des
formes modales elles-mêmes, a quelque chose d'hésitant. L'ital. dovere
par ex. exprime aussi bien la possibilité, il est parfois intraduisible :
per dover gli muovere una quistione (pour pouvoir lui attirer une querelle)
Dec. ; che cosa deve esser mai questo ? (qu'est-ce que cela peut
être ?) ; la indusse a doversene seco andare (à aller avec lui) ; il pregò, che
gli dovesse piacere
(qu'il lui plût). En b.latin ce verbe est souvent employé
pour indiquer une possibilité subjective, par ex. eum invitat, ut deberet
accipere
(qu'il voulût accepter) Gr. Tur. 3, 9 ; deprecans ut eum debeam
recipere
5, 50 ; non est credibile, ut pater filiam contra rationem cuiquam
homini dare debeat
Luitpr. Leg. 2, 6 ; unde me redimere debeam Form. Bal.
min
. Le v.franç. povoir sert souvent à l'expression du vouloir ou de la
tendance . molt me puis merveillier ; Raoul apele que il pot molt amer
RCam
. 23 ; très-souvent dieus puist l'aidier ! fr.mod. puisse le juste ciel
dignement te payer !
Rac ; aussi esp. pueda el cielo prolongar vuestra vida !
prov. fuecs las puesca cremar ! (puisse le feu les consumer !) Choix
IV, 44.

721. Mais une ellipse tout à fait populaire est celle de l'infinitif lui-même.
It. la fante piangeva forte come colei che avea di che (sc. piangere)
Dec. 7, 8 ; pr. si tengues ab que (aucire) Jfr. 102a ; si agues de que (ser ergulos)
LR. I, 547a ; v.fr. jo ai de quoi (servir) Brut I, p. 312 ; b.lat. si vero
non fuerit unde
(comedant) Capit. Lud. pii, Georgisch p. 834. Pétrone déjà
connaît cette ellipse du verbe dans un sens spécial, par ex. : et habet
unde
cap. 45 ; il en est de même en v.fr. et en fr.mod. : il a de quoi FC.
I, 71, Parton. I, p. 67, R. Flor. p. 42, Ruteb. I, 433, Villon éd. Prompsault
p. 120 ; pourveu qu'elle soit riche et qu'elle ait bien de quoy Regnier Sat.
3, 144.

731. Entre por et para avec l'infinitif il existe une nuance délicate dont
ne tiennent pas compte l'it. per et le fr. pour. Por exprime l'intention,
le projet, para le but déterminé, le but final, par ex. le seguia por ver
donde andaba
(je le suivais avec l'idée de voir où il allait, exploraturus) ;
le seguia para ver donde andaba (je le suivais parce que je voulais savoir
où il allait, ad explorandum). Autres exemples : los estudiantes dexaban
sus estudios por irse á Flandes Nov
. 10 ; yo canto por daros gusto ; dadme
un traguillo para consolar este estomago ! muevo los pies para andar ; trabajo
para ganar
.

741. La séparation usitée des particules pro ad par des pronoms et
d'autres mots rappelle vivement la construction allemande correspondante
dans um zu (um uns zu retien), et Gachet voit là un idiotisme emprunté
à l'allemand par certains auteurs français. Mais nous avons vu
que le provençal aussi connaît cette construction. Au reste, ainsi que
l'enseigne Grimm, Deutsche Gramm. IV, 104, l'expression romane n'est
pas imitée de l'allemand, c'est l'inverse qui est vrai. Sans à semble se
comporter de la même manière vis-à-vis de ohne zu. Un autre emploi
de deux prépositions devant l'infinitif se trouve dans sur à : sur la teste
à tranchier
, Gachet p. 1b. Voyez aussi sur cette question Jahrbuch III,
113.

751. Il est encore à remarquer que la formule entière est quelquefois
considérée comme un substantif et employée concurremment avec
de véritables substantifs : ici l'infinitif pourrait être accompagné de
l'article et son sujet échangé contre un génitif. Pétrarque par ex. a dit :
e cantar augelletti (il cantar degli augelletti) e atti soavi sono un deserto
Son.
269 ; nè per sereno cielo ir vaghe stelle nè altro sarà mai ch'al cor m'aggiunga
271 ; Zefiro torna e'l bel tempo rimena e garrir Progne (il g. di P.) e
pianger Filomena
269. Le principe de la construction est encore reconnaissable
dans des locutions de ce genre, mais il est tout à fait détruit
quand l'infinitif reçoit l'article, comme dans l'usare la dimestichezza
d'un uomo una donna è peccato naturale Dec
. 3, 7.

761. Il faut encore signaler ici un procédé singulier que Raynouard
(Journal des sav. 1825, p. 494) prétendait trouver dans l'ancien portugais.
D'après lui l'infinitif d'un verbe donné se serait ajouté à n'importe quel
temps du même verbe pour renforcer le sens : ainsi vejo veer je vois,
levo levar je porte. Une grande somme d'attention n'est pas nécessaire
pour reconnaître que les deux verbes doivent être séparés par une virgule
et que leur rencontre n'est peut-être qu'un jeu de rhétorique. Il
faut ponctuer ainsi cette phrase des Trovas n. 66 : Nulla cousa non me
pode guardar d'aquesta coita, que levo, levar
. Et il en est de même pour
les autres passages.

771. Le traitement irrégulier du participe présent verbal et adjectival
dans le français de transition a été étudié par ex. par Monnard Chrest.
I, 135 ss. En français moderne l'emploi des participes est déterminé
avec une rigueur extrême. Ainsi le participe présent ne doit être rapporté
qu'au sujet de la phrase, tandis que plus anciennement (jusqu'à la
fin du XVIIe siècle) la langue se permettait de le rapporter aussi au
régime.

