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Saussure, Ferdinand de. Mémoire sur le système primitif des voyelles – T01

[Mémoire sur le système primitif des voyelles…]

[Introduction]

Etudier les formes multiples sous lesquelles se manifeste
ce qu'on appelle l'a indo-européen, tel est l'objet immédiat de cet
opuscule : le reste des voyelles ne sera pris en considération
qu'autant que les phénomènes relatifs à l'a en fourniront l'occasion.
Mais si, arrivés au bout du champ ainsi circonscrit, le
tableau du vocalisme indo-européen s'est modifié peu à peu sous
nos yeux et que nous le voyions se grouper tout entier autour
de l'a, prendre vis-à-vis de lui une attitude nouvelle, il est clair
qu'en fait c'est le système des voyelles dans son ensemble qui
sera entré dans le rayon de notre observation et dont le nom doit
être inscrit à la première page.

Aucune matière n'est plus controversée ; les opinions sont
divisées presque à l'infini, et les différents auteurs ont rarement
fait une application parfaitement rigoureuse de leurs idées. A
cela s'ajoute que la question de l'a est en connexion avec une
série de problèmes de phonétique et de morphologie dont les
uns attendent encore leur solution, dont plusieurs n'ont même
pas été posés. Aussi aurons-nous souvent, dans le cours de notre
pérégrination, à traverser les régions les plus incultes de la
linguistique indo-européenne. Si néanmoins nous nous y aventurons,
bien convaincu d'avance que notre inexpérience s'égarera
mainte fois dans le dédale, c'est que pour quiconque s'occupe
de ces études, s'attaquer à de telles questions n'est pas une témérité,
comme on le dit souvent : c'est une nécessité, c'est la première
école où il faut passer ; car il s'agit ici, non de spéculations
d'un ordre transcendant, mais de la recherche de données élémentaires,
sans lesquelles tout flotte, tout est arbitraire et incertitude.1

Je suis obligé de retirer plusieurs des opinions que j'ai
émises dans un article des Mémoires de la Société de Linguistique
de Paris intitulé : « Essai d'une distinction des différents a indo-européens ».
En particulier la ressemblance de ar avec les phonèmes
sortis du r m'avait conduit à rejeter, fort à contre-cœur,
la théorie des liquides et nasales sonantes à laquelle je suis
revenu après mûre réflexion.

Bopp et ceux qui suivirent immédiatement l'illustre auteur
de la Grammaire Comparée se bornèrent à constater qu'en regard
des trois voyelles a e o des langues européennes, l'arien montrait
uniformément a. L'e et l'o passèrent dès lors pour des affaiblissements
propres aux idiomes de l'Occident et relativement récents
de l'a unique indo-européen.

Le travail de M. Curtius dans les Sitzungsberichte der Kgl.
Sachs. Ges. der Wissensch. (1864) enrichit la science d'un grand
fait de plus : M. Curtius montrait que l'e apparaît à la même
place dans toutes les langues d'Europe, qu'il ne peut par conséquent
s'être développé indépendamment dans chacune d'elles. Et
partant de l'idée reçue que la langue-mère ne possédait que les
trois voyelles a i u, il tira cette conclusion, que tous les peuples
européens avaient dû traverser une période commune, où, parlant
encore une même langue, ils étaient déjà séparés de leurs
frères d'Asie : que durant cette période une partie des a s'étaient
— sous une influence inconnue — affaiblis en e, tandis que le
reste persistait comme a. Plus tard les différentes langues ont
laissé s'accomplir, séparément les unes des autres, un second
scindement de l'a qui a produit l'o. Au sud de l'Europe néanmoins,
cette voyelle a dû prendre naissance dès avant la fin de
la période gréco-italique, vu la concordance de l'o des deux
langues classiques, notamment dans la déclinaison des thèmes
masculins en -a (ἵππος = equos).

Nous croyons représenter exactement le système de M. Curtius
par le tableau suivant 11 :2

tableau Indo-europ. | a | ā | Européen | e | Plus | tard | o

L'exposé de M. Fick (Spracheinheit der Indogermanen Europas,
p. 176 seq.) reproduit en gros le système précédent. L'ancien
a s'est scindé dans la période européenne en a et e. Lorsqu'un
mot montre e dans toutes les langues, il faut supposer que
le changement de son a en e remonte jusqu'à cette période ;
apparaît-il au contraire avec a ou o, ne fût-ce que dans une seule
langue, il faut admettre que l'a subsistait encore à l'époque de la
communauté. L'ablaut du grec δέρκομαι δέδορκα, mais surtout
du germanique ita at, est une admirable utilisation du scindement
de l'a. Sur ce dernier point chez M. Curtius cf. la note ci-dessous.

Autre était le système de Schleicher. Admettant dans chaque
série vocalique deux degrés de renforcement produits par
l'adjonction d'un ou de deux a, il posait pour la série de l'a les
trois termes : a aa āa.

Il retrouve ces trois degrés en grec : a y est représenté ordinairement
par ε (ex. ἔδω), puis par ο (ποδός) et par α (ἄκων).
a + a, le premier renforcement, est représenté par ο lorsqu'il se
produit sur un ε, ainsi « γέ-γον-α, forme première : ga-gān-a » ; skr.
« ģa-ģān-a, à côté de ἐ-γεν-όμην. » Ce même degré se traduit sous
la forme de , η, lorsqu'il a un α pour base : ἒλακον, λέλᾱκα. Le
second renforcement est ω : ἔρρωγα. — Le gothique posséderait
aussi les trois degrés ; les autres langues auraient confondu les
deux renforcements.

L'arbre généalogique des langues, tel que le construisait
Schleicher, n'étant pas celui que la plupart des autres savants
ont adopté et ne comportant pas de période européenne, il est
3clair que l'e des langues d'Europe ne remonte pas pour lui à une
origine commune. En particulier l'i gothique a dans son Compendium
une toute autre place que l'ε grec : ce dernier est considéré
comme le représentant régulier de l'a indo-européen, l'i
gothique comme un affaiblissement anormal. Nous faisons donc
abstraction de l'idée d'un développement historique commun du
vocalisme européen, en formulant dans le schéma suivant le
système de Schleicher :

tableau Indo-europ. | a | aa | āa | Européen | e | o | ā

Il faut noter en outre que l'α grec et l'a latin ne sont pas mentionnés
comme degrés renforcés.

Dans un opuscule intitulé : « Die bildung der tempusstämme
durch vocalsteigerung » (Berlin 1871), le germaniste Amelung,
prématurément enlevé à la science, a essayé d'appliquer le système
de Schleicher d'une manière plus conséquente en le combinant
avec la donnée de l'e commun européen. Cet e est à ses
yeux le seul représentant normal de l'a non renforcé. L'a européen
— sous lequel il comprend aussi l'a, comme l'avait fait
M. Curtius — remonte au premier renforcement qu'il désigne par
ā, et le second renforcement (â) est l'ā long des langues d'Europe.
Les présents tels que goth. fara, gr. ἄγω, ὄξω montrent donc une
voyelle renforcée, et il faut admettre que ce sont des dénominatifs.
— En un mot le dualisme d'e et a est primitif, et le rapport
qu'il y a entre eux est celui de la voyelle simple à la voyelle renforcée.
Voici le tableau :

tableau Indo-europ. | a | ā | â | Arien | Européen | Gothique | i | ō | Grec | ε | αο | ᾱ | ω

Le débat qu'Amelung a eu sur cette question avec M. Leo
Meyer dans le Journal de Kuhn (XXI et XXII) n'a pas apporté
de modification essentielle à ce système qui a été exposé
une seconde fois d'une manière détaillée dans la Zeitschrift für
deutsches Alterthum
XVIII 161 seq.

M. Brugman (Studien IX 307 seq. K. Z. XXIV 2) fait remonter
l'existence de l'e, en tant que voyelle distincte de toute
4autre, à la période indo-européenne, sans prétendre par là que sa
prononciation ait été dès l'origine celle d'un e ; et il en désigne le
prototype par a1. Concurrement à cette voyelle, le même savant
trouve dans gr. lat. slav. ο = lith. goth. a = skr. ā (du moins
dans les syllabes ouvertes) un phonème plus fort qu'il appelle a2
et dont la naissance serait provoquée par l'accent.

D'après cette théorie on dresse assez généralement le tableau
suivant, qui cependant n'est certainement pas celui qu'approuverait
M. Brugman lui-même, puisqu'il fait allusion (Studien IX
381) à la possibilité d'un plus grand nombre d'a primitifs :

tableau (a) | Indo-europ. | a1 | a2 | ā | Européen | e | a

On voit qu'en résumé, pour ce qui est des langues de l'Occident,
les différents auteurs, quel que soit leur point de vue, opèrent
avec trois grandeurs ; l'e, l'a et l'ā des langues européennes.
Notre tâche sera de mettre en lumière le fait qu'il s'agit en
réalité de quatre termes différents, et non de trois ; que les
idiomes du nord ont laissé se confondre deux phonèmes fondamentalement
distincts et encore distingués au sud de l'Europe : a,
voyelle simple, opposée à l'e ; et ο, voyelle renforcée, qui n'est
qu'un e à sa plus haute expression. La dispute entre les partisans
du scindement (a primitif affaibli partiellement en e) et
ceux du double a originaire (a1, a2 devenus e et a), cette dispute,
il faut le dire, porte dans le vide, parce qu'on comprend sous le
nom d'a des langues d'Europe un aggrégat qui n'a point d'unité
organique.

Ces quatre espèces d'a que nous allons essayer de retrouver
à la base du vocalisme européen, nous les poursuivrons plus
haut encore, et nous arriverons à la conclusion qu'ils appartenaient
déjà à la langue-mère d'où sont sorties les langues de
l'Orient et de l'Occident.5

Chapitre I.
Les liquides et nasales sonantes.

Avant de commencer une recherche sur l'a, il est indispensable
de bien déterminer les limites de son domaine, et ici se
présente d'emblée la question des liquides et nasales sonantes :
car quiconque admet ces phonèmes dans la langue-mère considérera
une foule de voyelles des périodes historique de la langue
comme récentes et comme étrangères à la question de l'a.

L'hypothèse des nasales sonantes a été mise en avant et
développée par M. Brugman, Studien IX 287 seq. Dans le même
travail (p. 325), l'auteur a touché incidemment le sujet des liquides
sonantes, dont la première idée est due, paraît-il, à M. Osthoff.

§ 1. Liquides sonantes.

Dans la langue-mère indo-européenne la liquide ou les
liquides, si l'on en admet deux, existaient non-seulement à l'état
de consonnes, mais encore à l'état de sonantes, c'est-à-dire qu'elles
étaient susceptibles d'accent syllabique, capables de former une
syllabe. C'est ce qui a lieu, comme on sait, en temps historique,
dans le sanskrit. Tout porte à croire que les liquides sonantes
n'ont jamais pris naissance que par un affaiblissement, en raison
duquel l'a qui précédait la liquide se trouvait expulsé ; mais cela
n'empêche pas, comme nous le verrons, de les placer exactement
sur le même rang que i et u.

Il est certain tout d'abord qu'au indien 12 correspond presque
constamment en zend un phonème particulier, très-voisin
6sans doute du r̥-voyelle, savoir ĕrĕ : aussi le r de la période indo-iranienne
ne trouvera plus aujourd'hui de sceptiques bien décidés.
— L'ancien perse, il est vrai, n'offre rien de semblable, si
ce n'est peut-être akunavam = skr. ákr̥ṇavam. En regard du skr.
kr̥tá, du zd. kĕrĕta, il montre karta, et il n'y a point là d'inexactitude
de l'écriture, car la transcription grecque nous donne αρ,
par exemple dans ἄρξίφος — skr. r̥ģipyá, zd. ĕrĕzifya « faucon » 13.
Les noms qui contiennent Ἀρτα- sont moins probants à cause du
zend asha qui, lui aussi, remonte à *arta en dépit du skr. r̥tá.

En présence de l'accord du zend et du sanskrit, on est forcé
d'admettre que le perse a confondu des phonèmes différents à
l'origine, et c'est là un des exemples les plus patents de la tendance
générale des langues ariennes à la monotonie du vocalisme ;
l'iranien en cela rend des points au sanskrit, mais dans le
sein de l'iranien même l'ancien perse est allé plus loin que le
zend.

En regard du des langues ariennes, les langues d'Europe
montrent toutes un r-consonne (ou l-consonne) accompagné d'une
voyelle distinctement articulée. Mais cette voyelle est, chez plusieurs
d'entre elles, de telle nature, qu'on ne saurait ramener
simplement le groupe phonique où elle se trouve à a + r, et que
tout parle au contraire pour qu'elle ne soit qu'un développement
anaptyctique survenu postérieurement.

Au r arien et indo-européen répond :

tableau En | grec | αρ | αλ | ρα | λα | latin | or | ul | (ol) | gothique | aúr

Le slave et le lithuanien n'ont pas conservé d'indice positif
du . On peut dire seulement que cette dernière langue l'a remplacé
souvent par ir, il.7

Nous passons à l'énumération des cas :

1. Syllabe radicale.

L'ordre adopté ici, pour distinguer les différents cas où apparaît
, se base sur une classification nouvelle des racines, qui
ne pourra être justifiée que plus tard mais qui ne saurait non
plus désorienter le lecteur.

Nous ne nous occuperons que des racines contenant e. —
Toute racine qui dans les langues d'Europe contient e, a la faculté
d'expulser cet e et de prendre ainsi une forme plus faible, à
condition seulement que les combinaisons phoniques ainsi produites
puissent se prononcer commodément.

Sont à ranger dans les racines contenant e : les racines où
se trouvent les diphthongues ei et eu et qu'on a l'habitude de
citer sous leur forme affaiblie, privée d'e ; ainsi kei, sreu, deik,
bheugh (ki, sru, dik, bhugh).

L'i et l'u de ces racines, ainsi que la liquide et la nasale des
racines telles que derk bhendh, peuvent prendre le nom de coefficient
sonantique
. Ils concourent au vocalisme de la racine. Suivant
que l'e persiste ou disparaît, leur fonction varie : r, l, m, n,
de consonnes deviennent sonantes, i et u passent de l'état symphthongue
à l'état autophthongue.

A. Racines terminées par un coefficient sonantique.

Exemples kei (forme faible ki) sreu (f. fble sru) bher (f.
fble bhr) men (f. fble mn).

B. Racines renfermant un coefficient sonantique suivi d'une
consonne.

Ex. deik (f. fble dik) bheugh (f. fble bhugh) derk (f. fble
dr̥k) bhendh (f. fble bhn̥dh).

C. Racines sans coefficient sonantique, terminées par une consonne.

Ex. pet (f. fble pt) sek (f. fble sk) sed (f. fble zd).

Nous n'avons pas à nous occuper ici des racines terminées
par e, comme, en grec, θε δε ἑ.

Dans la forme faible, selon que le suffixe ajouté commence
par une consonne ou par une voyelle, les racines de la classe A
seront assimilables à celles de la classe B ou à celles de la classe C.

En effet, dans la classe B, le coefficient sonantique, à l'instant
8où l'e disparaît, prend nécessairement la fonction de voyelle puisqu'il
se trouve entre deux consonnes. C'est là aussi ce qui arrive
pour les racines de la classe A, lorsqu'elles prennent un suffixe
commençant par une consonne : ainsi mn̥-to.

Mais si le suffixe commence par une voyelle, leur coefficient
sonantique aura la qualité de consonne, et ces mêmes racines
ressembleront de tout point aux racines de la classe C ; ainsi
ἐ-πλ-ό-μην comme ἔ-σχ-ο-ν.

En vue du but spécial que nous nous proposons dans ce chapitre,
nous tirons des remarques qui précèdent l'avantage suivant :
c'est que nous connaissons le point précis où il faut s'attendre
à trouver les liquides sonantes et que nous assistons pour
ainsi dire à leur formation ; la comparaison seule d'un indien
avec un αρ grec n'a, en effet, qu'une valeur précaire si l'on ne
voit pas comment cet αρ a pris naissance et s'il y a une probabilité
pour que ce soit un ar ordinaire. Partout où l'e tombe
normalement, partout en particulier où apparaît l'i ou l'u autophthongue,
les liquides sonantes doivent régulièrement exister
ou avoir existé, si la position des consonnes les forçait à fonctionner
comme voyelles.

a. Formations verbales.

Aoriste thématique. On a dit souvent que ce temps coïncidait
entièrement, pour ce qui est de la forme, avec l'imparfait
de la sixième classe verbale des grammairiens hindous. Reste à
savoir si cette sixième formation remonte aux temps indo-européens,
comme cela est indubitable pour notre aoriste, mais infiniment
moins certain pour le présent.

Quoi qu'il en soit, cet aoriste réclame l'expulsion de l'e
ou de l'a dans les langues ariennes —. En conséquence les racines
des classes A et C (v. plus haut) font en grec très-régulièrement :

tableau πελ | ἐ-πλό-μην | πετ | ἐ-πτ-ό-μην | (ἐ)γερ | (ἒ)γρ-ε-το | σεχ | ἒ-σχ-ο-ν | 1 σεπ | ἒ-σπ-ο-ν | 2 σεπ | ἐνί- σπ-ε 149

Les impératifs σχές et ένίσπες ont déterminé M. Curtius à
admettre dans ces deux aoristes la métathèse de la racine 15.
M. Osthoff dans son livre : das Verbum in der Nominalcomposition
p. 340, a déjà déclaré ne pouvoir souscrire à une opinion semblable
de l'éminent linguiste relative aux présents comme γίγνομαι,
μίμνω, et cela en partant aussi de la conviction que la dégradation
de la racine y est absolument normale. Comment
d'ailleurs la métathèse se mettra-t-elle d'accord avec le vocalisme
des thèmes σχε σχο, σπε σπο ? — Ces impératifs ont donc suivi
l'analogie de θές, ἕς.

Chose étonnante, le sanskrit ne forme cet aoriste que sur
les racines de la classe B : les formes comme ἒ-πτ-ε-το lui sont
étrangères ; la seule trace qu'il en offre peut-être est la 3me personne
du plur. kránta qui, à côté de ákrata (3e pl.) a l'air d'être
une forme thématique ; qu'on veuille bien comparer plus bas ce
qui a trait aux nasales des désinences 26.

En revanche les exemples abondent pour les racines de la
forme B : róhati áruhat, várdhati ávr̥dhat etc. En grec φευγ fait
ἒφυγον, στειχ fait ἒστιχον ; de même, et c'est là que nous en voulions
venir,

tableau δέρκομαι | fait | ἔ-δρακον | (skr. ádr̥çam) | πέρθω | ἔ-πρα-θο-ν | πέρδω | ἔ-παρδ-ο-ν | τέρπω | ταρπ-ώ-μεθα

ἔτραπον de τρέπω vient aussi d'une forme ἔτr̥πον, mais ici
c'est une liquide précédant l'e qui s'est transformée en sonante.

Aoriste thématique redoublé. Il n'est pas certain que les
aoristes causatifs du sanskrit soient immédiatement comparables
aux aoristes grecs redoublés. Mais il existe d'autres aoristes indiens,
10moins nombreux, qui coïncident exactement avec les formes
grecques : ici encore l'a (e) est invariablement expulsé.

Racines des formes A et C :

tableau skr. | sać | á-sa-çć-a-t | gr. | σεπ | ἑ-σπ-έ-σθαι | pat | á-pa-pt-a-t | κελ | ἐ-κέ-κλ-ε-το | φεν | ἔ-πε-φν-ο-ν | τεμ | ἔ-τε-τμ-ο-ν 17

Racines de la forme Β, avec i, u pour coefficient sonantique :

tableau skr. | tveš | á-ti-tviš-a-nta | gr. | πειθ | πε-πιθ-έ-σθαι | πευθ | πε-πυθ-έ-σθαι

Et enfin avec une liquide pour coefficient sonantique :

tableau skr. | darh | á-da-dr̥h-a-nta | gr. | τερπ | τε-τάρπ-ε-το

M. Delbrück range une partie de ces formes indiennes dans
le plus-que-parfait ; mais si l'on peut accéder sans réserves à, sa
manière de voir pour les formes sans voyelle thématique comme
aģabhartana, on n'en sera que plus enclin à placer les premières
sous la rubrique aoriste.

Parfait. Le parfait indo-européen affaiblissait la racine au
pluriel et au duel de l'actif, et dans tout le moyen. Voy. en particulier
Brugman Stud. IX 314. Ce mode de formation s'est conservé
intact dans les langues ariennes.

Racines des formes A et C :

tableau skr. | sar | sa-sr-ús | pat | pa-pt-ús

Devant les suffixes commençant par une consonne, certaines
racines en r n'admettent pas l'i de liaison, et l'on a alors un
comme dans ća-kr̥-má. Ce même i de liaison permet, chez les
racines de la classe C, des formes telles que pa-pt-imá 28.11

En arrivant aux racines de la forme Β nous pouvons tout de
suite mettre le gothique en regard de l'indien :

tableau bhaugh | skr. | bu-bhuģ-imá | goth. | bug-um

et avec  :

tableau vart | skr. | va-vr̥t-imá | goth. | vaurþ-um

Cf. goth. baug = bubhóģa, ναrþ = vavárta.

En grec la forme du singulier a peu à peu empiété sur celle
du pluriel ; dans les quelques restes de la formation primitive du
pluriel actif (Curtius Verb. II 169) nous trouvons encore ἐπέπιθμεν
en regard de πέποιθα, ἐϊκτον en regard de ἔοικα, mais le
hasard veut qu'aucun cas de n'ait subsisté 19. Le moyen du moins
s'est mieux conservé :

Racines de la forme A :

tableau σπερ | ἔ-σπαρ-ται | περ | πε-παρ-μένος | δερ | δε-δαρ-μένος | στελ | ἔ-σταλ-μαι | φθερ | ἔ-φθαρ-μαι | cf. | ἔ-φθορ-α | μερ | εἵ-μαρ-ται | et | ἔμ-βρα-ται | Hes. | ἔ-μμορ-α

Il est superflu de faire remarquer encore ici que ἔ-φθαρ-μαι
est à φθερ ce que ἔ-σσυ-μαι est à σευ.

Les langues italiques ont trop uniformisé la flexion verbale
pour qu'on puisse s'attendre à retrouver chez elles l'alternance
des formes faibles et des formes fortes. Mais il est fort possible
que les doublets comme vertovorto proviennent de cette source.
On ne doit pas attacher beaucoup d'importance à pepuli de pello,
perculi de percello ; il y a peut-être là le même affaiblissement de
la voyelle radicale que dans detineo, colligo, avec cette différence
que l'influence du l aurait déterminé la teinte u au lieu d'i.

L'ombrien possède, en regard de l'impératif kuvertu, le
futur antérieur vurtus — prononcé sans doute vortus — formé
12sur le thème faible du parfait. Sur les tables en écriture latine
on a covertu et covortus. Si l'on était certain que covortuso fût un
parfait (v. Bréal, Tables Eugubines p. 361), cette forme serait
précieuse. Seulement il ne faut pas perdre de vue que sur sol
italique vort- représente aussi bien va2rt- que vr̥t-, en sorte que
toutes ces formes ont peut-être pour point de départ le singulier
du parfait, non pas le pluriel ; elles n'en restent pas moins remarquables.
Autre exemple : persnimu, pepurkurent.

Présent. Dans la 2e et la 3e classe verbale, au présent et à
l'imparfait, la racine ne conserve sa forme normale qu'aux trois
personnes du singulier de l'actif ; le duel, le pluriel et tout le
moyen demandent l'expulsion de l'a : ainsi, en sanskrit, pour ne
citer que des racines de la forme A :

tableau e | fait | i-más | kar | kr̥-thás | (véd.) | ho | ģu-hu-más | par | pi-pr̥-más

En grec πίμ-πλα-μεν correspond exactement à pi-pr̥-mas ;
cette forme, en effet, n'appartient point à une racine πλᾱ qui serait
la métathèse de πελ, autrement les Doriens diraient πίμπλᾱμι.
L'η panhellène indique au contraire que πίμπλημι est une transformation
récente de *πιμπελμι = skr. píparmi 110.

La rac. φερ prend la forme πι-φρα- (dans πιφράναι) qui est
égale au skr. bi-bhr̥- (bibhr̥mas). Les traces nombreuses de l'ε, par
exemple dans φρές (Curtius Stud. VIII 328 seq.), nous garantissent
que la racine était bien φερ, non φρᾱ.

Les autres formations du présent n'offrant dans les langues
d'Europe que des traces incertaines de , il n'y aurait pas grand
avantage à les passer en revue. Rappelons seulement le latin
po(r)sco identique à l'indien pr̥ććhami. Si la racine est bien prak,
le est né ici de la même manière que dans ἔτραπον de τρέπω.
Pour comparer ces deux présents, il faut partir de l'idée que
posco est bien le descendant direct de la forme indo-européenne,
exempt de toute contamination venant des autres formes verbales,
13et une telle supposition aura toujours quelque chose de
périlleux, étant donnée l'habitude des dialectes italiques de passer
le niveau sur le vocalisme de la racine et de propager une seule
et même forme à travers toute la flexion. Mais, dans le cas de
posco, c'est sans doute précisément la forme du présent qu'on a
généralisée de la sorte. — Avec les mêmes réserves, on peut
rapprocher horreo et torreo, ce dernier dans le sens intransitif
seulement, des présents indiens hr̥syati et tr̥syati 111 ; ces deux racines
montrent l'e dans les formes grecques non affaiblies : χέρσος,
τέρσομαι.

b. Formations nominales.

Dans les langues ariennes, le participe passé passif en-tá
rejette régulièrement l'a radical, si cela est possible, c'est-à-dire
si la racine est de la forme A ou Β (page 8). Ainsi en sanskrit yο
donne yu-tá, en zend dar donne děrě-ta, etc. A la dernière forme
citée correspond exactement le grec δαρ-τό ou δρα-τό de δέρω,
et l'on a de même σπαρτός de σπερ, καρτός de κερ, (πάμ-)φθαρτος
de φθερ.

Dans φερτός, dans ἄ-δερκτος et dans les autres adjectifs
semblables, il faut voir des formations récentes. C'est ainsi, pour
ne citer que cet exemple entre cent, qu'à côté de l'ancien πύσ-τι-ς
— skr. buddhi, nous voyons apparaître πεῦσις, formé à nouveau
sur l'analogie de πεύθομαι.

La racine de σπάρτον (câble) est σπερ, comme on le voit par
σπεῖρα.

βλαστός = skr. vr̥ddhá montre aussi un λα fort régulier ;
mais comme ce participe a perdu son présent, notre principal
moyen de contrôle, savoir l'ε des formes congénères, nous fait ici
défaut.

Le latin a pulsus de pello, vulsus de vello, perculsus de per-cello,
sepultus de sepelio.

M. Fick identifie curtus — qui paraît être sorti de *cortus
au grec καρτός.

pro-cul rappelle vivement l'indien vi-pra-kr̥š-ṭa (éloigné), prakr̥š-ṭa
(long, grand, en parlant d'une distance) ; il faudrait alors
le ramener à un cas du thème *proculsto- 212. recello et procello ont
14d'ailleurs un sens voisin de celui du skr. karš, mais comme verro
s'en approche encore davantage, toute cette combinaison est
sujette à caution.

On a comparé l'ancien mot forctus (Corssen Ausspr. I2 101)
au skr. dr̥ḍhá de darh.

L'étymologie porta a portando étant difficile à accepter, porta
doit être un participe de la racine per (d'où gr. πείρω, διαμπερές),
et il équivaudrait à une forme grecque *παρτή.

Le gothique a les participes þaurft(a)-s, daurst(a)-s,
faurht(a)-s, handu-vaurht(a)-s, skuld(a)-s.

L'adjonction du suffixe -ti nécessite également l'expulsion
de l'a (e) radical. Nous ne citons que les cas où cette loi a donné
naissance au  :

Les exemples abondent dans les langues d'Asie : skr. bhr̥-tí,
zend bĕrĕ-ti de la rac. bhar, et ainsi de suite.

Le grec a κάρ-σις de κερ. Hésychius donne : ἀγαρρίς· ἄθροισις
(l'accent paraît être corrompu) qui doit remonter à *ἄγαρσι-ς,
de ἀγείρω. — στάλ-σις de στελ est d'une époque tardive.

Le gothique forme sur bairan : ga-baurþ(i)-s, sur tairan : gataurþ(i)-s ;
de même þaurft(i)-s, fra-vaurht(i)-s.

Le latin fors (thème for-ti-) de fero coïncide avec le skr.
bhr̥ti. — mors est l'équivalent du skr. mr̥ti, seulement le prés.
morior et le grec βροτός montrent que l'o est répandu par toute
la racine et recommandent donc la prudence.

sors, pour *sortis, paraît être sorti de la même racine ser
qui a donné exsero, desero, praesertim 113. Le mot serait donc à l'origine
simplement synonyme d'exsertum.

Si les adverbes en -tim dérivent, comme on le pense, de
thèmes nominaux en -ti, il faut citer ici l'ombrien trah-vorfi =
transversim ; cf. covertu.

Le suffixe -ú demande, dans la règle, l'affaiblissement de
15la racine. En dehors des langues ariennes, le ainsi produit se
reflète encore fidèlement dans l'adjectif gothique :

þaursus (rac. þers) = skr. tr̥šú

Nous insistons moins sur les adjectifs grecs :

βραδύς = skr. mr̥dú 114

πλατύς = skr. pr̥thú

Le lithuanien platùs donnerait à croire que le λα de πλατύς
est originaire, car dans cette langue on attendrait il comme continuation
du . En tous cas on aimerait trouver parallèlement à
πλατύς, βραδύς des formes contenant l'e 215.

Lorsque les racines des classes A et Β (page 8) sont employées
sans suffixe comme thèmes nominaux, elles expulsent
leur a (en Europe leur e). Sous cette forme elles servent fréquemment
en composition :

skr. bhed : pūr-bhíd darç : sam-dŕ̥ç

Tel est, en grec, l'adverbe ὑπό-δρα(κ) de δερκ. Cf. pour la fonction
comme pour la forme le skr. ā-pŕ̥k « mixtim ».

Voici enfin quelques mots, de différentes formations, qui renferment
un  :

Skr. hŕ̥d « cœur » = lat. cord-. Le grec καρδία, κρᾰδίη se
place à côté de la forme indienne hr̥dí. — Le goth. hairto, le gr.
κῆρ (= κερδ ? Curtius Grdz. 142) offrent une forme non affaiblie
de la racine.

Skr. ŕ̥kša « ours » = gr. ἄρκτος = lat. ursus (*orcsus).

Le lat. cornua au pluriel répond peut-être exactement au
védique çŕ̥ṅgā ; il serait donc pour *corṅgua. Dans cette hypothèse
le singulier ne serait pas primitif. Le goth. haurn, dans la
même supposition remonterait à *haurṅg, et la flexion se serait
dirigée d'après la forme du nom.-accus. où la gutturale devait
facilement tomber 316.16

Le rapprochement du grec τράπελος avec le skr. tr̥prá, tr̥pála
(Fick W. I3 96) demeure très-incertain.

κάρχαρος « hérissé » (cf. κάρκαρος) fait penser au skr.kr̥ććhrá
« âpre, pénible etc. »

Le lat. furnus « four » sort de *fornus = skr. ghr̥na « ardeur ».

κελαινός « noir », ramené à *κ(ε)λασνyο-ς, devient le proche
parent du skr. kr̥šṇà (même sens) 117.

λαυκᾰνίη « gosier » est pour *σλακϜαν-ίη, amplification du
thème sŕ̥kvan qui signifie en sanskrit coin de la bouche ; le thème
parent srákva a suivant Böhtlingk et Roth le sens général de
bouche, gueule 218. L'épenthèse de l'u dans le mot grec a des analogies
sur lesquelles nous aurons l'occasion de revenir. Chez des
auteurs post-homériques on trouve aussi λευκανίη.

ε-ὐλάκα (lacon.) « charrue », αὖλακ-ς « sillon » répondent,
d'après l'étymologie de M. Fick, au védique vŕ̥ka « charrue ».

Le lat. morbus est sans doute parent du skr. mŕ̥dh « objet
hostile, ennemi », mais la différence des thèmes ne permet pas
d'affirmer que l'or du mot latin soit sorti de .

ταρτημόρίον· τὸ τριτημόριον Hes. Cf. skr. tr̥tiya.

Gr. πράσον — lat. porrum contient sans doute aussi le .

Si l'on fait abstraction des formations courantes, comme les
substantifs grecs en -σι-ς, dans lesquelles la voyelle du présent
devait inévitablement pénétrer peu à peu, les exceptions à la loi
de correspondance énoncée en commençant sont peu nombreuses.

Les cas tels que γέλγιςgr̥ńģana, merdamŕ̥d, ou περκνός
pŕ̥çni n'entrent pas en considération, vu que les thèmes
ne sont pas identiques ; à côté de περκνός nous trouvons d'ailleurs
πρακνός (Curt. Grdz. 275). — δειράς (dor. δηράς) « crête de montagne »
a été rapproché de skr. dr̥šád « pierre », mais à tort, car
δειράς ne saurait se séparer de δειρή.17

L'identification de Φλέγυς avec bhŕ̥gu (Kuhn, herabk. des
feuers) est séduisante, mais elle ne peut passer pour parfaitement
sûre.

Au skr. kŕ̥mi répond presque sans aucun doute, et très-régulièrement
pour ce qui est du , le goth. vaurms ; mais le gr.
ἕλμίς, le lat. vermis montrent e. La forme de ce mot a du reste
une instabilité remarquable dans son consonantisme 119 aussi bien
que dans la voyelle radicale : l'épel krimi est très-fréquent en
sanskrit, et λίμινθες· ἕλμίνθες· Πάφιοί (Hes.) nous donne la
forme correspondante du grec.

2. Syllabes suffixales.

Les noms de parenté et les noms d'agent en -ταr expulsent,
aux cas faibles, l'a du suffixe qui se réduit à -tr, -ou, devant les
désinences commençant par une consonne, à -tr̥. De là :

gr. πα-τρ-ός, lat. pa-tr-is : cf. skr. pi-tr-a

et avec  : gr. πα-τρά-σι = skr. pi-tŕ̥-šu.

V. Brugman, zur Gesch. der stammabstufenden Declinationen, Studien
IX 363 seq. On a de même : μητράσι, ἀνδράσι, ἀστράσι etc.

Le mot en -ar est-il le premier membre d'un composé, il
faut attendre la forme faible, comme dans l'indien bhrātr̥-varga.
Peut-être en grec ἀνδρά-ποδο-ν est-il, comme le prétend M. Brugman,
un dernier échantillon de ce mode de formation.

Au nom.-acc. sing. de certains neutres apparaît un suffixe
-r̥ ou -r̥-t qui a donné skr. yakŕ̥t = gr. ἧπαρ = lat. jecur (probablement
pour *jequor). Cependant tous les neutres grecs en
-αρ ne remontent pas à une forme en  : οὖθαρ, par exemple,
répond au védique ūdhar, et son α n'est point anaptyctique.

§ 2. Nasales sonantes.

Tandis que la liquide sonante s'est maintenue du moins
dans l'antique langue de l'Inde, les nasales sonantes ont entièrement
disparu, comme telles, du domaine indo-européen 220. Il y a
18plus : la liquide, en cessant d'être sonante, n'a point du même
coup cessé d'exister ; elle s'est bornée à prendre la fonction de
consonne. Autre a été le sort des nasales, soit dans le grec, soit
dans les langues ariennes : en donnant naissance à un phonème
vocalique, elles ont elles-mêmes succombé, et, pour mettre le
comble à la complication, le phonème en question est venu se
confondre avec l'a.

Cet a n'a rien qui le fasse distinguer de prime abord dans le
sanskrit ni dans le zend. En grec on peut heureusement le reconnaître
plus facilement, parce qu'il se trouve souvent opposé à
un ε radical (τείνωτατός).

Dans les langues congénères la nasale s'est conservée ; en
revanche, la voyelle qui s'est développée devant elle a pris, dans
plusieurs de ces idiomes, la couleur de l'e ; et il est souvent impossible
de savoir si le groupe en remplace réellement une nasale
sonante.

Le travail où M. Brugman a exposé sa théorie offre des
matériaux considérables à qui est désireux d'étudier la question ;
mais il convient de rassembler ici les principaux faits dont il
s'agit en les plaçant dans le cadre qui nous a servi pour les
phénomènes relatifs aux liquides. Les deux séries se complètent
et s'éclairent ainsi l'une l'autre.

Voici les différents phonèmes qui sont sortis des nasales
sonantes :

tableau Indo-eur. | n̥ | [n̥] | m̥) | Arien | a | Latin | en | em | Grec | α | Paléosl. | ę | Goth | un | um | Lithuan. | in | im 121

Les nasales sonantes ont pu prendre naissance de deux manières :
ou par la chute d'un a, comme c'est toujours le cas pour
les liquides sonantes ; ou par l'adjonction à un thème consonantique
d'une désinence commençant par une nasale. Nous considérons
d'abord le premier cas :19

1. Syllabe radicale.

a. Formations verbales.

Aoriste thématique (cf. page 9). L'indien randh « tomber
aux mains de » a un aoriste á-radh-a-t, lequel sort de *a-rn̥dh-a-t,
à supposer du moins que la racine soit bien randh, et non radh.

On voit ici dès l'abord le contraste des conceptions, suivant
qu'on croit ou non à la nasale sonante. Jusqu'ici on regardait la
nasale d'une racine telle que randh comme un élément mobile
rejeté dans la forme faible. Avec la théorie nouvelle c'est au
contraire l'a qui a été rejeté, en concordance parfaite avec ce qui
a été développé plus haut, et l'a que nous voyons, l'a de áradhat,
équivaut à une nasale, car il est fait de la substance même de
cette nasale évanouie. Si le hasard avait voulu que ce fût un u et
non un a qui se développât dans les langues ariennes sur la
nasale sonante, l'aoriste en question serait « árudhat ».

Le grec est là pour en donner la preuve irréfragable, car
chez lui la monotonie de l'a cesse et le dualisme se révèle dans
les deux teintes ε et α :

La racine πενθ donne l'aoriste : ἔ-παθ-ο-ν 122.

L'aoriste thématique redoublé ne fournit aucun exemple
grec. En sanskrit on peut citer le védique ća-krad-a-t de
krand 223.

L'aoriste sans voyelle thématique qui coïncide pour la
forme avec l'imparfait de la 2me classe verbale 324 n'a pas été mentionné
plus haut à propos des liquides, parce qu'il n'offrait aucun
cas de en Europe. — Le singulier de l'actif conserve l'a (e). Le
reste de l'actif ainsi que tout le moyen l'expulsent ; on a donc en
sanskrit :20

Racines de la forme A (page 8) :

tableau Singulier | Pluriel | duel | et | moyen | çro | á-çrav-[a]m | á-çro-t | çru-tám | var | á-var(-s) | á-vr̥-ta

et avec nasale sonante dans la forme faible :

tableau gam | á-gan(-t) | ga-tám

Racines de la forme B: 125

tableau Singulier | Pluriel | duel | et | moyen | doh | á-dhok-(t) | á-duh-ran | varģ | várk(-s) | á-vr̥k-ta

M. Brugman me fait part d'une explication très-ingénieuse
des aoristes grecs comme ἔχευα, ἔσσευα qui jusqu'alors avaient
résisté à toute analyse. Ce sont les formes de l'actif correspondant
aux aoristes moyens comme ἔχυμην, ἔσσυμην La flexion
primitive était : ἔχευα (pour ἔχευm̥), *ἔχευς, *ἔχευ (τ) ; — pluriel
*ἔχυμεν etc. ; — moyen ἐχύμην. Comme au parfait, l'α de la
première personne ἔχευα s'est propagé par tout l'actif, et l'ancien
pluriel à syllabe radicale faible s'est retiré devant des formes
forgées sur le modèle du singulier (ἐχεύαμεν). Cet *ἔ-χυ-μεν qui
n'existe plus et qui est à ἔχευα ce qu'en sanskrit *á-çru-ma est à
á-çrav-am a son analogue parfait, avec nasale sonante, dans la
forme ἔ-κτᾰ-μεν (rac. κτεν) : seulement, dans ce dernier aoriste,
c'est le singulier qui a subi des changements sous l'influence du
pluriel : *ἔ-κτεν-α, *ἔ-κτεν(-τ) ont été remplacés par ἔκτav, ἔκτᾰ.
— Dans κτά-μεναι, κτά-σθαι, κτά-μενος, απ-έ-κτα-το l'α doit être
sorti directement de la sonante. — M. Curtius (Verb. I2 192) fait
remarquer que l'hypothèse d'une racine κτα est inadmissible.

Parfait (cf. page 11). Les racines de la forme A présentent
encore en grec des restes du parfait primitif tels que :

μέ-μα-τον ; cf. sing. μέ-μον-α de μεν

γε-γά-την ; cf. pf. sg. γε-γον-α de γεν ;

et au moyen :

τέ-τα-ται de τεν πέ-φα-ται de φεν 22621

Dans les formes indiennes, la voyelle de liaison a permis à
la nasale de rester consonne : ģa-gm-imá, ta-tn-išé. Le participe
sa-sa-van (de san) offre la sonante ; voy. cependant ce mot au
registre.

Dans les racines de la forme Β on peut citer avec M. Brugman :
skr. tastámbha, 3° pl. tastabhús (c'est-à-dire tastm̥bhús),
ćaććhánda a un optatif ćaććhadyat. En grec on a πεπαθυῖα en
regard de πέπονθα (rac. πενθ), M. Brugman adoptant en outre
une leçon d'Aristarque obtient : πέπασθε (= πέ-παθ-τε) au lieu
de πέποσθε Iliad. 3, 99 et pass. — Cf. cependant notre remarque
sur ἔπαθον, p. 20 i. n.

Le goth. bund-um (rac. bend) est naturellement pour bn̥dum,
et tous les verbes gothiques de cette classe présentent semblablement
la sonante au parf. pluriel et duel.

Présent. Dans la 2e classe verbale (cf. page 13) on peut
signaler en grec (ἔ)ραμαι ramené à ῥn̥-μαι dans un récent article
de M. Brugman K. Z. XXIII 587 ; la racine est la même que dans
l'indien ramati « se plaire, etc. ». En sanskrit nous trouvons par
exemple : hán-ti, 2e plur. ha-thás, c'est-à-dire hn̥-thás.

La 8me classe verbale fera l'objet d'un prochain travail de
M. Brugman, où il montrera que tanómi, vanómi etc., sont pour
tn̥-nó-mi, vn̥-nó-mi. Aussi le grec montre-il l'alpha significatif
dans τά-νυ-ται de la racine τεν, dans ἄ-νυ-ται de la rac. ἑν 127.
Cela est dans l'ordre, puisqu'on a, de la rac. k2ai : ći-nomi, de la
rac. dhars : dhr̥š-nómi et non pas : « će-nomi, dharš-n̥omi » 228.

La classe des inchoatifs ajoute -ska à la racine privée d'a :
skr. yú-ććhati de yo, uććháti de vas. Il est clair par conséquent que
yá-ććhati de yam, gá-ććhati de gam ont la nasale sonante, et il n'y
22a pas de raison de croire que le grec βά-σχω soit formé différemment,
bien qu'il puisse venir de la racine sœur βᾱ.

b. Formations nominales.

Le suffixe -tá (cf. page 14) donne les thèmes suivants :

de tan (ten) : skr. ta-tá = gr. τα-τός = lat. ten-tus

de g2am (g2cm) : skr. ga-tá = gr. βα-τός 129 = lat. ven-tus

de man (men) : skr. ma-tá = gr. μα-τος 230 — lat. men-tus 231

de gh2an (gh2en) : skr. ha-tá = gr. φα-τός 332

de ram (rem) : skr. ra-tá = gr. ἐρα-τός (= lat. lentus ?)

Ces formes indiennes auxquelles il faut ajouter yatá de yam, natá
de nam, kšatá de kšan, et qui se reproduisent dans le zend et
l'ancien perse (zd. gata « parti », a. p. ģata « tué » etc.) appartiendraient
suivant Schleicher Beiträge II 92 seq. à des racines en
, et l'auteur s'en sert pour démontrer la théorie qu'on connaît ;
mais comment se ferait-il que ce fussent précisément là les seuls
cas d'un a sanskrit terminant une racine et que dans tous les
exemples où la nasale n'est pas en jeu, on trouve i ou ī dans les
mêmes participes : sthitá, pītá ? On peut dire tout au contraire
que cet α porte en lui-même la preuve de son origine nasale.

Les thèmes en -ti (cf. page 15) sont tout semblables aux
précédents : skr. tati = gr. τάσις, cf. lat. -tentio ; kšati (de kšan) a
pour parallèle grec l'homérique ἀνδρο-κτασίη (de κτεν). Le skr.
gáti, le gr. βάσις et le goth. (ga-)qumþ(i)s se réunissent de même
dans l'indo-européen g2m̥-ti. Le goth. (ga-)mund(i)s répond au
véd. matí (skr. classique máti), au lat. men(ti)s 433.

Thèmes en -ú (cf. page 15). L'identité de l'ind. bahú et du gr.
παχύς (bahulá = παχυλός) s'impose avec non moins de force que
23le rapprochement de pinguis avec παχύς que l'on doit à M. Curtius.
On est obligé d'admettre la réduction de la première aspirée
ph dans la période antéhistorique où l'italique n'avait pas encore
converti les aspirées en spirantes, et ceci n'est point sans doute
un cas unique dans son genre. Or pingitis pour *penguis nous
prouve que l'a de bahú et de παχύς représente une nasale sonante.
Le superlatif skr. báṃh-išṭha en offrait du reste la preuve
immédiate.

Le skr. raghú, laghú = gr. ἐλαχύς contient également la nasale
sonante à en juger par les mots parents skr. rámhas et
rámhi. Donc le latin lĕvis est pour *len̥huis, *len̥uis ; les traitements
divers de pinguis et de levis n'ont d'autre raison que la
différence des gutturales (gh1 et gh2 : bahú, raghú). La discordance
du vocalisme dans levis vis-à-vis d'ἐλαχύς est supprimée. Le lith.
lèngvas, le zd. reñģya confirment l'existence de la nasale. Enfin,
pour revenir au skr. raghú, l'a de ce mot ne s'explique que s'il
représente une nasale sonante, autrement il devait disparaître
comme dans r̥ģú (superl. ráģišṭha) et dans les autres adjectifs
en .

Le lat. densus indique que δασύς est pour δn̥σύς.

L'affaiblissement de la syllabe radicale devant le suff. se
vérifie encore dans βαθύ-ς, de la racine βενθ dont la forme pleine
apparaît dans βένθ-ος. Ici cependant, comme plus haut pour
παθεῖν, on peut être en doute sur la provenance et par conséquent
aussi sur la nature de l'α : car à côté de βενθ on a la rac. βᾱθ
sans nasale. Ces sortes de doublets nous occuperont dans un
prochain chapitre.

Thèmes de diverses formations :

Skr. así = lat. ensis. Skr. vastí et lat. vē(n)sīca.

Le goth. ūhtvo (c.-à-d. *unhtvo) « matin » répond, comme on
sait, au védique aktú « lumière », auquel on a comparé aussi le
grec ἀκτίς « rayon ».

Le gr. πάτο-ς « chemin » doit remonter à *πn̥το-ς, vu la nasale
du skr. pánthan, gén. path-ás (=pn̥th-ás).

Le thème n̥dhara (ou peut-être m̥dhara) « inferior » donne
l'indien ádhara, le lat. inferus, le goth. undaro.

M. Scherer (Z. Gesch. der deutsch. Spr. p. 223 seq.), parlant
des thèmes des pronoms personnels, se livre à des conjectures
24dont M. Leskien a fait ressortir le caractère aventureux (Declination
p. 139) ; sur un point cependant le savant germaniste a
touché juste sans aucun doute : c'est lorsqu'il restitue pour le pluriel
du pronom de la 1re personne un thème contenant une nasale
devant l's : amsma, ansma. Ce n'est pas que les raisons théoriques
de M. Scherer soient convaincantes ; mais le germanique uns,
unsis
ne s'explique que de cette façon. Au lieu de amsma ou
ansma, il faut naturellement m̥sna ou n̥sma, d'où sortent avec une
égale régularité le goth. tins, le skr. asmád, le grec (éol.) ἄμμε =
*ἀσμε.

Plusieurs cas d'une nature particulière, celui du nom de
nombre cent par exemple, trouveront leur place dans un autre
chapitre 134.

2. Syllabes suffixales.

La flexion des thèmes en -an (-en), -man (-men), -van (-ven)
demande un examen détaillé qui trouvera mieux sa place dans
un chapitre subséquent. Il suffit ici de relever ce qui a trait à la
nasale sonante : dans la langue-mère, le suffixe perdait son a aux
cas dits faibles et très-faibles. Dans ces derniers, la désinence
commence par une voyelle et la nasale restait consonne ; aux cas
« faibles » au contraire elle était obligée de prendre la fonction
de voyelle, parce que la désinence commence par une consonne.
Là est toute la différence. On a en sanskrit, du thème ukšán :

tableau gén. | sing. | ukšṇ-ás | intr. | pl. | ukšá-bhis | ukšn̥-bhis | dat. | ukšṇ-é | loc. | ukšá-su | ukšn̥-su

Le grec fait au gén. sing. : ποιμένος, au dat. plur. : ποιμέσι,
25tous deux hystérogènes. Les anciennes formes ont dû être
*ποίμν-ός et *ποίμᾰ-σι. Il a subsisté quelques débris de cette
formation : κυ-ν-ός du thème κυ-ον, φρ-ᾰ-σί (Pindare) du thème
φρ-εν. V. Brugman Stud. IX 376.

Au nom.-acc. sing. des neutres en -man, l'a final de skr.
nama, zd. nãma, gr. ὄνομα 135 est sorti, aussi bien que l'ę du slave
imę et l'en du lat. nōmen d'une nasale sonante indo-européenne.
Morphologiquement, c'est ce que font conclure toutes les analogies,
ainsi celle de l'ind. dātr̥ au nom.-acc. neutre ; phonétiquement,
c'est la seule hypothèse qui rende compte de l'absence de
la nasale dans les deux premières langues citées. — Voilà la
première fois que nous rencontrons une nasale sonante à la fin
du mot, et le cas mérite une attention spéciale. Si simple que la
chose paraisse à première vue, elle ne laisse pas que d'embarrasser
quelque peu, aussitôt qu'on considère le mot dans son rôle
naturel de membre de la phrase. L'indien dātr̥, qui vient d'être
cité, placé devant un mot commençant par une voyelle, comme
api, donnerait, d'après les règles du sandhi : dātrapi. En d'autres
termes, le dātr̥ du paradigme n'a de réalité que suivi d'une consonne
ou finissant la phrase ; devant les voyelles il n'y a que dātr.
Et cependant (ce qui veut dire : r doué d'accent syllabique)
peut fort bien se maintenir devant les voyelles. C'est ainsi que
la phrase anglaise : the father is se prononcera couramment : the
fathr̥ is
, non pas : the fathr is 236. Il en est de même de dans l'allemand
siebn-und-zwanzig (sieben-und-zwanzig).

Un mot indo-européen comme stāmn (nom.-acc. de stāman=
skr. sthāman- 337) a donc pu faire à la rencontre d'une voyelle,
26devant api par exemple : stāmn api — ou bien stāmn api (cf. note 2.
p. 26). Se décider pour la première alternative serait peut-être
admettre implicitement qu'on disait madhw api et non madhu api,
c'est-à-dire faire remonter la règle de sandhi sanskrite relative à
i et u devant les voyelles, du moins dans son principe 138, jusqu'à la
période proethnique, et l'usage védique ne parlerait guère en
faveur de cette thèse. Nous n'entrerons pas ici dans la discussion
de ce point, parce que nous croyons que l'hypothèse :
stāmn api est en effet la plus probable, mais qu'on veuille bien
comparer plus loin ce qui a rapport à l'accusatif singulier des
thèmes consonantiques. — On a donc dans la phrase indo-européenne :
stāmn tasya et stamn api.

A l'époque où la nasale sonante devint incommode à la
langue, époque où Hindous et Iraniens parlaient encore un même
idiome, l'ancien stāmn tasya devint nécessairement stāma tasija,
skr. sthāma tasya. Placé à la fin de la phrase, stāmn̥ devait également
donner stāma. Quant à stāmn api, son développement normal
a dû être, en vertu du dédoublement dont il a été question :
stāma-n-api. Cette dernière forme a péri : il y a eu unification
comme dans une foule de cas analogues pour lesquels il suffit de
citer les récents travaux de M. Curtius : Zu den Auslautsgesetzen
des Griechischen
. Stud. X 203 seq. et de M. Sievers dans les Beiträge
de Paul et Braune
V 102.

Dans le grec et le slave la marche de cette sélection a dû
être à peu de chose près la même que dans les langues ariennes.

Flexion des neutres en -man, dans la langue grecque. — La
flexion grecque (ὀνόματος, -ματι etc.) présente partout la nasale sonante
grâce à la création d'un thème en difficile à expliquer. Il faut naturellement
27mettre cette déclinaison en regard de celle de ἧπαρ, ἥπατος,
ὀνόματος répond au skr. nāmnas, ἥπατος au skr. yaknás ; et pour ce qui
est de cette dernière classe de thèmes, nous pouvons être certains, quelle
que soit l'origine du τ grec, que la déclinaison indienne yakŕ̥t, yaknás, qui
ne connaît l'r qu'au nom.-acc. sing. reflète fidèlement celle de la langue-mère 139.

Mais quant à savoir si l'insertion du τ est partie des thèmes en -μα,
ou des thèmes en -αρ, ou si elle s'est développée de pair sur les deux
classes de thèmes, sans qu'il y ait eu de contamination entre elles, c'est
une question qui peut se trancher de plusieurs façons, sans qu'aucune solution
soit bien satisfaisante.

Voici quelques points à considérer dans la discussion des probabilités :

Les langues parentes possèdent un suffixe -mn̥-ta, élargissement du
suff. -man ; en latin par exemple ce suffixe a donné augmentum, cognomentum.
Ce suffixe manque en grec. — Un suffixe -n̥-ta parallèle à un neutre
grec en -αρ, -ατός existe probablement dans le lat. Oufens (masc.), Oufentina :
cf. oὖθαρ, -ατός. Car Oufens remonte à *Oufento-s.

Le t qui se montre au nom.-acc. du skr. yakr̥-t pourrait bien malgré
tout avoir joué un rôle dans le phénomène. On aurait un parallèle frappant
dans le lat. s-an-gu(-en) en regard du sanskrit ás-r̥-g, g. as-n-ás 240 ; là
nous voyons clairement l'élément consonantique ajouté au du nom.-acc.
se propager sur le thème en -n. D'autre part il y a quelque vraisemblance
pour que la dentale de yakŕ̥t (yakŕ̥d) ne soit autre que celle qui marque le
neutre dans les thèmes pronominaux 341 ; dans ce cas c'est en réalité un d,
et il n'y a plus à s'en préoccuper dans la question du τ grec.

Dans le cas où l'insertion du τ serait partie des thèmes en -αρ, il
est remarquable que le nom.-acc. des mots en -μα ait subi lui aussi un
métaplasme venant de ces thèmes, car les formes ἧ-μαρ, τέκ-μαρ, τέκ-μωρ
n'ont point d'analogue dans les langues congénères. Il est vrai que, selon
l'étymologie qu'on adoptera, il faudra peut-être diviser ainsi : ἧμ-αρ, τέ-κμ-αρ,
τέ-κμ-ωρ.28

Les thèmes neutres δoυρατ, γουνατ, qui, dans la plus grande partie
de la flexion, remplacent δόρυ, γόνυ, sont peut-être au skr. dāru-ṇ-(-as),
ģānu-n(-as) ce que ὀνοματ est au skr. nāmn(-as). Ceci, sans vouloir préjuger
la valeur morphologique de la nasale de dāru-ṇ-, et surtout sans
insister sur le choix de ces deux thèmes en u dont la flexion primitive
soulève une foule d'autres questions.

Même en sanskrit, certaines formes faibles de thèmes terminés en
an s'adjoignent un t ; ainsi yuvatí (= yuvn̥ti) à côté de yūnī, tous deux
dérivés de yuvan-. A son tour l'indien yuvatí nous remet en mémoire la
formation grecque : *προφρn̥ τyα, πρόφρασσα, féminin de προφρον-. Cf. encore
yúvat pour *yúva au neutre, forme qui comporte aussi une autre explication
(p. 28, note 3), et varimátā, ŕ̥kvatā, instrumentaux védiques de
varimán, ŕ̥kvan.

Les mots paléoslaves comme žrěbę, gén. žrěbęt-e « poulain », telę
telęt-e « veau » etc. ont un suffixe qui coïncide avec l'-ατ du grec dans une
forme primitive -n̥t. Seulement ces mots sont des diminutifs de formation
secondaire, et le grec n'a peut-être qu'un seul exemple de ce genre,
l'homérique προσώπατα qui semble être dérivé de πρόσωπο-ν. On peut
conjecturer néanmoins que les formes slaves en question sont bien la dernière
réminiscence des thèmes comme ἧπαρ, -ατος et yakŕ̥t, -nás. D'après ce
qui a été dit plus haut, le nom.-acc. en ne pourrait qu'être récent ; nous
trouvons semblablement en latin le nom.-acc. : ungu-en, en grec : ἄλείφα
à côté ἄλειφαρ.

Voilà quelques-uns des rapprochements qui se présentent à l'esprit
dans la question de l'origine du τ dans les suffixes -ατ et -ματ. Nous nous
abstenons de tout jugement ; mais personne ne doutera, en ce qui concerne
l'α qu'il ne soit le représentant d'une nasale sonante.

A côté de skr. nāma se placent, sous le rapport du traitement
de la nasale sonante finale, les noms de nombre suivants :

tableau saptá | lat. | septem | goth. | sibun | gr. | ἑπτά | náva | novem | niun | ἐννέα | dáça | decem | taihun | δέκα

C'est là la forme du nomin.-accusatif, la seule qui donne matière
à comparaison. A la question : « quels sont les thèmes de ces
noms de nombre ? » la grammaire hindoue répond : saptan-, navan-,
daçan-, et à son point de vue elle a raison, car un instr. pl. comme
saptabhis ne se distingue en rien de la forme correspondante du
thème nāman-, qui est nāmabhis. Cependant, si nous consultons
les langues congénères, deux d'entre elles nous montrent la
nasale labiale, le latin et le lithuanien (dészimtis 142), et ces deux
29langues sont les seules qui puissent éclairer la question, vu que
le gothique convertit l'm final en n.

Seconde preuve en faveur de la nasale labiale. Le sanskrit termine
ses noms de nombre ordinaux, de deux à dix, par -tīya, -tha ou -ma 143. En
omettant pour un instant l'adjectif ordinal qui correspond à páńća, et en
mettant ensemble les formes dont le suffixe commence par une dentale, on
a une première série composée de :

dvi-tīya, tr̥-tīya, ćatur-thá, šaš-ṭhá,

et une seconde où se trouvent :

saptamá, ašṭamá, navamá, daçamá.

Dans les langues européennes la première formation est la plus répandue,
et en gothique elle a complètement évincé la seconde. Il est encore
visible néanmoins que les deux séries du sanskrit remontent telles
quelles, à part les changements phonétiques, à la langue indo-européenne.
En effet aucun idiome de la famille ne montre la terminaison -ma là où
le sanskrit a -tha ou -tīya, tandis qu'à chaque forme de notre seconde
série répond, au moins dans une langue, un adjectif en -ma : nous ne citons
pas l'iranien, trop voisin du sanskrit pour changer beaucoup la certitude
du résultat.

En regard de saptamá : gr. ἥβδομος, lat. septimus, boruss. septmas,
| paléosl. sedmŭ, irland. sechtmad.

En regard de ašṭamá : lith. aszmas, paléosl. osmŭ, irland. ochtmad.

En regard de navamá : lat. nonus pour *nomus venant de *noumos,
| v. Curtius Grdz. p. 534.

En regard de daçamá : lat. decimus.

Donc les noms de nombre sept, huit, neuf et dix, et ceux-là seuls, formaient
dans la langue-mère des adjectifs ordinaux en -ma. Or il se trouve
précisément que ces quatre noms de nombre 244, et ceux-là seuls, se terminent
30par une nasale. Ou bien il y a là un jeu singulier du hasard, ou bien
la nasale des cardinaux et celle des ordinaux sont en réalité une seule
et même chose ; en d'autres termes, pour autant qu'on a le droit de regarder
les premiers comme bases des seconds, le suffixe dérivatif des ordinaux
est -a, non pas -ma 145.

La nasale latente de saptá, identique à celle qui apparaît dans saptamá,
est donc un m. Même conclusion, en ce qui concerne ašṭá, náva, dáça.

Nous revenons au nom de nombre cinq. Bopp (Gr. Comp. Il p. 225 seq.
de la trad. française) fait remarquer l'absence de la nasale finale dans
les langues européennes 246, ainsi que l'ε du grec πέντε en regard de l'α de
ἑπτά, ἐννέα, δέκα « conservé par la nasale. » — « De tous ces faits, dit-il,
on est tenté de conclure que la nasale finale de páńćan, en sanskrit et
en zend, est une addition de date postérieure. » C'est trop encore que de
la laisser aux langues ariennes : en effet, le gén. skr. pańćānām (zd.
pañćanãm) serait tout à fait irrégulier s'il dérivait d'un thème en -an ; il
est simplement emprunté aux thèmes en -a 347. Les composés artificiels tels
que priyapańćānas (Benfey, Vollst. Gr. § 767) n'ont aucune valeur linguistique,
et les formes pańćábhis, -bhyas, -su ne prouvent rien ni dans
un sens ni dans l'autre 448. Ainsi rien ne fait supposer l'existence d'une
nasale.

Les adjectifs ordinaux de ce nombre sont :

gr. πέμπτος, lat. quin(c)tus, (goth. fimfta), lith. pènktas, paléosl.
pętŭ, zd. puχδα, skr. véd. pańćathá.

Le nombre cardinal n'ayant pas la nasale finale, ces formations
sont conformes à la règle établie plus haut. Si, à côté de pańćathá, le
sanskrit — mais le sanskrit seul — nous montre déjà dans le Véda la
forme pańćamá, c'est que, pour nous servir de la formule commode de
M. Havet, étant donnés páńća et le couple saptá-saptamá, ou bien dáça-daçamá
etc., l'Hindou en tira tout naturellement la quatrième proportionnelle :
pańćamá 149.

M. Ascoli, dans son explication du suffixe grec -τατο, prend pour point
de départ les adjectifs ordinaux ἔνατος et δέκατος. Notre thèse ne nous
force point à abandonner la théorie de M. Ascoli ; il suffit d'ajouter une
phase à l'évolution qu'il a décrite et de dire que ἔνατος, δέκατος sont
eux-mêmes formés sur sol grec à l'image de τρἰτος, τέταρτος, πέμπτος,
ἕκτος 250.

La valeur phonétique primitive de la terminaison -ama des formes
sanskrites, et de ce qui lui correspond dans les autres langues, est examinée
ailleurs.

Il n'était pas inutile pour la suite de cette étude d'accentuer
le fait, assez généralement reconnu, que la nasale finale des noms
de nombre est un m, non pas un n. La valeur morphologique de
cet m n'est du reste pas connue, et en le plaçant provisoirement
sous la rubrique syllabes suffixales nous n'entendons en aucune
manière trancher cette obscure question.

Outre la flexion proprement dite, deux opérations grammaticales
peuvent faire subir aux suffixes des variations qui engendreront
la nasale — ou la liquide — sonante, savoir la composition
et la dérivation. Ce sont elles que nous étudierons
maintenant 351.

C'est une loi constante à l'origine, que les suffixes qui expulsent
leur a devant certaines désinences prennent aussi cette
32forme réduite, lorsque le thème auquel ils appartiennent devient
le premier membre d'un composé. Brugman K. Z. XXIV 10. Cf.
plus haut p. 18.ν

Le second membre du composé commence-t-il par une consonne,
on verra naître la sonante à la fin du premier. Les langues
ariennes sont toujours restées fidèles à cette antique formation :

skr. nāma-dhéya (= nāmn̥-dhéya)

Cette forme en -a qui ne se justifie que devant les consonnes s'est
ensuite généralisée de la même manière qu'au nomin.-acc. neutre :
on a donc en sanskrit nāmāṅha au lieu de *nāmnaṅka. — açmāsyà
de açman « rocher » et āsyà « bouche » est un exemple védique de
cette formation secondaire ; c'est aussi le seul qui se trouve dans
le dictionnaire du Rig-Véda de Grassmann 152, et l'on a simultanément
une quantité de composés dont le premier membre est
vr̥šan et qui offrent les restes du procédé ancien : vr̥šan composé
avec áçva par exemple, donne, non pas vr̥šāçva, mais vr̥šaṇaçvá,
ce qu'il faut traduire : vr̥šn̥-n-açvá. D'après l'analogie des thèmes
en -r (pitrartha de pitar et artha), on attendrait *vr̥šṇaçvá ; et nous
retrouvons ici l'alternative formulée plus haut dans stāmn api,
stāmn api. Peut-être que dans la composition il faut comme dans
la phrase s'en tenir à la seconde formule, et que pitrartha doit en
fait d'ancienneté céder le pas à vr̥šaṇaçva.

Dans les composés grecs dont le premier membre est un
neutre en -μα, ὀνομα-κλυτός par exemple, on peut avec M. Brugman
(Stud. IX 376) reconnaître un dernier vestige de la formation
primitive, à laquelle s'est substitué dans tous les autres cas
le type ἀρρεν-ο-γόνος. Cf. p. 34 ἅπαξ et ἁπλόος.

Dérivation. Il va sans dire qu'ici comme partout ailleurs
la sonante ne représente qu'un cas particulier d'un phénomène
général d'affaiblissement ; qu'elle n'apparaîtra que si l'élément
dérivatif commence par une consonne. Voyons d'abord quelques
exemples du cas inverse, où le suffixe secondaire commence par
une voyelle. Déjà dans le premier volume du Journal de Kuhn
(p. 300), Ebel mettait en parallèle la syncope de l'a aux cas faibles
du skr. rāģan (gén. rāģńas) et la formation de λιμν-η, ποίμν-η,
33dérivés de λιμήν, ποιμήν. M. Brugman (Stud. IX 387 seq.) a
réuni un certain nombre d'échantillons de ce genre qui se rapportent
aux thèmes en -ar, et parmi lesquels on remarquera surtout
lat. -sobrīnus = *-sosr-īnus, de soror. Cf. loc. cit. p. 256, ce
qui est dit sur ὕμν-ο-ς, considéré comme un dérivé de ὑμήν.

L'élément dérivatif commence par une consonne :

Le suffixe -man augmenté de -ta devient -mn̥ta. Un exemple
connu est : skr. çró-mata = v. haut-all, hliu-munt. Le latin montre,
régulièrement, -mento : cognomentum, tegmentum etc.

Un suffixe secondaire -bha qui s'ajoute de préférence aux
thèmes en -an sert à former certains noms d'animaux. Sa fonction
se borne à individualiser, suivant l'expression consacrée par M.
Curtius. Ainsi le thème qui est en zend arshan « mâle » n'apparaît
en sanskrit que sous la forme amplifiée r̥ša-bhá (= r̥šn̥-bhá)
« taureau ». De même : vŕ̥šan, vr̥ša-bhá. A l'un ou à l'autre de ces
deux thèmes se rapporte le grec Εἰραφ-ιώτης, éol. Ἐρραφ-εώτης,
surnom de Bacchus 153, v. Curtius Grdz. 344.

Le grec possède comme le sanskrit un assez grand nombre
de ces thèmes en -n̥-bha, parmi lesquels ἔλ-αφο-ς est particulièrement
intéressant, le slave j-elen-ĭ nous ayant conservé le thème
en -en dont il est dérivé. M. Curtius ramène ἐλλός « faon » à *ἐλν-ό-ς ;
ce serait une autre amplification du même thème el-en.

Les mots latins columba, palumbes, appartiennent, semble-t-il,
à la même formation ; mais on attendrait -emba, non -umba.

Le skr. yúvan « jeune », continué par le suff. -ça, donne yuvaçá.
A qui serait tenté de dire que « la nasale est tombée », il suffirait
de rappeler le lat. juven-cu-s. Le thème primitif est donc bien
yawn̥-k1á. Le goth. juggs semble être sorti de *jivuggs, *jiuggs ;
cf. niun pour *nivun.

Skr. párvata « montagne » paraît être une amplification de
párvan « articulation, séparation ». On en rapproche le nom de
pays Παρρασία, v. Vaniček Gr.-Lat. Et. W. 523.

Le thème grec ἑν- « un », plus anciennement *σεμ-, donne
ἅ-παξ, et ἁ-πλόος qui sont pour *σm̥πaξ, *σm̥πλοος. La même
34forme sm̥- se retrouve dans le lat. sim-plex = *sem-plex et dans
l'indien sa-kŕ̥t.

Dans le Véda, les adjectifs en -vant tirés de thèmes en -an,
conservent souvent l'n final de ces thèmes devant le v : ómanvant,
vŕ̥šaṇvant etc. Cela ne doit pas empêcher d'y reconnaître la nasale
sonante, car devant y et w, soit en grec soit en sanskrit,
c'est an et non pas a qui en est le représentant régulier 154. C'est
ce que nous aurions pu constater déjà à propos du participe parf.
actif, à la page 22 où nous citions sasavan. Cette forme est seule
de son espèce, les autres participes comme ģaghanvan, vavanvan,
montrant tous la nasale. sasavan lui-même répugne au mètre en
plusieurs endroits ; Grassmann et M. Delbrück proposent sasanvan 255.
C'est en effet -anvan qu'on doit attendre comme continuation
de -n̥wan, et -n̥wan est la seule forme qu'on puisse justifier
morphologiquement : cf. çuçukvan, ćakr̥van. Le zend ģaγnvāo est
identique à ģaghanvan.

La formation des féminins en constitue un chapitre spécial
de la dérivation. Relevons seulement ceux que donnent les
thèmes en -vant dont il vient d'être question : nr̥-vátī, re-vátī etc.
Le grec répond par -Ϝεσσα et non *-Ϝασσα comme on attendrait.
Homère emploie certains adjectifs en -Ϝεις au féminin : ἐς Πύλον
ἠμαθόεντα, mais il ne s'en suit pourtant point que le fém. -Ϝεσσα
soit tout moderne : cela est d'autant moins probable qu'un primitif
-Ϝεντyα est impossible : il eût donné -Ϝεισα. Mais l'absence de la
nasale s'explique par le *-Ϝασσα supposé, qui a remplacé son α
par ε et qui, à part cela, est resté tel quel, se bornant à imiter
le vocalisme du masculin.

Nous arrivons aux nasales sonantes des syllabes désinentielles,
et par là au second mode de formation de ces phonèmes
(v. page 19), celui où l'a, au lieu d'être expulsé comme dans les
35cas précédents, n'a existé à aucune époque. Il sera indispensable
de tenir compte d'un facteur important, l'accentuation du mot,
dont nous avons préféré faire abstraction jusqu'ici, et cela principalement
pour la raison suivante, c'est que la formation des
nasales — et liquides — sonantes de la première espèce, coïncidant
presque toujours avec un éloignement de la tonique, l'histoire
de leurs transformations postérieures est de ce fait même à l'abri
de ses influences.

Au contraire, la formation des nasales sonantes de la seconde
espèce est évidemment tout à fait indépendante de l'accent ;
il pourra donc leur arriver de supporter cet accent, et dans ce cas
le traitement qu'elles subiront s'en ressentira souvent.

Nous serons aussi bref que possible, ayant peu de chose à
ajouter à l'exposé de M. Brugman.

Pour les langues ariennes, la règle est que la nasale sonante
portant le ton se développe en an et non pas en a.

Désinence -nti de la 3e personne du pluriel. Cette
désinence, ajoutée à des thèmes verbaux consonantiques, donne
lieu à la nasale sonante. La plupart du temps cette sonante est
frappée de l'accent, et se développe alors en an :

2e classe : lih-ánti = lih-n̥ti 7e cl. : yuńģ-antiyuńģ-n̥ti

Dans la 3e classe verbale, la pers. du pluriel de l'actif a
la particularité de rejeter l'accent sur la syllabe de redoublement ;
aussi la nasale de la désinence s'évanouit : pí-pr-ati — pípr-n̥ti.
Il en est de même pour certains verbes de la 2e classe qui
ont l'accentuation des verbes redoublés, ainsi çās-ati de cās « commander ».

En ce qui concerne dádhati et dádati, il n'est pas douteux
que l'a des racines dhā et n'ait été élidé devant le suffixe,
puisqu'au présent de ces verbes l'a n'est conservé devant aucune
désinence du pluriel ou du duel : da-dh-más, da-d-más etc. La
chose serait plus discutable pour la 3e pers. du pl. ģáhati d'un
verbe comme dont la 1e pers. du pl. fait ģa-hī-más, où par conséquent
l'a persiste, du moins devant les désinences commençant
par une consonne. Néanmoins, même dans un cas pareil, toutes
les analogies autorisent à admettre l'élision de l'a radical ; nous
nous bornons ici à rappeler la 3e pers. pl. du parf. pa-p-ús de ,
ya-y-ús de , etc. L'a radical persistant, il n'y aurait jamais eu
36de nasale sonante et l'n se serait conservé dans « ģá-ha-nti », aussi
bien qu'il s'est conservé dans bhára-nti. — Ceci nous amène à la
forme correspondante de la 9e classe : punánti. Ici aussi nous
diviserons : pu-n-ánti = pu-n-n̥ti, plutôt que d'attribuer l'a au
thème ; seulement la nasale est restée, grâce à l'accent, absolument
comme dans lihánti 156.

La désinence -ntu de l'impératif passe par les mêmes péripéties
que -nti.

La désinence -nt de l'imparfait apparaît, après les thèmes
consonantiques, sous la forme -an pour -ant. Cette désinence
recevant l'accent — ex. vr-án de var — ; elle n'a rien que de régulier.

La désinence du moyen -ntai devient invariablement -ate
en sanskrit, lorsqu'elle s'ajoute à un thème consonantique. C'est
que, primitivement, la tonique ne frappait jamais la syllabe formée
par la nasale, ce dont témoignent encore les formes védiques
telles que rihaté, ańģaté. Brugman Stud. IX 294.

Au sujet de l'imparfait liháta, l'accentuation indo-européenne
righn̥tá ne peut faire l'objet d'aucun doute, dès l'instant où l'on
admet righn̥tái (rihaté). Quant à l'explication de la forme indienne,
on peut faire deux hypothèses : ou bien le ton s'est déplacé
dans une période relativement récente, comme pour le présent
(véd. rihaté, class. liháte). Ou bien ce déplacement de l'accent
remonte à une époque plus reculée (bien que déjà exclusivement
arienne) où la nasale sonante existait encore, et c'est ce que suggère
le védique kránta (Delbrück A. Verb. 74) comparé à ákrata.
On dirait, à voir ces deux formes, que la désinence -ata n'appartient
en réalité qu'aux formes pourvues de l'augment 257 et que
dans toutes les autres la nasale sonante accentuée a dû devenir
an, d'où la désinence -anta. Plus tard -ata aurait gagné du terrain,
et kránta seul aurait subsisté comme dernier témoin du
dualisme perdu. Cette seconde hypothèse serait superflue, si
37kránta était une formation d'analogie, comme on n'en peut guère
douter pour les formes que cite Bopp (Kr. Gram. d. Skr. Spr.
§ 279) : prayuńģanta etc. Cf. plus haut p. 10.

Participe présent en -nt. Le participe présent d'une
racine comme vaç « vouloir » (2e classe) fait au nom. pl. uçántas,
au gén. sg. uçatás. Dans les deux formes il y a nasale sonante ;
seulement cette sonante se traduit, suivant l'accent, par an ou
par a. Au contraire dans le couple tudántas, tudatás, de tud
(6e classe), la seconde forme seulement contient une nasale sonante,
et encore n'est-elle point produite de la même manière que
dans uçatás : *tudn̥tás (tudatás) vient du thème tuda2nt- et a perdu
un a, comme *tn̥-tá (tatá) formé sur tan ; tandis que *uçn̥tás
(uçatás) vient du thème uçn̥t- et n'a jamais eu ni perdu d'a. —
Certaines questions difficiles se rattachant aux différents participes
en -nt trouveront mention au chapitre VI.

Jusqu'ici l'existence de la nasale sonante dans les désinences
verbales en -nti etc., n'est assurée en réalité que par l'absence de
n dans les formes du moyen et autres, dans rihaté par exemple.
Les langues d'Europe avec leur vocalisme varié apportent des
témoignages plus positifs.

Les verbes slaves qui se conjuguent sans voyelle thématique
ont -ętĭ à la 3e pers. du plur. : jadętĭ, vèdętĭ, dadętĭ ; cf. nesątĭ.
De même les deux aoristes en -s font nèšę, nesošę, tandis que
l'aoriste à voyelle thématique fait nęsą.

Le grec montre, après les thèmes consonantiques, les désinences
suivantes : à l'actif, -αντί (-ᾱσι), -άτι (-ᾰσι) ; au moyen,
-αται, -ατο 158. Les deux dernières formes n'offrent pas de difficulté ;
il s'agit seulement de savoir pourquoi l'actif a tantôt -ατι, tantôt
-αντι. La désinence -ατι n'apparaît qu'au parfait : έθώκατι, πεφήνᾰσί,
mais le même temps montre aussi -αντι (-ᾱσι) : γεγράφᾱσι
etc. Le présent n'a que -αντι. M. Brugman attribue à l'influence
de l'accent la conservation de n au présent : ἒᾱσι = sánti.
En ce qui concerne le parfait, il voit dans -ατι la forme régulière 259 :
-αντι y a pénétré par l'analogie du présent ou plus probablement
par celle de parfaits de racines en a comme ἕστα-ντι, τέθνα-ντι.
38— Ce qui est dit sur l'accent ne satisfait pas entièrement, car,
ou bien il s'agit de l'accentuation que nous trouvons en grec, et
alors ἔαντι ἐθώκατι se trouvent tous deux dans les mêmes conditions,
ou bien il s'agit du ton primitif pour lequel celui du sanskrit
peut servir de norme, et ici encore nous trouvons parité de
conditions : sánti, tutudús. L'hypothèse tútudati ou tutudatí, comme
forme plus ancienne de tutudús (p. 320) est sans fondement solide.
L'action de l'accent sur le développement de la nasale sonante
en grec demeure donc enveloppé de bien des doutes 160.

A la 3e pers. du plur. ἔλυσαν, -αv est désinence ; le thème
est λυσ, ainsi que le montre M. Brugman (p. 311 seq.). L'optatif
λυσειαν est obscur. Quant à la forme arcadienne ἀποτίνοιαν, rien
n'empêche d'y voir la continuation de -n̥t, et c'est au contraire la
forme ordinaire τίνοιεν qu'on ne s'explique pas. Elle peut être
venue des optatifs en ιη, comme δοίην, 3e pl. δοῖεν.

Parmi les participes, tous ceux de l'aoriste en σ contiennent
la nasale sonante : λύσ-αντ. Au présent il faut citer le dor. ἔασσα
(Ahrens II 324) et γεκαθά (ἑκοῦσα, Hes.) que M. Mor. Schmidt
change à bon droit en γεκᾶσα. Toute remarque sur une de ces
deux formes ferait naître à l'instant une légion de questions si
épineuses que nous ferons infiniment mieux de nous taire.

Désinence -ns de l'accusatif pluriel. L'arien montre
après les thèmes consonantiques : -as : skr. ap-ás, ce qui serait
régulier, n'était l'accent qui frappe la désinence et qui fait attendre
*-an = *-áns. M. Brugman a développé au long l'opinion
que cette forme de la flexion a subi dans l'arien une perturbation ;
39que primitivement l'accusatif pluriel a été un cas fort, comme il
l'est souvent en zend et presque toujours dans les langues européennes,
et que l'accent reposait en conséquence sur la partie
thématique du mot. Nous ne pouvons que nous ranger à son
avis. — La substitution de l'a à la nasale sonante précède ce
bouleversement de l'accusatif pluriel ; de là l'absence de nasale.

Le grec a régulièrement -ας : πόδ-ας, cf. ἵππους. Les formes
crétoises comme φοινίκ-ανς ne sont dûes qu'à l'analogie de πρειγευτά-νς
etc. Brugman loc. cit. p. 299. — Le lat. -ēs peut descendre
en ligne directe de -n̥s, -ens ; l'ombr. nerf = *nerns. — L'acc.
goth. broÞruns est peut-être, malgré son antiquité apparente,
formé secondairement sur broÞrum, comme le nom. broÞrjus. Cf.
p. 47.

désinence -m. (Accusatif singulier et 1e pers. du sing.). L'acc.
sing. padam et la 1e pers. de l'imparf. asam (rac. as) se décomposent
en pād + m, ās + m.

D'où vient que nous ne trouvions pas « pāda, āsa », comme plus haut
nāma, dáca ? La première explication à laquelle on a recours est infailliblement
celle-ci : la différence des traitements tient à la différence des
nasales : pādam et āsam se terminent par un m, nāma et dáça par un n.
C'est pour prévenir d'avance et définitivement cette solution erronée, que
nous nous sommes attaché (p. 29 seq.) à établir que la nasale de dáça ne
peut être que la nasale labiale ; il faut donc chercher une autre réponse
au problème. Voici celle de M. Brugman (loc. cit. p. 470) : « laissée à elle-même,
la langue semble avoir incliné à rejeter la nasale, et dans dáça
elle a donné libre cours à ce penchant, mais l'm dans padam était tenu
en bride par celui de áçva-m, et dans asam par celui de ábhara-m. » Ceci
tendrait à admettre une action possible de l'analogie sur le cours des
transformations phonétiques, qu'on regarde d'ordinaire comme étant toujours
purement mécaniques ; principe qui n'a rien d'inadmissible en lui-même,
mais qui demanderait encore à être éprouvé. Si nous consultons
les langues congénères, le slave nous montre l'acc. sing. matere 161 = skr.
mātáram, mais imę = skr. nama ; le gothique a l'acc. sing. fadar = skr.
pitáram, mais taihun = skr. dáça. Ceci nous avertit, je crois, d'une différence
primordiale. Plus haut nous avons admis qu'un mot indo-européen
stamn̥ (skr. sthama) restait toujours disyllabique, que, suivi d'une voyelle,
40il ne devenait point stāmn 162. On peut se représenter au contraire que l'acc.
patarm faisait patarm api, et admettre même que patarm restait disyllabique
devant les consonnes : patarm tasya 263. Sans doute on ne doit pas
vouloir poser de règle parfaitement fixe, et la consonne finale du thème
amenait nécessairement des variations ; dans les accusatifs comme bharantm,
une prononciation disyllabique est impossible devant les consonnes.
Mais nous possédons encore les indices positifs d'un effort énergique de la
langue tendant à ce que l'm de l'accusatif ne formât pas une syllabe : ce
sont les formes comme skr. am, zd. ushãm = *ušásm, pánthām, zd. pañtãm
= *pánthanm 364, et une foule d'autres que M. Brugman a traitées Stud.
307 seq. K. Z. XXIV 25 seq. Certains cas comme Ζῆν = dyam, βών =
gam, semblent remonter plus haut encore. De même, dans le verbe, on a
la 1re pers. vam = *varm (Delbrück, A. Verb. p. 24). Si cette prononciation
s'est perpétuée jusqu'après la substitution de l'a à la nasale sonante,
on conçoit que l'm de patarm et āsm, ait été sauvé et se soit ensuite développé
en -am par svarabhakti. — Le goth. fadar pour *fadarm a perdu
la consonne finale, tandis que *tehm̥ se développait en taihun. En ce qui concerne
la première personne du verbe, M. Paul a ramené le subjonctif bairau à
*bairaj-u = skr. bhárey-[a]m ; si cet -u ne s'accorde guère avec la disparition
totale de la désinence dans fadar, il laisse subsister du moins la
différence avec les noms de nombre, qui ont -un. M. Brugman a indiqué
(p. 470) une possibilité suivant laquelle l'acc. tunþu appartiendrait à un
thème tunþ- ; l'accord avec bairau serait alors rétabli ; mais pourquoi
fadar et non « fadaru » ? Doit-on admettre une assimilation de l'accusatif
au nominatif ? — Le slave *materem, matere doit s'être développé sur
*materm encore avant l'entrée en vigueur de la loi qui a frappé les consonnes
finales. La première personne des aoristes non-thématiques něsŭ,
nesochŭ n'est plus une forme pure : elle a suivi l'analogie de l'aoriste thématique.
Du côté opposé nous trouvons imę pour imn̥. — Nous aurions dû
faire remarquer plus haut déjà que la règle établie par M. Leskien suivant
laquelle un ą final contient toujours un ancien ā long n'entraîne pas d'impossibilité
à ce que e dans les mêmes conditions continue une nasale sonante ;
car ce dernier phonème a pu avoir une action toute spéciale (cf.
41goth. taihun etc. où il a conservé la nasale contre la règle générale), et l'ę
ne termine le mot que dans ce cas-là. — En grec et en latin les deux finales
se sont confondues dans un même traitement.

Mentionnons encore la 1e pers. du parf. skr. véd-a, gr. oἶδ-α.
Aux yeux de M. Brugman la désinence primitive est -m. Dans ce
cas, dit M. Sievers, le germ. vait est parti de la 3e personne, car
le descendant normal de vaidm̥ serait « vaitun ».

En résumé, la somme de faits dont il a été question dans
ce chapitre et dont nous devons la découverte à MM. Brugman et
Osthoff 165 est extrêmement digne d'attention. Ces faits trouvent
leur explication dans l'hypothèse des mêmes savants de liquides
et de nasales sonantes proethniques, que nous regardons à l'avenir
comme parfaitement assurée. — Résumons les arguments les
plus saillants qui parlent en sa faveur :

1. Pour ce qui est des liquides, quiconque ne va pas jusqu'à
nier le lien commun que les faits énumérés ont entre eux, devra
reconnaître aussi que l'hypothèse d'un r voyelle est celle qui en
rend compte de la manière la plus simple, celle qui se présente
le plus naturellement à l'esprit, puisque ce phonème existe, puisqu'on
le trouve à cette place dans une des langues de la famille,
le sanskrit. — Dès lors il y a une forte présomption pour que
les nasales aient pu fonctionner de la même manière.

2. Certaines variations du vocalisme au sein d'une même
racine qui s'observent dans plusieurs langues concordamment,
s'expliquent par cette hypothèse.

3. L'identité théorique des deux espèces de nasales sonantes
— celles qui doivent se produire par la chute d'un a (τατός) et
celles qu'on doit attendre de l'adjonction à un thème consonantique
d'une désinence commençant par une nasale (ἥαται) — est
vérifiée par les faits phonétiques.

4. Du même coup les dites désinences se trouvent ramenées
à une unité : il n'est plus nécessaire d'admettre les doublets : -anti,
-nti ; -ans, -ns, etc.42

5. L'idée qu'on avait, que les nasales ont pu dans certains
cas être rejetées dès la période proethnique conduit toujours, si
l'on regarde les choses de près, à des conséquences contradictoires.
La théorie de la nasale sonante supprime ces difficultés en
posant en principe que dans la langue mère aucune nasale n'a
été rejetée.

En fait d'objections, on pourrait songer à attaquer la théorie
précisément sur ce dernier terrain, et soutenir la possibilité du
rejet des nasales en se basant sur le suffixe sanskrit -vam̥s qui
fait -uš aux cas très-faibles ; le grec -υια = -ušī prouve que cette
dernière forme est déjà proethnique. Dans l'hypothèse de la nasale
sonante la forme la plus faible n'aurait jamais pu donner
que -vas = -wn̥s. Mais il est hautement probable, comme l'a fait
voir M. Brugman K. Z. XXIV 69 seq. que la forme première du
suffixe est -was, qu'il n'a été infecté de la nasale aux cas forts
que dans le rameau indien de nos langues, et cela par voie d'analogie 166.

M. Joh. Schmidt, tout en adhérant en général à la théorie
de M. Brugman dans la recension qu'il en a faite Jenaer Literaturz.
1877 p. 735, préférerait remplacer la nasale sonante par une
nasale précédée d'une voyelle irrationnelle : āsantai = ἥαται. Il
ajoute : « si l'on voulait en se fondant sur ukšṇás, ramener ukšábhis
à ukšn̥bhís, il faudrait aussi pour être conséquent, faire sortir
çvábhis, pratyágbhis de *çunbhís, *pratīgbhis. » L'argument est
des mieux choisis, mais on ne doit pas perdre de vue le fait suivant,
c'est que les groupes i + n, u + n, ou bien i + r, u + r
peuvent toujours se combiner de deux manières différentes, suivant
qu'on met l'accent syllabique sur le premier élément ou sur
le second — ce qui ne change absolument rien à leur nature. On
obtient ainsi : in ou yn̥ (plus exactement in, un ou wn̥ (un) etc.
Or l'observation montre que la langue se décide pour la première
ou pour la seconde alternative, suivant que le groupe est suivi
43d'une voyelle ou d'une consonne : çu + n + as devient çunas,
non çwn̥(n)as ; çu + n + bhis devient çwn̥bhis (= çvabhis), non
çunbhis. Les liquides attestent très-clairement cette règle : la
racine war, privée de son a, deviendra ur devant le suff. -u : uru,
mais wr̥ devant le suff. -ta : vr̥ta 167.

On pourrait encore objecter que ukšn̥bhis est une reconstruction
inutile puisque dans dhaníbhis de dhanín où il n'est pas
question de nasale sonante nous remarquons la même absence
de nasale que dans ukšábhis. Mais les thèmes en -in sont des formations
obscures, probablement assez récentes, qui devaient
céder facilement à l'analogie des thèmes en -an. On peut citer à
ce propos la forme maghóšu de maghávan assurée par le mètre
R. V. X 94, 14 dans un hymne dont la prosodie est, il est vrai,
assez singulière. Des cas très-faibles comme maghónas on avait
abstrait un thème maghon- : de ce thème on tira maghóšu, comme
de ukšan ukšásu.

La chronologie de la nasale sonante est assez claire pour
les langues asiatiques où elle devait être remplacée dès la période
indo-iranienne par une voyelle voisine de l'a, mais qui pouvait
en être encore distincte. Pour le cas où la nasale sonante suivie
d'une semi-voyelle apparaît en sanskrit sous la forme an (p. 35),
le zend ģaynvāo = ģaghanvan prouve qu'à l'époque arienne il n'y
avait, devant la nasale qu'une voyelle irrationnelle 268.44

Les indices que fournissent les langues classiques, ceux du
moins que j'ai aperçus, sont trop peu décisifs pour qu'il vaille la
peine de les communiquer. Dans les langues germaniques, M.
Sievers Beiträge de P. et B. V 119) montre que la naissance de
l'u devant les sonantes , , , , ń̥, date de la période de leur
unité et ne se continue point après la fin de cette période. Ainsi
le goth. sitls, c'est-à-dire sitĺs, qui, ainsi que l'a prouvé l'auteur,
était encore *setlas à l'époque de l'unité germanique, n'est point
devenu « situls ».

§ 3. Complément aux paragraphes précédents.

Il faut distinguer des anciennes liquides et nasales sonantes
différents phénomènes de svarabhakti plus récents qui ont avec
elles une certaine ressemblance.

C'est ainsi qu'en grec le groupe consonne + nasale + y devient
consonne + ανy 169 :ποιμν + yω donne *ποιμανyω, ποιμαίνω ;
τι-τν + donne *τιτανyω, τιταίνω ; le dernier verbe
est formé comme ζω qui est pour σι-σδ-yω (v. Osthoff, das Verbum
etc.
p. 340). Les féminins τέκταινα pour *τεκτν-yα, Λάκαινα,
ζύγαινα etc. s'expliquent de la même manière.

Les liquides sont moins exposées à ce traitement, comme
l'indique par exemple ψάλτρια en regard de Λάκαινα. Le verbe
ἐχθαίρω dérive peut-être du thème ἐχθρό, mais les lexicographes
donnent aussi un neutre ἔχθαρ. — En revanche l'éolique offre :
45Πέρραμος = Πρίαμος, ἀλλότερρος = ἀλλότριος, μέτερρος =
μέτριος
, κόπερρα = κόπρια (Ahrens Ι 55) ; ces formes sont bien
dans le caractère du dialecte : elles ont été provoquées parle passage
de l'i à la spirante jod — d'où aussi φθέρρω, κτέννω — qui
changea Πρίαμοςen*Πρjαμος. C'est alors que la liquide développa
devant elle une voyelle de soutien, qui serait certainement un α
dans tout autre dialecte, mais à laquelle l'éolien donne la teinte ε.
Dans des conditions autres, ἅμ-α est, suivant une explication que
M. Brugman m'autorise à communiquer, sorti de *σμ-α qui est
l'instrumental de εἷς « un » (thème sam-) ; tandis que μία pour
*σμ-ία (Curtius Grdz. 395) s'est passé du soutien vocalique.

On peut ramener la prépos. ἄνευ à *σνευ qui serait le locatif
de snu « dos » ; le Véda a un loc. sano qui diffère seulement en ce
qu'il vient du thème fort. Pour le sens cf. νόσφι (Grdz. 320).
On trouve du reste en sanskrit : sanutár « loin », sánutya « éloigné »
qui semblent être parents de snu ; sanutár est certainement pour
*snutár ; cf. sanúbhis s. v. snú chez Grassmann. Ce savant fait
aussi de sanitúr un adverbe voisin de sanutár ; dans ce cas le
goth. sundro nous donnerait l'équivalent européen. Cf. enfin le
latin sine.

La 1re pers. du pl. ἐλύσαμεν est pour *ἐλυσμεν. Cette forme
est avec ἔλυσα, ἔλυσαν et le part. λύσας la base sur laquelle s'est
édifié le reste de l'aoriste en -σα.

L'aor. ἔκτανον de κτεν appartient à la même formation que
ἔ-σχ-ον (p. 9). Il doit son α à l'accumulation des consonnes dans
*ἐ-κτν-ον. L'α de ἔδραμον a la même origine, à moins, ce qui
revient assez au même, que ρα ne représente et qu'on ne doive
assimiler ἔδραμον à ἔτραπον. — σπαρέσθαι, s'il existe (Curtius
Verb. II 19), remonte semblablement à *σπρέσθαι 170.46

Le germanique est très-riche en phénomènes de ce genre ;
c'est, comme on pouvait attendre, l'u qui tient ici la place de l'α
grec. M. Sievers (loc. cit. p. 119) ramène la 1re pers. pl. parf.
bitum à bitm̥ né lors de la chute de l'a de *(bi)bitmá. Cf. plus haut
p. 11 i. n. — M. Sievers explique semblablement lauhmuni, p. 150.

M. Osthoff considère le dat. pl. broþrum (l'u de ce cas est
commun à tous les dialectes germaniques) comme étant pour
broþr̥m, skr. bhratr̥bhyas. Mais il reste toujours la possibilité que
la syllabe um soit ici de même nature que dans bitum. En d'autres
termes l'accent syllabique pouvait reposer sur la nasale, aussi
bien que sur la liquide. Cf. les datifs du pluriel gothiques bajoþum,
menoþum, où la liquide n'est point en jeu.

Quant aux participes passifs des racines à liquides ou à nasales
de la forme A (p. 8), comme baurans en regard du skr. babhrāṇá,
il faut croire que la voyelle de soutien est venue, le besoin
d'ampleur aidant, de certains verbes où la collision des consonnes
devait la développer mécaniquement, ainsi dans numans pour
*nmans, stulans pour *stlans. Ajoutons tout de suite que les
formes indiennes comme ça-çram-āṇá (= ça-çrm̥m-āṇá) présentent
le même phénomène, et que dans certaines combinaisons il date
nécessairement de la langue-mère. En thèse générale, les insertions
récentes dont nous parlons se confondent souvent avec certains
phonèmes indo-européens dont nous aurons à parler plus
tard, et qu'il suffit d'indiquer ici par un exemple : goth. kaurus =
gr. βαρύς, skr. gurú.

On sait l'extension qu'a prise dans l'italique le développement
des voyelles irrationnelles. Le groupe ainsi produit avec
une liquide coïncide plus ou moins avec la continuation de l'ancienne
liquide sonante ; devant m au contraire nous trouvons ici
e, là u : (e)sm(i) devient sum tandis que pedm̥ devient pedem. Un n
semble préférer la voyelle e : genu est pour *gnu, sinus pour
*snus (skr. snú. Fick W. I3 226).47

En zend, ce genre de phénomènes pénètre la langue entière ;
c'est en général un e qui se développe de la sorte. — Le sanskrit
insère un a devant les nasales ; nous en avons rencontré quelques
cas précédemment ; la prosodie des hymnes védiques permet,
comme on sait, d'en restituer un grand nombre. D'autres fois l'a
se trouve écrit : tatane à côté de tatné, kšama à côté de kšmás.
L'accent de kšama suffirait pour déterminer la valeur de son a ;
si cet a avait été de tout temps une voyelle pleine, il porterait le
ton : « kšámā ».

En quittant les liquides et nasales sonantes, phonèmes dûs
la plupart du temps à la chute d'un a, il est impossible de ne pas
mentionner brièvement le cas où l'a est empêché d'obéir aux lois phonétiques
qui demandent son expulsion
. Ce cas ne se présente jamais
pour les racines de la forme A et Β (p. 8), le coefficient sonantique
étant toujours prêt à prendre le rôle de voyelle radicale. Au contraire
les racines de la forme C ne peuvent, sous peine de devenir
imprononçables, se départir de leur a que dans certaines
conditions presque exceptionnelles.

Devant un suffixe commençant par une consonne elles ne le
pourront jamais 171. Les formes indiennes comme taptá, sattá, tastá,
les formes grecques comme ἑκτός, σκεπτός etc., pouvaient-elles
perdre leur a, leur ε ? Non, évidemment ; et par conséquent elles
n'infirment en aucune façon le principe de l'expulsion de l'a.

Le suffixe commence-t-il par une voyelle et demande-t-il en
même temps l'affaiblissement de la racine, cet affaiblissement
pourra avoir lieu dans un assez grand nombre de cas. Nous avons
rencontré plus haut σχ-εῖν, σπ-εῖν, πτ-έσθαι etc. des racines σεχ,
σεπ, πετ etc. En sanskrit on a par exemple bá-ps-ati de bhas,
á-kš-an de ghas lequel donne aussi par un phénomène analogue la
racine secondaire ģa-kš. Le plus souvent l'entourage des consonnes
ne permettra pas de se passer de l'a. Prenons par exemple le participe
parfait moyen sanskrit, lequel rejette l'a radical : les racines
bhar de la forme A et vart de la forme Β suivront la règle sans
difficulté : ba-bhr-āṇá, va-vr̥t-āná. De même ghas, bien qu'étant de la
48forme C, donnerait s'il se conjuguait au moyen : *ģa-kš-āṇá ; mais
telle autre racine de la forme C, spaç par exemple, sera contrainte
de garder l'a : pa-spaç-āná. Ce simple fait éclaire tout un paradigme
germanique : à babhrāṇá répond le goth. baurans, à vavr̥tāná
le goth. vaurþans ; le type paspaçāná, c'est gibans. Tous les
verbes qui suivent l'ablaut giba, gab, gebun, gibans, ont au participe
passif un e (i) pour ainsi dire illégitime et qui bien que très-ancien
n'est là que par raccroc.

Il y a dans les différentes langues une multitude de cas de
ce genre, que nous n'avons pas l'intention d'énumérer ici. La
règle pratique très-simple qui s'en dégage, c'est que, lorsqu'on
pose la question : « telle classe de thèmes a-t-elle l'habitude de
conserver ou de rejeter l'a (e) radical ? », on doit se garder de
prendre pour critère des formes où l'a (e) ne pouvait pas tomber.

C'est ici le lieu de parler brièvement de ce qui se passe dans
les racines dont as et wak peuvent servir d'échantillons. Il est
permis à la rigueur de les joindre au type C ; mais chacun voit
que la nature sonantique de la consonne initiale chez wak et
son absence totale chez as créent ici des conditions toutes particulières.

Chez les racines comme as, peu nombreuses du reste, la
chute de l'a, n'entraîne point de conflit ni d'accumulation de
consonnes. Elle est donc possible, et en temps et lieu elle devra
normalement se produire. De là la flexion indo-européenne : ás-mi,
ás(-s)i, ás-ti ; s-mási, s-tá etc. Optatif : s-yam. Impératif : (?) z-dhí
(zend zdī). Voy. Osthoff K. Z. XXIII 579 seq. Plus bas nous rencontrerons
skr. d-ánt, lat. d-ens, participe de ad « manger ».

La racine wak est en sanskrit vaç et fait au pluriel du présent
uç-más ; on a semblablement iš-tá de yaģ, r̥ģ-ú de raģ etc.
Quel est ce phénomène ? Un affaiblissement de la racine, sans
doute ; seulement il est essentiel de convenir que ce mot affaiblissement
ne signifie jamais rien autre chose que chute de l'a. C'est
laisser trop de latitude que de dire avec M. Brugman (loc. cit.
p. 324) « Vocalwegfall unter dem Einfluss der Accentuation. » Entre
autres exemples on trouve cités à cette place indo-eur. snusá « bru »
pour sunusá, skr. stri « femme » pour *sutri. Lors même que dans
ces mots un u serait tombé (la chose est indubitable pour le véd.
çmasi = uçmási), il s'agirait ici d'un fait absolument anormal
49qu'on ne saurait mettre en parallèle et qui est plutôt en contradiction
avec la loi de l'expulsion de l'a, car un corollaire de cette
loi, c'est précisément que les coefficients de l'a se maintiennent.
Gardons-nous aussi de prononcer le mot samprasāraṇa : ce terme,
il est vrai, désigne simplement le passage d'une semi-voyelle
à l'état de voyelle ; mais en réalité il équivaut dans tous les
ouvrages de linguistique à : rétrécissement des syllabes ya, wa,
ra (ye, we ; yo, wo) en i, u, . Dans l'esprit de celui qui emploie
le mot samprasāraṇa, il y a inévitablement l'idée d'une action
spéciale de y, w, r sur la voyelle qui suit, et d'une force absorbante
dont jouiraient ces phonèmes. Si tel est le sens qu'on
attache au mot samprasāraṇa, il faut affirmer nettement que
les affaiblissements proethniques n'ont rien à faire avec le samprasāraṇa.
L'a tombe, voilà tout. Et ce n'est point par plusieurs
phénomènes différents, mais bien par un seul et même phénomène
que pa-pt-ús est sorti de pat, s-mási de as, rih-mási de raigh,
uç-mási de wak. — D'ailleurs, lorsque dans des périodes plus
récentes nous assistons véritablement à l'absorption d'un a par
i ou u, la voyelle qui en résulte est dans la règle une longue.

Plus haut, nous n'avons fait qu'indiquer ce mode de formation
des liquides sonantes, ainsi τρέπω donnant ἔτραπον ;
mr̥dú, pr̥thú des racines mrad et prath. La liste serait longue. Il
vaut la peine de noter le gr. τρεφ qui, outre ἔτραφον et τέθραμμαι,
présente encore la sonante régulière dans l'adjectif ταρφύς.

Chapitre II.
Le phonème a dans les langues européennes.

§ 4. La voyelle a des langues du nord a une
double origine.

La tâche que nous nous étions posée dans le chapitre précédent
n'était qu'un travail de déblai : il s'agissait de dégager l'a,
l'ancien et le véritable a — un ou complexe, peu importe ici —
de tout l'humus moderne que différents accidents avaient amassé
sur lui. Cette opération était tellement indispensable que nous
50n'avons pas craint de nous y arrêter longtemps, de dépasser
même les limites que nous fixait le cadre restreint de ce petit
volume.

Il est possible à présent de condenser en quelques mots le
raisonnement qui nous conduit à la proposition énoncée en tête
du paragraphe.

1. L'u (o) germanique n'entre plus en considération dans la
question de l'a. Il sort toujours d'une liquide ou d'une nasale
sonante, lorsqu'il n'est pas l'ancien u indo-européen.

2. Il n'y a plus dès lors dans le groupe des langues du nord
que 2 voyelles à considérer : l'e, et ce que nous appellerons l'a.
Cette dernière voyelle apparaît en slave sous la forme de o, mais
peu importe : un tel ο est adéquat à l'a du lithuanien et du germanique ;
la couleur ο ne fait rien à l'affaire.

3. Dans le groupe du sud on a au contraire 3 voyelles : e a o.

4. L'e du sud répond à l'e du nord ; l'a et l'o du sud réunis
répondent à l'a du nord.

5. Nous savons que lorsqu'un α grec alterne avec ε dans
une racine contenant une liquide ou une nasale (non initiale), l'α
est hystérogène et remonte à une sonante.

6. Or les dites racines sont les seules où il y ait alternance
d'α et d'ε, ce qui signifie donc que l'a gréco-latin et l'e gréco-latin
n'ont aucun contact l'un avec l'autre.

7. Au contraire l'alternance d'e et d'o dans le grec, et primitivement
aussi dans l'italique, est absolument régulière (ἔτεκον :
τέτοκα
, τόκος. tego : toga).

8. Comment l'a et l'ο des langues du sud pourraient-ils donc
être sortis d'un seul et même a primitif ? Par quel miracle cet
ancien a se serait-il coloré en o, et jamais en a, précisément toutes
les fois qu'il se trouvait en compagnie d'un e ? — Conclusion : le
dualisme : a et o des langues classiques est originaire, et il faut
que dans l'a unique du nord deux phonèmes soient confondus.

9. Confirmation : lorsqu'une racine contient l'a en grec ou
en latin, et que cette racine se retrouve dans les langues du nord,
on observe en premier lieu qu'elle y montre encore la voyelle a,
mais de plus, et voilà le fait important, que cet a n'alterne point
avec l'e
, comme c'est le cas lorsque le grec répond par un o.
Ainsi le gothique vagja = gr. οχέω, hlaf = gr. (κε)κλοφα sont
51accompagnés de viga et de hlifa. Mais agis(a-) = gr. ἄχός, ou
bien ala = lat. alo ne possèdent aucun parent ayant l'e. A leur
tour les racines de la dernière espèce auront une particularité
inconnue chez celles de la première, la faculté d'allonger leur a
(agis : ōg, ala : ōl), dont nous aurons à tenir compte plus loin.

M. Brugman a désigné par a, le prototype de l'e européen ;
son a2 est le phonème que nous avons appelé ο jusqu'ici. Quant
à ce troisième phonème qui est l'a gréco-italique et qui constitue
une moitié de l'a des langues du nord, nous le désignerons par
la lettre a, afin de bien marquer qu'il n'est parent ni de l'e (a1)
ni de l'o (a2). — En faisant provisoirement abstraction des autres
espèces d'a possibles, on obtient le tableau suivant :

tableau Langues | du | nord | Etat | primordial | Gréco-italique | e | a1 | a | a2 | o | A

§ 5. Equivalence de l'α grec et de l'a italique.

Dans le paragraphe précédent nous avons parlé de l'α grec
et de l'a italique comme étant une seule et même chose, et il est
reconnu en effet qu'ils s'équivalent dans la plupart des cas.
L'énumération des exemples qui suit, et qui a été faite aussi
complète que possible, est en grande partie la reproduction de la
première des listes de M. Curtius (Sitzungsberichte etc. p. 31).
Il était indispensable de mettre ces matériaux sous les yeux du
lecteur quand ce n'eût été que pour bien marquer les limites où
cesse en grec le domaine des liquides et nasales sonantes, en rappelant
que l'alpha n'est point nécessairement une voyelle anaptyctique
d'origine secondaire.

D'autre part le mémoire cité contient deux listes d'exemples
avec le résultat desquelles notre théorie paraît être en contradiction.
La première de ces listes consigne les cas où un a grec
se trouve opposé à un e latin ; la seconde donne les mots où au
contraire l'e grec répond à l'a latin. Or un tel échange d'e et d'a,
qui peut s'accorder plus ou moins avec le scindement d'un a
unique, est à peu près incompatible avec l'hypothèse des deux
52phonèmes a et a1 différents dès l'origine. Mais, aux yeux de
celui-là qui accepte la théorie des nasales sonantes, le nombre
des cas de la première espèce se réduira déjà considérablement : il
supprimera ἑκατόνcentum, δασύςdensus, παχύςpinguis etc.
En y regardant de plus près, en tenant compte de toutes les rectifications
motivées par les travaux récents, on arrivera à un résidu
absolument insignifiant, résidu dont presque aucune loi
d'équivalence phonétique n'est exempte. Nous pouvons nous dispenser
de faire cela tout au long. Un ou deux exemples suffiront.
Κρέαςcaro : M. Bréal a montré (Mém. Soc. Ling. II 380) que ces
deux mots ne sont point parents. Μέγαςmagnus : la racine n'est
point la même, comme nous le verrons plus bas. Κεφαλήcaput :
le φ du grec continue à rendre ce rapprochement improbable.
Τέσσαρεςquattuor : les plus proches sœurs de la langue latine
montrent l'e : ombr. petur, osq. petora ; quattuor est sans doute
une altération de *quottuor pour *quettuor (cf. colo = *quelo etc.).
Βαστάζωgesto (Fick) : leur identité n'est pas convaincante, car on
attendrait du moins *(g)vesto ; gesto et gero sont bien plutôt parents
du gr. ἀ-γοστός 172 « paume de la main » dont l'o est a2. En ce
qui concerne χήν (cf. χηνία) qu'on rapproche du lat. ĕgeo, il y
aurait en tous cas à tenir compte de la glose ἀεχῆνες· πένητες
(Hes.). — L'exemple le plus saillant qu'on ait cité pour la prétendue
équivalence d'e et d'a, c'est le grec ἑλίκη « saule » = lat.
sălix (vieux haut-all. salaha) ; mais ici encore on pourra répliquer
que ἑλίκη et un mot arcadien et l'on pourra rappeler ζέρεθρον
= βάραθρον et autres formes du même dialecte 273 (Gelbke, Studien
II 13).

Au sein du grec même — il ne s'agit pas ici des différences
de dialecte — on a souvent admis un échange d'e et d'a. Comme
nous avons eu occasion de le dire au § 4, ce phénomène est limité
à une classe de racines chez lesquelles l'α, étant un produit récent
des liquides et nasales sonantes, n'est pas en réalité un a. Nous
ne croyons pas que cet échange se présente nulle part ailleurs.
53Il nous semble superflu d'ouvrir ici une série d'escarmouches
étymologiques dont l'intérêt serait fort médiocre. Déjà le fait
qu'il n'est aucun des cas allégués qui ne prête à la discussion
suffit à éveiller les doutes. Un simple regard sur la flexion verbale
permet de constater que là du moins il n'y a pas trace d'un
α remplaçant l'ε en-dehors des racines à liquides et à nasales.
Autant le paradigme τρέπω, ἔτραπον, τέτραμμαι, ἐτράφθην est
commun dans ces deux dernières classes, autant partout ailleurs
il serait inouï. Un exemple, il est vrai, en a été conjecturé. M.
Curtius est porté à croire juste la dérivation que font Aristarque
et Buttmann de l'aor. pass. homérique ἐάφθη (ἐπἱ δ' ἀσπίς ἑάφθη,
Iliade XIII 543, XIV 419). Le mot semble signifier suivre dans
la chute
, ou selon d'autres rester attaché, adhérer. Partant du premier
sens, Buttmann voyait dans ἑάφθη un aoriste de ἕπομαι,
rejetant l'opinion qui le rattache à ἄπτω. Dans tous les cas personne
ne voudra sur une base aussi frêle soutenir la possibilité
de l'ablaut ε-α dans la flexion verbale. Avant de s'y avouer réduit,
il serait légitime de recourir aux étymologies même les plus
hasardées (cf. par exemple goth. sigqan « tomber », ou bien skr.
sańģ « adhérer » ; α serait alors représentant d'une nasale sonante).

Examinons encore trois des cas où l'équivalence d'ε, et d'α
est le plus spécieuse : νέ(Ϝ)ω « nager », νά(Ϝ)ω (éol. ναύω) « couler » ;
cf. skr. snaúti. Comment une même forme primitive a-t-elle
pu donner à la fois νέ(Ϝ)ω et νά(Ϝ)ω ? C'est ce qu'on ne saurait concevoir.
La difficulté est supprimée si, séparant νάϜω de l'ancienne
racine snau, nous le rapprochons de snā : ναϜ s'est développé sur
snā absolument comme φαϜ (φαυός) sur bhā, χαϜ (χαῦνος, χάος)
sur ghā, σταϜ (σταυρός) sur stā, λαϜ (άπολαυω) sur , δοϜ
(δυϜανοίη) sur , γνοϜ (νόος, gnavus) sur gnā. — νέ(σ)ομαι « venir »,
ναίω, ἔνασσα, ένάσθην « demeurer » ; cf. skr. násate. Les
sens ne s'accordent pas trop mal, mais rien ne garantit que la
véritable racine de ναίω soit nas ; qu'on compare δαίω, έδάσσατο,
-δαστος. D'autre part il faut tenir compte de ναῦος « temple »,
que M. Curtius propose, il est vrai, de ramener à *νασϜος. —
Ϝάστυ « cité » appartient à la racine du goth. visan qu'on croit retrouver
dans le gr. ἑστία et avec plus de certitude dans ἀέσκω,
ἄεσα « passer la nuit, dormir ». Ϝάσ-τυ est à ἀϜέσ-κω ce que le
thème latin vad- est au gr. ἄϜεθ-λov ; il s'agit ici de phénomènes
54phoniques tout particuliers. — Les autres cas peuvent tous s'éliminer
semblablement. Dans deux mots : δεῖπνον = *δαπινον,
et εἶκλον, autre forme de αἶκλον (v. Baunack, Studien X 79), l'α
semble s'être assimilé à l'i qui suivait. Quant à κλείς, γείτων,
λεώς, λειτουργός, ρεῖα etc, à côté de κλᾱΐς, γᾱ, λᾱός, ρδιος etc.,
il n'est pas besoin de dire que leur ε pour η n'est que la traduction
ionienne d'un .

Après la critique détaillée de ce point par M. Brugman on
ne sera plus disposé à attribuer aux formes dialectales φάρω,
τράχω, τράφω etc., pas plus qu'à Ϝεσπάριος, ἀνφόταρος, πατάρα,
une importance quelconque dans la question de l'a. M. Havet
(Mémoires de la Soc. de Linguist. II 167 seq.) a depuis longtemps
expliqué leur α par l'influence de r. Il va sans dire qu'ici nous
n'avons point affaire à un r voyelle donnant naissance à l'a, mais
bien à un r consonne transformant ε en α. C'est le phénomène
inverse qui se manifeste dans certaines formes ioniennes et éoliques
telles que ἔρσην, γέργερος, χλιερός.

Comme on le voit par le tableau de Corssen (II2 26), l'échange
de l'a et de l'e est aussi presque nul dans le latin, pour autant
du moins que certaines affections phonétiques spéciales et de
date récente ne sont pas en jeu. Le vocalisme concorde également
entre les différents dialectes italiques qu'il est donc permis
de considérer à cet égard comme un tout. La divergence la plus
considérable est dans le latin in- (préfixe négatif) et inter en
regard de an-, anter, de l'osque et de l'ombrien. Cette divergence
s'expliquera plus loin, nous l'espérons.

Les exemples qui suivent sont répartis en trois séries,
d'après la place de l'a et son entourage dans la racine.

1. La syllabe radicale ne contient ni nasale ni liquide qui ne
serait pas initiale
. En tête de la liste se trouvent les racines communes
à un grand nombre de mots. Les lettres C et F renvoient
aux ouvrages d'étymologie de M. Curtius et de M. Fick.

tableau ak1 | ἄκ-ρος | ἀκαχ-μένος | ac-ies | ac-us | etc. | ak2 | ἄκ-αρος | αχ-λύς | aqu-ilus | F. | ag | ἄγ-ω, αγ-ός | ag-o, ac-tio | ap | ἅπ-τω | ap-tus | ap-ere (?) | kwap | καπ-ύω | καπ-νός | vap-or | vappa | C.55

tableau dap | δάπ-τω | δαπ-άνη | dapes | damnum | 1 mak | μάκ-αρ | μακρός | macte | macer ? | 2 mak | μάχ-ομαι | μάχ-αιρα | mac-tare | macellum | mad | μαδ-άω | μαδ-αρός | mad-eo | mad-idus | lak | λάκ-ος | λακ-ερός | lac-er | lac-erare | lag | λάγ-νος | λαγγ-άζω | lac-sus | langu-eo | C. | lap | λάπ-τω | λαφ-ύσσω | la-m-b-o | lab-rum | las | λιλα(σ)-ίομαι | λάσ-τη | las-c-ivus | sap | σαπ-ρός | σαφ-ής | sap-io | sap-or

tableau ἄβιν· ἐλάτην | abies | ἀγρός | ager | ἀκχός | axilla | āla | ἀμνός | agnus | ἀξίνη | ascia | ἄξων | axis | Ἀπι-δανός | amnis | ἀπό | ab | ἄττα | atta | ἄχνη | agna | βάκτρον | baculus | βασκαίνω | fascinare | δάκρυ | dacruma | κάδος | cadus | κακκάω | cacare | κάπρος | caper | ῥάξ | racemus (?) | ἰάπτω | jacio (?) | λάχνη | lāna | ψαφαρός | scabies

Dans la diphthongue :

tableau ai. αἴθω | aestas | aestus | αἰών | aevum | αἶσα | αἰκ-yα | aequus | (δα(ιF)ήρ | lēvir) | λαιός | laevus | σαῖοι | saevus (?) | σκαιός | scaevus | dor. | αἰ | osq. svaí

1. Sur le rapport de damnum et de δαπάνη, v. Bechstein, Studien VIII 384 seq. L'auteur omet de mentionner que même au temps de Suétone
(Néron, chap. 31) damnosus signifiait dépensier. — 2. Il est préférable
de ne pas inscrire ici une troisième racine mak, dans μάσσωmācero,
parce que l'e du sl. męknąti complique la question. — 3. V. Fick, K. Z.
XX 175 ; le sl. jagnę qui a g2 justifie la forme ancienne *ἀβνός qu'on
suppose pour le mot grec. — 4. M. Curtius interprète le nom de fleuve
Ἀπιδανός par ἀπι « eau » + δανο « donnant », étymologie qui trouverait
peut-être quelque appui dans Ἠρι-δανό-ς (skr. vari « eau ») ; il rapporte à
la même racine Μεσσάπιοι, γή Ἀπία etc. La question est seulement de
savoir si nous avons affaire à ap (d'où amnis) ou à aK2 (dans aqua) mais
dans l'un et l'autre cas le latin montre l'a. — 5. L'a est long : gr. ἐπηετανός,
skr. ayus. — 6. V. Savelsberg, K. Z. XVI 61. L'épel σάϊοι rend
le rapprochement douteux. — 7. Encore ici on peut supposer l'a long ;
on arriverait peut-être à expliquer de la sorte εἰ pour ηἰ.56

tableau au aug | αὐγ-η | αὖκ-σις | aug-ere | aug-ustus | 1 aus | αὔως | ἀέλιος | aur-ora | Aus-elius | C. | 2 aus | ἐξ-αυσ-τήρ | h-aur-io | h-aus-tus (?) | gau | γαῦ-ρος | γη-θέω | gau-dere | gav-isus | kaup | κάπ-ηλος | caup-o | cōp-a | pau | παύ-ω | pau-cus | pau-per | stau | σταυ-ρός | in-stau-rare

1. Fick, Beiträge de Bezzenberger II 187. — 2. L'u est tombé en grec, comme dans κλόνις et d'autres formes. Osthoff, Forschungen I 145. Misteli,
K. Z. XIX 399.

tableau αὔρα | aura (emprunté?) | αὗτε | autem (?) | ἐνι-αυτός | autumnus (?) | θαῦνον·θηρίον Hes. | Faunus (?) | θραύω | fraus | καυλός | caulis | σαυχμός | saucius | ταῦρος | taurus

tableau a | est | suivi | de | v | απο-λαύ-ω | Lav-erna | lav-erniones | C. | ἀ(Ϝ)-ίω | av-eo | av-idus (?) | πα(Ϝ)-ίω | pav-io | φαῦ-ος | φα(Ϝ)εινός | fav-illa

2. La racine contient une liquide ou une nasale non initiale1.
Dans un certain nombre d'exemples (nous en avons placé quelques-uns
entre crochets) l'a représente certainement autre chose
que a : c'est un a anaptyctique, en rapport avec les phénomènes
étudiés au chapitre VI.

tableau ank | ἀγκ-ών | ἀγκ-ύλος | anc-us | C. | angh | ἄγχ-ω | ang-o | ang-ustus | 1 ar | ἀραρ-ίσκω, ἄρ-θρον | ar-tus | 2 ar | ἀρ-όω | ar-are | ar-vum | ark | ἀρκ-έω | arc-eo | arx | arg | ἀργ-ός | ἄργυρ-ος | arg-uo | arg-entum | ἁρπ-άζω, ἁρπ-αλεος | rap-io | rap-ax | al | ἄν-αλ-τος | al-o | al-umnus | (?) alg | ἄλγ-ος | ἀλγ-έω | alg-eo (?) | kan | καν-άζω | ἠι-καν-ός | can-o | can-orus | kard | κράδ-η | κραδ-αίνω | card-o | kal | καλ-έω | cal-endae | cal are57

tableau bhark | φράσσω | φρακ-τός | farc-io | frac-sare | sark2 | ῥάπ-τω | sarc-io | Bugge | sarp | ἅρπ-η | sarp-o | sarmen | 1 sal | ἅλ-λομαι | sal-io | sal-tus | 2 sal | σάλ-ος | σαλ-άσσω | sal-um | C. | skand | κάν-δαρος | cand-eo | cand-ela.

tableau ἄλλος | alius | ἄλκη | alces | ἀλκυών | alcedo | ἀλφός | albus | ἀμφί | amb- | ἄμφω | ambo | ἄν | an | ἀν | priv. | osq. ombr. | an- | ἄνεμος | animus | ἀντί | ante | ἀράχνη | arānea | ἁρμός | armus | ἄρον | arundo (?) | F. | βαρύς | gravis | βλάπτω | suf-flamen (?) | βάρβαρος | balbus | βάλανος | glans | γάλακ | lact- | γλαμυρός | gramia | γλαφυρός | glaber (?) | κάλχη | clacendix | καμάρα | camurus | dor. κᾶπος | campus | καρκίνος | cancer | λάξ | calx | κάρταλος | cartilago | κράμβος | carbo | μάλβαξ | μαλάχη | malva | μάμμη | mamma | dor. | νᾶσσα | anat- | δί-πλαξ | ombr. | tu-plak | παλάμη | palma | πάλη | palea | πᾱνίον | pannus | πλάξ | planca | πραπίδες | palpito | ῥαιβός | valgus (?) | ἅλς | sal | ῥακτοί | an-fractus | σκάλοψ | talpa | C. | σκάνδαλον | scando | ἄφλαστον | fastigium | ἧλος, Ϝάλλος | vallus | χάλαζα | grando | χν | anser.

1. Les couples σφάλλωfallo et ἀλφάνωlabor ne sont pas insérés
dans cette liste, parce qu'ils prêtent matière à discussion. – 2. ἠικανός· ὁ ἀλεκτρυών. Hes. – 3. Fick, Beitr. de Bezzenb. I 61. – 4. Studien V 184. – 5. L'e du latin duplex n'est dû qu'à la loi d'affaiblissement qui frappe les seconds membres des composés. – 6. Nous séparons ainsi palpito de palpo = ψηλαφάω. – 7. V. page 17. – 8. Ahrens II 144. — antrum et bracchium sont empruntés au grec.58

Au tableau qui précède il faut ajouter 5 racines qui, au fond,
semblent ne pas contenir de nasale, bien qu'elles en soient infectées
dans plusieurs langues, sans doute par l'influence du suffixe.
Ces racines sont du reste dans un tel état qu'on peut quelquefois
douter si leur voyelle est e ou a, et que l'étude de leurs perturbations
est à peine possible à l'heure qu'il est. On peut en dire
autant de quelques-unes de celles qui viennent d'être mentionnées
et qui sont placées entre crochets.

κλάζω, ἐκλᾰγον, κέκλαγγα, clango, clangor.
κεκληγώς, κλαγγή

Cf. norr. hlakka ; goth. hlahjan, hloh ; lith. klegù. F. I3 541.

τεταγών tango, tago, tetigi, tactus.

M. Fick compare le goth. stiggvan ce qui s'accorde mal avec le
lat. tago. Il est certain qu'on ne doit pas songer au goth. tekan ; ce
dernier a un parent grec dans δάκτυλος (rac. dag ; cf. digitus).

πήγνυμι, πέγηγα, ἐπγη, pango, pago, pepigi,
πηκτός, πάγη pignus, păciscor, pāx.

Cf. goth. fāhan, faifāh, ou bien v. ht-all. fuogī ; skr. pāça.

πλήσσω, dor. πλαγά, ἐξεπλγην ; plango, planxi, planctus,
πλζω, ἐπλάγχθην plāga. C. Grdz. 278.
κάκαλον « mur d'enceinte » cancelli « treillis, barrières ».

M. Fick qui rapproche ces deux mots (II3 48) leur compare le
skr. káćate et káńćate « attacher ». Mais de là il n'y a qu'un pas au
goth. hāhan, haihāh « suspendre ». L'identification de ce dernier
verbe avec le skr. çáṇkate « être préoccupé, douter etc. » (I3 56) a un
côté faible dans la signification du mot indien. Cf. Pott, Wzlw.
III 139.

Voici enfin différents exemples appartenant aux tableaux 1
et 2, mais qui présentent un ā long, dans l'une des deux langues
ou dans toutes deux. Cet ā long est un nouveau phonème à enregistrer,
et comme il est évidemment en rapport avec a, nous
pouvons lui donner tout de suite la désignation Ā, tout en nous
promettant de l'étudier ailleurs plus à loisir.

tableau dor. γᾱρύω | garrio | dor. | (Ϝ)ᾱχώ | (Ϝ)ι(Ϝ)ᾰχή | vāgio | κᾱλίς | cāligo | κλᾱ(Ϝ)ίς | clāvis | claudo | κλᾶρος | glārea | λᾶας | bas-lat. | gravarium (?)59

tableau μᾶλον | mālum | νᾱῦς | nāvis | dor. | πᾱλός | pălud- | πηρός | παῦρος | pārum | το πᾶρος | parvus | πεπαρεῖν | ap-pāreo | ῥδιξ | rādix | ῥδαμνος | ῥάπυς | rāpa | σκήπων | scāpus | δύς | εὔᾰδε | suāuis | τας | pāvo | χαμός | hāmus | ψηλαφάω | η = ᾱ ? | palpare | ψᾶφος | săbulum.

Ici se place aussi la racine de magnus, mājor, osq. mahiis etc.
qui a donné en grec μῆχος, μῆχαρ, dor. μᾱχανά (Ahrens II 143).
V. page 64.

1. La racine de garrio n'est pas, il est vrai, exactement la même que celle de γαρύω (cf. lith. garsà). – 2. Ahrens II 137 seq. – 3. Il est possible que glārea soit emprunté ; pāvo l'est presque certainement. – 4. Pictet, Origines Indo-européennes I1 132. – 5. D'autre part πλάδος se rapproche de palus. – 6. Curtius, Verbum II 29. – 7. Dor. σκᾱπάνιον Ahrens II 144.

3. a termine la racine :

tableau ghā | χᾱ-λά | χᾰ-τέω | fă-mes | fă-tuus | χᾰ-τίζω | χᾰ-τίς | fă-t-iscor | fă-t-igo | pā | πᾰ-τ-έομαι | pā-nis | pā-bulum | pa-sco | ἄ-πα-σ-τ-ος | πᾰ-νία | pā-s-tor | pā-ui | bhā- | dor. | φᾱ-μί | φ-μα | fā-ri | fā-ma | φ-τις | 1e p. pl. | φᾰ-μέν | fā-bula, fă-t-eor | (?) lā | λ-ω | λα-κ-ή | lā-trare | lā-mentum ? | stā | ἵ-στᾱ-μι | ἕ-στᾱ-ν | Stā-tor | stāmen | στᾰ-τήρ | ἵ-στᾰ-μεν | stă-tus | stă-bulum | (s)nā | νᾱ-ρός | νᾶ-μα | nă-tare | nă-trix | νᾶ-σος | Νᾱ-ιάς | nāre | spā | σπ-διον | σπά-ω | spă-tium | pa-t-eo ? | pa-nd-o | pas-s-us

1. La dépendance des mots latins de la rac. ghā est assez généralement reconnue ; quant à hisco, hiare etc., on ne saurait les dériver immédiatement
de ghā ; hiare est le lith. żóti (rac. ghyā) et la ressemblance de hisco
avec χάσκω ne doit point faire passer sur cette considération. – 2. Schmitz, Beiträge zur lat. Sprachk. p. 40. – 3. En admettant dans ὑλάω un cas de prothèse de l'υ nous restituons au grec une racine qui ne manque presque à aucune des langues congénères. M. Fick il est vrai la trouve dans λῆρος,
ληρέω. Le λάων d'Homère est controversé, ἀλυκτε· ὑλακτε. Κρήτες nous
apporte peu de lumière.

60

Les exemples qui précèdent offrent plusieurs cas d'amplification
au moyen d'une dentale, amplification qu'affectionnent
les racines en ā, qui s'est accomplie du reste de plusieurs manières
différentes. Voici une racine qui dans les deux langues n'apparaît
que sous la forme amplifiée (cf. Curtius Grdz. 421) :

 : dor. λ-θ-ω ; ἔ-λᾰ-θ-ον lă-t-eo.

La nasale de λανθάνω ne prouve nullement une racine lan,
que le skr. rándhra « caverne », vu son isolement, ne confirmerait
pas. Hésychius il est vrai donne : ἀλανές· ἀληθές, mais une autre
glose : ἀλλανής· ἀσφαλής. Λάκωνες, interdit d'en tirer aucune
conséquence quant à λανθάνω.

Le lat. ma-nd-o « mâcher » (cf. pa-nd-o, λα-νθ-άνω), ma-s-ticare,
ma-nsu-cius etc., et le grec μα-σάομαι se basent pareillement sur
une racine dont dérive encore le goth. mat(i)-s « repas ».

Ici se place enfin lat. pa-t-ior, passus, en regard de πά-σχω,
ἔ-πα-θov ; nous avons vu et nous verrons plus bas qu'il est à peu
près impossible de décider si l'α de ces mots grecs est un α ancien
ou le représentant d'une nasale sonante.

Il reste à mentionner :

tableau dor. | μτηρ | māter | φρτηρ | frāter | πατήρ | pater | χλᾱρός | h(i)lăris (?) | τλᾱτός | lātus.] | πρᾰσιά | cf. | prātum

Döderlein (Handbuch der Lat. Etym.) compare latex « ruisseau »
à λάταξ « bruit du dé qui tombe ». M. Roscher a montré
(Stud. IV 189 seq.) que les nombreuses formes du mot βάτραχος
« grenouille » remontent à *βράτραχος qu'il rapproche du lat. blaterare.
Il faudrait citer aussi λάτρις en regard de latro si ce dernier
n'était emprunté au grec (Curtius Grdz. 365).

Les syllabes suffixales fournissent a et Ā en nombre relativement
restreint. Ces phonèmes sont, peu s'en faut, limités au
suffixe des féminins de la 1re déclinaison : grec χώρᾱ, vieux-latin
formā. Certains cas de cette déclinaison montrent aussi a bref,
voy. § 7 fin. Un a bref apparaît ensuite au nom.-acc. plur. des neutres
de la 2e déclinaison, où probablement il a été long d'abord :
grec δώρᾰ, latin donă (vieux lat. falsa ?). V. § 7.

a est de plus désinence des thèmes neutres consonantiques
61au nom.-acc. plur. Ex. γένε-α, gener-a. Mais on sait que l'âge de
cette désinence est incertain.

§ 6. Le phonème a dans les langues du nord.

Que faut-il, quand il s'agit d'un mot gréco-latin, pour être
sûr que ce mot contient a ? Il faut simplement, toutes précautions
prises contre les liquides et nasales sonantes, qu'il ait
l'a en grec et en latin. Mais il suffit en général, si le mot existe
dans l'une des deux langues seulement, que dans cette langue il
montre l'a : l'a italique ou grec non anaptyctique a, dans quelque
forme qu'il se trouve, la qualité a. — Dans les idiomes du nord le
problème est plus compliqué : chaque a peut, en lui-même, être
a ou a2. Avant de lui attribuer la valeur a, il faut s'être assuré
qu'il ne peut représenter a2. Cette épreuve sera possible bien
souvent dans chaque langue sans qu'il soit besoin de recourir
aux idiomes congénères, et cela au moyen des données morphologiques
qui indiquent dans quelles formations a1 est remplacé
par a2. La formation est-elle de celles qui n'admettent pas a2,
on sera certain que l'a est un a. Le thème du présent, mais seulement
chez les verbes primaires, est la plus répandue de ces formations.

Dans le choix des racines données comme exemples de a
dans les langues du nord, nous avons suivi autant que possible
ce principe. Il faut que sans sortir de ce groupe de langues on
puisse conclure que la racine contient a, puis on compare les
langues du sud, et il y a confirmation en tant que ces dernières
montrent l'a. Cf. § 4, 9. Des exemples tels que sl. orją en regard
du lat. arare ou goth. Þαhαn en regard de tacere ont été laissés de
côté : ce n'est pas qu'il y ait lieu de douter que leur a ne soit un
a, mais ces verbes étant dérivés on ne peut distinguer dans la
langue même, si leur α ne représente pas a2 ; on ne le peut décider
qu'en invoquant l'a des langues du sud. Or, c'est précisément
à mettre en lumière l'identité de l'a du sud avec celui des a
du nord qui ne peut être a2, qu'est destiné le tableau. — Cependant
un tel triage était impossible pour les thèmes nominaux détachés.

La plupart des exemples se trouvent dans les riches collections
d'Amelung auxquelles nous ne saurions toutefois renvoyer
le lecteur purement et simplement : car, conformément à son
62système, qui n'admet qu'un seul phonème primitif soit pour l'a
du nord soit pour l'a et l'o réunis du sud, l'auteur citera indistinctement
goth. akrs = gr. ἀγρός, goth. lilaf — gr. κέκλοφα. La
présente liste est très-loin d'être complète, c'est plutôt un choix
d'exemples.

tableau ak1 | sl. | os-trŭ | lith. | asz-trùs | aszmen- | ac-ies | ἄκ-ρος | ag1 | norr. | ak-a | ōk | ag-o | ἄγ-ω | agh2 | goth. | ag-is | og | irland. | ag-athar | ἄχ-ος | ἀκαχ-ίζω | kap | haf-jan | hof | cap-io | twak | þvah-an | þvoh | τκ-ω | ε-τκ-ην | dhabh | dob-ru | ga-daban | ga-dob | făb-er | mak1 | ma(h)-ists | μακ-ρός | magh2 | mog-ą | mag-an | mag-nus | μᾱχ-ανά | wadh | vađ-a | vōđ | vād-o | vāsi | F. | skap | kop-ają | kap-óju | σκάπ-τω | κάπετός | skabh | skab-an | skof | scab-o | scābi | an | an-an | on | ą-ch-a | an-imus | ἄν-εμος | angh1 | agg-vus | ąz-ŭkŭ | ànksztas | ang-o | ἄγχ-ω | al | al-an | ol | al | al-o | ἄν-αλ-τος.

1. Le grec ἄχομαι, ἄχος, ἥκαχον, ἄχθος ; le goth. ag-is, un-agands,
parf.-prés. og etc. sortent d'une racine agh sans nasale qui semble être
distincte de angh. La première donne en sanskrit aghá « méchant » (aghá-m
« mal, malheur »), aghalá (id.), aghāyáti « menacer » ; la seconde : aṃhá,
áṃhas
etc. La première désigne un mal moral, du reste assez indéterminé,
la seconde signifie attacher, resserrer. La gutturale finale prouve assez
qu'il y a lieu de faire la distinction ; en effet le zend ãsaṅh, le slave ązŭkŭ
montrent gh1 et élèvent par conséquent une barrière entre skr. aṃhú et
skr. aghá. Ce n'est qu'en apparence que le gv du goth. aggvus contredit
au z du slave et du zend : nous croyons que le ν en question vient des cas
obliques où il ne fait que continuer l'u suffixal. Mais il faut avouer que
le zend αγαnα « vinculo » compromet la combinaison. – 2. hafjan est un
verbe fort ; autrement, d'après ce qui vient d'être dit, nous ne devrions pas
le citer. – 3. Il semble à peu près impossible de maintenir le rapprochement
du goth. Þvahan, Þvoh avec le grec τέγγω (malgré ἄτρεγκτος =
ἄτϜεγκτος). Le grec τήκω au contraire n'offre aucune difficulté de forme ;
les significations il est vrai s'écartent sensiblement, mais elles peuvent
s'unir dans l'idée de faire ruisseler qui est précisément celle du skr. tóçate
auquel on a comparé Þva han . Cf. d'ailleurs les sens variés des racines
prau et snā. – 4. Fick K. Z. XIX 261. – 5. Comme l'a fait voir M. Ascoli
(K. Z. XVII 274) le goth. maists est pour *mahists, ce qui le place à côté
de μακρός en le séparant de mikils, ainsi que le demandait déjà la différence
63des voyelles. M. Ascoli a montré en même temps que major, magnus,
remontent à mah, magh ; et nous nous permettrions seulement de mettre
en doute que ce magh ait donné le skr. mahant. Ne pouvant développer
la chose au long, nous nous contentons de constater qu'il y a 3 racines.
mak1 : zend maçyāo, anc. pers. maθista, goth. ma(h)ists, ma(h)iza, grec
μακρός, et aussi μάκαρ et le latin macte. 2° magh2 : skr. maghá « richesse »,
goth. magan, lat. magnus, ma(h)jor gr. μᾱχανά, sl. mogą ; — mais point
mahant, vu le z du zend mazāoñt. 3° ma1g1 ou ma1gh1 : gr. μέγας, goth.
mikils, skr. mahant ; cf. maģmán. — En ce qui concerne spécialement le
gothique, il faut admettre que le parf. sing. mag est pour *mog et qu'il a
suivi l'analogie du pluriel magum ; de même qu'inversement forum a
remplacé *farum. Cf. plus loin, chap. V. – 6. Les verbes dérivés de la
classe dont fait partie kopają n'ont pas l'habitude de changer un e radical
en ο (a2) ; il était donc permis de le citer ici.

tableau goth. | a(j)iza- | a(j)es | akrs | ager | ἀγρός | lith. | akmů | sl. | kamy | *okmy | norr. | hamarr | ἄκμων | ahva | aqua | áklas | aquilus | ἄκαρος | v. haut-all. | ahsa | osĭ | aszìs | axis | ἄξων | af | ab | ἀπό | otĭcĭ | atta | ἄττα | tagr | lacruma | δάκρυ | bobŭ | boruss. | babo | făba | F. | gazds | hasta | lomŭ | lāma | *lacma | ma(h)il | macula | aljis | alius | ἄλλος | ana | ἀνά | ąsà | ansa | and- | ante | ἀντί | amo | anýta | ănus | arhvazna | arcus | avo | avus | brada | *borda | barzdà | part | barba | bariz-eins | borŭ | far | g. | farris | gans | găsĭ | żąsìs | anser | χάν | fana | o-pona | pannus | πᾱνίον | salt | solĭ | sal | ἅλς.

1. Osthoff K. Z. XXIII 87.

Les exemples suivants vont nous faire voir le ā long des langues
du nord. Ce phonème qui dans le groupe du sud ne diffère
de a bref que par la quantité, chez elles en général s'en distingue
encore par la teinte. Dans le germanique et le lithuanien c'est
un ō long (v. ht-all. uo), tandis que le slave chez qui a bref devient
ŏ donne à ā long la couleur a. On sait que l'a slave ne
64sort d'une voyelle brève que dans un ou deux cas tout à fait exceptionnels.
Les formes placées entre crochets enfreignent cette
loi de substitution.

tableau fāgus | v. ht-all. buocha | cāligo | κᾱλίς | sl. | kalŭ | F. | μκων | makŭ | v. ht-all. | māgo | nāres | nāsus | lith. | nósis | anglo-s. | nōsu | cf. | nosŭ | nasa | πᾶχυς | norr. bōgr | rāpa | ruoba | rópė | rěpa | suavis | δύς | germ. | svōtya- | norr. | soetr | suozi | F. III3 361).

a et ā terminent la racine :

tableau ghā | χή-μη | χᾱ-λά | germ. | gō-men- | lith. | go-murýs | « pa-latum » | F. | tā | tā-bes | sl. | ta-ją | anglo-s. | Þāven | bhā | fā-ri | φᾱ-μί | ba-ją | lā | lā-trare | la-ją | ló-ju | mais | en | gothique | laia | *lē(j)a | stā | stă-tus | ἔ-στᾱ-ν | etc. | sta-ną | stóju | goth. | sto-min- | sta-da- | v. ht-all. | siām | stēm] | (s)tā | dor. | τᾱ-τάω | ta-tĭ | ta-jĭnŭ.

La racine est augmentée d'une dentale, par exemple dans :

tableau pā-t | πα-τ-έομαι | pā-s-tor | goth. | fo-d-jan | sl. | pa-s-tyrĭ | lā-(t) | λά-ω | « vouloir » | la-Þ-on | la-Þa-leiko | F. | sā-t | să-t-ur | să-t-is | sa-d-a- | so-Þ-a | lith. | só-t-us | sytŭ

1. Ahrens II 144. Au slave tajĭ « en cachette », tajĭnŭ « secret » cf. le
thème indien tāyú « voleur » d'où aussi τηυ-σιος « vain, sans résultat » (Pott,
Wurzelwörterb. I 100). – 2. fodjan suppose une racine contenant a, et
c'est à ce titre-là seulement que nous le citons ; il est bien probable en
effet, si nous considérons le mot fodjan lui-même, que son ο répondrait à
un ω, non pas à un du grec. Cf. chap. V § 11. – 3. La racine simple se
trouve dans le grec ἕωμεν = *ἥομεν (Curtius, Verb. II 69).

Parmi les mots plus isolés nous nous bornerons à citer :

(pater, πατήρ goth. fadar ; cf. § 11.)

māter, μτηρ v. ht-all. muotar, sl. mati, lith. moté.

frater, φρτηρ goth. broþar, sl. bratrŭ, lith. broterélis.

Le ā du suffixe des féminins s'observe commodément aux cas
65du pluriel dont la désinence commence par une consonne : goth.
gibo-m, lith. mergó-ms, sl. žena-mŭ. Placé dans la syllabe finale,
il a subi, comme on sait, diverses altérations. Au nominatif singulier,
le slave (žena) garde encore a, chez lui représentant de l'ā
long, tandis que les lois qui régissent les sons du germanique et
du lithuanien commandaient d'abréger la voyelle finale : giba,
mergà, sauf dans le goth. so, gr. . Sur le vocat. ženo v. p. 93.

a dans la diphthongue donne lieu à quelques remarques
particulières.

Plusieurs savants ont nié qu'il y eût une diphthongue européenne
eu, en d'autres termes et en se plaçant au point de vue de
l'unité originaire de l'a, qu'il y ait eu scindement de la diphthongue
au en eu : au à la même époque où dans toute autre position l'a
s'était scindé en e : a. M. Bezzenberger (Die a-Reihe der gotischen
Sprache
p. 34) prétend, ou plutôt mentionne, car, ajoute-t-il, il est
à peine besoin de le dire expressément, que dans le présent
gothique kiusa pour *keusa = gr. γευώ, l'e de la première langue
est sans lien historique avec l'e de la seconde. La raison de cette
violente séparation de deux formes dont la congruité est aussi
parfaite que possible ? C'est que les idiomes letto-slaves n'ont
pas de diphthongue eu, et que par conséquent la période européenne
n'en pouvait point posséder non plus.

En général nous ne nous sommes posé aucune tâche relativement
à l'e européen, le fait de son apparition concordante
dans les différentes langues étant reconnu par les partisans de
tous les systèmes. Nous devons cependant nous occuper de l'e
pour autant qu'on veut le mettre en rapport avec l'a et combattre
les arguments qui tendraient à établir qu'à une époque quelconque
l'e et l'a (a) ne faisaient qu'un. Evidemment l'origine récente
de la diphthongue eu, si elle se confirmait, rentrerait dans
cette catégorie. D'autre part nous nous abstenons de poursuivre
jusqu'au bout les conséquences où M. Bezzenberger se verrait
entraîné par le principe qu'il pose, parce que nous voulons éviter
de subordonner à la question de l'eu celle de l'unité européenne
ou celle du scindement de l'a. Disons donc tout de suite que l'absence
de l'eu dans les langues letto-slaves, sur laquelle l'auteur
se fonde, est révoquée en doute par M. Joh. Schmidt qui en
signale des traces nombreuses K. Z. XXIII 348 seq. M. Schmidt
66regarde le paléosl. ju et le lith. iau comme étant dans certains
cas des représentants de l'eu (sl. b(l)judą = goth. biuda, gr. πεύθομαι ;
lith. riáugmi, gr. ἐρεύγω). Depuis il est vrai, M. Bezzenberger
a rompu une nouvelle lance pour la cause qu'il défend.
Notre incompétence ne nous permet point de jugement ; mais
voici ce que nous tenons du moins à dire :

Lors même que la supposition de M. Schmidt ne devrait pas
se vérifier, lors même qu'il n'existerait aucun indice d'une diphthongue
eu dans le domaine letto-slave, il ne s'en suivrait pas
qu'elle n'a jamais existé : les langues italiques non plus ne possèdent
pas l'eu, et n'était le seul Leucetio, on pourrait venir dire
que jamais dans l'italique l'ancienne diphthongue au n'a peu la
forme eu. Personne ne doute cependant que douco ne soit sorti
de *deuco. La même chose semble s'être passée dans le letto-slave,
non-seulement dans la diphthongue, mais aussi, comme en
latin, dans le groupe ev. Ceci se voit avec le plus de clarté
dans le paléosl. člověkŭ : le lette zilweks montre en effet que l'ο
n'est pas primitif 174, et sans aller si loin il suffit de constater la
palatale initiale č pour savoir que la forme ancienne est *čelvěkŭ
(voy. à ce sujet J. Schmidt Voc. II 38 seq.). D'où vient l'o par
conséquent ? Il ne peut venir que du ν avec lequel la métathèse
de la liquide l'avait mis en contact. — Par un raisonnement d'un
autre genre on acquiert la conviction que slovo est sorti de *slevo :
en effet les neutres en -as n'ont de toute antiquité que a1, jamais
a2, dans la syllabe radicale : il en est ainsi, dans l'arien, le grec,
le latin, le germanique. Or le slave lui-même n'enfreint point
cette règle ainsi que le montre nebo = gr. νέφος. Comment donc
expliquer slovo = κλέϜος autrement que par l'influence du v sur
l'e ? Il y aurait la même remarque à faire sur le présent plovą =
gr. πλέϜω, car πλώω est évidemment de formation postérieure.
— Dans une syllabe de désinence nous trouvons semblablement
en sanskrit sūnavas, en grec πήχεες, en gothique sunjus, et dans
le slave seul synove.

Cette action du v qui a duré fort tard, comme le montre člověkŭ,
commence de se produire dès la période d'unité letto-slave.
67En regard du grec νέϜo-ς apparaît en lithuanien naújas
comme en slave novŭ.

Ici quelques mots sur l'a lithuanien. En présence de la complète
équivalence de cet a et de l'o slave (tous deux représentent
a et a2), on se demande naturellement auquel des deux phonèmes
appartient la priorité. Le mot dont il vient d'être question est-il
sous sa forme letto-slave novos ou bien navas ? A voir toutes les
fluctuations entre l'ō et l'ā des différents dialectes de la Baltique,
borussien, lithuanien, lette, et à considérer la divergence de teinte
entre l'a bref et l'a long soit en lithuanien soit en slave (lith.
ă : ō ; sl. ŏ : ā ), une troisième hypothèse se présente vite à l'esprit,
savoir nåvås. Dans la période letto-slave on aurait prononcé non
un a pur, mais un å, bref et long. Sans doute il n'y a pas pour
cette hypothèse d'argument bien positif, mais il y en a encore
moins, croyons-nous, qu'on puisse invoquer contre elle. Elle
appuie les faits d'assimilation dont nous parlions, comme d'autre
part elle en est appuyée. La méthode comparative est et sera toujours
obligée de recourir parfois à ces sortes d'inductions doubles.

Je cite encore le lith. javaí, gr. ζεά (skr. yăva), sávo, gr. ἑϜός,
puis deux mots où le même phénomène se manifeste, semble-t-il,
en sens inverse comme dans le lat. vomo pour *vemo. Ce sont
vákaras = gr. ἕσπερος, sl. večerŭ ; vasarà = gr. ἔαρ, lat. vēr.
Plusieurs de ces exemples et des précédents font partie de la liste
où M. J. Schmidt consigne les cas prétendus de concordance incomplète
de l'e dans les langues européennes : ce seraient, si tout
ceci n'est pas illusoire, autant de numéros à retrancher d'un catalogue
déjà bien diminué.

Cette transformation letto-slave de ev en åv diffère du phénomène
analogue que présente l'italique principalement en ce
qu'elle n'a pas lieu constamment. Il faut bien qu'il y ait une
cause pour que devętĭ (lith. devynì) n'ait pas été traité comme
*slevo devenu slovo, mais cette cause demeure cachée. — Dans la
diphthongue au contraire l'assimilation de l'e est la règle, abstraction
faite des cas tels que bljudą et riáugmi que nous avons vus
plus haut. Il y a peut-être une preuve de cette double origine de
l'au (en dernière analyse elle est triple, l'a (å) étant lui-même
formé de a + a2) dans le génitif lithuanien sunaus des thèmes
en -u en regard du gén. akés (et non « akais ») des thèmes en
68-i 175. Toutefois le rapport exact entre ë et ai étant encore incertain,
nous n'insistons pas.

Dans la descendance letto-slave des diphthongues a1i, a2i,
ai
, il y a également, nous venons d'y faire allusion, des perturbations
assez graves. La signification exacte de l'i et de l'ě en slave,
de l'ë (ei) et de l'ai en lithuanien est encore un problème. Il
semble que l'ë de la dernière langue, qui représente apparemment
a1i ne soit ailleurs qu'une dégradation de l'ai : on a par exemple
en regard du goth. haims, du boruss. kaima, voire même du lith.
kaimýnas, un ë dans këmas.

De ce qui précède il ressort que les exemples de a lithuanien
ou slave dans la diphthongue ne peuvent avoir comme tels qu'une
valeur très-relative, presque nulle lorsqu'il s'agit de au.

tableau (?) ghais | haer-eo | lith. | gaisztù | gaíszti | F. | skaidh | caed-o | goth. | skaid-an | skaiskaid | aug | aug-eo | αὖξις | auk-a | aiauk | áug-u | (?) aus | h-aur-io | h-aus-tus | norr. | aus-a | jōs

tableau aevum | αἰών | goth. | aivs | cf. | p. 56 | caecus | haihs | δα(ιϜ)ήρ | ags. | tācor | sl. | dě-verĭ | lith. | dëverìs | haedus | gaits | laevus | λαιός | lěvŭ | aurora | auszrà | caulis | καυλός | káulas. | C. | νᾱῦς | norr. | nau-st | pau-cus | fav-ai | σαυσαρός | saúsas | Ἀ-χαι(Ϝ)ιοί | gavi

1. Le thème du mot gothique est gauja- (contrée) : Ἀχαιοί signifierait
ὁμόχωροι. Ici se placent peut-être aussi les Δωριέες τρι-χάϊκες, à moins
d'y voir un composé de τρίχα — à la manière de l'indien purudhá-pratīka
avec un thème Ϝικ- = zend vīç « clan ».

Chapitre III.
Les deux ο gréco-italiques.

C'est pour des raisons toutes pratiques que nous avons jusqu'ici
considéré l'o gréco-italique comme un tout homogène. En
69réalité il en existe au contraire deux espèces bien distinctes que
nous allons étudier l'une après l'autre.

§ 7. o2 gréco-italique. — a2 indo-européen.

Les phénomènes des langues ariennes sont ici trop intimement
liés à ceux qu'on observe en Europe pour pouvoir être
traités à part. Nous avons donc inscrit en tête du paragraphe
l'a2 indo-européen à côté du gréco-italique o2.

La véritable définition de a2 est, ce me semble : la voyelle
qui, dans les langues européennes, alterne régulièrement avec e
au sein d'une même syllabe radicale ou suffixale.

Ainsi, pour parler d'un a2 proethnique, il faut absolument
placer aussi le germe de l'e européen dans la période d'unité première.
C'est là l'hypothèse de M. Brugman. Ce savant, par une
conception qu'Amelung avait entrevue (v. p. 5), renonce à chercher
dans l'état du vocalisme que nous représente l'arien la
donnée d'où il faut faire découler les phonèmes de l'Occident et
transporte au contraire jusque dans la langue mère le principe
de l'e européen et du phonème qui remplace parfois cet e (a2),
laissant du reste le nombre total des a provisoirement indéterminé.

Dans tout ce qui suit nous partons de cette hypothèse non
prouvée de l'origine proethnique de a1 = e. Quant à a2, nous
voulons le prouver par le moyen des faits réunis dans le paragraphe,
lesquels du reste sont généralement connus. — Plus tard
nous examinerons jusqu'à quel point ces faits, en assurant a2,
n'assurent pas du même coup l'a1 indo-européen.

M. Brugman s'est étendu avec le plus de détail sur a2 : Studien
IX 367 seq. 379 seq. K. Z. XXIV 2. Ce phonème, dit-il,
devient dans l'arménien, le grec, l'italique et le slave 176 : o, dans le
celtique, le germanique et les langues de la Baltique : a, dans
70l'arien en toute syllabe ouverte : ā, mais, si la syllabe est fermée 177, a.

Comme nous le disions, il y a, indépendamment de ce qui
appartient aux liquides sonantes, des ο gréco-italiques qui remontent
à un phonème autre que a2. Nous appelons o2 l'espèce
qui équivaut à l'ancien a2 : le second ο recevra la désignation o.

Voici les formations où a2 (gréco-it. o2) vient régulièrement
remplacer a1 (e).

1. Syllabe radicale.

a. Formations verbales.

Parfait. Tandis que dans l'origine le moyen ainsi que le
pluriel et le duel de l'actif rejettent l'a1 radical, le singulier de
l'actif
lui substitue a2 278. On trouve toutes les formes grecques en
question énumérées chez Curtius Verb. II 185 seq. 188 seq. En
voici quelques exemples pris dans les trois modèles de racines de
la page 8 :

tableau γεν | γέγονα | δερκ | δέδορκα | λεγ | εἴλοχα | κτεν | ἔκτονα | Ϝεικ | ἔοικα | τεκ | τέτοκα | μερ | ἔμμορα | ἐλευθ | εἰλήλουθα | χεδ | κέχοδα 37971

Dans le latin totondi, spopondi, momordi (vx latin spepondi,
memordi) vit un reste de cette antique formation. On peut supposer
que le présent de ces verbes a été d'abord *tendo, *spendo,
*merdo. A côté de ces présents on avait les dérivés tondeo, spondeo,
mordeo, et en vertu de la règle : qui se ressemble s'assemble,
le verbe en -eo se mettant en rapport avec le parfait finit par
évincer l'ancien présent. — Cf. p. 13.

Dans les langues germaniques le singulier du parfait n'est
pas moins bien conservé que le pluriel et le duel. Là, partout la
forme faible privée d'a (p. 12 et 22), ici partont a2 sous sa figure
germanique a : gab degiban, bait de beitan, baug de biugan, varÞ
de vairÞan, rann de rinnan etc.

Le parfait irlandais traité par M. Windisch K. Z. XXIII
201 seq. est fort intéressant : ici encore l'e, expulsé au pluriel, devient
a (= a2) au singulier. L'auteur réunit les exemples de cet
a, p. 235 seq. où il n'y a qu'à choisir dans la masse. Prés. condercar
« voir » ; parf. sing. ad-chon-darc ; prés. bligim « traire », parf.
sing. do ommalgg etc.

Les langues ariennes répondent par l'ā long dans la syllabe
ouverte : skr. ģagāma, papāta, ćikāya. La syllabe fermée comme
la diphthongue suivie d'une consonne ont l'a bref, selon la règle :
dadárça, bibhéda.

Il est singulier que dans la langue védique la première personne
ne montre jamais d'ā long, et que même dans le sanskrit
classique la longue ne soit que facultative pour cette forme.
M. Brugman (Stud. 371) a cherché à expliquer le fait au moyen
de son hypothèse sur la désinence -a de cette première personne,
laquelle représenterait un ancien -m (v. p. 42) : la syllabe se trouvant
ainsi fermée, l'a bref de ģagăma etc. n'aurait rien que de
régulier. Mais 1° il est permis de douter que cet a représente
vraiment une nasale ; 2° ce point même étant admis, on préjuge
dans cette explication la question de savoir quel phénomène est
antérieur de l'allongement de a2 ou de l'évanouissement de la nasale ;
3° dans raģān-(a)m, pād-(a)m et autres formes la désinence
-m n'a pas empêché l'allongement de a2. — Il faut avouer qu'on
ne saurait tenir pour certaine la présence de a2 à la première personne :
elle est assurée pour la 3e personne, et probable pour la
seconde (ģagantha) ; voilà tout, car en grec et en germanique la
72première personne pouvait facilement, emprunter a2 à la seconde
et à la troisième 180.

A part ce petit groupe du parfait singulier on ne rencontre
nulle part dans la flexion verbale a2 remplaçant l'a1 radical.
Trois aoristes sigmatiques grecs 281 : δοάσσατο en regard de l'imparf.
δεάμην, -έτοσσε (Pindare) de la rac. τεκ, ζόασον· σβέσον Hes. cf.
ζείνυμεν, peuvent néanmoins renfermer un vestige de quelque
autre emploi de a2. Et il se trouve justement que l'aoriste indien
en -išam allonge l'a radical dans la syllabe ouverte comme si cet
a était a2 : ákānišam, ávādišam. Seulement, dans le dialecte védique,
l'allongement n'est qu'intermittent : la liste que donne
Delbrück Altind. Verb. 179 seq. montre qu'à une ou deux exceptions
près il n'a lieu que si toutes les syllabes qui suivent sont
brèves, parce qu'apparemment une certaine cadence du mot serait
sans cela troublée. Il faudrait savoir, avant d'être en droit de
conclure à la présence de a2, si des raisons de ce genre ont pu
arrêter l'allongement de ce phonème. Nous croyons en effet qu'il
en est ainsi ; v. p. 88. Il serait essentiel aussi de connaître exactement
l'origine de l'aoriste en -išam sur laquelle nous reviendrons
au chapitre VI. Dans tous les cas l'aoriste sigmatique ordinaire,
comme ἔδειξα, montre a1 et non a2.

Verbes dérivés. Outre les dénominatifs, qui naturellement
prennent la racine telle qu'elle est dans le thème nominal, il
existe des verbes dérivés qu'on aimerait appeler déverbatifs et
dont il est impossible de ne pas faire, au moins provisoirement,
une classe distincte, comme le veut l'accentuation indienne. Nous
les placerons donc ici plutôt que d'en faire un appendice aux
thèmes nominaux. Ils ont en partie le sens causatif. L'a1 radical
devient chez eux a2.

Gothique dragkjan pour *dragkijan, cf. drigkan ; lagjan, cf.
ligan ; kausjan, cf. kiusan.

Grec ὀχέω de Ϝεχ, φορέω de φερ, σκοπέω de σκεπ. φοβέω de
φεβ est peut-être un causatif.73

On a en latin moneo de men, noceo de nec, torreo (dans le sens
causatif) de ters. mordeo, spondeo, tondeo trouvent dans les langues
congénères le radical requis. Nous reviendrons sur tongeo
et le goth. þagkjan 182. On connaît les deux exemples gréco-italiques
torqueo = τροπέω (rac. terk2), sorbeo = ῥοφέω (rac. serbh). Curtius
Verb. I2 348. — Le latin conserve l'o dans des formes dérivées
directement de la racine et qui primitivement devaient avoir une
autre voyelle, ainsi dans sponsus, tonsus. Dans morsus, tostus, on
pourrait à la rigueur admettre que or est sorti d'une liquide sonante.

Ce que peut fournir la 1e conjugaison appartient aux dénominatifs,
car les langues congénères ne montrent jamais a
dans la syllabe de dérivation de cette espèce de verbes.

En paléoslave : po-ložiti de leg, topiti de tep, voziti de vez etc.

Nous trouvons dans les langues ariennes la voyelle longue
qu'il fallait attendre : skr. pātáyati de pat, çrāváyati de çro. Zend
pārayēiti de par. — Les racines fermées ont la brève régulière :
vartáyati, roćáyati.

b. Formations nominales.

Thèmes en -ma. Le grec en offre un assez grand nombre.
Nous désignons par Hm. ceux qu'on trouve chez Homère, par Hs.
ceux qui sont tirés d'Hésychius.

tableau εἰ | οἶμοι | λεχ | λόχμη | ἐρκ | ὅρκμο | 1 σερ | ὅρμο | Ϝελ | ὅλμο | πετ | πότμο | Ϝερ | τελ | τόλμη- | τερ | τόρμο | ἀλει | ἀλοιμό | ῥεγκ | ῥογμό (?) | βρεχ | βροχμό | Hs. | 2 σερ | ὁρμή | δεχ | δοχμή | στελ | στολμό | κερ | κορμό | φερ | φορμό | σλει | λοιμό | φλεγ | φλογμό | πλεκ | πλοχμό | Ϝεχ | συν-εοχμό

1. En outre οἴμη. – 2. S'il était prouvé que le τ initial de τετμεῖν
vient d'une ancienne gutturale, il vaudrait mieux retirer πότμος de la rac.
πετ. Le rapport de πότμος à τετμεῖν serait quant à la consonne initiale
celui de ποινή à τεῖσαι. – 3. C'est τόρμος dans le sens de τέρμα, non τόρμος
« trou » que nous entendons. – 4. ἀλοιμός « enduit » est un mot conservé
dans l'Etymol. Mag. Il se rapporte non à ἀλείψω mais à ἀλίνειν
ἀλείφειν, et au lat. lino (lēvi, lĭtus) ; v. Curtius Verb. I2 259. – 5. Il existe
une racine sra1i « pécher, être criminel, se perdre » : elle a donné le skr.
74sre-man dans asremán que Böhtl.-Roth et Grassmann (s. v. sreman) traduisent
par fehlerlos, peut-être aussi srima, nom de fantômes nocturnes.
En latin lē-tum, de-leo (de-levi). En grec λοι-μός et λοιτός· λοιμός Hes. rejeté
par M. Schmidt, quoique garanti par l'ordre alphabétique. Une racine
sœur se trouve dans le skr. srivyati « manquer, échouer » parent du grec
λύμη, λῡμαίνομαι. Puis il y a la racine amplifiée sra1idh : skr. srédhati
« etwas falsch machen, fehlgehen » et srídh « der Irrende, der Verkehrte »
(B. R.) ; elle donne en grec ἠλίθιος, dor. λίθιος pour ἀ-σλίθιος (ἠλεός est
autre chose). La branche sra1i-t ne se trouve qu'en Europe : goth. sleiþs
« nuisible », grec ἀ-(σ)λιτ-εῖν « pécher », ἀλοιτός· ἁμαρτωλός ; peut-être en
outre le lat. stlit-. On peut admettre du reste que ἀλιτεῖν n'a reçu sa dentale
que sur sol grec. C'est là l'opinion de M. Curtius (Grdz. 547), et elle
a une base très-solide dans la forme ἀλεί-της. – 6. V. le dictionnaire de
Passow s. v. ῥεγμός. – 7. Il est douteux que le mot vienne de φέρω, mais
le degré φερ existe en tous cas dans φερνίον, φέρμιον « panier ».

Le verbe κοιμάομαι, indique un ancien thème *κοιμη ou
*κοιμο de la rac. κει. Dans πλόκ(α)μος de πλεκ, οὐλ(α)μός de Ϝελ
on a sans doute le même suffixe. — Quelques exceptions comme
τειμή (inscr.), δειμός, άγερμός, présentent l'ε dans la racine : ce
sont des formations nouvelles qui ont suivi l'analogie des neutres
en -μα. Pour κευθμός même remarque qu'à propos de πέφευγα.

La racine du lat. forma sera sans doute fer (anc. dha1r),
avec e ; l'ο est donc a2.

Les thèmes germaniques flauma- « flot » (Fick III3 194),
strauma- « fleuve » (F. 349) ; seraient en grec « πλουμο, ῥουμο ». De
la rac. ber vient barma- « giron » (F. 203), qui en gothique est
devenu un thème en -i. Le goth. haims « village » n'est thème en
-i qu'au singulier : l'ancien haima reparaît dans le plur. (fém.)
haimos ; le degré a1 se trouve dans heiva- « maison ».

Au germ. haima- répond en borussien kaima, cf. lith. kaimýnas
et kemas (p. 69). De veż (vehere) le lithuanien forme vażmà
« le métier de charretier » (Schleicher, Lit. Gr. 129), de lenk « courber »,
avec un s inséré, lànksmas « courbure ».

Les thèmes en -ma du Véda se trouvent réunis dans le livre
de M. B. Lindner, Altindische Nominalbildung p. 90. Nous citons
une fois pour toutes ce livre indispensable que nous avons constamment
consulté et utilisé pour tout ce qui concerne la formation
des mots.

La syllabe radicale de ces thèmes indiens ne se trouve jamais
dans la position qui met a2 en évidence, puisque le suffixe, commençant
75par une consonne, en fait une syllabe fermée. On ne
peut pas prouver a2 dans sár-ma, é-ma etc., comme d'autre part on
ne pourrait pas prouver que leur a est a1. Une série de thèmes
indiens en -ma présente donc la forme forte de la racine : une
seconde série, il est vrai, rejette l'a radical, mais celle-là aussi,
comme nous le constaterons, se reproduit dans les langues congénères.
La première classe, celle qui nous intéresse ici, accentue
comme en grec tantôt la racine tantôt le suffixe. Ex. hó-mα,
dhár-ma, et nar-má, ghar-má.

Cette formation donnait des noms abstraits masculins (car
les féminins comme le gr. οἴμη ou le lat. forma sont étrangers au
sanskrit), mais elle ne paraît pas avoir produit d'adjectifs. Le
cas du lat. formus, gr. θερμός, est isolé, et en sanskrit gharmá est
substantif. En ce qui concerne θερμός, son ε est postérieur, car,
outre formus, le gh de gharmá indique a2 (v. chap. IV). Cet ε, il
est vrai, a dû être introduit avant que le procès du dentalisme
fût consommé ; autrement le θ ne s'expliquerait pas.