781. Sur le remplacement du participe présent par le gérondif en o dans
Vitruve et plus tard dans Ammien voy. Winkelmann dans Seebode et
Jahn, Jahrb. für Philologie, Suppl. II, 504. Ce procédé fait des progrès
en b. latin. Fortunat dit nunc lacrymando docet ; Joh. Biclarensis (Esp.
sagr
. VI) : fines Asiae attingendo pervenit Pergamum.

792. Il est permis d'unir deux gérondifs, dont l'un est auxiliaire : it.
esaminando vegnendo ogni particolarità ; esp. yendo paseandome ; port.
estando lendo. Mais le français ne supporte pas en général deux gérondifs
l'un à côté de l'autre sans copule.

801. Les langues de la France se servent de certains gérondifs comme
d'infinitifs nominaux, en leur préposant diverses prépositions, ou en les
accompagnant de pronoms possessifs. On trouve par ex. pr. se levar de
sezen
(se lever de son siège), se levar en sezen (se lever pour s'asseoir,
c. à d. de sa couche), se levar en estan (se lever pour se tenir debout),
se levar de jazens, puis a mon sovenant (autant que je m'en souviens)
Dolop. p. 274, al mieu viven, ses saben, ses vostre saben, en son dormant,
vostre veiant
(devant vos yeux) etc. Le français moderne a conservé sur
son séant, de son vivant
. On empruntait de même à un verbe qui n'existait
plus les formules : pr. a mon escien, mon escien, it. al mio sciente,
mais aussi au nomin. sing. esciens ; ce mot a donc été élevé au rang de
substantif et procède sans doute du participe présent (t. II, 353, 354).

811. Autre chose est lorsqu'un seul et même sujet sert à former une
construction absolue, comme it. una fonte…ch'essendo fredda ella ogni
spenta facella accende
P. Cz. 18, 5 ; sperando che forse iddio indugiando egli
lo affogare mandasse qualche ajuto
Dec. 2, 4. On considère ici habituellement
ella, egli comme des pléonasmes.

821. Les grammairiens français le nomment défini, parce que, d'après
eux, il désigne un moment déterminé (J'écrivis hier). C'est là une expression
mal choisie et qui ne convient pas à son emploi le plus
important, comme temps historique. L'italien dit à l'inverse indeterminato,
et le grec désigne un temps tout semblable par le mot ἀόριστος.

831. C'est encore la grammaire française qui procède ici avec le plus
de rigueur. Voltaire blâme cette phrase de Corneille : nous partîmes
cinq cent (Cid, 4, 3), parce que l'événement dont il est question a eu lieu
le même jour, mais il ajoute : « plût à Dieu que cette licence fût permise
au poète ! ». H. Estienne connaît déjà la règle quelque peu pédante
qui a été donnée plus haut, voy. Hypomneses (1582) p. 191.

841. Un trait propre au v. français est l'emploi du futur précédé de
l'adverbe mar (à la male heure, mal à propos, lat. male) pour l'impératif
prohibitif : mar douterés paiens (vous craindrez mal à propos les païens
= vous n'avez pas besoin de les craindre) Fier. p. 118 ; je n'irai mie, ja
mar en douterez Gar.
I, p. 102 ; mar serés esbahis R. Mont. 9, 15 ; mar aurez
marison
11, 11. Voy. Scheler sur Condé I, p. 429.

852. Dans le cas cité l'action est toujours encore considérée comme
à venir. Mais en provençal on trouve aussi ce temps là où il s'agit d'une
action accomplie, par ex. quem digatz novas del crit que tan soven aurai
auzit
(pour ai auzit) Jfr. 105a ; es complit so que desirat aurai 171b ; estat
aurai de cantar…mas
ar' ai cor quem n'assai PO. 304 ; estat aurai lonc
temps en pessamen…mas
aram platz Choix V, 272. On conçoit que dans
ces antithèses le parfait puisse s'employer aussi bien, par ex. estat ai
en gran cossirier
ara vei etc. III, 25. Comp. IIe section, ch. I, § 2 (à la
fin). Tobler, Lit. Centralblatt 1870, p. 20 et Groeber, Jahrb. XI, 338 ont
donné de nouveaux exemples de cet emploi du futur antérieur.

861. En latin aussi on ne voit pas toujours clairement quel sens revient
au verbe habere. Voici des exemples tirés de Plaute : Sub gemman'
abstrusos habeo tuam matrem et patrem Curcul
. 5, 2, 8. Vir me habet
pessumis despicatam modis Casin
. 2, 2, 15. Ut eam (amicitiam) junctam
bene habent inter se Cistell.
1, 1, 28. Multiplex aerumna me exercitam habet
Epid
. 4, 1, 3. Qui aut foenore aut perjuriis habent rem partam Men. 4, 2,
14. Quando te auratam et vestitam bene habet 5, 2, 50. Hominem servom
suos domitos habere oportet oculos Mil
. 2, 6, 80. Ego multos vidi regionem
fugere consilii, priusquam repertam habuere
3, 3, 12. Ancilla quae habeat
cotidianum familiae coctum cibum Merc.
2, 3, 64. Satis jam dictum habeo
Pers.
2, 2, 32. Res omneis relictas habeo Stich. 2, 2, 38.

872. La périphrase des temps de verbes intransitifs (ambulatus sum pour
ambulavi) est rare en b.latin ; c'est à migrare qu'on l'applique le plus
souvent, mais ce verbe était aussi transitif en latin. Ex. migratus fuerit
Mur. I, 228 (ann. 713) ; migratus fuero Brun. 533 (ann. 749) ; fuit migratus
Esp. sagr
. XVI, 462 (ann. 1058) ; fui successus = successi XXXVI, p. XVIII
(ann. 1012). Obitus est = obiit dans une inscription, voy. Grut. ind. gramm.

881. Les verbes de mode potere, volere et aussi sapere, qui forment d'ailleurs
leurs temps périphrastiques avec avere, peuvent parfois prendre
essere lorsqu'ils sont construits avec des verbes intransitifs, ainsi : ella
non era ancora potuta venire CN
. 150 ; non era alcuna impressione potuta
entrare Dec
. 5, 1 ; non mi son potuto levare 4, 2 ; se io fossi voluto andare
4, 6 ; era volutasene andare 9, 10 ; costui ottimamente essere saputo uscire
1, 3. Aussi prov. com era pogut intrar Choix V, 9 ; aissim suij sauputz
traire enan LR.
I, 327. Cette influence exercée par le verbe intransitif
mérite d'être notée.

891. L'emploi de avoir pour être n'est pas sans exemples dans l'ancienne
langue et dans les patois, voy. à ce sujet Chabaneau, Histoire et théorie
de la conjugaison française
p. 34, qui en donne un certain nombre.

901. En terminant ces remarques sur les verbes auxiliaires, signalons
un trait propre au v.français et au provençal qui concerne la périphrase
avec habere. Dans ces deux dialectes, contrairement à l'usage du français
moderne, les idées verbales de mode, debere, posse et velle se mettent
au temps de habere, tandis que ce verbe lui-même passe à l'infinitif.
La formule du français moderne j'aurais dû faire (me fecisse oportuit,
ital. avrei dovuto fare) est intervertie en v.français en je devrais avoir
fait
. Ex. prov. deg l'aver rendut (j'aurais dû le rendre) Jfr. 149b ; ben
degr' aver calque domna conquisa
(j'aurais dû obtenir) Choix V, 63 ; eu la
pogra ben aver morta
(j'aurais pu la tuer) Jfr. 51b ; pogratz aver cavalcada
una lega
(vous auriez pu chevaucher une lieue) ibid. 148a ; volriatz
m'aver estort
(vous auriez voulu me délivrer) Choix V, 24 ; v.franç. mort
le dut avoir
(il aurait dû le tuer) FC. I, 409 ; la vousistes avoir despucelée
(vous auriez voulu la dépuceler) Berte 155. En m.h.allemand ce volriatz
m'aver estort
pourrait être rendu exactement par ir woltet mich ernert
hân
, et en anglais (où à la vérité le participe de will manque) de même
par you would have delivered me, tandis que le français moderne vous
auriez voulu me délivrer
concorde avec l'allemand moderne.

911. En espagnol plusieurs verbes ont deux participes, l'un fort, l'autre
faible, voy. t. II, 164. 166. Le participe faible seul (à l'exception de
preso, roto, provisto, prescrito, inxerto, opreso, supreso) peut être employé
au sens actif, le participe fort est passif : has confundido los papeles et
aquel hombre es confuso. La grammaire italienne n'établit pas de différence
syntactique entre la forme forte et faible : ho visto, ho perso
équivaut à ho veduto, ho perduto. D'autre part il existe ici, comme en
français, certains participes isolés qui ne se rapportent à aucun verbe
existant et qui en conséquence ne possèdent pas de force verbale. La
grammaire espagnole se trompe en considérant les participes de ce
genre comme des formes spéciales qu'elle oppose à des participes qui
en sont dérivés, pour leur appliquer la règle donnée ci-dessus. Ex.
junto passif, juntado actif, suelto pass., soltado act. et même manifesto
pass., manifestado actif.

921. Guillem de Tudela, GA. 160, dit lor a messa cantat pour cantada.
Il semble qu'on ait cru avoir affaire ici à un composé, et ce sentiment
pouvait être causé par le substantif messacantan (cat. missacantant,
esp. misacantano). Mais on n'aurait certainement pas employé un présent
ieu messacanti.

931. Si c'est sur le nom collectif qu'on insiste, le singulier est de rigueur :
la foule des voitures retarda notre marche ; la quantité des grains de sable
est innombrable
.

942. Asez suivi d'un nom au pluriel peut se construire en v.français
avec le singulier du verbe, par ex. des Engleiz i moreit asez Rou II, 219 ;
le m.h.allemand dit de même ir (all. mod. ihrer) lebet genuoc.

951. Cino da Pistoja a dit avec une certaine hardiesse : egli è secca quella
fonte Canz
. 20, phrase dans laquelle è est copule, c'est-à-dire n'a pas,
comme plus haut, le sens de c'è.

961. Il est inutile de rappeler que dans les autres langues aussi la
première et la deuxième personne peuvent rendre l'expression passive,
lorsque l'action peut être considérée comme partant du sujet. « Je me
dévore de chagrin, je suis dévoré par le chagrin » donnent, malgré la
différence des points de vue, à peu près le même résultat ; ital. il male
ond'io nel volto mi discarno Inf
. 30, 69. Quand le sujet se trouve être le
but d'une activité étrangère, cette tournure est hardie, aussi la rencontre-t-on
rarement ; ainsi un poète espagnol a dit à la façon valaque :
no me venzo así ligero del cantar de la Serena Flor. I, 236b, au lieu de
soy vencido.

971. Mais une étrange confusion s'est produite dans le dialecte toscan
où la première personne de presque tous les temps se forme au moyen
du réfléchi de la troisième personne du singulier : noi Toscani si dice
= diciamo
. Voy. Mussafia, Zeitschrift f. vgl. Sprachforsch. XV, 1.

981. Le valaque rattache ici l'adjectif à l'adverbe au moyen de la particule
de : cųt de plęcut ! (combien cela est charmant !), cum è de frig !
(combien cela est froid !) ; il dit de même aśà de invętzit (tout aussi instruit).