Thèmes en -ta. Nous commençons comme toujours par
le grec :

tableau εἰ | οἶτο | νεσ | νόστο | ἀϜερ | ἀορτή | κει | κοῖτο | φερ | φόρτο | βρεμ | βροντή | κεν | κόντο | χερ | χόρτο | μερ | μορτή

1. Et le fém. κοίτη. – 2. κεν est la vraie forme de la racine ; de là
κέν-τωρ, κέν-τρον, κεν-τέω. Peu de probabilité pour le rapprochement avec
skr. kunta. – 3. Dans εὐ-χερ-ής.

πλοῦτος est d'une formation trop peu claire pour figurer
dans la liste. L'admission de ἑορτή et du sicil. μοῖτος dépend
aussi de l'étymologie qu'on en fera, λοιτός en revanche prendrait
place ici de plein droit 183 (v. p. 75).

Le latin a hortus = χόρτος. M. Fick compare Morta, nom
d'une Parque, à μορτή « part », mais ce nom est-il latin ? Nous
avons mis porta parmi les cas de liquide sonante, p. 15.

Le gothique a dauþα- « mort » de divan (germ. dauda-, Verner
76K. Z. ΧΧIII 123). D'ordinaire cependant ce ne sont que les
thèmes en -ta dont la syllabe radicale est affaiblie, non ceux où
elle est du degré a2, qui servent à former des participes. La racine
germanique bren « brûler » donne branþa- « incendie » (Fick III2
205) ; breu « brasser » donne brauda- neut. « pain » (F. 218). Quant
au goth. gards, il faut le séparer du gr. χόρτος, v. J. Schmidt Voc.
II 128. L'e des mots þiuþα- neut. « bien » et þiuda fém. « peuple »
est surprenant ; ici naturellement l'italique touto comme aussi le
lith. tauta sont sans valeur (pag. 66 seq.).

Schleicher donne un certain nombre de ces thèmes à la
page 115 de sa grammaire lithuanienne : tvártas « clôture » de
tverti, rąstas « billot » de rent « tailler », spąstai masc. plur. « trébuchet »
de spend « tendre des pièges » ; nasztà fém. « fardeau » de
nesz, slaptà fém. « le secret » de slep « cacher » etc. — En paléoslave :
vrata neut. pl. = *vorta « porte » ; c'est le lith. vàrtai ; vérti
nous montre l'e. De pen vient pą-to « entrave ».

En sanskrit ces thèmes auraient, j'imagine, l'aspirée th ; mais
je n'en trouve point d'exemple bien transparent. Le zend a gaēθa
fém. « le monde » de gaē (soit gi) « vivre », dvaēθta « crainte » de la
racine qui est en grec δϜει (Curtius, Stud. VIII 466). Le θ équivaut
à un ancien th. Quelques autres formes sont consignées chez
Justi p. 371. — Les neutres θraota et çraota sont vraisemblablement
les équivalents de skr. srótas et çrótas passés dans une autre
déclinaison 184.

Thèmes en –na. ἐρεφ ὄρφνη, θερ θρόνος πει ποινή

1. θρόνος est la métathèse de *θόρνος assuré par θόρναξ· ὑποπόδιον.
Κύπριοι
Hes. Sur la rac. θερ v. Curtius Grdz. 257.

On ne peut savoir si la racine de θοίνη est θει, avec e. Il
est difficile aussi de rien décider sur οἶνος, ὕπνος et ὄκνος. τέχνη,
ἔεδνον, φερνή (éol. φέρενα) montrent un ε irrégulier. Quant à
l'ε de τέκνον, prenons garde qu'ici l'e ne pouvait pas tomber — ce
qui n'est pas le cas pour φερνή — , que par conséquent rien
n'empêche τεκ de représenter le degré où la racine expulse l'e.
Or il existe une seconde série de thèmes en -na qui en effet affaiblit
77la racine : c'est à cette classe sûrement qu'appartient τεκνον
et son équivalent germanique þegná- (oxyton, v. Verner l. c. 98).
πόρνη en fait partie également ; son ο n'est pas a2.

En regard de ὦνος, ὠνή (skr. vasná), le lat. vēnum dare et
le slave věno présentent un e fort extraordinaire. Il faut dire que
l'étymologie de ce mot n'est point encore éclaircie et qu'il nous
apparaît entièrement isolé. On pourrait, il est vrai, le mettre en
rapport avec skr. vásu.

La racine germanique veg donne vagna- « char » ; ber donne
barna- neut. « enfant » (mais en lith. bèrnas) ; de leih(v) vient laihna- neut.
« le prêt » (F. III3 269), de leug laugna fém. « action de cacher »
(F. 276). On aurait tort de placer ici launa- « salaire » : le
grec λαυ nous apprend que son a est a.

Je trouve en lithuanien varsnà fém. στροφὴ βοῶν (de vèrsti ?)
et kálnas « montagne » de kel. On compare à ce dernier le lat.
collis : peut-être y a-t-il même identité complète, car le passage
d'un thème en -o comme *colno dans la déclinaison en -i se rencontre
dans plusieurs cas. Pour maínas « échange » = sl. měna
(F. II2 633), la voyelle radicale est incertaine. Slave strana « région »
pour *storna ; čěna « honneur » identique au gr. ποινή, au
zd. kaēna fém. ; l'a1 radical est évident dans le dor. άποτεισεῖ et
autres formes. On connaît moins bien la racine du zd. daēna fém.
« loi » que M. J. Schmidt (Verwandtsch. 46) compare au lith. dainà
(cf. crét. ἔν-θινος = ἔννομος ?). Zd. vaçna « désir ».

En sanskrit on a entre autres les oxytons praçná, (vasná),
syoná adj. « moëlleux » d'où syoná-m « couche » (= gr. εὐνή pour
*οὐνή ?), les paroxytons várṇa, svápna, phéna. A ce dernier répond
le lith. pënas qui semblerait prouver a1 ; mais, comme dans
këmas, il y a lieu de se défier de ë, d'autant plus que le gr. φοινός
« sanglant » (primit. « écumant » ?) pourrait bien attester positivement
a2.

Thèmes grecs en –σο. (τεκ τόξο) κερ κορσό λεκ λοξό

1. L's appartient peut-être à la racine comme c'est le cas pour παλιν-ορσο, ἄψ-ορρο. 2. κoρσόν· κoρμόν Hes. – Je ne fais que mentionner νόσος νοῦσος et μορισμος. On pourrait ajouter δόξα de δεκ si l'on assimilait son α à celui de τόλμα.

Le latin partage avec le grec le thème lokso (luxus) et possède
en outre noxa, cf. necare.78

Thèmes grecs en -ανο, -ανη. On les trouve réunis chez
G. Meyer Nasalstämme 61 seq. En laissant de côté les adjectifs
en -avo, il reste principalement des noms d'instrument proparoxytons,
dont quelques-uns montrent l'e, tandis que la majorité
prend o2. Ainsi δρέπανο, στέφανο en regard de ξόανο, ὄργανο,
ὄχανο, πόπανο, χόανο, χόδανο etc. A côté de ὁρκάνη (Eschyle)
on trouve beaucoup plus tard ἑρκάνη. Somme toute, il semble
que l'o soit de règle. Cf. lith. darg-anà « temps pluvieux » de derg,
rág-ana « sorcière » de reg « voir ».

L'o du grec paraît à première vue s'accorder à merveille avec
l'ā long des mots indiens tels que l'adj. nāçana perditor de náçati
perire ou le neut. vāhana « véhicule » tout pareil à ὄχανον. Mais
ces mots ont un rapport si étroit avec les verbes de la 10e classe
qu'il est difficile de ne pas voir dans leur suffixe une mutilation
de -ayana 185. Et cependant la formation existe aussi en zend : dārana
« protection » = skr. dhāraṇa. Nous laisserons la question
indécise.

Thèmes grecs en -ευ. Ils prennent constamment o2 si la
racine a e. Ainsi γεν γονεύ, Ϝεχ ὀχεύ, νεμ νομεύ, πεμπ πομπεύ,
τεκ τοκεύ, τρεφ τροφεύ, χευ χοεύ, et cent autres. Mais ces mots
sont probablement de dérivation secondaire (Pott K. Z. IX 171) ;
ils auraient pour base les thèmes qui suivent.

Thèmes en -a. On peut diviser de la manière suivante ceux
(contenant a2) que fournit la langue hellénique :

Adjectifs (relativement peu nombreux) : δεχ δοχό, τεμ τομό,
ἐλκ ὁλκό, σμει σμοιό, θευ θοό, λειπ λοιπό etc.

Noms d'agent : κλεπ κλοπό, τρεφ τροφό, πεμπ πομπό, ἀϜειβ
ἀοιδό etc.

Noms d'objets et noms abstraits : πεκ πόκο, τεκ τόκο, ζεφ
ζόφο, νεμ νόμο, πλευ πλόο, στειχ στοῖχο, έρ [πεντηκόντ-]ορο etc.
— Oxytons : λεπ λοπό, νεμ νομό, λευγ λοιγό etc.

Féminins : δεχ δοχή, στελ στολή, φερβ φορβή, σπενδ σπονδή,
λειβ λοιβή, σπευδ σπουδή etc.

Le latin, fort chiche de ses a2, en met parfois où il n'en faut
point. Il a les neutres pondes- de pend et foedes- de feid, alors que
le règle constante des thèmes en -as est de garder a1, dans la
79racine 186. Probablement ces mots ont été d'abord des neutres en -a.
L'ablatif pondō ne s'explique pas autrement ; *foido- n'a pas laissé
de trace, mais le neutre *feidos est conservé dans fidus-ta qui
serait donc plus primitif que le foideratei du sénatusconsulte des
Bacchanales. L'opinion de Corssen qui fait de fidusta un superlatif
est rejetée par d'autres autorités. — Outre ces deux mots à
restituer, nous trouvons dolus = δόλος — le degré del n'existe
plus nulle part, mais l'o de ce mot fait bien l'effet d'être o2
modus de med (gr. μέδ-ιμνος, goth. mit-an), procus de prec (cf.
procax), rogus de reg(?) ; vieux-lat. tonum de (s)ten (Στέν-τωρ etc.) ;
le fém. toga de teg. On peut mentionner ici pōdex de pēd = *perd.
— On s'étonne de l'osq. feíhoss en regard du τοῖχος grec.

En gothique : saggva- (siggvan), vraka- (vrikan), dragka- neut.
(drigkan), laiba fém. (-leiban), staiga fém. (steigan), hnaiva adj.
hneivan), etc.

En lithuanien : dagà « temps de la moisson » (goth. daga-) de
deg « brûler » 287 ; váda-s de ved ; táka-s, slave tokŭ de tek ; bradà fém.,
sl. brodŭ de bred. En slave plotŭ de plet, ląkŭ de lęk, trąsŭ de
tręs etc.

Les langues ariennes montrent dans la syllabe ouverte la
voyelle longue régulière. Noms d'objets et noms abstraits : skr.
tāna = gr. τόνο-ς, srāva = gr. ῥόο-ς, pāká « cuisson » de pać ; zd.
vāδα « meurtre » de vad (vadh). Adjectifs, noms d'agent : skr. tāpá
« chaud » (aussi chaleur) de tap, vyādhá « chasseur » de vyadh.

Evidemment la loi primitive était que l'a1 radical cédât la
place à a2 dans le thème en -a. Toutes les infractions dont se
sont rendues coupables les différentes langues ne sont pas parvenues
à obscurcir ce trait caractéristique de leur commune
structure grammaticale. C'est dans les langues ariennes que l'innovation
a pris les plus grandes proportions : elle embrasse tous
les mots comme yắma de yam, stắva de sto etc. L'analogie des
racines terminées par deux consonnes a dû avoir en ceci une très grande
part d'influence : dès l'instant où les sons de a1 et a2 se
furent confondus, un mot comme várdha, primitivement va2rdha,
s'associa dans l'esprit de celui qui parlait au présent várdhati,
80primitivement vá1rdhati, et il est tout naturel qu'on ait ensuite
formé sur ce modèle yắma de yámati, ou hắsa de hásati à côté de
hắsa. — En Europe, où la distinction des deux a (a1, a2) subsistait,
nous n'en constatons pas moins un oubli fréquent de la
tradition : cependant le grec montre une somme encore si minime
de formations de ce genre qu'on n'en peut tirer que la confirmation
de leur absence peut-être presque totale à l'origine. Ce sont
les neutres ἔργ-o 188 et τέλσ-ο, les adjectifs πελ-ό, χέρσ-ο, ῥέμβ-ο et
πέρκ-ο (ordinairement περκ-νό), plus ἔλεγο et ἔλεγχο. Dans le cas
de λευκ-ό la diphthongue ου était en jeu ; κέλευθ-ο montre encore
sa forme ancienne dans ἀ-κόλουθο. A côté de Δελφοί on a δολφό.
Je crois que c'est là, avec les mots qui suivent, à peu près tout ce
que le grec possède de formations de ce genre 289.

Il y a des exemples qui possèdent leur analogue dans un des
idiomes congénères et qui méritent certainement toute attention :
ζεά en regard de l'ind. yắva 390 ; ἵμερο pour ἐ-σμερο 491 comparable au
skr. smărá ; θεό qui coïncide avec le goth. diuza- neut. 592 Le gr.
στένιον (aussi στήνιον) joint au skr. stána fait conclure à un
indo-eur. sta1na. V. sur ces mots Joh. Schmidt Verwantschaftsverh.
64.

En germanique, ce sont principalement les adjectifs (réunis
chez Zimmer, Nominalsuffixe a und ā 85 — 115) qui ont admis l'e
81dans la racine. Ainsi reuda- « rouge » à côté de rauda-, gelba « jaune »,
hreuba- « asper » ; hvīta- soit hveita- « blanc », apparenté
mais non pas identique au skr. çvetá, leuba- « cher », þverha- « transversal »,
seuka- « malade », skelha- « oblique » etc.

Dans deux adjectifs qui ont presque le caractère de pronoms
et dont l'un du moins n'est sûrement pas sorti d'une racine verbale,
l'a1 date de la langue mère : na1wa (gr. νέος, goth. niujis,
skr. náva) dérivé de nu (νυ) et sa1na (gr. ἕνός, lat. senex, goth.
sinista, irl. sen, lith. sénas, skr. sána).

Dans la plupart des langues européennes les féminins en
sont placés sur un pied de parfaite égalité avec les masculins ou
les neutres en -a : ils servent comme eux à la dérivation courante
et varient ainsi les ressources de la langue. Le sanskrit présente
un état de choses tout différent. On trouve en combinant les listes
de Grassmann et de M. Lindner (p. 150) que les féminins védiques
en forment vis-à-vis des masculins une petite minorité, que la
plupart d'entre eux sont des appellatifs, tels que káçā « fouet »,
vaçā « vache », et que les couples comme πλόκος πλοκή, si fréquents
en Europe, ne sont représentés ici que par quelques exemples
(ainsi rása rasa, várša (neut.) varša). Et c'est à peine si un
ou deux de ces féminins paraissent contenir a2 : le plus grand
nombre, comme druhā, vr̥tā, appartient à la classe privée d'a radical
que nous retrouverons ailleurs. En présence de ces faits,
nous n'avons pas le droit d'étendre aux féminins proethniques
en toutes les conclusions auxquelles on sera arrivé pour les
thèmes en -a, et il devient probable que les féminins européens
formés avec a2 sont une catégorie grammaticale hystérogène.

Pour ce qui est de l'accentuation des thèmes en -a, il y a,
d'après tout ce qui précède, un triage à faire dans les matériaux
qu'offre le Véda. Il se peut que la règle de M. Lindner (loc.
cit. 29) se vérifie pour les formations nouvelles dont nous avons
parlé. Mais si nous nous bornons à prendre les thèmes (védiques)
qui allongent l'a radical, où par conséquent nous sommes sûrs
de la présence de a2, voici comment ils se classent. Paroxytons.
a. noms abstraits etc. : (pāça, bhāga) vāģa, vāra, çāka, ģāna neut.
82b. adjectifs, appellatifs : ģāra 193. — Oxytons, a. (dāvá) nādá, nāvá,
vāsá, sāvá, sādá. b. grābhá, nāyá, ghāsá, tārá, vāká, vāhá, çrāyá,
sāhá, svāná, hvārá. — Pour être conséquent, nous avons placé
entre crochets comme étant sans valeur ici les mots dont la
racine contient aau témoignage des langues d'Europe ; ex. : bhāga,
gr. φαγ.

a2 ne pouvant se manifester dans les mots venant de racines
fermées comme manth ou veç, il en résulte que le départ entre les
formations nouvelles et les formations primitives qui seules nous
intéressent est impossible chez ces mots. Mais les langues congénères
garantissent jusqu'à un certain point l'ancienneté de
quelques-uns d'entre eux. Voyons l'accentuation que leur donne
le sanskrit. Paroxytons : gr. δολφός, germ. kalba-, skr. gárbha ;
gr. λοιγός, skr. róga [gr. ὀρός, skr. sara 294] ; germ. hausa- 395 « crâne » ;
skr. kóša (Fick), germ. drauga-, skr. drógha ; germ. rauta-, skr.
róda (F.) ; germ. svaita-, skr. svéda (F.). Oxytons : sl. mątŭ, skr.
manthá ; sl. mrakŭ = *morkŭ, skr. marká (B. R.) [sl. chromŭ
(adj.) ; skr. srāmá 496] ; gr. οἶκο, skr. veçá ; gr. κόγχη 397, skr. çaṅkhá ;
germ. þauta-, skr. todá (F.) ; germ. maisa- 398, skr. mešá (Bugge) ;
germ. rauda- (adj.), skr. lohá. Quant à l'accent des mots comparés,
on voit qu'il n'est pas toujours d'accord avec celui du sanskrit.

Sont oxytons en grec : les adjectifs, les noms d'agent, une
partie des noms abstraits masculins, les noms abstraits féminins.

En germanique, autant que j'ai pu m'en rendre compte, les
substantifs (masculins et féminins) sont oxytons : le goth. snaivs
(νείφει donne l'e) prouve par la perte du g l'accentuation snai(g)vá- (Sievers).
Dans l'article cité de M. Verner sont mentionnés les
83thèmes germaniques haugá- (rac. heuh, dans le goth. hiuhma),
laidá (fém.) de leiþ, sagá (fém.) de seh (lat. secare). Les deux mots
suivants sont analogues, mais viennent de racines qui ont a : hōbá
(fém.) de haf, fangá (fém.) de fanh. En revanche on a des paroxytons
dans faiha- (goth. filufaihs), maisa-, cf. ci-dessus. — Les
adjectifs sont souvent paroxytons, ainsi lausa- de leus 199, hauha-« haut »
en regard de hauga- « éminence », mais nous avons vu
que la plupart ont e dans la racine, ce qui leur assigne une place
à part.

En somme et autant qu'on en peut juger sur ces données
fort peu complètes, on conclura : 1° qu'un grand nombre de
thèmes en a avec a2 dans la racine, ont eu dans la langue mère
le ton sur le suffixe ; 2° qu'on ne peut dire avec certitude si quelques-uns
de ces thèmes, quel que fût d'ailleurs le sens, ont eu
au contraire le ton sur la syllabe radicale.

Dans les thèmes en -a formant le second membre d'un composé
dont le premier sera un substantif régi — nous ne parlons
que des cas où l'action verbale est encore sentie, non de tatpurušas
en général —, ou bien une préposition, la présence de a2 est
assurée aussi 2100. Nous pouvons distinguer quant au sens quatre
catégories représentées par les exemples suivants : a. pari-vādá
« le blâme » de vad, b. ut-tāná « qui s'étend » de tan, c. sūkta-vāká
« récitation d'un sūkta » de vać, d. uda-hārá « porteur d'eau » de
har. Le zend montre le même allongement de l'a.

Exemples grecs : a. σύλ-λογος et συλ-λογή de λεγ ; b. ἐξημοίβός
de ἀμειβ, πρό-χοος de χευ ; c. — ; d. ὑ-φορβός de φερβ,
πυρ-φόρος de φερ. La classe c existe dans quelques féminins
comme μισθο-φορά, mais ces mots sont des exceptions.

Exemples lithuaniens : pá-szaras « nourriture » de szer, at-laidà
84« grâce » de leid, isz-takas « écoulement » de tek. Paléoslave :
vodo-nosŭ de nes, są-logŭ de leg (peut-être bahuvrīhi), pro-vodŭ
« compagnon » de ved, po-tokŭ « rivière » de tek, pro-rokŭ « prophète »
de rek, vodo-tokŭ « canal » de tek. Dans dobro-rekŭ (Osthoff
Beitr. de P. et B. III 87) l'e s'est infiltré.

En latin le vocalisme du second membre des composés, soumis
aux influences de divers agents destructeurs, est absolument
méconnaissable. L'osq. loufri-konoss est un bahuvrīhi.

A l'origine, on n'en peut douter, ces composés ont été généralement
oxytons. Ils le sont dans les textes védiques, et ils le
sont en partie en grec. Dans la classe d le grec n'a retiré l'accent
sur la pénultième que lorsqu'elle était brève 1101 (Bopp Accentuations-system
280, 128. Schrœder K. Z. XXIV 122). Voy. l'exception
que présente parfois le sanskrit, chez Garbe K. Z. XXIII 481 ;
elle rappelle la distinction du grec πατρόκτονος et πατροκτόνος.

Thèmes en -i. Voici ceux que forme le grec : τρεχ τρόχι
« coureur » (Eschyle), στρεφ στρόφι « homme retors » (Aristophane),
χρεμ χρόμι, nom d'un poisson ; μεμφ μόμφι fém. = μομφή.
Adjectifs : τρεφ τρόφι (Homère), δρεπ δρόπις· τρυγητός Hes. Cf.
μολπίς, φρόνις, φόρμιγξ.

Cf. goth. balgi- « outre » de belg « enfler » ; skr. rāçí, ghāsí ;
dhrāģi, grāhi. Lindner p. 56.

Thèmes en -u. La racine du goth. hinÞan « prendre » donne
handú- fém. « la main » (Verner l. c.). L'a du germ. haidú- = skr.
ketú est certainement a2 (et non a), parce que le ć alternant avec
k du skr. ćétati, parent de ces mots, est un signe de a1 (chap. IV).
En comparant skadu- « ombre » au skr. ćátati, on aurait un thème
en -u tout semblable aux précédents ; mais ici nous sommes moins
sûrs que la voyelle radicale soit a1 Nous reviendrons sur ce
rapprochement au chapitre IV.

Le lith. dangùs « ciel » vient de deng « couvrir ». Quant aux
nombreux adjectifs en -u-s, réunis par M. J. Schmidt, Beiträge de
Kuhn et Schleicher
IV 257 seq., et qui prennent régulièrement a2
85ex. : sargùs de serg —, ce n'est pas en réalité au thème en -u,
restreint à quelques cas du masculin, mais bien au thème en -ya
qui apparaît partout ailleurs qu'on doit, semble-t-il, attribuer la
priorité : il est vrai que le sanskrit a quelques adjectifs comme
dārú de dar, mais la règle dominante des anciens adjectifs en -u
est de rejeter l'a radical (p. 15, 23).

On trouve un thème da2mu dans le lat. domus, -ūs, égal au
paléosl. domŭ 1102. Ce dernier mot, au dire des slavistes, est bien un
véritable thème en -u et ne montre point la même indifférence
que d'autres à se décliner sur vlŭkŭ ou sur synŭ. C'est à la
même formation qu'appartient le gr. κόρθυς fém. si l'on adopte le
rapprochement de M. Fick avec le goth. hairda lequel attesterait
l'e radical et la non-suffixalité du θ ; puis κροκύς, -ύδος fém., de
κρέκω « tramer ».

Deux neutres paroxytons de grande importance : gr. dόρυ,
irland. daru- (Grdz. 238), skr. dāru ; gr. γόνυ, skr. ģānu. L'ind.
sānu, d'après cette analogie, doit contenir a2. φόρβυ τὰ οὖλα.
Ἠλεῖοι semble venir de φέρβ et avoir a2.

Très-répandue est la famille des thèmes en -ya. Toutefois
les formations secondaires s'y entremêlent si étroitement avec
les mots tirés directement de la racine que nous nous abstenons,
de peur d'erreurs trop nombreuses, de soumettre ces thèmes au
même examen que les précédents.

2. Syllabes suffixales.

Les langues européennes montrent clairement que la voyelle
ajoutée à la racine dans les thèmes verbaux en -a est un a1, qui
alterne avec a2. Il y a concordance de tous les principaux idiomes
de la famille quant à la place où apparaît a2 (1e pers. des trois
nombres, 3e pers. pl.).86

tableau grec | ἔχω | ἔχομεν | ἔχοντι | ἔχετε | latin | veho | vehimus | vehunt | vehite | gothique | viga | vigam | vigos | vigand | vigiþ | paléoslave | vezą | vezomŭ | vezově | vezątĭ | vezete | sanskrit | váhāmi | váhāmas | váhāvas | váhanti | váhatha

1. La racine ici importe peu. — 2. Anciennement *véhumus, *vehomus.
— 3. vezomŭ et vezově sont les formes de l'aoriste (s'il existe chez
ce verbe) ; l'e du présent vezemŭ, vezevě, est dû à l'analogie des autres personnes.
— 4. Vieux latin tremonti. — Le zend concorde avec le sanskrit.
Le lithuanien présente les 1ères personnes du plur. et du duel sùkame,
sùkava. L'a du goth. vigats (2e p. du.) ne peut être qu'emprunté à vigam,
vigand etc. On explique de même le v. ht-all. wegat en regard du vigiþ
gothique (2e p. pl.), et le lith. sùkate, sùkata.

Les formes du moyen reproduisent le même schéma : parmi
elles on distingue les 1res personnes du grec : φέρομαι, ἐφερόμην
qui bien que s'écartant des formes indiennes, présentent, selon la
règle, un ο devant μ (v. ci-dessous).

La forme primitive exacte de la 1e personne du singulier de
l'actif est une énigme que nous n'essayons point de résoudre.
Avec la désinence dite secondaire, elle n'offre pas de difficulté :
gr. ἔ-φερον, sl. vezŭ (régulier pour *vezon), skr. ά-bharam (a bref,
vu la syllabe fermée). Du reste le paradigme se répète partout
où il y a une conjugaison de l'espèce qu'on appelle thématique.
Dans ce paradigme, l'apparition de a2 est évidemment liée d'une
manière ou d'une autre avec la nature de la consonne qui suit.
V. Paul dans ses Beiträge IV 401. On ne peut, vu la 3e pers. du
pluriel, — à moins d'admettre que la désinence de cette personne
fût à l'origine -mti — chercher dans le son labial la cause de la
transformation. Il faudra l'attribuer aux sonantes, ou plus généralement
peut-être aux sonores. C'est le seul cas où la substitution
du phonème a2 au phonème a, trouve son explication dans
une action mécanique des sons avoisinants.

Dans la diphthongue de l'optatif, c'est a2 qui apparaît : le
grec et le germanique sont les seuls idiomes qui donnent à ce
sujet un témoignage positif, mais ce témoignage suffit : gr. ἔχοις,
ἔχοι, ἔχοιμεν
etc. ; goth. vigais, vigai, vigaima etc.

Devant le suffixe du participe en -mana ou -ma les langues
87européennes ont a2 : gr. ἐχό-μενο-ς 1103, sl. vezo-mŭ, lith. véża-ma ; le
lat. vehimini ne décide rien. D'après le grec on attendait en sanskrit
« νáhāmana » : nous trouvons váhamāna. J'ai essayé ailleurs
d'expliquer cette forme par un déplacement de la quantité (cf.
pavāká pour pāvaká, çvápāda pour çvāpada. Grassmann s. v.).
Mais cette hypothèse, peu solide par elle-même, se heurte aux
formes comme sasrmāṇá. Nous nous en tiendrons à ces remarques-ci :
1° Quant au suffixe : il n'est pas identique au -μενο du
grec. Selon toute probabilité, il remonte à ma2na et se place
à côté du boruss. po-klausīmanas 2104 (Bopp, Gram. Comp. Trad.
IV 25) ; le zend -mana et le gr. -μενο représentent -ma1na ;
le zend -mna nous donne une troisième forme, affaiblie. Il est
difficile du reste de se représenter comment ces trois suffixes ont
pu alterner dans l'indo-européen, et il est étrange que de deux
idiomes aussi voisins que le zend et le sanskrit, le premier ignore
complètement -ma2na quand inversement, l'autre a perdu toute
trace de -ma1na 3105. 2° Quant à la voyelle thématique : quoiqu'elle
soit brève, elle pourrait être a2, ainsi que le réclament et le phonème
qui suit et le témoignage des langues européennes. Pour
cela il faut admettre que dans une syllabe ouverte suivie d'une
longue
les langues ariennes n'ont pas allongé 4106 a2. Les exemples
où la chose peut se vérifier sont malheureusement rares et un
peu sujets à caution : le premier est le zd. katara dont il est
88question ci-dessous ; le second est damūnas, v. page 86 ; enfin on a
les aoristes en -išam, page 73. Mais la brève du zend vazyămana
demeure incompréhensible.

Devant le suff. -nt du partic. prés. act. la voyelle thématique
est a2, lorsqu'elle n'est pas rejetée, ce qui arrive à certains cas de
la flexion. Grec ἐχοντ-, goth. vigand-, sl. (vezy), gén. veząšta, lith.
veżant-. L'a bref du skr. váhant- est régulier, la syllabe étant fermée.
Quant à l'e du lat. vehent-, M. Brugman admet qu'il vient
des cas faibles à nasale sonante. — Le participe du futur est tout
semblable.

Quittant la voyelle thématique verbale, nous recherchons
les cas où un a2 apparaît dans le suffixe des thèmes nominaux.
Toutefois nous laisserons de côté provisoirement les suffixes terminés
par une consonne.

Le suff. -ma2na est déjà traité ; un autre suffixe participial
est -a2na : skr. bibhid-āná, goth. bit-an(a)-s. — Le suffixe secondaire
-tara subit des variations assez surprenantes. Il prend, en
zend, la forme -tāra lorsqu'il s'ajoute à des pronoms : katāra,
yatāra, atāra, (cf. fratăra), tandis que le sanskrit présente partout
l'a bref : katará, yatará etc. C'est le même phénomène que
pour le suff. -mana, avec cette différence qu'ici c'est l'iranien qui
montre a2, et que la forme qui contient a1 subsiste parallèlement
à l'autre. De plus le zend n'est point isolé comme le sanskrit
l'était tout à l'heure : à côté de katāra se place le sl. kotoryjĭ et
vŭtorŭ, le goth. hvaþara et anþara 1107 (zd. añtara). D'autre part l'ă
du sanskrit est appuyé du gr. πότερος et, dans le slave même, de
jeterŭ. Le lat. uter, qui a passé par une forme *utr̥s, n'entre pas
en ligne de compte. L'osq. puturus-pid (cf. putereï) a subi une
assimilation secondaire. Curtius Grdz. 718. Nous ne trouvons
pas d'autre issue que d'admettre un double suffixe primitif. Peut-être
que l'un, -ta2ra, s'ajoutait aux pronoms, tandis que l'autre
était réservé aux prépositions, comme cela a lieu en zend, et que
plus tard les différentes langues ont en partie confondu les deux
emplois. Il faut ajouter que le zend abrège l'ā de katāra toutes
les fois que par l'addition de la particule ćiṭ, la syllabe qui suit
cet ā devient longue : katăraçéiṭ, katăreméiṭ (Hübschmann Casuslehre
89284). Est-ce à dire que l'allongement, dans katāra, tient à
une cause toute autre que la présence de a2 ? Comme nous venons
de le dire (p. 88), cette conclusion ne paraît pas nécessaire.

Voyelle suffixale des thèmes en -a (Thèmes en -a
proprement dits, thèmes en -ta, -na, -ma, -ra etc.
). M. Brugman
indique brièvement que cette voyelle est a2 (Stud. IX 371), et
cette opinion a été adoptée de tous ceux qui ont adopté l'hypothèse
de a2 en général 1108. Ici comme ailleurs a2 alterne avec a1,
Voici, en prenant comme exemple le thème masculin ind.-eur. akwa,
les cas de la déclinaison où l'accord des langues européennes atteste
clairement la présence de a2 : nom. sg. akwa2-s, acc. sg.
akwa2-m 2109, acc. pl. akwa2-ns. De même au nom.-acc. neut. : dāna2-m.
Le degré a1 est assuré au vocatif akwa1. Tout le reste est plus ou
moins entouré d'ombre. Doit-on, au génitif singulier, admettre a1
ou a2 ? Le goth. vulfi-s parle pour la première alternative 3110, le gr.
ἵππο-ιο pour la seconde. Ces deux formes ne peuvent pas l'une et
l'autre refléter directement la forme première. L'une d'elles a
nécessairement subi une action d'analogie : il ne reste qu'à savoir
laquelle. La forme sanskrite est pour plusieurs raisons impropre
à décider ici. Mais il y a une forme pronominale slave qui
semble prouver a1 : česo ou čĭso, gén. de cï(-to). M. Leskien (Decl.
109) approuve ceux qui y voient une forme en -sya, et pourquoi
ne serait-elle pas tout d'un temps le zd. ćahyā (skr. kásya, génitif
du thème ka) qui lui-même trahit a1 par sa palatale ? Comme il
n'y a pas d'ailleurs de raison de croire que le génitif d'un pronom
en -a2 différât en rien de la forme correspondante des thèmes
90nominaux en a2, nous concluons à l'indo-eur. akwa1-sya et nous
tenons l'o de ἵππο-ιο pour emprunté à d'autres cas. — Le locatif
a dû avoir a1 : akwa1-i. C'est ce qu'indiquent les locatifs osques
comme tereí, akeneí, et les locatifs doriques comme τουτεῖ, τεῖδε,
cf. πανδημεί, ἀμαχεί, etc., enfin le vieux locatif lithuanien name
(Leskien l. c. 47). M. Brugman qui est pour cette hypothèse
akwa1i me fait remarquer que les locatifs grecs en -οι (οἴκοι) ne
sont qu'un cas tout ordinaire de contamination, tandis qu'en partant
d'un primitif akwa2i on est fort en peine d'expliquer la forme
en -ει. — Devant celles des désinences du pluriel qui commencent
par bh et s le thème s'accroît d'un i, mais la voyelle est a2 à en
juger par le grec ἵπποι-σι, l'osq. zicolois et le germ. Þαi-m (déclinaison
pronominale). Le lithuanien a të-mùs ; mais la véritable
valeur d'ë est obscure.

Lorsque la désinence commence par une voyelle, celle-ci,
dans toutes les langues de la famille, se trouve soudée avec la
voyelle finale du thème. D'après les principes généraux de la
comparaison linguistique on placera donc le fait de cette contraction
dans la période proethnique. Cependant le phénomène
a quelque chose de si particulier, il peut si bien se concilier avec
les tendances phonétiques les plus diverses, et d'autre part s'accomplir
dans un laps de temps restreint, que l'hiatus après tout
a pu tout aussi bien subsister jusqu'à la fin de cette période, ce
qui ne veut pas dire qu'il se soit perpétué très-tard jusque dans
l'époque préhistorique des différentes langues 1111. Cette question
est liée à certaines autres traitées au paragr. 11. — Au nominatif
pluriel
, skr. áçvas, goth. vulfos, osq. Abellanos, ombr. screihtor, la
voyelle de la désinence 2112 est a1. Il faut donc, principalement à
cause de l'o des formes italiques, que le thème ait a2 : nous obtenons
ainsi akwa2 + a1s. Prononcée avec hiatus, la forme serait
akwa2a1s (à peu près ekwoes) ; avec contraction akwā2s (ekwōs).
Nous enregistrons le phonème nouveau 3113 ā2 engendré ici comme
91par accident mais qui trouvera plus loin son rôle morphologique.
De quelque époque du reste que date la contraction, il est essentiel
de noter que l'ο de vulfos (= ā2 long) diffère à l'origine de
l'o de broÞar (= Ā). Au nord de l'Europe en effet les longues
de a2 et a sont confondues aussi bien que ces voyelles elles-mêmes.
— Pour l'ablatif singulier, la voyelle désinentielle est inconnue :
si nous lui attribuons la valeur a1, le cas est le même
que pour le nominatif pluriel. Le génitif letto-slave vlŭka, vìlko,
sort de l'ancien ablatif (Leskien). Cette forme donne lieu à la
même remarque que vulfos : l'a slave (= ο lithuanien) est chez
elle ā2, non pas Ā comme dans mati (lith. moté). — La seule
donnée que nous ayons sur la nature de l'a dans la désinence du
datif singulier est incertaine : ce sont les infinitifs grecs en μεν-αι,
= skr. man-e qui la fournissent 1114. Si nous la prenons pour bonne,
il y a dans l'ō de ἵππῳ, equō, et dans l'ā du skr. áçvāya les éléments
a2 + a. Nous ne ferons pas l'analyse fort difficile de
l'instrumental singulier et pluriel (skr. áçvāya, lith. vilkais), du
génitif pluriel ni du nom.-acc. duel. Le nom-acc. pl. des neutres est
unique dans son genre : son ā long a la valeur Ā, c'est le gréco-italique
qui nous l'apprend 2115. A moins de l'identifier, comme
quelques-uns l'ont fait, au nom. sg. du féminin, il faudra supposer
une forme première dāna2 + Ā, ou bien si le a désinentiel est bref
dāna1 + a ; on ne saurait admettre dāna2 + a, puisqu'au datif
singulier a2 + a a donné l'ō gréco-italique.

Dans la déclinaison pronominale, nous trouvons a2 devant
le d du nom.-acc. sg. neutre : gr. τό, lat. -tud ; goth. Þata, sl. to,
92lith. ta-i (skr. tad). Puis au nom. plur. : gr. τοί, vieux latin poploe
(déclinaison pronominale à l'origine) ; goth. þai 1116 (skr. ). —
C'est évidemment a2 que renferme le pronom sa (nom. sg.) : gr. ,
goth. sa. La forme indienne correspondante sa est le seul exemple
certain où l'on puisse observer comment le sanskrit traite ce phonème,
quand il est placé à la fin du mot. Nous constatons qu'il
ne lui fait pas subir l'allongement 2117. Relevons encore le pronom
de la première personne gr. ἐγώ, lat. ego, sl. azŭ 3118 = *azom ou
*azon (skr. ahám) ; l'ō long de ἐγώ est encore inexpliqué, mais il
est certainement de sa nature a2.

M. Brugman (l. c. 371) a fait voir le parallélisme qui existe
entre l'e (a1) du vocatif des thèmes en a2 et l'a bref du vocatif
des féminins en ā : gr. νύμφᾰ, δέσποτᾰ, de thèmes νυμφᾱ-, δεσποτᾱ,
véd. amba, voc. de ambā ; sl. ženo, voc. de žena. La dernière
forme appartient au paradigme courant. Le locatif grec
χαμᾰί, du thème *χαμᾱ- = skr. kšmā offre exactement le même
phénomène et vient se placer à côté du locatif des masculins en
-ει. On ramènera le loc. osq. viaí à viă + i, le loc. sl. ženě à ženă
+ i. La forme des langues ariennes doit être hystérogène. Mais
peut-être le loc. zd. zemē offre-t-il un débris ancien : il est naturel
de le rattacher au thème féminin skr. kšamā et au gr. χαμαί,
plutôt que de le dériver d'un masculin qu'il faudrait aller chercher
jusqu'en Italie (lat. humus). — Il y a peu de chose à tirer du
génitif. Nous concluons : où les masculins ont a2 les féminins
ont Ā ; où ils ont a1 les féminins ont a. Cette règle est singulière,
parce que partout ailleurs le rapport a : ā diffère absolument du
rapport a1 : a2.

Comme premier membre d'un composé le thème des masculins
offre a2 : gr. ἱππό-δαμος, goth. goda-kunds, sl. novo-gradŭ,
93lith. kaklá-ryszis. De son côté le thème féminin montre Ā long 1119 :
skr. senā-pati, zd. upaçtā-bara, gr. νικᾱ-φόρος, lith. vasaró-laukis
de vasarà (Schleicher Lit. Gr. 135).

En considérant les dérivés des thèmes en a2 dans les langues
ariennes, on s'étonne de voir cette voyelle rester brève devant les
consonnes simples 2120 ; ainsi ghora de ghorá. Il faut dire tout
d'abord que dans bien des cas a1 est remplacé, ici encore, par a1 :
ghorátā par exemple est le goth. gauriþa. Cf. vieux lat. aecetia.
Dès lors la brève est justifiée. — Mais cette explication, il faut
bien le dire, fait défaut pour d'autres formes. Dans tá-ti et ká-ti,
a2 est attesté par le lat. tot et quot. En regard du gr. πότερος, de
l'ombr. podruhpei, du goth. hvaÞara- 3121, du sl. kotoryjĭ, du lith.
katràs, nous trouvons en sanskrit kă-tara. Les formes ubhá-ya en
regard du goth. bajoÞs et dva-yá, cf. gr. δοιοί, sont moins embarrassantes,
parce qu'on peut invoquer le lith. abeji et dveji. Mais il
est inutile, je crois, de recourir à ces petites explications : il est
trop visible que l'a qui termine le thème, ne s'allongera dans
aucun cas. C'est là, on ne saurait le nier, un côté faible de l'hypothèse
de a2 : on pourra dire que devant les suffixes secondaires
régnent parfois les mêmes tendances phonétiques qu'à la fin du
mot, on pourra comparer ka- dans ká-ti au pronom sa2 devenu sa.
94Mais nous ne voulons pas nous risquer, pour ces quelques exemples,
à soutenir dans toutes ses conséquences une thèse qui mènerait
extrêmement loin.

Peut-être est-ce la même raison qui fait que le skr. sa
garde l'a bref, bien qu'il corresponde au gr. ὁμός, au goth.
sama(n-) : M. Benfey y voit en effet un dérivé (superlatif) du pronom
sa. Le zend hāma ne nous sert de rien, et voici pourquoi. La
même langue possède aussi hama et d'autre part le slave a la
forme samŭ à laquelle M. Fick joint l'anglo-s. ge-sōm « concors » :
hāma est donc hypothéqué par ces deux derniers mots, et son ā
long ne peut plus représenter a2. Si o, dans ὁμος, représentait o,
les difficultés seraient levées, mais je ne sais si cela est bien admissible.
Cf. simá, sumát, smát.

J'ai réservé jusqu'à présent un cas qui présente certaines
analogies avec celui de samá : c'est le mot damá dans sa relation
au gr. δόμος, au lat. domo-, à l'irland. -dam. Seulement, ici, il n'y
a plus même la moindre probabilité à diviser : da-ma. Si l'on considère
la parenté possible de samá avec le thème sam- « un », ou
la particule sam, on trouve les deux séries parallèles : 1° sam,
samá avec brève irrégulière, ὁμός, sāmŭ. 2° dam (δῶ ?), damá avec
brève irrégulière, δόμος ; δᾶμος. J'ignore si ces deux séries sont
unies par un lien intérieur 1122.

M. Brugman attribue à a2 une quantité moyenne entre la
brève et la longue et accorde ainsi la brève de toutes les langues
européennes avec la longue des langues asiatiques. Mais puisque
celles-ci ont elles-mêmes un a bref devant les groupes de plus
d'une consonne, on peut se passer de ce compromis et admettre que
la différence entre a1 et a2 n'était que qualitative. Cf. p. 91 i. n.

Nous verrons à propos de la flexion d'autres exemples, et
des plus probants, de l'a2 indo-européen.95

§ 8. Second ο gréco-italique.

Voici les raisons qui nous forcent d'admettre une seconde
espèce d'o gréco-italique :

1. Il y a des ο auxquels le sanskrit répond par un a bref
dans la syllabe ouverte : ainsi l'ο de πόσιςpotis = skr. páti doit
être différent de l'ο de δόρυ = skr. daru.

2. Raison morphologique : comme nous l'avons vu au § 7,
le phonème a2 est lié et limité à certains thèmes déterminés.
Jamais par exemple aucune forme du présent d'un verbe primaire,
c'est-à-dire non dérivé, ne présente un ο (ou en germanique un a)
que la coexistence de l'e prouverait être a2. Il est donc invraisemblable
que l'o d'un présent comme ὄζω, en d'autres termes l'o qui
se maintient dans toutes les formes d'une racine, puisse représenter
a2.

Le vocalisme de l'arménien est ici d'une certaine importance.
Les articles de M. Hubschmann Ueber die stellung des armenischen
im kreise der indogerm. sprachen
et Armeniaca, K. Z. XXIII 5 seq.
400 seq. offrent des matériaux soigneusement triés, malheureusement
moins abondants qu'on ne souhaiterait, ce qui tient à l'état
imparfait de l'étymologie arménienne. C'est là la source où nous
puisons. L'auteur montre que la distinction d'a et d'e existe en
arménien comme dans les langues d'Europe, que cet idiome en
conséquence n'appartient point à la famille arienne : fondé en
outre sur les phénomènes relatifs aux gutturales il le place entre
le letto-slave et l'iranien. Sans vouloir mettre en question ce dernier
résultat, nous croyons devoir faire remarquer que par son
vocalisme
l'arménien ne se borne pas à affirmer une relation générale
avec l'Europe, mais qu'il noue des liens plus étroits avec
une certaine portion de ce domaine, qui n'est pas comme on
l'attendrait le slavo-germanique, mais bien le gréco-italique.
L'arménien possède en effet la distinction des phonèmes a2 et a.

a devient a : atsem = ἄγω (Hubschmann 33) ; baž « part »,
bažanel « partager », gr. φαγεῖν (22) ; kapel, lat. capio (19) ; hair
pater ; ailἄλλος (33) ; andzuk « étroit », gr. ἄγχω (24). —Ā se
trouve dans mair mater ; eĺbair frater ; bazuk, gr. πᾶχυς (emprunté
peut-être à l'iranien, 402).96

a2 devient o (pour l'e v. l. c. 33 seq.) : à côté de hetkh « trace »
(lat. peda), otn « pied », cf. gr. ποδ- (Brugman Stud. IX 369) ; gochél
« crier », cf. gr. ἔπος, ὄψ (33) ; gorts « œuvre », cf. gr. ἔοργα (32) ;
ozni ἐχῖνος (25) n'a point d'analogue direct dans les langues congénères,
mais comme celles-ci ont un e dans ce nom du hérisson,
l'o de ozni doit être a2. En composition : lus-a-vor que M. Hubschmann
rend par λευκοφόρος et qui vient de berem « je porte » (405) ;
age-vor (400). Enfin dans le suffixe : mardo- (dat. mardoy) = gr.
βροτό. Mais il y a un point, et c'est là ce que nous avions plus
particulièrement en vue, où l'arménien cesse de refléter l'o gréco-italique
et où il lui oppose un a : akn « œil », gr. ὄσσε, lat. oculus
(33) ; anwan « nom », gr. ὄνομα, lat. nōmen (10), magil « serre », gr.
ὄνυξ, lat. unguis (35) ; amp, amb « nuage », gr. ὄμβρος (19) ; vard
« rose », gr. Ϝρόδον, lat. rosa (35) ; tal « donner », gr.-lat. (33).
L'Arménien comme tel porte le nom de Hay ; M. Fr. Müller rapproche
le skr. páti, soit le gréco-ital. poti- (Beitr. zur Lautlehre d.
arm. Spr. Wiener Sitzungsber. 1863, p. 9). Dans tous ces exemples,
l'o gréco-italique était suspect d'ailleurs d'avoir une valeur
autre que a2, par exemple dans poti- que nous venons de voir
(page 96), dans ὄσσε, oculus, dont la racine conserve constamment
l'o. Ainsi l'arménien paraît bien apporter une confirmation à
l'hypothèse des deux o. Il faut dire toutefois qu'au gréco-ital. od
(ὄζω) répond, suivant la conjecture de M. Hübschmann, hot
« odeur » (405) : on attendrait a comme dans akn.

Ce point étant établi, qu'il existe des ο gréco-italiques autres
que o2 = indo-eur. a2, il reste à examiner si le résidu qu'on obtient
constitue une unité organique et distincte dès l'origine, ou
bien s'il s'est formé accidentellement, si par exemple certains a ne
se seraient pas changés en o, à une époque relativement moderne.
On arrive à la conclusion que les deux choses sont vraies. Il est
constant que dans plusieurs cas l'o n'est que la phase la plus récente
d'un a. Mais d'autre part l'accord du grec et du latin dans
un mot comme πόσιςpotis garantit la haute ancienneté de l'o
qu'il contient et qui, nous venons de le reconnaître, ne remonte
point à a2.

Nous pourrons en somme distinguer quatre espèces d'o,
dont l'importance et l'âge ne sont pas les mêmes.97

ο = a2 commun au grec et à l'italique (§ 7).

ο de πόσιςpotis commun au grec et à l'italique. Nous
adopterons pour ce phonème la désignation o.

ο sorti d'a à une époque postérieure (dans le grec et
l'italique séparément).

Il existe des o anaptyctiques développés sur les liquides
sonantes et sur d'autres phonèmes analogues, v. chap. VI. Une
partie d'entre eux, comme, dans vorare, gr. βορ, apparaissent dans
les deux langues, d'autres dans l'une des deux seulement. Il est
essentiel de ne jamais perdre de vue l'existence de ces voyelles
qui expliquent une foule d'anomalies apparentes, mais aussi de
ne point les confondre avec les o véritables.

Nous pourrions passer immédiatement au catalogue des o
gréco-italiques, qui du reste tiendrait facilement en deux ou trois
lignes. Mais auparavant il convient de s'orienter, de débrouiller,
autant que nous le pourrons, l'écheveau des perturbations secondaires
où l'o s'est trouvé mêlé et de rechercher les rapports possibles
de cette voyelle avec a.

Obscurcissement de la voyelle o en u.

Après avoir traité de la substitution de υ à ο propre au dialecte
éolique, Ahrens ajoute (I 84) : in plurimis [exemplis, o] integrum
manet, ut ubicunque ex ε natum est, δόμος, λόγος (nam
ἄγυρις ab ἀγερ, ξύανον a ξέω, cf. ξύω, diversam rationem habent)
etc. La désignation o ex ε natum répondrait assez bien à ce que
nous appelons o2, et il serait curieux que l'éolique fît une différence
entre o2 et o. Mais en y regardant de plus près, l'espoir de
trouver là un précieux critère est déçu : sans parler de ξύανον
il est invraisemblable de voir un mot différent de ξόανον, l'o
(= o2) des suffixes subit la transformation p. ex. dans τύτε, dans
ἄλλυ (arcad.), dans τέκτυνες, dans l'homérique ἐπασσύτεροι. Dès
qu'on considère que l'υ en question suppose un ancien u, on reconnaît
avec M. Curtius (Grdz. 704) que l'obscurcissement éolique
de l'o a exactement le même caractère que dans l'italique, dont
ce dialecte grec partage d'ailleurs les principales allures phonétiques.
Ainsi que l'éolique, le latin maintient le plus souvent o2,
quand cette voyelle se trouve dans la syllabe radicale : toga,
98domus etc., et néanmoins on ne pourrait poser de règle absolue 1123.

Au contraire l'υ panhellène, dans des mots comme λύκος ou
πύλη, est, si nous ne trompons, une apparition d'un ordre différent.
Tout d'abord les groupes υρ, υλ, ne semblent pas être
jamais sortis de groupes plus anciens ορ, ολ, à voyelle pleine : ils
sont assimilables de tout point aux affaiblissements indiens ur,
ul
 ; nous n'avons donc pas à les envisager ici. Dans les autres
cas, l'υ (u) vient d'une consonne d'organe labial qui a déteint sur
une voyelle irrationnelle
ou bien sur une liquide ou nasale sonante.
Ainsi dans ἀνώνυμος, il n'y a pas eu transformation de l'o d'ὄνομα
en u : le phénomène remonte à une époque où à la place de cet o,
n'existait qu'un phonème indéterminé. C'est ce dernier que μ put
colorer en u. De même γυνή est pour γϜn̥νή, non pour yϜavή.
En comparant μάσταξ- et ματύαι· γνάθοι (cf. μάθυιαι) au goth.
munÞa-, au lat. mentum, nous expliquerons le dor. μύσταξ, par la
forme ancienne μn̥σταξ. Par une sorte d'épenthèse, les gutturales
vélaires font parfois sentir leurs effets sur la syllabe qui les précède 2124 :
de là λύκος pour *Ϝλuκος, *ϜĺκϜος = skr. vŕ̥ka, goth. vulfs.
Dans ὄν-υ-ξ (lat. unguis), υ est également une excrétion de la
gutturale.

Il faut convenir cependant que dans quelques cas c'est bien
une voyelle pleine qui a été changée de la sorte, mais toujours
sous l'influence des consonnes avoisinantes : κύλίξ, lat. calix, skr.
kaláça ; νύξ, lat. nox, skr. nákti ; κύκλος, germ. hvehvla-, skr.
ćakrá. Ce dernier exemple est remarquable : le germanique,
comme aussi la palatale du sanskrit, nous montre à n'en pas
99douter que son υ s'est développé sur un ε primitif. Ainsi, et pour
plusieurs raisons, nous n'avons pas le droit de traiter l'υ grec en
question comme étant dans tous les cas 1125 l'équivalent d'un o.
Cela du reste n'a pas grande conséquence pratique, vu que νύξ,
(qui est certainement pour *νόξ) est presque le seul exemple qui
entre en considération dans la question du phonème o.

En latin la voyelle obscurcie en u pourra généralement
passer pour o. Quelquefois l'altération est allée jusqu'à l'i comme
dans cinis = κόνις, similis = ὁμαλός ; dans ce cas il n'y a plus
de preuve de l'existence de l'o, car i peut, en lui-même, représenter
aussi un e.

Echange des voyelles a et o.

1. Avant tout il faut écarter la permutation a : ō qu'on observe
particulièrement en grec et qui est un phénomène d'ablaut
régulier étudié au chapitre V : ainsi βα-τήρ : βω-μός.

2. a changé en o. Le phénomène, comme on sait, est fréquent
dans les dialectes grecs. Il a lieu en lesbien dans le voisinage
des liquides et des nasales : ὄνω, δόμορτις, στρότος, θροσέως etc.
(Ahrens I 76). Le dorique a entre autres γρόφω, κοθαρός (Heraclite),
ἀβλοπές (Crète). Hésychius donne κόρζα· καρδία. Πάφιοι,
στροπά· ἀστραπή. Πάφιοί
2126. Ionien έωυτόν, θωῦμα pour θᾱῦμα.
Ces transformations dialectales qui du reste s'attaquent souvent
aux α anaptyctiques ne nous intéressent qu'indirectement, en nous
faisant assister au fait manifeste d'un α devenant o sur sol grec 3127.100

En dehors des dialectes, c'est particulièrement devant υ, Ϝ,
qu'on remarque une oscillation entre 3128 α et ο : κλοιός « lien, carcan »
parent de χλᾱ(Ϝ)ίς, ποῦς et πά(Ϝ)ίς, οὖρος et αύρα, οὐτάω
et γατάλη, α(Ϝ)ἰετός et ὀ(Ϝ)ιωνός (?). Nous avons peine à croire
à la parenté de οἶστρος avec αἴθω (Ascoli K. Z. XII 435 seq.).

Souvent l'échange d'a et d'o n'est qu'apparent, pour choisir
un exemple où il est impossible d'hésiter, dans δραμεΐν : δρόμος.
La racine est évidemment δρεμ : les mots qui ont pu la contenir
sous cette forme ont péri, δραμεῖν doit son α à la liquide sonante,
δρόμος a pris régulièrement a2, et il semble à présent que δρομ
permute avec δραμ. Dans le cas de ῥαπίς : ῥόπαλον, le verbe
(Ϝ)ρέπω nous a conservé l'ε. On expliquera semblablement χαμαί :
χθών, παρθένος : πτόρθος, σκαληνός : σκολιός dont l'e radical
apparaît dans le lat. scelus (cf. skr. ćhala « fraude »), et aussi,
je pense, γαμφή : γόμφος 2129.

Pour se rendre un compte exact du rapport de Κρόνος à
κραίνω, de κρουνός à κρνα, *κράννα, de σκοιός, σκότος à σκᾱνά,
de πτόα, πτοία à πτᾱ (καταπτήτην), il faudrait être mieux fixé
sur leur formation et leur étymologie. Il n'y a pas de raison
majeure pour mettre Νότος, νοτίζω en relation avec νᾱρός, vᾶσος,
de snā : le skr. nīrá « eau » permet de les rattacher à une
autre racine. Nous avons vu p. 77 que θρόνος pour *θορνος
appartient à la rac. θερ, non à θρᾱ (θρᾶνος).

Comme voyelles prothétiques l'α et l'ο alternent fréquemment,
ainsi dans ἀσταφίς : ὀσταφίς, ἀμῖξαι : ὀμιχεῖν, ἀδαχέω :
ὀδάξω. Il ne s'agit point ici d'un changement d'α en ο : seulement
dans le premier cas c'est α, dans le second c'est ο qui s'est développé
sur la consonne initiale.

Il est plus que probable que l'α des désinences du moyen
-σαι, -ται, -νται et l'ο des désinences -σo, -το, -ντο, sont à l'origine
une seule et même voyelle. La forme -τοι du dialecte de
101Tégée nous en est garante jusqu'à un certain point, car l'arcadien
ne paraît point avoir de disposition particulière à changer a en
o, à moins qu'on n'en voie la preuve dans κατύ pour κατά. Les
exemples qu'on donne sont ἐφθορκώς, δεκόταν, ἑκοτόμβοία
(Schrader Stud. X 275). M. Schrader estime que l'ο de ἐφθορκώς
n'est autre que la voyelle du parfait, qui s'est conservée
quelquefois dans la formation en -κα. Quant à l'apparition d'un
o dans les noms de nombre cités, c'est là également un fait qui
peut être indépendant des idiotismes locaux : tous les Grecs hésitent
ici entre α et o (δέκα, εἴκοσι, ἑκατόν, διακόσιοι) bien que les
groupes κα κο contenus dans ces formes remontent indistinctement
à l'élément km̥.

Le passage a : o étant admis pour les syllabes finales, on
pourra regarder le lesb. ὑπά comme la forme ancienne de ὑπό.
Cf. ὑπαί.

Le latin présente, dans la diphthongue, roudus, autre forme
de raudus conservée chez Festus, lucrum de la rac. lau, puis focus
à côté de fax, et quelques autres cas moins sûrs (v. Corssen II2 2130
27). L'ombr. hostatu, selon M. Bréal (Mém. Soc. Ling. III 272),
est le parent non de hasta, mais de hostis ; seulement cette étymologie
dépend de l'interprétation de nerf. Dans sordes en regard
de suāsum (Curtius, Stud. V 243 seq.) la cause de l'ο est dans le
ν disparu 1131 ; adolesco (cf. alo), cohors (cf. haro), incolumis (cf. calamitas)
doivent vraisemblablement le leur à l'affaiblissement régulier
en composition. — A la fin du mot l'osque offre dans ses
féminins en -o pour , , un exemple bien clair de cette modification.

3. Une question digne en tous cas d'attention est celle-ci :
l'ablaut a1: a2 ou e : o (étudié au § 7) se reproduit-il dans la sphère
de a ? Doit-on croire par exemple que l'existence du grec ὄγμος en
regard de ἄγω est dûe à un phénomène de même nature que celle de
φλογμός en regard de φλέγω
 ?

Le gréco-italique seul peut donner la réponse. En effet ce
n'est pas des langues du nord qui ont confondu a avec a2 qu'on
102pourrait attendre la conservation de ce substitut de a dont nous
parlons, et les langues ariennes nous renseignent encore bien
moins. Or dans le gréco-italique même les données sont d'une
pauvreté qui contraste avec l'importance qu'il y aurait à être
fixé sur ce point. Ici se présentent en première ligne les parfaits
κέκονα de καίνω et λέλογχα de λαγχάνω avec les substantifs κονή
et λόγχη (Hes.). Ces formes ne décident rien, parce que la racine
contient une nasale. C'est ce que fait toucher au doigt un troisième
exemple : βολή en regard de βάλλω. La racine de βάλλω
est βελ : cela est prouvé par βέλος, βέλεμνον, βελόνη, βελτός,
ἑκατη-βελέτης
. Ainsi l'α de βάλλω est dû à une liquide sonante
ei n'a nullement qualité de voyelle radicale. Or qui nous
dit que les racines de κέκονα, λέλογχα, ne sont pas κεν et λεγχ ?
Si d'aventure les deux ou trois formes où survit la racine βελ ne
nous étaient pas parvenues, le mot βολή semblerait venir d'une
racine βαλ, et cependant nous savons qu'il n'en est rien 1132. C'est
le même échange apparent que celui que nous avons rencontré
plus haut, seulement celui-ci joue l'ablaut avec un certain semblant
de vérité. Il se trouve encore dans les couples σπαργάω :
σποργαί (Hes.), άσχαλάω : σχολή, πταίρω : πτόρμος et πτόρος (ces
mots du reste sont éoliques), ἄρχω : ὄρχαμος, ῥάπτω : ῥομφεύς.

Mais voici des cas plus graves parce que dans la racine dont
on les fait venir la présence réelle de a n'est pas douteuse : ὄγμος
« sillon, rangée » qu'on rattache à ἄγω ; κόπρος « fumier », mais
aussi « boue » qui serait parent de καπύω (Grdz. 141) ; σοφός en
regard de σαφής ; ὄζος Ἄρηος, ἄοζος, qui rappellent ἅζομαι ; ὄλβος,
rac. ἀλφ (?) ; ποθή, πόθος « deuil, regret, désir » liés peut-être
à παθεῖν (v. p. 61 ; pour le sens cf. πένθος) ; νόα· πηγή. Λάκωνες
(Hes.) en regard de ναύω ; ὀχθέω « s'indigner, s'emporter » rapproché
parfois de ἄχθομαι ; ἄρουρα si on le ramène à ἀρορ-Ϝa.
103Puis le lat. doceo placé en regard de δίδαξαι (v. p. 107), et le
gréco-ital. onkos (ὄγκος, uncus) de la rac. ank (ἀγχών, ancus).

Voilà les pièces du procès, et les seules données en réalité
qui nous restent pour élucider cette question capitale : y a-t-il un
ablaut de a semblable à l'ablaut a1 : a2 ? — Un examen quelque
peu attentif des cas énumérés convaincra, je crois, chacun que
ces éléments sont insuffisants pour faire admettre un tel ablaut,
lequel s'accorderait mal avec les faits exposés au paragr. 11. Il
y a principalement trois choses à considérer : 1° la plupart des
étymologies en question sont sujettes à caution, 2° l'o peut n'être
qu'une altération toute mécanique de l'a ; 3° il n'est pas inconcevable
que sur le modèle de l'ancien ablaut e : o, le grec, postérieurement,
ait admis parfois l'o lors même que la voyelle radicale
était a.

4. ο (= o) changé en a. C'est là une altération peu commune
en grec, même dans les dialectes. On connaît la glose ἀμέσω·
ὠμοπλάται
, singulière variante du thème gréco-italique omso-.
Pour παραύα en regard de οὖς v. page 114. Les Cretois disent
ἄναρ pour ὄναρ, Hérodote ἀρρωδεῖν pour ὀρρωδεῖν. On trouve
chez Hésychius : ἄφελμα· τὸ κάλλυντρον (= ὄφελμα), καγκύλας·
κηκῖδας. Αἰιολείς
= κογχύλαι· κηκῖδες. Cf. Ahrens II 119 seq.

Un exemple beaucoup plus important, en tant qu'appartenant
à tous les dialectes, serait le mot αἰπόλος, si l'on approuve
M. G. Meyer qui identifie la syllabe ai avec le thème ὀϜι, lat.
ovi (Stud. VIII 120 seq. 1133). Cette conjecture qui a des côtés séduisants
laisse cependant prise à bien des doutes.

Le même mot ovis est accompagné en latin de avilla, conservé
chez Festus. M. Fröhde croit que cette forme se rattache à
agnus : mais après les travaux de M. Ascoli, la réduction de gv à
v en latin, à l'intérieur du mot, est à peine admissible. Du reste
le Prodromus C. Gl. Lat. de M. Löwe a révélé un mot aububulcus
(ovium pastor) — ou aubulcus suivant la correction de M. Bährens,
Jen. Literaturz. 1877 p. 156 — qui décidément atteste l'a. Cela
ne corrobore point l'opinion de M. G. Meyer relativement à αἰπόλος,
car l'o latin devant ν a une tendance marquée vers l'a,
104spéciale à cette langue. En dehors du groupe ov, on peut dire
que a sorti de ο est en latin chose moins insolite qu'en grec, et
cependant extrêmement rare. L'exemple le plus sûr est ignārus,
nārrare (en regard de nōsco, ignōrare, gr. γνω) où l'o transformé
est une voyelle longue. Ratumena porta, suivant M. Curtius, est
parent de rota. Pour ce qui concerne Cardea, rapproché de cor
(Curtius Grdz. 143), il faut se souvenir que l'o de ce dernier mot
est anaptyctique. Le cas de l'ombr. kumaltu (lat. molo) n'est
pas très-différent. C'est une question difficile que de savoir si
dans datus, catus, nates, en regard de dōnum, cōs, νῶτον, l'α est
ancien ou sorti secondairement de o. Mais ce point-là trouvera
au chapitre V une place plus appropriée.

5. Si, dans le grec, il n'y a pas de raison positive de croire
que le phonème o2 soit jamais devenu a par transformation secondaire 1134,
il est presque indubitable en revanche que certains a italiques
remontent à cette origine 2135. L'a de canis en particulier ne
peut représenter que a2 : dire en effet que l'ο de κύων est un o
n'aurait aucune vraisemblance ; ce phonème paraît être étranger
aux suffixes. On peut citer ensuite l'osq. tanginom, parent du
lat. tongeo. A ce dernier répond le verbe faible goth. þagkjan. Si
nous avions en même temps un verbe fort « þigkan », tous les
doutes seraient levés : l'a de þagkan serait nécessairement a2, l'ο
de tongeo serait donc aussi a2, et il serait prouvé que l'a de tanginom
sort d'un ο qui était a2. Ce verbe « Þigkan » n'existe pas, mais
le un du verbe parent Þugkjan permet d'affirmer avec une certitude
à peine moindre que la racine est bien teng. Peut-être l'a de
caveo est-il également pour ο = a2 ; la question, vu ἔκομεν, est
difficile. Dans Parca même phénomène, si l'on ramène ce mot
à la racine de plecto et du gr. πόρκος (nasse). On compare palleo
au gr. πολιός : or l'o de ce dernier mot est o2, vu πελιός. Cf. pullus.
— Dans ces exemples, l'a, nous le répétons, n'est pas la continuation
directe de a2, mais une altération hystérogène de l'o.

Jusqu'ici il a été question des voyelles ο et a alternant dans
105une même langue. Il reste à voir comment elles se correspondent,
lorsqu'on compare le grec et l'italique. Pour cela il est
bon de se prémunir plus encore qu'ailleurs contre les pièges déjà
plusieurs fois mentionnés que tendent certains phénomènes liés
aux liquides et, dans une mesure moindre, aux nasales. Nous
avons éliminé complètement ce qui tient aux liquides sonantes
du § 1 — ainsi καρδία : cor, skr. hŕ̥d — ; mais il y a une seconde
série d'exemples — ainsi ὀρθός : arduus, skr. ūrdhvá ; v. chap. VI
— que nous n'avons pas osé passer de même sous silence et que
nous nous sommes borné à mettre entre crochets. Ces exemples
doivent être comptés pour nuls, et ce qui reste est si peu de chose,
que la non-concordance des deux langues sœurs dans la voyelle ο
prend, indubitablement le caractère d'un fait anormal. — Pour
les recueils d'exemples ci-dessous, la grammaire de M. Léo Meyer
offrait les matériaux les plus importants.

6. Coexistence d'o et d'a dans une des deux langues ou dans
les deux langues à la fois
. Lorsqu'une des deux formes est de beaucoup
la plus commune comme dans le cas de ovis : avilla (p. 104),
nous ne mettons pas l'exemple dans cette liste.

tableau ὄβριον | κόλ-αβρος | aper (?) | καύαξ | κόβᾱλος | cavilla | σάος | σόω | σόος | sānus | τράπηξ | τρόπις | trabs | φάλκης | φολκός | falx | C. | λογγάζω | λαγγάζω | longus | μονιός | μάννος | monile | ὄμπνη | ἄφενος | opes (?) | πά(Ϝ)ις | papāver | πο(Ϝ)ία | pōmum | pover | inscr. | κόοι | cous | cavité | dans | le | joug | cavus

1. Curtius Stud. I a. 260, Grdz. 373. — 2. καύαξ· πανοῦργος (Suidas).
— 3. La racine, bien que le béot. Σαυκράτειος ne décide rien, paraît être
sau. Le latin montrerait ο dans sōspes, si la parenté du mot avec notre
racine était mieux assurée, mais il a toutes les apparences d'un composé
contenant la particule se-, cf. seispes ; par un hasard singulier il existe
un mot védique višpitá « danger ». — Sur ank- onk et autres cas v.
p. 114.106

7. α grec et ο italique.

a. La racine ne contient ni liquide ni nasale non initiale.

tableau (?) δακ- | διδάσκω | ἐ-δίδακ-σα | δι-δα-χ-ή | doc | doc-eo | doc-tus1 | λακ- | ἔ-λακ-ον | λάσκ-ω | λέ-λᾱκ-α | loqu | loqu-or | locutus

tableau ἀπαφός | ἔποψ | upupa2 | δᾱρός | dūrus (?) | 3

1. Il n'y a pas d'autre raison de ramener διδάσκω, διδάξαι, à une rac.
δακ que l'existence du lat. doceo. Autrement on les rapporterait sans un
instant d'hésitation à la racine qui se trouve dans δέ-δα(σ)-ε, δα(σ)-ήμων.
Mais rien n'empêche, dira-t-on, de réunir tout de même δασ et doc, comme
ayant tous deux pour base la racine « savoir ». A cela il faut répondre
que δασ n'est une racine qu'en apparence : c'est δενσ qui est la forme
pleine, ainsi que l'indiquent l'indien daṃs et le gr. δῆνος pour *δένσος
(= skr. dáṃsas). δέδα(σ)ε (aoriste), δεδα(σϜ)ώς, ἐδά(σ)-ην, ont, régulièrement,
la nasale sonante (pages 20 où δέδαε a été oublié, 22 et 46) ; dans διδασκω,
si on le joint à cette racine, elle n'est pas moins régulière (v. p. 22).
Il faut répondre en second lieu que la racine qu'on a cru trouver dans
le zend n'a, suivant M. le prof. Hübschmann, aucun fondement réel. Cette
question difficile se complique du latin disco, du sanskrit dīkš et du zend
daχsh. — 2. ἔποψ sera né par étymologie populaire : ἔποψ ἔπόπτης τῶν
αὑτοῦ κακῶν
, dit Eschyle. Ainsi s'explique son ε. D'autre part M. Curtius
partant du thème epop explique le premier ο (u) de upupa par assimilation.
C'est pourquoi l'exemple est placé entre crochets. — 3. δᾱρός (diuturnus)
est pour *δαϜρός = skr. dū-rá « éloigné ». La glose δαόν· πολυχρόνιον
Hes. (δάον ?) est bien probablement un comparatif neutre sorti de
*δάϜ-yον, skr. dávīyas. δήν et δοάν sont autre chose. Si dūrus est égal au
grec δᾱρός, il est pour *dourus, mais ce dernier rapprochement est boiteux :
on peut dire seulement que durare (edurare, perdurare) signifie parfois
durer — cf. δᾱρός — et qu'il rappelle dūrá dans des expressions
comme durant colles « les collines s'étendent » Tacite Germ. 30.

b. La racine contient une liquide ou une nasale non initiale.
On ne pourrait, je crois, démontrer pour aucun exemple de cette
sorte que la voyelle variable (a o) a été de tout temps une voyelle
pleine : tous ces mots au contraire paraissent liés aux phénomènes
spéciaux auxquels nous faisions allusions ci-dessus. Ce
sont principalement βάλλω : volare ; δάλλω, δᾱλέομαι : doleo ; δαμάζω :
domare ; δαρθάνω : dormio ; ταλ : tollo ; φαρόω : forare. Puis
κάλαμος : culmus ; κράνος « cornouiller » (aussi κύρνος) et cornus ;
ταρβέω : torvus (?), παρά : por- (p. 111). M. Fick rapproche γύαλον
de vola. πρᾱνής et πρᾱνός (Hes.) diffèrent peut-être du latin pronus,
et, dans l'hypothèse contraire, les contractions qui ont pu
107avoir lieu, si par exemple le thème est le même que dans le skr.
pravaṇá, auront troublé le véritable rapport des voyelles.

c. Les phonèmes sont placés à la fin de la racine. Dans cette
position on ne trouve pas l'o latin opposé à un a grec.

8. οgrec et a italique.

a. La racine ne contient ni liquide ni nasale non initiale.

tableau ὄβολος | agolum | ὀϊστός | arista | ὀλοφύρομαι | lāmentum | ὀξύς | acci-piter | ὄνος | asinus (?) | κόσμος | castus | § 11 fin | κύλιξ | calix | μοχλός | mālus | τόξον | taxus (?) | τρώγλη | trāgula (?) | J. Schmidt

1. Cf. p. 60. — 2. Si l'on peut douter de l'identité d'acci- avec όξυ-,
il serait en revanche bien plus incertain de le comparer directement à
ὠκυ, qui est déjà tout attelé avec ōcior. aqui- dans aquifolius ne s'éloigne
pas trop d'ὀξύς — 3. Pictet comparait ces deux mots à cause du grand
emploi du bois d'if pour la fabrication des arcs (Origines I1 229). Mais
τόξον peut se ramener, et avec plus de vraisemblance, soit à la racine τεκ.
soit à la racine τεξ ; son ο est alors a2.

Devant v :

tableau κο(Ϝ)έω | caveo | C. | κό(Ϝ)οι | cavus | cf. | p. 106 | λούω | lavo | νό(Ϝ)ος | navare | ἀ-γνο(Ϝ)ια | gnāvus | ὄγδοος | octavus (?) | πτοέω | paveo (?) | χλόη | flāvus (?) | ψώϊζος | paedor | de | *pav-id | F.

Dans la diphthongue :

tableau οἶδμα | aemidus | οἰκτρός | aeger | οὔατα | auris | οὐ | οὐδέ | h-au-d (?)

b. La racine contient une liquide ou une nasale non initiale.

tableau κόλλοψ | callus | κολοκάνος | cracentes | κόνις | canicae (?) | κροκάλη | calculus | λόγχη | lancea | ὁλοός | salvus | C. | [ὀρθός | arduus | πορεῖν | parentes | ῥωδιός | ardea | χολάς | haru-spex | φορί | far | g. | farris (?)

1. Canicae furfures de farre a cibo canum vocatae. Paul. Ep. 46. M.
Si le mot est parent de κόνις, il l'est aussi de cinis (p. 100).
108

c. Les phonèmes sont placés à la fin de la racine. Ici se rangeraient
datus, dare (cf. dōnum) en regard du gr. δω δο, catus (cf.
cōs) en regard de κῶνος, nates en regard de νῶτον. Sur ces mots
v. plus haut p. 105. Le cas de strāvi, strātus, auxquels le grec
oppose στρω rentre dans la classe arduus : ὀρθός (p. 106).

Voici maintenant la correspondance régulière qui exige l'ο
dans les deux langues. Ce tableau, nous le répétons, n'est pas
exclusivement un catalogue des ο gréco-italiques ; il doit servir
surtout à s'orienter, à évaluer approximativement l'extension de
l'o autre que o, en gréco-italique ; aussi y a-t-il encore beaucoup
à trier, en dehors des exemples désignés comme suspects. Par le
signe †, nous posons la question de savoir si l'ο n'est pas o2.

a. La racine ne contient ni liquide ni nasale non initiale.

tableau od | ὄζω | ὄδωδ-α | ol-eo | od-or | ok2 | ὄπωπα | ὄσσε | ὄκ-τ-αλλος | oc-ulus | (?) bhodh1 | βόθρος | βόθ-υνος | fod-io | fossa.

tableau ὄκρις | ocris | ombr. | okar | †ὀκτώ | octo | ὀξίνα | occa | ὀστέον | os | osseus | ὄ(Ϝ)ις | ovis | ὄπι(-θεν) | ob2 (?) | †ὀπός | sūcus | κὀκκυξ | coxa | cucūlus | κυκεών | cocetum | μόκρων | mucro | 3 | νύξ | nox | πόσις | πότνια | potis | potiri etc. | πρό | prŏ- | ὀπάων | socius | 4

1. V. Curtius, Grdz. 467. — 2. Pour le sens, ob va bien avec ἐπί, mais
comment accorder leur voyelles ? Si ὀπι- est vraiment une particule et
non simplement un rejeton de la rac. ἐπ « suivre », on peut à peine douter
de son identité avec ob. Le p est conservé dans op-ācus ; -ācus est parent
de aquilus, gr. ἀχλύς etc. — 3. μόκρωνα· τὸν όξύν· Ἐρυθραῖοι. Hes. V.
Fick II3 198. — 4. socius et ὀπάων se placent à côté de l'indien sákhi
(v. Fick II3 259). L'a bref du mot indien montre que l'o n'est pas o2, que
par conséquent il faut séparer ces mots de sek2 « suivre ». On pourra les
comparer à ὄπις « secours, justice, vengeance des dieux » et à ἀοσσητήρ,
ὀσσητήρ (Hes.) « défenseur ». Ceci rappelle le skr. çalk (çagdhí, çaktám etc.)
« aider » que Böhtlingk-Roth séparent de çaknóti « pouvoir ». Ç serait pour
s, comme dans çakr̥t ; et peut-être le zd. hαχmα « ami » est-il identique au
skr. çagmá (= *çakmá) « secourable ». Il y aurait identité entre çácī « secours
109divin » et ὄπις. L'italique reflète, semble-t-il, la même racine dans
sancio, sanctus, Sancus, Sanqualis porta, sacer (cf. çakrá).

Il y a encore bos : βοῦς et bovare : βοάω où la valeur de l'ο
latin est annulée par le ν qui suit (pour ovis le cas est un peu
différent), πόσθη qu'on a identifié à pūbes ; πματος qu'on a comparé
à l'osq. posmos ainsi que πυνός· ὁ πρωκτός en regard de
pōne. En outre il faut mentionner l'opinion qui réunit fŏveo à
φώγω (Corssen II2 1004), bien qu'elle suppose la réduction de
gv à v 1136.

Dans la diphthongue :

tableau †οἰνή | oinvorsei | κλό(Ϝ)νις | clūnis

b. La racine contient une liquide ou une nasale non initiale.

tableau ol | ὄλωλ-α | ὀλ-έσθαι | ab-ol-eo | or | ὄρωρ-α | ὄρ-σο | or-ior | or-tus | g2or | ἔβρων | βόρ-μος | βορ-ά | vor-are | -vor-us | vorri | edaces | 1 | mor | μορ-τός | βρο-τός | mor-ior | mor-tuus | mors | mol | μύλ-λω | μύλ-η | mol-o | mol-a | cf. | ombr. | kumaltu | stor | στόρ-νυμι | στρῶ-μα | stor-ea | tor-us1 | sterno)

tableau †ὀγκάομαι | uncare | sl. | jęncą | ὄγκος | « croc » | uncus | v. | p. 104, 114 | ὦμος (*ὄμσος) | umerus | ὀμφαλός | umbilicus | ὄνομα | nōmen | ὀνοτός | nota | ὄνυξ | unguis | †ὀρφανός | orbus | armén. | orb | βολβός | bulbus | emprunté ? | γρομφάς | scrōfa | δόναξ | juncus | (Ϝ)ρόδον | (v)rosa | †κόγχη | congius | κόμη | coma | κορωνός | corona | κόραξ | et | κορώνη | corvus | cornix | μόλις | molestus | mōles | μόρμος | formido | μορμύρω | murmur | μύρμηξ | formica | ὅλος | sollus | πόλτος | puls | ξύν | com- | †πόρκος | porcus | πόρσω | porro | 2 | σφόγγος | fungus | [φύλλον | folium | χόριον | corium110

1. βορά et βόρμος (avoine, Hes.) ont ici peu ou point de valeur, parce
que leurs thèmes sont de ceux qui réclament o2 (p. 74 et 79). En principe
il y aurait les mêmes précautions à prendre vis-à-vis des mots latins ; mais
o2 n'est pas si fréquent dans l'italique qu'on ne puisse regarder l'o de
vorare comme l'équivalent de l'ο de βρῶναι, βρῶμα (sur vorri v. Corssen
Beitr. z. It. Spr. 237). Nous ferons la même remarque relativement à storea,
torus en regard du στορ hellénique. — 2. M. Fick (II3 145) place porro et
πόρσω sous un primitif porsōt (mieux : porsōd), et sépare πρόσσω (= *προτyω)
de πόρσω, πόρρω. Bien que la distinction que veut établir Passow
entre l'usage des deux formes ne paraisse pas se justifier, on peut dire en
faveur de cette combinaison : 1° que la métathèse d'un πρόσω en πόρσω
serait d'une espèce assez rare ; 2° que dans πόρρω pour πόρσω il y aurait
assimilation d'un σ né de τy, ce qui n'est pas tout à fait dans l'ordre, bien
qu'il s'agisse de σ et non de σσ, et qu'on puisse citer, même pour le dernier
cas, certaines formes dialectales comme le lacon. κάρρων ; 3° que
porsōd lui-même s'explique fort bien comme amplification de l'adverbe
skr. purás, gr. παρος. πόρσω (porro) : purás πύρος = κόρση : çíras κάρη.

N'ont pas été mentionnés : βούλομαιvolo dont la parenté
est douteuse (v. chap. VI), et προτί auquel Corssen compare le
lat. por- dans por-rigo, por-tendo etc. La position de la liquide déconseille
cette étymologie, malgré le crétois πορτί, et rien n'empêche
de placer por- à côté du goth. faur, grec παρά.

Mots se rapportant aux tableaux a et b, mais qui contiennent
un ō long :

tableau †ὠκύς | ōcior | †ᾠόν | ōvum | ὠλένη | ulna | βλωμός | glŏmus | κλώζω | glōcio | κρώζω | crōcio, crŏcito | μῶρος | mōrosus | μῶρον | μόρον | mōrum | †νῶϊ | nōs

1. βλωμός· ψωμός Hes. Le mot se trouve dans un fragment de Callimaque.
glomus in sacris crustulum, cymbi figura, ex oleo coctum appellatur.
Paul. Diac. 98. M. Si l'on tient compte de glomerare et de globus, on
111sera porté à comparer le skr. gúlma « bouquet de bois ; troupe de soldats ;
tumeur ». — Mentionnons aussi la désinence de l'impératif, lat. legi-tō, gr.
λεγέ-τω.

c. o termine la racine.

tableau kō | κῶ-νος | cō-(t)s | cŭ-neus | cf. | că-tus | gnō | ἔ-γνων | γι-γνώ-σκω | gnō-sco | gnō-tus | i-gnō-ro | γνώ-ριμος | gnā-rus | nārrare) | dō | ἔ-δω-κα | δῶ-ρον | dō-num | dō-(t)s | da-tus | dă-re | ἐ-δό-μην | δο-τός | pō | éol. | πώ-νω | ἄμ-πω-τις | pō-tus | pō-culum | pō-sca | πο-τός | πό-μα | (?) rō | ρώ-ννυμι | ἔ-ρρω-σα | rō-bur.