992. L'espagnol distingue depuis longtemps l'interrogatif qué du relatif
que par l'accent. Quelques écrivains modernes désignent tous les interrogatifs
de la même manière, ainsi quién, cuál, cúyo, cómo, cuándo,
dónde, dó
.

1001. On ne peut pas reconnaître d'après le roman parlar latino etc. si
l'adverbe des phrases latines loqui, discere, scire latine s'y maintient
encore ; mais le valaque 'tiu romaneaśte est incontestablement scio roma
nice
.

1011. Le prov. oc est le latin hoc, mais cette dernière particule peut
aussi bien nier, par ex. : numquid aliud ? rép. hoc (seulement cela,
pas autre chose) Plaute, Bacch. 4, 4, 105 ; en provençal on dirait al ren
voletz ? no
.

1022. Les locutions françaises dire que oui, que non se rendent en italien
par dire di sì, di no, en espagnol par decir que sí, que no (decir de sí,
de no PC
. 3220, Alx. 1523), en provençal par dir d'oc, de no.

1031. En b.latin la forme que est tout-à-fait usitée dès le commencement
du VIIIe siècle, par ex. sunt anni quinquaginta, que hic me collocavi Brun.
441 (ann. 715) ; dans la même charte aussi triginta anni quod ; talisque
ultio consequatur, que audientes contremescant Esp. sagr
. XVIII, 302 (ann.
774) ; quid par ex. dans si quis alicui imputaverit, quid perjurasset L.Sal.
voy. le mémoire de Pott, p. 142). Pour le relatif neutre, des chartes du
vu et du VIIe siècle emploient quod, quid, que, quem, quae, ces deux
dernières formes sont en quelque sorte des euphémismes pour que.
Des passages comme corpus pro quid ipse mortuus est Form. M. app. 29,
de loco quid dicitur Fum. 25 (ann. 748), ratio per quid Bréq. 500e (ann. 751),
fossa, quit vocatur Tir. 52a (ann. 845), gravo, quit fuerit ibid. peuvent
servir, dans une certaine mesure, à appuyer l'opinion exprimée ci-dessus.

1041. L'imparfait du subjonctif roman est, étymologiquement parlant, le
plus-que-parfait latin, aussi ce temps est-il souvent usité dans le sens du
premier en b.latin. Par ex. consilium iniebat, quo pacto Theudebertum
potuisset
(= posset) opprimere Fred. c. 37 ; eo pacto, ut deinceps nihil contra
suam voluntatem egisset
(= ageret) Nith. 1, 7 ; interpellabat, quasi jumento
suo abuissit
(= haberet) Form. Mab. 11 ; de même potuisset HL. I, 25 (ann.
782), edificassem Esp. sagr. XL, 367 (ann. 785), fecissemus 29 (ann. 795) ;
ut non fecissemus et inquietaremus (le plus-que-parf. et l'imparf. l'un à
côté de l'autre) XIX, 339 (ann. 880) ; sic est cor meum declinatum in amore
suo, ut, fuisset filia mea, non amplius potebam diligere illam Vit. S. Euphros
.
(Rev. des lang. rom. II, 59). Dans les chartes du VIIe siècle la forme
contracte assem, issem est la plus usitée, elle l'est presque uniquement
dans celles où la langue est plus négligée. Comp. aussi von Arx dans les
Monum. Germ. II, p. 6, note 25 ; p. 12, note 5. Ce nouvel imparfait semble
avoir gardé quelque chose de son ancien sens, car il s'emploie en fait
souvent pour le plus-que-parfait (ital. chi fosse il negromante ed a che
effetto edificasse la rocca
pour avesse edificato Orl. 4, 28), s'il ne faut pas
voir là le maintien d'un usage latin. Voy. à la Proposition conditionnelle
§ 2, n. 5.

1051. La dérivation de ce temps du futur antérieur a tout pour elle,
voy. t. II, p. 157. En latin avec velle et posse, lorsqu'on considère
ces verbes comme précédant l'action, on se sert du futur antérieur :
ego si potuero, faciam vobis satis, et le b.latin dit de même : faciant ceteri
quod voluerint Form. M. 2, 1 ; si nolueritis, non aliter fiat
1, 29 ; servus per
pugnam se defendat, si potuerit
Liutpr. Leg 2, 5. Des chartes espagnoles,
d'accord en cela avec la langue vulgaire, emploient le futur antérieur
avec les verbes les plus différents, par ex. sit tibi, vel qui post te egerint
vitam, traditum Esp. sagr
. XVI, 428 (ann. 916) ; ut, dum vixero, habeam hoc
totum
XXVIII, 289 (ann. 1046). Le passage connu de la Bible cum feceris
eleemosynam, nesciat sinistra tua quid faciat dextera tua
est rendu en
v.espagnol par quando feceries limosna, que non sepa la tu siniestra lo
que face la tu derecha Cast. de D. Sancho
222b. L'emploi de ce temps
n'est pas observé avec moins de rigueur dans la Vita S. Euphros. (VIIIe-
XIXe s.), par ex. si ambulavero in monasterio puellarum, pater meus querit
me, et si invenerit, trahit me de monasterio, Revue des langues rom
. II, 56.

1061. Quand on cite une réponse sous la forme indirecte, on peut employer
que sans verbe : ital. la cameriera disse che volentieri Dec. 7, 9 ; esp.
preguntóle que buscaba ? respondió que á unos caballeros, et de même souvent.
Pour citer directement la Vulgate emploie une construction avec
quia qui est un grécisme, par ex. ille dicebat quia « ego sum » (ὅτι ἐγώ εἰμι). Cet
usage se continue dans le b.latin, on trouve ainsi dicens quia « dedi
arrham
 » Gr. Tur. 4, 47 ; dixerunt quia « nos testes sumus » Marc. 779 (ann.
843) ; dicens quod « iste mihi abstulit » ibid. 783 (ann. 850) ; dicentes quia
« ullum hominem non invenimus » Esp. sagr. XIX, 376 (ann. 987) ; dicit ei
quod
« ego scio, quia ei credere potes » L. Long. Il n'est pas devenu familier
aux langues vulgaires, bien qu'elles en présentent quelques exemples :
prov. Dreitz dis que « qui men, es mos enemicx » LR. I, 458 ; li dis que
« vos es trop valens » Choix V, 161 ; us Sarrazi s'en vay al almiran comtier
que « mortz es Sortibran, que tant aviatz en chier
 » Fer. 4703 ; v.franç. li dist
ensi k'
« il couvient ensi moi » B. Flor. p. 38 ; esp. dans une bible : él decia
que
« yo soy ».

1071. Des traductions du latin emploient car dans d'autres circonstances
aussi : on trouve par ex. auvisz car eu vos dissii (audistis quia ego dixi
vobis
) Év. de Jean éd. Hofm.

1081. La répétition de la particule de liaison après une proposition incidente
n'est pas absolument rare, au moins en v.français, par ex. afin
que, se riens vous envoie, que vous li estoupez la voie, voy. les notes de
Tobler sur le Chev. au lion p. 14 ; croy bien que, si le roy eust voulu,
qu'elles y eussent été Monn. Chrest. I, 147 ; je vous prie que, si je meurs,
que vous vous monstriez amy de ma femme ibid. Ital. avvenne un giorno
che, domandandone ella molto istantemente, che l'uno de' fratelli disse etc.
Bocc. (Blanc 588). Esp. vió que todas las feridas que dieron los moros á
aquel caballero que andaba lidiando
, que todas las tenia Antolinez etc
Cast. de D. Sancho 94b. On doit pouvoir trouver ailleurs encore de ces
pléonasmes qui caractérisent le langage vulgaire.

1091. La différence entre quand et lorsque est assez fine et l'on n'en tient
souvent aucun compte. Quand parait plus propre pour marquer la circonstance
du temps et
lorsque paraît mieux convenir pour marquer celle de
l'occasion. Ainsi je dirais : il faut travailler quand on est jeune ; il faut
être docile lorsqu'on nous reprend à propos
. Roubaud dans Guizot, Dict.
des synon. français
.

1101. Certains troubadours substituent aussi mas à pois, par ex. li melhor
vos van servir, mas
(puisque) a vos platz Choix III, 375. Cette particule
peut donc aussi se placer en tête d'une chanson : Mas camjat ay de far
chanso…a vos o deuria grazir
M. n° 1072.

1112. Il est remarquable que cette dernière expression, qui, originairement
identique à l'ital. supposto che, n'exprime qu'une supposition, —
c'est-à-dire quelque chose qui en réalité n'existe pas, — a pu devenir
l'expression du motif, à l'idée duquel toute supposition est étrangère.
Supuesto que a aussi un sens concessif comme puesto que. Le port. supposto
que
ne s'est pas écarté de son acception primitive, mais posto que
est venu se ranger à côté de l'esp. puesto que.

1121. Sur ce perdon pour perdone, qui se trouve aussi en v.portugais,
voy. t. II, p. 175, note.

1131. La présence dans cette formule de la particule conditionnelle n'est
proprement incontestable qu'en italien et dans la forme se du vieux
portugais, du provençal et du français. Dans les passages espagnols, il
n'est pas sûr que si ne doive pas être pris pour asi (voy. les Propositions
comparatives § 1), comme le fait partout Sanchez et comme on doit
l'admettre évidemment dans la phrase yo vos bendigo, si faga el criador
Alx
. 172, et peut-être dans les passages no lo feré, sin salve dios PC.
3001 ; si fago, sin salve dios 3053, où sin pourrait répondre au port. assim :
on aurait omis le régime comme dans l'all. Gott behüte, Gott bewahre.
Au reste, la substitution de à así est assez inusitée en v.espagnol
déjà. En provençal et en v.français il n'est pas non plus toujours facile de
distinguer si (si) de si (sic).

1141. Le v.espagnol se sert beaucoup de en como, par ex. mete mientes en
como Adan é Eva cayeron enpecado mortal Cast. de D. Sancho
226a ; todos
los homes tienen mientes al rey en como face sus cosas
202a. De même aussi
en v.portugais : vos veed, en como sera etc. DDin. 56 ; coido mia morte e
coid' en como fui mal dia nado Trov
. p. 14. Cette combinaison a-t-elle été
introduite pour éviter la confusion avec la particule temporelle como
(= quum) ? Sur la combinaison de como, voy. plus bas ch. 5, § 1.

1151. L'auteur de la Grammaire de la langue d'oïl (I, 162) sait exactement
quand le franç. dont, qui, à l'origine, n'a dû exprimer que le sens de
d'où, a commencé à prendre celui d'un pronom relatif : c'est à l'époque
où ont été écrits les sermons de saint Bernard. Un coup d'œil jeté sur
la cantilène d'Eulalie l'aurait fait revenir d'une affirmation si péremptoire.

1162. A propos de ubi, il faut encore observer une périphrase extraordinairement
usitée dans l'ancienne langue. Au lieu de l'ital. egli venne
all'abbate
on trouve venne là dove l'abbate era Dec. 1, 7 ; esp. en los
palacios do está
(en sus palacios), voy. dans le texte ; llevanos do stá el ladron
CGen
. 195 ; prov. vos man lai on es vostr'estatges Choix III, 23 ; lai on sa
cortz es
391 ; lay on era sos evesquatz LR. I, 558a ; de même esp. á los
Judios te dexeste prender do dicen Monte Calvari
(m.lat. ubi dicitur) PC.
348. Cette tournure rappelle la périphrase du m.h.allemand : ich gie
hin da ich mîn niftel vant ; er gieng da er sîne kamern sach
.