Les exemples où l'on peut admettre avec le plus de confiance
que l'o est un ο sont :

Dans le gréco-italique : les racines od « olere », ok « être aigu »,
ok2 « voir » ; dō « donner » ; pō « boire », gnō « connaître ». Dans ces
racines en effet la voyelle ο règne à toutes les formes. — Parmi
les thèmes détachés : okri « colline » et ok2i « œil » qui appartiennent
aux racines mentionnées, puis owi « mouton », à cause de l'a bref
du skr. avi ; poti « maître », skr. pati ; moni « joyau », skr. măṇi ;
sok2i « compagnon », skr. sakhi. D'après cette analogie, on devra
ajouter : osti « os », klouni « clunis »(?), koni « poussière », nokti
« nuit ». Plus incertains sont omso « épaule », okto, nom de nombre
et g2ou « bos ».

Le latin apporte les racines de fodio, rōdo, onus, opus etc.,
les thèmes hosti, rota (skr. ratha).

Entre autres exemples limités au grec, il faut citer les racines
des verbes ὄθομαι, ὀΐομαι, κλώθω, φώγω, κόπτω, ὠθέω,
ζώννυμι, ὄμνυμι, ὀνίνημι
. Nous trouvons o finissant la racine
dans βω « nourrir », φθω « dépérir » (φθόσίς, φθόη). Dans un
grand nombre de cas il est difficile de déterminer si l'on n'a pas
affaire à une racine terminée par υ (Ϝ) ou ι (y). Ainsi ἔκομεν, κέκοκε
semblent bien appartenir à κοϜ 1137, non à *κω ; σκοιός, comparé
à σκό-το, contient o et appartient à un racine σκω (cf. aussi
112p. 120 i. n.) ; mais ramené à σκει (cf. σκρον) il contient o2 et peut
alors s'identifier au skr. chāyā. Inutile de multiplier ces exemples
douteux. — Le mot κοίης· ἱερεὺς Καβείρων, ὁ καθαίρων
φονέα
(οἱ δε κόης ; cf. κοιᾶται· ἱερᾶται) peut se comparer au skr.
kăvi, à moins qu'on ne le tienne pour étranger. Prépositions :
προτί = skr. prati, ποτί = zend păiti.

Quel est l'âge et l'origine du phonème o ? Nous nous sommes
précédemment convaincus que le second o gréco-italique (a2), que
e (a1), que a (a), ont leur existence distincte depuis les périodes
les plus reculées. Mais quelles données avons-nous sur l'histoire
du phonème o ? On peut dire qu'il n'en existe absolument aucune.
Ce qui permet d'affirmer que l'o2 du sud a eu son équivalent dans
le nord ; c'est que l'a qui lui correspond en slavo-germanique a
des fonctions spéciales et des rapports réguliers avec e qui le
séparent nettement de a. Au contraire le rôle grammatical de o
ne diffère pas essentiellement de celui de a, et si, dans de telles
conditions, nous trouvons que les langues du nord répondent à o
absolument comme elles font à a, nous sommes naturellement
privés de tout moyen de contrôle relativement à l'ancienneté du
phonème en question. Si l'on admet que o est ancien, l'a des langues
du nord contient, non plus deux voyelles seulement (a2 + a),
mais trois : a2 + a + o. Si au contraire on y voit un produit
secondaire du gréco-italique, le seul phonème dont il puisse être
issu, c'est a. — J'ai hésité bien longtemps, je l'avoue, entre les
deux possibilités ; de là vient qu'au commencement de ce mémoire
(p. 5) o n'est pas compté au nombre des a primitifs. Le fait qui
me semblait militer en faveur de la seconde hypothèse c'est que
l'arménien, qui distingue de a le phonème a2 ne paraît point en
distinguer le phonème o (p. 97). Mais nous ne savons pas s'il en
a été ainsi de tout temps, et d'autre part la supposition d'un
scindement est toujours entourée de grosses difficultés. Ce qui
paraît décisif, c'est le fait frappant que presque tous les thèmes
nominaux détachés qui contiennent la voyelle o se trouvent être de
très-vieux mots, connus dans les langues les plus diverses, et de plus
des thèmes en -i, voire même des thèmes en -i de flexion toute particulière.
Cette coïncidence ne peut pas être due au hasard ; elle nous
indique que le phonème o s'était fixé là de vieille date, et dès lors il
sera difficile de lui refuser ses lettres de noblesse indo-européenne.113

Les cas qui pourraient servir de base à l'hypothèse où o
serait une simple altération gréco-italique de a, sont onko venant
de ank, déjà mentionné p. 104, oi-no « un » à côté de ai-ko aequus,
la rac. ok, d'où le thème okri, à côté de ak, socius - ὀπάων comparé
à sak dans sacer, et le lat. scobs de scabo. On pourrait attacher une
certaine importance au fait que okri et soki (socius), à côté de ak
et sak, se trouvent être deux thèmes en -i (v. ci-dessus). Mais
cela est trop problématique, et l'étymologie donnée de soki n'est
qu'une conjecture. Pour πρόβατον de βω v. le registre.

Beaucoup plus remarquable est le cas de οὖς « oreille ».
L'homérique παρήϊον nous apprend que, en dehors de toutes les
questions de dialecte qu'on pourrait élever au sujet de l'éol. παραύα
ou de ἄανθα· εἶδος ἐνωτίου, l'ο de οὖς a comme équivalent, dans
certaines formes, un α. Ce qui donne à la chose un certain poids,
c'est que οὖς appartient à cette catégorie de thèmes de flexion
singulière qui est le siège le plus habituel du phonème ο et dont
nous aurons à reparler. On aurait donc un o, assuré comme tel,
accompagné de a. Malheureusement le lat. auris est embarassant :
son au peut à la rigueur venir de ou, mais il pourrait aussi être
la diphthongue primordiale.

Les exemples réunis ci-dessous permettent de constater d'un
coup d'œil que les phonèmes par lesquels les langues du nord
rendent ο sont exactement les mêmes que pour a (p. 63) et pour
a2 (p. 70). Dans les trois cas nous trouvons ce que nous avons
désigné, pour abréger, par a du nord (p. 51).

tableau Latin | et | grec | Lithuanien | Paléoslave | Germanique | oculus | ὄσσε | akìs | oko | germ. | augen | agven- | (?) octo | ὀκτώ | asztůnì | osmĭ | goth. | ahtau | ovis | ὄϊς | avìs | ovica | awi | hostis | gostĭ | gasti- | nox | νύξ | naktìs | noštĭ | naht- | potis | πόσις | vësz-pati- | -fadi- | προτί | proti | monile | μόννος | ? monisto | manja- | rota | rátas | vieux ht-all. | rad 1138114

Racines : gr. ὀκ, ὀπ, lith. (at-)a-n-kù ; gr. φωγ, anglo-saxon
bacan, bōc ; lat. fod, sl. bodą (le lithuanien a la forme incompréhensible
bedù).

Dans les mots qui suivent, on peut douter si l'ο gréco-italique
n'est pas o2 ; ou même, dans un ou deux cas, une voyelle
anaptyctique : ὄζος, goth. asts ; ὄρρος, v. ht-all. ars (Grdz. 350) ;
ὀπός, v. ht-all. saf, sl. sokŭ ; ὄρνις, v. ht-all. arni-, sl. orĭlŭ ; gréco-it.
orphos, goth. arbi ; gréco-it. omsos, goth. amsa ; collum, goth.
hais ; coxa, v. ht-all. hahsa ; κόραξ, lith. szárka « pie »(?); γόμφος,
sl. ząbŭ ; gréco-it. porkos, v. ht-all. farah, sl. prasę pour *porsę,
lith. pàrszas ; osq. posmos, lat. post, lith. páskui ; longus, goth.
laggs. L'ο de χολή (v. ht-all. gallā) doit être o2 ; à cause de l'e du
lat. fel. — Dans la diphthongue : gréco-it. oinos, germ. et boruss.
aina- ; gréco-it. klouni, norr. hlaun (lith. szlaunìs).

J'ai fait plus haut la remarque que les idiomes du nord, en
opposant au phonème ο les mêmes voyelles qu'au phonème a,
nous frustraient de la preuve positive, que ce dernier phonème
est aussi ancien que les autres espèces d'a. Il existe cependant
deux séries de faits qui changeraient du tout au tout l'état de
nos connaissances sur ce point, selon qu'on leur attribuera ou
non une connexion avec l'apparition de o dans le gréco-italique.

1. Trois des plus importantes racines qui contiennent ο en
grec : ὀδ ou ὠδ « olere » ; ζωσ « ceindre », δω « donner », présentent
en lithuanien la voyelle ů : ůdżù, jůsmi, důmi. De plus, le lat.
jocus, dont l'o pourrait fort bien être o, est en lithuanien jůkas ;
ůga répond au lat. ūva, nůgas à nūdus 1139 (= noguidus ?). Au grec
βωϜ, βοϜ, dont l'ο selon nous est o, répond le lette gůws. En revanche
kůlas, par exemple, est en grec κᾶλον (bois). Le slave ne
possède rien qui corresponde à ů (jas-, da- = lith. jůs-, dů-) ; bien
plus, le borussien même ne connaît point cette voyelle (datwei =
důti), et le passage de ō à ů est une modification familière aux
dialectes lithuaniens. Il faut donc convenir que si réellement le
phonème o se cache dans l'ů lithuano-lette, c'est par un accident
presque invraisemblable.

2. Je n'ai parlé qu'occasionnellement du vocalisme celtique,
115et je ne le fais encore ici que par nécessité, mes connaissances
sur ce terrain étant très-insuffisantes. Le vocalisme irlandais
concorde avec celui du slavo-germanique dans le traitement de
a et a2 ; les deux phonèmes sont confondus. Exemple de a : ato-m-aig
de la rac. ag agere ; agathar, cf. ἄχεται ; asil, cf. axilla ; athir,
cf. pater ; altram, no-t-ail, cf. alo ; aile, cf. alius. Voy. Windisch
dans les Grundzüge de Curtius aux numéros correspondants.
D'autre part a2 devient aussi a. Nous l'avons constaté plus haut
dans les formes du parfait singulier et dans le mot daur = δόρυ.
En outre, d'après le vocalisme des syllabes radicales, la voyelle
suffixale disparue qui correspondait à l'o2 gréco-italique était a.
Mais voici que dans nocht « nuit », roth « roue », ói 1140 « mouton », ocht
« huit », orc « porc », ro = gr. πρό etc., c'est o et non plus a qui répond
à l'o des langues du sud. Précisément dans ces mots, la
présence de o est assurée ou probable. — Comment se fait-il que
dans le vieux gaulois l'a2 suffixal soit o : tarvos trigaranos, νεμητον
etc. ?

Chapitre IV.

§ 9. Indices de la pluralité des a dans la langue mère
indo-européenne.

Dans le système d'Amelung, l'o gréco-italique et l'a gréco-italique
(notre a) remontent à une même voyelle primordiale ;
tous deux sont la gradation de l'e. S'il était constaté que dans les
langues ariennes la voyelle qui correspond à l'a gréco-italique en
syllabe ouverte est un ā long, comme pour o, cette opinion aurait
trouvé un point d'appui assez solide. A la vérité, le nombre des
exemples qui se prêtent à cette épreuve est extraordinairement
faible. Je ne trouve parmi les mots détachés que ἀπόab, skr.
apa ; ἄκων 2141, skr. açán (au cas faibles, comme áçnā, syllabe fermée) ;
αἴξ, skr. ăģá ; ἀθήρ, véd. ăthari (?). Mais du moins les
thèmes verbaux de ăģa-vi, europ. ag ; bhăģa-ti, europ. bhag ; măda-ti,
gréco-it. mad ; yăģa-ti, gr. αγ ; văta-ti, europ. wat (irland. fáith, lat.
116vātes) nous donnent une sécurité suffisante. Si l'on recherche au
contraire les cas possibles d'un ā arien correspondant, en syllabe
ouverte, à un a (a) gréco-italique, on en trouvera un exemple, en
effet assez important : skr. agas, en regard du gr. ἄγος qu'on s'accorde
à séparer de ἅγος, ἅγιος etc. 1142 Le cas est entièrement isolé,
et dans notre propre système il n'est point inexplicable (v. le
registre). Faire de ce cas unique la clef de voûte d'une théorie
sur l'ensemble du vocalisme serait s'affranchir de toute espèce de
méthode 2143.

On pourra donc sans crainte établir la règle, que, lorsque
les langues européennes ont a, en syllabe ouverte comme en
syllabe fermée l'arien montre a bref. Mais ceci veut dire simplement
que l'a n'est pas un a long : il arrive en effet que dans certaines
positions, par exemple à la fin des racines, ce n'est plus du
tout un a, mais bien i ou ī, au moins en sanskrit, qui se trouve
placé en regard du phonème a des langues d'Europe. Voy. ci-dessous.

Comment l'arien se comporte-t-il vis-à-vis de l'e européen ?
Il lui oppose aussi l'a bref. Ce fait est si connu qu'il est inutile de
l'appuyer d'une liste d'exemples. Le seul point à faire ressortir,
celui qu'avait relevé d'abord Amelung, celui sur lequel M. Brugman
a assis en grande partie l'hypothèse de a2, c'est le fait négatif
que, lorsqu'on trouve e en Europe, jamais l'arien ne présenté
d'ā long.

Si maintenant l'on posait cette question-ci : Y a-t-il dans
l'indo-iranien l'indice certain d'une espèce d'a qui ne peut être ni
a1 ni a2 ? nous répondrions : Oui, cet indice existe. L'i ou ī pour
a n'apparaît que dans un genre de racines sanskrites tout particulier
et ne peut avoir ni la valeur a1 ni la valeur a2 (§ 11 fin).117

Mais si, précisant davantage la question, on demandait s'il
y a dans l'arien des traces incontestables du dualisme a1 : a tel
qu'il existe en Europe
, la réponse, je crois, ne pourrait être que
négative. Le rôle de l'i dans ce problème est assez compliqué, et
nous ne pourrons aborder la question de plus près qu'au chapitre
V.

Deux autres points méritent particulièrement d'être examinés
à ce point de vue :

Les ā longs tels que celui de svādate = gr. αδεται. Voy.
§ 11 fin.

Le traitement de k2, g2 et gh2 dans les langues ariennes.
Dans l'article cité des Mémoires de la Société de Linguistique,
j'ai cherché à établir que la palatalisation des gutturales vélaires
est due à l'influence d'un a1 venant après la gutturale. Je confrontais
la série indienne vāká, váćas, vóća-t avec la série grecque
γονο-, γενεσ-, γενέ-(σθαι) et concluais que la diversité des consonnes
dans la première avait le rapport le plus intime avec la
diversité des voyelles suffixales observable dans la seconde. Je
crois encore à l'heure qu'il est que cela est juste. Seulement il
était faux, comme j'en ai fait plus haut la remarque (p. 90),
de donner à l'ο du suffixe, dans γόνο, la valeur ο ou a (ο étant
considéré comme une variété de a) : cet o, nous l'avons vu, est a2.
Voilà donc la signification du fait notablement changée. Il prouve
bien encore que l'indo-iranien distingue entre a1 et a2, mais non
plus, comme j'avais pensé, qu'il distingue entre a1 et a. La thèse,
conçue sous cette forme, devant être soutenue, à ce que nous
apprenons, par une plume beaucoup plus autorisée que la nôtre,
nous laisserons ce sujet intact : aussi bien l'existence de l'a2 arien
est déjà suffisamment assurée par l'allongement régulier constaté
au § 7 1144.118

Le traitement des gutturales vélaires au commencement des
mots
porte la trace très-claire de la permutation a1 : a2 dans la
syllabe radicale. Mais laisse-t-il apercevoir une différence entre
a1 et a ? C'est là le fait qui serait important pour nous. Il serait
difficile de répondre par oui et non. A tout prendre, les phénomènes
n'excluent pas cette possibilité, et semblent plutôt parler
en sa faveur. Mais rien de net et d'évident ; point de résultat qui
s'impose et auquel on puisse se fier définitivement. Nous supprimons
donc comme inutile le volumineux dossier de ce débat, qui
roule la plupart du temps sur des exemples d'ordre tout à fait
subalterne, et nous résumons :

Quand l'européen a k2e, g2e, gh2e, l'arien montre presque régulièrement
ća, ģa, ģha. Exemples : gr. τέσσαρες, skr. ćatvāras ; lith.
gèsti, skr. ģásati ; gr. θέρος, skr. háras. Ceci rentre dans ce que
nous disions précédemment. La règle souffre des exceptions :
ainsi kalayati en regard de κέλης, celer (Curtius Grdz. 146), gámati
en regard du goth. qiman 1145. Au groupe européen k2a l'arien répond
assez généralement par ka. Seulement, bien souvent, on se
demande si l'a européen qui suit la gutturale est véritablement a,
ou bien un phonème hystérogène. D'autre fois le rapprochement
est douteux. Exemples : gr. καλός, skr. kalya ; lat. cacumen, skr.
kakúbh ; lat. calix, skr. kaláça ; lat. cadaver, skr. kalevara ? (Bopp) ;
κάνδαλοι· κοιλώματα, βάθρα, skr. kandará ; gr. καμάρα, zd. kamara ;
gr. κάμπη, skr. kampanā ; gr. καινός, skr. kanya (Fick) ;
dans la diphthongue, lat. caesaries, skr. késara ; lat. caelebs, skr.
kévala ; gr. Καιᾴδας, καίατα· ορύγματα, skr. kévaṭa, etc. 2146 Pour g
119et gh, les cas sont rares. — Nous trouvons la palatale dans ćandrá,
-çćandra (groupe primitif sk2) en regard du lat. candeo. A la
page 85 nous comparions goth. skadus au skr. ćat « se cacher ».
Or l'irlandais scáth prouve que la racine est skat, non sket 1147, et
nous aurions ainsi un exemple bien clair de ća répondant à ka ;
il est vrai que la gutturale fait partie du groupe primitif sk. Un
cas semblable, où c'est la sonore qui est en jeu, est le zd. ģad
« demander », irland. gad, gr. βάζω (malgré βάξω) ; ici le sanskrit
a g : gádati.

Bref, il n'y a rien de décisif à tirer de ce genre de phénomènes,
et nous devrons, pour établir la primordialité du dualisme
a1 : a, recourir à une démonstration a priori, basée essentiellement
sur la certitude que nous avons de la primordialité de a2. En
linguistique, ce genre de démonstration n'est jamais qu'un pis
aller ; on aurait tort toutefois de vouloir l'exclure complètement.

1. Pour simplifier, nous écarterons du débat le phonème o ;
son caractère presque exceptionnel, son rôle très-voisin de celui
de a, lui assignent une espèce de position neutre et permettent
de le négliger sans crainte d'erreur. En outre l'e long des langues
d'Europe, phonème que nous rencontrerons plus loin et qui n'est
peut-être qu'une variété d'ā, pourra rester également en dehors
de la discussion. Voy. au sujet d'ē le § 11.

2. Nous posons comme un point démontré dans les chapitres
précédents et comme la base d'où il faut partir le fait que
le vocalisme des a de toutes les langues européennes plus l'arménien
repose sur les quatre a suivants : a1 ou e ; a2 ou o ; a ou a ;
ā ou ā. En outre il est établi que o alterne régulièrement avec e,
jamais avec a ; et semblablement que ā alterne exclusivement
avec a. Ce dernier point n'a pu être encore bien mis en lumière,
mais au chapitre V nous le constatons d'une manière positive.

3. L'apparition régulière, dans certaines conditions, d'un ā
120long arien en regard de l'o européen (§ 7), phénomène qui ne se
présente jamais lorsque la voyelle est en Europe e ou a, s'oppose
absolument à ce qu'on fasse remonter à un même phonème de la
langue mère l'e (ou l'a) et l'o européens.

4. D'autre part il est impossible de faire remonter l'o européen
au même phonème primordial qui a donné ā. En effet, les
langues ariennes n'abrègent point a devant les groupes de deux
consonnes (çāsmi etc.). On ne comprendrait donc pas comment
l'o européen suivi de deux consonnes est représenté en arien par
a bref (ὁρ-μή = sarma, non « sārma », φέροντι = bharanti, non
« bharānti »).

5. Relativement à ο et ā, trois points sont acquis : α) Ce qui
est en Europe o ne peut pas avoir été dans la langue mère le
même phonème que ce qui est en Europe e ou a (v. ci-dessus, n° 3).
β) Ce qui est en Europe o ne peut pas avoir été dans la langue
mère le même phonème que ce qui est en Europe ā (v. ci-dessus,
n° 4). γ) De tout temps il a été reconnu que ce qui est en Europe
ā ne peut pas avoir été dans la langue mère le même phonème
que ce qui est en Europe e ou a. Ceci établit que l'o et l'ā européens
ont été dans la langue mère distincts l'un de l'autre et distincts
de tous autres phonèmes
. — Que savons-nous sur la portion du
vocalisme de la langue mère qui répond à la somme e + a dans
les langues d'Occident ? Deux choses : cette portion du vocalisme
différait de ο et de ā ; et en second lieu elle ne contenait pas de
voyelle longue. Réduites à une forme schématique, nos données
sont donc les suivantes :

tableau indo-européen | européen | x | bref | o | e | ā | a

Essayons à présent de donner à x la valeur d'un a unique. Voici
les hypothèses qu'entraîne nécessairement avec elle cette première
supposition : 1° Scindement de l'a en e-a, à son entrée en
Europe. La question de la possibilité de cette sorte de scindements
est une question à part qui, tranchée négativement, rendrait
la présente discussion superflue. Nous ne fondons donc
point d'objection sur ce point-là. 2° Merveilleuse répartition des
richesses vocaliques obtenues par le scindement. Nul désordre
au milieu de cette multiplication des a. Il se trouve que e est
121toujours avec o, et a toujours avec ā. Un tel fait est inimaginable.
3° Les trois espèces d'a supposées pour la langue mère (a ο ā)
n'étaient pas, évidemment, sans une certaine relation entre elles :
mais cette relation ne peut avoir rien de commun avec celle que
nous leur trouvons en Europe, puisque dans la langue mère e et
a, par hypothèse, étaient encore un seul phonème. Ainsi les
langues européennes ne se seraient pas contentées de créer un
ablaut qui leur est propre : elles en auraient encore aboli un plus
ancien. Et pour organiser le nouvel ablaut, il leur fallait disloquer
les éléments du précédent, bouleverser les fonctions respectives
des différents phonèmes. Nous croyons que cet échafaudage
fantastique a la valeur d'une démonstration par absurde.
La quantité inconnue désignée par x ne peut pas avoir été une et
homogène
.

Cette possibilité écartée, il n'y a plus qu'une solution plausible
au problème : transporter tel quel dans la langue mère le
schéma obtenu pour l'européen
, sauf, bien entendu, ce qui est de la
détermination exacte du son que devaient avoir les différents
phonèmes.

Quand on considère le procès de réduction des a deux fois
répété dans le domaine indo-européen : dans le celto-slavo-germanique
à un moindre degré, puis sur une plus grande échelle 1148 dans
les langues ariennes, et cela en tenant compte de la position géographique
des peuples, il semble à première vue très-naturel de
croire que c'est là un seul grand mouvement qui aurait couru de
l'ouest à l'est, atteignant dans les langues orientales sa plus
grande intensité. Cette supposition serait erronée : les deux
événements, il est aisé de le reconnaître, ne sauraient être liés
historiquement. Le vocalisme des a, tel que l'offre le slavo-germanique,
ne peut en aucune façon former le substratum des phénomènes
ariens. L'arien distingue a2 de a et confond a avec a1.
L'Europe septentrionale confond a2 avec a.

Il est un cas sans doute où l'a2 arien est confondu lui aussi
avec a (et a1), c'est lorsqu'il se trouve dans la syllabe fermée.
122Mais, à l'époque où, dans d'autres conditions, se produisit l'allongement
de a2, il est à peine douteux que, devant deux consonnes, ce
phonème conservât comme ailleurs son individualité. On peut
donc dire que l'arien postérieur confond a1, a et a2 en syllabe
fermée, mais que le plus ancien arien que nous puissions atteindre
confond seulement a1 et a.

La figure suivante représente la division du territoire indo-européen
qu'on obtient, en prenant pour base le traitement des
trois a brefs dont nous venons de parler. Il est fort possible
qu'elle traduise fidèlement le véritable groupement des différentes
langues, mais, pour le moment, nous ne voulons pas attacher à
cette répartition d'autre valeur que celle qu'elle peut avoir dans
la question de l'a. Les Celtes, par exemple, s'ils appartiennent au
groupe du nord pour le traitement des voyelles (p. 116), sont unis
par d'autres attaches à leurs voisins du sud.

image Région où a, a1 et a2 se maintiennent tous trois distincts | Italiotes | Hellènes | Arméniens | Celtes | Germains | Letto-slaves | Iraniens | Hindous | Région où a et a2 sont confondus | Région où a et a1 sont confondus

Chapitre V.
Rôle grammatical des différentes espèces d'a.

§ 10. La racine à l'état normal.

Si le sujet de cet opuscule avait pu être circonscrit au thème
du présent chapitre, le plan général y aurait gagné sans doute.
Mais nous avions à nous assurer de l'existence de plusieurs phonèmes
avant de définir leur rôle dans l'organisme grammatical,
et dans ces conditions il était bien difficile de ne pas sacrifier
quelque chose de l'ordonnance rationnelle des matières. C'est ainsi
que le chapitre sur les liquides et nasales sonantes devra tenir
lieu plus ou moins d'une étude de la racine à l'état réduit, et que
nous nous référerons au paragraphe 7 pour ce qui concerne cet
autre état de la racine où a1 se change en a2.123

Les racines se présentent à nous sous deux formes principales :
la forme pleine et la forme affaiblie. A son tour la forme
pleine comporte deux états différents, celui où l'a radical est a2
et celui où il est a1. C'est ce dernier état de la racine qu'il reste
à envisager ; c'est celui qu'on peut appeler, pour les raisons exposées
plus loin, l'état normal de la racine.

Voici d'abord les motifs que nous avions de dire, au commencement
de ce travail, qu'une racine contenant i ou u ne possède
sa forme pleine et inaltérée que lorsqu'elle montre la diphthongue.
Cette idée a été émise déjà à plusieurs reprises 1149. Ceux de qui
elle émanait ont paru dire parfois que c'est après tout affaire de
convention de partir de la forme forte ou de la forme faible.
On reconnaîtra, je crois, l'inexactitude de cette opinion en pesant
les trois faits suivants.

1. Dès qu'on admet l'existence de liquides et de nasales sonantes
indo-européennes, on voit aussi le parallélisme de i, u,
avec r, n, m. Mais ceci, dira-t-on, ne prouve rien ; je puis admettre
avec les grammairiens hindous que ar est gouna de , et semblablement
an, am, gouna de n̥, m̥. En effet ; aussi ce n'est point là-dessus
que nous nous fondons, mais bien sur les racines terminées
par une consonne (par opposition à sonante). Pour pouvoir
parler d'une racine bhudh il faudrait dire aussi qu'il y a une racine
pt. Car partout où bhudh apparaîtra, on verra aussi apparaître
pt, à condition seulement que la forme se puisse prononcer : bubudh-ús,
pa-pt-ús ; ἐ-πυθ-όμην, ἐ-πτ-όμην. Sitôt qu'on trouve
bhaudh, on trouve aussi pat : bódhati, πεύθεται ; pátati, πέτεται.
Dira-t-on que at est gouna de t ?124

2. Si, pour la production de la diphthongue, il était besoin
d'une opération préalable de renforcement, on concevrait difficilement
comment l'a1 du « gouna » devient a2 1150 absolument comme
tous les autres a1. Au paragraphe 7 nous sommes constamment
partis du degré à diphthongue, et nous n'avons pas éprouvé une
seule fois qu'en procédant de la sorte on se heurtât à quelque
difficulté.

3. L'absence de racines en in, un ; im, uni ; ir, ur (les dernières,
quand elles existent, sont toujours d'anciennes racines en
ar faciles à reconnaître) est un fait si frappant qu'avant de connaître
la nasale sonante de M. Brugman il nous semblait déjà
qu'il créât entre les rôles de i, u, et de n, m, r, une remarquable
similitude. En effet cela suffirait à établir que la fonction de a
et la fonction de i ou u sont totalement différentes. Si i, u, étaient,
au même titre que a, voyelles fondamentales de leurs racines, on
ne comprendrait pas pourquoi celles-ci ne finissent jamais par
des phonèmes qui, à la suite de a, sont fort communs. Dans
notre conception, cela s'explique simplement par le fait que a
ne prend qu'un seul coefficient sonantique après lui.

En vertu du même principe, il n'existe point de racine contenant
le groupe : i, u + nasale (ou liquide) + consonne. Quand on
parle par exemple d'une racine sanskrite sińć, c'est par abus : il
est facile de s'assurer, en formant le parfait ou le futur, que la
nasale n'est point radicale. Au contraire dans bandh la nasale est
radicale, et elle persistera au parfait.

Dans l'échange de la diphthongue et de la voyelle, il n'y a
donc pas à chercher avec Schleicher de renforcement dynamique
ou avec Benfey et Grein de renforcement mécanique ; il n'y a qu'un
affaiblissement, et c'est lorsque la diphthongue cessé d'exister
qu'un phénomène se produit.

Quant à la vriddhi qui, d'après ce qui précède, ne peut plus
être mise, même de loin, en parallèle avec le « gouna », nous n'en
avons trouvé aucune explication satisfaisante. Il y en a évidemment
deux espèces : celle qui sert à la dérivation secondaire, —
vriddhi dynamique ou psychologique, si on vent lui donner ce
125nom — et celle qu'on trouve dans quelques formes primaires
comme yaú-mi, ά-ģai-šam où on ne peut lui supposer qu'une cause
mécanique (v. plus bas). La vriddhi de la première espèce est
indo-iranienne ; on en a signalé des traces douteuses dans l'indo-européen.
La vriddhi de la seconde espèce paraît être née
plus tard.

Partout où il y a permutation de ai, au, avec i, u, l'a de la
diphthongue est dans les langues européennes un e (a1) ou son
remplaçant ο (a2), mais jamais a. Nous verrons au § 11 que les
combinaisons ai, au sont d'un ordre différent et ne peuvent pas
perdre leur a. Ce fait doit être rangé parmi les preuves de la
primordialité du vocalisme européen.

Passons maintenant en revue les formations où la racine
présente a1, soit que ce phonème fasse partie d'une diphthongue,
soit qu'il se trouve dans toute autre position. La catégorie de
racines que nous considérons embrasse toutes celles qui ne renferment
point a ou o à l'exception des racines terminées par a1, et
de quelques autres qui leur sont semblables. La question est toujours
comprise entre ces limites-ci : est-ce
a2, absence de a, ou bien a1
qui apparaît ?

a. Formations verbales.

Présents thématiques de la 1re classe verbale. Ils
ont invariablement a1.

Grec : λέγω ; τείω, ῥέ(Ϝ)ω, μένω, φέρω ; στείχω, φεύγω,
σπένδω, ἕρπω
etc. Curtius, Verb. I2 210 seq. 223 seq.

Latin : lego ; tero, tremo ; fīdo pour *feido 1151, (dūco pour *deuco),
-fendo, serpo etc.

Gothique : giba ; sniva, nima, baira ; steiga, biuda, binda,
filha
etc.

Paléoslave : nesą ; ženą, berą ; mętą, vlěką pour *velką etc. L'e
s'est fréquemment affaibli en ĭ, sous des influences spéciales au
slave. Les formes comme žĭvą sont les équivalents des formes
grecques comme ῥέϜω. Sur la diphthongue eu en letto-slave, cf.
p. 66 seq.

Lithuanien : degù ; vejù, genù ; lëkù, senkù, kertù etc.126

L'irlandais montre régulièrement e.

Langues ariennes. L'a, sauf quelques cas spéciaux, est bref ;
par conséquent c'est bien a1 et non a2 que prend la syllabe radicale.
Sanskrit váhati ; ģáyati, srávati, stánati, bhárati ; ćétati, róhati,
vándate, sárpati
etc.

Subjonctif du présent non-thématique et du parfait.
Pour former le subjonctif, les présents de la 2e et de la 3e classe
ajoutent un a1 thématique à la racine non affaiblie, c'est-à-dire
telle qu'elle se trouve au singulier de l'actif. Si le verbe n'est pas
redoublé, on obtient de la sorte un thème absolument semblable
aux présents de la 1re classe. Sanskrit hắna-t, ắya-t, yuyắva-t, de
hán-ti, ć-ti, yuyó-ti. Il nous a été conservé en grec : εἴω subjonctif
de εἶμι (Ahrens II 340). Le pluriel eût été sans doute *εἴομεν
(cf. hom. ομεν) 1152.

Il est extrêmement curieux que le parfait, qui prend a2 dans
les formes non affaiblies, sauf peut-être à la première personne
(p. 72), restitue a1 au subjonctif. Voyez les exemples chez Delbrück,
Altind. Verb. 194. De ģabhar-a, ģabhắra-t ; de tatan-a,
tatắna-t, etc. Ici le grec offre un magnifique parallèle dans εἴδομεν,
εἴδε-τε
, subjonctif courant chez Homère du parf. οἶδ-α. Une
autre forme, πεποίθομεν, s'est soumise à l'analogie de l'indicatif.

Présents non-thématiques (2e et 3e classe verbale). Nous
recherchons si c'est a1 ou a2 qui apparaît aux trois personnes de
l'indicatif singulier (présent et imparfait). Aux autres personnes,
l'a radical est expulsé.

La syllabe étant toujours fermée, nous ne pouvons nous
renseigner qu'auprès des langues de l'Occident. L'exemple le plus
important est celui de a1s « être ». Aux trois personnes en question,
les langues européennes ont unanimement e. Puis vient la racine
a1i « aller » : grec εἶμι, lith. eimì. Si στευ est le skr. sto « laudare »,
il est probable que στεῦται appartient bien à la 2e classe, comme
staúti (cf. Curtius Verb. I2 154). Naturellement, il faudrait régulièrement
*στυται, la diphthongue est empruntée à l'actif disparu 2153.127

Ces exemples montrent a1, et c'est a1 que nous retrouvons
dans les aoristes comme ἔχευα, ἔσσευα qui ne sont en dernière
analyse que des imparfaits de la 2e classe. V. plus haut p. 21.

La diphthongue au du skr. staúti, yaúti, etc., est tout à fait
énigmatique. Rien, en tous cas, n'autoriserait à y voir l'indice de
la présence de a2. Les diphthongues de a2, suivies d'un consonne,
ne se comportent pas autrement que les diphthongues de a1. Il
semble tout au contraire que ce soit de préférence a1i et a1u qui
subissent en sanskrit des perturbations de ce genre. L'aoriste
sigmatique nous en offrira tout à l'heure un nouvel exemple.

Le présent de la 3e classe se dérobe davantage à l'investigation.
On a identifié, non sans vraisemblance, le lat. fert au skr.
bibhárti. Le grec n'a plus d'autres présents redoublés que ceux
dont le thème finit en η ou . Sans doute on peut se demander
si πίμπλημι n'est pas la métathèse de πιμπελμι (v. p. 13 et le
chap. VI). Cependant la certitude que nous avons que la voyelle
est a1 ne dépend pas, heureusement, de cette hypothèse. Même
si πίμπλημι vient d'une racine πλη, cet η, comme aussi ceux de
τίθημι, ἵημι etc., prouve que la formation ne prend pas a2 ;
autrement, on aurait « τίθωμί, ἵωμι ». C'est ce que nous reconnaîtrons
au § 11.

Aoriste sigmatique non-thématique. L'identité de l'aoriste
grec en -σα avec l'aoriste sigmatique non-thématique connu
dans le sanskrit et le slave est un fait que M. Brugman a définitivement
acquis à la science (v. Stud. IX 313). La racine est au
degré a1, au moyen comme à l'actif. Exemples : ἔστρεψα, ἔπεμψα,
ἔδείσα, ἔπλευσα, ἔτευξα
etc. Le slave a également e : pęchŭ,
něsŭ
etc. 1154

En sanskrit cet aoriste allonge l'a radical dans les formes
de l'actif, mais nous avons vu plus haut que cette sorte de phénomènes,
en syllabe fermée, ne se peut ramener jusqu'à présent à
aucun principe ancien, et qu'il est impossible d'en tenir compte.
L'allongement disparaît au moyen. Le vocalisme de ce temps
soulève néanmoins différents problèmes que nous toucherons au
§ 12. — Sur certaines traces de a2 à l'aoriste v. p. 73.

Le subjonctif párša-t, ģéša-t etc. se reflète en grec dans les
128formes homériques comme παρα-λέξο-μαι, ἀμείψε-ται etc. V.
Curtius Verb. II 259 seq. L'a radical est a1 comme à l'indicatif.

Futur en -sya. Par l'addition de -ya1, au thème de l'aoriste
se forme le thème du futur. Le vocalisme ne subit pas de changement.

Exemples grecs : στρέψω, εἴσομαι, πλευσοῦμαι, ἐλεύσομαι.
La nécessité de l'e se voit bien par la forme κλευσόμεθα, futur
de κλύω rapporté par Hésychius.

Le futur lithuanien ne contredit pas à la règle.

Le futur indien a, lui aussi, la forme pleine de la racine :
vakšyá-ti, ģešyá-ti, bhotsyá-ti.

b. Formations nominales.

Thèmes en -as. Neutres grecs : βέλος, βένθος 1155, βλέπος,
βρέφος, γένος, ἔγχος, εἶρος, ἔλεγχος, ἕλκος, ἕλος, ἕπος, ἔρεβος,
ἕρκος, ἔτος, θέρος, κέρδος, λέχος, μέλος, μένος, μέρος, νέμος,
νέφος, πέκος, πένθος
1, πέος, ῥέθος, σθένος, σκέλος, στέφος,
τέγος, τέκος, τέλος, φέγγος
 ; — δέ(y)ος, εἶδος, τεῖχος ; γλεῦκος,
ἔρευθος, ζεῦγος, κεῦθος, κλέ(Ϝ)ος, ρέ(Ϝ)ος, σκεῦος, τεῦχος, ψεῦδος

etc. D'autres encore chez Ludwig Entstehung der a-Decl. 10.

Souvent le thème en -εσ n'est conservé que dans un composé :
ἀμφί-ρρεπής, cf. ῥοπή ; ἰο-δνεφής, cf. δνόφο-ς ; ἀ-μερφές·
αἰσχρόν
Hes. cf. μορφή. Ἁλι-θέρσης 2156 dans Homère n'est point
éolique : θέρσος, en effet conservé chez les Eoliens, est le thème
en -εσ régulier de la rac. θερσ, et θάρσος, θράσος, sont formés
postérieurement sur θρασύς, θαρσύς (dans θαρσύνω).

Pour les adjectifs (oxytons) en -εσ, sur l'ancienneté desquels
différentes opinions sont possibles, ψευδής atteste le même
degré a1.

L'ο du neutre ὄχος est dû à ce que ἔχω « veho » ; en grec, a
abdiqué en faveur de ὀχέω. Du reste Hésychius donne ἔχεσφιν·
ἅρμασιν
. σκότ-ος vient d'une racine skot et non sket. Si Homère
a dit δυσπονής (au gén. δυσπονέος), c'est que πόνος, dans sa
signification, s'était émancipé de la racine πεν.

Exemples latins : decus, genus, nemus, pectus, scelus, tempus,
129Venus, vetus
(sur ces deux mots v. Brugman K. Z. XXIV 38, 43).
Le neut. vīrus (gén. vīri) indique un primitif wa1is-as. Sur foedus,
pondus, holus
, v. p. 80. En composition : de-gener.

Le gothique donne riqiz-a- = ἔρεβος, rimis-a-, sigis-a-,
þeihs-a-, veihs-a-
(v. Paul Beitr. IV 413 sq.), ga-digis viole la
règle. Paléoslave nebo, slovo pour *slevo (v. p. 67) tęgo « courroie »,
cf. vŭs-tąga ; lithuanien débes-ì-s, deges-ì-s 1157 ; irlandais nem « ciel »,
tech τέγος ; arménien erek ἔρεβος (K. Z. XXIII 22).

Les langues ariennes sont en harmonie avec celles d'Europe,
car elles ont : 1° la racine pleine ; 2° a bref en syllabe ouverte,
c'est-à-dire a1. Skr. váćas, ráģas, mánas, ģráyas, çrávas ; várćas,
tégas, róhas
.

Les adjectifs se comportent de même : yaçás, tavás, toçás 2158.

Thèmes en -yas. En ajoutant -yas (dans certains cas ias) à
la racine normale, on obtient le comparatif de cette racine fonctionnant
comme adjectif. Le thème du superlatif est dérivé du
premier au moyen d'un suff. ta, dont l'addition a nécessité l'affaiblissement
du suffixe précédent, mais non pas celui de la racine.
Il convient donc de réunir les deux classes de thèmes.

Sanskrit sáhyas, sáhišṭha ; kšépīyas, kšépišṭha, cf. kšiprá ;
ráģīyas, ráģišṭha, cf. r̥ģú. Zend darezista, cf. dĕrĕzra.

Les cas où le grec a conservé cette formation ancienne, indépendante
de l'adjectif, sont précieux pour la détermination de la
qualité de l'a. La rac. φερ donne φέριστος, κερδ κέρδιστος ; μι-νύ-ς
a pour comparatif μεί-(y)ων, κρατύς (= *κr̥τύς) κρείσσων 3159.
Le vieux comparatif attique de ὀλίγος est ὀλείζων, v. Cauer Stud.
VIII 254. Ainsi l'a est bien a1.

Si l'on adopte l'étymologie de M. Benfey, le lat. pējor est au
skr. pīyú ce que μείων est à μινύς. — En gothique il faut remarquer
l'e de vairsiza.

Thèmes en -man. α) Les neutres :

Exemples grecs : βλέμμα, θρέμμα, πεῖσμα pour *πένθμα,
130σέλμα, σπέρμα, τέλμα, φθέγμα ; δεῖμα, χεῖμα ; ρεῦμα, ξεῦγμα
.
Comparez ces deux séries-ci : κέρμα, πλέγμα, τέρμα, φλέγμα,
στέλμα
(Hes.) ; — κορμός, πλοχμός, τόρμος, φλογμός, στολμός
(page 74), en outre ἕρμα « boucles d'oreilles » à ὅρμος « collier »,
ἕρμα « appui pour les vaisseaux » à ὅρμος « rade », ἕρμ' ὀδυνάων à
ὁρμή ; φέρμιον, diminutif de *φέρμα, à φορμός, χεῦμα à χῡμός
pour *χūμός, *χουμός (cf. ζμη pour *ζουμη, lacon. ζωμός).

L'homérique οἶμα de εἰ « aller » a dû être formé sur l'analogie
de οἶμος. L'ο de δόγμα paraît être un o. On n'est pas au
clair sur δῶμα ; en tous cas rien ne justifierait un primitif
*δόμμα. ὄχμα (= ἔχμα), que donne Hésychius, ne peut qu'être
moderne.

En latin : germen, segmen, tegmen, termen (Varron). L'u de
culmen est dû à la consonne qui suit.

Paléoslave ƀrěmę « fardeau » pour *bermę, slěmę « culmen
tecti » pour *selmę, vrě « temps » pour *vermę. Miklosich, Vergl.
Gramm
. II 236.

Sanskrit dhárman, vártman, éman, hóman, véçman etc. (Lindner
91 seq.). Zend zaēman, fraoθman etc. ; mais aussi pishman.

β) Les masculins et les adjectifs :

Grec κευθμών -ῶνος, λειμών -ῶνος, τελαμών -ῶνος, χειμών
-ῶνος ; πλευμών -ονος, τέρμων -ονος
 ; l'adjectif τεράμων -ονος.
Dérivés : στελμονίαι, φλεγμονή, βέλεμν-ο-ν. Mots en -μήν : ἀϋτμήν,
λιμήν, πυθμήν
et ὑμήν 1160. Ce dernier, d'après une étymologie
reprise récemment, — il a échappé à l'auteur qu'elle avait été
faite par Pott Wurzelwörterb. I 612 — coïncide avec l'ind. syūman
(neut.) ; il y a là un ū long qui nous engage à suspendre notre
jugement. Mais dans ἀϋτμήν, λῐμήν et πυθμήν l'affaiblissement
de la racine est manifeste 2161. Dans ces trois mots précisément le
suffixe n'admet point a2. Parmi les masculins ce ne sont donc
que les thèmes en -ma2n qui offrent la racine au degré 1 ; cf. § 13.
131— Les infinitifs en -μεν, -μεναι n'offrent pas les garanties nécessaires
relativement au vocalisme de la syllabe radicale.

Le latin a sermo, termo (Ennius), tēmo = *tecmo.

Le gothique a hliuma -ins, hiuhma -ins, milhma -ins, skeima
-ins
. Anglo-sax. filmen = gr. πέλμα (Fick III3 181).

Quelques-uns des mots lithuaniens seront sans doute d'anciens
neutres, mais cela est indifférent. Schleicher donne żelmů
« verdure », teszmů « mamelle », szèrmens (plur. tant.) « repas funèbre »,
de la racine qui se retrouve en latin dans cēna, sili-cernium.

Sanskrit varšmán, hemán ; darmán, somán etc. 1162 Lindner
p. 93. Paroxytons : ģéman, klóman « le poumon droit » (v. B. R.).
Ce dernier mot est le gr. πλεύμων 2163. — Le zend a raçman, maēθman,
mais aussi uruθman.

Thèmes en -tar. Nous ne considérerons ici que la classe
des noms d'agent.

Grec ἕστωρ, κέντωρ ; Ἕκτωρ, Μέντωρ, Νέστωρ, Στέντωρ ; —
ῥεκτήρ (Hésiode), πειστήρ « câble » (Théocrite) et πειστήρ de
πείθω (Suidas), νευτήρ· κολυμβητής (Hes.), ζευκτήρ, τευκτήρ (id.).
Il y a de nombreux dérivés comme ἀλειπτήριον, θρεπτήριος,
πευστήριος, θερτήρια· έορτή τις
. Nous constatons dans ἀορτήρ
un ο irrégulier, emprunté sans doute à ἀορτή. Cf. p. 76 i. n.

Latin emptor, rector, vector, textor etc.132

Paléoslave bljusteljĭ, žęteljĭ.

Sanskrit vaktár, yantár, ćetár, sotár, bhettár, gošṭár ; bhártar,
hétar
etc. — Zend ģañtar, mañtar, çraotar etc. Quelques exceptions
comme bĕṛĕtar à côté de frabaretar. Cf. § 13.

Le suffixe -tr-a demande aussi la racine non affaiblie. Elle a
en général a1, comme dans le gr. δέρτρον, κέντρον, φέρτρον,
mais on peut citer pour a2 : ῥόκτρον de ῥεπ et le norr. lattra- =
*lahtra- « couche », gr. λέκτρον.

Thèmes en -au. La flexion des thèmes qui suivent devait
être distincte de celles des autres thèmes finissant par u. La
plupart sont féminins. Gr. νέκυς masc, zend naçu fém. Gr. γένυς,
goth. kinnus, skr. hánu, tous trois féminins. Goth. hairus
masc, skr. çáru fém. Skr. dhánu fém., gr. *θένυς masc. (gén. θῑνός
pour *θενϜoς ; cf. θεινῶν· αἰγιαλῶν Hes.). Ici se placent encore
skr. párçu fém., gr. χέλυς (russ. želvĭ venant de *žĭlŭvĭ. J. Schmidt
Voc. II 23), goth. qiÞus, germ. lemu- « branche » (Fick III3 267),
lat. penus. Puis avec une accentuation différente, gr. δελφύς, skr.
paraçú = gr. πέλεκυς. — Cf. § 12.

Neutres : indo-européen má1dhu et pá1k1u.

Des trois formes que chaque racine (voy. p. 135) est susceptible
de prendre, nous avons vu que celle qui est dépourvue d'a
ne peut pas prétendre à la priorité. Le litige n'est plus qu'entre
les deux formes caractérisées par les deux variétés de l'a, a1 et a2.
Ce qui nous semble décider sans conteste en faveur de a1, c'est la
fréquence de ce phonème, et cela dans les paradigmes les plus
importants. Par exemple dans toute la flexion verbale, a2 ne fait
son apparition qu'à deux ou trois personnes du parfait. Quelle
raison avons-nous de croire que des gisements entiers de a1 tels
que nous les apercevons dans les différents présents n'aient pu
naître que par l'altération du phonème a2 ? Au contraire, dans
un cas du moins, nous prenons sur le fait le développement de
a2 : c'est lorsqu'il sort de l'a1 thématique devant les consonnes
sonores des désinences verbales (p. 87). Si ailleurs sa genèse se
dérobe encore à notre regard, on entrevoit cependant la possibilité
d'une explication ; le phonème n'apparaît en effet qu'à certaines
places très-déterminées.133

Un phénomène digne de remarque, mais qui, dans cette
question, peut s'interpréter de deux façons opposées, c'est l'apparition
de a1, à l'exclusion de a2, dans les cas où le rejet de l'a est
prescrit mais en même temps empêché par une cause extérieure
(p. 48). Ainsi, au temps où le pluriel de δέδορκα faisait δεδr̥κ(α)μεν,
le pluriel de τέτοκα, avons-nous conclu p. 71 i. n., faisait τετεκ(α)μεν.
M. Brugman montre comment le thème pad, accusatif
pa2dm (πόδα), empêché qu'il est de faire au génitif : pdás, s'arrête
à la forme pa1das (pedis). Voilà, pourrait-on dire, qui prouve que
a1 est une dégradation de a2. Mais celui qui part d'un thème
pa1d aura une réponse tout aussi plausible : pa2d est une modification
extraordinaire qu'il n'y a aucune raison d'attendre dans
les formes exposées aux affaiblissements ; si l'affaiblissement est
paralysé, c'est forcément le thème pur pa1d qui apparaît.

Seconde question. Sans vouloir se prononcer sur la priorité
de l'un ou de l'autre phonème, M. Brugman tient que a2, par
rapport à a1, est un renforcement ; que a1, par rapport à a2, est
un affaiblissement (Stud. 371, 384). Nous-même, à la page 5,
appelions a2 une voyelle renforcée. Ces désignations prennent
un corps si on admet que l'échange de a1 et a2 est en rapport avec
les déplacements du ton ; c'est là l'opinion de M. Brugman. Si on
pense, et c'est notre cas, que l'échange des deux phonèmes est
indépendant de l'accent, il vaut mieux s'abstenir d'attribuer à
l'un d'eux une supériorité qui ne se justifie guère.

Si a2 est une transformation mécanique de a1, cette transformation
en tous cas était consommée à la fin de la période proethnique,
et les langues filles n'ont plus le pouvoir de la produire.
Il est fort possible par exemple que πλοχμός n'ait été tiré de
πλέκω qu'à une époque qu'on peut appeler moderne. Mais il va
bien sans dire que l'o de πλοχμός n'est pas sorti de l'ε de πλέκω.
La langue a simplement moulé cette forme sur les substantifs en
-μο-ς qu'elle possédait auparavant.

§ 11. Rôle grammatical des phonèmes a et o.
Système complet des voyelles primordiales.

Quand on considère les cas suivants de la permutation a, a2 :
goth. hlifa hlaf, gr. κλέπτω κέκλοφα, gr. ἵππος ἵππε, et qu'on leur
compare les cas suivants de la permutation a ā : goth. saka sōk,
134gr. λάσχω λέλᾱκα, gr. νύμφᾱ νύμφᾰ, la tentation est forte, assurément,
de poser la proportion ā : a = a2 : a1. Mais ce serait s'engager
dans une voie sans issue et méconnaître le véritable caractère
des phénomènes. Nous allons, pour plus de clarté, construire
tout de suite le système des voyelles tel que nous le comprenons.
Il n'est question provisoirement que des syllabes radicales.

Le phonème a1 est la voyelle radicale de toutes les racines. Il
peut être seul à former le vocalisme de la racine ou bien être suivi
d'une seconde sonante que nous avons appelée coefficient sonantique
(p. 8).

Dans de certaines conditions qui ne sont pas connues, a1 est
remplacé par a2 ; dans d'autres, mieux connues, il est expulsé.

a1 étant expulsé, la racine demeurera sans voyelle dans le cas
où elle ne contient point de coefficient sonantique. Dans le cas contraire,
le coefficient sonantique se montre à nu, soit à l'état autophthongue
(p. 8), et fournit une voyelle à la racine.

Les phonèmes a et sont des coefficients sonantiques. Ils ne
pourront apparaître à nu que dans l'état réduit de la racine. A l'état
normal de la racine, il faut qu'ils soient précédés de a1, et c'est des
combinaisons a1 + a, a1 + o̮, que naissent les longues ā, ō̮. La
permutation a1 : a2 s'effectue devant a et comme ailleurs.

tableau Vocalisme | des | racines | dans | l'indo-européen | Racine | pleine | a1 | a2 | a1i | a2i | a1u | a2u | a1n | a2n | a1m | a2m | a1r | a2r | a1a | a2a | a1o | a2o | réduite | -i | -u | -n̥ | -m̥ | -r̥ | -a | -o

Désignations utiles

Pour a1a et a1o après la contraction : ā1 et ō1.

Pour a2oa et a2o après la contraction : ā2 et ō2.

La théorie résumée dans ce tableau a été appliquée plus
haut à toutes les espèces de racines excepté celles qui contiennent
a et o. Ce sont elles que nous allons étudier maintenant.

Pour distinguer l'une d'avec l'autre les deux formes que
peut prendre la racine pleine selon que l'a radical est a1 ou a2, il
n'y a pas d'inconvénient à appeler la première le degré 1 (état
135normal)
, la seconde le degré 2. Nous ne voulons pas dire par là
qu'une des deux formes soit le renforcement de l'autre (v. p. 134).

I. Racines finissant par a.

a. Racine pleine au degré 1.

Ce qui parle bien haut pour que ā et ō soient autre chose que
des voyelles simples, c'est que partout où d'autres racines sont
au degré 1, les racines en a ont une longue. Pourquoi, du fait qu'il
finit la racine, l'a se serait-il allongé ? Si au contraire ā est assimilable
à une diphthongue, στμων en regard de στᾰτός s'explique
exactement de même que l'indien ģeman (ē = a1i monophthongué)
en regard de ģitá 1164. Toute racine en a est identique
dans son organisme avec les racines comme kai, nau 3165, et aussi
tan, bhar (type A, p. 8).

Nous avons à faire la revue des principales formations du
degré 1 énumérées au § 10. Il faut pour que la théorie se vérifie
que nous trouvions dans ces formations ā1 et ō1. Le nombre des
exemples est restreint. Ils n'ont de valeur que si l'échange entre
la racine pleine et la racine faible subsiste
2166.136

Sur les présents de la 2e et de la 3e classe, v. p. 146.
La racine, dans les formes pleines, est du degré 1.

Aoriste sigmatique (v. p. 128). Le grec fait ἔ-στᾱ-σα,
ἔ-βᾱ-σα, ὤνᾱ-σα
. Une forme comme ἔ-στᾱ-σα, c'est-à-dire e-stea-sa
de stea (sta1a) est le parallèle parfait de ἔ-δει-σα. Sanskrit á-hā-sam,
á-dā-sam ; zd. çtāo-ṅh-a-ṭ (subj.).

Futur (v. p. 129). Grec β-σομαι, στ-σω, φ-σω, φθ-σομαι,
δώ-σω
 ; cf. πλευ-σοῦμαι etc. Sanskrit dā-syáti, gā-syáti.

Thèmes neutres en -man (v. p. 131). Cf. Lobeck Paralipomena
425 seq. Grec βᾶ-μα, σᾶ-μα, σύ-στᾱ-μα, φᾶ-μα. Les présents
δράω et πάομαι diminuent la valeur de δρᾶ-μα et πᾶ-μα.
Dans πό-μα, nous assistons à un empiétement de la forme faible,
mais en même temps πῶ-μα subsiste.

Latin grā-men (moy. ht-all. grüe-jen « virescere »), stā-men, effā-men,
lā-min-a.

Sanskrit dā-man, sā-man, sthā-man.

Thèmes masculins en -man (v. p. 131). Gr. στ-μων, [τλμων].
Goth. sto-ma -ins, blo-ma -ins. Skr. dā-mán.

Thèmes en -tar (v. p. 132). Skr. dā-tár, pā-tar « buveur »,
pā-tár « protecteur », sthā-tar etc. La langue hellénique n'a pas su
maintenir cette formation dans toute sa pureté. La perturbation
a été causée par les adjectifs verbaux en -τό qui de plus en plus
communiquent la forme faible aux noms d'agent. Homère emploie
encore parallèlement δο-τήρ, δώ-τωρ et δω-τήρ ; βο-τήρ,
βώ-τωρ
et συ-βώ-της (dans Sophocle βω-τήρ). A côté de βα-τήρ
on peut citer ἐμπυρι-βή-της, car il est bien probable que la formation
en -τᾱ s'est dirigée sur les anciens thèmes en -tar. Pour
expliquer le mot obscur ἀφήτωρ (Iliade IX 404), le scholiaste se
sert de πολυ-φή-τωρ. On a aussi ὀν-τωρ, mais l'adj. verbal fait
lui-même ὀνᾱτός. Dans στα-τήρ et πο-τήριον la forme faible est
installée. Hésychius a μα-τήρ· ἐρευνητής, ματηρεύειν· μαστεύειν,
de μαίομαι.

Latin mā-ter-ies (cf. skr. mā-trā) et mā-turus auquel on compare
le sl. ma-torŭ « senex », pō-tor, pō-culum = skr. pā-tram (il
faut dire que pŏ- n'existe pas). Les formations irrégulières ne
manquent pas, ainsi dă-tor, Stă-tor.137

Le sanskrit, dont le témoignage est le premier en importance,
ne connaît que la forme pleine ; le grec a plus généralement
la forme réduite, mais aussi la forme pleine ; le latin ne
décide rien. On peut donc affirmer sans témérité que la formation
régulière demande les longues Ā, ō, c'est-à-dire le double son
a1a, a1ō, soit l'état normal, comme pour toutes les racines. Cf.
du reste le § 13.

b. Racine pleine au degré 2.

Voici où se manifeste la réalité de la reconstruction ea
comme forme première de ā. Dans les formations où l'e radical
est remplacé par o (a2), le grec laisse apparaître à la place de l'α
long final, un ω 1167. Ces cas, disons-le tout de suite, ne sont pas fort
nombreux ; mais ils se répètent dans les racines où a est médial
(Ϝᾱγ : κυματ-ωγή), et nous croyons ne pas être trop hardi en mettant
l'au des parfaits sanskrits comme dadhaú en rapport direct
avec eux. Pour éviter de séparer les différentes formes du parfait,
nous ferons la justification de ce dernier point sous la lettre c.

Racine βᾱ : βᾶ-μα mais βω-μός ; cf. κέρμα, κορ-μός (p. 131
et 74).

Racine ψᾱ (ψάω, ψη-ρός) : ψω-μός. ψώω est un verbe forgé.

Le mot στῶ-μιξ « solive » permet de rétablir *στω-μο (στᾱ).

Racine φᾱ : fut. φ-σω mais φω-νή 2168 ; cf. τεί-σω, ποι-νή (p. 129
et 77). Néanmoins on a φ-μᾱ et non *φώ-μᾱ.

La racine γρᾱ « ronger » donne γρώ-νη « excavation ». Ici encore :
σμώ-νη « tumeur », si le mot vient de σμάω ; cf. σμώδιξ.

Devant le suff. -ra, χᾱ fait χω : χώ-ρα. Comme exemple servant
à établir que cette formation prend a2, je n'ai point d'autre
mot à citer que σφοδ-ρό-ς en regard de σφεδ-ανός. De même ψάω
fait ψώ-ρα 3169.

Si ᾱ, ω, ne sont pas des combinaisons de l'e, ces faits nous
apparaissent comme une énigme. L'ablaut qui s'effectue au moyen
138de l'o est par son essence même lié à l'existence d'un e 1170. Sans a1,
point de a2. D'où un ā aurait-il reçu le pouvoir de permuter avec
le son ō ? Il me semble que tout s'éclaircit au contraire si, ā étant
pour ea et comparable à la diphthongue ei, on ramène ō à oa en
l'assimilant à oi.

Il faut supposer de même l'existence d'une ancienne combinaison
o2o ; seulement elle n'est plus observable pour nous. Par
exemple dans δῶ-ρον, si nous jugeons d'après χώ-ρα de χᾱ, la
syllabe se décompose en do2o), tandis que le de δί-δω-μι représente
deo. — Ces différentes combinaisons sont incorporées au
schéma donné plus haut. V. aussi page 145.

Ce n'est que le plus grand hasard qui nous permet de surprendre
encore les vestiges si significatifs de la permutation ā : ō.
La langue des Hellènes est à cet égard presque l'unique lumière
qui nous guide. Et même pour elle, ces précieux monuments appartiennent
au passé. L'échange vivant entre les deux voyelles
a évidemment cessé depuis longtemps.

Le latin n'a point d'exemple assuré de l'ablaut ā1 : ā2. Il n'y
a pas lieu de s'en étonner : c'est tout juste si cette langue a gardé
quelques débris du grand échange a1 : a2. Mais on peut dire sans
crainte de se tromper que ā2 en Italie serait distinct de ā1 aussi
bien qu'en Grèce.

En germanique au contraire la différence n'est plus possible :
ā1 comme nous savons, devient ō ; ā2 de même. L'anglo-saxon
grōve, parf. greóv, serait, restitué sous une forme plus ancienne,
grō-ja, ge-grō. Des deux ō de ce verbe, le premier répond à l'ā du
lat. grā-men (ā1), l'autre est de même nature que l'ω de βω-μός
(ā2). Tout ce qui est vrai de l'ō germanique l'est aussi de l'a slave
et de l'o lithuanien. Ces phonèmes — qu'on peut réunir sous le
nom d'ā du nord, par opposition à l'ē de la même région — contiennent
encore ō1, et ō2, lesquels, étant confondus même en grec,
ne sont donc distingués nulle part l'un de l'autre. Exemple : sl.
da-ją, da-rŭ, cf. gr. δί-δω-μι, δῶ-ρον (ō1 et ō2, v. ci-dessus).

Avant de passer au degré affaibli des racines en a nous
ouvrons une parenthèse, afin d'envisager sans plus tarder la
question des racines qui en Europe finissent par e. Ces racines,
139en grec, font alterner la brève et la longue exactement comme
les racines en a et en o (ō). Laissant de côté préalablement le problème
de l'origine et de la composition de l'ē long, nous citons
quelques exemples des formations du degré 1. Singulier actif
du présent de la 3e classe (v. p. 147) : τί-θη-μι, ἵ-η-μι, δί-δη-μι.
Pour le singulier de l'aoriste actif, la formation en -κα de ἔθηκα,
ἕηκα, nous enlève des exemples ; il y a ἔ-σβη-ν si la racine est
σβη. Aoriste en -σα : ἔ-δη-σα, ἔ-νη-σα (?). Futur : θή-σω, ἥ-σω,
δή-σω
. Mots en -μα : ἀνά θη-μα, ἥ-μα, διά-δη-μα, νῆ-μα, σχῆ-μα
(rac. σχ-η). Mots en -μων : θη-μών, ἥ-μων. Les mots en -τήρ,
nous l'avons vu, ont suivi l'analogie des adjectifs verbaux en -τό.

Dans les formations du degré 2, on trouve ω.

Le véritable parfait de ἵημι est ἕ-ω-χα ; ἀφ-έωκα est rapporté
par Hérodien et par d'autres grammairiens. Il y a eu addition
de -κα sans modification de la syllabe radicale, v. p. 149. Les
tables d'Héraclée ont ἀνἑώσθαι 1171. Le verbe πί-πτ-ω forme son
parfait sur une racine apparentée πτη dont nous nous n'avons pas
à rechercher ici la formation ; πτη donne régulièrement πέ-πτωκα 2172.
Le participe πε-πτη-(Ϝ)ώς n'a pas et ne doit pas avoir ω.
Le prés. δίώκω permet de conclure presque à coup sûr à un ancien
parfait *δε-δίω-κα de διη (δίε-μαι) duquel il est né lui-même à
peu près comme ἀνώγω de ἄνωγα. Le parf. δεδίωχα (Curtius
Verb. II 191) est refait sur διώκω.

La racine θη fait θη-μών mais θω-μός ; cf. τέρμων, τόρμος.
ἄω-τον vient probablement de ἄη-μι ; cf. νόστος de νεσ (p. 76).

L'accord des langues européennes pour l'ē long est un fait
connu 3173. Dans les idiomes germaniques, à l'exception du gothique,
140ce phonème prend la forme de ā, mais la priorité de l'ē a été
reconnue de plus en plus depuis Jacobi (Beitr. zur deutschen
Gramm.). A la fin des racines, ē se montre principalement dans
gh1ē « aller », dhē « allaiter », « coudre », « mesurer », wē ἀῆναι,
« jeter, semer ». Exemples du degré normal : gr. κί-χη-μι, v. ht-all.
gā-m (cf. skr. ģíhīte, lat. fīo pour *fiho) ; gr. ἧ-μα, lat. sē-men,
v. ht-all. sā-mo, sl. sě-mę, lith. sě-men-s.

A l'ablaut grec η : ω (ἵημι : ἕωκα) répond exactement l'ablaut
du nord ē : ā (germ. lith. ō). C'est celui qu'on observe dans les
prétérits gothiques sai-so, vai-vo, lai-lo, venant de racines sē, vē,
. Le germ. dō-ma-, employé comme suffixe, ne diffère pas du gr.
θω-μό ; ē apparaît dans dē-di- « action ». En lithuanien on a pa-dó-na-s
« sujet », lequel vient très-probablement de la même racine dhē.

Le latin ici ne reste pas absolument muet : de la racine nē-dh
(νή-θ-ω), amplification de , il forme nōdus.

L'ē long, dans notre théorie, ne doit pas être un phonème
simple. Il faut qu'il se décompose en deux éléments. Lesquels ?
Le premier ne peut être que a1(e). Le second, le coefficient sonantique,
doit apparaître à nu dans la forme réduite (p. 135). La
forme réduite de θη, c'est θε. En conséquence on dira que ē est
fait de e + e. L'ō de θωμός alors représenterait o2 + e.

Cette combinaison o2e, nous la connaissons depuis longtemps.
C'est celle qui se trouvait dans le nom. pl. goth. vulfos, osq. Abellanōs,
et à laquelle nous avons donné le nom de ā2 (p. 91).

Cependant — et ici nous abordons la partie la plus difficile
et la plus obscure peut-être de notre sujet — on s'aperçoit en y
regardant de plus près que le témoignage du grec est sujet à caution
et que l'origine de l'ē long est un problème extraordinairement
complexe.

Une combinaison a1a1 parallèle aux combinaisons a1a, a1i,
a1n
etc. fait l'effet d'un de contre-sens. S'il y a une raison pour
que a1, avec son substitut a2, possède des attributions qu'aucune
autre sonante ne possède, pour que toutes n'apparaissent que
comme les satellites de ce phonème, comment admettre que ce
même a1 puisse à son tour se transformer en coefficient ?141

Le grec paraît être le seul idiome où les formes faibles
des racines en ē présentent e. Les principaux cas sont : θε-τός,
τίθε-μεν
 ; ἑ-τός, ἵε-μεν ; δε-τός ; δίε-μαι ; μέ-τρον ; ἐ-ρρέ-θην, ἄ-σχετος,
ἄ-πλε-τος
. En Italie que trouve-t-on ? La racine européenne
se fait au participe să-tus. A côté de rē-ri on a ră-tus, à côté de
fē-lix et fē-tus, af-fă-tim suivant l'étymologie de M. Pick. De la
racine dhē « faire » vient fă-c-io 1174 (Curtius), de la rac. (dans
vē-lum, e-vē-lare) va-nnus.

Les langues du nord ont renoncé le plus souvent aux formes
faibles des racines en ā et en ē. Il y a donc peu de renseignements
à espérer de ce côté-là, mais ce qui reste confirme le témoignage
du latin. M. Fick rapporte en effet à blē « souffler »
(anglo-s. blāvan) le germ. blă-da- « feuille » et à « metere »
(anglo-s. māvan) mă-þa- « ver ». Suivant quelques-uns le goth.
gatvo « rue » appartient à « aller ». En lithuanien donne matůti
« mesurer ». Peut-être est-il permis aussi de nommer sl. doją
= goth. da[dd]ja de dhē « allaiter ». Quant au goth. vinds, lat.
ventus, c'est une forme qui peut s'interpréter de plusieurs manières
et qui n'établit nullement que fasse au degré réduit we.

Dans le grec même on peut citer à la rigueur κτάομαι et
χράομαι de κτη et χρη (Ahrens II 131), τι-θᾰ-σός de θη (Grdz.
253), ματίον qui aurait signifié petite mesure (v. le Thésaurus
d'Etienne) et qui dans ce cas ne peut venir que de « mesurer »,
σπ-νις en regard du lat. pē-nuria.

On pourrait invoquer, pour établir que les formes faibles
ont eu e dès l'origine, les racines secondaires, ou passant pour
telles, comme med de . Mais il s'agirait alors de démontrer
dans chaque cas que la racine est bien réellement secondaire. Si
elle remonte à la langue mère, nous considérons le type me-d et
le type (= me + a) comme deux rejetons également anciens
du tronc *me-. La racine germanique stel « dérober » est censée
sortir de stā (p. 65). Or cette dernière racine n'apparaît nulle
part sous la forme stē. On voit par là quel fond l'on peut faire
sur ces racines secondaires, pour déterminer le vocalisme de nos
racines en ē.

Il ressort de ce qui précède que la voyelle des formes réduites
142de nos racines diffère en tous cas de ce qu'on appelle l'e
européen. D'autre part nous ne voudrions pas identifier l'a de
satus directement au phonème a. Ce n'en est, croyons-nous,
qu'une modification (v. p. 178 seq.).

On observe entre l'ē et l'ā longs des langues d'Europe
des variations surprenantes, inconnues pour les voyelles brèves
correspondantes.

ā en grec et en germanique : ē en latin et en letto-slave.
Gr. ἐ-φθᾱ-ν, φθ-σομαι ; v. ht-all. spuon : lat. spēs, sl. spě-ją

ā en gréco-italique et en letto-slave : ē en germanique.
Lat. stā-men ; gr. ἵ-στᾱ-μι ; sl. sta-ti : v. ht-all. stē-m, stā-m
(mais aussi sto-ma, -ins, en gothique).
Lat. tā-b-es ; sl. ta-ją : anglo-saxon Þā-ναn (= *Þē-jan).
À l'intérieur du mot : gr. μκων, sl. makŭ : v. ht-all. māgo.

ē en grec et en letto-slave : ā en germanique, etc.
Gr. τί-θη-μί, sl. děti : v. ht-all. tuo-m (mais aussi tā-t).
Gr. μῆ-τις : goth. mo-da-.
Lat. cēra ; gr. κηρός : lith. kóris (F. I3 523).

Il faut mentionner encore le v. ht-all. int-chnāan en regard du
gréco-it. gnō et du sl. zna- (connaître).

Entre le grec et le latin la même instabilité de l'ā long s'observe
dans plusieurs cas :

Gr. θρᾶ-νος, lat. frē-tus, frē-num. Gr. βᾶ-μεν, lat. bē-t-ere.
Dans l'intérieur de la racine : gr. ἠμί, lat. ājo ; gr. ἦμαι, lat. ānus
(Grdz. 381). A l'η panhellène des noms de nombre πεντήκοντα,
έξήκοντα
(Schrader Stud. X 292), est opposé en latin un a : quinquāginta,
sexāginta.

Les cas que nous venons de voir amènent à cette conclusion,
qu'il est quasi impossible de tirer une limite fixe entre l'ā et l'ē
européens. Dès une époque reculée la répartition des deux
voyelles était accomplie très-certainement pour un nombre de
cas déterminé, et ce sont ces cas qu'on a en vue quand on parle
de l'ē, de l'ā européen. Mais, je le répète, rien n'indique entre ē et
ā une différence foncière et primordiale. — Qu'on se rappelle maintenant
les faits relatifs à la forme réduite des racines en ē, le
143participe latin sa-tus de etc., qu'on pèse aussi les considérations
théoriques développées en commençant, et l'on ne sera pas éloigné
peut-être d'admettre la supposition suivante : les éléments de l'ē
seraient les mêmes que ceux de l'ā, leur formule commune étant a1+ a.

Nous ne sommes pas en état de donner les règles suivant
lesquelles la soudure des deux phonèmes a engendré tantôt ē tantôt
ā. Nous faisons seulement remarquer qu'une telle hypothèse
ne lèse point le principe de phonétique en vertu duquel le même
son, placé dans les mêmes conditions, ne peut donner dans un
même dialecte deux produits différents. Il s'agit en effet de
voyelles consécutives (a1 + a) qui ont subi une contraction. Qui
voudrait nier que bien des facteurs dont nous ne savons rien, telle
nuance d'accent dont la plus imperceptible suffisait pour modifier
le phénomène 1175, ont pu être en jeu dans cette contraction ?

Il découle de l'hypothèse que l'ω de βωμός et l'ω de θωμός
sont identiques.

Quant à l'époque de la contraction, c'est une question
que nous avons déjà rencontrée à propos du nom. pl. vulfos et
autres cas de ce genre p. 91. Toutes les fois qu'on observe une
variation entre l'ē et l'ā comme pour le sl. spě- en regard du germ.
spō-, ce sera pour nous l'indice que la contraction est relativement
récente 2176. Mais l'histoire du phénomène se décompose très-probablement
144en une série d'époques successives dont la perspective
nous échappe. Rien n'empêcherait d'admettre par exemple
que la rac. « souffler » ou le mot bhrāter « frère » aient opéré la
contraction avant la fin de la période proethnique.

Pour ce qui concerne l'ε des formes grecques comme θε-τóς,
il sera plus facile de nous faire une opinion à son sujet, lorsque
nous en viendrons à l'i indien comme représentant d'un a bref. Il
suffit pour ce qui suit de remarquer que cet i est la voyelle qu'il
faut attendre en sanskrit dans toute forme réduite d'une racine
en ā. Abordons maintenant, en y faisant rentrer les formes des
racines en ē, l'étude du degré réduit. 1177

c. Etat réduit.

Dans les deux premières formations verbales que nous
aurons à considérer il y a alternance de la racine réduite et de la
145racine pleine. La forme pleine (qui n'apparaît qu'au singulier de
l'actif) est au degré 1 pour le présent (2e et 3e classe), au degré 2
pour le parfait.

Présent de la 2e classe. Comparez
tableau skr. | ás-mi | εἶ-μι | φᾱ-μί | phea-mi | ás-(s)i | εἶ-ς | φ-ς | phea-si | ás-ti | εἶ-σι | φᾱ-τί | phea-ti | s-más | ἴ-μες | φᾰ-μές | pha-mes

On le voit, la racine phea ou pha1a ne se comporte pas autrement
que la racine a1i, la racine a1s ou n'importe quelle autre
racine. ἐπί-στα-μαι, verbe déponent, présente l'α bref régulier.
Curtius Verb. I2 148.

Le sanskrit a presque complètement perdu la forme faible ;
voy. plus bas.

Pour l'aoriste non-thématique, qui est un imparfait de la
2e classe, M. J. Schmidt (K. Z. XXIII 282) nous semble avoir
prouvé surabondamment ceci : toutes les formes grecques qui
n'appartiennent pas au singulier de l'actif et qui ont une longue,
ainsi ἔ-στᾱ-μεν, sont des formes secondaires faites sur le modèle
de ce singulier, à moins qu'il ne s'agisse d'un genre de racines
spécial, les racines à métathèse comme πλη. L'a bref est conservé
entre autres dans β-την de ἔ-βᾱ-ν, φθ-μενος de ἔ-φθᾱ-ν, dans
ἔ-δο-μεν, ἔ-θε-μεν, εἶ-μεν 1178. En même temps M. Schmidt affirme
le parallélisme si important de l'ā long du singulier avec la « gradation »
telle qu'elle se trouve dans εἶμι en regard de ἴμεν. Dans
l'aoriste même, nous connaissons maintenant des formes grecques
à gradation ; ce sont celles qu'a découvertes M. Brugman (v. Beiträge
de Bezzenberger
II 245 seq. et ci-dessus p. 21), ainsi ἔ-χευ-α
en regard de ἔ-χυ-το.

Schleicher, dans son Compendium, reconnaît la quantité
variable de l'a. M. Curtius, tout en l'admettant pour le présent
et l'imparfait, est d'avis que l'aoriste ne connaissait originairement
que la voyelle longue. Mais pouvons-nous mettre en doute
l'identité formelle de l'aoriste avec l'imparfait ? Pour ce qui est
de l'ā long persistant des formes ariennes, l'aor. á-pātām n'est,
146bien entendu, un argument à faire valoir contre la primordialité
de β-την qu'à la condition de regarder aussi le présent φᾱμί φᾰμέν
comme une innovation par rapport à
pāmi pāmás. Il existe du reste
en sanskrit des restes de la forme faible restreints, il est vrai, au
moyen : de dhā a-dhī-mahi et peut-être dhī-mahi (Delbrück p. 30),
de (sā-t, sā-hi) sī-mahi, de , au présent, mī-mahe (v. Böhtl.-Roth).
Puis les formes incorporées dans le paradigme de l'aoriste
en s comme ásthita et ádhita que cite M. Curtius 1179.

Présent de la 3e classe. La flexion grecque de ἵ-στᾱ-μι,
ἴ-σᾱ-μι, (cf. σᾶ-μα), δί-δω-μι, τί-θη-μι, ἵ-η-μί, est toute pareille à
celle de φᾱ-μί. Le lat. dă-mus, dă-te etc. reflète la forme faible.
La 2e pers. dās paraît avoir suivi la 1e conjugaison. L'équivalent
de δίδως serait *dōs.

Ici le paradigme indien n'a point perdu les formes réduites :
ģá-hā-mi, ģá-hā-si, ģá-hā-ti ; pluriel ģa-hī-más etc. ; duel ģa-hī-vás.
Au moyen on a, de l'autre racine (s'en aller), ģí-hī-še, ģí-hī-te,
ģi-hī-mahe
etc. Ainsi se fléchissent encore « mesurer » et dans
le Véda les racines çā « aiguiser », çā « donner », (rirīhi) id. La
rac. « aller » conserve partout la forme pleine, uniformité qui,
d'après tout ce que nous pouvons observer, doit être hystérogène.
C'est ainsi que dans le dialecte védique « abandonner » a perdu
lui-même la forme faible. — Sur dadmás et dadhmás, v. p. 179.

Parfait. L'au du sanskrit dadhaú (3e pers. sing.) nous
semble fournir un nouvel indice de la variété primitive des a
ariens. Si l'on met en regard dadhaú et ἕω[-κε], áçvau et ἵππω
(dvaú et δύω, nau et νώ), ašṭaú et ὀκτώ, on se persuadera qu'il y
a une espèce d'ā qui en sanskrit se change en au à la fin du mot,
et que cette espèce d'ā résulte d'une combinaison où se trouvait
a2. Les formes védiques qui sont écrites par ā comme paprā, áçvā,
indiquent simplement une prononciation moins marquée dans le
sens de l'au (peut-être ā°). Partout ailleurs qu'à la fin du mot la
voyelle en question est devenue ā : dvādaça en regard de dvaú,
dadhātha en regard de dadhaú. Dans ukšā, hótā, sákhā (v. § 12) la
147non apparition d'au peut s'expliquer 1° par le fait que n, r, i, ont
persisté, très-probablement, à la suite de l'ā jusqu'à une époque
relativement peu reculée — on a même prétendu trouver dans le
Véda des traces de l'n et de l'r — , 2° par la considération que l'ā
de ces formes est un a2 allongé et non une combinaison de a2. —
Pour les premières personnes du subjonctif telles que áy-ā (= gr.
εἴ-ω, v. p. 127), la seconde des deux raisons précitées serait peut-être
valable. Du reste ces formes ne sont connues que dans un
nombre restreint d'exemples védiques et il se pourrait que l'ā y
fût de même nature que dans paprā, áçvā.

Déterminer les formes primitives est du reste une tâche
malaisée. L'hypothèse que la désinence de la 1e personne du parfait
actif est -m (v. p. 72, 42) repose sur une invraisemblance : il
faut admettre, nous l'avons vu, que deux personnes distinguées
l'une de l'autre par leur forme, le germ. *vaitun et vait, se sont
réunies par analogie dans une seule. Si incompréhensible que soit
ce phénomène, la nasale est indispensable pour expliquer les
formes vaivo, saiso, dont nous nous occupons. Sans elle le gothique
ferait *vaiva, *saisa, et ce sont en effet ces formes qu'il faut rétablir
pour la 3e personne. L'identité de la 1e et de la 3e pers.
consacrée dans les autres prétérits amena une réaction qui cette
fois fit triompher la première. En sanskrit *dadham a cédé au
contraire à dadhaú : dadhaú lui-même remonte à dhadhá2aa1. —
Les Grecs ont dû dire d'abord *ἕων et *ἕω. Nous soupçonnons
dans πέφη· ἐφάνη (Hes.), de la rac. φᾱ qui se retrouve dans πεφήσεται,
άμφᾰδόν, un dernier reste de ces formes antiques 1180. Il est
visible que le sing. *βέβην (*βέβηθα) *βέβη, *ἕων (*ἕωθα) *ἕω,
doit sa perte à la trop grande ressemblance de sa flexion avec
celles des aoristes et des imparfaits, et c'est là aussi ce qui a produit
le premier germe des innombrables formations en -κα. Jusqu'au
temps d'Homère (Curtius Verb. II 203, 210) on peut dire
que les formes en -κα n'ont pas d'autre emploi que d'éluder la
flexion *βέβην *βέβηθα *βέβη : elles n'apparaissent que si la
racine est vocalique, et, dans le verbe fini, presque uniquement
148au singulier. A aucune époque le moyen ne les admet. — Dans
les 3es personnes comme βέβᾱ-κε, ἕω-κε on obtient en retranchant
l'appendice -κε le type pur du grec très-ancien. — Pour les conjectures
qu'on peut faire sur la substitution d'η et d' à ω dans
τέθηκα, βέβᾱκα etc. nous pouvons renvoyer à la page 154.

Le moyen grec ἕ-στᾰ-ται, δέ-δο-ται, πέ-πο-ται etc. conserve
la forme faible pure. A l'actif (pluriel, duel, participe) on a un
certain nombre de formes comme ἕ-στά-μεν etc., βε-β-μεν (inf.),
τέ-τλᾰ-μεν. Curtius Verb. II 169 seq. Comparez δεί-δί-μεν δεί-δοι-κα
et ἕ-στά-μεν ἕ-στη-κα (pour *ἕ-στω-κα).

Les formes faibles du sanskrit présentent un état de choses
singulier. L'i qui précède les désinences et qui apparaît aussi devant
le v du suffixe participial (tasthimá, dadhisé, yayivān) est constamment
un i bref. On a par exemple papimá, papivān en regard
de pī-ta, pī-tí, pipī-šati 1181. L'i serait-il la même voyelle de liaison
que dans pa-pt-imá etc. ; et l'a radical a-t-il été élidé devant elle ?
Tant qu'on ne connaîtra pas la cause d'où dépend la quantité de
l'i final de nos racines, il sera difficile de trancher cette question.

Présent en -ska (v. p. 22). Grec βό-σκω, φ-σκω.

Thèmes nominaux en -ta (cf. p. 14, 23). Formes indiennes
offrant un i bref : ćhi-tá « fendu » (aussi ćhātá), di-tá « attaché » de
dans dāman etc., di-tá « coupé » de dā dāti (on trouve aussi
diná, dāta et en composition -tta), mi-tá « mesuré » de mā māti,
çi-tá (aussi çāta) « aiguisé » de çā çíçāti (f. fble çíçī), sthi-tá de sthā
« se tenir debout ». Le part, si-tá « attaché » vient de se (d'où entre
autres sišet) plutôt que de (dans sāhi). — Formes offrant un ī
long : gī-tá « chanté » de gā gāyati, dhī-tá de dhā dháyati (inf. dhā-tave),
pī-tá « bu » de pā pāti, sphī-tá de sphā sphāyate « croître ». La
formation en -tvā étant parallèle aux thèmes en -tá, nous mentionnons
hī-tvá (aussi hi-tvā) de hā ģáhāti « abandonner » dont le
participe fait hī-ná ; cf. ģàhita et uģģhita. — L'ā s'est introduit
dans quelques exemples comme rā-tá de rā rāti, malgré rirīhi et
autres formes contenant l'i. Sur dhmātá, trātá etc., v. le chap. VI.

Formes grecques : στᾰ-τός, φᾰ-τός, εὔ-βο-τος, δο-τός, πο-τός,
σύν-δε-τος, συν-ε-τός, θε-τός
. J. Schmidt loc. cit. 280.149

Formes latines : că-tus = skr. çitá, stă-tus, dă-tus, ră-tus, sătus.
Cf. făteor de *fă-to-, nătare de *na-to.

En gothique sta-da- « lieu ».

Thèmes nominaux en -ti (cf. p. 15, 23). Sanskrit sthí-ti,
pī-tí « action de boire » ; pī-ti « protection » dans nŕ̥-pīti, sphī-tí à
côté de sphā-tí, etc. — Grec στ-σις, φ-τις, χ-τις (Hes.) d'où
χᾰτίζω, βό-σις, δό-σις, πό-σις, mais aussi δώ-τις (inscr.) et ἄμ-πω-τις,
δέ-σις, ἄφ-εσις, θέ-σις
. — Latin stă-tio, ră-tio, af-fă-tim
(p. 142).

Thèmes nominaux en -ra (cf. p. 157). Sanskrit sthi-rá
(compar. sthéyas) de sthā, sphi-rá de sphā, nī-rá « eau », v. p. 101.

L'ī est comme on voit le seul représentant indien de l'a bref
finissant une racine
, sauf, à ce qu'il semble, devant les semi-voyelles
y et v, où l'a peut persister comme dans dáyate qu'on
compare à δαίομαι, dans gá-v-ām = βο-Ϝ-ῶν (v. § 12). L'a de
dádamāna n'est pas le continuateur d'un a indo-européen : il indique
simplement que la forme a passé dans la flexion thématique.
Sur l'a de madhu-pá-s v. p. 177. — Le zend a tellement
favorisé les formes fortes des racines en ā (ex. : dāta, -çtāiti, en regard
du skr. hitá, sthíti) que c'est à peine si l'on peut encore constater
que l'i dont nous parlons est indo-iranien. On a cependant
vī-mita, zaçtō-miti de « mesurer » et pitar « père » 1182. L'i existe
aussi dans l'anc. perse pitā. Il est à croire que les formes comme
fraorenata et pairibarenaṅuha que M. Justi place dans la 9e classe
verbale sont en réalité thématiques. Leur a ne correspond donc
pas à l'ī sanskrit.

II. Racines contenant un ā médial.

Les phonèmes a et o, suivis d'une consonne, ne se comportent
pas autrement que lorsqu'ils terminent la racine. Le rapport
de λᾱθ à στᾱ est à cet égard celui de πευθ à πλευ ou de δερκ
à φερ.

C'était donc une inconséquence de notre part que de dire,
au chap. IV : les racines dhabh, kap, tout en disant : la racine stā ;
150c'est dhābh, kāp (= dha1abh, ka1ap) qui sont les vraies racines.
Mais cette notation, avant d'être motivée, n'aurait pu que nuire
à la clarté.

C'est en grec que le vocalisme des racines contenant un a
médial s'est conservé le plus fidèlement. Celles de ces racines
qui finissent par une sonante, ainsi θᾱλ, δᾱυ, ne seront pas comprises
dans l'étude qui suit. Elles trouveront une mention à la
fin du paragraphe. — Tout d'abord nous devrons déterminer la
forme exacte des principales racines à considérer. Il est fréquent
que des phénomènes secondaires la rendent à peu près méconnaissable.

Nous posons en principe que dans tout présent du type μανθάνω on
a le droit de tenir la nasale de la syllabe radicale pour un élément étranger
à la racine, introduit probablement par épenthèse. Bien que la chose ne
soit point contestée, il est bon de faire remarquer que les présents comme
λίμπάνω, πυνθάνομαι, dans lesquels la nasale, d'après ce qui est dit p. 125,
ne peut pas être radicale, rendent à cet égard le doute impossible.

I. 1. Rac. σϜαδ. La nasale n'apparaît que dans ἁνδάνω pour *ἁδνω.
Il n'est donc pas question d'une racine σϜανδ. 2. Rac. λᾱθ, prés. λανθάνω.
Même remarque. Cf. p. 61. 3. Rac. λᾱφ. Le prés. λαμβάνω se ramène
à *λαφνω 1183. La thèse de M. J. Schmidt (Voc. I 118) est : 1° que la
nasale de λαμβάνω est radicale ; 2° que λήψομαι, ληπτός, sont sortis des
formes nasalisées que possède le dialecte ionien : λάμψομαι, λαμπτός etc.
On pourrait demander, pour ce qui est du second point, pourquoi la même
transformation ne s'est pas accomplie dans λάμψω (de λάμπω), dans κάμψω,
γναμπτός, κλάγξω, πλαγκτός
etc. Mais ce serait peut-être trancher, à propos
d'un cas particulier, une question extrêmement vaste. Nous devons
donc nous contenter ici d'avancer que toutes les formes du verbe en question
peuvent se rapporter à λᾱφ, que plusieurs en revanche ne peuvent
pas être sorties de λαμφ. De l'avis de M. Curtius, les formes ioniennes,
tirent leur nasale du présent par voie d'analogie. 4. Racine θᾱφ. De
quelque façon qu'on doive expliquer θάμβος (= *θαφνος ?), l'aor. ἔτᾰφον
et le parf. τέθᾱπα indiquent que la nasale n'est pas radicale. Le rapprochement
du skr. stambh est douteux, vu les phénomènes d'aspiration des mots
grecs.

II. Racines qu'il faut écarter. 1. A la page 103 nous avons ramené
λαγχάνω à une racine λεγχ. On s'explique facilement la formation de εἴληχα
à côté de l'ancien λέλογχα par le parallélisme de λαγχάνω, ἔλαχον
(= λn̥χνω, ἐλn̥χον) avec λαμβάνω, ἔλαβον (= λaβνω, ἐλaβον). 2. χανδάνω
pour χαδνω (= χn̥δνω) vient de χενδ, comme le prouve le fut. χείσομαι.
151Le parfait n'est pas si bien conservé que pour λεγχ : il s'est dirigé sur le
présent et fait κέχανδα au lieu de *κέχονδα. — Les formes grecques se
rattachant à δάκνω conduiraient à une racine δᾱκ ; mais les formes indiennes
sont nasalisées. Or nous ne pouvons pas admettre de racine dank
(v. p. 182). Il faut donc supposer que la racine est da1nk. Alors δάκνω,
ἔδακον, sont pour δn̥κνω, ἐδn̥κον, et toutes les autres formes grecques,
comme δήξομαι, δῆγμα, sont engendrées par voie d'analogie. Mais par là
même on est autorisé à s'en servir, en les faisant dériver d'une racine
fictive δᾱκ. L'a du v. ht-all. zanga, d'après ce qui précède, est un a2,
non un a.

III. Il y a des couples de racines dont l'une a n ou m, l'autre a pour
coefficient sonantique, ex. : g2a1m et g2a1a « venir ». Les seules qui nous
intéressent ici sont celles du type Β (p. 8). 1. Le grec possède à la fois
μενθ, prouvé par μενθῆραι, et μᾱθ, prouvé par ἐπι-μᾱθής. Les formes
faibles comme μαθεῖν, μανθάνω (*μαθνω) peuvent, vu le vocalisme grec,
se rapporter aux deux racines. 2. βενθ (βένθος) et βᾱθ (βῆσσα) ; βαθύς
peut appartenir à βενθ aussi bien qu'à βᾱθ (v. p. 24). 3. πενθ et πᾱθ (cf.
p. 61). Quoique les formes πήσομαι = πείσομαι et πήσας = παθών ne reposent
que sur de fausses leçons, l'existence de πᾱθ est probable pour deux
raisons ; 1° πεν-θ suivant l'opinion très-vraisemblable de M. Curtius, est
une amplification de πεν. Or, à côté de πεν, nous avons πη ou πᾱ dans
πῆ-μα 1184. 2° Si les α de πάσχω, παθεῖν etc. peuvent s'expliquer par une rac.
πεν-θ, en revanche l'a du lat. pa-t-ior suppose nécessairement une base
et non pen 2185.

IV. Parmi les racines mal déterminées dont nous parlions à la p. 69,
celle de πήγνυμι n'est peut-être pas un cas désespéré. Il n'est pas trop
hardi de s'affranchir de la nasale du parfait gothique *fefanh (faifāh) et
de la rapporter comme celle du lat. panxi (cf. pepigi) à la formation du
présent que présente le grec πήγνυμι. Ainsi nous posons la racine pāg (ou
pāk). En outre, pour ce qui regarde le grec, nous disons qu'il n'y a pas eu
infection de la racine par la nasale du suffixe, que πήξαι par exemple n'est
pas pour « παγξαι ». Ceci revient à contester que πήγννμι soit pour
152*παγνυμι, *παγγνυμι, comme le veut M. J. Schmidt (Voc. I 145). Voici
les raisons à faire valoir : 1° Bien que la règle doive faire en effet attendre
*πᾰγνυμι, les cas comme δείκνυμι, ξεύγνυμι, montrent de la manière la
plus évidente qu'il y a eu devant -νυ, introduction secondaire de la forme
forte. M. Schmidt, il est vrai, tient que ει, ευ, sont eux-mêmes pour ιν, υν,
mais sur ce point l'adhésion de la plupart des linguistes lui a toujours fait
défaut. 2° D'après la même théorie, ῥήγνυμι serait pour *ῥᾰγνυμι (cf.
ἐρργην). Donc les Doriens devraient dire γνυμι, mais ils disent, au
présent
(Ahrens II 132), ῥήγνυμι. Cela établit l'introduction pure et simple
de la forme forte.

La loi qui préside à l'apparition de l'ā long ne se vérifiera
pas pour toutes les racines. Certains verbes, comme θάπτω ou
λάπτω, ont complètement renoncé à l'ā long. Nous reviendrons
sur ces cas anormaux (v. p. 157 seq.).

Nous passons à l'examen des principales formations verbales.
Sauf une légère inégalité au parfait actif, le verbe λθω
conserve le paradigme dans sa régularité idéale. Comparez
tableau φεύγω | ἔφυγω | πέφευγα | πεφευγμένος | φεύξομαι | φυκτός | λθω | ἔλᾰθον | λέλᾱθα | λελᾰσμένος | λσομαι | -λᾰστος | leathō | elathon | leleatha | lelasmenos | lea(th)somai | lastos 1186

Présent de la 1e classe (cf. p. 126). Outre λ-θ-ω, on a
θγω, κδω, τκω, δομαι, puis σήπω et τμήγω dont l'η, vu
ἐσάπην et τμάγεν, représente , et sans doute aussi δήω. Avec o :
κλώθω, τρώγω, φώγω ; de plus ρώ(σ)ομαι, χώ(σ)ομαι (p. 173).
Curtius Verb. I2 228 seq. Sur le prés. δήκω v. ibid.

Aoriste thématique (cf. p. 9, 20). En regard des présents
λθω, δομαί, *τμγω (τμήγω) on a : ἔ-λαθο-ν, ε-ὔᾰδο-ν, δι-έ-τμᾰγο-ν.
Il est permis de restituer à πτᾰκών un présent *πτκω.
La longue de πτήσσω est incompatible en principe, avec la formation
en -yω. L'origine récente de ce présent est donc aussi
transparente que pour φώζω à côté de φώγω. La longue des
présents fait défaut pour ἔ-λᾰβο-ν, ἔ-λᾰκο-ν, simplement parce
que ces présents ne suivent point la 1e classe ; au parfait l' long
153reparaîtra. De ζως vient ξούσθω pour ζοσέ-σθω (Grdz. 611).
Sur les aoristes isolés tels que ἔφαγον v. p. 161.

L'aoriste thématique redoublé (cf. p. 10, 20) a le même
vocalisme radical que l'aoriste simple : λέ-λᾰθο-ν, λε-λᾰβέ-σθαι,
λε-λκο-ντο, πε-πᾰγο-ίην (Curtius Verb. II 29). Au contraire
ἐ-μέ-μηκο-ν est un plus-que-parfait (ibid. 23).

Même affaiblissement à l'aoriste du passif en -η (cf.
p. 46 i. n.) : de σᾱπ ἐ-σπη-ν, de τᾱκ ἐ-τκη-ν, de τμᾱγ τμγε-ν.
De Ϝᾱγ, Homère emploie à la fois γη et ἐ-γη.

A l'aoriste non-thématique (cf. p. 21, 146) σ-μενος est
à σϜᾱδ ce que χύ-μενος est à χευ.

Parfait. Aux principaux présents à voyelle longue cités
ci-dessus correspondent les parfaits λέ-λᾱθ-α, κέ-κᾱδ-α, τέ-τᾱκ-α,
ἕ-ᾱδ-a
(lié par le sens à άνδάνω), σέ-σηπ-α, soit *σέ-σᾱπ-α.
— Répondant à des présents de diverses formations qui contiennent
une voyelle longue : με-μηκ-ώς (μηκάομαι), ἕ-πτηχ-α
(πτησσω), ἕ-ᾱγ-α (ἄγνυμι), πέ-πηγ-α (πήγνυμι) etc. — Répondant
à des présents de diverses formations qui contiennent une voyelle
brève : λέ-ληκ-α (λάσκω), εἴ-ληφ-α (λαμβάνω), κέκηφε Hes.
(κάπυω) et d'autres, comme πέφηνα, qui se trouvent appartenir
au genre de racines dont nous faisons abstraction provisoirement
(v. p. 151). Le parf. τέ-θηπ-α n'a point de présent proprement dit.

Soit à l'aoriste, soit ailleurs, les racines de tous les parfaits
précités présentent quelque part un α bref. La longue au parfait
singulier est normale, puisque cette formation veut la racine
pleine. Mais nous avons ā1, et la règle demande ā2. on devrait
trouver « λέλωθα » etc. de même que pour les racines finissant par
ā on attendrait « βέβωκα, ἕστωκα » etc. (p. 149). C'est là un des cas
assez fréquents où le phonème ā2 manque à l'appel et où il est
difficile de décider comment au juste il a dû disparaître. Est-ce
que, avant la contraction, ea s'est substitué à oa ? Nous voyons
de même la diphthongue ου, sur le point de périr, se faire remplacer
par ευ. Y a-t-il eu au contraire une réaction du présent sur
le parfait postérieure à la contraction ? On pourrait recourir à
une troisième conjecture : la présence de a2 à la première personne
n'étant garantie par aucun fait décisif (p. 72), la flexion
primitive a peut-être été : 1e p. λέλᾱθα, 3e p. *λέλωθε ; plus tard
l' se serait généralisé. Quoi qu'il en soit, nous possédons encore
154des vestiges de l'ω du parfait qui ne semblent point douteux : ce
sont les formes doriques τεθωγμένοι· μεμεθυσμένοι, τέθωκται·
τεθύμωταί
(Hes.) de θγω. 1187 L'ω s'est communiqué à l'aoriste
dans θῶξαι, et θωχθείς (Ahrens II 182). Du reste, même dans
τέθ-ωκται et τεθωγμένοι, il ne peut être qu'emprunté au singulier
de l'actif qui, par hasard, ne nous est pas conservé. De plus, à
côté de Ϝάναξ, on a le parf. ἄνωγα. Cette forme sans doute
pourrait être plus probante si l'on en connaissait mieux la racine.

Au pluriel, au duel, au participe, et dans tout le moyen l'
long ne peut pas être ancien. La flexion primitive était : τέθᾱγα
ou τέθωγα, τέθωγας, τέθωγε, *τέθᾰγμεν, *τεθᾰγώς ; moy. *τεθᾰγμαί.
Les témoins de la forme faible sont les participes
féminins homériques λελᾰκυῖα, μεμᾰκυῖαι ; on peut citer aussi
τεθᾰλυῖα, σεσᾰρυῖα et ἀρᾰρυῖα (Curtius Verb. II 193). Le masculin
a toujours η, peut-être en raison des exigences du vers. En
tous cas cette différence n'est pas originaire. — A côté de κέκηφε,
on a κεκᾰφηώς, et le moyen de λέληθε est dans Homère λέλᾰσται,
part. λελᾰσμένος.

Aoriste sigmatique et futur (cf. p. 128 seq.). Les formes
sont régulières : λσομαι de λθω ; τξω de τκω ; ἥσατο (Hom.)
de δομαι ; πξω, ἔπᾱξα de πγνυμι ; ἔπτᾱξα de πτσσω ; — δξομαι,
ἐδηξάμην (dans Hippocrate d'après Veitch) de δάκνω ; λψομαι
de λαμβάνω.

Parmi les formations nominales, nous considérons d'abord
celles où se montre ā2. Cf. p. 181.

Thèmes en -o et en . De Ϝᾱγ « briser », κυματ-ωγή.
Malheureusement on pourrait supposer une contraction de κυματο(Ϝ)αγη ;
mais la même racine donne encore ἰωγή (Grdz. 531).
La racine qui est dans le lat. capio forme κώπη. Λώβη en regard
de lābes (les deux mots ne peuvent guère être identiques). De
μᾱκ, dans μᾱκοάω (et non μακκοάω, v. Pauli K. Z. XVIII 14, 24),
vient μῶκος ; de πτᾱκ, πτωχός. De θαάσσω, θόωκος. Sous le
rapport du vocalisme radical, le gr. ὠμός est au lat. ămarus ce
que -λοιχός par exemple est à λιχανός. Α ψήχω appartient
ψώχος· γη ψαμμώδης ; l'α se trouve dans ψᾱκτήρ etc. 2188 Si l'on
155rattache ὠχυς à la rac. κ, il a ā2. L'ω de ἀγωγός et ἀκωκή aurait
une plus grande valeur sans la réduplication.

Thèmes sans suffixe. De même que φλεγ donne φλόξ, de
même πτᾱκ donne πτώξ. De θᾱπ ou θᾱφ « admirer » vient θώψ « le
flatteur » comme cela ressort de θήπων· ἐξαπατῶν, κολακεύων,
θαυμάζων
et d'autre part de cette définition de θώψ : ὁ μετὰ
θαυμασμοῦ ἐγκωμιαστής
(Hes.). Le verbe θώπτω ne peut être
qu'un dérivé de θώψ comme πτώσσω l'est de πτώξ.

Thèmes de diverses formations. A côté de ἀχλύς : ὠχρός ;
cf. χώρα (p. 138). A côté de λάγνος : λωγάς· πόρνη ; cf. ὁλκάς,
νομάς, σποράς, τοκάς
etc. M. Bugge (Stud. IV 337) rapporte
νώγαλον « friandise » à un verbe qui a dû être en germanique
*snaka, *snōk. On a réuni κνώδαλον (et κνώδων) à κναδάλλεται·
κνήθεται
 ; toutefois κνώψ, κνωπεύς, en sont bien voisins. Πρωτεύς
vient peut-être de la rac. prāt qui est dans le goth. fraþjan.

Les exemples de pour ω ne manquent pas : θᾱγ donne θηγός,
θᾱπ θηπόν·θαυμαστόν ; τᾱγ τᾱγός (cf. ἐτγην), Ϝᾱγ forme, en
même temps que κυματ-ωγή, ναυ-ᾱγός et ἠγόν· κατεαγός.

De même, φερ donnant φορέω, λᾱκ devrait donner « λωκέω ».
La forme réelle est (ἐπι)ληκέω : elle est régulière pour la quantité
de la voyelle, irrégulière pour sa qualité. Même remarque pour
γέομαι, θᾱλέω etc.

Les formations du degré 1 auront dans nos racines ā1.

Thèmes en -man (cf. p. 130) : ἐπί-λσμων ; λῆμμα, δῆγμα,
πῆγμα
(Eschyle).

Thèmes en -as (cf. p. 129) : ἆδος, κᾶδος, μᾶκος, ἀ-λᾱθής,
εὐ-(Ϝ)ᾱχής (cf. ἰᾰχή). Les suivants, plus isolés, ne sont pas accompagnés
de formes ayant l'α bref : μᾶχος, ἆπος (fatigue, dans
Euripide) ; ἀ-ξηχής, ἀ-σκηθής, κῆτος, τῆθος. Exemple contenant o :
νωθής en regard de νόθος.

La meilleure preuve de la postériorité de formations comme
θάλος, μάθος (Eschyle), ce sont les composés νεοθηλής, έπιμηθής,
où subsiste la longue. C'est ainsi encore que l'homérique
εὐπηγής est remplacé plus tard par εὐπᾰγής. Peut-être la brève
de ἄγος = skr. āgas (p. 117) comporte-t-elle une explication
analogue malgré l'isolement de ce mot.

Thèmes en -yas (cf. p. 130). On a le superl. μκιστος qui est
à μακρός, ce que le skr. kšépišṭha est à kšiprá. Quant à l' long
156qui se manifeste dans l'accentuation des comparatifs neutres
μᾶσσον, θᾶσσον, μᾶλλον, il est prudent de ne rien décider à son
égard, d'autant plus que le dialecte homérique n'admet pas l'η
dans ces formes. M. Ascoli, d'accord en cela avec d'autres savants,
les explique par la même infection qu'on observe dans μείζων
(Kritische Studien p. 129). M. Harder (De alpha vocali apud Hom.
producta
, p. 104) cite des témoignages pour l'accentuation μάσσον
et μάλλον.

Les thèmes qui rejettent a1 auront a autophthongue :

Thèmes en -ra. Certains d'entre eux comme σφοδρός, ὠχρός
(p. 156) prennent a2. Une seconde série affaiblit la racine, par
exemple λιβρός, πικρός, στιφρός, de λειβ, πεικ, στειφ ; λυγρός,
φυδρός, de λευγ, ψευδ ; ἐλαφρός de *λεγχ ; sanskrit kšiprá, ćhidrá de
Kšep, ćhed ; çukrá, çubhrá de çoć, çobh ; gr̥dhrá, sr̥prá de gardh, sarp ;
germanique digra- « épais » de deig ; indo-européen rudhrá « rouge »
dera1udh. De même, σᾱπ, soit sa1ap, fait σᾰπρός ; μᾱκ fait μᾰκρός
λᾱθ donne λθρα. On peut placer ici τᾰκερός de τᾱκ et πᾰγερός
de πᾱγ, si l'ε y est anaptyctique ; ἄκρος de κ est régulier aussi,
sauf l'accentuation.

Thème en -u (cf. p. 15, 23) : ταχύς.

Thèmes en -ta (cf. p. 14, 23, 149). La forme faible est devenue
très-rare, mais ἄ-λαστος de λᾱθ et le verbe πακτόω à côté
de πᾱκτός en sont de sûrs témoins. Il n'y a pas à s'étonner des
formes comme τᾱκτός, λᾱπτός, πᾱκτός, plus que de celles comme
φευκτός qui, elles aussi, remplacent peu à peu le type φυκτός.

Revenant aux formations verbales, nous examinons le vocalisme
des racines dont le présent se fait en -yω ou en -τω.

En sanskrit la 4e classe verbale affaiblit la racine. En grec
les formes comme νίζω, στίζω, κλύζω, βάλλω de βελ, καίνω de
κεν (p. 103) et beaucoup d'autres attestent la même règle. 1189 Rien
de plus normal par conséquent que l' bref de ἅζομαι, βάζω,
σάττω, σφάζω, χάζω
etc. Les formes comme πτήσσω, φώζω (cf.
157φώγω) sont aussi peu primitives que τείρω (v. p. 157 i. n.). πήττω
paraît ne s'être formé qu'en pleine époque historique (Curtius
Verb. I2 166).

Les présents en -τω sont analogues : ἅπτω, βάπτω, δάπτω,
θάπτω, λάπτω, σκάπτω
etc. montrent l'α bref. Seul σκήπτω
enfreint la règle, car pour θώπτω (p. 156) et σκώπτω, on peut
sans crainte y voir des dénominatifs ; cf. παίζω, παῖγμα, παίγνιον
venant de παίς.

Dans les temps autres que le présent, les verbes en -yω et
en -τω restent en général sans gradation (nous adoptons pour un
instant cette désignation des formes pleines de la racine). C'est
la solidarité qui existe entre les différentes formes du verbe à cet
égard que fait ressortir M. Uhle dans son travail sur le parfait
grec (Sprachwissenschaftl. Abhandlungen hervorgegg. aus G. Curtius'
Gramm. Ges.
p. 61 seq.). Mais, au lieu d'attribuer à certaines
racines et de refuser à d'autres une faculté inhérente de gradation,
ainsi que le fait l'auteur, il faut dire au contraire que lorsque la
gradation fait défaut, c'est qu'elle s'est perdue. Qu'est-ce qui a
occasionné sa perte ? C'est précisément, si nous ne nous trompons,
l'existence d'un présent sans gradation, comme ceux en -yω et en -τω.

Ainsi l'analogie de σφάζω, βάπτω, θάπτω, λάπτω, σκάπτω etc.
a peu à peu étouffé les formes fortes comme *λᾱπ ou *σκᾱπ.
Les parfaits font λέλᾰφα, ἔσκᾰφα, les futurs λψω, σκψω etc.
Les verbes contenant ι et υ, comme στίζω, πτίσσω, νίπτω, κύπτω,
τύπτω
, se comportent de même, c'est-à-dire qu'ils n'admettent
nulle part la diphthongue 1190. Ces anomalies ne font donc pas péricliter
la théorie du phonème a. D'ailleurs il y a des exceptions :
κάπτω (Hes.) : κέκηφα ; τάσσω (τέτᾰχα) : τᾱγός ; ἅπτω : ἠπάομαι
(Curtius), καχλάζω : κέχλᾱδα.

Les présents à nasale comme λαμβάνω, ἀνδάνω, δάκνω,
n'exercent pas la même influence destructive sur le vocalisme de
leurs racines. Cela tient au parallélisme presque constant de ces
formations avec les présents à « gradation » (λιμπάνω, λείπω ;
λανθάνω, λήθω), grâce auquel il s'établit une sorte d'équivalence
158entre les deux formes. Pareillement le prés. λάσκω laisse subsister
le parf. λέληκα.

Nous passons à l'examen des principales formations verbales
dans les langues européennes autres que le grec.

Parfait. Le germanique nous présente ō : goth. sok, hof.
L'ō doit être du degré 2 et correspondre à l'ω régulier de τε-θωγ-,
non à l' hystérogène de τέ-τᾱκ-ε. Par la même unification que
nous avons vue en grec, l'ō du singulier s'est répandu sur le pluriel
et le duel, et l'on a sokum, soku, au lieu de *sakum, *saku.
De même l'optatif devrait faire *sakjau. Le participe passif, dont
le vocalisme est en général celui du parfait pluriel, fait encore
sakans. Il y a une proportion rigoureuse entre sok : sakans et bait :
bitans. Un autre reste de la forme faible, c'est magum dont nous
avons parlé à la page 64.

Le latin a scābi, ōdi, fōdi ; l'irlandais ro-gád (prés. guidiu).

Présent de la 1e classe (v. p. 153). Latin lābor (cf. lăbare),
rādo, vādo (cf. vădum), rōdo 1191.

Goth. blota et hvopa. Ici ō est du degré 1. — Le parf. hvai-hvop
(*baiblot ne nous a pas été conservé) a gardé la réduplication,
afin de se distinguer du présent. Si le germanique faisait
encore la différence entre ā2 et ā1 cela n'eût pas été nécessaire.

Paléoslave padą, pasą. — Lithuanien móku, szóku, et aussi
sans doute plusieurs verbes qui suivent à présent d'autres formations,
comme kósiu « tousser » (cf. skr. kāsate), osziù, kósziu, dróziu,
glóbiu, vókiu ; bóstu, stokstù
. Schleicher Lit. Gr. 235 seq.

Présent en -ya. Goth. fraþja, hafja, hlahja, skaþja etc. ; lat.
capio, facio, gradior, jacio, lacio, quatio, patior, rapio, sapio, fodio.
Ces formes sont régulières (v. p. 157).

Il faut mentionner en lithuanien vagiù « dérober » et smagiù
« lancer », dont les infinitifs sont vógti, smógti.

Présents du type ἄγω. Plus haut nous avons omis à dessein
de parler de cette classe de présents grecs, parce qu'il convient
que les traiter conjointement avec ceux des langues congénères.

En germanique c'est la formation la plus commune : goth.
159draga, hlaþa, skaba, þvaha etc. — Le latin la préfère aux présents
à voyelle longue comme vādo, mais l'emploie moins volontiers
que la forme en -io. Il a ago, cado, scabo, loquor ; puis des exemples
où la consonne finale est une sonante, alo, cano ; enfin les
présents rares tago, pago ; olo, scato (Neue Formenl. II2 423). Les
deux derniers, bien qu'ils appartiennent à la langue archaïque,
sont probablement secondaires 1192. — Le grec n'a que ἄγω, γλάφω,
γράφω, μάχομαι, ὄθομαι
, et les formes très-rares ἄχομαι, βλάβομαι 2193.
— On trouve dans les verbes lithuaniens énumérées dans
la grammaire de Schleicher : badù, kasù, lakù 3194, plakù. Enfin le
paléoslave, si nous ne nous trompons, a seulement bodą et mogą.

Nous n'hésitons pas à dire que ces présents ont subi un affaiblissement
dans leur racine.

Il n'y a aucun motif pour s'effrayer de cette conséquence
forcée des observations précédentes. Il est indubitable que
κλύω, λίτομαι, et d'autres présents grecs sont des formes faibles.
D'ailleurs si, plutôt que d'admettre cet affaiblissement, on renonçait
au parallélisme de λήθω avec πέτομαι, λείπω, on arriverait,
contre toute vraisemblance, à faire ou de λήθω ou de μάχομαι un
type à part ne rentrant dans aucune catégorie connue
.

A cela s'ajoutent les considérations suivantes.

L'indo-européen a eu évidemment deux espèces de thèmes
verbaux en -a : les premiers possédant la racine pleine et paroxytons,
les seconds réduisant la racine et oxytons. Rien ne permet
de supposer que l'un des deux caractères pût exister dans un même
thème sans l'autre.

En sanskrit et en zend, les oxytons de la langue mère donnent
des aoristes et des présents (6e classe). En grec il n'y a point de
présents oxytons, et un thème ne peut être oxyton qu'à la condition
d'être aoriste. Nous devons donc nous attendre, sans décider
d'ailleurs si la 6e classe est primitive ou non, à ce que les thèmes
faibles, lors même qu'ils ne seraient pas attachés à un second
thème servant de présent, aient une certaine tendance à se fléchir
à l'aoriste. Et les thèmes du type λιπε-, où nous pouvons contrôler
160l'affaiblissement de la racine, vérifient entièrement cette
prévision. A côté des présents γλύφειν, κλύειν, λίτεσθαι, στίχειν 1195,
τύκειν (Hes.), ils donnent les aoristes δίκεῖν, ἐλ(υ)θεῖν, μυκεῖν,
στυγεῖν, βραχεῖν
(= βr̥χεῖν).

De ce qui précède il ressort que les différents présents grecs
pour être vus sous leur vrai jour, doivent être jugés conjointement
aux aoristes isolés de même forme radicale, lorsque ces
aoristes existent.

Or pour le type μαχε ils existent. A côté des présents ἄγειν,
ἄχεσθαι, βλάβεσθαι, γλάφειν, γράφειν, μάχεσθαι, ὄθεσθαι
, on a
les aoristes isolés μακεῖν, ταφεῖν (être étonné), φαγεῖν, φλαδεῖν
(se déchirer). Et si cette propension à se fléchir à l'aoriste était
chez le type λιτε un signe de l'affaiblissement radical, n'avons-
nous pas le droit de tirer la même conclusion pour le type μαχε ? 2196 ?161

Tout parle donc pour que μάχομαι soit un présent exactement
semblable à λίτομαι. Depuis quelle époque ces thèmes
faibles se trouvent-ils au présent ? C'est là en définitive une
question secondaire. Si l'on admet dans la langue mère une
6e classe des présents, λίτομαι, μάχομαι, pourraient être fort anciens
et n'avoir fait qu'abandonner leur accentuation première.
Nous croyons cependant, comme nous y faisions allusion plus
haut, que dans la première phase du grec, tous les anciens oxytons,
quel qu'ait été l'état de choses primitif, ont dû passer d'abord
par l'aoriste, que par conséquent les présents du type λίτομαι
sont en tous cas de seconde génération. Les cas comme celui de
ἐλ(υ)θεῖν qui a mieux aimé rester dépourvu de présent que de
changer d'accentuation recommandent cette manière de voir. Mais
en même temps il est probable que dès une époque plus ancienne
que la langue grecque certains thèmes du type μαχε- (age- par
exemple), cessant d'être oxytons, s'étaient ralliés aux présents
comme bhére-.

Passons aux verbes latins. Pour deux d'entre eux, tago et
pago, M. Curtius a victorieusement établi qu'ils ne sont rien autre
chose que d'anciens aoristes. Voy. notamment Stud. V page 434.
Il est vrai que ce sont les seuls exemples qui soient accompagnés
d'une seconde formation (tango, pango). Mais sur ce précédent
nous pouvons avec quelque sécurité juger cado, scato, cano, loquor ;
ce dernier du reste est en grec λακεῖν, non « λάκειν ». Il reste
seulement ago, scabo et alo qui, ayant leur pendant dans les
idiomes congénères, paraissent appartenir au présent depuis plus
longtemps.

En abordant le germanique, la question de savoir si l'indo-européen
a eu des présents de la 6e formation prend plus d'importance
que pour le grec et le latin. Si l'on répond affirmativement,
il n'est besoin de longs commentaires : saka est un présent de la
6e classe, et la seule chose à faire admettre c'est que le ton,
cédant à l'attraction des autres présents, s'est porté de bonne
heure sur la racine (hláþa, skáþa etc.). Dans tous les cas le germanique
à reçu des périodes antécédentes quelques présents de
162cette espèce, ainsi que le font conclure goth. skaba = lat. scabo,
graba = gr. γράφω, norr. aka = gréco-it. agō. Mais il n'en est
pas moins vraisemblable que la majorité soit issue de l'aoriste.
C'est même la seule hypothèse possible pour goth. þvaha, cf.
τκω (p. 63) ; norr. vađa, cf. lat. vādo ; anglo-s. bace, cf. φώγω. Les
formes comme þvaha nous reportent donc à une époque où l'aoriste
germanique existait encore, et il n'est pas difficile de comprendre
pourquoi, tandis que le thème beuge- (biuga) se conservait
à l'exclusion de buge-, l'inverse avait lieu pour þvahe-. Depuis
la confusion des phonèmes ā1 et ā1, l'ō du prés. *þvōha (τκω) ne
différait plus de l'ō du parf. þvōh (ou þveþvōh). Au contraire le
thème þvahe- offrait un excellent ablaut, qui devait s'établir d'autant
plus facilement que les verbes en -ya comme hafja hōf en
donnaient déjà l'exemple.

Je ne pense pas que les formes, peu nombreuses du reste, du
letto-slave fassent quelque difficulté sérieuse.

Tout cela pourra paraître suggéré par les besoins du système.
Quelle nécessité y a-t-il après tout de soutenir que saka, ἄγω,
doivent appartenir à une autre formation que φέρω ? C'est cette
nécessité, urgente à nos yeux, que nous voudrions accentuer d'une
manière bien précise. Le présent n'est qu'un cas particulier.
Qu'on considère l'ensemble des formations, et l'on verra apparaître
un trait caractéristique des racines contenant a, trait inconnu
à la grande classe des racines dont la voyelle est e, la faculté
d'allonger la voyelle
1197. On peut avoir sur saka et αγω telle
opinion qu'il plaira. Seulement quand leurs racines font sōk et
γέομαι dans le même temps que bher fait băr et φορέω, il y a
là un phénomène tellement extraordinaire qu'il s'agit avant tout
et à tout prix de s'en rendre compte. Or l'hypothèse proposée
pour saka n'est que l'explication indirecte de sōk. La tentative
peut n'être pas réussie ; en tous cas elle est motivée.

Notre hypothèse sur cette faculté d'allonger la voyelle est
connue par ce qui précède. Il sera permis de renvoyer le lecteur
qui voudra apprécier jusqu'à quel point la propriété de l'allongement
163est inhérente aux racines contenant a ou ο au travail déjà
cité de M. Fick qui traite de l'ā long européen (Beitr. de Bezzenb.
II 193 seq.). Du reste nous ne nous sentons point en état de dire
dans chaque cas pourquoi l'on trouve une brève ou une longue,
comme nous avons cru en effet pouvoir le faire pour les formations
relativement très-transparentes qui ont été analysées plus
haut. Les remarques qu'il nous reste à faire ne porteront donc
point sur le détail.

Les matériaux relatifs à la permutation ā : a et ō : ο dans le
latin se trouvent réunis chez Corssen Ausspr. I2 391 seq. En
voici quelques exemples : com-pāges : pago ; ācer : acies ; ind-āgare :
ago ; sāgio : sagax ; con-tāgio : tagax ; lābor : labare. L'o de prae-co
venant de cano serait-il un exemple de ā2 ?

En grec on peut ajouter à la liste de M. Fick et aux exemples
donnés plus haut : άχος : έάχή ; ώθέω : είν-οσί-φυλλος : κωφός :
κόπτω ; ροθος : ρόθος ; φώγω : φοξός (Curtius).

Pour les idiomes du nord l'échange a : a est devenu une
sorte d'ablaut quantitatif qui a succédé à l'ablaut qualitatif ā1 : Ā2.
L'ablaut qualitatif était détruit par la confusion phonique des
deux ā (p. 139) comme aussi par la perte partielle des formations
contenant ā1, dont la plus importante est le présent de la 1e classe.
En germanique particulièrement l'élimination de ce dernier au
profit des formes comme saka a fait naître entre la série a : ō et
la série e : a (a2) un parallélisme absolument hystérogène. La
langue sent la même relation entre sole, sofojan ; groba, et les présents
correspondants saka ; graba, qu'entre vrak, vrakjan, vraka et
vrikan. Mais le vrai rapport serait rendu assez exactement par
la fiction suivante : se représenter les racines comme beug ayant
perdu le degré de l'e et ne possédant plus que les formes bug et
baug 1198. — Comme le présent n'était pas le seul thème du degré 1,
on s'attendrait cependant à trouver la voyelle longue ailleurs
que dans les formations qui demandent a2, par exemple dans les
neutres en -as et les comparatifs en -yas. Il n'en est rien : hatis,
164skaþis, batiza, montrent l'a bref. Ces formes paraissent s'être
dirigées sur le nouveau présent. Nous n'avons pu découvrir qu'un
seul exemple qui, sur ce point, répondît à la théorie : c'est le
féminin goth. sokni-. Les thèmes en -ni demandent en effet le
degré 1 ; ainsi que le prouve siuni- de la rac. sehv (cf. skr. hā-ni,
ģyā-ni, en regard de hīná, ģī-ná). Donc « sakni- » eût été irrégulier
au même chef que hatis. Le norr. dœgr pour *dōgis serait un
second cas de ce genre si l'e du lith. degù ne rendait tout fort
incertain. Cf. la note.

La permutation en question est fort commune en letto-slave.
Lithuanien pra-n-tù : prótas, żadù : żodis etc. — En slave on a les
verbes comme po-magają, badają, en regard de mogą, bodą etc. De
même qu'en germanique, l'ā, dans les cas où l'ă bref est conservé
parallèlement, devient pour la langue une espèce de gradation.

Ici nous devons faire mention d'une innovation très-étendue
qui donne au vocalisme letto-slave une physionomie à part. Tandis
qu'en germanique la confusion de a avec a2 n'a amené presque
aucun trouble dans le système des voyelles, le letto-slave au contraire
a mélangé deux séries vocaliques, et nous voyons l'a (ou å,
p. 68) issu de a2 permuter avec ā (å) comme s'il était a. De là
l'échelle slave e : ο : a dans les nombreux exemples comme teką,
točiti, takati
, l'échelle lithuanienne e : a : o, comme dans żeliù,
żálias, żolė 1199. V. Schleicher Lit. Gr. 35 seq. — Il faut avouer que
d'autres allongements de ce genre restent inexpliqués, je veux
dire particulièrement l'ē des fréquentatifs slaves comme plětają
de pletą. Il serait à souhaiter aussi qu'on sût à quoi s'en tenir
sur l'ē long germanique des formes comme nēmja- (rac. nem).
Amelung, remarquant que l'ē est suivi le plus souvent d'une syllabe
165contenant i ou y, supposait une épenthèse et ramenait
nēmja- à *namja-, *naimja-.

Il reste à considérer les racines qui ont un ē médial, type
absolument parallèle à λᾱθ, λειπ, δερκ. On a la proportion : Ϝρηγ :
θη = λᾱθ : στᾱ.

Pour ne point éparpiller cette famille de racines, nous citerons
aussi les exemples comme krēm où l'ē est suivi d'une sonante,
quoique ce caractère constitue un cas particulier traité
à la fin du paragraphe.

Le degré 2 apparaîtra naturellement sous la même forme
que pour les racines finissant par ē : il aura ō dans le gréco-italique 1200,
ā (germ. lith. ō) dans les langues du nord. V. p. 140 seq.

Il sera intéressant d'observer le vocalisme du degré réduit,
parce qu'il pourra apporter de nouvelles données dans la question
de la composition de l'ē qui nous a occupés plus haut p. 141 seq.

Première série : le degré réduit présente a.

1. Rac. kēd. Au lat. cēdo on a souvent joint, et à bon droit,
ce nous semble, les formes homériques κεκαδών, κεκαδήσει. On
a la proportion : κεκαδών : cēdo = satus : sēmen.

2. Rac. rēg « teindre ». Gr. ῥῆγος ; les quatre synonymes
ῥηγεύς, ῥεγεύς, ῥογεύς, ῥαγεύς, sont irréguliers : il faudrait « ῥωγεύς ».
Néanmoins l'α contenu dans ῥαγεύς, ainsi que dans χρυσοραγές
(Curt. Grdz. 185), est pour nous très-remarquable. Ici
en effet ρα ne saurait représenter la liquide sonante : ρ étant initial,
elle n'aurait pu donner que αρ. Donc, à moins que cette
racine n'ait suivi l'analogie de quelque autre, l'α de ῥαγ doit être
assimilé à l'a de satus. Dans ῥέζω toutefois la forme faible a ε.

3. Rac. rēm. Gr. ἔρημος, lith. romùs. Formes faibles : gr.
ἠρέμα, lith. rìmti, mais aussi gr. άραμέν· μένειν, ἡσυχάζειν (infinitif
dorique en -εν). — Cette racine n'est pas identique avec
rem d'où ἔραμαι (p. 22).

4. Rac. ληγ (l'η est panhellène, Schrader Stud. X 316).
M. Curtius indique que λαγάσσαι· ἀφεῖναι pourrait donner la
forme à voyelle brève. Verb. I2 229.166

5. Rac. lēd. Au goth. leta, lailot 1201, on joint lats et le lat. lassus.
Le lithuanien a léidmi (= *ledmi).

6. Rac. bhrēg. Gr. ῥήγννμι, ῥήξω etc. Degré 2 : ῥωχμός,
ἀπο-ρρώξ, ἔρρωγα
2202. Le parfait moyen ἔρρηγμαι et le partic. έρρηγείας
des tables d'Héraclée sont réguliers en ce sens qu'ils
n'ont pas ω, mais on attendrait -ραγ- plutôt que -ρηγ-. C'est ce
que présente l'aor. pass. ἐρργην, où le groupe ρα représente
ρ + a, non pas . Ϝραγ : Ϝρηγ =  : . En latin le degré réduit
s'est propagé : fractus, frango pour *frag-no. Le goth. brikan est
un verbe de l'espèce ordinaire. Sur le rapport de -ru- dans brukans
au -ra- gréco-italique v. p. 180. Le slave a brěgŭ « rive ».

7. Rac. sēk. Paléosl. sèką « caedere », lith. sýkis « une fois, un
coup », lat. sīca pour *sēca. Degré 2 : v. ht-all. suoha « herse ».
Degré réduit : lat. saxum = germ. sahsa- « pointe, couteau etc. »
(Fick III3 314) ; mais aussi secare 3203.

Deuxième série : le degré réduit n'est pas connu.

1. Gr. ἀρήγω, ἀρηγών. Degré 2 : ἀρωγός, ἀρωγή.

2. Rac. dhrēn. Gr. θρῆνο-ς, ἀν-θρήνη (= *ἀνθο-θρήνη)
τεν-θρήνη ; θρώναξ· κηφήν. Λάκωνες (pour la formation cf. ὅρπηξ
de έρπ, πόρπαξ de perk2, κρώμαξ de κρημ, σκώληξ de σκᾱλ,
lat. procax de prec, pōdex de perd).

3. Rac. rēp. Lat. rēpo, lith. rėplóti.

Troisième série : le degré réduit présente e.

1. Rac. ēd. Lith. ėdu, ėsti ; sl. ė ou *jamĭ = *j-ěmï (Leskien,
167Handb. d. altb. Spr. § 26), 3e p. ěstĭ ou jastĭ ; medv-ědĭ. Lat. ēsurio,
ēsus (?). En grec, la longue de ἐδήδοκα, ἐδηδώς, κάτηδα· καταβεβρωμένα,
ἐδηδών· φαγέδαινα, ne prouve pas grand chose ; mais
celle de ὠμ-ηστής, et ἄν-ηστις paraît garantir l'η radical. On
trouve le degré 2 dans ἐδωδή, malheureusement cet ω est équivoque
comme l'η de ἐδηδοκα. Ce ne serait pas le cas pour l'ω de
ὠδίς, si, en se fondant sur l'éol. ἐδύνη = ὀδύνη, on voulait le
rattacher à notre racine. Peut-être n'est-il point indifférent de
trouver en gothique uz-eta (crèche). — Le degré réduit a engendré
le gr. ἔδμεναι, ἔδω, ἐσθιω, le lat. edo, edax, le goth. ita.

2. Rac. krēm. Elle donne en grec κρημνός, κρήμνημι, et, au
degré 2, κρώμαξ (aussi κλώμαξ). Le goth. hramjan pour lequel
on attendrait *hromjan s'est dirigé sur les racines à e bref. Le
gr. κρέμαμαι donne la forme faible.

3. Rac. tēm. Lat. tēmētum, tēmulentus. Miklosich (Lexicon
palaeosl.) compare à ces mots le sl. timica « boue » dont le premier
i représente donc un ē long. La forme faible se trouve dans tenebrae
et le sl. tĭma. La comparaison des mots sanskrits (p. 172)
montre que le rac. tēm ou stēm réunissait en elle les idées d'humidité,
d'obscurité, de silence, d'immobilité. Au figuré elle rend aussi
celle de tristesse.

4. Rac. dhēn. Lat. fēnus ; gr. εὐ-θηνία à côté d'εὐ-θενία
(skr. dhána).

5. Rac. sēd. Lat. sēdes (ancien neutre en -as), sēdulus, sēdare.
Lith. sėdżu sėdėti. Je ne sais comment on explique le présent
slave sędą ; l'infinitif fait sěsti. Au degré 2 sėd donne sóstas
« siége » et non « sastas ». Semblablement on a en slave saditi
« planter » et non « soditi ». Le grec et le germanique ont toujours
l'e bref. Il ne peut appartenir primitivement qu'à la forme faible.
Goth. sitan, gr. ἕζομαί, ἕδρα, ἕδος (cf. sēdes). Sur l'ι de ἱδρύω qui
est important cf. p. 180.

6. Rac. stēg. Lat. tēgula. Lith. stėgiu et stógas, non « stagas ».
Il faut que στέγω, tego, τέγος etc., soient sortis secondairement,
bien qu'à une époque très-reculée, de la forme faible. De même
tŏga est nécessairement hystérogène.

7. Rac. swēdh. Gr. ἦθος, parf. εἴωθα 1204. En latin, peut-être
168suēsco et probablement sōdes (pour *svēdes) qu'on a rattaché à
ἠθεῖος (*ἠθεσ-ιο). La forme faible se trouve dans le goth. sidus,
le lat. sŏdalis (*svedalis), le gr. εὐέθωκα. ἔθων, ἔθεται (Hes.)
doivent être sortis de l'aoriste, et ἔθος est fait sur ἔθω.

Le parfait grec μέμηλε indique une racine mēl dont la forme
faible a donné μέλω etc. Si le μεμᾱλότας de Pindare est authentique,
l'de cette forme se place à côté des cas comme ἥβα βα
dont nous avons parlé p. 144 i. n.

On constate parfois une variation de la qualité de l'ā telle
qu'elle apparaissait dans le v. ht-all. stēm, tuom, en regard du gr.
ἵστᾱμι, τιθημί (p. 143). Gr. ῥώομαι « danser » comparable au norr.
rās « danse etc. », gr. κέχλᾱδα (et καχλάζω) en regard du goth.
greta (v. Fritzsche Sprachw. Abh. 51). On pourra citer aussi le
lat. rōbur si, tout en adoptant le rapprochement de Kuhn avec
skr. rādhas, on maintient celui de rādhati avec goth. reda, rairoþ.
Cette même racine donne, au degré 2, le sl. radŭ « soin », au degré
faible le gr. ἐπί-ρροθος. En regard du gréco-it. plāg le gothique
a fleka. Toutefois M. Bezzenberger prétend que le présent
fleka n'est conservé nulle part et que rien n'empêche de rétablir
floka (A-Reihe, p. 56 i. n.).

La troisième série ainsi que plusieurs exemples de la première
nous montrent l'e répandu dans la forme faible même dans
d'autres idiomes que le grec. C'est là, comme on se le rapelle, un
fait qui paraît ne jamais se présenter à la fin des racines (p. 142),
et un fait qui, peu important en apparence, jette en réalité
169quelque trouble dans la reconstruction du vocalisme des ā. Il laisse
planer un certain doute sur l'unité de composition des différents
ā longs européens, et nous sommes obligés d'entrer dans la terre
inconnue des langues ariennes sans que l'européen où nous puisons
nos lumières ait entièrement confirmé l'hypothèse dont
nous ayons besoin. N'étaient les racines comme sēd sed, tout ā
long sanskrit répondant à un ā long européen serait une preuve
directe du phonème a. Nous reviendrons sur ce point à la p. 175.

Langues ariennes.

I. Existence, à l'intérieur de certaines racines, de la dégradation
ā a constatée plus haut dans les langues d'Europe
.

Pendant longtemps toutes les racines ariennes ou peu s'en
faut paraissaient posséder l'échelle ā a. Grâce aux travaux de M.
Brugman la complète disparité de l'ā de tāna (= gr. τόνος) avec
l'ā européen est désormais mise en évidence. Comment peut-on
s'assurer que l'ā des exemples relatifs à notre question est bien
un ā long et non pas a2 ? Dans certains cas, il faut le reconnaître,
les critères font défaut purement et simplement. Qui décidera
par exemple de la valeur de l'ā de çāli ou de rāhú ? D'autre fois,
et particulièrement dans les trois cas suivants, on peut prouver
que la longue est originaire.

1. L'ā se trouve devant un groupe de deux consonnes comme
dans çāsmi qui ferait « çăsmi », si l'a était a2.

2. L'ā se trouve dans une formation où le témoignage des
langues européennes joint à celui d'une grande majorité d'a brefs
ariens interdit d'admettre a2. Ex. : kāçate au présent de la 1e classe ;
rādhas, thème en -as (p. 126 et 129).

3. Il y a identité avec une forme européenne où apparaît l'ā
long. Ex. : skr. nā = lat. nāsus.

En jugeant d'après ces indices on se trouve du reste d'accord
avec les grammairiens hindous qui posent les racines çās,
kāç, rādh
, et non cas, kaç, radh.

α) Le degré réduit présente 1205 a.170

āmá (= gr. ωμός) : ămla.

açú : ăçri ; cf. gr. ώκύς, ὄκρις.

krāmati « marcher » : krămati est apparemment l'ancien
aoriste. Du reste krămaṇa etc. montre que la forme faible s'est
généralisée.

gāhate « se plonger » : găhvará « profond ».

nā « nez » parallèlement à năs, năsta (id.).

pāģas ne signifiant pas seulement lumière, mais aussi force,
impétuosité
(B. R.), il est probable que le mot est identique, malgré
tout, avec le gr. *πᾶγος dans εὐ-πηγής : păģrá qu'on traduit
par dru, compacte, offre la forme faible de la racine.

mādyati « s'enivrer » ; mădati, comme plus haut krámati, s'annonce
comme un ancien aoriste. L'ā de mādyati ne s'accorde
guère avec le présent en -ya et paraît être emprunté à une forme
perdue *mādati.

vāçati « mugir » : văçā « vache ». Dans vāvaçre, vāvaçāná l'a
bref est sans valeur, cf. la note de la p. 170.

svādate « goûter », svādman, svāttá pour *svatta : svădati représente
l'ancien aoriste.

hrādate « résonner » : hrădá « lac » (cf. gr. καχλάζω qui se dit
du bruit des vagues).

β) Le degré réduit présente i.

plā-ç-ί nom d'un viscère : pli-h-án « foie ». Pour k et gh alternant
de la sorte à la fin d'une racine cf. mak et magh p. 64.

çās « gouverner ». Le vocalisme de cette racine est presque
intact. Nous allons confronter çās avec dveš comme plus haut
λᾱ-θ avec φευγ :

tableau çāsti | çišmás | çišát | çaçāsa | çištá | çāštár | ā-çís | dvéšṭi | dvišmás | dvišáti | didvéša | dvišṭá | dvéšṭár | pati-dvíš

Cependant l'analogie a déjà commencé son œuvre : le pluriel
du parfait fait çaçāsus au lieu de *çaçišus et le passif çāsyáte pour
*çišyáte. Böhtlingk-Roth citent le participe épique çāsta, et on a
dans le Rig-Véda des formes comme cāste, çāsmahe.

sādh « réussir ». Les formes sídhyati, siddhá, sidhmá, sidhrá,
niḥ-šídh
, ont dû être primitivement à sádhati, sádhišṭha etc. ce
que çiš est à çās. Par analogie on créa sédhati, sišédha, ce qui
amena une scission entre les deux moitiés de la racine.171

γ) Le degré réduit présente à la fois a et i.

tāmyati « être affligé » (cf. mādyati p. 171), tāmrá « de couleur
sombre » : timirá « obscur », timyati « être humide, silencieux, immobile ».
La forme stimyati fait supposer que la racine est en
réalité stām. On trouva l'ă par exemple dans tămisrā.

vāsas « vêtement » : văste « se vêtir » — non pas « ušṭe » comme
on aurait si la racine était vas — , mais aussi ā-viš-ṭ-ita « revêtu »
R. V. X 51, 1 ; veša et vešṭayati dans le sanskrit classique paraissent
être nés comme sédhati de quelque phénomène d'analogie.

çāktá « maître », çākman « force » ἅπαξ εἰρημένον védique :
çăknóti « pouvoir », mais en même temps çikvá, çíkvan, çíkvas
« habile ».

sādana synonyme de sádana « demeure » 1206, sādád-yoni (véd.) :
sidáti (aussi sīdati) « s'asseoir » n'est pas pour « sizdati » comme
nous le disions par erreur à la p. 11, et cela 1° parce qu'il faudrait
dans ce cas « sīḍati », 2° par la raison péremptoire que le zend a
hiδaiti et non « hīzhdaiti »>. Les autres formes, fortes et faibles,
n'ont ni sād ni sīd, mais săd.

II. La répartition des racines qui ont la dégradation ā a est-elle
la même dans les langues ariennes qu'en Europe
 ?

Comme tout ā et tout ο européen suppose, d'après ce que
nous avons vu, un ā et un o, la quantité de ces phonèmes est indifférente
pour la recherche qui suit.

Parmi les exemples ariens nous ne croyons pas devoir omettre
les racines telles que āp qui ont supprimé la dégradation en
généralisant la forme forte.

1. L'européen présente ā (au degré réduit, a).

Skr. āp, āpnóti, āptá : lat. apiscor, aptus. — Skr. āmá à côté
de amla : gr. ὠμός, lat. amarus. — Skr. āçú à côté de áçri : gr.
ωκύς, ὄκρις. — Skr. kāsate « tousser » : lith. kósu, v. ht-all. huosto.
— Skr. gāhate (cf. p. 171) : gr. βῆσσα. — Skr. pāģas : gr. εὐ-πηγής.
p. 171. — Skr. nā à côté de nás : lat. nāsus, lith. nósis, sl. nosŭ.
— Skr. mādyati : lat. madeo, gr. μαδάω. — Zend yāçti : gr. ζωσ,
ζοσ
(p. 154), sl. jas, lith. jůs. — Skr. vāçati : lat. vacca. — Skr.
172çāsti : lat. castus, castigare 1207, Casmenae ; gr. κόσμος ; goth. hazjan.
— Skr. svādate : gr. σϜδ. — Skr. hāsate « jouter à la course »
(B. R.) : gr. χώομαι (?).

2. L'européen présente ē.

Skr. krāmati : gr. κρημ (p. 168). — Skr. tāmyati, tāmrá :
europ. tēm (p. 168). — Skr. dāsati « poursuivre » : gr. δήω. — Skr.
rādhati « faire réussir », rādhas « richesse » : goth. redan « délibérer »,
peut-être aussi lat. rōbur (cf. p. 169). — Skr. rāģ rāģati « briller » :
grec ῥηγ « teindre » (p. 166). — Zend rām dans rāmōiδwem « vous
reposeriez » europ. rēm (p. 166). — Skr. vāsas (p. 172) : l'absence
assez singulière du degré Ϝoσ dans les formes grecques fait soupçonner
que la racine est Ϝησ. — Skr. sādana etc. (p. 172) : europ.
sēd (p. 168). — Skr. hrādate : europ. ghrēd, ghrād (p. 169).

A cette liste il faut ajouter skr. bāhú = gr. πᾶχυς, skr. sāmí
= europ. sēmi, skr. rāģ = lat. rēx, goth. reiks, irland. . Isolés
et dépourvus de formes faibles, ces mots sont difficiles à classer.

La valeur des coïncidences énumérées est rehaussée par ce
fait que la dégradation indienne ā a, ou plus généralement l'ā
long, ne se présente jamais, que nous sachions, quand l'européen
offre un type comme pet 2208.

La réciproque, comme on va le voir, serait moins vraie. Nous
rappelons que toute racine européenne montrant quelque part a
doit être considérée comme possédant la dégradation ā a.

ăgati cf. gr. ἄγω, γέομαι ; gădati cf. gr. βάζω, irland. guidiu
ro-gád
 ; bhăģati cf. gr. φαγεῖν ; yăģati cf. gr. ἅζομαι ; rădati cf. lat.
rādo ; lăbhati cf. gr. λφ λαβεῖν ; vătati cf. lat. vātes ; sthagati cf.
173europ. stēg (p. 168). Rien, ni dans la formation des temps ni dans
celle des mots, ne trahit une différence quelconque entre ces verbes
et les exemples comme pátati = lat. peto.

Ce fait, s'il n'est pas précisément des plus favorables à
l'hypothèse du phonème a, est cependant bien loin de la menacer
sérieusement. Reprenons le présent svādate cité précédemment.
Ce présent est accompagné d'une seconde forme, svădati. Si l'on
compare le grec δομαι, aoriste ε-ὔᾰδο-ν, on conviendra qu'il y
a neuf probabilités sur dix pour que svádati représente sinon
l'ancien aoriste, du moins un présent originairement oxyton
swadá-ti. L'accent, en sanskrit, a été attiré sur la racine par l'a
qui s'y trouvait, phénomène que nous constaterons encore plus
d'une fois. Aucun présent indien en a n'a le ton sur le suffixe
quand il y a un a dans la racine. V. Delbrück Altind. Verb. 138
et 145 seq. S'appuyer ici sur l'accentuation serait donc récuser
d'avance tous les autres arguments et supprimer la discussion. 1209

Qu'on se figure le présent svādate tombé en désuétude, svádati
survivant seul, et l'on aura à peu près l'état de choses
qu'offrent actuellement áģati, gádati etc. Les formes comme
svādman n'auraient pas tardé en effet à suivre le présent dans sa
ruine.

Cette explication est la même que celle que nous avons
tentée (p. 160 seq.) pour les présents comme goth. saka, gr.
μάχομαι. Seulement l'arien n'étant plus comme les langues
européennes retenu et guidé par la différence des sons e et a
pousse plus loin qu'elles l'assimilation de nos verbes à ceux du
type pa1t. Au parfait par exemple la 1e pers. babhăģa (à côté de
babhāģa) et la 2e babhákiha (à côté de bheģitha) ne sauraient se
ramener à bhāg. Ces formes ont subi le métaplasme. La 3e pers.
babhāģa peut passer pour originaire et se comparer directement
au grec τέθωγε, au goth. sok.

Les coïncidences que nous avons vues entre les ā longs
ariens et européens permettent-elles de tirer quelque conséquence
touchant les a proethniques ? Si les malencontreuses racines
européennes comme sēd sed ne venaient à la traverse, nous
174aurions dans les cas comme svādateδομαι, comparés à pátati
= peto la preuve pure et simple que la dégradation indo-européenne
ā a est liée au phonème a, et que ce phonème a de
tout temps différé de a1. Dans l'état réel des choses, nous devons
renoncer à cet argument.

Cependant c'est ici le lieu de faire remarquer que la coïncidence
a lieu en grand pour toute la classe des racines finissant
par ā. La nécessite de l'ā long aux formes non affaiblies de ces
racines (dont nous avons parlé p. 136 seq.) est la même pour l'arien
que pour l'européen
. Il n'y a point de racine en ă. Ce fait, si on le
compare à tout ce que nous savons de l'organisme des racines,
démontre que l'ā indo-européen est une combinaison de a1 avec
un second phonème. Il ne contient cependant pas la preuve que
ce second phonème fût telle et telle voyelle (a, o).

III. Le vocalisme des formes faibles, dans les exemples de la dégradation
ā a a, et les données qu'il fournit sur les a indo-européens
.

M. Brugman a consacré quelques lignes auxquelles nous
faisions allusion à la p. 5, à la question des a proethniques autres
que a1 et a2. Il cite comme exemple d'un de ces a la voyelle radicale
de pitárπατήρpater et de sthitáστατόςstatus.
Car autrement, dit-il, ces formes comparées à padás — *πεδός
pedis seraient absolument incompréhensibles. Il va sans dire,
d'après tout ce qui précède, que nous nous joignons sans réserves,
pour le fond de la question, à cette opinion du savant linguiste.
Seulement nous ne comprenons pas bien le rôle que joue dans
son raisonnement l'i indien de pitár, sthitá. Il n'a pu entrer dans
la pensée de l'auteur de dire que parce que l'i indien de pitár,
sthitá, diffère de l'a indien de padás ces phonèmes ont dû différer
de tout temps. Ce qui est sous-entendu, c'est donc que l'i en
question répond toujours à un a européen. On aurait attendu
alors une explication, si courte et de quelque nature qu'elle fût,
relativement aux cas comme θετόςhitá 1210.

La véritable signification de l'i arien dont il s'agit ne se révèle,
croyons-nous, que dans les formes énumérées plus haut
(p. 171 sq.) où l'i se trouve à l'intérieur de la racine. On peut joindre
175aux exemples donnés çīkate « tomber par gouttes », dont la forme
forte est dans le grec κηκίω, et khidáti « presser », khidrá, khidvas,
qui, ainsi que l'a reconnu Grassmann, sont parents du gr. κδω.
L'e de khédā « marteau » et de ćikhéda n'est point originaire, puisqu'on
a en même temps ćakhāda, parfait védique donné par
Pāṇini.

Tous ces exemples de l'i ont ceci de commun et de caractéristique
qu'ils correspondent à un ā long des formes fortes. Les
racines sans dégradation, comme tap tăpati ou pać păćati, placées
dans les mêmes conditions d'accent, ne convertiront jamais leur
a en i 1211, Si elles ne peuvent l'expulser, elles le garderont toujours
tel quel : taptá, paktí etc.

Si l'on considère de plus que tout i placé à la fin d'une racine
est accompagné d'un ā dans la forme forte, qu'il en est de même,
en dehors de la racine, dans les formes de la 9e classe verbale
comme pr̥ṇīmás en regard de pr̥ṇāti, on arrivera à cette notion,
que l'i arien pour a suppose un ā long dans les formes
non affaiblies aussi nécessairement que le véritable
i
suppose ai ou que suppose ar.

Or la réduction de l'ā long, pour désigner ainsi le phénomène
en faisant abstraction de toute reconstruction théorique, ce
fait qui est la condition même de l'i arien, ce fait appartient à
l'histoire de la langue mère, non à l'histoire de la période indo-iranienne ;
la comparaison des langues d'Occident l'a suffisamment
établi. Il est clair par conséquent que le germe de l'i est indo-européen.
Le vocalisme arien accuse une différence de qualité entre
les
a proethniques sortis de ā, ou du moins certains d'entre eux, et les
a proethniques non sortis de ā.

Cette définition a sorti d'un ā long convient admirablement
aux phonèmes a et o des langues européennes. L'i arien serait-il
donc purement et simplement le représentant de ces phonèmes ?
Nullement. Cette thèse serait insoutenable. Dans la majorité
des cas a et ο sont rendus par a, comme nous l'avons vu au chapitre
IV et tout à l'heure encore où il était question des formes
176bháģati, rádati etc. opposées à φαγείν, rādo etc. Entre les cas
même où le sanskrit conserve la dégradation, il en est bon nombre,
nous l'avons constaté, dont la voyelle est a aux formes faibles,
p. ex. svādate, svádati. Ce n'est pas qu'on ne doive présumer
que le même phonème d'où, avec le concours de certains facteurs,
résulte un i n'ait pu prendre, sous d'autres influences, une route
divergente. Nous ne doutons même pas que dans les formes où
ce phonème a été placé dès l'origine sous la tonique il n'ait produit
a au lieu de i. Voici les exemples qui paraissent le prouver.
A côté des cas obliques comme niçás « noctis » il existe une forme
védique nák (= *náks, cf. drakšyáti de darç etc.) qui, ainsi que le
fait remarquer M. Brugman (Stud. IX 395), est le propre nominatif
de niçás. Le phonème destiné à devenir i dans la syllabe
non accentuée a donné a sous l'accent 1212. — Tout porte à croire
que la seconde partie de ćatásras est identique avec tisrás, zd.
tisarō 2213. Le prototype de l'i de tisrás s'est donc épanoui en a sous
l'accent. — Peut-être enfin que l'a de madhu-pά (le type soma-pa
est le plus commun, il est vrai, dans la langue védique) n'est dû
ni à l'analogie de la déclinaison thématique ni à un suffixe -a,
mais qu'il est tout simplement l'équivalent accentué de l'ī de
pī-tá. La formation non védique ģala-pī, faisant à l'instrumental
ģala-py-ā, est en tous cas hystérogène.

L'influence de l'accent qu'on remarque dans les cas précités
ne doit cependant point faire espérer de résoudre le problème en
disant que l'a radical de svádati résulte de l'innovation qui a
amené la tonique sur la racine (p. 174) et qu'autrement on aurait
« svidati » 3214 comme on a khidáti, çišát. On ne comprend en effet ce
177retrait de l'accent qu'en admettant que la racine possédait déjà
un a bien caractérisé. Mais voulût-on même recourir à une hypothèse
de ce genre, il resterait à rendre compte d'une infinité de
formes accentuées sur le suffixe. En expliquant bháģati, mádati,
áģati
, on n'aurait point encore expliqué bhaktá, madirá, aģá, ni
d'autres formes plus isolées montrant également a dans les
langues d'Europe, comme paģrá, bhadrá (cf. goth. batists, botjan
etc.), çaphá (cf. norr. hōfr), maghá (v. p. 64), çāçadmaheκεκάσμεθα
etc.

On est donc amené à conclure à la diversité sinon tout à
fait originaire du moins proethnique du phonème a et de la
voyelle qui a donné l'i indo-iranien. Nous croyons que cette
voyelle était une espèce d'e muet, provenant de l'altération des
phonèmes a et o
. L'altération, à en juger par le sanskrit (p. 150),
avait été générale à la fin des racines, partielle dans les racines
finissant par une consonne. Ceci peut tenir à la manière dont les
syllabes étaient séparées dans la prononciation.

Que cette voyelle indéterminée soit une dégénérescence des
voyelles a et ο — nous ajoutons par hypothèse : seulement de ces
voyelles — et non pas, comme on pourrait croire, un phonème
distinct de tout autre dès l'origine, c'est ce qui ressort des considérations
suivantes.

S'il y a une raison quelconque d'admettre à l'intérieur des
racines un phonème a parallèle à i, u, r, etc., il serait invraisemblable
et absolument arbitraire de prétendre que le même phonème
n'ait jamais pu terminer la racine. Or le sanskrit montre
que la voyelle dégradée existait dans toutes les formes faibles
des racines en ā. Il devient donc évident que dans certains cas, si
ce n'est dans tous, elle est la transformation secondaire d'un a
(ou d'un o).

Dire que la voyelle faible proethnique d'où dérive l'i de
sthitá, çištá, n'a point été d'abord une voyelle pleine serait renoncer
à expliquer l'ā de sthāman, çāsti, dont elle forme la seconde
partie.

Cette voyelle, disons-nous, devait être très-faible. On
aurait peine à comprendre autrement comment dans plusieurs
178langues différentes elle tend à être supprimée. On a en sanskrit
les formes comme da-d-más, da-dh-más, á-tta, vásu-tti, ava-tta (de
partager). Le paléosl. damŭ, da-s-te etc. s'explique de même
(pour le redoublement v. § 13 fin). Le pluriel et le duel du prétérit
gothique faible -de-d-um etc., où la rac. dhē est fléchie,
croyons-nous, à l'imparfait, rendent le même témoignage. En
latin pestis est suivant Corssen pour *per-d-tis. Nous rappelons
aussi l'ombr. teḍtu. Tout indique encore que l'i de sthitá, pitár, est
identique avec l'i de duhitár et d'autres formes du même genre
(cf. le chap. VI). Or en slave et en germanique dŭšti, dauhtar,
montrent que la voyelle en question a disparu, absolument comme
dans da-s-te, de-d-um. — Enfin la prononciation indéterminée de
cette voyelle se manifeste encore par le fait qu'elle s'absorbe dans
les sonantes qui la précèdent. Nous aurons l'occasion de revenir
sur cette particularité. Le participe de çrā par exemple, donne,
au lieu de « çritá » (cf. sthitá de sthā), çirtá = *çr̥tá.

Nous désignerons la voyelle indéterminée par un A placé au-dessus
de la ligne.

En Europe cette voyelle incolore, quand elle n'a pas disparu,
s'est confondue le plus souvent avec les phonèmes a et o
dont elle était sortie. Nous sommes obligé de prendre plusieurs
de nos exemples dans les cas mentionnés ci-dessus où une voyelle
apparaît à la suite de la racine comme dans duhitár. La valeur
de cette voyelle ne diffère point de celle qui est dans sthitá.

La continuation latine est en général : a dans la première
syllabe des mots, e ou i dans la seconde. Exemples : castus (= skr.
çištá), pater, status, satus, catus, datus 1215 ; — genitor, genetrix, janitrices,
umbilicus
. Le mot lien = skr. plihán offre i dans la 1e syllabe.
En revanche anăt- « canard » montre a dans la seconde.

En germanique on trouve α (parfois u) dans la 1e syllabe,
et suppression de la voyelle dans la 2e syllabe. Exemples : fadar,
dauhtar. Le v. ht-all. anud « canard » retient la voyelle dans la
2e syllabe et lui donne la couleur u.179

Le letto-slave offre un e dans le paléosl. slezena = skr.
plihán, et le même e se retrouve dans la désinence du génitif :
matere, gr. μητρός. Voy. ci-dessous ce qui est relatif à pátyus.
Dans la seconde syllabe nous trouvons la voyelle supprimée : sl.
dŭšti, lith. duktě ; sl. ąty, lith. antìs, cf. lat. anat- ; lith. arklas
« charrue » comparé à ἄροτρον, ìrklas « rame », cf. skr. arítra.

En grec les formes comme ἐρε-τμόν, κέρα-μος, ἄρο-τρον,
ἀρι-θμός
indiquent que la voyelle muette peut prendre quatre
couleurs différentes, sans qu'on voie du reste ce qui détermine
l'une d'elles plutôt que l'autre.

Il devient donc possible d'identifier l'ε de ἑτός avec l'a du
lat. satus. Dans ἑτός de ἡ, δοτός de δω et στατός de στᾱ nous admettrions
que le souvenir des formes fortes imposa, dans chaque
cas la direction que devait prendre la voyelle indéterminée. Ainsi
l'α et l'ο de la fin des racines ne seraient point comme ailleurs
les représentants directs de ā et o. Ils seraient issus du son A,
affaiblissement proethnique de ces phonèmes. Libre de toute influence
la voyelle A semble avoir incliné vers l'α. C'est ce qu'indiquent
πατήρ, θυγάτηρ, ὀμφαλός = nābhīlá, σπλάγχν-ο-ν cf.
plīhán, κίρναμεν en regard de pr̥ṇīmás, puis quelques formes
isolées comme πρόβατον, πρόβασις, βασιλεύς parallèlement à
βόσκω, βοτήρ de βω. L'i se trouve dans πί-νω, πιπί-σκω.

Plusieurs exemples, à l'intérieur des racines, rappellent les
doublets de formes faibles indiennes comme çik et çak de çāk, viš
et vas de vās. En grec on a de κωπ (κωφός) κάπων et κόπτω. L'α
de κάπων paraît représenter la voyelle faible ; l'ο de κόπτω est o.
En gothique on a de slāk (parf. sloh) le partic. slauhans et le présent
slaha.

On peut citer encore comme exemples de la voyelle faible
médiale grec ἔτραγον de τρωγ, goth. brukans où le groupe ru
répond au ra de fractus et de ῥαγῆναι (rac. bhrēg). V. p. 167. L'i
représente la même voyelle dans ἱδρύω (cf. skr. sīd), dans κῖκυς
« force » que M. Fick rapproche du skr. çak, çik.

Dans deux exemples seulement l'i indien semble être rendu
directement par l'o grec : δοχμός qui correspond à ģihmá et κόσμος
en regard du skr. çiš. Est-il permis de comparer kitavá « joueur »
et κότταβος ? Cf. ion. ὄτταβος. Il serait possible aussi que la
voyelle de νυκτ-, noct- répondît exactement à celle de niç-.180

Dans quelques cas le sanskrit offre un u à la place de l'i ;
gúdā « intestin », cf. γόδα· ἔντερα. Μακεδόνες ; udára « ventre », cf.
ὅδερος· γαστήρ ; su-túka « rapide » de tak (cf. ταχύς) váru-ṇa, cf.
οὐρα-νός. Le cas le plus important est celui de la désinence du
génitif. Nous croyons que pátyus est identique avec πόσιος ; voy.
page 196.

Avant de finir, nous ne voulons pas omettre de mentionner
différentes formes indo-européennes qui sont en désaccord avec
la théorie proposée. Peut-être sont-ce des fruits de l'analogie
proethnique. Indo-eur. swādú en regard de pr̥thú etc. (p. 15, 23).
Indo-eur. āstai (skr. aste, gr. ἧσται) au lieu de āstaí. Indo-eur.
ak1man « rocher » à la place de ākman, ayas « aes » et non āyas
(p. 156). Il est fort singulier aussi de trouver de la rac. sād skr.
sădas = gr. ἕδος, de la rac. tām skr. tămas = lat. *temus dans
temere, de la rac. dāk1, lat. decus = skr. *dáças dans daçasyáti,
toutes formations qu'il nous est impossible de regarder comme
légitimes. Voici un cas bien frappant : en regard du v. ht-all. uoba
on a, très-régulièrement, en sanskrit āpas « acte religieux », en
zend hv-āpaṅh (Fick I3 16), mais en même temps skr. ápas, lat.
opus, inexplicables l'un et l'autre.

Pour que le phonème a remplit un rôle morphologique parfaitement
identique avec celui de i ou u, il faudrait, en vertu du
même principe qui ne permet point de racines finissant par in, ir
etc. (p. 125), qu'aucune racine ne montrât a suivi d'une sonante.
Mais ici semble cesser le parallélisme de a avec les autres coefficients
sonantiques, parallélisme qui du reste, considéré au point
de vue physiologique, est assez énigmatique.

Voici quelques-unes des racines où nous devons admettre,
provisoirement du moins, le groupe a + sonante. Rac. ār (soit
a1ar) « labourer », ār ἀραρίσχω, āl « nourrir » (goth. ala ol), ān
« souffler » (goth. ana on), lāu « gagner » (ἀπο-λαύω, ληΐς, sl.
lovŭ). Le grec offre entre autres : θᾱλ θλλω, τέθᾱλα, θᾱλέω ; —
ξᾱν ξᾰίνω, ἐπί-ξηνον ; — πᾱρ πᾰῦρος, πᾶρος, πηρός et avec ā2
(ταλαί-)πωρος, cf. p. 60 ; — σᾱρ σᾰίρω, σέσᾱρα, σεσᾰρυῖα et σωρός ;
— σκᾱλ σκλλω, σκώληξ ; — γᾱυ γᾰ(Ϝ)ίω, γᾰῦρος, γέγη(u)θα ;
— δᾱυ δα(Ϝ)ίω, δέδη(Ϝ)α, δεδᾰυῖα (dans Nonnus d'après Veitch) ;
181— καυ κα(Ϝ)ίω, ἔκη(Ϝ)α 1216 ; — κλᾱυ κλᾱΐς et avec ā2 κλωβός (Grdz.
572) 5 — φᾱυ (rac. secondaire) πιφᾰύσκω, φ(Ϝ)εα ; — χρᾱυ χρᾰύω,
ζα-χρηής
. A la p. 57 sont réunis plusieurs exemples gréco-italiques
de ce genre. Une partie de ces racines sont indubitablement
hystérogènes. Ainsi μαίνομαι vient vraisemblablement de
μεν comme καίνω de κεν (p. 103) ; plus tard l'α donna lieu à une
méprise, et l'on forma μέμηνα, μῆνις, μάντις. L'o du lat. doleo
indique également que l'α de δάλλει· κακουργεῖ n'est point originaire
(cf. p. 107), et cependant l'on a δᾱλέομαι.

A cette famille de racines se joignent les exemples comme
krēm, mēl (p. 166 seq.).

C'est une conséquence directe de la théorie et une conséquence
pleinement confirmée par l'observation que l'a (a) des
diphthongues ai et au ne puisse être expulsé. On pourrait objecter
le lat. miser à côté de maereo, mais maereo est apparemment
pour moereo de même que paenitet (Corssen I2327) est pour
poenitet.

Les racines qu'on abstrait de formes comme le lat. sarpo ou
taedet sont incompatibles avec notre théorie. La voyelle des
racines étant toujours e, jamais a, il faudrait poser pour racines
searp teaid, soit sārp tāid. Or on ne trouve pas d'ā long dans les
groupes radicaux de cette espèce.

Mais quelles garanties a-t-on de l'ancienneté de ces radicaux ?
Les racines telles que derk ou weid peuvent le plus souvent se
suivre facilement jusque dans la période indo-européenne. Dès
qu'il s'agit des types sarp et taid, c'est à peine si l'on recueille
une ou deux coïncidences entre le grec et le latin, entre le slave
et le germanique. Des 22 verbes gothiques qui suivent l'ablaut
falþa faifalþ, ou haita haihait, et dont la partie radicale finit par
une consonne, 6 se retrouvent dans une des langues congénères,
mais sur ce nombre salta = lat. sallo est notoirement hystérogène ;
fāha si on le compare à pango ne doit sa nasale qu'au suffixe ;
hāha de même ; il est comparé à la p. 59 avec le lat. cancelli et le
skr. kańćate, mais κάκαλον et le skr. kāćana « attache » ne connaissent
182point de nasale ; auka enfin rentre dans un cas particulier dont il
sera question ci-dessous. En réalité il n'existe donc que deux cas,
valda = sl. vladą, skaida = lat. caedo. On remarque bien que la
coïncidence, dans ces deux cas, ne dépasse pas les idiomes les plus
rapprochés 1217. Ces fausses racines pouvaient prendre naissance de
manières très-diverses : 1° Par l'addition de déterminatifs à la
forme faible des racines comme āl et gāu. Ainsi le goth. alÞa est
une continuation de ala, le lat. gaudeo est du consentement de
tous une greffe tardive de gau. 2° Par infection nasale venant du
suffixe du présent. 3° Par propagation de la forme faible dans
les racines contenant r, l, n, m. Ainsi naît le grec θαρσ (p. 129),
ainsi le gréco-it. phark (farcioφράσσω, cf. frequens), car même
en latin ar est dans plusieurs cas un affaiblissement, v. le
chap. VI. 4° Par la combinaison des procès 1 et 3 ; ex. : spar-g-o
de sper (σπείρω). 5° Par la propagation de formes contenant a2.
S'il est vrai par exemple que le goth. blanda soit parent de blinda-« aveugle »,
il faut qu'une confusion ait été occasionnée, à l'époque
où la réduplication subsistait partout, par le parf. bebland du
présent perdu *blinda. Cette forme s'associant à fefalþ etc., était
capable de produire blanda.

Les remarques qui précèdent ne s'appliquent pas aux racines
où l'a est initial comme aidh, aug, angh, arg, dont on ne saurait
contester la haute antiquité. Mais ces racines n'en sont pas
moins dues à des modifications secondaires. Comme nous essayons
de l'établir au chap. VI, elles sont issues de racines contenant l'e.
Par exemple le thème aus-os « aurore » et toute la racine aus procèdent
de la racine wes, angh procède de negh etc.183

On ne trouve pas de racines terminées vocaliquement et dont le
vocalisme consisterait uniquement dans
a1, comme serait « sta1 » ou
« pa1 ». A la rigueur les présents sanskrits comme tí-šṭha-ti, píba-ti,
pourraient passer pour contenir de telles racines. Il faudrait
attribuer à ces formes une antiquité énorme, car ce serait y voir
la base, insaisissable partout ailleurs, de racines comme sta1-a,
pa1-o (gr. στᾱ, πω ; skr. sthā-tár, pā-tár). Mais il est bien plus
admissible de dire tout simplement que ces formes sont dues à
l'analogie des verbes thématiques, et que ἵ-στᾱ-τι est plus vieux
que tí-šṭha-ti.

Appelons Z tout phonème autre que a1 et a2. On pourra
poser cette loi 1218 : chaque racine contient le groupe a1 + Z.

Seconde loi : sauf des cas isolés, si a1 est suivi de deux éléments,
le premier est toujours une sonante, le second toujours
une consonne.

Exception. Les sonantes a et ο peuvent être suivies d'une
seconde sonante.

Pour donner des formules aux différents types de racines
que permettent ces deux lois, appelons S les sonantes i, u, n, m, r
(l), a, o, et désignons par C les consonnes par opposition à sonantes.
Comme ce qui vient après a1 forme la partie la plus caractéristique
de la racine, il est permis de négliger les différentes combinaisons
auxquelles les phonèmes qui précèdent a1 donneraient
lieu. Ainsi a1i, ka1i, sKa1i, rentreront pour nous dans le même
type, et il suffira d'indiquer par x Ζ placé entre crochets qu'il
peut y avoir différents éléments avant a1. Ces formules ne
comprennent que le premier grand embranchement de racines,
mais conservent leur raison d'être dans le second, dont nous
parlerons au § 14.