1171. La phrase connue quod sciam a pour correspondants les formules
suivantes où le subjonctif s'est maintenu : ital. ch'io sappia, esp. que yo
sepa
, port. que eu saiba S. de Mir., franç. que je sache, que je susse ; aussi
all. dass ich wüsste.

1181. Le subjonctif s'applique encore, dans des cas analogues, après la
conjonction se : se abbia Orl. 12, 77 ; indic. se gli intercetta Orl. 12, 36.

1191. C'est aussi la conjonction et non pas le pronom qu'on emploie
dans cette forme bien connue d'exclamation : ital. pazzo que tu sei !
fr. malheureux que (non pas qui) je suis ! voy. plus haut p. 113.

1201. Si le pronom relatif est immédiatement précédé d'un démonstratif,
il peut se faire que les deux idées se fondent en une idée unique, que
le relatif seul a charge de représenter, c'est-à-dire qu'elles deviennent
complexives. En ce cas, on se passe de toute préposition explicative.
Ex. Ital. in farmi dilettare di quello che si dilettava (= dilettare di che egli
s. d.
) Dec. 5, 10 ; domandando di quello che viverebbero Mach. Esp. que
viniese en lo que ella tambien venia
(viniese en que) Nov. 4 ; la deve entregar
á aquel que la tomaron
(pour á quien) FJ. Prov. prega dieu quelh do certansa
d'aquo que ilh es en doptansa
(cert. de que ilh etc.) B. 225, 36. Le
premier de ces pronoms est le déterminatif qui précède le relatif dans
le cas aussi où les deux éléments appartiennent évidemment à la proposition
secondaire seule, et non pas, comme ici, aux deux propositions,
par ex. ital. domandollo…che facesse (p. 121, note) ; se fortuna…quel
che
(comme lat. id quod) non volesti far tu…pone ad effeto il voler mio
Orl
. 1, 27 ; franç. il fut absous…ce dont personne ne doutait etc.

1211. Les deux formes sont employées concurremment dans á qui lo él
mandase o á
quien fuer otorgado SPart. II, p. 4 et souvent.

1221. Lorsqu'on nie ou conteste la gradation elle-même, en sorte que
les deux objets comparés puissent être considérés comme se trouvant
sur le même degré, on emploie en provençal et en v.français com au
lieu de que. Par ex. meintz non la preisaretz con vostra filla fasiatz (vous
ne l'estimerez pas moins que vous n'estimiez votre fille) Jfr. 127b ; non
a plus com sel qu'om porta a batejar
Galv. Osserv. p. 213 (qu'aquel pour
com sel, voy. Choix V, 307) ; non o pres plus cum (var. que) feira enans
IV, 51 ; re no degr' om melhs fugir com mal senhoriu PVid. p. 48 ; comment
poist il plus auvertemeni mostrer sa misericorde com par ceu qu'il ma misere
mismes receut ?
(comment pourrait-il témoigner plus ouvertement sa
compassion qu'en se chargeant lui-même de ma misère ?) SB. 547 ; ne
puet avoir honor greignor con de morir Ren
. I, p. 200. Ce com peut être
rapproché de l'allemand populaire wie pour als (heller wie die Sonne).

1231. Le v.franç. emploie souvent cet et là même où il n'y a aucune insistance
à marquer : il a les Turs et veüs et coisis Gaufr. 299 ; e secorre et
aidier Sax
. II, 111 ; et mervoillux et fier 144 ; si l'eüsse sor sains et juré et
plevi RMont
. 214, 18 ; prov. vos avetz trop lo pel e canut e mesclat Fer.
2271 ; sapjatz los grans colps e ferir e donar GA. 3004. — Au lieu de et…et,
on trouve parfois aussi dans l'ancienne langue amboduo…et, par ex.
franç. cil anemi sont andoi ire et convoitise Barl. 7, 19 ; de même ambore
…et : ambur en terre et en mer ; ambur e saver e folage
, en grec ἀμφότερον
…καί, m.h.all. beide…unde, angl. both…and, voy. mon Dict. étym. II
c., s. v. ambore.

1241. Le franç.mod. et si signifie et cependant, et cette locution avait déjà
pris ce sens au XVe siècle : par ex. il les chassa et si n'avoit pas cent
chevaux en tout
Com. 364.

1252. L'ancien style emploie aussi ce si au milieu de la phrase, c'est-à-dire
dans un cas où on ne peut attribuer à si la valeur d'une conjonction,
ou encore dans l'inversion, par ex. it. di questo Catellino di Roma si nacque
un figliuolo
Malesp. ; allora lo ʼmperadore per doltanza sì lo pregò ibid. ; pr.
quar senher vostre nom si lo camgatz GRoss. 6678 ; Bertrans si s'appellava
Raissa Choix
V, 81 ; souvent en v.français après puis : et puis si s'arrestoit
Berte
43 ; et puis si li manda TCant. p. 91 ; puis si s'en torne Ren. III,
p. 171. Ce si roman répond au v.all. so dans des phrases comme cleinero
githanko sô ist ther selbo Franko
(de subtiles pensées est ce Franc) ;
umbe sin hulde sô diente si im alle wege (pour obtenir sa faveur elle le
servait de toute manière). Il faut distinguer de cette expression le si
provençal et v.français, qui renforce une énonciation affirmative et se
place à côté du si espagnol et italien : e ieu si so (et c'est bien moi)
GRoss. 166 ; e ieu si fauc 6591 ; amicx, si aurai eu be Choix III, 163 ; e diex,
si est grant traisons TFr
. 528.