1er type : [x Ζ +] a1 + Z.

2e type : [x Ζ +] a1 + S + C.

Type résultant de l'exception à la seconde loi :

[x Ζ +] a1 + a (o) + S.184

§ 12. Aperçu synoptique des variations du vocalisme
amenées par la flexion.

Remarques préliminaires.

1. Forme des suffixes.

Nous ne considérons que les suffixes primaires.

La loi fondamentale des racines était de renfermer le groupe
a1 + Z. Une loi analogue, mais plus large, régit les syllabes
suffixales : tout suffixe contient a1.

Exception. Le suffixe du participe présent actif -nt ne possède pas a1.
Les formes dont l'analyse est douteuse cachent peut-être d'autres
exceptions, dont on ne peut tenir compte.

Les suffixes se divisent en deux grandes classes, selon que a1
est suivi ou non d'un phonème.

Dans le premier cas la formule coïncide avec celles des syllabes
radicales. Les principaux suffixes de cette classe sont -a1n,
-ma1n, -wa1n, -a1m, -a1r, -ta1r, -a1s, -ya1s, -wa1s, -a1i, -ta1i, -na1i,
-a1u, -ta1u, -na1u, -ya1a
etc. Un thème tel que sa1r-ma1n ou ma1ata1r
est une combinaison de deux cellules parfaitement sembables
l'une à l'autre. — Toutefois le parallélisme de ces suffixes avec
les racines n'est pas absolu. Il est restreint par une loi qui exclut
des suffixes presque tout autre phonème que t, s, et les sonantes.

La deuxième classe de suffixes est celle qui finit par a1 (lequel
alterne comme ailleurs avec a2). Ce sont entre autres les
suffixes -a1,-ta1, -na1, -ma1, -ya1, -wa1, -ra1.

2. Qu'est-ce qu'on peut appeler les variations vocaliques amenées par
la flexion ?

Les deux seules modifications que puisse subir la racine,
l'expulsion de a1 et son changement en a2, sont aussi les deux
seules modifications
dont les suffixes soient susceptibles.

Les variations proethniques du vocalisme, si l'on en fait le
total, se composent donc : 1° des cas d'expulsion et de transformation
de l'a1, radical ; 2° des cas d'expulsion et de transformation
de l'a2 suffixal.

Mais pour saisir les phénomènes dans leur lien intérieur, la
classification des syllabes en syllabes radicales et syllabes suffixales
ne convient pas. Il y faut substituer la division en syllabes
ou cellules présuffixales
et prédésinentielles.185

Les syllabes présuffixales sont celles qui précèdent immédiatement
un suffixe. Il s'entend de soi-même que, dans le mot primaire,
ce ne peuvent jamais être que des racines.

Les syllabes prédésinentielles comprennent : 1° les racines
sans suffixe ; 2° les suffixes.

Si le terme de syllabe n'était ici plus ou moins consacré par
l'usage, nous lui préférerions beaucoup celui de cellule ou unité
morphologique
, car un grand nombre de racines et de suffixes —
p. ex. sta1a-, pa1ra- (§ 14), -ya1a, peut-être aussi ka1i-, -na1u etc. —
sont disyllabiques. Définissons donc bien ce que nous entendons
par « syllabe » ou cellule : groupe de phonèmes ayant, à l'état non
affaibli, le même
a1 pour centre naturel.

Nous nous proposons d'étudier les variations vocaliques du
mot primaire (expulsions et transformations de l'a) qui sont en
rapport avec la flexion. Ce sujet ne touche, sauf une exception
douteuse (p. 221), à aucune des modifications que subissent les
syllabes présuffixales ; il embrasse en revanche la presque totalité
de celles qui s'accomplissent dans les syllabes prédésinentielles
.

Nous ne disons pas la totalité, parce que dans certains
thèmes-racines tels que skr. mŕ̥dh ou (açva-)yúģ on constate un
affaiblissement persistant à tous les cas de la déclinaison. Apparemment
cet affaiblissement ne dépend pas de la flexion.

Le principe du changement de l'a1 en a2 étant presque aussi
mal connu pour les syllabes prédésinentielles que pour d'autres
on ne saurait affirmer que ce changement dépend de la flexion
avec une sécurité aussi grande que pour le second genre de modifications,
l'expulsion de l'a. Néanmoins l'alternance qu'on observe
entre les deux a, alternance qui se dirige sur celle des désinences
nous a déterminé à ranger l'apparition de l'a2 prédésinentiel
parmi les phénomènes de flexion.

Flexion verbale.

1. Expulsion de l'a.

De la conformation des racines et des suffixes (v. ci-dessus)
il résulte, soit pour les noms soit pour les verbes, deux types
principaux de thèmes. Dans le premier type a1 finit le thème,
dans le second a1 est suivi d'un ou de deux phonèmes.186

Thèmes verbaux du premier type : rá1ika1- (λείπε-), riká1 (λιπέ-),
ra1hsya1 (λειψε), spakya1- (paçya-), gm̥ska1- (βασκε-).

Thèmes verbaux du second type :

a. Racine simple ou redoublée. Ex. : á1s- (ἐσ-), á1i- (εἰ-)
bhá1a- (φᾱ-), rá1igh- (leh-), ká1as- (çās-), bhá1bhá1r- (bibhár-).

b. Racine + suffixe. Nous pensons que les caractéristiques
-na1u et -na1a des classes 5 et 9 ne sont pas plus des suffixes proprement
dits que -na1-g dans yunáģmi (v. chap. VI). Mais cela
est indifférent pour la flexion, et nous pouvons réunir ici toutes
ces formes : str̥ná1u- 1219 (str̥ṇó-), pr̥ná1a- (pr̥ṇá-), yuná1g,
(yunáģ-), righyá1a- (lihyā-, optatif).

Les expulsions d'a, dans les syllabes prédésinentielles, se
ramènent à deux principes très-différents : la qualité du phonème
initial des désinences
et l'accentuation. Selon que l'un ou l'autre
des deux principes règne, il naît deux modes de flexion auxquels
on nous permettra d'appliquer les termes de flexion faible et de
flexion forte indo-européenne. Dans la flexion forte, la seule
qu'admette le verbe, l'expulsion de l'a se dirige d'après l'accent.

Tout le monde reconnaît aujourd'hui, après la belle découverte
de M. Verner, que l'accentuation indienne peut passer, et
cela particulièrement dans les formes verbales, pour l'image
presque absolument fidèle de l'accentuation proethnique. La contradiction
où était l'accent verbal grec avec celui du sanskrit et
du germanique se résout par la théorie de M. Wackernagel qui
en fait, comme on sait, un cas particulier de l'enclisis. Conformément
à ce que fait attendre cette théorie, les infinitifs et les participes
grecs échappent à la loi du verbe fini et s'accordent dans
leur accentuation avec les formes sanskrites.

Que l'accent à son tour soit la principale force en jeu dans
187les dégradations de la flexion, c'est un fait proclamé d'abord par
M. Benfey, mis en lumière dans ces derniers temps par les travaux
de M. Osthoff et de M. Brugman et sur lequel la plupart
des linguistes tombent d'accord dès à présent.

Nous allons essayer de réduire à des principes aussi simples
que possible : 1° les résultats des déplacements d'accent, 2° les
déplacements d'accent eux-mêmes.

Il n'y a d'autres thèmes verbaux paroxytons que les formes
comme rá1ika1 1220, où l'accent est indifférent, ainsi que cela ressort
de la loi I (v. ci-dessous). On peut donc poser la règle comme si
tous les thèmes étaient oxytons.

Ces règles sont celles de la flexion forte en général sans
distinction du nom et du verbe.

I. l'a1 qui finit un thème et qui porte le ton ne peut
s'en départir en aucun cas.

II. Si la loi I n'y met obstacle, toute désinence
susceptible d'accent (c'est-a-dire formant une syllabe)
s'empare du ton de la cellule prédésinentielle.

III. Aussitôt privé d'accent, l'a1 de la cellule prédésinentielle
se perd.

L'énoncé de la loi II renferme implicitement l'hypothèse
à laquelle nous recourons pour expliquer la variation de l'accent :
c'est de poser les désinences dites secondaires comme étant
en réalité les plus primitives. La forme indo-européenne de ces
désinences n'est pas encore déterminée pour chaque personne avec
la même sûreté ; mais du moins il n'y a pas de doute possible
touchant celles du singulier de l'actif, et c'est là le point principal
pour ce que nous avons en vue.

tableau Actif | -m | -s | -t | -ma1 | -ta1 | -nt | -wa | -tam | -taam | Moyen | -ma ? | -sa | -ta | -ma1dha | -dhwa1 | -nta | -wadha 1221

La combinaison de ces désinences avec les thèmes rá1ik-,
pr̥ná1-, riká1 — ces exemples suffiront — donnera d'après ce
qui est stipulé plus haut :188

tableau actif | moyen | rá1ik-m | rik-má | pr̥ná1a-m | pr̥nA-má | riká1-m | riká1-ma | rá1ik-s | rik-sá | pr̥ná1a-s | pr̥nA-sÁ | riká1-s | riká1-sa | rá1ik-t | rik-tá | pr̥ná1a-t | pr̥nA-tÁ | riká1-t | riká1-ta | rik-má1 | rik-má1dha | pr̥nA-má1 | pr̥nA-má1dha | riká1-ma1 | riká1-ma1dha | rik-tá1 | rik-dhwá1 | pr̥nA-tá1 | pr̥nA-dhwá1 | riká1-ta1 | riká1-dhwa | rik-n̥t | rik-n̥tá | pr̥n-n̥t | pr̥n-n̥tá | riká1-nt | riká1-nta | rik-wá | rik-wádha | pr̥nA-wá | pr̥nA-wadha | riká1-wa | riká1-wadha | rik-tám | pr̥nA-tám | riká1-tám | rik-táam | pr̥nA-táam | riká1-táam | 1222 2223 3224

A l'impératif, la 2e et la 3e pers. sing. moy. (skr. dvikšvá,
pr̥ṇīšvá ; dvišṭām, pr̥ṇītām
etc.) répondent à la règle. La 3e pers.
de l'actif, forme forte (skr. dvéšṭu, pr̥ṇātu) paraît être en contradiction
avec le principe des « désinences qui font une syllabe ».
Mais ici nous touchons à la question des désinences « primaires ».

La plupart des formes « primaires » peuvent se tirer des
formes « secondaires » au moyen de l'élément i que suppose M. Fr.
Müller : -m-i -ma-i(?), -s-i -sa-i, -t-i -ta-i, -nt-i -nta-i, -mas-i -madha-i,
-was-i -wadha-i
(peut-être l's de -mas-i et -was-i vient-il de l'ancien
dh transformé en -s à la fin du mot ; conservé au moyen par l'a
qui suivait ?). M. Bergaigne fait remarquer (Mém. Soc. Ling. III
105) que deux couples de désinences sanskrites du moyen,
-dhvam -dhve et -ram -re présentent un rapport différent et il suppose
que la nasale de -dhvam et -ram a été ajoutée après coup.
Comme le grec -σθε indique de son côté une forme -dhwa1, cette
hypothèse est extrêmement vraisemblable. La série s'augmente
donc encore de 2 cas. Nous ne pouvons savoir si le -tu de dvéšṭu,
pr̥ṇātu, n'a point été formé par l'addition d'un -u, comme -ti par
l'addition d'un -i.

Maintenant pourquoi, l'i ou l'u une fois ajoutés dans ráikm-i
et les formes du même genre, le ton n'a-t-il pas passé selon la
règle sur la désinence ? A cela on peut trouver deux réponses
principales. A l'époque où l'i (u) fut ajouté, l'attraction que la
désinence exerçait sur l'accent, pouvait avoir cessé. En second
189lieu, il est très-digne de remarque que la voyelle désinentielle
soit dans les quatres formes en question (dvéšmi, dvékši, dvešṭi,
dvéšṭu
) un i ou un u, qui n'est suivi d'aucun autre phonème.
Certains indices font croire que l'i et l'u, dans ces conditions,
avaient une prononciation très-faible qui les rendait incapables
de porter l'accent 1225. C'est ce qui se vérifie dans la flexion
nominale pour le locatif ukšáṇi, dātári etc., peut-être aussi pour
les nominatifs neutres comme páçu (gén. paçvás), v. p. 222. On
nous fera remarquer qu'une autre forme de l'impératif, la 2e personne
dviḍḍhí, pr̥ṇīhí etc., s'oppose à une hypothèse de ce genre.
A cela on peut répondre premièrement que le thème fort fait de
fréquentes apparitions dans ces impératifs. On a en sanskrit
çādhi, çaçādhi, bodhí (de bodh), ģahāhi que cite M. Benfey Or. u.
Occ.
I 303, gr̥bhṇāhi, prīṇāhi (Ludwig Wiener Sitzungsber. LV
149) ; en grec βῆθι, τλῆθί, σύμ-πωθι, δίδωθι, ἵληθι (Curt. Verb.
II 35). En second lieu, quand on considère le caractère presque
190facultatif de la désinence -dhí, on se demande si elle n'est pas
dans l'origine une particule libre agglutinée plus tard au thème.

Il reste à considérer différents paradigmes offrant une anomalie
apparente ou réelle.

1. Les formes fortes de la 3e classe avaient, croyons-nous,
deux accents dans la langue mère, l'un frappant la racine et
l'autre le redoublement (v. § 13 fin). Le saut de l'accent dans
skr. pipr̥más en regard de píparti n'est donc qu'apparent.

2. Les aoristes sigmatiques comme áģaišam ont un vocalisme
assez troublé. Les racines finissant par une consonne s'affaiblissent
au moyen 1226 ; ex. ávikšmahi, en regard de áćešmahi. Cela nous
donne le droit de supposer que ce temps a possédé primitivement
dans toute son extension l'alternance de formes fortes et de
formes faibles que la structure du thème doit y faire attendre.
Le pluriel et le duel de l'actif ainsi que le moyen pour certaines
racines, ont donc subi un métaplasme. L'accentuation n'est pas
moins corrompue que le vocalisme (Benfey Vollst. Gramm. p. 389).
En grec les formes fortes ont prévalu comme en sanskrit (p. 128).

3. La 2e et la 3e pers. sing. du parfait semblent se prêter
assez mal à notre théorie, puisque -ta (skr. -tha) et -a pouvaient
prendre l'accent. Mais aussi l'a radical n'est point a1, il est a2.
C'est là, je crois, une circonstance importante, bien qu'il soit difficile
d'en déterminer au juste la portée. Le fait est que les règles
qu'on peut établir pour les déplacements de l'accent et la chute
de l'a sont souvent éludées quand cet a apparaît sous la forme
de a2. Cf. § 13 fin.

4. Optatif en -yá1a. Fléchi comme pr̥ná1a- ce temps devait
faire au pluriel (*rikya-má) rikyA-má, au moyen (*rikya-tá),
rikyA-tá. Mais le groupe yA ne peut subsister. Il se change en ī
dès la période proethnique tout de même que rA se change en r̥̄
(v. p. 179 et le chap. VI). Toutes les formes qui n'apartiennent
pas au singulier de l'actif avaient donc ī dans la langue mère.
Pour le moyen M. Benfey a établi ce fait dans son écrit Ueber die
Entstehung etc. des indog. Optat.
2227 (Mémoires de l'Acad. de Gœttingue
191

XVI 135 seq.). Au pluriel et au duel de l'actif le même ī apparaît
dans toutes les langues européennes : lat. s-ī-mus (sing. s-iē-m),
gr. ε-ἶ-μεν (sing. ε-ἴη-ν), sl. jad-i-mŭ (sing. jaždĭ = *jadjĭ), goth.
ber-ei-ma (le singul. bereiÞ s'est dirigé sur le pluriel). Nous renvoyons
au travail déjà cité de M. Paul Beitr. IV 381 seq., sans
pouvoir toutefois nous associer à la conception de l'auteur qui
voit dans l'ī « une contraction de -yā ». En sanskrit nous trouvons
au pluriel et au duel de l'actif lihyāma, lihyāva etc. Ces formes
sont dûes à l'extension analogique du singulier. Qu'on considère :
1° que les langues d'Europe sont unanimes dans l'ī, 2° que la
théorie générale de la flexion veut ī, non  ; 3° que les cas comme
pāmi pāmás en regard du gr. φᾱμί φᾰμέν établissent un précédent
pour la propagation de l'ā long (p. 147) ; 4° qu'en sanskrit même
le moyen offre l'ī et que toute divergence entre le moyen et le
pluriel-duel de l'actif a un caractère anormal ; 5° enfin que le zend
montre l'ī dans quelques formes actives : Justi donne daiδītem
(3e p. du.), puis çāhīṭ, fra-zàhīṭ, daidīṭ, formes du singulier qui ont
reçu l'ī par analogie 1228.

Le précatif védique (Delbr. l. c. 196) suit exactement dans
sa flexion l'exemple de l'optatif. Actif : bhū-yās-am, kri-yās-ma ;
moyen : muć-īš-ṭa etc.192

5. Optatif de la conjugaison thématique. La caractéristique,
ainsi que l'admet M. Benfey, est un long 1229 que nous croyons
sorti de -ya1a à peu près comme dans les formes faibles dont il
vient d'être question. Mais il est fort difficile de dire d'après
quel principe la réduction de -ya1a en = *yA a pu se faire ici, la
tonique précédant la caractéristique. La flexion est unique en
son genre. On attendrait que le thème skr. tudé (= *tudá-ï) fît
au pluriel « tudīmá », puisque l'a est suivi d'un phonème. Mais
on remarque que cet a est a2 (p. 87), ce qui, nous l'avons vu,
change beaucoup la question. L'a se maintient donc, et il en
résulte ce phénomène inconnu d'ailleurs d'une flexion sans dégradation
se faisant sur un thème qui ne finit point par a1. —
Par une coïncidence curieuse mais fortuite sans doute l'alternance
des anciennes diphthongues slaves ě et i dans l'impér. nesi, nesi,
nesěmŭ, nesěte, nesěvě, nesěta
semble se refléter dans le zend barōis,
barōiṭ, baraēma, baraētem
(moy. baraēsa, baraēta ; au pluriel ōi
reparaît). Nous avons cherché en vain ce qui pourrait justifier
une différence originaire entre la diphthongue du singulier et
celle du pluriel ou du moyen 2230.

Subjonctif des verbes thématiques. Nous ne sommes pas
arrivé à nous faire une opinion sur la forme primitive d'un
subjonctif comme le gr. φέρω φέρῃς etc. L'ā du lat. ferāt serait
composé de a1+ a1, e + e ? Ne serait-ce pas plutôt feram feres
le vrai subjonctif ? Et a-t-on le droit de séparer moneat, audiat,
de l'optatif ombrien portaia ?

2. Apparition du phonème a2.

La flexion verbale ne connaît la transformation de l'a1 en
a2 que dans deux cas :193

Dans la conjugaison thématique, où le phénomène paraît
pouvoir s'expliquer par la nature de la consonne qui suit l'a.
Voy. p. 87.

Au singulier du parfait, où l'a transformé est un a radical.
La 1e personne conservait peut-être a1. Voy. p. 71 seq.

Flexion nominale.

1. Expulsion de l'a.

A. L'expulsion se produit en vertu des lois de la flexion forte.

Thèmes oxytons.

Les thèmes finissant par a1 se comportent comme dans la
flexion verbale. L'accent ne passe point sur les désinences, et l'a
persiste par conséquent à toutes les formes 1231.

La première remarque à faire relativement aux thèmes où
l'a1 est suivi d'un ou de deux phonèmes, c'est qu'ils n'appartiennent
à la flexion forte qu'au singulier
. Le pluriel et le duel devront
donc être traités sous la lettre B.

On sait que l'ancienneté de l'accentuation sanskrite est prouvée
ici par son accord avec celle des monosyllabes grecs.

Les cas faibles, c'est-à-dire accentués sur la désinence et
dépourvus d'a dans la syllabe prédésinentielle, sont : l'instrumental,
le datif, le génitif. Les désinences sont , -ai (p. 92), -As.

Les cas forts ou pourvus d'a sont : le nominatif, l'accusatif,
le locatif, le vocatif. Les désinences sont -s, -m, -i, et zéro.

On le voit, le principe posé plus haut se vérifie. Ce qui fait
qu'il y a des cas forts, c'est uniquement l'incapacité de certaines
désinences à recevoir le ton 2232. Au vocatif d'ailleurs l'accent fuit
vers le commencement du mot.194

Nous venons de ranger le locatif parmi les cas forts. Effectivement
on sait qu'en sanskrit la forme forte y est permise, sinon
obligatoire comme dans pitári, dātári 1233. Deux exemples particulièrement
intéressants sont dyávi (cf. divé etc.) et kšámi en regard
de l'instr. kšamā. Sur l'aversion qu'a le ton pour l'i final v. p. 190.

Les phénomènes spéciaux du nominatif, qui parfois se formait
sans s, demandent à n'être pas séparés de la question de l'a2. Il
nous faut donc renvoyer le lecteur à la page 213.

Dans l'application de la théorie qui vient d'être formulée,
nous nous bornerons, le sujet étant immense, à relever les points
saillants de la déclinaison de chaque espèce de thèmes. Nous
adoptons complètement les principaux résultats de l'étude de
M. Brugman sur les thèmes à liquide (Stud. IX 363 seq.). Ce
travail avait été précédé de la théorie de M. Osthoff sur la déclinaison
des thèmes à nasale (Beitr. de P. et B. III 1 seq.), qui s'en
approchait beaucoup pour le fond de la conception, mais sans
proclamer encore l'expulsion totale de l'a aux cas faibles et sans
opérer avec le phonème a2. M. Osthoff admettait une échelle d'a
de forces différentes. — Nous mettrons encore à profit l'article
de M. Brugman sur les suffixes -as, -yas, -was (K. Z. XXIV 1 seq.).
Les restes de la dégradation des suffixes en letto-slave sont recueillis
par M. Leskien Archiv für slav. Philol. III 108 seq.

Comme type de la forme faible nous choisirons le datif.

Thèmes en -wás. L'accent, en sanskrit, s'est retiré aux cas
faibles sur le suffixe : vidúše, ģagr̥bhúše pour *vidušé, ģagr̥bhušé. La
forme proethnique -us- des cas faibles, telle que l'admet M. Brugman
K. Z. XXIV 97, est assurée indirectement par le grec -υια,
et ἰδυῖοι (ibid. 81), par le goth. berusjos et le sl. -ŭs-je-.

Thèmes à liquide. L'expulsion proethnique de l'a aux cas
faibles a été mise en pleine lumière par M. Brugman. Le phénomène
le plus singulier est celui du génitif indien en -ur. Nous
essayons de l'expliquer de la manière suivante.195

La désinence du génitif est -As et non -as. Accentuée, comme
dans padás, elle a dû en sanskrit se développer en -ás (p. 177).
Non accentuée, on la voit donner -us dans pátyus, sákhyus, ģányus
(ici par conséquent il faut poser -us, non -ur). Peu à peu cependant
la forme -as parvient à éliminer sa rivale.

L'hypothèse de cette désinence -Ás est confirmée : 1° par le
vocalisme du grec -ος et du slave -e ; 2° par les génitifs comme
yuktés, mr̥dós, dont il sera question plus bas. Enfin elle éclaircit,
jusqu'à un certain point, le génitif sanskrit mātúr.

Le prototype de mātúr est mātr-As. Le groupe rA doit donner
r̥̄, puis ūr (§ 14). La qualité de la voyelle est donc expliquée,
mais non sa quantité. En zend on a les génitifs nars, çāçtars,
qui viennent de *nr̥̄s, *çāçtr̥̄s, l'r-voyelle s'étant développé en ar
devant š comme dans arshan et autres cas. Dans ukšṇás le son A
ne s'est point fondu avec la nasale qui précède, ce qui s'explique
fort bien, croyons-nous, par des raisons physiologiques. Nous reviendrons
sur ce point au chap. VI.

D'ordinaire la contraction de rA en r̥̄ est proethnique. Dans
le cas qui nous occupe, le gr. πατρός 1234, le goth. fadrs, paraissent
indiquer qu'elle n'est qu'indo-iranienne. Les conditions, aussi,
sont assez particulières, l'accent reposant sur le phonème A, ce
qui ailleurs n'est pas le cas.

Le paradigme indien des thèmes en -an est parfaitement
régulier. Les langues européennes n'en ont conservé que des
débris. On a en latin caro carnis, en grec κύων κυνός 2235, ainsi que
ἀρνός. M. Osthoff (l. c. 76 seq.) pose comme thème de ce dernier
mot varan- (waran). Il nous semble que le skr. úraṇa ne s'accorde
bien qu'avec wr-án. Ceci donne la flexion grecque très-ancienne :
*Ϝρ-ήν, gén. *Ϝr̥-v-ός. Le nominatif subsiste dans
πολύ-ρρην ; le génitif est devenu régulièrement *Ϝαρνός, ἀρνός 3236.
196L'arménien garcn dont parle M. Osthoff peut se ramener à la
forme faible wr̥-n-.

La déclinaison φρήν φρενός, ποιμήν ποιμένος, vient de la
généralisation de l'accusatif et aussi du locatif, car φρένι, ποιμένι,
ont été de tout temps des formes fortes.

L'explication du goth. auhsin résulte du fait auquel nous
venons de faire allusion : auhsin est identique avec le skr. ukšáṇi.
Au génitif on attendrait *auhsns. Il paraît évident que auhsins
est une imitation du datif auhsin.

J'ai déjà cité l'article de M. Leskien, où il est montré entre
autres que le sl. dĭne « diei » vient d'un thème diwan- ou dian-.

Pour les formes indiennes comme brahmáṇe, il sera difficile
de décider si l'a s'est maintenu dès l'origine pour empêcher le
conflit des consonnes ou si brahmáṇe représente un primitif
*brahmn̥né. La position de l'accent conseille peut-être la première
solution.

Le thème en -am ghi-ám se décline comme les précédents.
V. Brugman Stud. IX 307 seq. Le zend a au nominatif zy-āo, au
gén. zi-m-ō.

Le suffixe participial -nt, lui-même dépourvu d'a, peut emprunter
celui du thème quand ce dernier finit par a. Tout se
passe alors comme si le suffixe était -ant. L'accent qui restait
immobile tant que l'a1 (a2) qui le supportait finissait le thème
passe aux désinences aussitôt que cet a1 est revêtu du groupe -nt
(lois I et II, p. 188). La flexion est donc en sanskrit tudán, tudaté
(= tudn̥té) etc. V. Brugman Stud. IX 329 seq.

Le grec λαβών λαβόντος a généralisé la forme forte. En
latin au contraire -ent continue la forme faible à nasale sonante,
que M. Sievers a reconnue en germanique dans hulundi, þusundi
et autres féminins.

Une petite minorité seulement parmi les thèmes qui finissent
par i et u appartient à la flexion forte. L'exemple le plus important
est di-á1u- 1237 « ciel ».197

tableau nom. | di-á1-u-s | Cf. | mā-tā1r | uks-ā1n | voc. | di-a1u | mā-ta1r | uks-a1n | acc. | di-á1u-m | mā-tá1r-m | uks-á1n-m | loc. | di-á1w-i | mā-tá1r-i | uks-á1n-i | dat. | di-w-ái | mā-tr-ái | uks-n-ái

Nominatif : plutôt que de voir dans le skr. dyaus l'allongement du
nominatif il faut je crois, à cause du gr. Ζεύς, assimiler l'au de cette forme
à celui de yaúmi etc. (p. 128). — Vocatif : gr. Ζεῦ. — Accusatif : diá1um
et la forme la plus ancienne, mais la coïncidence du gr. Ζῆv avec skr.
dyam paraît établir que dès une époque très-reculée la diphthongue avait
cessé d'exister. Cf. p. 41. L' de la forme Δv que rapporte un grammairien
est assurément singulier, mais la forme éolo-dorique ordinaire montre η,
v. Schrader Stud. X 319. — Locatif : véd. dyávi.

Nous allons étudier quelques autres mots du type di-au.
Pour ne point les disperser à plusieurs endroits nous citerons les
paroxytons comme les oxytons ; nous aurons aussi à faire la
distinction de a1 et a2 aux formes fortes.

Parmi les thèmes en -i, nous reconnaissons pour avoir
appartenu à la déclinaison de di-au : Au-á1i « oiseau » qui dans le
Véda fait vés au nominatif. Le reste de la flexion est dégénéré et
même au nominatif, ví-s commence à prendre pied.

En latin on a encore les mots comme vatēs, acc. vatēm.

C'est un échantillon analogue qui se cache dans le skr. kaví,
car en zend ce mot fait à l'acc. kavaēm. Seulement nous trouvons
pour nominatif zd. kava = *kavā. Etant donné pita(r) de pitár-,
le nom. *kavā(i) de kavai- n'a rien de surprenant. Mais il faut
provisoirement nous résigner à ignorer pourquoi les thèmes en
-u n'ont jamais de nominatif sans s et pourquoi les thèmes en i
eux-mêmes ont la double formation ves et *kavā. Cf. p. 213.

Flexion de gāu « bœuf ». Quelle est la forme exacte de ce thème ?
C'est, croyons-nous, ga-a1u et non ga1u : 1° parce que dans l'hypothèse
ga1u on devrait trouver aux cas faibles gu- ; 2° parce que le v. ht-all. chuo
suppose un ā long 1238. Les composés indiens comme su-gú ne sont dûs certainement
qu'à un changement de déclinaison. La langue, partant de
formes comme le gén. sugós ou le dat. sugáve et se laissant guider par les
adjectifs en (pr̥thú etc.), devait aboutir à sugús. Du reste ga-a1u se
198décline régulièrement soit en sanskrit soit en zend. Cf. skr. gaus (ga-a1u-s)
et dy-au-s, gá-v-e et di-v-é. Aux cas faibles, le ton s'est fixé sur l'a de ga-v-.
Cet a n'y avait évidemment aucun droit, mais en sanskrit l'attraction
qu'exercent sur l'accent les a radicaux de toute provenance paraît avoir
été presque irrésistible. Le locatif gavi au lieu de *gāvi est comme divi à
côté de dyavi. Le gr. βο-Ϝ-, βου = skr. ga-v-, go- indique que l'a radical
est un o. La forme forte s'est perdue : βοῦς a remplacé *βω(υ)ς. Homère a
bien encore l'acc. βῶν 1239 = arien gām (zd. gãm), que nous ramènerons sans
hésiter à go-á1u-m, mais en elle-même cette forme pourrait être sortie de
gaŭm comme Ζῆν sort de dyăum. Le latin ne nous apprend rien de particulier.

Thèmes en u qui prennent a2. Le zend a les formes suivantes :
acc. naçāum (cadavre) = *naçāvam (n. pl. naçāvō), acc. pĕrĕçāum
(côté), garemāum (chaleur). La flexion est complète pour l'ancien
perse dahyāu-s, acc. dahyāu-m (nom. et acc. pl. dahyāv-a, gen.
pl. dahyunām, loc. dahyusuvā). Le même mot en zend donne l'acc.
dańhaom — on attendrait dańhāum — (et le nom. pl. dańhāvō).
On a en outre le nom. sg. bāzāus (bras) dont l'ā s'explique, comme
pour le perse dahyāus, par l'influence de l'accusatif 2240 (*bāzāum)
lequel ne nous est point parvenu. Il règne du reste, comme le
montre dahyăom en regard de dahyāvō, une certaine confusion
entre les thèmes qui prennent a2 et ceux qui ne le prennent pas.
Justement en regard de *bāzāum le Véda nous offre bāha, duel
du même thème 3241. Cette flexion est d'autant moins suspecte d'origine
récente qu'elle apparaît de préférence au sein d'une petite
famille de thèmes en u avec laquelle nous avons fait connaissance
p. 133 : ce sont des féminins 4242, qui ont a1 dans la racine. Il est
possible, comme l'a conjecturé M. G. Meyer (Stammbildung p. 74),
que les noms grecs en -ευ-ς aient quelque rapport avec cette déclinaison,
seulement rapprocher l'ā arien de l'η de τοκῆος est,
croyons-nous, inadmissible. Il ne faut pas oublier d'ailleurs l'absence
de l'ευ dans νέκυς, πῆχυς, où on serait le plus en droit de
l'attendre. — M. Meyer rappelle les nominatifs gothiques comme
sunaus. On pourrait penser en effet que c'est là un dernier souvenir
de la double flexion primitive des thèmes en u.199

Thèmes en i qui prennent a2. Le plus important est le
thème skr. sákhe-, acc. sákhāy-am (zd. hu-shaχāim), voc. sákhe, dat.
sákhy-e (nom. pl. sákhāyas). L'ā long du nominatif sákhā est tout
autre que l'ā (= a2) de sákhāyam : il suffit de rappeler *kavā en
regard de *kavăyam (kavaēm). C'est ici peut-être que se place le
nom. pl. çtaomāyō (Spiegel Gramm. 133).

Depuis le travail de M. Ahrens sur les féminins grecs en ω
K. Z. III 81 seq. il est constant que le thème de ces mots finit
par i. Nous soupçonnons que ce sont là les correspondants du
type skr. sákhe. Si l'on a le droit de mettre en parallèle

tableau dātā | dāṭāram | dātar | dātrā | et | δώτωρ | δώτωρα | δῶτορ | δώτορος | pour | δωτρος

on a aussi celui de comparer

tableau sakhā | sakhāyam | sakhe | sakhyā | et | Ληθῴ | Ληθῶ | *Ληθόα | Ληθοῖ | Ληθόος | pour | *Ληθιος

A l'accusatif nous avons écrit Λητώ : c'est l'accentuation que
prescrit Dionysius Thrax (Ahrens l. c. 93). Du reste il n'y aurait
aucun témoignage en faveur du circonflexe que cela ne devrait
pas arrêter, étant donnés les procédés des grammairiens, de voir
dans la contraction de οα 1243, cf. Brugman Stud. IV 163. Sans
doute il y a les accusatifs ioniens comme Ἰοῦν, et l'on sait que
M. Curtius en a inféré que le thème finissait par -οϜι. Mais les
observations que fait à ce sujet M. Windisch Stud. II 229 montrent
bien que cette explication n'a pas satisfait tout le monde.
De *ἸοϜιν à Ἰοῦν le chemin n'est guère facile. De toute manière
cette forme en -ουv est énigmatique et a l'air d'un emprunt fait
à d'autres déclinaisons, peut-être à celle de βοῦς. L'hypothèse
des thèmes en -οϜι ne permet pas du reste, ainsi que le reconnaît
M. Curtius 2244, d'expliquer l'ω du nom. Λητῴ. — On pourrait s'étonner
200que les thèmes grecs en -a2i soient employés si exclusivement à
former des féminins. Toutefois il y a des traces du masculin dans
les noms propres Πατρώ, Μητρώ, Ἡρώ (Curt. Erl. 54).

Il est probable que bon nombre de mots analogues sont à
tout jamais cachés pour nous parce qu'ils ont revêtu la flexion
courante des thèmes finissant par i et u. En voyant par exemple
que dans le Rig-Véda ávi « mouton » fait au gén. ávyas et jamais
áves, absolument comme on a en grec οἰός (pour *ὄϜιος) et non
« ὀεως », il est naturel de croire que la flexion première a été : nom.
awa1i-s ou awā1i, dat. awy-ai, acc. awa1i-m etc. Peut-être que
le gén. goth. balgis des masculins en i, au lieu d'être ainsi que le
dat. balga emprunté aux thèmes en -a, offre un vestige de la
flexion dont nous parlons : balgis serait pour *balgiAs.

L'immobilité de l'accent dans le paradigme sanskrit apās
apáse, ušās ušáse
, n'a pas grande importance. Il est possible, il
est même fort probable que le ton y subissait primitivement les
mêmes déplacements que partout ailleurs. C'est la persistance
anormale de l'a suffixal qui est remarquable. Jusqu'ici les syllabes
prédésinentielles ne nous offraient rien de semblable.

M. Brugman (K. Z. XXIV 14 seq.) donne pour ce fait de
très-bonnes raisons : le désir d'éviter des formes trop disparates
dans la même déclinaison, puis l'influence analogique des cas
faibles du pluriel où l'a1 ne pouvait tomber (ainsi apa1s-bhis).

Cependant à quoi se réduit après tout la classe des oxytons
en -as ? Au nom de l'aurore, skr. ušás, aux mots indiens bhiy-ás
« peur », pú-mas pour *pumás (p. 219), et aux mots comme tavás,
yaģás, ψευδής. Or ces derniers, M. Brugman l'a établi, ne sont
que des neutres revêtus de la déclinaison du masculin. Il serait
possible même qu'ils fussent nés séparément dans les différentes
langues qui les possèdent, la flexion s'étant dirigée sur
celle des composés (paroxytons) comme su-mánas. La forme
pleine de leur syllabe radicale est très-suspecte pour des oxytons.
Quant à bhiy-ás et pu-más, ils font régulièrement bhī-š-ā (instr.
véd.), pu-ṃs-é. Le seul exemple dont on ait à commenter la déclinaison,
c'est donc l'indo-eur. Ausás, et l'on peut croire en effet
201que les formes faibles comme AussÁli parurent trop inintelligibles 1245.
L'a fut donc retenu : AusasÁli, skr. ušáse. Pour l'a1 de usase en regard
de l'a2 de āsam v. p. 215.

Les thèmes-racines, simples ou formant le second terme d'un
composé, se présentent sous deux formes tout à fait différentes.

Dans le premier cas la racine est privée de son a1 par une
cause inconnue, mais évidemment indépendante de la flexion. Ces
thèmes, auxquels nous faisions allusion à la page 186, ne rentrent
donc point dans le sujet de ce paragraphe. Ayant perdu
leur a avant la flexion, ils sont désormais à l'abri de toute modification 2246.
Quand ils finissent par i, u, r̥, n̥, m̥, ils s'adjoignent
un t dont les longues ī, ū, r̥̄, n̥, m̥ (chap. VI) se passent. Exemples :
skr. dvíš, mŕ̥dh, niç (p. 177), açva-yúģ, mí-t, hrú-t, su-kŕ̥-t, araṇyaga-t
(= -gm̥-t) ; bhī, bhū, gīr (= gr̥̄), ā (= ģn̥) ; zend druģ ; gr.
ἀλκ-ί, Ἄ-(Ϝ)ιδ, σύ-ζυγ-, ἀντ-ηρίδ-, ἔπ-ηλυς, -υδος (métaplasme
pour -υθος) ; lat. ju-dic-, etc. 3247

Dans le second groupe de thèmes-racines l'affaiblissement
résulte de la flexion et n'embrasse donc que les cas faibles. Les
noms dont il s'agit font pendant aux verbes de la 2e classe. Toutes
les racines n'affectionnent pas ce genre de déclinaison. A peine
si celles qui finissent par r fournissent un ou deux exemples indiens
comme abhi-švár.

Le vocalisme des différentes formes fortes ne peut-être
traité ici où il ne s'agit que de l'expulsion de l'a ; voy. p. 217 seq.

Parmi les composés sanskrits on remarque ceux de han :
202accus. vr̥tra-háṇ-am, dat. vr̥tra-ghn-é. De vah se forme anaḍváh,
accus. anaḍ-vāh-am, dat. anaḍ-úh-e.

On entrevoit encore la déclinaison grecque primitive de
Βελλερο-φῶν (dont l'accentuation est incompréhensible) : le nom
Περσέ-φαττα, où -φαττα répond au -ghnī sanskrit, indique que le
génitif eût fait *Βελλερο-φατος (cf. p. 27 seq.).

En zend le thème vać « voix » fait à l'acc. vāćim, vāćem (= gr.
Ϝόπα), au dat. văćē, à l'instr. văća etc. Cette flexion ne peut pas
être primitive. Aucune loi à nous connue n'autoriserait dans les
cas faibles d'autre forme que *uć- (à moins que l'ā de vāćem ne
fût un véritable ā long indo-européen, ce qu'il n'est pas). La
forme văć- est dûe évidemment à des influences d'analogie. En
sanskrit văć- a envahi, comme on sait, toute la déclinaison.

Posant pour thème r̥bhu-kšé-, nous ramenons le nom. skr.
rbhu-kšā-s à *r̥bhu-kšāi-s (cf. rās = *rāis). L'allongement de l'ā
est comme pour dyaús. L'instr. pl. r̥bhu-kší-bhis s'explique de lui-même.
Quant à l'accus. r̥bhu-kšáṇ-am (au lieu de * r̥bhu-kšáy-am),
il est dû à quelque phénomène d'analogie. Cf. divá-kšā-s lequel
fait à l'accus. divá-kšas-am. On a dans le Rig-Véda, mais seulement
au pluriel, uru-ģráy-as, pári-ģray-as, de ģre. Le nom. sing. eût été,
je pense, -ģrās. Citons encore dhī-ģáv-as R. V. IX 86, 1.

Quand la racine finit par ā, le A des cas faibles s'élide devant
la désinence : soma-pā, acc. soma-pā-m (-pá1a-m), dat. soma-p-é
(-pA). C'est ainsi qu'on a, dans le verbe, ģá-h-ati = *ģá-h-n̥ti
venant de ģahA + n̥ti. V. p. 36 et le § 14.

Sur la signification qu'on attribuera à l'échange de a1 et a2
dans les mots comme pad où l'a ne peut tomber, v. p. 215.

Thèmes paroxytons.

Les thèmes paroxytons du sanskrit gardent, comme on sait,
l'accent sur la syllabe radicale à tous les cas de la flexion 1248.

Admettrons-nous ce que M. Osthoff (l. c. 46 i. n.) indique
comme un résultat probable des recherches ultérieures, que l'indo-européen
n'ait point connu cette loi de l'accentuation indienne
et que le comparatif wásyas par exemple ait fait au datif wasyasÁi 1249 ?
203Tout au contraire, nous disons que la loi des paroxytons
a toujours existé :

Il ressort de tout ce qui précède que l'accent, aux cas
« forts », ne tend pas moins à gagner la désinence qu'au datif ou
aux autres cas « faibles ». Que signifieraient donc des déplacements
d'accent tels que wásyās wasyasÁi ?

Une pareille mobilité d'accent est difficilement conciliable
avec la fixité du vocalisme radical, qui est très-grande pour
les paroxytons.

Il y a un contraste frappant entre les « cas faibles » des
oxytons en -was et ceux des paroxytons en -yas. Toutes les conditions
étant égales d'ailleurs, nous trouvons, là vidúše (= *vidušé),
ici vásyase. La non expulsion se vérifie aussi dans les infinitifs
en -man-e, -μεν-αι, de thèmes paroxytons.

Donc dans les paroxytons normaux tous les cas seront forts.

Autre chose est de savoir si la dégradation du suffixe n'avait
pas dès l'époque proethnique pénétré d'une manière ou d'une
autre dans certains groupes de paroxytons.

Ce qui le fait supposer tout d'abord, c'est que la majorité
des paradigmes du sanskrit, ne distingue point à cet égard entre
oxytons et paroxytons : bhrātre, rāģńe, bhárate, montrent le même
affaiblissement que mātré, ukšṇé, tudaté.

On ne saurait attendre des langues européennes de données
décisives pour cette question. Voici cependant un cas remarquable
et qui confirmerait le témoignage du sanskrit : le t du
germ. svester « sœur » n'a pu prendre naissance que sur une forme
faible svesr- d'où il a gagné ensuite les cas forts (Brugman Stud.
IX 394) ; preuve que la dégradation, dans ce mot, est bien ancienne.
Or c'est un paroxyton : skr. svásar.

D'autre part le féminin bhárantī (cf. tudatī) des participes
indiens paroxytons semble indiquer positivement que la flexion
grecque φέρων φέροντος est plus primitive que le skr. bháran
bháratas. C'est l'avis de M. Brugman l. c. 329 2250.204

La portée de la question diminue du reste considérablement,
si l'on songe qu'au pluriel et au duel, où règne la flexion faible,
oxytons et paroxytons étaient soumis à une même loi.

B. L'expulsion se produit en vertu des lois de la flexion faible.

M. Paul a consacré une partie du travail précédemment cité
à une étude sur la déclinaison primitive des thèmes en i et en u,
ou plus exactement sur l'espèce la plus commune de cette déclinaison.
L'auteur montre que la dégradation du suffixe, à tous les
nombres, dépend du phonème initial de la désinence : selon que ce
phonème est une voyelle ou une consonne, l'a suffixal apparaît
ou disparaît 1251. Au vocatif, où la désinence est nulle, l'arien, le letto-slave,
le germanique et le celtique prouvent que l'a existait
(Beitr. IV 436).

C'est là ce que nous avons appelé plus haut la flexion faible
(p. 187). Le principe de l'expulsion se résume pour elle dans cette
loi unique : l'adjonction d'une désinence commençant par
une consonne entraîne la perte de l'
a1 prédésinentiel.

Thèmes finissant par i et u.

Dans les cas où le suffixe a sa forme pleine, le ton, en sanskrit
et en grec, se trouve sur l'a. Il y a tout lieu de croire que
c'est là l'accentuation primitive. Celle des cas faibles du pluriel
sera traitée plus bas, p. 209.

Nous pouvons parler tout de suite de la qualité de l'a. Les
thèmes en i et en u de déclinaison faible semblent n'admettre que
l'a1. Le grec présente ε, le sanskrit un a bref. L'o du sl. synove,
l'a du lith. sunaus sont des modifications secondaires de l'e (p. 67).
205En gothique l'a de anstais, anstai ; sunaus, sunau, est encore inexpliqué,
il ne paraît point se retrouver dans les autres dialectes
germaniques — au contraire le v. ht-all. a encore suniu — et de
plus le plur. sunjus offre l'e.

Les thèmes yuktá1i et mrdá1u donneront conformément à
la loi posée ci-dessus 1252.

tableau Singulier | Pluriel | Nom. | yuktí-s | yuktá1y-a1s | mr̥dú-s | mr̥dá1w-a1s | Voc. | yúkta1i | yúkta1y-a1s | mŕ̥da1u | mŕ̥da1w-a1s | Acc. | yuktí-m | yuktí-ns | mr̥dú-m | mr̥dú-ns | Dat. | yuktá1y-ai | yuktí-bhyas | mr̥dá1w-ai | mr̥dú-bhyas | Loc. | yuktá1y-i | yuktí-swa | mr̥dá1w-i | mr̥dú-swa

Différentes formes donnent lieu à des remarques particulières.

1. Génitif du singulier. La forme indo-européenne paraît
avoir été yuktá1īs, mr̥dá1ūs, vu l'accord du sl. kosti, synu, avec le
skr. yuktés, mr̥dós (Leskien Decl. 27). L'i est l'u devaient être
longs, puisqu'ils provenaient de la contraction de yA et wA, la désinence
étant -As (p. 196). Cette contraction du reste n'est pas
absolument régulière : elle n'a lieu ordinairement, pour l'u du
moins, que si la semivoyelle est précédée d'une consonne comme
dans dhūtá = *dhwA (§ 14).

2. Les ablatifs du zend comme garōiṭ, tanaoṭ, n'infirment
point la règle : ils sont probablement de création récente (Leskien
Decl. 35 seq.) et d'ailleurs la désinence est -ad, non -d. Si garōiṭ
était ancien, il serait donc pour « garayad ».

3. L'instrumental sing. et le génitif plur. sont malheureusement
difficiles à étudier, à cause de la formation nouvelle yuktīnām,
206mr̥dūnām
. Il reste pourtant des instrumentaux védiques
comme pavyā, ūrmiā, et en zend les génitifs plur. raθwãm, χraθwãm,
vaṅhvãm (Spiegel Gramm. p. 142). Les langues congénères
ne sont pas d'accord entre elles.

Les types pavyā, vaṅhvãm, sont évidemment en contradiction
complète avec la flexion faible ; nous devons les accepter tels
qu'ils sont, comme un essai de déclinaison forte. L'anomalie
paraît tenir à la nature des désinences.

4. Duel. Le dat.-abl. skr. yuktíbhyām, mr̥dúbhyām, sl. kostĭma,
synŭma
, ne présente rien de particulier. Pour le génitif-locatif,
nous prions de voir à la page 209. La forme du nom.-acc. yukti,
mr̥du, sl. kosti, syny, n'est point encore bien éclaircie, et nous ne
savons quoi en penser.

Les thèmes en i et u subissent dans la dérivation le même traitement
que dans la flexion. Ils maintiennent leur a tant que l'élément ajouté ne
commence pas par une consonne ; y compte comme voyelle. C'est ainsi
qu'on a en sanskrit vāstavya de vāstu 1253, en grec ἀστεῖος de ἄστυ 1254, δέν-δρεον
de δρυ, en gothique triva-, kniva- de *tru, *knu. Que les adjectifs verbaux
grecs en -τέο soient apparentés aux formes indiennes en -tavya c'est ce
que les observations de M. Curtius (Verb. II 355 seq.) rendent douteux.
Qu'ils soient sortis comme les adjectifs indiens de thèmes en -tu, c'est
l'opinion commune qu'il n'y a pas lieu, croyons-nous, d'abandonner. Le
mot ἐτεός dont le digamma apparaît dans ἘτεϜάνδρω (inscr. cypriote,
Revue archéologique 1877 p. 4) est accompagné encore de ἔτυ-μος. Devant
les consonnes nous trouvons i, u : skr. çućitvá, bandhuta, gr. ταχυτής
etc. — Au féminin, le gr. πλατεῖα est probablement plus primitif que le
skr. pr̥thvi ; cf. toutefois ὄργυια, Ἅρπυια etc.

La flexion faible ne paraît avoir été en usage, au singulier,
que pour les thèmes finissant par i et u. Toutefois on en peut
soupçonner la présence dans les mots comme skr. yantúr, aptúr,
vandhúr
. Un thème à liquide eût fait au nomin. yamtŕ̥-s, au dat.
yamta1r-ai à l'acc. yamtŕ̥-m. Or yamtŕ̥s a pu à la rigueur donner
en sanskrit yantúr et par extension yantúram etc. En grec μάρτῦρ
serait pour *μάρτr̥ς.

Pluriel et duel des thèmes de flexion forte.

Mieux que toute autre forme, l'accusatif du pluriel montre
comme quoi le principe qui régit au singulier la déclinaison de
207thèmes comme pitár, ukšán etc., ne se vérifie plus aux autres
nombres.

La place de l'accent à ce cas est donnée, comme nous l'avons
vu (p. 39 seq.), par la désinence arienne -as pour -n̥s qui serait
devenue -ans, -ān, si elle avait porté le ton. L'accentuation primitive
s'est conservée du reste dans le grec (πόδας, cf. ποσσί) et,
dans l'indien même, pour les thèmes sans dégradation qui, dans
les Védas, accentuent rarement la désinence -as 1255.

Ayant reconnu que l'accent frappait originairement le thème,
M. Brugman crut être forcé d'aller plus loin et d'admettre — par
hypothèse pure, car le témoignage du zend et de l'européen est
ici tout à fait équivoque — que l'accusatif pluriel était anciennement
un cas fort. A la page 40 nous avons adopté cette manière
de voir, parce que nous ne comprenions pas encore que le pluriel
des thèmes dont il s'agit dût être jugé autrement que le singulier.
Mais à quelles invraisemblances ne conduit-elle pas ? Comment
cet affaiblissement systématique de toutes les espèces de
thèmes sanskrits à l'accusatif plur. serait-il dû au hasard d'un remaniement
secondaire ? Comment, en particulier, expliquer la
forme des thèmes à liquides, pitr̥̄n ? Cette forme renverse toute
l'hypothèse : elle ne se conçoit qu'en partant de l'indo-eur. pAtŕ̥-ns
(cf. goth. fadruns). Dans la supposition de M. Brugman on ne
pourrait attendre en sanskrit que « pitrás » (pour « *pitáras  »,
« *pitárn̥s »). Ainsi les deux choses coexistaient. La syllabe prédésinentielle
était affaiblie malgré l'accent. Or cela est la négation
même de toute flexion forte.

En revanche la simple confrontation de *pitŕ̥-ns, *sákhi-ns,
*dyú-ns avec *mr̥dú-ns nous apprend que ces formes entrent sans
la moindre difficulté dans le canon de la déclinaison faible.

La nasale de la désinence -ns a eu l'effet d'une consonne : de
mr̥dú-ns et pAtŕ̥-ns, non mr̥daw-n̥s, pAtár-n̥s. On ne doit donc
pas s'étonner de trouver aussi bhárn̥t-n̥s, tudn̥t-n̥s, widús-n̥s, Áp-n̥s
(bháratas, tudatás, vidúšas, apás).

Les thèmes à nasale ont dû faire uksn̥s ou bien uksn̥nn̥s. On
208pourrait, sans improbabilité trop grande, retrouver cette dernière
forme dans le véd. ukšáṇas, vŕ̥šaṇas. En tous cas ukšṇás n'est pas
un type pur.

Au nominatif, le parallélisme de pitáras, ukšaṇas, sákhāyas,
dyāvas
, avec yuktáyas, mr̥dávas, saute aux yeux.

Nous arrivons aux cas dont la désinence commence par bh
et s, p. ex. l'instr. pAtr̥-bhis, uksn̥-bhis, saki-bhis, dyu-bhis. Comme
dans yukti-bhis, mr̥du-bhis, l'affaiblissement est causé par la consonne
initiale de la désinence et point par l'accentuation. Etudions
cependant cette accentuation. Ni en sanskrit ni en grec la
désinence n'a le ton (pitŕ̥bhis, πατράσι etc.). M. Osthoff (Beitr. de
P. et B. III 49) rétablit *pitr̥bhis, *πατρασί. Dès qu'on admet la
flexion faible, cette correction est inutile 1256.

Mais il y a les mots-racines. Ici l'accent frappe les désinences
-bhis, -bhyas, -swa : gr. ποσσί, skr. adbhís, adbhyás, apsú.
Nous devons croire que c'est là une imitation, proethnique mais
hystérogène, de l'accentuation du singulier. En tous cas, lors
même que cette supposition serait fausse, et que les désinences
en question auraient eu partout le ton, comme le pense M. Osthoff,
le fait que l'affaiblissement n'est dû qu'au contact de la consonne
désinentielle ne nous en semblerait pas moins certain.

Cependant, en présence de l'accord des formes fortes ((mr̥dáve,
pitáras) avec les formes comme pitŕ̥bhis d'une part et l'accusatif
pluriel de tous les thèmes de l'autre (v. ci-dessus), il nous semble
qu'on a le droit de poser la non attraction du ton vers les désinences
comme un des caractères distinctifs de la flexion faible.

Le génitif plur. skr. uksṇām (goth. auhsne), zd. brāθrãm (gr.
πατρῶν) etc. se place à côté de yukty-ām, mr̥dw-ām (zd. vaṅhvãm),
v. p. 207.

Duel. Le nom.-acc. pitárau, ukšāṇau, sákhāyau, bāhávā, est
conforme aux règles de la déclinaison faible, plus conforme
même que la forme étrange yuhtī et mr̥dū des thèmes qui sont
si fidèles à cette flexion (p. 207). Au gén.-loc. yuktí et mr̥dú
font en sanskrit yuktyós, mr̥dvós. Il faudrait *yuktáyos, *mr̥dávos,
209et pareillement pitáros etc. Or cette dernière forme précisément,
d'après les recherches de Grassmann, est exigée par le mètre
dans les 20 passages du Rig-Véda où le texte porte pitrós 1257 ; mātaros
apparaît dans trois passages sur quatre. Nous ignorons s'il
y a un grand nombre de cas analogues. Ceux-là nous semblent
déjà très-significatifs. En zend on a le gén. duel çpeñtōχratavāo.
En slave kostiju, synovu, sans être de nature à confirmer grandement
notre conjecture, ne lui donnent pas de démenti. Les formes
comme yuktyós, pitrós, se seront formées en analogie avec les
génitifs du pluriel.

La dégradation des thèmes paroxytons au pluriel et au duel
(bhárantas, bháradbhis etc., bháradbhyām) doit être ancienne, puisqu'ici
il n'est plus question d'accent. Les thèmes en -yas ont
l'anomalie de maintenir leur a, peut-être sous l'influence du singulier,
dont nous avons parlé p. 203 seq.

Le nom de nombre quatre.

Le goth. fidvor montre que l'ā du skr. ćatvāras n'est point a2,
mais un véritable ā long (= a + a). On devra diviser ou :
k2a1twa-á2r-a1s, ou : k2a1twá2ar-a1s . La première hypothèse est la
plus naturelle, car où trouve-t-on des thèmes en-aar ? Dans l'un
et l'autre cas les formes faibles comme l'instrumental devaient
faire *k2a1tWar-, d'où le gr. *τετϜᾰρ-. Le sl. četyr-ije, le goth.
fidūr-dogs supposent une autre forme faible *k2a1twAr-, k2a1tūr-
qui s'accorde parfaitement avec la donnée du goth. fidvor. En
sanskrit on attendrait *ćatūr- et non ćatur-. Il est remarquable
cependant que l'accusatif fasse ćatúras, non « ćatvr̥̄n ».

Nominatif-accusatif sing. du neutre.

Tous les thèmes finissant par a1 + sonante prennent au
nom.-acc. sing. du neutre leur forme réduite, quelle que soit
d'ailleurs leur flexion. Pour les thèmes à nasale 2258 v. p. 26 seq.
Les thèmes à liquide ont en sanskrit  : dātŕ̥ 3259; cf. gr. νέκταρ
210(thème *νεκτερ-). Puis on a çući, mr̥dú, et, des thèmes de flexion
forte comme dyu, su-dyu.

Il est impossible que ce phénomène dépende de l'accentuation :
elle varie en effet, et d'ailleurs les expulsions d'a ne sont
jamais amenées par le ton que quand il vient après la syllabe attaquée.

L'affaiblissement tient donc ou à une cause purement dynamique
ou à une influence pareille à celle qui crée la flexion faible,
le conflit avec des phonèmes résistants. Nous préférons cette
dernière explication.

Le thème nu étant supposé la forme première du nom.-acc.
neutre, il se confondait primitivement avec le vocatif du masculin.
Ainsi mr̥da1u, remplissait deux fonctions. Mais, tandis que le
vocatif, en sa qualité d'interjection, était placé en dehors de la
phrase, le nom.-acc. neutre subissait un frottement qui eut l'effet
d'une désinence commençant par une consonne. Il rejeta son a1.

Il paraît certain que le même phénomène s'est produit sur
la particule nu, pour *na1u conservé dans ná1w-a (p. 82).

Les neutres hétéroclites, comme kard (p. 224), et les neutres
en -as, -yas, -was (mánas, vásyas, εἰδός) ne subissent point cette
réduction. Citons comme exception rentrant dans la règle précédente
le skr. āyus en regard du grec (masc.) αἰϜοσ- qui a donné
l'acc. αἰῶ ; en outre yós = lat. jus.

La forme sthā, neutre védique de sthā-s, doit être comptée
parmi les anomalies.

2. Apparition du phonème a2.

Nous étudierons d'abord la répartition de a1 et a2 dans les
suffixes comme -an, -ar, -tar, -was etc. qui peuvent expulser l'a
dès qu'il est sollicité de tomber et qui ne présentent point d'autre
a que l'a légitime des cas forts.

Il faut remarquer premièrement que le même suffixe peut
prendre ou ne pas prendre a2. Le suff. -tar des noms d'agents
prend a2 ; le suff. -tar des noms de parenté conserve partout a1.
Le premier cas seul nous intéresse ici ; l'histoire du second rentre
toute entière dans le chapitre de l'expulsion de l'a.

Les formes où l'on constate tout d'abord qu'un suffixe prend
a2 sont l'accusatif sing. et le nominatif du pluriel et du duel.
211Quand l'une de ces formes présente le phonème a2, on est sûr
qu'il existe aussi dans les deux autres 1260.

Il reste à savoir, et c'est là la question que nous examinerons,
si l'apparition de a2 dans les formes précitées entraîne aussi
sa présence aux trois autres cas forts, le nominatif, le locatif et
le vocatif du singulier.

1. Nominatif. Pour ce qui concerne la quantité de l'a, v. ci-dessous
p. 213. Considérons d'abord sa qualité. M. Brugman a
établi que le skr. dātāram est rendu en grec par δώτορα, nullement
par δωτῆρα. Après cela il n'y a point de motif pour croire
que l'équivalent grec du skr. dātā soit δωτήρ plutôt que δώτωρ.
Le lat. dator nous paraît même trancher la question. Bien que
M. Brugman ne dise rien d'explicite à ce sujet, ce savant est loin
de mettre en doute la primordialité de dator, puisqu'il s'en sert
pour expliquer la longue de l'acc. datōrem (primit. *datŏrem).
Cela étant, la flexion de δωτήρ n'apparaît plus que comme une
variété de la flexion de γαστήρ et πατήρ, variété où l'η du nominatif
s'est communiqué à plusieurs autres cas 2261. On devra admettre
une classe de noms d'agent sans a2 qui en sanskrit n'existe plus
que dans çámstar (acc. çáṃstăram). — Dans les thèmes à nasale
on trouve, en regard du gr. χι-ών, le lat. hi-em-s. Ne serait-ce pas
l'indice d'une flexion qui, traduite en grec, donnerait au nom.
« χιήν », à l'acc. χιόνα ? C'est peu probable. Qui sait si l'e de hiems
ne provient point d'une assimilation semblable à celle qu'on observe
dans bene de bonus ? Elle pouvait se produire par exemple
à l'acc. *hiomem, au plur. *hiomes. Telle est aussi la raison de
l'e de juvenis, cf. skr. yúvānam. A côté de flamen, flamōnium 3262
pourrait faire conclure à l'acc. *flamōnem, *flamŏnem ; mais cette
forme s'explique suffisamment par l'analogie de matrimonium
etc. 4263 — Pour les thèmes en -was, M. Brugman admet avec raison
212que le gr. εἰδώς (accus. ancien *εἰδόσα) est le continuateur direct
de la forme primitive.

Ainsi rien ne peut faire admettre, que la couleur vocalique
du nominatif différât jamais de celle de l'accusatif.

En ce qui concerne la quantité de l'a du nominatif, c'est
aujourd'hui l'opinion dominante que pour les thèmes à liquide, à
nasale et à sifflante, il était long dès la période proethnique. Le
système vocalique s'augmente donc de deux phonèmes : l'ā1 et l'ā2
longs, phonèmes tout à fait sporadiques et restreints, autant
qu'on en peut juger, à cette forme de la flexion, les autres ā longs
étant des combinaisons de deux a brefs.

La question de savoir si, après la syllabe à voyelle longue, venait encore
l's du nominatif a été l'objet de vifs débats. Le premier M. Scherer
avait révoqué la chose en doute et vu dans l'allongement une façon spéciale
de marquer le nominatif. A leur tour ceux qui admettent l's et qui
attribuent l'allongement à l'effet mécanique de la sifflante ne sont pas
d'accord sur l'époque où elle a dû disparaître.

Pour ce qui concerne ce dernier point, nous nous permettrons seulement
d'attirer l'attention sur le parallèle sákhā(i)Λητῴ posé à la
page 200, et qui nous détermine, avec les autres arguments bien connus,
à admettre l'absence de sifflante après ān, ām, ār et āi dans la dernière
phase de l'indo-européen
.

Nous adoptons la théorie où l'allongement provient d'une cause (inconnue)
autre que l'action de l's, sans croire toutefois que les deux caractères
se soient toujours exclus l'un l'autre. Comment concevrait-on skr. vés, lat.
vates, gr. Ζεύς (à côté de zd. kava, skr. sákhā, cf. p. 198), si l's déterminait
l'allongement ? En outre il y a des cas où la voyelle longue se trouve devant
une explosive. Ainsi le nom. sanskrit de pa2d « pied » est pād, p. ex.
dans a-pād. Si cette forme est ancienne, elle suppose un a long proethnique.
Mais sans doute on peut alléguer l'analogie des formes comme
pādam (= πόδα). Citons donc tout de suite le germ. fōt- 1264 dont l'ō, si l'on
n'admet quelque part un ā long dans la flexion primitive du mot, est purement
et simplement inexplicable. Or où l'ā long pouvait-il exister si ce
n'est au nominatif singulier ? Le dor. πώς confirme ce qui précède ; -πος
dans τρίπος etc., est refait sur les cas obliques, cf. Πόλυ-βος de βοῦς.
Quant à ποῦς, c'est une forme obscure de toute façon et que nous ne considérons
pas comme la base de πώς. — Si l'on admet que l'ā du skr.
nápātam soit a2 (p. 227), l'ā du nom. nápāt = zd. napāo (pour *napā[t]s),
comme l'ō du lat. nepōt-, prouvent aussi l'allongement. — Le lat. vōx
213permet la même conclusion : cf. gr. ὄψ et vŏcare lequel est apparemment
dénominatif de *vŏc-. — Enfin tous les mots comme lat. fūr, gr. φώρ,
κλώψ, ῥώψ, σκώψ, παρα-βλώψ
venant de racines contenant e ne s'expliquent
qu'à l'aide de l'allongement du nominatif. Plus tard la longue pénétra
dans toutes la flexion et même dans des dénominatifs comme fūrari, ψωράω,
κλωπάω
, lesquels se propagèrent de leur côté (cf. βρωμάω, δρωμάω,
δωμάω, νωμάω, πωτάομαι, τρωπάω, τρωχάω, στρωφάω
). — A côté d'οἶνοψ
on trouve οἰνώψ, à côté d'ἔποψ ἔπωπα (Hes.). Cette variation de la quantité
paraît remonter à la même source.

2. Locatif. Ici la permutation est manifeste. En sanskrit on
a dātāram et dātări, uksāṇam et ukšāni, kšāmi et āmas ( = gr.
χθόνες). Le même échange se traduit en gothique par auhsin =
ukšáṇi (p. 197) en regard de auhsan et auhsans = ukšaṇam,
ukšāṇas. M. J. Schmidt a comparé à ce paradigme germanique le
lat. homo hominis homonem (vieux lat.), parallèle qui s'est confirmé
de plus en plus pour ce qui est du nominatif et de l'accusatif.
Aux cas obliques il est difficile d'admettre que l'i (= e) de
homin- réponde à l'i (= e) de auhsin. La voyelle latine paraît
plutôt être purement anaptyctique, hominis se ramenant à *homnis
(cf. p. 47 en bas, et l'ombr. nomne etc.). En grec αἰϜεί pourrait
bien appartenir au thème αἰϜοσ- (acc. αἰώ) plutôt qu'à *αἰϜο =
lat. aevum.

3. Vocatif. M. Brugman Stud. IX 370 pose dāta1r comme prototype
du skr. dātar. Mais cette forme peut tout aussi bien sortir
de dāta2r, et une fois qu'en grec le nom. δωτήρ est séparé de δώτορα
(p. 212), le voc. σῶτερ que fait valoir M. Brugman n'a plus
rien de commun avec les mots en -τωρ. M. Brugman lui-même a
reconnu plus tard (K. Z. XXIV 92) que la qualité de l'a n'est pas
déterminable — δῶτορ pouvant de son côté être hystérogène
pour *δῶτερ — , et en conséquence il écrit pour les thèmes en
-was : wídwa2s ou wídwa1s. L'incertitude est la même soit pour
les thèmes à nasale soit pour les thèmes en i et u de flexion forte
(sákhe, Λητοῖ, p. 200). Nous parlerons plus loin (p. 216) de la
circonstance qui fait pencher les chances vers a1. Il n'en est pas
moins vrai que l'apparition de a1 dans les thèmes dont nous parlons
n'est démontrable que pour une seule forme, le locatif.

Voilà pour la permutation a2 : a1 dans les syllabes prédésinentielles
qui ne gardent l'a qu'aux cas forts. Mais on comprend
214que celles de ces syllabes où la chute de l'a est impossible présentent
encore une permutation d'un tout autre caractère, la permutation
forcée si on peut l'appeler ainsi. La déclinaison du nom
de l'aurore dans un grec très-primitif serait (cf. Brugman K. Z.
XXIV 21 seq.) : nom. *αὐσώς (skr. ās), acc. *αὐσόσα (skr. āsam),
voc. *αὔσος ou *αὔσες (skr. úšas), loc. *αὐσέσι (skr. ăsi) ;
gén. *αὐσεσός (skr. āsas pour *ušasás), v. p. 201 seq. Dans ce
paradigme l'apparition de l'e au locatif — et au vocatif si *αὔσες
est juste — résulte de la permutation libre étudiée ci-dessus. Au
contraire l'e de *αὐσεσός = skr. ušăsas n'existe absolument que
parce qu'une cause extérieure empêche l'expulsion de l'a suffixal,
et dans ce cas nous avons vu que c'est toujours a1 qui apparaît
(p. 134).

Dans les thèmes-racines, la permutation forcée est fréquente.
Ainsi l'a1 du lat. pedis, gr. πεδός, skr. pădás en regard de compodem,
πόδα, pādam
(Brugman Stud. IX 369) est tout à fait comparable
à l'a1 de *αὐσεσός. Le locatif en revanche faisait à coup
sûr pá1di, avec permutation libre.

Considérons à présent la permutation a2 : a, dans les thèmes
tous les cas sont forts, c'est-à-dire les paroxytons (p. 204). Les
comparatifs en -yas, qui ont a2 au nominatif (lat. suavior) et à
l'accusatif (skr. vásyāṃsam reflétant un ancien *vásyāsam, gr.
ἡδίω = *ἡδίοα, présentent un a bref, soit a1 dans les cas
obliques du sanskrit : vásyase, vásyasas, vásyasā. Il est évident
qu'ici il ne saurait être question de permutation forcée, et nous
apprenons ainsi que le génitif, le datif et l'instrumental, quand
l'accent leur permet d'être forts, ont le vocalisme du locatif 1265.

Ceci aide à comprendre la flexion des neutres paroxytons en
-as, lesquels ont a2 au nominatif-accusatif, a1 aux autres cas
(Brugman l. c. 16 seq.). Si l'on convertissait en masculin le neut.
mána2s, dat. mána1sai, on obtiendrait au nom. mánā2s, à l'acc.
215mána2sm, au dat. mána1sai, c.-à-d. la même flexion que pour les
comparatifs. Le datif serait donc tout expliqué. L'a2 du nom.-
acc. se justifie directement par le fait que le neutre de wásyā2s
est wásya2s (lat. suavius), et le neutre de widwā2s, widwá2s (gr.
εἰδός). Ces trois types font exception à la règle qui demande
l'expulsion de l'a au nom.-acc. neutre (p. 211).

Au pluriel et au duel (flexion faible) les thèmes, oxytons et
paroxytons, qui ne peuvent rejeter l'a devant les consonnes initiales
des désinences prenaient, selon la règle, a1 : les formes
grecques μένεσ-σι, ὄρεσ-φι, en témoignent, aussi bien que les accusatifs
indiens pădás, ušắsas (= padn̥s, usašn̥s), cf. pādas, ušāsas.

En anticipant ce qui est dit plus bas sur le vocatif, le résultat
de l'étude qui précède peut se formuler ainsi : Dans la flexion
nominale les syllabes prédésinentielles où
a1 est suivi d'un phonème et
qui admettent la modification en
a2, présentent toujours cette modification
au nominatif des trois nombres, 2° à l'accusatif du singulier,
au nom.-acc. sing. du neutre lorsqu'il conserve l'a. Partout
ailleurs l'
a, s'il n'est expulsé, ne peut avoir que la valeur a1.

L'échange des deux a dans les thèmes finissant par a est
traité plus haut p. 90 seq. Dans les cas qui, pour les thèmes tels
que uksán, sont les cas forts on observe un parallélisme frappant
entre les deux classes de suffixes :

tableau Sing. | nom. | uks-ā2n | Cf. | yuk-tá2-s | acc. | uks-á2n-m | yuk-tá2-m | loc. | uks-á1n-i | yuk-tá1-i | Plur. | uks-á2n-a1s | yuk-tá2-a1s

Reste le vocatif sing. On a vu que la voyelle de ce cas ne peut
pas se déterminer directement pour les thèmes comme uksan
(p. 214). Seulement M. Brugman tire du voc. yúkta1 une présomption
en faveur de l'hypothèse dāta1r (úksa1n) et nous adoptons
son opinion, non point toutefois pour les raisons qu'il donne
et dont nous parlerons tout à l'heure, mais uniquement parce que
le locatif atteste la symétrie des deux paradigmes.

M. Brugman est convaincu que l'échange de a1 et a2 s'explique
par l'accentuation, et en particulier que l'a1 du voc. yúkta1,
qu'il regarde comme un affaiblissement, tient au recul du ton à
216ce cas. Or le locatif qui n'a point cette particularité d'accent
montre exactement le même vocalisme. Ensuite où est-il prouvé
que l'accentuation en question ait une influence quelconque sur
l'a2 ? On compte autant de a2 après le ton que sous le ton, et
d'ailleurs les deux a se trouvent placés cent fois dans les mêmes
conditions d'accent, montrant par là qu'ils sont indépendants de
ce facteur pour autant que nous le connaissons. C'est ce qui apparaît
clairement, quand on parcourt par exemple la liste de suffixes
donnée plus bas, le même suffixe pouvant avec la même accentuation
prendre a2 dans certains mots et garder a1 dans d'autres.
— Ainsi que nous l'avons dit p. 133 seq., nous considérons a1
comme une voyelle primitive et nullement affaiblie, et a2 comme
une modification de cette voyelle. Autant il est vrai qu'on retrouve
partout les trois termes a2, a1, a-zéro, autant, à notre avis,
il serait erroné, de croire qu'ils forment une échelle à trois degrés
et que a1 est une étape entre a2 et zéro.

M. Brugman dit (Stud. IX 371) : « tous les doutes qui pourraient
surgir relativement au droit que nous avons de tenir l'e
du vocatif pour un affaiblissement sont levés par les thèmes
en –ā, » et il cite alors le vocat. νύμφᾰ, ženo, ambă. C'est là cet
incompréhensible parallélisme des thèmes en -ā avec les thèmes
en –a1 (a2) qui se vérifie encore au locatif et dont nous avons déjà
parlé p. 93. On ne pourra y attacher grande valeur, tant que
l'énigme ne sera pas résolue.

Nous avons vu de quelle manière, étant donné qu'un thème
prend a2, ce phonème alternera avec a1 aux différents cas de la
déclinaison. Il reste à établir ou plutôt à enregistrer, car on
n'aperçoit aucune loi dans cette répartition, quels sont ces
thèmes, quels sont au contraire ceux qui maintiennent a1 partout.

Pour abréger nous écrivons, par exemple, suffixe -a2n, ce qui
signifie : variété du suff. -a1n admettant l'a2.

I. La syllabe prédésinentielle prend a2 :

Thèmes-racines. Les plus importants sont pa2d « pied » :
skr. pādam, gr. πόδα (Brugman Stud. IX 368) ; wa2k « voix » : skr.
vāćam (cf. p. 203), gr. Ϝόπα. Sur le lat. vōcem v. p. 214. En grec
χοῦς (gén. χοός), δόρξ, φλόξ (ce mot est hystérogène, la racine
217étant φληγ, v. p. 173 i. n.), πτώξ, θώψ. On pourrait douter si l'ā
du skr. āp « eau » représente a1a ou a2. Nous nous décidons dans
le premier sens pour 3 raisons : 1° si l'ā de āp-am était a2 on
devrait, rigoureusement, avoir au datif p-é, 2° la parenté du gr.
Ἀπι- (p. 56) est probable, 3° dans les composés comme dvīpá,
anūpá
, l'a initial de ap s'est fondu avec l'i et l'u qui précèdent, ce
que n'eût pas fait a1. — En composition on a p. ex. gr. Βελλεροφῶν,
Ἰο-φῶν
, dont l'accusatif a dû faire primitivement -φονα.
Une partie des composés indiens de vah, sah etc. ont à l'acc.
-vāh-am, -sāh-am. La forme faible existe p. ex. pour anaḍ-vāh-am
qui fait anaḍ-uh- (p. 202 ; sur le nominatif v. p. 43 i. n.). Pour
sāh- (= sa2h) la forme faible devait être *săh-, le groupe sgh
n'étant pas admissible. Or dans le Rig-Véda on ne trouve presque
jamais que les cas forts, sauf pour anaḍvah. L'alternance de
-vāh- et -uh-, de -sāh- et -sah- s'était donc perdue, sans qu'on osât
cependant transporter dans les cas faibles la forme à voyelle
longue. Il n'existe qu'un ou deux exemples tels que satrā-sāh-e.
— Les nominatifs ont l'ā long (havya-vāṭ etc.). Comme la syllabe
est fermée, la longue est due ou à une extension analogique ou
à l'allongement du nominatif (p. 213),

Suffixes.

1. –a2n. Ce suffixe abonde dans toutes les langues de la famille.

2. -a2m. On trouve le suff. -a2m dans ghi-ám, gr. χί-ών (zd.
zyāo, lat. hiems, cf. p. 197) et ghs-ám : gr. χθ-ών, skr. nom. pl.
ām-as. Brugman Stud. IX 308.

3. -a2r. Skr. dv-ār-as 1266 (nom. pl.). La forme forte reparaît
dans le sl. dvorŭ, le lith. dváras, le lat. fores. Brugman l. c. 395.
— On peut mettre ici swasa2r, skr. acc. svásāram, lat. soror, lith.
sesů, irl. siur (cf. athir), gr. ἔορ-ες 2267.218

4. -ma2n. Suffixe connu en grec, en latin, en germanique et
dans l'arien. Il serait intéressant de savoir pourquoi, en grec,
l'accusatif ancien en -μονα et l'accusatif hystérogène en -μῶνα se
répartissent exactement entre paroxytons et oxytons.

5. -wa2n. Ce suffixe, fréquent en sanskrit, se retrouve avec
plus ou moins de certitude dans le gr. πων, πέπων, ἀμφικτίονες,
et ἰθυπтίων bien qu'on ne puisse peut-être identifier purement et
simplement -πτιων avec skr. patvan ainsi que le fait M. Fick.

6. -ta2r. Noms d'agent.

7. -a2s. Skr. nom. pl. ās-as, zd. ushāoṅh-em, gr. ἠώς, lat.
aurōra ; gr. αἰδώς. — Puis tous les neutres en -as. V. p. 215 seq.

8. -ma2s, paraît exister dans l'ind. púmas, acc. púmāṃsam
pour *pumāsam. Cf. p. 43 i. n. 203 i. n. 201.

9. -ya2s, suff. du comparatif. Brugman K. Z. XXIV 54 seq.
et 98.

10. -wa2s, suff. du participe passé. Brugman l. c. 69 seq.

A cette première série se rattachent, comme nous l'avons
vu, les suffixes finissant par a (-a, -ta, -ma etc.), qui tous prennent a2.

II. La syllabe prédésinentielle n'admet pas a2 :

Thèmes-racines. κτείς κτενός (primitivement le gén. devait
être *κτn̥νός, *κτανός), νέκες· νεκροί, κτέρες (id.), lat. nex etc.
En composition : skr. vr̥tra-hăn(-am), r̥tī-šăh(-am) à côté de r̥tī-šāh(am).

Quand un thème-racine se trouve en même temps ne pas
prendre a2 et être hors d'état de rejeter l'a — ex. : skr. spaç,
spăçam, spaçé
, gr. έπί-τεξ — il est naturellement impossible de
dire à coup sûr s'il n'appartient pas au type dvíš (p. 202).

Suffixes.

1. –a1n. Plusieurs thèmes sanskrits comme vŕ̥šan, acc.
vŕ̥šăṇam. En grec on a ἄρσεν- (peut-être identique avec vŕ̥šan),
τέρεν-, αὐχέν-, φρέν-. Parfois ces mots généralisent l'η du nominatif,
ainsi λειχήν -ῆνος, πευθήν -ῆνος. Le suff. -a1n sans a2
manque au germanique.

2. –a1r. Skr. n-ár, acc. năram = gr. ἀνέρα. Cf. sabin. nero.
219On a en outre αἰθ-έρ-, ἀϜ-έρ-, σπινθ-έρ-, λα-πτυ-ῆρ· σφοδρῶς
πτύων
Hes.

3. –ma1n. Gr. ποιμέν-, πυθμέν-, λιμέν- etc. Le letto-slave
(kamen-, akmen-) a perdu -ma2n et ne connaît plus que -ma1n.
C'est l'inverse qui a eu lieu soit pour le germanique soit pour le
sanskrit 1268.

4. –ta1r. Noms de parenté 2269 et noms d'agent (v. p. 212).

5. –wa1r. C'est le suffixe qu'il faut admettre dans devár, acc.
devăram. En effet le gr. δαέρ- montre a dans la racine ; or celle-ci
ne peut être daiw (v. p. 182). Sur ce mot cf. Brugman Stud.
IX 391.

6. –a1s. Nous avons vu p. 201 skr. bhiy-ăs(-am). Les thèmes
en -a2s formant le second terme d'un composé renoncent à l'a2 :
skr. su-mánăs-am, gr. εὐ-μενής, ἀν-αιδής, lat. degener. Les adjectifs
comme gr. ψευδής, skr. tavás se comportent de même.

Le sanskrit ne possède rien d'équivalent à la règle grecque
qui veut que πατέρ-, ἀνέρ-, γαστέρ- etc., donnent en composition
εὐ-πάτορ-, ἀν-ήνορ-, κοιλο-γάστορ-, phénomène qui est l'inverse
de celui que nous venons de voir pour les thèmes en -as. La règle
des neutres en -μα, analogue en apparence, a peut-être une signification
assez différente. Il est évident tout d'abord que πῆμα n'a
pu produire ἀ-πημον- qu'à une époque où l'n du premier mot
existait encore, si ce n'est au nominatif-accusatif, du moins aux
cas obliques 3270. Mais l'association de ces deux formes pourrait
être même tout à fait primitive. Si l'on admet que les neutres en
question sont des thèmes en -ma2n, et non en -ma1n — question
qui ne peut guère être tranchée — , -πημον- nous représente le
propre masculin de πῆμα. Le sanskrit est favorable à cette hypothèse :
dvi-ģánmān-am : ģánma = ά-πήμον-α : πῆμα 4271.220

Il n'est pas besoin de faire ressortir la confirmation éclatante
de la théorie du phonème a2 que M. Brugman a pu tirer de
ces différents suffixes. Parmi les thèmes indiens en -ar ceux qui
allongent l'ā sont 1° des noms d'agent, 2° les mots dvár et svásar :
dans le gréco-italique les thèmes en -ar qui prennent ο sont :
1° des noms d'agent, 2° les thèmes correspondant à dvár et svásar.
L'arien offre āsam en regard de sumánăsam : nous trouvons en
gréco-italique ausos- et εὐμενέσ-, degener-.

Nous nous abstiendrons de toute hypothèse relativement aux
féminins en , à la nature de leur suffixe et de leur flexion 1272.

Pour terminer nous considérons deux genres de déclinaison
où, contre la règle ordinaire, les phénomènes de la flexion s'entrecroisent
avec ceux de la formation des mots.

1. Déclinaison de quelques thèmes en u.

En sanskrit ģńu (qui n'existe qu'en composition) et le neutre
dru sont évidemment avec ģānu et dāru dans le même rapport
que snu avec sānu. L'ā des formes fortes est a2, v. p. 86. En fait
de formes faibles on trouve en grec γνύξ, πρό-χνυ, ἰγνύς, δρυ- ;
en gothique knussjan, kn-iv-a-, tr-iv-a-.

Or la règle de la grammaire hindoue relativement à snu est
que cette forme se substitue à sānu — lequel peut aussi se décliner
en entier — aux cas obliques des trois nombres (plus l'acc.
plur.). Benfey Vollst. Gramm. p. 315.