1261. Je suppose que le que, dans cette combinaison, doit être pris au
sens causal (voy. plus bas, § 11), bien que notre sentiment de la langue
ne s'arrange pas de la traduction littérale « la faute en est à toi, car
non à moi ». Une rencontre singulière est celle de ce que no, si que
est vraiment causal, avec le b.lat. nam non, non enim (= non vero,
comp. DC. s. v. nam), par ex. absolutus in pubplico, nam non in secreto
(comme esp. que no) Form. Bal. min. ; quod de adulterio natus sit, nam
non de certo patre L. Roth.
164 ; ut meliorentur, nam non pegiorentur Lup.
915 (ann. 881). Pourrait-on voir dans ce nam non une traduction du
roman que no ? Il faut songer que nam s'emploie aussi sans non dans un
sens adversatif.

1271. Le mot tra, abrégé de intra, signifie proprement « entre soi (intra
se
), entre eux, ensemble, tous ensemble », de là intrambo (tous deux
ensemble). Voici des exemples de cette expression empruntés aux
autres langues : Esp. entre oro é plata fallaron tres mil marcos (en or et
en argent, ils trouvèrent etc.) PC 1745 ; entre Rachel é Vidas aparte
yxieron amos
(R. et V. sortirent tous deux ensemble) 191 ; entre yo (non
pas ) y ellas en vuestra merced somos nos 2097 ; fablaron entre él y ella
(ils parlèrent ensemble) CLuc. 32u. Prov. (avec l'accusatif) aissi lor
abelhis entre mi dons et Amor
(c'est ainsi que ma dame et l'Amour s'accordent
ensemble) Choix III, 349 ; entre luy e Berart cavalgo (lui et B.
chevauchent) Fer. 457 ; v.franç. entre Rembalt e Hamon les guierunt (R.
et H. ensemble les guideront) Rol. p. 94 ; einsi furent dunc trei entre
els dous e le rei
(ils étaient trois ensemble, eux deux et le roi) TCant.
p. 113 ; plain hanap entre eve et vin Og. 3469. Les chartes de tous les
pays romans présentent des exemples de cet emploi de inter depuis
le VIIe siècle déjà, par ex. soledus tantus inter tibi et fisco componere
Form. Mab
. 5, comp. Form. M. 2, 15 ; inter aurum et argentum solidos
mille
Bréq. 369c° (ann. 704) ; decrevi inter me et filiis meis Mur. I, 227 (ann.
713) ; dono vobis inter servos et ancillas omnes quatuordecim Lup. 687 (ann.
840) ; viginti inter mulos et mulas Esp. sagr. XXXVII, 342 (ann. 891). Voy.
aussi DC. s. v. inter. Le gaëlique eadar (lat. inter) suivi de agus (et) s'emploie
dans le même sens, par ex. eadar shean agus òg, jeune comme
vieux.

1281. Le provençal présente parfois à côté de mas la variante mais, voy.
Choix I, 382, qui est spécialement destiné à rendre le sens de magis.
Une seconde variante est mar, qui doit procéder de mas, bien que le
changement de s finale en r soit contraire à la règle. Ex. un sirventes,
si pogra, volgra far, mar nol sai far LRom
. IV, 125a ; voy. aussi PO.
346, 1. B. 103, 2. 104, 8. 108, 18. 110, 15. M. 190, 4. 228, 5. B. Chrest. pr.
321, 47.

1291. A côté de la représentation par facere, le v.français se sert dans
quelques textes d'une construction de ce même verbe facere avec l'infinitif
du verbe principal, ce qui tient lieu de la flexion du verbe
principal, par ex. or me faites entendre = entendez-moi, voy. à ce sujet
Tobler, Jahrbuch VIII, 349. On a déjà observé au tome II, 106, qu'un
patois forme le parfait par une périphrase du même genre, par ex. il
fit ramasser = il ramassa
 ; cf. angl. I did love, mais aussi au présent :
it does rain, allem. (populaire) es thut regnen, da that ich hingehn.

1301. Le provençal emploie anc pour le passé et lui oppose ja pour
l'avenir, ainsi que l'a déjà observé Raynouard, Choix I, 377 ; le premier mot
répond à adhuc, le second à amplius. A anc et ja s'ajoute mais qui étend
encore plus loin dans l'avenir l'idée de temps. L'opposition de sens de
ces deux adverbes ressort nettement de phrases telles que ja non er ni
anc no fo
ou qu'anc fos ni er jamais (comp. t. II, 439). Mais ja ne s'applique
pas seulement à l'avenir, cet adverbe peut aussi rendre le sens de
son type latin jam (déjà), comme dans ja-m tem morir, ieu ai ja vist, ou
renforcer une négation, sans égard au rapport de temps, par ex. ja non
cugei
, je n'aurais pas cru, anc non cugei, jamais je n'aurais cru ; ja no
vuelh ; ja no volgra ; ja no sia
.

1311. La substitution de pas à ne pas a lieu aussi dans le dialecte vaudois
moderne. On dit ainsi : Diou gouverna pâ le creature (Dieu ne gouverne
pas les créatures) ; tu feres pagnune opre (tu ne feras aucune œuvre). En
roumanche de même l'expression également positive bucca nie absolument :
sunt bucca plus vangonts (je ne suis plus bon à rien), voy. tome II,
p. 444.

1321. Le mot « vent » si usité en m.h.allemand, sous la forme wint, ne
semble pas être employé avec ce sens dans les langues romanes, qui
s'en servent toutefois comme terme de comparaison dans le sens de
nihil. Ainsi ital. pasciute di vento Par. 29, 108 ; esp. todo debe de ser cosa
de viento DQuix
. I, 25 ; port. qualquer outro bem julgo por vento etc. Camoens
Son. 17 ; prov. lo segles non es mas vens Choix IV, 108 ; aco tenc a
vent Jfr
. 152b ; tot tenc a vent e a nient 109a ; que sim paguava del ven Choix
IV, 26 ; comp. esp. todas esas son aire Nov. 7.