La déclinaison primitive, d'après cet indice, a pu être :
nom.-acc. dá2r-u, dat. dr-á1w-ai etc. Ce n'est guère plus qu'une
possibilité mais, à supposer que le fait se confirmât, il introduirait
dans la flexion indo-européenne un paradigme tellement extraordinaire
qu'il est nécessaire d'examiner le cas et de voir s'il est
explicable.

Etant donnée la déclinaison dá2r-u, dr-á1w-ai, on ne pourrait
sans invraisemblance supposer deux thèmes différents de fondation,
hypothèse qui résoudrait la question de la manière la plus
221simple, mais qui n'expliquerait pas l'alternance fixe des deux
formes.

Il s'agit de trouver le moyen de réunir da2ru- et dra1u- dans
un seul type primitif sans avoir recours à d'autres modifications
que celles qu'entraîne la flexion du mot. En partant d'un thème
paroxyton dár a1u cela est impossible : le ton qui frappe la racine
ne passe jamais sur le suffixe (p. 204). Supposons au contraire
un thème premier *dar-á1u : dr-á1w-ai est pour *dar-á1w-ai (voy.
p. 236). Au nom.-acc. dá2r-u nous constatons que le ton s'est retiré
sur la racine, où il a protégé l'a. Toute la question est de
savoir si l'on peut expliquer ce mouvement rétrograde de l'accent.
Il nous semble que oui. En vertu de la règle que nous avons vue
p. 210, le nom.-acc. du neutre *dar-áu devait faire : *dar-ú. Mais
l'
i et l'u finissant un mot refusent de porter l'accent (v. p. 190). Le
ton était donc forcé de se rejeter sur la syllabe radicale.

Si l'on admet la déclinaison indo-européenne dá2ru drá1wai
et l'explication de dá2ru qui précède, il s'ensuit une rectification
touchant la forme primitive du neutre d'un adjectif comme
mr̥dú-s qui a dû être mrádu. Cette forme était trop exposée aux
effets d'analogie pour pouvoir se maintenir.

Dans la même hypothèse on posera pour la déclinaison du
neut. paku (pecus) : nom.-acc. pá1k1-u, dat. pa1k1-w-ái. Nous mettons
pakwái et non pakáwai, parce qu'il y a des indices que ce mot
suivait la déclinaison forte. En regard de l'adj. skr. dráv-ya on a
paçv-yà, et le génitif védique du masc. paçú-s est invariablement
paçvás (cf. drós, snós). Du reste la flexion forte ne change rien à
la question de l'accent. Voici les raisons qui pourraient faire admettre
la même variation du ton que pour les trois neutres précédents.
L'acc. neutre skr. paçu se rencontre deux fois dans les
textes (v. B. R.) : la première fois il est paroxyton, en concordance
avec le goth. faihu, la seconde oxyton. Puis vient un fait
que relève M. Brugman Stud. IX 383, le parallélisme du masculin
oxyton paçú-s avec drú-s, δρῦ-ς, et le masc. zd. zhnu. Cette circonstance
resserre le lien du neutre páçu avec la famille dāru,
ģānu, sānu
. — Le nom.-acc. pá1k1u est paroxyton pour la même
raison que dá2ru 1273. Dans le dat. pa1kwái et le masc. pa1kú-s l'a
222radical subsiste seulement, comme le dit M. Brugman, parce que
pkú- eût été imprononçable (le zd. fshu résulte d'altérations
secondaires), cf. p. 48.

Le gérondif skr. gatvā, çrutvā, en regard de l'inf. gántum, çrótum
rentre, à première vue, dans la catégorie que nous venons de voir. En
réalité il n'en est rien. L'explication proposée pour dāru, basée sur l'u
final
de cette forme, ne s'appliquerait plus à gántum. D'ailleurs il faudrait
que les infinitifs védiques en -tave eussent la racine réduite et l'accent sur
le suffixe, mais on sait que c'est le contraire qui a lieu (gántave). Il convient
d'en rester à la conclusion de M. Barth (Mém. Soc. Ling. II 238) que
le gérondif en -tvā ne sort pas du thème de l'infinitif. On trouverait même
le moyen de réunir ces deux formes qu'il resterait à expliquer les gérondifs
védiques comme kr̥tvī.

2. Mots hétéroclites.

a. Les neutres.

Il y a longtemps que M. Scherer a supposé que le paradigme
indien des neutres comme ákši, où alternent les suffixes -i et -an,
devait dater de la langue mère. Dans les idiomes congénères en
effet on retrouve ces mots tantôt comme thèmes en -i tantôt
comme thèmes en -an. M. Osthoff (l. c. 7) s'est joint à l'opinion
de M. Scherer. Mais les mots en -i, -an, ne sont qu'une branche
d'une famille plus grande, dont l'étroite union est manifeste.

La déclinaison de ce qu'on peut appeler les neutres hétéroclites
se fait sur deux thèmes différents 1274. Le premier est formé
à l'aide du suff. -an ; il est oxyton ; la racine y est affaiblie.

Ce premier thème donne tous les cas dont la désinence
commence par une voyelle. Il suit la flexion forte.223

Le second thème a le ton sur la racine, laquelle offre sa
forme pleine. Normalement ce thème semble devoir être dépourvu
de suffixe. Quand il en possède un, c'est ou bien i ou bien
un élément contenant r, jamais u ni n̥. Ce suffixe du reste n'en
est probablement pas un ; il est permis d'y voir une addition
euphonique nécessitée à l'origine par la rencontre de plusieurs
consonnes aux cas du pluriel (asth-i-bhis, etc.).

Les cas fournis par ce second thème sont ceux dont la désinence
commence par une consonne, plus le nom.-acc. sing. lequel
leur est assimilable (p. 210). En d'autres termes ce sont les cas
moyens de la grammaire sanskrite ou encore les cas faibles de la
flexion faible.

Les variations du vocalisme radical dont nous venons de
parler rentrent dans le chapitre de la formation des mots, puisqu'elles
correspondent à l'alternance de deux suffixes. A ce titre
la déclinaison hétéroclite aurait pu être placée au § 13. Mais
l'alternance des suffixes étant liée à son tour à celle des cas, il
nous a paru naturel de joindre cette déclinaison aux faits relatifs
à la flexion.

Les neutres désignent presque tous des parties du corps.

1e série : le thème du nom.-acc. est dépourvu de suffixe.

1. Gr. οὖς = lat. aus dans aus-culto. Le thème des cas obliques est
οὔατ-, c.-à-d. *οὐσ-ν- (p. 28). Il a donné le goth. auso ausins. La double
accentuation primitive explique le traitement divergent de l's dans auso et
le v. ht-all. ōrā. — Le nom.-acc. paraît hésiter entre deux formations, car,
à côté de ous, le lat. auris, le lith. ausis et le duel sl. uši font supposer
ousi. D'autre part le sl. ucho remonterait à ousas.

2. Lat. ōs = skr. ās (et āsyà), dat. ās-n-é (peut-être primit. ăsné ?).

3. Le skr. çīrš-ṇ-é se ramène a *krAs-n-ái, lequel suppose un nom.acc.
krá1as que le grec conserve peut-être dans κατάκρᾱς et indubitablement
dans κρ(σ)-ατ-(ος) : la syllabe κρᾱσ- est empruntée au nom.
-acc, le correspondant exact de çīrš-ṇ-ás ne pouvant guère être que *κορσατος.

4. Le mot pour cœur a dû être ká1rd, dat. kr̥d-n-ái, ce qui rend assez
bien compte du gr. κῆρ ou plutôt κήρ, v. Brugman Stud. IX 296, du goth.
hairto hairtins, du lat. cor etc. Cf. skr. hŕ̥dí et hārdi.

5. Skr. dós, dat. doš-ṇ-é « bras ».

6. Lat. jūs « jus, brouet ». Le sanskrit offre le thème yūš-án, employé
seulement aux cas obliques.

7. Skr. vār « eau » à côté de vāri ; le thème en -an paraît être perdu.224

2e série : le nom.-acc. se forme à l'aide d'un élément contenant
r. Quand r est à l'état de voyelle, il se fait suivre de g2 ou
plus ordinairement d'une dentale qui paraît être t (cf. p. 28). Ces
additions sont vraisemblablement les mêmes que dans -kši-t, -kr̥-t
(p. 202) et -dhr̥-k (au nominatif des composés de dhar). Les dérivés
asra (skr.) et udra (indo-eur.) indiquent bien que ce qui suit
l'r n'est pas essentiel.

1. Skr. ás-r̥-g, dat. as-n-é. Gr. ἔαρ, εἶαρ (Grdz. 400). L'a du lat. s-angu-i-s,
san-ies (cf. p. 28) paraît être anaptyctique (cf. chap. VI). Nous devons
poser pour l'indo-européen, nom.-acc. á1s-r̥-g2, dat. s-n-ái. En sanskrit
l'a des cas obliques a été restitué en analogie avec le nom.-acc. L'a
du lette assins est sans doute hystérogène, cf. p. 93 i. n. — D'après ce qui
précède nous regardons lat. assir, assaratum, comme étrangers à cette
famille de mots. Otfr. Müller (ad. Fest. s. v. assaratum) les croit d'ailleurs
d'origine phénicienne.

2. Véd. áh-ar, dat. áh-n-e (pour *ahné probablement).

3. Véd. udh-ar (plus tard udhas), dat. udh-n-e (primit. ūdhné ?) ; gr.
oὖθ-αρ, οὔθ-ατ-ος ; lat. ūb-er et Oufens ; v. ht-all. ūt-er (neut.).

4. Lat. fem-ur fem-in-is. M. Vaniček dans son dictionnaire étymologique
grec-latin cite ce passage important de Priscien (VI 52) : dicitur
tamen et hoc femen feminis, cujus nominativus raro in usu est. — Peut-
être y a-t-il communauté de racine avec le skr. bháṃsas, bhasád.

5. Gr. ἧπ-αρ ἥπ-ατ-ος ; zd. yākare (gloss. zd.-pehlvi) ; skr. yák-r̥-t
yak-n-é ; lat. jec-ur jec-in-or-is, jocinoris ; lith. jekna. On peut conjecturer
que les formes primitives sont : ya1ak-r̥-t, dat. yak-n-ái, ce qui rend compte
de l'ā long du zend et du grec. Mais il est vrai que l'e du lithuanien et
du latin s'y prête mal : on attendrait a.

6. Gr. ὕδ-ωρ ὕδ-ατ-ος () ; v. sax. watar, goth. vato vatins ; lat. u-n-da ;
lith. va-n-dů ; sl. voda ; skr. udán usité seulement aux cas obliques (nom.acc.
údaka). Conclusion. indo-eur. wá2d-r̥(-t), dat. ud-n-Ái. La nasale du
latin et du lithuanien est évidemment épenthétique.

7. Gr. σκ-ώρ σκ-ᾰτ-ός ; skr. çák-r̥-t çak-n-é (lat. stercus). Ces formes ne
s'expliquent que par une flexion primitive : sá1k-r̥-t, dat. sk-n-ái.

3e série : le thème du nom.-acc. se forme au moyen d'une
finale i. — D'après ce que nous avons vu plus haut (p. 112, 113
en bas, 114) l'ο des mots ὄσσε, ὀστέον, οὖς, doit être ο. Au point
de vue de la dégradation du vocalisme radical, ces exemples ne
sont pas des plus satisfaisants. La racine apparaît invariable.

1. Skr. ákši, dat. akš-ṇ-é 1275. Le thème nu apparaît dans an-ákš « aveugle »,
225nomin. anák. La forme en -i donne le gr. ὄσσε, le lith. akis et le duel sl.
oči, l'autre le goth. augo augíns où l'accentuation du thème en -án est
encore visible.

2. Skr. ásth-i, dat. asth-n-é 1276. Gr. ὄστι-νος, ὀστ-έ(y)ο-ν (cf. hŕ̥d-aya), lat.
os ossis (vieux lat. ossu). Les formes comme ὄστρεον (huître) font supposer
une finale à côté de la finale -i. V. Curtius Grdz. 209.

3. Skr. dádh-i, dat. dadh-n-é. Le boruss. dadan est sans grande valeur
ici : c'est un neutre en -a (Leskien Decl. 64).

4. Skr. sákth-i, dat. sakth-n-é. Galien rapporte un mot ἴκταρ (τὸ της
γυναικὸς αἰδοῖον
) employé, dit-il, par Hippocrate mais que la critique des
textes paraît avoir eu des raisons d'extirper (« jam diu evanuit » Lobeck
Paralip. 206). Cette forme s'accorderait cependant très-bien avec sákth-i.
Doit-on comparer ἰξύς, ἰσχίον, ἴσχι (Hes.) ?

5. M. Benfey (Skr.-engl. Dict.) compare le skr. ańģi et le lat. inguen.
Mais le mot latin, outre les autres explications proposées (v. J. Schmidt
Voc. I 81), se rapproche aussi du skr. ģaghána.

b. Masculins et féminins.

Nous retrouvons ici le thème en -an et le thème sans suffixe.
Ce dernier peut prendre la finale i. Seulement c'est le thème en
-an qui est paroxyton et qui montre la racine pleine, et c'est le
thème court qui est affaibli. Ces deux thèmes se répartissent de
telle manière que les cas « forts » du masculin correspondent aux
cas « très-faibles » (plus le locatif sing.) du neutre et que les cas
« moyens » et « très-faibles » du masculin font pendant aux cas
« moyens » du neutre. Décliné au neutre, pánthan, pathí, ferait
certainement : nom. pánthi, dat. pathné (instr. pl. pánthibhis). —
De plus les formes équivalentes path et path + i, contrairement
à ce qui a lieu pour les neutres, coexistent d'habitude dans le
même mot, la première étant employée devant les voyelles, la
seconde devant les consonnes.

Le paradigme est complet pour le skr. pánthan : pánthān-as,
path-é, path-í-bhis
. La forme pathin est une fiction des grammairiens 2277,
voy. Böhtl.-Roth ; path, pathí sont pour pn̥th, pn̥thí, cf. p. 24.
Le lat. ponti-, le sl. pątĭ, reproduisent au sein de la forme en i le
vocalisme du thème en -an et nous apprennent que l'a radical de
226pánthan est a2. La même racine donne le goth. finÞα, fanÞ. Sur
pánthan se décline mánthan.

Les cas « très-faibles » du skr.pūš-άn (ici le thème en -an est
oxyton) peuvent se former sur un thème pūš. Vopadeva n'admet
la forme pūš que pour le locatif sing. Benfey Vollst. Gramm.
p. 316.

Les autres exemples ne peuvent plus que se deviner. C'est
entre autres le gr. ἄξ-ων qui est opposé au lat. ax-i-s, au sl. osĭ ;
le skr. naktán et nákti (on attendrait au contraire *náktan et
*naktí, cf. lith. naktìs) avec le gr. νυκτ- et le goth. naht-. La triple
forme se manifeste aussi dans le gr. χερ-, χειρ- (pour *χερι-) et
*χερον (dans δυσχεραίνω de *δυσχέρων). En zend χshapan
« nuit » donne au nom. χshapa, à l'acc. χshapan-em, mais au gén.
χshap-ō (Spiegel Gramm. 155) ; le sanskrit a éliminé *kšapan en
généralisant kšap.

Peut-être pati « maître » n'est-il pas étranger à cette famille
de mots ; ce qui expliquerait patni, πότνια. Le lith. pàts offre une
forme sans i, et le désaccord qui existe entre l'accent du skr. páti
et celui du goth. -fadí- cache bien aussi quelque anguille sous
roche. La déclinaison de ce mot est remplie de choses singulières.
En zend il y a un nomin. paiti. Cf. aussi Ποσειδάων.

C'est à titre de conjecture seulement que nous attribuerons
la naissance du thème indien náptar (qui dans le Rig-Véda n'apparaît
point aux cas forts) à l'insertion d'un -r̥-, semblable à celui
de yák-r̥-t etc., dans les cas faibles du pluriel de nápat 1278, ainsi nápt-r̥-bhis
au lieu de naptbhis.

Il faut être prudent devant ce grand entrecroisement des
suffixes. Nous sommes sur le terrain de prédilection d'une école
qui s'est exercée à les faire rentrer tous les uns dans les autres.
Nous croyons néanmoins que le choix d'exemples qui est donné
227plus haut ne laisse pas de doute sur le fait qu'un ordre parfaitement
fixe présidait à l'échange des différents thèmes, et sur
l'équipollence de certains d'entre eux comme p. ex. akš et akš + i,
en opposition à akš + an.

§ 13. Aperçu synoptique des variations du vocalisme
amenées par la formation des mots.

Au § 12 nous avons dressé l'état des modifications qui s'observent
dans les syllabes prédésinentielles. Ce qui suit aurait à
en donner le complément naturel, l'histoire des modifications qui
atteignent les syllabes présuffixales. Nous devons dire d'emblée
que cet aperçu sera nécessairement beaucoup plus incomplet
encore que le précédent. Ni les phénomènes de vocalisme ni ceux
de l'accentuation n'ont été sérieusement étudiés pour ce qui concerne
la formation des mots. En dehors de cette circonstance
fâcheuse, il est probable qu'on n'arrivera jamais sur cette matière
à des résultats aussi précis que pour ce qui touche à la flexion.
Les exceptions aux règles reconnues sont trop considérables.

Nous commençons par une revue très-succincte des principales
formations. A chaque suffixe nommé, nous enregistrons
quelle accentuation et quel vocalisme radical il admet.

I. Thèmes nominaux.

Thèmes finissant par a1-a2.

Thèmes en -a2. — 1e série : Oxytons (autant qu'on en peut
juger, v. p. 82 seq.) ; racine au degré 2 ; v. p. 79 seq. 155. —
2e série : Oxytons ; racine faible 1279.

Thèmes en -ta2. — 1e série : Paroxytons (?) ; racine au degré
2 ; v. p. 76. — 2e série : Oxytons ; racine faible (participes) ;
cf. p. 14, 23, 149, 157.228

Thèmes en -na2. — 1e série : Paroxytons (?) ; racine au degré
2 ; v. p. 77 seq. — 2e série : Oxytons ; racine faible 1280 (participes).
Quelques traces du degré 1 ; v. p. 77.

Thèmes en -ma2. — 1e série : Accentuation douteuse ; racine
au degré 2 ; v. p. 74 seq. en ajoutant βωμός, θωμός, ρωχμός
(p. 138, 140, 167). — 2e série : Oxytons ; racine faible 2281.

Thèmes en -ra2. — 1e série (peu nombreuse) : Racine au degré
2 ; v. p. 138, 156. — 2e série : Oxytons ; racine faible ; v. Lindner
p. 100 et ci-dessus p. 157.

Il est difficile d'apercevoir la règle des thèmes en -ya2 et
-wa2. L'exemple a1kwa2 (cheval) ne permet point à lui seul de dire
que les thèmes en wa2 ont a1 dans la racine ; ce peut être une formation
secondaire, comme l'est par exemple le skr. him-á, gr.
-χιμ-ο-ς, qu'on dirait contenir le suff. -ma, mais qui dérive du
thème ghi-am.

Il semble qu'on puisse conclure ainsi : les différents suffixes
finissant par a2 admettent également la racine réduite et la racine
au degré 2, mais n'admettent pas la racine au degré 1. Quant à
l'accent, il repose toujours sur le suffixe lorsque la racine est réduite.
La plus grande partie de la série qui est au degré 2 paraît
avoir été composée aussi de thèmes oxytons ; cependant la règle
n'apparaît pas d'une manière nette.

Thèmes finissant par a1 + sonante ou s.

I. Le suffixe n'admet pas a2.

Thèmes en –a1n. Oxytons ; racine réduite : gr. φρ-ήν, *Ϝρ-ήν
(p. 195) ; skr. ukšán (acc. ukšáṇam et ùksáṇam), plīhán (les langues
européennes font supposer que le suff. est a1n). Dans le skr.
vŕ̥šan (acc. vŕ̥šaṇam) et le gr. ἄρσην il faut admettre que l'accentuation
est hystérogène. Quelques exemples ont la racine au
degré 1 : gr. τέρην, λειχήν -ῆνος, πευθήν -ῆνος.

Thèmes en -ma1n. Oxytons ; racine faible. Gr. ἀϋτμήν, λῐμήν,
πυθμήν
. V. p. 131. Si l'on range ici les thèmes neutres en
-man, nous obtenons une seconde série composée de paroxytons
229où la racine est au degré 1. L'accentuation est assurée par l'accord
du grec et du sanskrit, le degré 1 par les exemples réunis
p. 130 seq., cf. p. 137 et 156.

Thèmes en –a1r. Oxytons ; racine faible. Skr. n-ár, us-ár.

Thèmes en –ta1r. 1e série : Oxytons ; racine faible. Gr. (ἀ)στηρ,
zend ç-tăr-ō, lat. s-télla (Brugman Stud. 388 seq.). Des noms
de parenté comme duhitár, pitár 1282, yātár (yn̥tár). — 2e série : Paroxytons ;
racine au degré 1. Skr. bhrātar, gr. φρτηρ ; skr. çáṃstar.
Le mot mātár et les noms d'agent grecs en -τήρ soulèvent une
question difficile que nous examinerons plus bas à propos du
suff. -ta2r.

Pour les thèmes en –a1i, il serait important de savoir si la
flexion primitive de chaque exemple était forte ou faible, ce que
nous ignorons bien souvent. Ce qu'on peut affirmer c'est qu'il y
a des thèmes en -a1i qui prennent a2 dans la racine (v. p. 85), que
d'autres, comme l'indo-eur. n̥sá1i (p. 24), et les infinitifs védiques
tels que dr̥çáye, yudháye, affaiblissent la racine. Dans toutes les
langues cette classe de mots est fortement mélangée de formes
qui lui étaient étrangères à l'origine.

Thèmes en –ta1i (flexion faible). La racine est réduite, v.
p. 15, 23, 150 ; Lindner p. 76 seq., Amelung Ztschr. f. deutsches
Alterth.
XVIII 206. On attend donc que le suffixe ait l'accent,
mais les faits qui le prouvent n'abondent pas. En grec le ton repose
au contraire sur la racine (πίστις, φύξις etc.). En germanique
comme en sanskrit oxytons et paroxytons se balancent à
peu près. On a en gothique ga-taurÞi-, ga-kunÞi- etc., à côté de
ga-mundi-, ga-hundi-, dēdi- etc. M. Lindner compte 34 paroxytons
védiques contre 41 oxytons (masculins et féminins). Les probabilités
sont malgré tout pour que le ton frappât le suffixe. Nous
pouvons suivre historiquement le retrait de l'accent pour matí,
kīrtí (véd.) qui devinrent plus tard máti, kīrti. De plus gáti,
yáti, ráti de gam, yam, ram, et sthíti, díti de sthā, dā, ont dû être
oxytons à l'origine, autrement la nasale sonante des 3 premiers,
aurait produit -an- 2283 (p. 36) et l'i des seconds apparaîtrait sous la
forme d'un a (p. 177). — Notons en sanskrit s-tí de as.230

Thèmes en –a1u de flexion faible. — 1e série (fort nombreuse) :
Oxytons (Bezzenberger Beiträge II 123 seq. 1284) ; racine faible ;
v. p. 15, 23, 157 ; Lindner p. 61. — 2e série : Oxytons ; racine au
degré 2, comme skr. çaṅkú, sl. sąkŭ ; v. p. 85 seq.

Thèmes en –a1u de flexion forte. Oxytons ; racine faible. Ex. :
di-á1u, go-á1u (p. 198).

Thèmes en –ta1u. — 1e série : Oxytons ; racine faible. Skr.
r̥tú, aktú (= goth. uhtvo p. 24) ; zd. pĕrĕtu = lat. portus ; goth.
kustus. — 2e série : Paroxytons ; racine au degré 2. Germ. dauÞus
(Verner K. Z. XXIII 123), gr. οἰ-σύ-α de la rac. wa1i (v. Fick II3
782), skr. tántu, mántu, sótu etc. C'est probablement à cette formation
qu'appartiennent les infinitifs en -tu-m (cf. p. 223).

Thèmes en –a1s. Oxytons ; racine faible. Skr. bhiy-ás (v.
p. 219). Sur les mots comme ψευδής v. p. 201.

II. Le suffixe admet a2.

Thèmes en -a2n. Oxytons ; racine faible. Skr. çv-án « chien »
(acc. çvánam). Le gr. κύων a retiré le ton sur la racine, tandis
qu'aux cas obliques on a inversement : gr. κυνός, skr. çúnas. La
loi générale des thèmes germaniques en -a2n est d'affaiblir la racine,
v. Amelung loc. cit. 208 ; sur l'accentuation de ces thèmes
qui primitivement ont été tous oxytons, Osthoff Beitr. de P. et B.
III 15. — Quelques thèmes du degré 1 : gr. εἰκών, ἀηδών, ἀρηγών ;
μκων, σκπων ; skr. snehan (gramm.), ráģan, et plusieurs
neutres tels que gámbhan, maṃhán.

Thèmes en –ma2n. La racine est toujours au degré 1, v.
p. 131, 137, 140, 156. On trouve en grec des paroxytons comme
τέρμων ; le sanskrit en possède un petit nombre, ainsi ģéman,
bhásman, klóman
. Le goth. hiuhma, milhma, accuse la même accentuation.
Mais les deux premiers idiomes offrent en outre des
thèmes en -ma2n oxytons où la racine n'est point affaiblie, ainsi
χειμών, premán, varšmán, hemán etc.231

Thèmes en –a2m. Oxytons ; racine faible (p. 217).

Thèmes en –a2r. — 1e série : Oxytons ; racine faible (dhu-ár).
— 2e série : Paroxytons ; racine au degré 1 (swá1s-ar). V. p. 218.

Thèmes en –ta2r. L'accentuation et la conformation primitive
des thèmes en -tar sont difficilement déterminables. A la
p. 212 nous sommes arrivés à la conclusion que les noms d'agent
grecs en -τήρ et -τωρ formaient dès l'origine deux catégories distinctes.
La flexion des premiers devait se confondre primitivement
avec celle des noms de parenté. Or les noms d'agent en
-τήρ sont oxytons. On attend donc d'après les règles générales
et d'après l'analogie des noms de parenté (v. p. 230), que la syllabe
radicale y soit affaiblie. Elle l'est dans les mots comme
δοτήρ, στατήρ etc. L'ancienneté de ces formes semble même évidente
quand on compare δοτήρ δώτωρ, βοτήρ βώτωρ, à πυθμήν
πλεύμων
. Mais voici que l'affaiblissement en question ne s'étend
pas au-delà des racines en , car on a πειστήρ, ἀλειπτήριον etc.
(p. 132). Voici de plus que le sanskrit ne possède aucun nom
d'agent dont la racine soit affaiblie. On dira que les noms d'agent
indiens ont pour suffixe -ta2r, non -ta1r. Mais il en existe un de
cette dernière espèce : çáṃstar (acc. çáṃstăram), et cet unique
échantillon non-seulement n'affaiblit pas la racine, mais encore
lui donne le ton. Du reste en admettant même que les deux types
δοτήρ δώτωρ nous représentent l'état de choses primitif, on ne
comprendra pas comment un grand nombre de noms d'agent indiens
— lesquels, ayant tous a2, ne peuvent correspondre qu'au
type δώτωρ — mettent le ton sur -tar. Deux circonstances compliquent
encore cette question que nous renonçons complètement
à résoudre : l'accentuation variable des noms d'agent sanskrits
selon leur fonction syntactique (dātā maghānam, dātā maghāni),
et le vieux mot mātár « mère » qui a la racine forte malgré le ton.
— Il faut ajouter que le zend fournit quelques noms d'agent à
racine réduite : kĕrĕtar, dĕrĕtar, bĕrĕtar etc.

Thèmes en –a2s. — 1e série : Paroxytons ; racine au degré 1.
Ce sont les neutres comme μένος, v. p. 129. — 2e série : Oxytons ;
racine faible. Skr. ušás. Les mots comme toçás (duel toçá) sont
probablement hystérogènes, cf. p. 201.

Thèmes en –ya2s. Paroxytons (Verner K. Z. XXIII126 seq.) ;
racine au degré 1 ; v. p. 130, 156 seq.232

Thèmes en –wa2s. Oxytons ; racine (redoublée) faible. Cf.
p. 35, 71 i. n., 155. Skr. ģagr̥bhván, gr. ἰδυῖα, goth. berusjos (= bebr-usjos).

Les participes de la 2e classe en -n̥t forment une catégorie
particulière, vu l'absence de tout a suffixal (p. 185). Ils ont le
ton sur le suffixe, et la racine réduite. L'exemple typique est
l'indo-eur. s-n̥t de a1s (Osthoff K. Z. XXIII 579 seq.). En sanskrit :
uçánt-, dvišánt- etc. Cf. p. 38 et § 15.

Il faut nommer encore les formes comme mŕ̥dh et (açva-)yúģ
dont nous avons parlé p. 202, et où l'affaiblissement, quoique
portant sur une syllabe prédésinentielle, n'est point causé par
les désinences. Nous notons sans pouvoir l'expliquer un phénomène
curieux qui est en rapport avec ces thèmes. Après i, u, r̥,
n̥, m̥
, un t est inséré. Or les racines en ā, on ne sait pourquoi, ne
connaissent pas cette formation : « pari-šthí-t » de sthā serait impossible ;
pari-šṭhā seul existe 1285. Ainsi pari-šṭhā, type coordonné à
vr̥tra-han, se trouve enrôlé par l'usage dans un groupe de formes
avec qui il n'a rien de commun :pari-šṭhā, go-ģí-t, su-kŕ̥-t etc. sont
placés sur le même pied. Jusqu'ici rien de bien surprenant : mais
comment se fait-il que ce parallélisme artificiel reparaisse devant
ceux des suffixes commençant par y et w qui demandent l'insertion
du t ? A côté de ā-ģí-t-ya, ā-kŕ̥-t-ya nous avons ā-sthā-ya ; à
côté de ģí-t-van, kŕ̥-t-van, on trouve rā-van. Les mêmes formations
ont encore ceci d'énigmatique que la racine y est accentuée malgré
son affaiblissement.

Thèmes féminins en ā (cf. p. 82). 1e série : Oxytons ; racine
faible. Skr. druhā, mudā, ruģā etc. ; gr. βαφή, γραφή, κοπή, ῥαφή,
ταφή, τρυφή, φυγή, ὁμο-κλή, ἐπι-βλαί
2286. 2e série : Paroxytons ;
racine au degré 1. Goth. gairda, giba, hairda, v. ht-all. speha ; gr.
εἵλη, εἴρη, ἔρση, ἐρείκη, λεύκη, μέθη, πέδη, πεύκη, σκέπη, στέγη,
χλεύη
. En sanskrit varšā, identique avec ἔρση, est anormal par
son accentuation.233

II. Thèmes verbaux.

Plusieurs ont été dérivés d'autres thèmes verbaux. Ces formations ne
rentrent pas dans le sujet que nous considérons, et il suffira de les
indiquer sommairement : 1° Aoriste en -sa1 (skr. dik-šá-t, gr. ἷξον) dérivé
de l'aoriste en -s (da1ik-s-). 2° Thèmes oxytons en -a tels que limpá-,
muńćá-, kr̥ntá-
, dérivés, ainsi que l'admettait Bopp, de thèmes de la
7e classe : exemple tr̥ṃhá[ti] = tr̥ṇah- (dans tr̥ṇéḍhi) + á. 3° Le futur en
-s-yá est probablement une continuation de l'aor. en -s. 4° Les subjonctifs
(p. 127). — Les optatifs tels que syā- (v. ci-dessous) sont à vrai dire dérivés,
aussi bien que bharaī- (p. 193) et que les formes qui viennent d'être
citées.

Thèmes en –a1. — 1e série : Paroxytons ; racine au degré 1 ;
v. p. 126, 153, 159. — 2e série : Oxytons ; racine (simple ou redoublée)
faible ; v. p. 9 seq., 20, 153 seq., 160 seq.

Thèmes en –ya1. Racine faible, soit en sanskrit soit dans les
langues congénères (p. 157, 159). Contre l'opinion commune qui
regarde l'accentuation indienne de la 4e classe comme hystérogène,
M. Verner (l. c. 120) se fonde sur cette accentuation pour
expliquer le traitement de la spirante dans le germ. hlahjan etc.
Dans ce cas le vocalisme des thèmes en -ya ne peut guère se concevoir
que si l'on en fait des dénominatifs : ainsi yúdh-ya-ti serait
proprement un dérivé de yúdh « le combat », páç-ya-ti se ramènerait
à spáç (σκοπός). La langue se serait habituée plus tard à
former ces présents sans l'intermédiaire de thèmes nominaux 1287.

Thèmes en –ska1. Oxytons ; racine faible ; v. p. 13, 22, 149.
Dans le skr. gáććhati, yáććhati, l'a radical (sorti de ) s'est emparé
du ton (cf. p. 174).

[Thèmes en –na1-u et –na1-a. Oxytons ; racine faible ; v. p. 22
et 187.]

Thèmes en –ya1a. Oxytons ; racine (simple ou redoublée)
faible. Indo-eur. s-yá1a-, optatif de a1s. Skr. dvišyā- de dveš,
234vavr̥tya- de vart, ćaććhadyā- de ćhand ; goth. berjau (= be-br-jau),
bitjau (= *bibitjau). La formation est secondaire (cf. plus haut).

Mentionnons le thème de l'aoriste sigmatique comme dá1ik-s (p.
128, 191) qui ne rentre ni dans la formule racine simple ni
dans la formule racine + suffixe.

Résumons brièvement ce qui ressort de cette énumération.

1. Les phénomènes qu'on constate dans la formation des
mots ne peuvent être mis en relation qu'avec l'accent. On n'observe
pas d'effets comparables à ceux qui se produisent dans les
déclinaisons faibles (perte de l'a1 du premier élément causée par
une consonne initiale dans le second).

2. Qu'est-ce qui détermine la place de l'accent ? Voilà le point
qui nous échappe complètement. Le ton opte pour le suffixe ou
pour la racine, nous devons nous borner à constater pour chaque
formation le choix qu'il a fait 1288. Comme le même suffixe peut
prendre et ne pas prendre l'accent (riká1-, rá1ika1-), on prévoit
que la règle sera extraordinairement difficile à trouver.

3. Relation du vocalisme avec l'accentuation.

Le ton repose-t-il sur la syllabe radicale, celle-ci apparaît
sous sa forme pleine, au degré 1 ou au degré 2.

Nous avons cherché à écarter les exceptions, dont la plus
considérable est le cas des thèmes verbaux en -ya. — L'affaiblissement
des mots sans suffixe comme mŕ̥dh (v. ci-dessus
p. 233) est d'un caractère tout à fait singulier : on ne sait même
à quoi le rattacher.

Le ton repose-t-il sur le suffixe, la racine est au degré réduit
ou (plus rarement) au degré 2, jamais au degré 1.

Exceptions principales. Certains thèmes en -man tels que
χειμών, varšmán (v. plus haut), et probablement une partie des
thèmes en -tar, puis des exemples isolés assez nombreux. Comme
235nous l'avons dit, les oxytons en as tels que ψευδής ne constituent
pas d'exception formelle.

Les oxytons du degré 2 auxquels la règle fait allusion ici
sont presque uniquement des thèmes finissant par a (v. ci-dessus
p. 229) ou des thèmes en u de flexion faible (p. 231), ainsi λοιπός,
πλοχμός, ketú
. C'est une chose curieuse que de voir les deux a se
comporter différemment vis-à-vis de l'accent. Elle donnerait à
penser que la naissance du phonème a2 est antérieure à la période
d'expulsion. De fait, dans les syllabes prédésinentielles, il n'est
jamais besoin de supposer l'expulsion d'un a2 (par l'accent), puisque,
d'après ce qu'on a vu p. 215, les cas faibles des oxytons montrent
a1 dans les paroxytons, et que ces derniers nous représentent
l'état de choses qui a précédé les phénomènes d'expulsion.

Pourvu qu'on admette l'immobilité de l'accent dans les
thèmes paroxytons (p. 203 seq.), les phénomènes d'accentuation
et d'expulsion peuvent sans inconvénient pratique s'étudier séparément
dans les deux sphères de la flexion et de la formation
des mots. C'est ainsi que nous avons procédé.

Seulement ce que nous avons devant nous, ce sont des mots
et non des thèmes. Quand on dit que l'affaiblissement de la racine,
dans le thème uks-án, est dû à l'accentuation du suffixe, il
reste à chercher ce que représente cette phrase dans la réalité, et
si vraiment les faits de ce genre nous introduisent de plain-pied
dans l'époque paléontologique antérieure à la flexion, telle que
M. Curtius la reconstruit par la pensée dans sa Chronologie des
langues indo-européennes
. Doit-on penser au contraire que tous les
phénomènes se sont accomplis dans le mot fléchi 1289 ? Nous ne savons,
et nous nous garderons d'aborder ce problème. Nous voudrions
seulement, en combinant la loi des expulsions prédésinentielles
avec celle des expulsions présuffixales, exprimer le plus
simplement possible la somme des affaiblissements dûs à l'accent,
telle qu'elle nous apparaît dans son résultat final : tous les a1
placés dans la partie du mot qui précède la syllabe
236accentuée tombent
, à moins d'impossibilité matérielle (p. 48) ;
Aucune autre expulsion d'a1 n'est causée par l'accent.

tá1ig + ya1s +ai produit tá1igia1sai (skr. téģīyasé).
ya1ug + tá1i + a1s produit yuktá1ya1s (skr. yuktáyas).
wa1id +wa1s + ái produit widusái (skr. vidúše).

Il resterait à obtenir une règle unique d'où découlerait la
place de l'accent
dans chaque forme. Quand la question se pose
entre syllabe prédésinentielle et désinence, on est fixé pourvu
qu'on connaisse le genre de flexion (forte ou faible). On a vu en
revanche que le parti que prend l'accent devant la bifurcation
entre racine et suffixe peut se constater pour des groupes considérables
de thèmes, mais non se prévoir. Nous nous contentons
donc de dresser un tableau récapitulatif. Ce tableau devra justifier
les a1 qui existent et qui manquent dans n'importe quelle forme
primaire répondant aux conditions normales.

tableau I. Racine + suffixe. II. Racine sans suffixe. 1er cas. Le ton reste sur la racine. Aucune expulsion n'est possible du fait de l'accent. Cf ci-dessous. 2e cas. Le ton quitte la racine. a. Le ton ne passe point aux désinences (flexion faible). L'expulsion par le fait de l'accent atteindra tous les a1 présuffixaux et aucun autre. Cf ci-dessous. b. Le ton est attiré vers les désinences (flexion forte). Il y aura expulsion : 1° de tout a1 présuffixal, 2° si l'a1 ne finit le thème, de tout a1 prédésinentiel sous placé devant une désinence susceptible d'accent. Dans la flexion faible les désinences commençant par une consonne produisent l'expulsion de l'a1 prédésinentiel. 1290 2291

Nous ne nous sommes pas préoccupés jusqu'ici des syllabes
de redoublement. Le peu de chose qu'on sait de leur forme primitive
rend leur analyse tout à fait conjecturale. Ils s'agirait
237avant tout de déterminer si le redoublement doit être regardé
comme une espèce d'onomatopée, ou s'il constitue une unité morphologique
régulière, le caractère de l'unité morphologique étant
de contenir, à l'état normal, a1.

Au parfait, rien n'empêche d'admettre cette dernière hypothèse.
Comme le ton repose au singulier de l'actif sur la racine 1292
et partout ailleurs sur les désinences, la réduplication perd forcément
son a1, mais elle ne le possède pas moins virtuellement.
Ainsi l'on a : indo-eur. uwá2ka, ūkmá (skr. uvāća, ūćimá) pour
*wa1wá2ka, *wa1wa1kmá. Dans les formes comme papāta, l'a
est forcé de rester. Quand l'a1 radical est suivi d'une voyelle, on
constate que celle-ci se répercute dans le redoublement : bhibhá2ida
pour *bha1ibhá2ida, etc. 2293

A l'aoriste en -a, il faut, pour expliquer à la fois l'affaiblissement
radical et l'état normal du redoublement dans vóćat, supposer
un double ton primitif (wá1-uk-á1-t), tel que le possèdent
les infinitifs en -tavai et d'autres formes indiennes (Böhtlingk
Accent im Sanskrit p. 3). Il concilie du reste l'accentuation du gr.
εἰπεῖν avec celle de vóćat. Les aoristes sanskrits comme atitvišanta
ou modifié leur réduplication : il faudrait *atetvišanta.

Au présent, la plus grande incertitude règne. L'i de ἵστημι
et de píparti pose une énigme que nous n'abordons point. Toutefois
la variabilité de l'accent dans la 3e classe sanskrite semble
indiquer un double ton dans les formes fortes, ce qui permettrait
de comprendre nenehti, vevékti, vevešṭi (qui peuvent passer, il est
vrai, pour des intensifs), zd. zaozaomī, daēdōist, et en grec δείδω.
Au pluriel le ton, passant sur la désinence redevenait un, et en
conséquence le redoublement perdait son a. De là les présents
comme didéšti. La flexion originaire serait : dédéšṭi, didiçmás 3294.238

Chapitre VI.
De différents phénomènes relatifs aux sonantes
i, u, r, n, m.

§ 14. Liquides et nasales sonantes longues.

Dans le 21e volume du Journal de Kuhn, pour la première
fois peut-être depuis la fondation de la grammaire comparée, une
voix autorisée a plaidé la primordialité des présents sanskrits de
la 7e formation. Tout a été imaginé, on le sait, sous l'empire de
l'idée théorique que l'indo-européen a horreur de l'infixé, pour expliquer
comment ce groupe de présents avait pu sortir de la 5e
et de la 9e classe. M. Windisch déclare qu'aucune hypothèse ne
le satisfait, constate qu'aucune ne rend véritablement compte de
l'organisme délicat des formes alternantes yunag- yung-, et trouve
que ces présents offrent au contraire tous les caractères d'une
formation primitive. La 9e classe dont personne ne met en doute
l'origine proethnique a péri dans toutes les langues européennes,
hors le grec. Quoi d'étonnant si la septième, flexion bizarre et
insolite, ne s'est conservée qu'en sanskrit et en zend ?

Le spectre de l'infixé se trouve d'ailleurs conjuré, si l'on
admet avec le même savant que la 7e classe soit une manifestation
du travail d'élargissement des racines : dans yunag- par
exemple, la racine serait proprement yu (yau) et g ne représenterait
que le déterminatif. Pour peu cependant qu'on repousse
cette théorie, qui n'a pas pour elle d'argument vraiment décisif,
nous nous déclarons prêt à admettre l'infixé. Surtout M. Windisch
accompagne sa supposition d'un corollaire dont nous ne
saurions faire notre profit à aucune condition. Il conjecture dans
la 7e classe une sorte de continuation de la 9e, et nous serons
amené à voir dans la 9e un cas particulier de la 7e.

Formulons la règle au moyen de laquelle on passe de la
racine, telle qu'elle apparaît dans les temps généraux, au thème
de la 7e classe :

L'a1 radical tombe, et la syllabe -ná1- est insérée entre les deux
derniers éléments de la racine réduite
.

bha1id : bhi-ná1-d ya1ug : yu-ná1-g wa1d : u-ná1-d
ta1rgh : tr̥-ná1-gh bha1ng : bhn̥-ná1-g239

La flexion est donnée par les lois de la page 188. Elle amènera
les formes faibles bhi-n-d, yu-n-g, tr̥-n-gh, bhn̥-n-g 1295,
u-n-d.

Maintenant plaçons en regard de cette formation le présent
de la 9e classe analysé conformément à notre théorie de l'ā long :
pu-ná1-a, forme faible pu-n-a. Une parenté difficile à méconnaître
se manifeste, et nous posons :
tableau bhina1d | bha1id | puna1a | x | pr̥na1a | gr̥bhna1a |
Les valeurs des x, c'est-à-dire les racines véritables de nos présents
en -nā, seront évidemment : pa1wa, pa1ra, ga1rbha (ou
gra1bha).

C'est la rigoureuse exactitude de cette règle de trois que
nous allons tâcher de démontrer.

A part d'insignifiantes exceptions, toutes les racines sanskrites
non terminées par qui appartiennent à la 9e classe
prennent à l'infinitif en -tum, dans les thèmes en -tavya et en -tar,
et au futur en -sya, l'i (long ou bref) dit de liaison. De plus elles
n'admettent à l'aoriste sigmatique que la formation en -i-šam.

punāti : pavi-tár, paví-tra 2296, pavi-šyáti, á-pāvi-šus.

lunāti : lávi-tum, lavi-šyáti, á-lāvi-šam.

gr̥ṇāti : ģari-tár 3297.

gr̥ṇāti « dévorer » (v. B. R.) : gári-tum, gari-šyáti, á-gāri-šam

pr̥ṇāti : pári-tum, pári-šyáti (cf. párī-man, párī-ṇas).

mr̥ṇāti : ā-marī-tár.

çr̥ṇāti. çárī-tos, çári-syáti (cf. çárī-ra, ā-çarī-ka).

str̥ṇāti : stári-tum, stári-šyáti (cf. stárī-man).

gr. δάμνημι : dami-tár.

çamnāti 4298 : çami-tár.

grathnāti : gránthi-tum, granthi-šyáti.

mathnāti : mánthi-tum, mánthi-šyáti.

çrathnāti : á-çr̥thi-ta 5299.240

mr̥dnāti : márdi-tum, mardi-šyáti.

gr̥bhṇāti : grábhī-tar, grábhī-tum, a-grabhī-šma, etc.

skabhnāti : skámbhi-tum, skabhi-tá.

stabhnāti : stámbhi-tum, stabhi-tá, a-stambhi-šam.

açnāti : pra-açi-tár.

isṇāti : éši-tum, eši-šyáti.

kušṇāti : kóši-tum, koši-syáti.

mušṇāti : móši-tum, moši-šyáti (cf. mušī-ván).

Les exceptions sont, autant que j'ai pu m'en rendre compte :
badhnati qui n'offre l'i qu'au futur bandhyáti ; pušṇati qui fait
póšṭum ou póšitum, mais pušṭa, jamais *pušitá ; et kliçnati où l'i
est partout facultatif. De quelque manière qu'on ait à expliquer
ces trois cas, ils sont tout à fait impuissants comparativement
aux vingt et un précédents, et il est légitime de conclure : si l'on
tient que la racine de pinášṭi est peš, celle de gr̥bhṇati ne doit
point être nommée sous une autre forme que grabhī (soit gra1bha).
L'ī de gr̥bh-ṇ-ī-más a un rapport tout aussi intime avec l'ī de
grábhī-tar que le š de pi-ṃ-š-mās avec le š de péš-ṭar.

Pour juger complètement du rôle et de la valeur de l'i dont
nous parlons, on aura à observer trois points principaux :

1. Dès qu'on admet le lien qui unit le présent en -nā avec
l'i final, on reconnaît que cet i, loin d'être une insertion mécanique
vide de sens, fait partie intégrante de la racine 1300.

2. Quant à sa nature : il n'y a point de motif pour ne pas
l'identifier avec l'i de sthitá, pītá. Nous avons reconnu dans ce
dernier le descendant d'une voyelle faible proethnique désignée
par A (p. 178 seq.), voyelle qui n'est elle-même qu'une modification
de l'espèce d'a, ou des espèces d'a autres que a1 et a2 (a, o).
— Plus haut l'ā long de sthā-, pā-, dont la moitié est formée par
la voyelle mise à nu dans sthi-, pī-, nous a prouvé que celle-ci
avait été une voyelle pleine dans la période proethnique très-ancienne.
Ici l'ā de punā-, gr̥bhṇā-, donne la même indication relativement
à l'i de pavi-, grabhī-.241

3. D'autre part il y a entre l'i ou A de sthitá, pītá, et l'i ou
A de pavi-, grabhī-, cette importante différence morphologique,
que le premier résulte de la réduction d'un ā (a1a), tandis que le
second paraît exister de fondation à l'état autophthongue. S'il se
combine avec a1 dans le présent en -nā, il n'en préexistait pas
moins à ce présent.

En résumé nous avons devant nous comme types radicaux :
pa1wA, pa1rA, gra1bhA etc. Sous leur forme inaltérée — qui est
la base du présent en -na1a — , ces types sont pa1wa, pa1ra,
gra1bha.

D'un côté, on vient de le voir, le rôle du phonème a dans
pav-i punā- est absolument parallèle à celui que remplissent d ou
s dans bhe-d- bhinad-, pe-š- pinaš-. D'un autre côté, si l'on prend
les racines grabhī, mardi, moši, il devient évident que notre phonème
possède cependant des propriétés morphologiques toutes
spéciales : aucune sonante, si ce n'est peut-être u (v. p. 244), et
aucune consonne ne pourrait être mise à la place de l'ī dans les
trois exemples cités.

Si donc on s'en tient purement à la base de classification,
plus ou moins extérieure, que nous avons adoptée à la page 184,
il convient d'établir deux grandes catégories de racines. Premièrement
les différents types distingués à la page citée. Deuxièmement
les mêmes types à chacun desquels serait venu s'ajouter a.
On est ramené en un mot, sauf ce qui regarde la conception de
l'ī, à la division qu'établit la grammaire hindoue entre les racines
udāttās, ou demandant l'i « de liaison », et les racines anudāttās
qui en sont dépourvues.

Revenons un instant à la 9e classe pour considérer un point
laissé de côté jusqu'ici.

Aux présents kšiṇati, linati, répondent les infinitifs kšétum,
létum. On attendait « ksáyitum, láyitum etc. » Il faut supposer que
le groupe -ayA- subit un autre traitement que -awA-, -arA-, etc.
Comme l'optatif indo-eur. bharaīt — *bharayAt (p. 193) fournit
un parallèle à cette contraction, il y a lieu de la croire proethnique 1301. Que le phonème A, en tous cas, existe réellement dans
242les racines précitées, c'est sur quoi l'ī long des participes kšī-ṇá,
lī-ná
(v. plus bas), ne laisse aucune espèce de doute. Ajoutons à
ces deux exemples riṇāti : rī-tí. — Dans les présents krīṇāti, prīṇāti,
bhrīṇāti, çrīṇāti
, l'ī long n'a certainement pénétré que sous
l'influence analogique des formes comme krīta, prīta. C'est ainsi
que le védique mināti s'est changé plus tard en mīnāti. Les infinitifs
krétum, prétum, çrétum, sont tout pareils à kšétum, létum.

On peut évaluer certainement le nombre des udāttās à la
moitié environ du chiffre total des racines. Plus bas nous augmenterons
de quelques exemples la liste commencée p. 240. Mais
auparavant on remarquera que la théorie de la 9e classe nous
permet de prévoir, au moins pour un groupe considérable de racines,
la propriété d'être anudāttās. Ce groupe, ce sont les racines
de la 7e classe. Car autrement, d'après la loi (« l'insertion de -na- se
fait entre les deux derniers éléments de la racine
 ») elles eussent
donné évidemment des présents en -nā 1302.

tableau riṇákti | réktum | rekšyáti | bhanákti | bháṅktum, bhaṅkšyáti | bhunákti | bhóktum | bhokšyáti | yunákti | yóktum, yókšyáti | vináémi | véktum, vekšyáti | ćhinátti | ćhéttum | ćhetsyáti | bhinátti | bhéttum | betsyáti | ruṇáddhi | róddhum | rotsyáti | pinášṭi | péšṭum | pekšyáti | çinášṭi | çéšṭum | çekšyáti | zend | ćinaçti | véd. | ćéttar

Pour anákti, tanakti, et tr̥ṇéḍhi, l'i « de liaison » est facultatif. Les verbes
tr̥ṇátti et ćhr̥ṇátti forment le futur avec ou sans i, l'infinitiv avec i. Les
autres verbes contenant le groupe ar + consonne (ardh, parć, varģ, kart),
ainsi que vináģmi, ont toujours l'i dans les formes indiquées. 2303 Dans tous
ces exemples la voyelle de liaison, quand elle apparaît, a été introduite
par analogie. La plupart du temps on en avait besoin pour éviter le
groupe incommode ar + consonne double (cf. drakšydti, de darç etc.). Ce
qui prouve cette origine postérieure, ce sont les formes faibles en -ta et en
-na : aktá, takta, tr̥ḍha, tr̥ṇṇa, ćhrr̥ṇṇa, r̥ddhá, pr̥ktá, vr̥ktá, vigna. Comparez
243les participes des verbes de la 9e classe açita (açnāti), išitâ (isṇāti),
kusita (kušnāti), grhītá (gr̥hṇāti), mušitá (mušnāti), mr̥ditá (mrdnāti), skabhitá
(skabhnāti), stabhitá 1304 (stabhnāti). Nous ne citons pas grathitá,
mathitá, á-çr̥thita
(de grathnāti, mathnāti, çrathnāti) ; l'aspirée th y rendait
peut-être l'i nécessaire d'ailleurs. Dans l'exemple kliçita ou klišṭa de
kliçnāti, la forme contenant i tend à être remplacée, mais enfin elle existe,
ce qui n'est jamais le cas pour les racines de la 7e classe.

Le principe de la formation en -na1u (5e classe) ne saurait être regardé
comme différent de celui des autres présents à nasale. Les formes
en -na1-u-ti supposent donc, à l'origine, des racines finissant par u. Dans
plusieurs cas, la chose se vérifie : ναnó-ti, sanó-ti (= wn̥-ná1-u-ti, sn̥-na1-u-ti)
sont accompagnés de vanutar, sánutar (= wa1nu-tar, sa1nu-tar 2305) ; vr̥ṇó-ti,
outre varūtár, várūtha, a pour parents gr. εἰλύ-ω, lat. volv-o, goth. valv-jan ;
kr̥ṇó-ti se base sur une racine karu d'où karóti 3306. Même type radical dans
taru-te (prés.) taru-tár, taru-tra, tárū-šas, táru-šanta, non accompagné
toutefois d'un présent *tr̥ṇóti (cf. τρωννύω). La place de l'a1 dans la racine
ne change rien aux conditions d'existence de notre présent : çra1u
« écouter » pourra donc former çr-ná1-u-ti, çr̥ṇóti 4307.

Mais dès l'époque proethniqne, on ne le peut nier, la syllabe -na1u
a été employée à la manière d'une simple caractéristique verbale : ainsi
k2i-ná1-uti (skr. ćinoti, gr. τίνυται), tn̥-ná1uti (skr. tanóti, gr. τανύω), ne seraient
point explicables comme formations organiques. — Toute cette question
demanderait du reste un examen des plus délicats : il y a lieu en
effet de se demander si l'u des exemples comme tarutár, sanutár (et comme
sanóti par conséquent) est bien l'u ordinaire indo-européen. Sa contraction
avec r dans les formes comme tūrti et ćūrṇa de ćarvati (équivalent
à taruti moins a, ćaruna moins a) rend ce point plus que douteux. Cf.
aussi, en grec, le rapport de ὀμό-σσαι ὄμνυ-μι.244

Aux racines udāttās énumérées plus haut ajoutons quelques
nouveaux exemples qui ne possèdent point de présent de la 9e
classe. Nous avons principalement en vue les cas où A est précédé
d'une sonante 1308.

avi « assister » : avi-tá (2e pl.), ávi-tave, avi-tár, āvi-sam.

dhavi « agiter » : dhávi-tum, dhavi-šyáti, á-dhāvi-šam.

savi « mettre en mouvement » : savi-tár, sávī-man, á-sāvi-šam.

havī « invoquer » : hávī-tave, hávī-man (mais aussi hótrā).

karī « verser » : karf-tum, á-kāri-sam.

kari « louer » : á-kāri-šam.

ćari « aller » : ćári-tum, ćari-tra, á-ćāri-šam.

ģarī « vieillir » : ģárī-tum, ģarī-šyáti, á-ģāri-šam.

tarī « traverser » : tárī-tum, tari-tra, pra-tarī-tár, á-tāri-šam, tárī-ša.

khani « creuser », kháni-tum, khaní-tra, á-khāni-šam.

ģani « engendrer » : ģáni-šva (impér.), ģani-tár, ģani-tra, ģáni-man
(aussi ģánman), ģáni-tva, ģani-syáte, á-ģani-šṭa.

vani « aimer » : váni-tar, vani-tā (forme forte introduite par analogie
dans les thèmes en -ta), vani-šīšṭa. L'aoriste váṃsat, sans i, est
difficile à expliquer.

sani « conquérir » : sani-tár, saní-tra, sáni-tva, sani-šyáti, á-sāni-šam.

amī « nuire » : amī-ši (2e sg.), ami-ná, ámī-vā (amítra ?).

bhrami « voyager » : bhrámi-tum, bhrami-šyáti.

vamī « vomir » : vami ti, a-vamī-t (Delbr. 187).

çamī « se donner de la peine » : çamī-šva, çamī-dhvam (Delbr. l. c.),
çami-tár.

çrami « se fatiguer » : çrámi-tum, çrami-šyáti.

Comme on voit, les différents suffixes commençant par t et s
sont favorables à la conservation de l'ī. Il n'en est pas toujours
de même quand c'est un m qui suit ce phonème. Devant le suffixe
ma l'ī n'apparaît jamais. Parmi les formations en -man, ģániman,
dárīman, párīman, sávīman, stárīman, hávīman
, sont réguliers,
mais on a en même temps ģánman, darmán, hóman, et d'autres
formes de ce genre 2309. Il est permis de supposer que l'm a exercé
sur la voyelle faible une absorption toute semblable à celle qui
a donné ćinmás, ģuhmás, pour ćinumás, ģuhumás.

Un autre groupe de formes où l'extirpation de l'ī peut se
245suivre clairement, ce sont les présents de la 2e et de la 3e classe.
Certains verbes ont maintenu intégralement le paradigme : la rac.
rodi (ródi-tum, rodi-šyáti, rudi-tvā, á-rodi-šam) possède encore le
présent ródi-ti, plur. rudi-más. On connaît les autres exemples :
áni-ti, cf. áni-la, ani-šyáti ; çvási-ti, cf. çvási-tum, çvasi-šyáti ; vámi-ti
(Pāṇini), cf. vámi-tum, vami-šyáti. Comment douter après cela,
quand nous trouvons d'une part ģani-tár, ģáni-trī, ģáni-man, ganitvī
etc., de l'autre l'impératif ģáni-šva et la 2e personne ģa-ģáni-ši
(Bopp Kr. gramm. § 337) — Westergaard ajoute pour le dialecte
védique ģanidhve, ģanidhvam, ģaniše — , comment douter que ģa-ģaṃ-si,
ģa-ģan-ti
, ne soient hystérogènes ? Chaque fois qu'un ī
apparaît dans quelque débris du présent tel que amī-ši, çamī-šva,
on constate que la racine montre l'ī à l'infinitif et au futur. 1310
Aussi nous n'hésitons pas un instant à dire que dans píparti de
parī, dans ćakarti de karī, l'ī final de la racine a existé une fois,
et que son absence n'est dûe qu'à une perturbation dont nous ne
pouvons encore nous rendre compte. Peut-être la ressemblance
de *piparīti, *ćakarīti, avec les intensifs est-elle ce qui a déterminé
la modification.

Un autre fait qui ne doit point induire en erreur, c'est l'apparition
fréquente de l'ī en dehors de son domaine primitif. Le
nombre considérable des racines udāttās, l'oubli de la signification
de l'ī, expliquent amplement cette extension hystérogène. D'ailleurs
elle est le plus souvent toute sporadique. La propagation
systématique de l'i ne se constate, entre les formations importantes,
que pour le futur en -sya, qui a étendu cette voyelle à
toutes les racines en -ar, et de plus aux racines han et gam. Devant
les suffixes -tar, -tu et -tavya, — les trois formations obéissent
à cet égard aux mêmes règles (Benfey Vollst. gramm. § 917)
— l'ī, sauf des cas isolés, est en général primitif. 2311 L'usage de
l'aoriste en i-šam, malgré des empiétements partiels considérables,
coïncide dans les lignes principales avec celui de l'infinitiv
en i-tum (Benfey § 855 seq.). Parmi les exemples védiques
246(Delbrück 179 seq.) on en trouve peu qui ne viennent pas d'une
racine en i 1312.

Une statistique spéciale que nous ne nous sentons pas en état
d'entreprendre pourrait seule déterminer au juste, dans quelle
mesure la théorie proposée nécessite d'admettre l'extension et
aussi la disparition de l'i.

La conservation de l'i dans les mots-racines mérite d'être
notée : váni et sáni donnent les composés vr̥šṭi-váni-s, upamāti-váni-s,
vasu-váni-s ; ūrģa-sani-s, go-šaṇi-s, pitu-šaṇi-s, vāģa-sáni-s,
hr̥daṃ-sáni-s
. Ces formes -vani- et -sani-, évidemment très-usuelles,
ne sont pas de véritables thèmes en -i : l'accent, les racines dont
elles dérivent, enfin le fait qu'on évite visiblement de former les
cas à diphthongue — le Rig-Véda, sauf ūrģasane (voc.), n'offre
jamais que le nominatif et l'accusatif sing. — , tout y fait reconnaître
le type vr̥tra-hán. Le génitif de -sani n'a pu être primitivement
que -san-as = -sn̥n-as (cf. plus bas).

Devant les suffixes commençant par une voyelle, qu'observe-t-on ?
Les racines mardi, pavi, tari, ģani, donnent mr̥d'ú, páv'ate,
tár'ati, ģán'as
. On pouvait le prévoir : le cas est le même que
pour somap'é = somapA, datif de soma-pā (p. 203), et la voyelle
élidée dans páv'a- n'est autre, comme on a vu, que celle qui
a dû subir le même sort dans la 3e pers. pl. pun'ate = pun'-n̥té
(p. 36).

Si maintenant nous prenons pour objet spécial de notre
étude le groupe sonante + A, il ressort premièrement de ce qui
précède cette règle-ci :

Le groupe sonante + A précédé d'une voyelle rejette A s'il est
suivi d'une seconde voyelle et demeure tel quel devant les consonnes.

Nous passons à la démonstration de la règle complémentaire,
qui forme le sujet proprement dit du présent paragraphe :
247Le groupe sonante + A, précédé d'une consonne ou placé au
commencement du mot, se change en
sonante longue, quel que soit le
phonème qui suit
.

Ici plus qu'ailleurs il est indispensable de ne pas perdre de
vue le principe que nous nous sommes efforcé d'illustrer dans les
chapitres précédents. A part certains cas spéciaux, du reste douteux,
tout affaiblissement proethnique, toute dégradation, toute
alternance de formes fortes et faibles consiste invariablement,
quelle que soit l'apparence qu'elle revête, dans l'expulsion d'a1.
C'est ce principe qui exigeait que nous prissions pour unité morphologique
non la syllabe, mais le groupe ou la cellule dépendant
d'un même a1 (p. 186). Quand il y a déplacement d'accent, le ton
passe non d'une syllabe à l'autre, mais d'une cellule à l'autre,
plus exactement d'un a1 à l'autre. L'a1 est le procureur et le modérateur
de toute la circonscription dont il forme le centre.
Celle-ci apparaît comme le cadre immuable des phénomènes ; ils
n'ont de prise que sur a1.

D'après la définition, ce qui est cellule prédésinentielle dans
une forme comme l'ind. róditi, c'est rodi ; dans bódhati au contraire
ce serait a. Aussi le pluriel de ródi-ti est-il nécessairement
rudi-más, parce que rodi- tombe sous le coup des lois II et III
(p. 188). Il en est de même dans la formation des mots. Ainsi
grábhī-tar, skámbhi-tum, móši-tum, thèmes à racine normale, sont
accompagnés de gr̥bhī-tá, skabhi-tá (= *skm̥bhitá), muši-tá. Quel
son a été sacrifié dans le type réduit ? Est-ce la voyelle faible A
qui précède immédiatement la syllabe accentuée ? Nullement, c'est
forcément l'a plein, placé deux syllabes avant le ton.

Cela posé, lorsqu'à côté de pavi-tár nous trouverons pū-tá, le
phénomène ne peut pas se concevoir de deux manières différentes :
pū- ne sera pas « une contraction », « une forme condensée » de
pavi-. Non : pū-tá sera égal à pavitá moins a ; l'ū de pūtá contient
le -vi- de pavi-, rien de moins, rien de plus.

Thèmes en -ta, -ti, etc.

1. Série de l'ū. avi-tár : (indra-ūtá), ū-tí ; dhávi-tum : dhū-tá,
dhū-ti ; pávi-tum : pū-tá ; savi-tár : sū-tá ; hávi-tave : hū-tá, devá-hū-ti.

Comparez : ćyó-tum : ćyu-tá, -ćyu-ti ; pló-tum : plu-tá, plu-ti ;
248çró-tum : çru-tá, çrú-ti ; só-tum (presser) : su-tá, sóma-su-ti ; srótum :
sru-tá, sru-tí ; hó-tum ; hu-tá, á-hu-ti 1313.

2. Série de l'r. ćári-tum : ćīr-tvā 2314, ćūr-ti ; ģari-tár : gūr-tá,
gūr-tí ; tárī-tum : tīr-thá, a-tūr-ta, su-prá-tūr-ti ; párī-tum : pūr-tá,
pūr-tí ; çárī-tos : çūr-tá (Grassmann s. v. çūr).

Comparez : dhár-tum : dhr̥-tá, dhŕ̥-ti ; bhár-tum : bhr̥-tá, bhr̥-tí ;
sár-tum : sr̥-tá, sr̥-tí ; smár-tum : smr̥-tá, smr̥-tí ; hár-tum : hr̥-tá, etc.

3. Série de l'n. kháni-tum : khā-tá, khā-ti ; gáni-tum : ģā-tá,
ģā-tí
 ; váni-tar : vā-tá ; sáni-tum : sā-tá, sā-tí 3315.

Comparez : tán-tum : ta-tá ; mán-tum : ma-tá ; hán-tum :
ha-tá, -ha-ti.

4. Série de l'm. dami-tár : dān-tá ; bhrámi-tum : bhrān-tá,
bhrān-ti
 ; vámi-tum : vān-tá ; çámi-tum : çān-tá, çān-ti ; çrámi-tum :
çrān-tá, etc.

Comparez : gán-tum : ga-tá, gá-ti ; nán-tum : na-tá, ā-na-ti ;
yán-tum : ya-tá, ya-ti ; rán-tum : ra-tá, rá-ti.

Avant de passer à d'autres formations, arrêtons-nous pour
fixer les données qu'on peut recueillir de ce qui précède.

1. Série de l'u. Les modifications secondaires étant nulles,
cette série doit servir de point de départ et de norme pour l'étude
des séries suivantes. Nous constatons que *pwAta, ou *puAta, qui
est à pa1wA ce que pluta est à pla1u, s'est transformé en pūta.

2. Série de l'r. Il devient évident que ī et ūr ne sont que
l'expression indienne d'un ancien r-voyelle long 4316. Dans les cas
249où il existe encore, comme pitr̥̄n et mr̥dáti pour *mr̥ždáti 1317, ce
phonème ne s'est formé que très-tard par le procès dit allongement
compensatif
. — Nous ajoutons tout de suite que īr et ūr ne
sont en aucune façon des allongements secondaires de
ir et ur. Partout
où il existait un véritable r̥̄ (c'est-à-dire devant les consonnes),
nous trouvons tout naturellement īr, ūr, et c'est seulement
quand r̥̄ s'était dédoublé en r̥r (c'est-à-dire devant les
voyelles), qu'on voit apparaître ĭr, ŭr :

īr, ūr : ĭr, ŭr = ū : uv.

C'est ce qui explique le fém. ŭrvi de urú (rac. war) en regard de
pūrvi — *pr̥̄wi de purú 2318.

La raison qui, dans chaque cas, détermine la teinte i ou la
teinte u est la plupart du temps cachée. Voy. sur ce sujet Joh.
Schmidt Voc. II 233 seq.

Parfois le groupe ūr cache un w qui s'est fondu dans l'u :
ainsi ūrṇā pour *wūrṇā — sl. vlŭna. L'existence du r̥̄ long n'en
est pas moins reconnaissable : bref eût donné « vr̥ṇā », ou tout
au moins « ŭrṇā ». Il serait à examiner pourquoi dans certains
exemples comme hotr̥-vurya, ν persiste devant ūr.

Peut-être le groupe ŭl + consonne est-il quelquefois l'équivalent,
dans sa série, des groupes īr et ūr + consonne ; ul pourrait
aussi être une modification du bref déterminée, dans phullá
par exemple, par une durative qui suit la liquide.

3. Séries de l'n et de l'm. L'entier parallélisme de l'ā de ģātá
avec ī, ū et īr = r̥̄, parle assez haut pour qu'on ne puisse sans
invraisemblance donner à cet ā aucune autre valeur préhistorique
que celle d'une nasale sonante longue. Et cependant la mutation
de nA en n'est pas peut-être sans offrir quelque difficulté.
Je comprends celle de rA en r̥̄ : c'est, à l'origine, une prolongation
de l'r durant l'émission du A. Pareil phénomène semble impossible
quand c'est une nasale qui précède A, l'occlusion de la
cavité buccale, et par conséquent la nasale, cessant nécessairement
250au moment où le son A commence. De fait nous avons vu,
à côté du gén. mātúr = *mātrAs, le groupe nA subsister dans
ukšṇás. Le témoignage des langues congénères n'est pas décisif,
car la voyelle qui suit l'n dans lat. anăt-, v. ht-all. anud = skr.
ātí, ainsi que dans janitrices, skr. yātár (sur ces mots cf. plus bas),
pourrait être émanée de la nasale sonante longue, et n'avoir rien
de commun avec le A proethnique qui détermine cette dernière.
Il est concevable aussi, et c'est la solution qui nous paraît le plus
plausible, que nA se soit changé en A: il s'agirait donc, exactement,
d'une nasale sonante longue suivie d'une voyelle très-faible.

Nous ne faisons pas d'hypothèse sur la suite de phénomènes
qui a transformé un tel groupe en ā long. L'idée qu'une voyelle
nasale
aurait formé la transition est ce qui se présente le plus
naturellement à l'esprit, mais je ne sais si la série de l'm, où c'est
évidemment ām (dāntá = *dāmtá) qui fait pendant à l'ā, est de
nature à confirmer une telle supposition.

Remarque concernant certaines formes de la 9e classe.

Le fait que le groupe n + A doit dans des cas donnés apparaître en
sanskrit sous la forme d'un ā long intéresse directement la flexion de la
9e classe, où ce groupe règne à travers toutes les formes faibles. Dans
punīthá, pr̥ṇīthá, rien que de régulier : ainsi que dans ģanitár, nA se trouve
précédé d'une voyelle. Au contraire gr̥bhṇīthá, mušṇīthá, offraient le groupe
dans les conditions voulues pour qu'il produisît ā. De fait, nous sommes
persuadé que sans le frein puissant de l'analogie, on serait arrivé à conjuguer
gr̥bhṇati, *gr̥bhāthá. Je ne sais s'il est permis d'invoquer le zd.
friyãnmahi = prīṇīmási ; en tous cas le sanskrit lui-mêine fournit ici des
arguments. Le verbe hr̥ṇī té (iratum esse) possède un thème dérivé hr̥ṇī-yá-
dans le partic. hr̥ṇī-yá-māna. Essayons de construire la même formation
sur un présent du type gr̥bhṇā- ; nous obtenons, en observant la loi phonétique,
gr̥bhā-yá-. Chacun sait que non-seulement gr̥bhāyáti existe, mais
encore que tous les verbes en -āyá qui ne sont point dénominatifs, montrent
le rapport le plus étroit avec la 9e classe 1319. M. Delbrück a cherché à
expliquer cette parenté en conjecturant des formes premières telles que
251*gr̥bhanyá-, mais an ne se change jamais en ā, et le thème de gr̥bhṇati
n'est point gr̥bhan 1320.

Comme on le suppose d'après ce qui précède, -āyá- devra toujours être
précédé d'une consonne et jamais d'une sonante, mais m fait exception, on
a p. ex. damāyáti. Cela tient apparemment à la nature du groupe -m̥n-qui
se prononce en réalité comme -m̥mn-. En conséquence *dm̥(m)nAyá-
devint damāyá- et non « damnīyá- ».

Thèmes en -na.

Série de l'u. dhavi : dhū-ná ; lavi : lū-ná.

Série de l'r. kari : kīr-ṇá ; gari : gīr-ṇá, ćari : ćīr-ṇá ; ģari :
ģīr-ṇá ; tari : tīr-ṇá ; pari : pūr-ṇá ; mari : mūr-ṇá ; çari : çīr-ṇá.

Thèmes verbaux en -ya.

On peut réunir la 4e classe et le passif. Ces formations
diffèrent pour l'accentuation, niais non pour le vocalisme.

Les séries de l'i et de l'u n'offrent rien d'intéressant, car on
constate un allongement général de ces voyelles devant y. Ainsi
ģe, çro, donnent ģīyáte, çrūyáte pour *ģiyáte, *çruyáte.

Série de l' r : ģari : ģir-yati ; kari (verser) : kīr-yáte ; gari (dévorer) :
gir-yáte ; pari : pūr-yate ; çari : çīr-yáte, etc.

Comparez : kar : kr-iyáte ; dhar : dhr-iyáte ; bhar : bhr-iyáte ;
mar : mr-iyáte 2321.

Même divergence des racines en -ari et des racines en -ar
devant le -yā de l'optatif et du précatif : kīr-yāt, tīr-yāt, pupūr-yās
etc., cf. kr-iyāma, sr-iyāt, hr-iyāt etc.252

Série de l'n. Une confusion partielle s'est glissée entre les
racines en -an et les racines en -ani : khani, sani, donnent khā-yáte
ou khan-yáte, sā-yáte ou san-yáte ; à son tour tan fait tan-yáte
et tā-yáte. Il ne saurait régner de doute sur ce qui est primitif
dans chaque cas, dès qu'on considère que ģani forme invariablement
ģa-yate et que man, han, n'admettent que mán-yate, hanyáte.
Le groupe an, dans hanyáte etc., est le représentant régulier
de devant y (p. 35). — A l'optatif, ģani fait ģaģā-yat ou ģaģan-yat
(Benfey Vollst. Gr. § 801).

Série de l'm : dami : dām-yati ; bhrami : bhrām-yati ; çami :
çām-yati ; çrami : çrām-yati etc.

Comparez : nam : nam-yáte ; ram : ram-yáte.

Formes faibles des présents de la 2e et de la 3e classe.

Série de l'u : háνī : hū-máhe, ģu-hū-mási ; braνī : brū-más,
brū-té
(3e sg. act. brávī-ti).

Série de l'r : ģari « louer » : gūr-ta (3e sg. moy.) ; pari : pipūrmás,
pipūr-thá
etc. ; véd. pūr-dhí. La forme védique pipr̥-tám pourrait,
vu le gr. πιμπλᾰ-, être sortie d'une racine plus courte qui
expliquerait du même coup le thème fort pipar- 1322.

Série de l'n : ģani : ģaģā-thá, ģaģā-tás. Il n'est pas facile,
faute d'exemples décisifs, de dire si , placé devant w et m devient
ā comme devant les consonnes ou an comme devant les voyelles.
Le traitement qu'il subit devant y parlerait pour la première
alternative, et dans ce cas ģaģanvás, ģaģanmás devront passer
pour des métaplasmes.

Nous avons obtenu cette proportion :

tableau ģaģā-thás | ģaģáni-ši | brū-thás | brávī-ši | rudi-thás | ródi-ši

Formes faibles de l'aoriste sigmatique.

Le Rig-Véda offre l'aor. du moyen a-dhūš-ata (3e p. pl.), de
la racine dhavi. Cette forme passe pour un « aoriste en -s-am » ; en
253revanche a-dhāviš-am est classé dans les « aoristes en -iš-am ».
Nous avons vu que ces deux formations n'en forment qu'une dans
le principe, et qu'en général la différence apparente réside uniquement
dans le phonème final des racines (p. 246 seq. 247 i. n.).
Ici elle a une autre cause : c'est bien la même racine qui donne
dhāviš- et dhūš-, seulement dhūš- contient l'i de dhāviš- à l'état
latent ; l'un est la forme faible de l'autre.

Voilà qui explique une règle que consigne le § 355 de la
grammaire sanskrite de Bopp : au parasmaipadam, les racines en
r̥̄ suivent la formation en -iš-am ; à l'ātmanepadam elles admettent
aussi la formation en -sam et changent alors r̥̄ en īr, ūr. La
chose est transparente : on a conjugué d'abord á-stāriš-am, á-stīrš-i,
comme á-kšaips-am, á-kšips-i (cf. p. 191) ; le moyen á-stariš-i n'est
qu'une imitation analogique de l'actif.

Thèmes nominaux du type dviš.

Nous n'envisageons ici que les formes où la désinence
commence par une consonne, représentées par le nominatif du
singulier.

Série de l'u : pavi : ghr̥ta-pū-s ; havī : deva-hū-s.

Série de l'r : ģari « louer » : gir(-s) ; ģari « vieillir » : ama-ģūr(-s) ;
tari : pra-tūr(-s) ; pari : pūr(-s) ; marī : ā-mūr(-s) ; stari : upa-stīr(-s).
— Dans le premier membre d'un composé : pūr-bhíd etc.

Série de l'n : khani : bisa-khā-s ; gani : r̥te-ģā-s ; sani : go-šā-s.

Série de l'm : çami : pra-çān(-s), instr. pl. pra-çām-bhis.

Remarque sur quelques désidératifs.

On ne doit point être surpris de trouver ģihīršati de har, bubhūršati
de bhar etc., puisque l'on a aussi ģigīšati, çuçrūšati etc. de racines anudāttās
comme ģe et çrō.

Avant d'entamer la seconde partie de ce sujet, il est bon de
se mettre en garde contre une idée très-naturelle et plus vraisemblable
en apparence que la théorie proposée ci-dessus. Elle
consisterait à dire : au lieu d'admettre que ū, r̥̄ etc., dans lūna,
*pr̥̄ta etc., sont des modifications de u + A, r + A, pourquoi ne
pas poser des racines telles que la1u, pa1r̥̄ ? Les formes fortes
skr. lavi-, pari, en peuvent fort bien dériver, et l'explication des
254formes faibles serait simplifiée. C'est à quoi nous opposons les
remarques suivantes :

1. L'hypothèse à laquelle il vient d'être fait allusion est inadmissible :

a) Supposons pour un instant que les racines de lavitár lūná
et de parītár pūrtá soient réellement laū, par̥̄. Quel avantage en
résulte ? Aucun, car on ne saurait sans pousser l'invraisemblance
au dernier degré, prétendre que l'i de grábhītar et de móšitum n'a
pas existé après les sonantes comme ailleurs au moins dans un
nombre limité de cas
. Or toutes les racines finissant par sonante + i
donnent sonante longue dans les formes faibles. On en reviendrait
donc à reconnaître pour un nombre d'exemples grand ou petit la
règle qu'on aurait voulu supprimer, et au lieu de simplifier on
aurait compliqué.

b) En partant des racines laū, par̥̄ etc., on renonce à expliquer
la 9e classe comme un cas particulier de la septième. Dès
lors on ne comprend ni la prédilection des racines « à sonante
longue », ni l'aversion des racines « à sonante brève » pour le présent
en -nā.

c) Accordons, s'il le faut, qu'il n'y a aucun lien nécessaire
entre la sonante longue et le présent en -nā ; assimilons la syllabe
-nā aux suffixes tels que -ya ou -ska. Comment expliquera-t-on,
au moyen de racines laū, par̥̄, les présents lŭnāti et pr̥̄ṇāti ? Comment,
en règle générale, est-il concevable que laū puisse donner
et que par̥̄ puisse donner pr̥̄ ? — Ce point ne réfute pas seulement
l'hypothèse de racines à sonante longue, c'est en même
temps celui sur lequel nous croyons pouvoir ancrer en toute confiance
la théorie de la 9e classe et partant la théorie des racines
comme lawA, parA. Car ceci est évident a priori : toute théorie
fondée sur l'idée que -nā est un simple suffixe se trouvera dans
l'impossibilité d'expliquer la différence typique et radicale du vocalisme
de la formation lunāti, pr̥̄ṇāti, et de la formation lūná,
pūrṇá.

2. L'autre hypothèse, bien loin d'offrir des difficultés, est
dictée par l'observation des cas analogues :

Dans les racines qui présentent successivement sonante + a1
+ a, par exemple ģyā, vā, çrā, nous sommes bien sûrs que a fait
partie intégrante de la racine. Si donc notre hypothèse est juste
255et si kšī-ná, lū-ná, pūr-ṇá etc. viennent de racines toutes pareilles
à gya1a, où il n'y a de changé que la place de l'a1, il faudra que
les deux types radicaux se rencontrent dans les formes où a1
tombe. C'est ce qui a lieu.

Série de l'i :

ģyā (g2ya1a) « vieillir » : ģyā-syáti, ģī-ná.

ģyā (g1ya1a 1323) « triompher de » : ģyā-yas, ģī-tá.

pyā « s'engraisser » :pyā-yati, pī-ná.

çyā « faire congeler » : çyā-yati, çī-ná et çī-tá.

La série de l'u offre ŭ-ti « tissu » de vā, vāsyati.

Série de l'r :

krā « blesser, tuer » dans krā-tha, d'où krāthayati 2324 ; forme
faible : kīr-ṇá.

çrā « cuire, mélanger » : prés. çrā-ti, çrā-tum, cīr-tá, ā-çīr 3325.

La série de l'n offre ģānāti de ģńā : c'est là une formation
qui permet de rétablir *ģātá = *źn̥tá (cf. ģātávedas ?) comme
participe perdu de ģńā. Le présent ģānāti ne saurait être absolument
primitif. La forme organique serait ģănāti pour źn̥nāti : cf.
ģināti de ģyā. L'introduction secondaire de l' long est comparable
à celle de l'ī long dans prīṇati (p. 243).

Ces exemples forment la minorité : la plupart des racines sanskrites
qui finissent par -rā, -lā, -nā, -mā, apparaissent dépourvues de formes
faibles 4326 : trātá, prāṇá, glāná, mlātá, ģńātá, mnātá, snātá, mnātá, dhmātá etc.
256La raison n'en est pas difficile à trouver. Entre trātum et *tīrtá, entre
ģńātum et *ģātá, dhmātum et *dhāntá, la disparate était excessive, et
l'unification inévitable. Ne voyons-nous pas le même phénomène en train
de s'accomplir sur les racines en -yā, où çīna, cīta, pīna, sont accompagnés
de çyāna, çyāta, pyāna, et où *khīta de khyā a déjà fait place à
khyāta ?

A ces exemples empruntés à des syllabes radicales s'ajoute
le cas remarquablement limpide de l'ī de l'optatif formé également
de i + A (p. 191 seq.).

Ce qui achève de marquer l'identité de composition des racines
qui ont produit pūtá, pūrṇá etc., avec les types gya1a, kra1a,
ce sont les présents gināti, zd. zināṭ de g1ya ; ģināti zd. ģināiti
(gloss.) de g2yā ; kr̥ṇāti de krā « blesser » ; *ģanāti (v. ci-dessus) de
gnā. On retrouve là ces présents de la 9e classe, qui constituent
un caractère si remarquable de notre groupe de racines. Il n'est
pas besoin d'en faire encore une fois l'anatomie :

Type A : rac. ģya1-a : ģi-ná1-a-ti ; *gi-A-tá (ģī-tá).

Type Β : rac. pa1w-A : pu-ná1-Α-ti ; *pu-A-tá (pū-tá).

(Type A : rac. çra1-u : çr̥-ná1-u-ti ; çr-u-tá.)

(Type B : rac. pa1r-k : pr̥-ná1-k-ti ; pr̥-k-tá.)