1331. Dialectalement nun (pour non) s'abrège en nu dans la réponse,
ou dans d'autres circonstances aussi lorsqu'il est uni à faire, par ex.
nu fait pas LRs. 56 ; nu frad pas 182 ; nu faire tel sotie (noli facere stultitiam
hanc
) 163 ; nu frez Charl. 39 ; nu frai Trist. II, 17 (nun ferez 27) ; nu
ferez certes Rol.
p. 9. La locution opposée à non fait est si fait dont on se
sert encore aujourd'hui ; comp. non fet ! si fet ! Lais inéd. 74.

1341. Ne dans le sens de non aussi bien que dans celui de nec se trouve
anciennement, devant des voyelles (à peine devant des consonnes),
sous la forme nen que les éditeurs écrivent d'habitude n'en ou ne.
Exemples de nen pour franç. mod. ne : ne deables nen out sur Deu poested
ne cumandement LRs
. 111 ; ne dreit nen est 229 ; de sun mesfait nen s'en
repentid
290 ; car nen est mies digne chose SB. 528m ; li sapience de la char
nen est mies chaste
538m ; ne nen (franç. mod. ni ne) est mies merveilles 535o ;
autre feme nen ara (n'aura) Brut I, p. 66 ; dolens est ke Richart nen est
mort u tuez ne
(ni) de son cors nen est affolez Rou I, p. 239. Pour ni : ceu
nen iert mies humaine temptation nen
(ni) humains pechiez SB. ; k'il n'ait
perdut nen armes ne destrier nen autre chose GVian
. 1163. — L'adverbe nen
procède de non, avec le même affaiblissement de o en e qui s'observe
dans je de jo, dans ce de ço, et dans le dialectal en de on ; il se tient
donc plus près de son original que le franç. mod. ne. Quant à la conjonction
nen, on peut se demander si l'n s'y comporte comme dans le
v.esp. nin, port. nem, comp. t. I, 228.

1351. Cette règle de l'Académie est contredite par Schweighæuser, De la
négation
, p. 93 ss. (Par. 1852), qui conteste aussi d'autres règles de la
grammaire française concernant la négation.

1362. On ne doit pas unir point avec ni…ni, comme dans ce passage :
de ne mêler point ni le secours du roi ni celui des Romains Corn. Nicom.
3, 6.

1371. Nous nous contentons de renvoyer à un mémoire d'Emmanuel
Bekker, Monatsberichte der Berl. Akad. 1866.

1381. Ainsi le poète provençal Guiraut Riquier en disant : elh no falh ad
ajuda, sol qu'om la y deman, deguda GRiq. p. 62 ; pus es ab lo rey escuzatz
franses ibid. ; francx reix nobl' En Nanfos castelas 165 ; ou l'espagnol
Manrrique dans ces passages : con grande dixo quebranto CGen 248 ; a
la
virgen fué Maria por Gabriel reportada, ibid. 235. Ce sont les chanteurs
italiens du XIIIe siècle qui ont été le plus loin, ainsi Pannuccio : non
manca a di sì gran valenza signoria provedenza
, c.-à-d. non manca provedenza
a sign. di sì gran val. PPS
. I, 338 ; mais les textes de ce poète ne
sont pas exempts de fautes, voy. Nann. Lett. I, 201.

1391. Le français dernier placé en tête équivaut à ultimus, en second à
proxime elapsus : la dernière fois, l'année dernière.

1401. Comp. Zwei altroman. Ged. p. 24. Tobler, Zum prov. Alexanderlied,
p. 41, remarque avec raison qu'on a voulu, par cette construction,
mettre en relief l'épithète.

1411. Le roman évite l'accumulation d'articles se suivant immédiatement
qui a lieu dans d'autres domaines, ou, pour parler plus exactement,
cette accumulation ne peut guère s'y présenter : les cas obliques de
l'article lui font obstacle, comme dans la phrase italienne la dal popolo
lagrimata pace
. Mais l'allemand dit très-bien der die Welt beglückende
Herrscher ; der die dem Vater aufgetragene Sache besorgende Sohn wird uns
schwerlich befriedigen
, et le grec τὸ τῆς ἀρετῆς κάλλος ; de même ὁ τὰ τῆς
πόλεως πράγματα πράττων (Buttmann).

1421. Le v.ital. ende pour ne est aussi traité comme enclitique : damende
= dammene
(donne m'en).

1431. Pour faciliter la lecture des exemples nous avons parfois dans ce
volume séparé le pronom du verbe.

1441. En ne peut pas s'employer devant le gérondif, car il pourrait être
confondu avec la préposition en ; le placer après serait contrevenir à
la règle. Dans voulant en faire, en appartient à l'infinitif.

1451. Il y a en v.français des exemples de l'omission du pronom le devant
li ou les, comme dans ne li loe pour ne le li loe, ou qui ne lor osent
escondire
pour qui ne le lor etc. Voy. les notes de Scheler sur Baudoin de
Condé
, p. 399.

1461. Le pronom lo s'unit très-bien sous sa forme abrégée à la triphthongue
précédente ieu comme dans ieul clam Choix III, 226, ieul vos autrei 242,
ieul pren 244 ; il en est de même pour le datif il ou ill comme dans
l'amors qu'ieul port Bern. Vent., ieulh servi Choix III, 267 ; et pour mi par
ex. dans ieum. Lo article doit être ici distingué de lo pronom et se prête,
à ce qu'il semble, moins facilement à ce traitement ; on écrit par ex.
qu'ieu lo mien non pas qu'ieul mieu Choix III, 99.