Nous avons vu (p. 247) la règle en vertu de laquelle la racine
ta1rA élidera le phonème final dans un thème comme tar'ati.
Les conditions sont tout autres s'il s'agit d'une formation telle
que celle de la 6e classe : ici l'a1 radical tombe, et l'on obtient le
primitif trA + áti. Se trouvant appuyé d'une consonne, l'r ne
laisse point échapper le son A : selon la règle il se l'assimile. Il
en résulte tr̥̄ + áti, et enfin, par dédoublement de r̥̄,tr̥r-áti. Si
la racine était tar, la même opération eût produit tr-áti (cf. gr.
πλ-έσθαι etc., p. 9).

Ce procès donne naissance, dans les différentes séries, aux
groupes -iy-, -uw-, -n̥n-, -m̥m-, -r̥r-. Le sanskrit garde les deux
premiers intacts et change les trois autres en -an-, -am-, -ir- 1327
(-ŭr-).257

Thèmes verbaux en .

Série de l'u. dhavi : dhuv-áti ; savi (exciter) : suv-áti.

Série de l'r. kari (verser) : kir-áti ; gari (dévorer) : gir-áti, gil-áti ;
ģari (approuver) : ā-gur-áte ; tari : tir-áti, tur-áti ; sphari (aor.
véd. spharīs) : sphur-áti.

Série de l'n. vani : véd. van-éma, van-ati ; sani : véd. san-éyam,
san-éma. La place de l'accent ne laisse aucune espèce de doute
sur la valeur du groupe -an qui est pour -n̥n. C'est une accentuation
très-remarquable, car d'habitude les a radicaux hystérogènes
se sont hâtés de prendre le ton et de se confondre avec les
anciens. Dans nos verbes même, il est probable que vánati, sánati
n'ont de la 1e classe que l'apparence : ce sont les égaux de
vanáti, sanáti, après le retrait de l'accent.

Série de l'm. On ne peut décider si un présent tel que bhrá-mati
vient de *bhrá1mati ou de *bhrm̥máti 1328.

Parfait.

On trouve, en conformité avec dudhuvús, dudhuvé de dhavi,
des formes comme taturúšas, titirús de tari, tistire, tistirāṇá de
stari (Delbrück p. 125), ģuģurúšas de ģari 2329.

En dehors de ces cas, on sait que les racines « en r̥̄ » ne sont
pas traitées, dans les formes faibles du parfait, de la même manière
que les racines « en  ». Le maintien de l'a y est facultatif
et pour certains verbes obligatoire : ainsi starī fait tastariva
(Benfey p. 375). La raison de cette particularité nous échappe :
on attendrait « tastīrva ».

La série nasale offre de nombreuses modifications analogiques.
Les formes telles que ģaģanus (véd.) pour *ģaģn̥nus de
ģani, vavamus = *vavm̥mus de vami sont les seules régulières.
Elles sont accompagnées de ģaģńus, vemus 3330 etc.258

Thèmes nominaux du type dviš.

On a, devant les désinences commençant par une voyelle :

De mano-ģū- : mano-ģúv-.

De gir- (*gr̥̄) : gir- (*gr̥r-).

De go-šā (*go-šn̥-) : go-šán-as (*go-šn̥n-as). R. V. IV 32, 22.

D'ordinaire le type go-šā a cédé à l'attraction de la déclinaison
de soma-pā.

Dans la série de l'm, pra-çām-, grâce sans doute à une unification
postérieure, conserve l'ā long devant les voyelles.

Les racines en -a1a présentent des exemples remarquables :
prā (comparatif prā-yas, zd. frā-yaṅh) donne pur-ú soit *pr̥r-ú
(fém. pūrvī soit *pr̥̄-vī) ; çrā donne ā-çír-as. Dans la série nasale,
il est fort possible que mánati et dhámati viennent vraiment de
mnā et dhmā, comme l'enseigne la grammaire hindoue. Ces formes
se ramèneraient alors à *mn̥náti, *dhm̥máti.

En terminant mentionnons deux faits que nous sommes obligé de
tenir pour des perturbations de l'ordre primitif :

1. Certaines formes nominales à racine faible offrent la sonante brève.
1° Devant les voyelles : tuvi-grá (à côté de saṃ-girá qui est normal) de
garī ; pápri (à côté de pápuri) de parī ; sásni, sišṇu de sani. 2° Devant
les consonnes : ćarkr̥ti de kari « louer » ; satván, satvaná de sani, etc.

2. L'ā résultant de la nasale sonante longue donne lieu à des méprises :
ainsi forme faible de sani est traité comme racine, et on en tire
p. ex. çata-séya. D'un autre côté les racines anudāttās han et man présentent
ghāta et mātavaí. La création de ces formes ne paraît explicable
qu'en admettant une idée confuse de la langue de la légitimité de l'échange
-an- : -ā- puisée dans les couples sánitum : sātá, et appliquée parfois
à faux.

Un petit nombre d'exemples offrent ū et r̥̄ à l'intérieur d'une
racine finissant par une consonne. Il est rare malheureusement
que la forme forte nous ait été conservée : ainsi mūrdhán, sphūrģati,
kūrdati
, et beaucoup d'autres en sont privés. Nous avons cru
retrouver celle de çīršán dans le gr. κρᾱσ- (p. 224). L'exemple
capital est : dīrghá « long » comparé à drāghīyas, drāghmán, zd.
drāģaṅh.

tableau dīrghá | dr̥̄ghá | drAghá | drāghīyas | pr̥thú | prāthīyas | çīr-tá | çrā-ti | pūr-tá | parī-tár | etc.259

Plusieurs racines paraissent être à la fois udāttās et anudāttās.
Dans la série de l'u, on trouve, à côté du participe yu-tá, les
mots yū-tí et yū-thá dont l'ū long s'accorde bien avec le fut.
yavi-tā, l'aor. a-yāvi-šam, et le prés. yunāti (gramm.). On peut
suivre distinctement les deux racines var et varī, signifiant toutes
deux élire : la première donne várati, vavrus, vriyāt (préc.), ávr̥ta,
vr̥tá ; la seconde vr̥ṇīté, vavarus, vūryāt, vurīta (opt.), vūrṇá, hotr̥vurya,
varitum
. A côté de dari (dr̥ṇāti, darītum, dīryáte, dīrṇá,
gr. δέρα-ς), une forme dar se manifeste dans dŕ̥ti, zd. dĕrĕta, gr.
δρατός. Au double infinitif stártum et stárītum correspond le
double participe str̥tá et stīrṇá, et le grec continue ce dualisme
dans στράτος : στρωτός (=*στr̥τος, *στr̥̄τός). On pourrait facilement
augmenter le nombre de ces exemples.

D'une manière générale, la racine udāttā peut n'être qu'un
élargissement entre beaucoup d'autres de la racine anudāttā.
Qu'on observe par exemple toutes les combinaisons radicales qui
tournent autour des bases -u- « tisser », k1-u- « s'accroître », gh1-u- « appeler ».

tableau 1 | –a1u | ó-tum | vy-òman | Grassm. | vy-ùta | u-ma | á-çv-a-t | hó-trā | hó-man | á–hv-a-t | 2 | –a1wA | udāttā | çávī-ra | hávī-tave | hávī-man | ū-ti | ūvus | 3 | wa1a | vā-tum | va-vaú- | gr. | ἤ-τριον | çū-ra | hvā-tum | etc. | zd. | zbā-tar | hū-tá | huv-á-te | 4 | –wa1i | váy-ati | uvāyu | cv-trá (?) | çváy-ati | çváyitum | hváy-ati

Les racines citées généralement sous la forme bhū et
(gignere) offrent deux caractères singuliers : 1° Aux formes fortes,
apparition anormale de -ūv- et -ū- au lieu de -av'- et -avī-, lesquels
toutefois sont maintenus dans une partie des cas ; ainsi la première
des racines mentionnées donne babhūva, bhúvana, ábhūt
(1e p. ábhūvam), bhūman, et en même temps bhávati, bhavítra,
bhávītva, bhávīyas
1331 ; la seconde fait sašūva (véd.), su-šūma, et en
260même temps sávati. 2° Plusieurs formes faibles ont un u bref :
çam-bhú, mayo-bhú, ád-bhuta ; su-tá.

Ces anomalies se reproduisent plus ou moins fidèlement en
grec pour φ = bhū et pour δ. On sait que dans ces racines la
quantité de l'υ ne varie pas autrement que celle de l'α dans β
ou στ, ce qu'on peut exprimer en disant que l' long y tient la
place de la diphthongue ευ. L'obscurité des phénomènes indiens
eux-mêmes nous prive des données qui pourraient éclaircir cette
singularité. On classera parmi ces racines « pourrir » qui ne
possède d'a dans aucun idiome et qui, en revanche, offre un u bref
dans le lat. pŭ-tris. Il serait bien incertain de poser sur de tels
indices une série ū : u, parallèle par exemple à a1u : u. Qu'on ne
perde pas de vue l'a du skr. bhávati, bhávītva.

Ce n'est point notre intention de poursuivre dans le grec ou
dans d'autres langues d'Europe l'histoire fort vaste et souvent
extrêmement troublée des racines udāttās. Nous bornerons notre
tâche à démontrer, si possible, que les phénomènes phoniques
étudiés plus haut sur le sanskrit et d'où sont résultées les longues
ī, ū, r̥̄, n̥, m̥, ont dû s'accomplir dès la période indo-européenne.

Pour la série de l'i, cette certitude résulte de l'ī paneuropéen
des formes faibles de l'optatif (p. 191 seq.).

Dans la série de l'u, on peut citer l'indo-eur. dhū-má de la
racine qui est en sanskrit dhavi, le sl. ty-ti « s'engraisser » en regard
du skr. távī-ti, tavi-šá, tuv-i, tu-ya ; le lat. pū-rus en regard
de pavi-tár, pū-tá. Ce qui est à remarquer dans les verbes
grecs θύω et λύω (skr. dhavi dhū, lavi lū 1332), ce n'est pas tant
peut-être la fréquence de l'υ long que l'absence du degré à diphthongue.
Qu'on compare κλευ κλυ = skr. çro crŭ, πλευ πλυ =
skr. plo plŭ, ῥευ ῥυ = skr. sro srŭ, χευ χυ = skr. ho hŭ 2333. Cette
perte marque nettement la divergence qui existait entre les organismes
des deux séries de racines.

Passons à la série des liquides.261

A. Devant les consonnes.

Quiconque reconnaît pour le sanskrit l'identité pūrṇá =
*prA devra forcément, en tenant compte de la position de la
liquide dans le lithuanien pìlnas, placer du même coup l'époque
de la mutation
dans la période proethnique. Et quant à la valeur
exacte du produit de cette mutation, nous avons vu que, sans
sortir du sanskrit, on est conduit à y voir un r-voyelle (long),
non point par exemple un groupe tel que ar ou Ar. Entre les
idiomes européens, le germanique apporte une confirmation positive
de ce résultat : le son qui, chez lui, apparaît devant la liquide
est ordinairement u comme pour l'r-voyelle bref.

En lithuanien r̥̄ est rendu par ir, il, plus rarement par ar, al.

gìrtas « laudatus » = gūrtá ; żìrnis, cf. gīrṇá ; tìltas = tīrthá ;
ìlgas = dīrgha(?) ; pìlnas = pūrṇá ; vìlna = ūrṇā ; — żarnà
« boyau », cf. plus bas gr. χορδή ; száltas = zd. çareta lequel serait
certainement en sanskrit *çīrta, vu le mot parent çiçirá ; spragù
= sphūrģati.

Le paléoslave présente rĭ, rŭ, lŭ.

krŭnŭ = kīrṇá « mutilé » ; zrĭno = ģīrṇá ; prĭvŭ = pūrva ;
dlŭgŭ = dīrghá ; plŭnŭ = pūrṇá ; vlŭna = ūrṇā. Nous trouvons
lo dans slota = lith. száltas.

Exception : lith. berżas, sl. brěza « bouleau » = skr. bhūrģa.

Le germanique hésite entre ur, ul et ar, al.

Gothique kaurn = ģīrṇá ; fulls = pūrṇá ; vulla = ūrṇā ; —
arms = īrmá ; (untila-)malsks = mūrkhá ; hals = çīršá(?), cf.
κόρρη· τράχηλος Hes. L'a suit la liquide dans frauja = pūrvyá.

Le grec répond très-régulièrement par ορ, ολ 1334, ou ρω, λω.262

tableau ὀργή | 1 | ūrģā | ὀρθός | 2 | ūrdhvá | κόρση | çīršá | δολ-ι-χός | 3 | dīrghá | πόρτις | 4 | pūrtí | οὖλος | 5 | ūrṇā | πρώϊος | pūrvyá | τρώω | tūrvati (?) | βρωτός | cf. | gīrṇá | στρωτός | stīrṇá

Au lieu de ρω on aurait ρο dans βρότος « sang coagulé », si
M. Bugge a raison d'en rapprocher le skr. mūrtá « coagulé », K. Z.
XIX 446. Cf. ἄβρομος (Hes.) = ἄβρωμος.

1) D'après ce qui est dit p. 250, il est indifférent que la racine commence
ou non par w. — 2) La remarque précédente s'appliquerait à ὀρθός
ūrdhvá ; seulement le zd. ĕrĕδwa montre que la racine de ūrdhvá n'a
point de w initial. Si donc, en se fondant sur βωρθία· ὀρθία et contre
l'opinion d'Ahrens (II 48), on attribue à ὀρθός le digamma, le parallèle
ὀρθόςūrdhvá tombe. — 3) L'ι de δολιχός n'est pas organique. A une
époque où le second ε de la forme forte *δέλεχος (ἐνδελεχής) était encore
la voyelle indéterminée A, cette voyelle a pu être adoptée analogiquement
par *δολχός ; le traitement divergea ensuite dans les deux formes. — 4) Cf.
p. 265, note 4. — 5) οὖλος « crépu » est égal à *Ϝολνος. Cf. οὔλη λευκή·
θρὶξ λευκή
.

En latin ar, al, et rā, lā, équivalent aux groupes grecs ορ,
oλ, ρω, λω
.

tableau arduus | ūrdhvá | armus | irmá | largus | 1 | dīrghá | pars | pūrtí | cardo | cf. | kūrdati | grātus | gūrtá | grānum | ģīrṇá | (?) plānus | pūrṇá | 2 | strātus | στρωτός

1) Pour *dargus, malgré le l de δόλιχος, l'échange entre l et r étant
assez fréquent précisément dans les racines dont nous parlons 1335. On pourrait
aussi partir de *dalgus, admettre une assimilation : *lalgus, puis une
dissimilation. — 2) Cf. complanare lacum « combler un lac », dans Suétone ;
plēnus est tiré par analogie de la forme forte. — Sans λάχνη, lāna pourrait
se ramener à *vlāna = ūrṇā.

Au groupe al est opposé ul en sanskrit (p. 250) dans calvus
— kulva et alvus = úlva, úlba.

On trouve -ra- dans fraxinus, cf. skr. bhūrģa. D'autre part
M. Budenz, approuvé par M. J. Schmidt (Voc. I 107), réunit prōvincia
263au skr. pūrva. Ce mot se retrouve aussi dans prīvi-gnus qui
sera pour *prōvi-gnus (cf. convīcium) 1336.

Exemples qui se présentent entre différentes langues européennes :

Lat. crātes, goth. haurdi-. — Lat. ardea, gr. ῥωδιός (par prothèse,
ἐρωδιός). — Lat. cracentes et gracilis, gr. κολ-ο-κάνος,
κολ-ε-κάνος, κολ-ο-σσός
. — (?) Lat. radius, gr, ὀρ-ό-δαμνος. —
Gr. χορδή, norr. garnir, lith. żarnà.

B. Devant les voyelles.

Nous venons de voir les représentents européens du r̥̄ proprement
dit. Il reste à le considérer sous sa forme scindée qui
donne le groupe r̥r (skr. ir, ur), et ici les phénomènes du grec
prennent une signification particulière. Il semblerait naturel
que cette langue où et deviennent αρ et αλ rendît également
par αρ et αλ les groupes r̥r et ĺl. L'observation montre cependant
que ορ et ολ sont au moins aussi fréquents et peut-être plus
normaux que αρ, αλ, en sorte par exemple que πόλις répond au
skr. puri tout de même que κόρση répond à çīršá. De ce fait on
doit inférer que le phonème A, en se fondant dans la liquide, lui
avait communiqué, dès la période proethnique, une couleur vocalique
particulière dont le bref est naturellement exempt.

tableau Βορέας | Ὑπερ-βορειοι | girí | πόλις | purí | πολύς | purú | pulú | (?) πομ-φόλυγ- | bhuráģate | Joh. Schmidt Voc. II 4 | Φορωνεύς | bhuraṇyú | Kuhn | χολάς | χόλιξ | hirā | cf. | χορδή | χόριον | ćīra | 2337 3338264

En regard du skr. híraṇya et hiri- on a l'éol. χροισός (forme
ancienne de χρῡσός), lequel paraît égal à *χr̥̄τyό, cf. goth. gulÞa- 1339.

Formes verbales :

tableau βόλεται | skr. | -gurá-te | « approuver » | τορεῖν | tirá-ti | turá-ti | μολεῖν | milá-ti | « convenire » 2340 3341

Même coïncidence dans les racines suivantes pour lesquelles
le thème en fait défaut dans l'une des deux langues :

tableau ὀρ-έσθαι | ὄρ-σο | cf. | skr. | īr-te | īr-šva | p. 253 i. n. | βορ-ά | βρω-τός | gir-áti | gīr-ṇá | πορ-εῖν | -πρω-τος | purayati | etc. | στορ- | στρω-τός | stir-ati | stīr-ṇá | αἱμα-κουρία | kir-áti 4342

Les formes qui viennent d'être nommées ne représentent jamais qu'un
des degrés vocaliques de leur racine, bien qu'en fait ce degré ait presque
toujours usurpé la plus large place. La restitution du vocalisme primitif
des différentes formes appartiendrait à l'histoire générale de notre classe
de racines dans la langue grecque, histoire que nous ne faisons point.
Voici très-brièvement les différentes évolutions normales d'une racine
comme celle qui donne στόρνυμι :

1. στερα. 2. στορ, στρω. 3. σταρ-.

1. στερα, ou στερε. C'est la racine pleine et normale, répondant au skr.
starī. Dans le cas particulier choisi, le grec n'a conservé qu'une forme de ce
265degré : τέρα-μνον ou τέρε-μνον 1343 pour *στέρα-μνον (Grdz. 216). C'est la
continuation d'un thème en -man, où la racine pleine est de règle (p. 131),
cf. skr. stárī-man. — Autres exemples : πέρᾰ-σαί, περ-σω ; — τερά-μων,
τέρε-τρον, τέρε-σσεν
(ἔτρωσεν, Hes.) ; — τελα-μών, τέλα-σσαι (Hes.). Comme
le font voir déjà ces quelques formes, le degré en question est resté confiné
très-régulièrement dans les thèmes qui veulent la racine non affaiblie.

2. στορ, στρω, degré réduit dont nous nous sommes occupés spécialement
ci-dessus, et qui répond au skr. stir. En regard de τέρα-μνον on a
στρω-τός, en regard de πέρα-σαι, πόρ-νη, en regard de τερά-μων· τορ-εῖν,
τορ-ός, τί-τρω-σκω
, etc.

3. στᾰρ-, ou στρᾰ- = str̥. Cette forme, dans le principe, appartient
uniquement au présent en -νημι ou aux autres formations nasales que le
grec lui a souvent substituées. La théorie de ce présent a été suffisamment
développée plus haut, p. 240 seq. — Exemples : μάρναμαι, corcyr. βάρναμαι 2344,
= skr. mr̥ṇati de la rac. marī ; τε-τραίνω de τερα.

Les trois formes précitées se mélangent continuellement par extension
analogique. La troisième est de ce fait presque complètement supprimée.
Exemples. Parallèlement à μάρναμαι, Hésychius rapporte μόρναμαι dont
l'ο est sans doute emprunté à une forme perdue, du même genre que ἔτορον.
Parallèlement à πέρνημι — qui est lui-même pour *παρνημι, grâce à
l'influence de περάσω — , le même lexicographe offre πορνάμεν (cf. πόρνη).
L'aoriste ἔθορον fait soupçonner dans θόρνυμαι le remplaçant d'un présent
en -νημι, -ναμαι ; en tous cas l'ο, dans ce présent à nasale, est hystérogène,
et en effet Hésychius donne θάρνυται et θαρνεύω (θάρνυταί : ἔθορον
= str̥ṇati : stiráti). L'omicron est illégitime aussi dans ὄρvυμι,
στόρνυμι, βούλομαι = *βολνομαι
etc. — Le degré qui contient ορ, ρω,
empiète d'autre part sur le degré non affaibli : de là p. ex. στρωμνή, βρῶμα,
ἔβρων
3345. — On peut croire en revanche que ἔβαλον de la rac. βελε ne doit
son α qu'au prés. βάλλω = *βαλνω. Régulièrement il faudrait *ἔβολον.

L'ο résultant des groupes phoniques dont nous parlons a
une certaine propension à se colorer en υ (cf. p. 99). Ainsi πύλη
est égal à -pura dans le skr. gopura (Benfey), μύλη a une parenté
avec mūrṇá « écrasé » 4346, φύρω et πορφύρω rendent bhuráti et
ģarbhurīti 5347, μύρκος est l'ind. mūrkhá. Il serait facile de multiplier
266les exemples en se servant de la liste que donne M. J. Schmidt
Voc. II 333 seq. — Le groupe υρ (νλ) paraît même sortir quelquefois
du bref.

Voici les exemples peu nombreux où le grec a développé α
devant la liquide :

tableau βαρύς | gurú | (?) γαλέη | giri « souris » | παρά | purā | πάρος | purás | ψάλυγ-ες | sphuliṅga | (?) φάρυξ | bhuríģ | Bugge | (?) καλῐά | kulāya | plus | probablement | composé | de | kúla

Ajoutons : ἔ-βαλ-ον de la rac. βελε (ἑκατη-βελέ-της, βέλε-μνον),
γάρ-ον de la même souche que βορ-ά, φαρ-όω 1348 (zd. bareneñti,
9e classe).

A propos des cas énumérés ci-dessus, il faut remarquer qu'entre autres
formes plus ou moins certaines que prend en grec le phonème r̥̄, outre ορ,
ολ
, il semble représenté parfois par αλα, αρα. Exemples : ταλα- (forme
forte dans τελα) ; παλάμη = germ. folma, lat. palma (forme forte dans
πελεμίζω ?) ; κάλαθος qui serait à κλώθω ce que dīrghá est à drāghīyas ;
σφαραγέω — skr. sphūrģáyati ; βάραθρον à côté de βορ-, βρω-.

Le latin présente tantôt ar, al, tantôt or, ol :

1. ar, al (ra, la, lorsqu'une sonante-voyelle qui suivait s'est
changée en consonne) :

tableau grăvis | gurú | haru-spex | hirā | mare | mīra | trans | tirás (?) | parentes | gr. | πορόντες | Curtius | caries | goth. | hauri 2349

2. or, ol :

tableau orior | gr. | ὀρ- | p. 265 | corium | skr. | ćīra | vorare | gir- | molo | mola | μύλη | p. 266 | torus | storea | skr. stir- | cf. | p. 110 et 111

Quand le grec montre α au lieu d'ο, le latin semble éviter
les groupes ar, al, et donner décidément la préférence à or, ol ;
267gravis = βαρύς fait exception. Les exemples sont consignés à la
p. 107 : volare, gr. βαλ- 1350, tolerare 2351, gr. ταλ- ; dolere, dolabra, gr.
δαλ- ; por-, gr. παρά ; forare, gr. φαρόω.

Il est douteux que le latin puisse réduire le groupe r̥r ou
ĺl à un simple r ou l, quoique plusieurs formes offrent l'apparence
de ce phénomène. Ce sont en particulier glos, (g)lac, grando,
prae
, comparés à γαλόως, γάλα, χάλαζα, παραί. Les parallèles
indiens font malheureusement défaut précisément à ces exemples.
Mais pour glos, le paléosl. zlŭva appuie le latin et donne à l'α du
grec γαλόως une date peu ancienne ; γαλακτ- est accompagné de
γλακτο-φάγοί, γλάγος etc. Quant à χάλαζαgrando, c'est un
mot en tous cas difficile, mais où le grec -αλα-, vu le skr. hrāduni,
doit évidemment compter pour un tout indivisible 3352, et adéquat
au lat. -ra-. Le rapprochement de prae et παραί est fort incertain.
Il reste glans en regard du paléosl. želądĭ et du gr. βάλανος. En
lithuanien on a gilé, et M. Fick en rapproche, non sans vraisemblance,
skr. gula « glans pénis » 4353. Mais cet exemple même prouve
peu de chose : le groupe initial du mot italique, slave et grec a
pu être gĺ-.

Lithuanien. gìrė « forêt », skr. girí ; gilé « gland », skr. gula
(v. ci-dessus) ; pilìs, skr. puri ; skurà, skr. ćīra ; — marés, skr.
mīra ; malù = lat. molo (v. plus haut).

Paléoslave. gora, skr. girí (la divergence du vocalisme de
ce mot dans le lithuanien et le slave coïncidant avec le groupe ir
du sanskrit est des plus remarquables) ; skora, skr. ćīra ; morje,
skr. mīra.

Gothique. kaurs ou kaurus, skr. gurú ; faura, skr. purā
(Kuhn) ; germ. gora, skr. hirā (Fick III3 102) ; goth. Þulan, gr.
ταλ- ; v. ht-all. poran, gr. φαρόω ; — goth. marei, skr. mīra ; mala
= lat. molo.268

filu = skr. purú est une exception des plus extraordinaires,
qui rappelle norr. hjassi (= hersan-) en regard du skr. çīršán.

Abordons la série des nasales. Elle demande à être éclairée
par la précédente, plutôt qu'elle ne répand elle-même beaucoup
de lumière autour d'elle.

A. Devant les consonnes.

Les phénomènes grecs paraissent liés à la question si compliquée
de la métathèse. C'est assez dire sur quel terrain scabreux
et incertain nos hypothèses auront à se mouvoir.

Remarques sur les phénomènes grecs compris généralement sous le nom
de métathèse.

Nous écartons tout d'abord le groupe ρω (λω) permutant avec ορ (ολ) :
l'un et l'autre ne sont que des produits de r̥̄ (p. 263).

I. La transformation d'un groupe comme πελ- en πλη- est inadmissible,
ainsi qu'on en convient généralement.

II. La théorie représentée en particulier par M. J. Schmidt suppose
que πελ- s'est changé par svarabhakti en πελε- ; c'est ce dernier qui a produit
πλη-. — Nous y opposerons les trois thèses suivantes :

1. Dans la règle, le groupe πελε- sera originaire, et on n'a point à
remonter de πελε- à πελ-. πελε est une racine udāttā.

2. Si vraiment πελε- a produit parfois πλη-, c'est à coup sûr la moins
fréquente de toutes les causes qui ont pu amener les groupes radicaux de
la dernière espèce.

3. Toujours en admettant le passage de πελε- à πλη-, on devra placer
le phénomène dans une époque où le second ε (= A) de πελε était fort
différent et beaucoup moins plein que le premier, qui est a1.

III. Avant tout rappelons-nous que chaque racine possède une forme
pleine et une forme privée d'a1. Il faut toujours spécifier avec laquelle des
deux on entend opérer. La différence des voyelles qui existe par exemple
entre γεν (plus exactement γενε) et καμ n'a rien de nécessaire ni de caractéristique
pour les deux racines. Elle est au contraire purement accidentelle,
la première racine ayant fait prévaloir les formes non affaiblies,
tandis que la seconde les perdait. Si les deux degrés subsistent dans ταμεῖν :
τέμαχος, βαλεῖν : βέλος, c'est encore, à vrai dire, un accident. Donc
il est arbitraire, quand on explique γνη-, κμη-, τμη-, βλη-, de partir, ici de
γεν, là de καμ, et ainsi de suite, au hasard de la forme la plus répandue.

Il y a plus. Quand on aura acquis la conviction que le type « à métathèse »
a régulièrement pour base la même forme radicale, la forme faible
par exemple, encore faudra-t-il se reporter à l'ordre de choses préhistorique,
où l'α des formes telles que ταμεῖν n'existait point encore ; en sorte
que τμᾱτός peut fort bien — le fait est même probable — n'être venu ni
de ταμτός ni de τεμτός ni de τεματός.269

IV. Le type où la voyelle suit la consonne mobile ne procède pas necessairement
de l'autre en toute occasion. Au contraire, il est admissible
par exemple que la racine de θανεῖν (= θn̥νεῖν) soit θνᾱ. On aurait
alors :

tableau θανεῖν | θνᾱ | skr. | dhám-ati | *dhm̥m-áti | dhmā | pur-ú | prā-yas | etc.

Un exemple très-sûr, en-dehors du grec, nous est offert dans le lith. żin-aú,
pa-żin-tis
, goth. kun-þs (p. 273 seq.). Ces rejetons de gnā « connaître » ont
pour base la forme faible gn̥- (devant les voyelles : gn̥n), qui est pour gnA-.

Dans le cas dont nous parlons, le type θανεῖν est forcément faible, et
la voyelle y est donc toujours anaptyctique.

V. Enfin les deux types peuvent être différents de fondation. Il y aura
à distinguer deux cas :

a) Racine udāttā et racine en (ne différant que par la position de
l'a1, cf. p. 260). En grec on peut citer peut-être τελα (τελαμών) et τλᾱ
(τλμων), πελε (πέλεθρον) et πλη (πλήρης etc.), cf. skr. parī et prā.

b) Racine anudāttā et racine en . La seconde est un élargissement
(proethnique) de la première. Exemple : μεν, μένος, μέμονα, μέμαμεν et
μν-ᾱ, μνήμη, μιμνήσκω (skr. man et mnā).

C'est proprement à ce dernier schéma que M. Brugman, dans un travail
récemment publié, voudrait ramener la presque totalité des cas de
« métathèse ». Il admet un élément s'ajoutant à la forme la plus faible
— nous dirions la forme faible — des racines, et qui échapperait à toute
dégradation
. Le fait de l'élargissement au moyen de (-aa1) est certainement
fort commun ; nous le mettons exactement sur la même ligne que
l'élargissement par -a1i, ou par -a1u, qu'on observe entre autres dans
k1r-a1i (skr. çré) « incliner », cf. k1a1r (skr. çárman) ; sr-a1u (skr. sro) « couler »,
cf. sa1r. Mais çre et sro ont leurs formes faibles çri et sru. Aussi ne
pouvons-nous croire à cette propriété extraordinaire de l'élément ā, que
M. Brugman dit exempt d'affaiblissement. Cette hypothèse hardie repose,
si nous ne nous trompons, sur le concours de plusieurs faits accidentels qui,
en effet, font illusion, mais, considérés de près, se réduisent à peu de chose.

Premièrement certains présents grecs comme ἄημι gardent partout la
longue, ce qui s'explique facilement par l'extension analogique. En sanskrit
tous les présents en ā de la 2e classe offrent la même anomalie
(p. 146). Il est clair dès lors que des comparaisons telles que ἄημες : vāmás
ne prouvent rien.

En second lieu les racines sanskrites en -rā, -nā, -mā, gardent l'ā long
dans les temps généraux faibles. Ainsi on a sthitá, mais snātá. Nous avons
cru pouvoir donner à la p. 257 la raison de ce fait, qui est de date récente.

Restent les formes grecques comme τρητός, τμητός. Mais ici la présence
de l'élément étant elle-même à démontrer, on n'en saurait rien
conclure à l'égard des propriétés de cet .

En ce qui concerne plus spécialement le grec, nous devons présenter
les objections suivantes.270

1. Les formes helléniques demandent à être soigneusement distinguées,
dans leur analyse, des formes indiennes telles que trātá, snātá. Pour ces
dernières la théorie de la métathèse peut être considérée comme réfutée.
Elles sont accompagnées dans la règle de toute une famille de mots qui met
en évidence la véritable forme de leur racine : ainsi trātá se joint à trāti,
trāyati, trātár
etc. ; nulle part on ne voit tar 1354. Au contraire, en grec, les
groupes comme τρη-, τμη-, sont inséparables des groupes τερ-, τεμ- (τερε-,
τεμα-
), et c'est visiblement dans les formes faibles qu'ils s'y substituent.

2. On n'attribuera pas au hasard le fait que les groupes comme τρη-,
τμη-, γνη-
, lorsqu'ils ne forment pas des racines indépendantes du genre de
μνη-, viennent régulièrement de racines appartenant à la classe que nous
nommons udāttās.

3. Que l'on passe même sur cette coïncidence, je dis que, étant donnée
par exemple la racine udāttā ga1nA et l'élément ā, leur somme pourrait
produire gn̥n-ā (gr. « γανη »), mais jamais gn-ā (gr. γνη) 2355. Il suffit de renvoyer
aux pages 257 seq.

Nous reconnaissons aux groupes « métathétiques » trois caractères
principaux :

Ils montrent une préférence très-marquée pour les formations
qui veulent la racine faible.

Ils n'apparaissent que dans les racines udāttās.

La couleur de leur voyelle est donnée par celle que choisit
le A final de la racine udāttā :

tableau -γνη-τος | γενε-τήρ | -κλητος | καλέ-σω | βλητός | -βελε-της | τρη-τός | τέρε-τρον | σκλη-ρός | σκελε-τός | κμᾱ-τός | κάμα-τος | τμᾱ-τός | τέμα-χος | 1 δμᾱ-τός | δαμά-τωρ | 2 δμᾱ-τός | δέμα-ς | κρα-τήρ | κέρα-σσαι | πλᾱ-τίον | πέλα-σσαι | πρᾱ-τός | πέρᾰ-σσαι

Dans la série nasale, ces trois faits se prêtent à merveille à
une comparaison directe avec les groupes faibles indiens tels que
ģā- de ģani, dām- de dami. En effet leurs primitifs sont, selon ce
que nous avons cru établir plus haut (p. 251) : gn̥A-, dm̥A-. Le son
A étant supposé subir le même traitement dans les deux degrés
de la racine, on obtient la filière suivante :271

[Forme forte : *γενε-τήρ, γενετήρ. ]

Forme faible : *γn̥ε-τός, -γνητος.

[Forme forte : *τέμα-χος, τέμαχος.]

Forme faible : *τm̥α-τος, τμᾱτός.

La variabilité de la voyelle étant ainsi expliquée et la règle
d'équivalence générale confirmée par l'exemple

νῆσσα (dor. νᾶσσα) = skr. ātí 1356

nous identifions -γνητος, κμᾱτός, δμᾱτός, avec skr. ģātá, çāntá,
dāntá
2357. Tout le monde accorde que γνήσιος correspond au skr.
ģātya.

Nous ne pouvons, il est vrai, rendre compte de ce qui se
passe dans la série des liquides. Là, toute forme faible primitive
devait avoir un r̥̄ pur et simple — et non point r̥̄A — ; ce r̥̄, nous
l'avons retrouvé en effet dans les groupes ορ, ολ, et ρω, λω. Où
classer maintenant les formes comme πρᾱτός, βλητός ? Par quel
phénomène le degré faible correspondant à πέρᾰ-σαι nous offre-t-il
parallèlement à πόρ-νη, type normal, cette formation singulière :
πρᾱτός ? C'est à quoi nous n'entrevoyons jusqu'à présent
aucune solution satisfaisante.

Observations.

I. Le grec, si l'hypothèse proposée est juste, confond nécessairement
le degré normal et le degré faible des racines en -nā et en -mā. Qu'on
prenne par exemple la racine γνω « connaître » : la forme réduite est *gn̥o,
lequel produit γνω. Il est donc fort possible que la syllabe γνω-, dans
γνώμων et γνῶσις, réponde la première fois au v. ht-all. chnā- (skr. ģńā-),
la seconde au goth. kun- (skr. ģā-), cf. plus bas. — Une conséquence de
272cette observation, c'est que l'α bref de τέθνᾰμεν doit s'expliquer par l'analogie :
la loi phonétique ne permet point de formes radicales faibles en
-νᾰ (νε, -νo) ou en -μᾰ (-με, -μο). M. J. Schmidt, partant d'un autre point
de vue, arrive à la même proposition.

II. On connaît le parallélisme des groupes -ανα- et -νη-, -αμα- et -μη-,
p. ex. dans ἀθάνατος : θνητός ; — ἀδάμας : ἀδμής ; — ἀκάματος : κμ-ητός.
Deux hypothèses se présentent : ou bien -ανα-, -αμα- sont des variantes de
-νη-, -μη-, qui ont leur raison d'être dans quelque circonstance cachée ; ou
bien ils proviennent de -ενα-, -εμα — formes fortes — grâce au même
mélange du vocalisme qui a produit τάλασσαι à la place de τέλασσαι 1358.
Ainsi παν-δαμά-τωρ serait pour *παν-δεμά-τωρ et n'aurait pris l'α que sous
l'influence de δάμνημι et de ἔδαμον.

Les exemples latins sont :

tableau anta | skr. | ātā | anăt- | ātí | janitrices | yātár | gnā-tus | natio | ģā-tá | ģā-tí | cf. | geni-tor | ģani-tár 2359

C'est encore -an- que présente man-sio, qui est au gr. μένε (μενετός)
ce que gnātus est à geni- : puis sta(n)g-num, contenant la racine
réduite de τέναγ-ος. Il est possible que gnā- dans gnārus soit
la forme faible de gnō-. Il répondrait alors au second des deux
γνω- helléniques dont nous parlions plus haut. Quant à co-gnĭtus
il appelle le même jugement que τέθνᾰμεν.

Ainsi -an-, -ani- ou -nā-, voilà les équivalents italiques du
phonème nasal que nous étudions. Qu'on ne s'étonne pas de l'ā
de gnātus en regard de l'η de -γνητος. Rien n'est au contraire
plus normal. On a vu qu'à l'ε grec sorti de A, le latin répond
régulièrement par a, au moins vers le commencement des mots :

gnātus (*gn̥atos) : γνητος (*γn̥ετος) = sătus : ἑτός.

Dans les idiomes du nord nous trouvons en général les mêmes
sons que pour la nasale sonante brève. Le phonème A dont ,
selon nous, était suivi, n'a pas laissé de trace. Il a été supprimé
pour la même raison que dans dŭšti, goth. dauhtar =
θυγάτηρ, etc. (p. 179 seq.).

Lithuanien : gimtìs, cf. skr. ģātí ; pa-żin-tis « connaissance »
de gnā. Cette dernière forme est des plus intéressantes. Elle nous
montre ce degré faible gn̥A que les langues ariennes n'ont conservé
273que dans le prés. ģā-nāti 1360 et qui est à gnā ce que skr. çīrest
à çrā, v. p. 256 et 259. — Au skr. ātí répond ántis. — Paléoslave :
jętry, cf. skr. yātár.

Germanique : goth. (qina-)kunda- = skr. ģātá ; kunþja- 2361, cf.
lith. -żintis « connaissance » ; anglo-s. thunor « tonnerre » = skr.
tāra « retentissant » (évidemment de stani ou tani « retentir, tonner ») ;
anglo-s. sundea « péché », comparé par M. Fick au skr. sātí ;
v. ht-all. wunskan, cf. skr. vāńćhati 3362 ; — v. ht-all. anut = skr. ātí.

B. Devant les voyelles (groupes -n̥n- et -m̥m-).

Le grec change, comme on s'y attend, n̥n et m̥m en αv et αμ.

Les aoristes ἔταμον, ἔδαμον, ἔκαμον, ἔθανον, font pendant
aux formes sanskrites vanáti, sanáti pour *vn̥náti, *sn̥náti (p. 258),
et supposent comme elles des racines udāttās. On a en effet

tableau en | regard | de | ἔταμον | τέμε-νος | τέμα-χος | τμη-τός | ἔδαμον | skr. | dami-tár | παν-δαμά-τωρ | Λαο-δάμα-ς | δμη-τός | ἔκαμον | çami-tár | κάμα-τος | ἀ-κάμα-ς | κμη-τός | ἔθανον | θάνα-τος | θνη-τός 4363

Dans ἔκτανον en regard de κτατός (p. 46) le groupe αν ne se
justifie que par la consonne double κτ.

Comme on aurait grand peine à retrouver les formations de
ce genre dans d'autres langues d'Occident que le grec, nous nous
bornerons à consigner quelques exemples paneuropéens remarquables
dont l'analyse morphologique est du reste douteuse. Il
274s'en trouve même un, tn̥n-ú, qui vient certainement d'une racine
anudāttā (tan). A la rigueur on pourrait écarter cette anomalie en
divisant le mot ainsi : tn̥ + . Cependant il est plus naturel de
penser que le suffixe est -u, que la forme organique devait effectivement
produire tn-ú, seulement que le groupe -n̥n- naquit du
désir d'éviter un groupe initial aussi dur que tn-.

Skr. tanú, gr. τανυ-, lat. tenuis, v. ht-all. dunni.

Skr. sama « quelqu'un », gr. ἀμός, goth. suma- (cf. p. 95 i. n.).

Goth. guma, lat. homo, hemonem (hūmanus est énigmatique),
lith. żmů.

Gr. κάμαρος, norr. humara- (Fick).

[Il est probable que sl. żena = goth. qino est un autre thème
que le gr. βανά, γυνή (p. 99). Ce dernier étant égal au skr. gnā
(et non « ganā »), paraît n'avoir changé n en n̥n que dans la période
grecque. — Le mot signifiant terre : gr. χαμαί, lat. humus,
sl. zemja, lith. żemé, skr. kšamā, a contenu évidemment le groupe
m̥m, mais il était rendu nécessaire par la double consonne qui
précédait.] Les syllabes suffixales offrent : le skr. -tana (aussi
-tna) = gr. -τανο dans ἐπ-ηε-τανό-ς, lat. -tino ; skr. -tama = goth.
-tuma dans aftuma etc., lat. -tumo.

A la page 30 nous avons parlé des adjectifs numéraux
comme skr. daçamá = lat. decumus. Dans la langue mère on
disait à coup sûr da1k1m̥má, et point da1k1amá . Le goth. -uma,
l'accentuation, la formation elle-même (da1km̥ + á) concourent à
le faire supposer. Le grec a conservé un seul des adjectifs en
question : ἕβδομος. M. Curtius a déjà conjecturé, afin d'expliquer
l'adoucissement de πτ en βδ, que l'ο qui suit ce groupe est
anaptyctique. Sans doute on attendrait plutôt : « ἕβδαμος », mais
l'anomalie est la même que pour εἴκοσι, διακόσιοι et d'autres
noms de nombre (§ 15). A Héraclée on a ἕβδεμος.

§ 15. Phénomènes spéciaux.

I.

Le groupe indien ra comme représentant d'un groupe faible,
dont la composition est du reste difficile à déterminer.

1. Dans l'identité : skr. raģatá = lat. argentum, deux circonstances
font supposer que le groupe initial était de nature
275particulière : la position divergente dans les deux langues de la
liquide, et le fait que la voyelle latine est a (cf. largusdīrghá
etc.). Ces indices sont confirmés par le zend, qui a ĕrĕzata et non
« razata ».

2. Le rapport de ĕrĕzata avec raģatá se retrouve dans tĕrĕçaiti
— appuyé par l'anc. perse tarçatiy, et non « θraçatiy » — en
regard du skr. trásati. On ne peut donc guère douter que la syllabe
tras- dans trasati n'offre, en dépit des apparences, le degré
faible de la racine. Il serait naturel de chercher le degré fort
correspondant dans le véd. tarás-antī, si le même échange de ra
et ara ne nous apparaissait dans l'exemple 3, où on aurait quelque
peine à l'interpréter de la sorte.

3. Le troisième exemple est un cas moins limpide, à cause
de la forme excessivement changeante du mot dans les différents
idiomes. Skr. aratni et ratnī, zd. ar-e-θnāo nom. pl. (gloss. zend-p.)
et rāθna ; gr. ὠλένη, ώλέ-κρᾱνον et ὀλέ-κρᾱνον, lat. ulna ; goth.
aleina. Peut-être le lith. alkúnė est-il pour *altnė et identique
avec le skr. ratnī. Le groupe initial est probablement le même
dans une formation parente : gr. ἄλαξ· πῆχυς. Ἀθαμάνων, lat.
lacertus, lith. olektis, sl. lakŭtĭ. V. Curtius Grdz. 377.

II.

Dans une série de cas où elles se trouvent placées au commencement
du mot, on observe que les sonantes ariennes i, u, r̥,
n̥, m̥
, sont rendues dans l'européen d'une manière particulière et
inattendue : une voyelle qui est en général a y apparaît accolée
à la sonante, qu'elle précède. Nous enfermons entre parenthèses
les formes dont le témoignage est indécis.

Série de l'i :

1. Skr. īḍ-e pour *ižd-e : goth. aistan (cf. allem. nest = skr.
nīḍá).

2. Skr. iná « puissant » : gr. αἰνός(?).

Série de l'u :

3. Skr. u et uta : gr. αὖ et αὖτε, goth. au-k.

4. Skr.  : lat. avis, gr. αἰετός.

5. Skr. ukšáti : gr. αὔξω (vákšati étant ἀέξω).

6. Skr. ušás : lat. aurora, éol. αὔως.276

7. Skr. usrá : lith. auszrà.

8. Skr. uv-é « appeler » : gr. αὔω 1364(?).

Série de l'r :

9. Skr. ŕ̥ça : lat. alces (gr. ἀλκή, v. ht-all. elaho).

Série des nasales :

10. Skr. a- (négat.) : osq. ombr. an- (lat. in-, gr. ἀ-, germ. un-).

11. Skr. ágra : lat. angulus, sl. ąglŭ.

12. Skr. áhi, zd. azhi : lat. anguis, lith. angìs, sl. ążĭ, gr. ὄφις 2365
(v. ht-all. unc).

13. Skr. *áhati (pour *aháti) : lat. ango, gr. ἄγχω (sl. v-ęzą).

14. Skr. ahu, parallèlement à aṃhú, dans paro'hvī (v. B. R.) ;
goth. aggvus, sl. ązŭkŭ, cf. gr. ἐγγύς.

15. Skr. abhí : lat. amb-, gr. ἀμφί, sl. obŭ (v. ht-all. umbi).

16. (Skr. ubhaú : lat. ambo, gr. ἄμφω, sl. oba, lith. abù, goth. bai.)

17. Skr. abhrá : osq. anafriss (lat. imber), gr. ὄμβρος 3366.

La dernière série présente une grande variété de traitements.
Il n'est évidemment pas un seul des exemples cités, auquel on
soit en droit d'attribuer, en rétablissant la forme proethnique, la
nasale sonante brève ou la nasale sonante longue ou le groupe
plein an. Mais cela n'empêche pas les différents idiomes d'effacer
parfois les différences. En germanique, le son que nous avons
devant nous se confond d'ordinaire avec la nasale sonante (un) ;
cependant aggvus montre an. Le letto-slave offre tantôt an, tantôt
a, et une fois, dans v-ęzą, le groupe qui équivaut à l'un germanique.
En latin, même incertitude : à côté de an qui est la
forme normale, nous trouvons in, représentant habituel de , et il
est curieux surtout de constater dans deux cas un in latin opposé
à un an de l'osque ou de l'ombrien 4367. Le grec a presque toujours αν,
277αμ, une fois seulement α. Dans ὄμβρος la voyelle a pris une teinte
plus obscure, enfin ὄφις a changé om en ο par l'intermédiaire de
la voyelle nasale longue o. Homère, Hipponax et Antimaque emploient
encore ὄφις (ōphis) comme trochée ; pour les références v.
Roscher Stud. Ib 124. Il n'est pas absolument impossible qu'une
variante de ὀφι- se cache dans ἀμφίσμαινα et ἀμφίσθμαινα
(Etym. Mag.), formation qu'on pourrait assimiler à σκύδμαινος
(Hes.), έριδμαίνω, ἀλυσθμαίνω. — ἀμφίσβαινα (Eschyle) serait
né par étymologie populaire.

En raison des difficultés morphologiques que présente le
type ušásαὔως, abhíἀμφί, etc. (v. p. 280 seq.), il n'est
guère possible de déterminer la nature du son que pouvaient
avoir dans la langue mère les phonèmes initiaux de ces formes.
On peut supposer à tout hasard que la voyelle faible A (p. 178 seq.)
précédait la sonante, et qu'il faut reconstruire Ausas, Ambhi, etc.

Les formes comme ἀμφί, ὄμβρος et ὄφις nous amènent à des
cas analogues qu'on observe sur certains groupes à nasale médiaux.
Avant tout : gr. εἴκοσι et ἰκάντιν (Hes.) = skr. viṃçáti.
Cf. ὄφις et anguis = skr. áhi. Le second élément de εἴκοσι prend
la forme -κον- dans τριάκοντα 1368 (skr. triṃçát) — cf. ὄμβρος :
abhrá — ; il n'accuse dans ἑκατόν qu'une nasale sonante ordinaire,
et reprend la couleur ο dans διακόσιοι. Si d'une part certains
dialectes ont des formes comme Ϝίκατι, en revanche δεκόταν et
ἑκοτόμβοια (p. 102) renforcent le contingent des ο 2369. Enfin le
slave n'a point « sęto » (cf. lith. szìmtas), mais sŭto. — Un second
cas relativement sûr est celui du préfixe ὀ- alternant avec ἀ- 3370
(cf. ἑκατόν : διακόσιοι), dans ὄπατρος, ὄζυξ etc., en regard de
ἀδελφειός etc. En lithuanien on trouve są-, en paléoslave są-
(sąlogŭ : ἄλοχος) ; l'équivalence est donc comme pour ὄφις : ąžĭ 4371.278

Ces faits engagent pour le moins à juger prudemment certains
participes qu'on s'est peut-être trop pressé de classer parmi
les formes d'analogie, en particulier οντ-, ἰοντ- et ὀδοντ-. La
singularité de ces formes se traduit encore dans d'autres idiomes
que le grec, comme on le voit par le v. ht-all. zand, parallèlement
au goth tunÞus, le lat. euntem et sons à côté de -iens et -sens. Ces
trois exemples sont des participes de thèmes consonantiques. Il
est facile de recourir, pour les expliquer, à l'hypothèse de réactions
d'analogie. Mais quelle probabilité ont-elles pour un mot
qui signifie « dent », et dont l'anomalie se manifeste dans deux
régions linguistiques différentes ? Elles sont encore moins admissibles
pour le lat. euntem et sons, les participes thématiques
(tels que ferens) étant dépourvus de l'ο (p. 197). Remarquons de
plus que ὅσιος est très-probablement identique avec skr. satyá
(Kern K. Z. VIII 400).

Le groupe grec -εν-, dans certains mots tout analogues,
mériterait aussi un sérieux examen. Ainsi dans ἐντι, ἔντασσι, si
ces formes sont pour *σ-εντι, *σ-εντασσι. C'est comme groupe
initial surtout qu'il peut prendre de l'importance. Nous avons
cité déjà ἐγγύς, en regard du goth. aggvus 1372, du skr. ahu. On a
ensuite ἔγχελυς 2373 = lat. anguilla (lith. ungurýs) ; enfin ἐμπίς, l'équivalent
279du latin apis 1374 dont la forme germanique, v. ht-all. bīa-,
rappelle vivement ἄμφω = goth. bai 2375 (p. 277).

Dans la série des formes énumérées p. 276 seq. le propre
des langues ariennes est de ne refléter le phonème initial en
question que comme une sonante de l'espèce commune. Mais, ce
qui est plus étrange, la même famille de langues nous montre encore
ce phonème encastré dans un système morphologique pareil
à celui de toutes les autres racines et obéissant, au moins en
apparence, au mécanisme habituel.

Premier cas. Dans la forme forte l'a précède la sonante. —
A côté de áhati (pour *aháti) = lat. ango, on a le thème en -as
áṃhas, et à côté de abhrá, ámbhas. L'identité de ukšáti et αὔξω
fait supposer que l'u de ugrá, dont la racine est peu différente,
serait au dans les langues d'Europe, et qu'on doit lui comparer
lat. augeo, goth. auka ; or il est accompagné des formes fortes
óģas, óģīyas. Semblablement ušás (= αὔως) est lié au verbe óšati.

Deuxième cas. Dans la forme forte l'a suit la sonante. — Au
présent de la 6e classe ukšáti (= αὔξω) correspond dans la
1e classe vákšati. Au skr. ud- (p. ex. dans uditá « dit, prononcé »)
répond le gr. αὐδ- dans αὐδή 3376 ; mais le sanskrit a en outre la formation
non affaiblie vádati.

C'est la question de la représentation des deux séries de
formes fortes dans les langues européennes qui fait apparaître
les difficultés.280

Reprenons le premier cas et considérons cet échange qui a
lieu entre uš-ás et óš-ati, ug-rá et óģ-as, abh-rá et ámbh-as, áh-ati
et áṃh-as. Il est difficile d'imaginer que l'a des formes fortes
puisse représenter autre chose que a1. Mais, cela étant, nous devrions
trouver en Europe, parallèlement à une forme faible telle
que angh par exemple, une forme forte contenant e : engh. De fait
nous avons en grec εὕω (lat. uro) = óšati à côté de αὔω « allumer »,
αὐαλέος, αὐστηρός (mots où αὐ(σ) équivaut au skr. ,
comme l'enseigne αὔωςušás). D'autre part la valeur de cet
indice isolé est diminuée par certains faits, entre lesquels l'identité
du skr. ándhas avec le gr. ἄνθος nous paraît particulièrement
digne d'attention. Il est remarquable que l'a de cette forme soit
un a initial et suivi d'une sonante, précisément comme dans
ámbhas, áṃhas. L'analogie s'étend plus loin encore, et ce sera ici
l'occasion d'enregistrer une particularité intéressante des types
radicaux d'où dérivent les formes comme Ausas. Ils sont régulièrement
accompagnés d'une racine sœur où la place de l'a est
changée
1377, et dans cette seconde racine l'a accuse toujours nettement
sa qualité d'a1.

tableau 1e racine | 2e racine | forme | faible | forte | observable | dans | l'arien | seulement | et | où | la | qualité | de | l'a | est | à | déterminer | ušás | αὔως | óšati | wa1s | skr. | vāsara | vasanta | gr. | (Ϝ)έ(σ)αρ | ugrá | augeo | óģas | wa1g | lat. | vegeo | zd. | vazyañṭ | ahati | ango | áṃhas | na1gh | necto | νέξας·στρώματα | abhrá | anafriss | ámbhas | na1bh | nábhas | νέφος, etc. | a- | osq. | an- | na1 | na, lat. | nĕ | nég. 2378

Revenons au mot ándhas. Pour nous il n'est pas douteux
que la nasale qui s'y trouve n'ait été primitivement m et que la
souche de ce mot ne soit la même que dans mádhu « le miel ».
Nous écrivons donc :

— | ándhas | ma1dh : skr. mádhu, gr. μέθυ.

Mais comme ándhas est en grec ἄνθος, il s'en suivrait que
ámbhas représente *ἄμφος, non « ἔμφος », et que le lat. *angos
dans angustus doit se comparer directement à áṃhas. En un mot
les a radicaux de la seconde colonne ne seraient pas des a1. Ce résultat,
qui paraît s'imposer, nous met en présence d'une énigme
morphologique qu'il est sans doute impossible de résoudre à
présent.

Nous passons à l'examen du deuxième cas. Ici les langues
occidentales permettent encore de distinguer la forme forte. Si
ukšáti est rendu en grec par αὔξω, vákšati l'est par ἀ(Ϝ)έξω. Autre
exemple analogue : la rac. skr. vas « demeurer » se retrouve dans
le gr. (Ϝ)ε(σ)-σα, ἀ(Ϝ)εσ-(σ)κοντο, dont la forme faible (en sanskrit
) apparaît dans αὐλή, ἰ-αύω 1379.

A première vue la clef, de toutes les perturbations que nous
observons semble enfin trouvée dans la nature de la sonante initiale
(pour les cas précités, u, w). On n'aurait à admettre qu'une
prononciation plus épaisse de cette sonante, effacée secondairement
dans l'arien, traduite dans l'européen par la prothèse d'un a,
et s'étendant aussi bien à la forme forte qu'à la forme faible. Rien
de plus clair dès lors que notre diagramme :282

α-ὐξ = ukš ἀ-Ϝεξ = vakš.

Cet espoir d'explication tombe devant une nouvelle et fort
étrange particularité des mêmes groupes radicaux. On observe
en effet parallèlement aux types tels que ἀϜεξ ou ἀϜες une sorte
de type équivalent Ϝαξ, Ϝας. Ce dernier apparaîtra soit dans les
langues congénères soit dans le grec même.

ἀϜέξ-ω : goth. vahs-ja (parf. vohs, peut-être secondaire).

ἀϜέσ-(σ)κοντο : Ϝάσ-τυ.

Voici d'autres exemples fournis par des racines qui se trouvent
être restreintes aux idiomes occidentaux :

ἄϜεθ-λον : lat. vas, vad-is ; goth. vad-i.

Ἀρεπ-υῖαι 1380 : lat. rap-io.

ἀλεγ-εινός 1 381 (et ἀλεγ-ω ?) : λαγ-εινά· δεινά (Hes.).

Cette inconstance de la voyelle révélerait, dans d'autres circonstances,
la présence du phonème A mais si telle est la valeur
de l' ε dans ἀϜέξω, la relation de cette forme avec vákšati,
ukšáti, αὔξω, aussi bien que sa structure considérée en elle-même
cessent d'être compréhensibles pour nous.283

Additions et Corrections.

P. 7. La présence de l'r-voyelle en ancien perse paraît se trahir dans
le fait suivant. Au véd. mártia correspond martiya (ou plus simplement
peut-être martya) ; au véd. mr̥tyú est opposé (uvā-)marshiyu, soit (uvā-)
marshyu
. Indubitablement la différence des traitements qu'a subis le t
tient à ce que l'i, dans martia, était voyelle et dans mr̥tyú consonne. Mais
cette différence n'est déterminée à son tour que par la quantité de la
syllabe radicale, et il faut, d'après la règle de M. Sievers, que la syllabe
radicale de -marshyu ait été brève, en d'autres termes que l' r y ait fonctionné
comme voyelle
. Peut-être le existait-il encore à l'époque où l'inscription
fut gravée, en sorte qu'on devrait lire uvāmr̥shyu.

P. 9, note. M. Curtius admet une déviation semblable d'imparfaits
devenant aoristes pour les formes énumérées Verb. I2 196 seq.

P. 10, lignes 11 seq. On peut citer en zend çć-a-ñtu de çać et en sanskrit
r-a-nte, r-a-nta de ar.

P. 11, note. Biffer sidati (cf. p. 172, ligne 14).

P. 15. L'hypothèse proposée (en note) pour ἰάλλω est comme je m'en
aperçois, fort ancienne. V. Aufrecht K. Z. XIV 273 et contre son opinion
A. Kuhn ibid. 319.

P. 16. L'étymologie présentée pour goth. haurn est insoutenable. La
forme runique horna (acc.) suffit à la réfuter.

P. 20. A παθεῖν de πενθ se joignent λαχεῖν de λεγχ, χαδεῖν de χενδ,
δακεῖν de *δεγκ ; v. le registre. — Pour l'aoriste redoublé, cf. p. 107, 1. 13.

P. 21, lignes 11 seq. Depuis l'impression de ces lignes M. Brugman a
publié sa théorie dans les Beiträge de Bezzenberger II 245 seq. Signalons
une forme intéressante omise dans ce travail : ἀπ-έφατο· ἀπέθανεν (Hes.)
de φεν. Contre la reconstruction de formes comme *ἔκυμεν de καυ (Brugman
p. 253) cf. ci-dessus p. 182 i. n.

P. 30, ligne 2. Ajouter : « lorsqu'il ne le supprime pas. » Il n'est pas
besoin de rappeler l'acc. Þan-α et les formes semblables.

P. 32, note 2. La vue du travail en question, réimprimé à présent
dans le second volume des Studj Critici, nous eût épargné de parler de
plusieurs points (p. 30 seq.) qui s'y trouvaient déjà traités, et de main de
maître, par M. Ascoli.

P. 33, ligne 12 Vérification faite, il faut joindre à açmāsyà le composé
ukšānna de ukšán et anna.

P. 37. La note 1 devait être ainsi conçue : Le moyen punate (= punn̥te),
284où l'absence d'a suffixal est manifeste, ne permet pas d'hésiter sur la valeur
du groupe an dans punánti.

P. 42, ligne 1. « L'ę ne termine le mot que dans ce cas-là. » Cela est
erroné. Nous aurions dû prendre garde à korę et aux pronoms mę, tę, sę,
formes où ę final est notoirement sorti de ē long + nasale. Néanmoins
l'opinion mise en avant relativement à imę ne nous paraît pas de ce fait
improbable.

P. 42, note. Comme, dans, le travail cité, M. Osthoff ne vise qu'un cas
particulier de l'r-voyelle, il est juste de rappeler que l'existence de ce phonème
n'a été affirmé d'une manière générale que dans l'écrit de M. Brugman
sur les nasales sonantes. Ce qui revient exclusivement au premier
savant, c'est d'avoir posé or comme représentant latin de l'r-voyelle.
Cette dernière règle, dont nous devions la connaissance à une communication
verbale de M. le prof. Osthoff, avait été publiée avec son autorisation
dans les Mémoires de la Soc. de Linguistique (III 282), et il ne pouvait
y avoir indiscrétion à la reproduire ici. — On sait que l'existence
de l'r-voyelle dans la langue mère a toujours été défendue en principe soit
par M. Hovelacque soit par M. Miklosich. Seulement ces savants n'indiquaient
pas quels étaient les groupes spéciaux qui correspondaient dans
les langues d'Europe au l' indien.

P. 44, note 2. Le skr. amā ne saurait représenter n̥mā, car cette forme
eût produit « anmā ».

P. 46, ligne 10. Une forme semblable à μ-ία se cache peut-être dans
μ-ῶνυξ, si on le ramène à *σμ-ῶνυξ. En outre μόνος est pour *σμ-όνος et
identique sans doute au skr. samāná, équivalent de eka (pour *sm-āná par
svarabhakti). Toutefois la forme μοῦνος ne s'explique pas.

P. 52. Pendant l'impression du présent mémoire a paru le premier
cahier des Morphologische Untersuchungen de MM. Osthoff et Brugman.
Dans une note à la p. 238 (cf. p. 267), M. Osthoff reconnaît, à ce que nous
voyons, l'existence de la voyelle que nous avons appelée a et pour laquelle
il adopte du reste la même désignation que nous. L'idée que M. Osthoff
se fait du rôle morphologique de cette voyelle ainsi que de sa relation
avec l'ā long n'est autre que celle contre laquelle nous avons cru devoir
mettre le lecteur en garde, p. 134 seq. Nous ne pouvons que renvoyer au
§ 11 pour faire apprécier les raisons, à nos yeux péremptoires, qui militent
contre cette manière de voir.

P. 53, ligne 12. L'étymologie proposée à présent par M. Fick et qui
réunit κεφαλή au goth. gibla (Beitr. de Bezzenb. II 265) contribuera à faire
séparer définitivement caput de κεφαλή. — Ligne 14. Sur quattuor cf.
L. Havet, Mém. Soc. Ling. III 370.

P. 56. On joindra peut-être à la liste ptak (ptāk) : gr. πτακεῖν, lat.
taceo (cf. goth. þahan).

P. 58, ligne 2. Le mot ῥομφεύς « alêne » est fait pour inspirer des
doutes sur la justesse du rapprochement de M. Bugge. Il indiquerait que
la racine de ῥάπτω est ρεμφ et que l'α y représente la nasale sonante.285

P. 60. Le nom latin Stator est placé parmi les formes de la rac. stā
qui ont un ā long. C'est une erreur ; l'a est bref. — Le suff. lat. -tāt =
dor. -τᾱτ (Ahrens II 135) aurait pu être mentionné.

P. 70, lignes 13 seq. Cf. plus bas la note relative à la p. 121.

P. 78, ligne 11. Ajouter goth. hlai-na- « colline », de k1la1i « incliner ».

P. 81, ligne 13. Ajouter : λέμφο-ς « morve », φειδό-ς « parcimonieux ».

P. 84, note 1. Il nous semble probable d'admettre pour des cas sporadiques
une seconde espèce d's indo-européen, d'un son plus rude que celui
de l'espèce ordinaire. En effet l'apparition de ç pour s en sanskrit coïncide
dans plusieurs cas avec des exceptions aux lois phonétiques qui frappent
cette sifflante en grec, en latin ou en slave. Skr. çuška, çúšyati : gr. σαυκός,
σαυσαρός
. Skr. çevala « matière visqueuse » : gr. σίαλον « salive ». Skr.
kéçara : lat. caesaries. L'ancienne identification de ἶσος avec skr. víçva,
bien que désapprouvée par M. Curtius, nous paraît des plus convaincantes 1382 ;
or le slave a de son côté vĭsĭ (et non vĭšĭ). Le cas de ἥμι-συ ne
diffère point, comme on va le voir, du cas de ἶσος. M. Ascoli a reconnu
dans -συ l'élément formatif du zd. θri-shva « le tiers » 2383. Or n'est-il pas évident
que la seconde moitié de wi-s2u (skr. višu), et de wi-s2wa (ἶσος) qui n'en
est qu'une continuation, offre cette même syllabe -s2u composée avec wi pour
dwi- 3384 « deux » ? — Notons delph. ἥμισσον = ἡμι-σϜo-v.

P. 102, lignes 16 et 17. Ajouter frūstra, lūstrum, en regard de fraus,
lavare. — Ligne 20. Ce qui est dit sur le rapport de incolumis à calamitas
est faux, le vieux latin possédant un mot columis synonyme de incolumis.

P. 103, ligne 10 d'en bas. Après la correction apportée plus haut à la
page 68, l'exemple ῥάπτωῥομφεύς doit disparaître.

P. 108, liste b. Ajouter : [δόλιχοςlargus], v. p. 263.

P. 119, ligne 23. La forme κάνδαλος n'est évidemment qu'une variante
de σκάνδαλον et ne doit point être comparée à kandará.

P. 121, lignes 5 seq. Il convient de remarquer que la séparation de
a2 et a1 est consacrée à peu près partout dans le système de Schleicher.
Son tort consistait seulement à confondre a2 avec ā. On a peine à concevoir
à présent comment les yeux du grand linguiste ne se dessillèrent point sur
une pareille erreur, qui, en elle-même, a quelque chose de choquant,
286puisqu'elle conduit à identifier l'ο et l'α grecs. Les faits propres à la révéler
ne faisaient cependant pas défaut. Ainsi Schleicher affirme très-bien,
contrairement à l'opinion d'autres autorités, que l'a thématique de φέρομες
bhárāmas diffère de celui de φέρετεbhárătha ; en revanche il le
confond aussitôt avec la voyelle longue de δάμνᾱμιpunāmi. Or, considérons
l'imparfait, qui offre une syllabe fermée. Le sanskrit lui-même
prend soin d'y marquer et d'y souligner la divergence, puisqu'à l'ο de ἔφερον
répond l'ă d'ábharăm, tandis que ápunām, en regard de ἐδάμνᾱν,
maintient la longueur de l'ā.

P. 124 seq. Les vues que nous exposions sur le gouna paraissent avoir
surgi simultanément dans l'esprit de plusieurs linguistes. Tout dernièrement
M. Fick a proposé dans les Beiträge de Bezzenberger (IV 167 seq.) la
théorie défendue ci-dessus.

P. 140, ligne 4 d'en bas. Le mot θωή « punition » va, semble-t-il, avec
θωμός, rac. θη. Cf. θωήν ἐπι-θήσομεν, Odys. II 192.

P. 147. M. Brugman indique dans les Morphologische Untersuchungen
qu'il publie en collaboration de M. Osthoff et dont le premier cahier a
paru pendant l'impression du présent mémoire une autre explication de
l'au de dadhaú, áçvau etc. Ce savant croit y voir le signe distinctif des ā
longs finaux du sanskrit qui contenaient a1, dans leur seconde moitié (loc.
cit. 161). — A la page 226, M. Osthoff l'approuve et présente en outre sur
le type dadhaú des observations qui s'accordent en partie avec les nôtres.

P. 148. Nous sommes heureux de voir exprimer sur πέφη par M. G.
Mahlow une opinion toute semblable à la nôtre. V. K. Z. XXIV 295.

P. 160, lignes 12 seq. Nous aurions dû mentionner l'exception que
font les causatifs tels que snăpayati de snā, exception du reste sans portée,
vu le caractère moderne de ces formes.

P. 160 seq. Le mot γρομφάς que M. Curtius (Grdz. 67) ne peut se décider
à séparer de γράφω prouverait que cette dernière forme est pour
*γρm̥φώ (rac. γρεμφ) ; γράφω n'a donc rien à faire dans la question du
phonème a et ne doit pas être identifié au goth. graba.

P. 167. δῶρον « largeur d'une main, écartement » pourrait se ramener,
avec δῆρις « division, discorde », à une rac. dēr.

P. 171, ligne 6. Ajouter dur-găha. — Ligne 21. Ajouter hlādate : prahlătti
(Benf. Vollst. Gramm. p. 161).

P. 172, ligne 10. Ajouter çākvará « puissant ».

P. 174, ligne 13. Nous citons ailleurs (p. 258) deux exceptions des
plus intéressantes, vanáti et sanáti. Trop isolées pour infirmer la règle,
elles viennent à point pour témoigner de son caractère tout à fait hystérogène
dans la teneur absolue qu'elle a prise dane la suite.

P. 179, ligne 7 d'en bas. Ajouter : nactus et ratis, de racines a1nAk1 1385
et a1rA 1386. D'après les lois exposées au § 14, le phonème A aurait dû, dans
287ces formes, donner naissance à des sonantes longues, et on attendrait
*anctus ou *anactus et *artis. Il serait trop long de rechercher ici pourquoi
le phénomène n'a point eu lieu. Mentionnons le goth. -nauhts, qui
coïncide entièrement avec nactus.

P. 183, note. Ajouter μάνδρα « étable » en regard du skr. mandirá.
Ce rapprochement est douteux.

P. 191 seq. Dans le moment où nous corrigions l'épreuve de ce
feuillet, le Journal de Kuhn (XXIV 296 seq.) nous apportait une savante
dissertation de M. Johannes Schmidt traitant des optatifs. Il y
a entre les résultats auxquels il arrive et les nôtres une conformité flatteuse
pour nous. — Ce que nous cherchons vainement dans le travail
de l'éminent linguiste, c'est une explication du fait que les formes faibles
ont converti ia en ī.

P. 197, ligne 1. L'r- voyelle devient en effet ar dans l'arménien : artsiv
— skr. r̥ģipyá ; arģ = skr. ŕ̥kša ; gail = skr. vŕ̥ka, etc.

P. 198, ligne 4 d'en bas. L'adjectif ind. gau rá apporte quelque confirmation
à l'hypothèse ga au, car autrement la diphthongue āu n'aurait
pas de raison d'être dans ce dérivé.

P. 204, note. Ajouter dānā de dāmán.

P. 220, lignes 20 seq. Nous aurions dû prendre en considération les
composés de φρήν, tels que ἄφρων. Nos conclusions en auraient été modifiées.

P. 259 en bas. La racine du mot ūrdh-vá pourrait être rādh, rādhati.
En ce cas, ce serait un exemple à joindre à dīrghá : draghīyas.

P. 263, ligne 3. Noter le dor. κάρρακόρση. Il semble indiquer que
le son qui précédait ρ ne s'est fixé que fort tard.288

11. Il y faut ajouter cependant la remarque suivante des Grundzüge
(p. 54) : « le dualisme (Zweiklang) primitif gan (skt. ģan-â-mi) et gân (skt.
parf. ģa-ģân-a), bhar (skt. bhar-â-mi) et bhâr (skt. bhâra-s fardeau) devint
par une substitution insensible d'abord : gen gan, bher bhar, puis gen
gon
(γενέσθαι, γέγονα), bher bhor (φέρω, φόρος). Mais rien ne peut faire
penser qu'il y ait jamais eu une période où γεν et γον, φερ et φορ se
seraient échangés arbitrairement, de telle sorte qu'il eût pu arriver de
dire γονέσθαι, φόρω ou inversement γέγενα, φέρος. » Ici par conséquent
le savant professeur admet une diversité originaire de l'e et de l'o et fait
remonter l'o de γέγονα à l'indo-européen ā.

21. Le signe diacritique que noue adoptons pour marquer les liquides
et nasales sonantes (r̥̄ n̥ m̥) a un emploi différent dans les Grundzüge der
Lautphysiologie de Sievers (p. 89). Aussi avons-nous cherché à l'éviter,
mais inutilement : qu'on considère que la désignation ordinaire r̥̄ devenait
impossible, puisqu'elle eût entraîné la confusion de la nasale sonante ()
avec la nasale cérébrale sanskrite ; que d'autre part la désignation r̥̄ (Sievers,
Brugman) ne saurait être introduite dans la transcription du sanskrit,
qu'enfin le caractère r̥̄ a été employé déjà par M. Ascoli précisément avec
la valeur du r-voyelle, et l'on reconnaîtra que si nous innovons, c'est du
moins dans la plus petite mesure possible.

31. La forme perse a dû être arzifiya. Disons tout de suite que le mot
existe aussi en grec avec la substitution régulière : d'abord dans l'idiome
macédonien où il a la forme ἀργίπους (Hes.) pour laquelle M. Fick (K. Z.
XXII 200) a tort de chercher une autre étymologie. A côté d'ἀργίπους
l'Etymol. Mag. nous a conservé αἰγίποψ· ἀετὸς ὑπὸ Μακεδόνων qui est
évidemment le même mot, et ceci nous amène avec sûreté au grec αἰγυπιός.
La disparition du ρ a son analogie dans deux autres cas de r-voyelle :
μαπέειν de μάρπτω et αἴγλη = skr. rģrá. Pour l'ι de αἰγυπιός et d'αἴγλη
v. ces mots au registre.

41. La présence de l's dans les trois derniers exemples atteste l'ancienneté
de cette formation. — En ce qui concerne ἐνίσπε on ne peut repousser
complètement l'idée qu'il y a là un imparfait dont le présent
serait *ἴ-σπ-ω. Cf. ἴ-σχ-ω, πί-πτ-ω et notre note 1, page 11. Il faudrait
donc diviser ainsi : ἐν-ί-σπ-ε.

51. Dans les autres aoristes on aurait la syncope. Verbum II 7.

62. M. Delbrück (Altind. Verb. p. 63) dit bien que sran dans avasran
(R. V. IV 2, 19) contient la voyelle thématique. Mais les preuves positives
manquent et Grassmann interprète cette forme d'une manière toute différente
(a-vas-ran). — á-gama-t est d'une autre formation qui se reproduit
en grec dans le dorien ἔ-πετο-ν, dans l'attiq. ἔ-τεμο-ν. Cet aoriste-là coïncide
pour la forme avec l'imparfait de la 1re classe verbale. C'est l'aoriste
non-sigmatique slave : nesŭ.

71. On dira qu'ásaçćat est imparfait (présent sáçćati) ; sans doute, mais
il n'y a pas de limite fixe entre les deux temps. Les aoristes redoublés sont
les imparfaits d'une classe verbale que la grammaire hindoue a oubliée et
dans laquelle rentreraient, avec sáçćati, le skr. sīdati, le part. pibdamāna,
le gr. πίπτω, γίγνομαι, μίμνω, μέμβλεται etc.

82. M. Brugman (Studien IX 386) éprouve une certaine hésitation à
attribuer aux périodes les plus anciennes des formes comme paptima, et
croit plutôt qu'elles doivent le jour à l'analogie de ća-kr- etc. Au fond
la question reviendrait à cette autre, de savoir si la voyelle de liaison
existait déjà dans la langue-mère, auquel cas pat faisait nécessairement
pa-pt- au parfait pluriel. Or l'u des formes germaniques (bundum, bunduts
s'accorderait bien avec cette hypothèse, et l'α du grec γεγήθαμεν
n'y répugne pas, bien qu'il s'explique plus probablement par la contamination
du singulier γέγηθα et de la 3e p. du plur. γεγήθασι ; qu'on compare
enfin le latin -imus dans tulimus. — Dans cette question il faut considérer
aussi les parfaits indiens comme sedimá, gothiques tels que sētum,
et latins tels que sēdimus qui sont reconnus pour contenir la racine redoublée
et dénuée de voyelle. Ainsi sedimá = *sa-zd-imá. Il va sans dire
que la même analyse phonétique ne serait pas applicable à chacune de
ces formes : la formation s'est généralisée par analogie.

91. τέ-τλᾰ-μεν vient de la rac. τλᾱ comme ἕστᾰμεν de στᾱ ; son λα ne
remonte pas à une liquide sonante.

101. Il existe, il est vrai, des formes comme πλᾶθος (v. Joh. Schmidt
Vocal. II 321), mais celles qui se trouvent chez les tragiques attiques sont,
suivant Ahrens, des dorismes de mauvais aloi, et celles des inscriptions
peuvent provenir, comme les formes éléennes bien connues, d'un passage
secondaire d'ä à a. On pourrait du reste admettre que πλᾱ existait parallèlement
à πελ. Cf. récemment Schrader Studien X 324.

111. Mémoires de la Soc. de Linguistique III 283.

122. Ou au comparatif neutre *proculstis, *proculsts ?

131. Toute différente est la racine de con-sero, as-sero qui signifie attacher.
Le sero dont nous parlons est le skr. sárati, sísarti « couler, avancer » :
composé avec la préposition pra il a aussi le sens transitif et donne
le védique prá bāhávā sisarti (R. V. II 38, 2) « il étend les bras », exactement
le grec χεῖρας ἰάλλειν (= σι-σαλ-yειν, σι-σλ-yειν). Le verbe insero
peut appartenir à l'une ou à l'autre des deux racines en question.

141. A côté de βραδύς on a avec l : ἀβλαδέως· ἡδέως Hes. ce qui rend
bien vraisemblable l'ancienne étymologie du latin mollis comme, étant pour
*moldvis.

152. πλέθρον, πέλεθρον seraient-ils par hasard ces parents de πλατύς
où nous trouverions l'e ?

163. Le capricorne, ce coléoptère à grandes antennes, qui s'appelle en
grec κεράμβυξ, nous a peut-être conservé la trace d'un ancien thème
*κ(ε)ράμβο- = çŕṅga.

171. Ce qui rend suspecte la parenté de κελαινός avec κηλίς, c'est l'a du
dorien κᾱλίς et du lat. cāligo.

182. Si l'on compare en outre les sens de srakti, on reconnaît que tous
ces mots contiennent l'idée de contour, d'angle ou d'anfractuosité. Ce
mot d'anfractuosité lui-même s'y rattache probablement en ligne directe,
car le latin an-fractus sort régulièrement de *am-sractus comme *cerefrum,
cerebrum de ceres-rum. Cf. cependant Zeyss K. Z. XVI 381 qui divise
ainsi : anfr-actus. — Le grec ajoute à cette famille de mots : ῥακτοί·
φάρραγες, πέτραι, χαράδραι
et ῥάπται· φάραγγες, χαράδραι, γέφυραι. Hes.

191. Le k remplacé par v, au lieu de kv ; le m remplacé par ν dans le
slave črĭvĭ ; la liquide variant entre l et r, et cela, même en-deçà des limites
du grec, ainsi que l'indique la glose : ῥόμος· σκώληξ ἐν ξύλοις.

202. Il n'est naturellement pas question ici des nasales sonantes qui se
sont formées à nouveau, dans plusieurs langues anciennes et modernes.

211. Il s'entend qu'en zend l'a sorti de la nasale sonante participe aux
affections secondaires de l'a, par exemple à la coloration en e.

221. Ce n'est pas que, dans l'espèce, nous n'ayons quelques doutes sur
la véritable qualité de l'alpha d'ἔπαθον, et cela à cause du latin patior,
sur lequel nous reviendrons plus bas. Mais ἔπαθον se trouve être le seul
aoriste thématique où l'on puisse supposer une nasale sonante, et, si on le
récusait, il suffirait de renvoyer aux exemples qui suivent.

232. Toujours en supposant que la nasale est radicale.

243. Les formes qui ont le « vriddhi » comme áçvait, ávāṭ sont entièrement
différentes. Il faut y voir, avec M. Whitney, des aoristes sigmatiques.

251. Les racines de cette forme contenant une nasale ne paraissent pas
fournir d'exemple.

262. La 3e pl. πέφανται est une formation récente faite sur l'analogie
des racines en α ; il faudrait régulièrement πε-φν-αται. — γεγάασι, με μαυῖα
et les autres formée où le suffixe commence par une voyelle n'ont pu se
produire que par analogie. Il est remarquable que les formes fortes du
singulier soient restées à l'abri de toute contamination de ce genre, car
γέγαα, μέμαα n'existent que dans nos dictionnaires ainsi que le montre
Curtius Verb. II 169. L'ancienne flexion : γέγονα, plur. γέγαμεν est donc
encore transparente.

271. M. Curtius a montré l'identité de ἄνυται (Homère a seulement
ἤνυτο) avec le skr. sanuté (rac. san) ; la sifflante a laissé une trace dans
l'esprit rude de l'att. ἁ-νύ-ω. Quant à la racine non affaiblie ἑν, elle vit
dans le composé αὐθ-έν-της « auteur d'une action ». Cf. Fick Wœrterb.
I3 789.

282. Les formes comme δείκνυμι, ζεύγνυμι sont des innovations du grec.

291. βατός pourrait aussi appartenir à la racine βᾱ qui a donné ἔβην ; les
deux formes devaient nécessairement se confondre en grec. En revanche
le skr. gatá ne saurait dériver de .

302. Forme conservée dans le mot αὐτόματος, suivant l'étymologie la
plus probable. — -mentus se trouve dans commentus.

312. Forme conservée dans le mot αὐτόματος, suivant l'étymologie la
plus probable. — -mentus se trouve dans commentus.

323. L'identification du skr. han et du grec *φεν sera justifiée plus bas.

334. Les formes latines n'inspirent pas une confiance absolue, en ce sens
qu'elles peuvent tout aussi bien s'être formées postérieurement comme le
gr. δέρξις, θέλξις. Pour les formes slaves telles que -mętĭ cette possibilité
se change presque en certitude.

341. Il est possible que la nasale sonante soit représentée en arien par
i, u, dans le mot qui signifie langue : skr. ģihva et ģuhu, zd. hizva, hizu ; —
l'ancien perse serait izāva selon la restitution de M. Oppert, mais… āva
seul est encore écrit sur le rocher. Comme la consonne qui commence le
mot est un véritable Protée linguistique — elle diffère même dans l'iranien
vis-à-vis de l'indien — et qu'en lithuanien elle devient l, on conviendra
que la glose d'Hésychius : λαυχάνη· γλώσσα trouve son explication
la plus naturelle dans la comparaison des mots cités : le thème primitif
serait ?-n̥gh1ū ou ?-n̥gh1wā : de là le lat. d-ingua, le goth. t-uggon-,
et le gr. *λ-αχϜ-αν-η, λαυχάνη. Le slave j-ęzy-kŭ montre aussi la sonante.
Seul l'ë du lith. l-ëżuc-i-s s'écarte de la forme reconstruite. — Pour l'épenthèse
de l'u dans le mot grec cf. plus haut (p. 17) λαυκανίη.

351. Le τ des cas obliques (ὀνόματος) n'a probablement existé à aucune
époque au nomin.-accusatif. — Le goth. namo n'est pas mentionné, parce
qu'il est de formation nouvelle.

362. Il est vrai que r̥̄, etc. placés devant une voyelle paraissent se
dédoubler en r̥̄r, n̥n etc. V. Sievers Lautphysiol. p. 27 au milieu. Et, bien
qu'on puisse dire que i et u sont aussi consonnes durant un instant dans
le passage des organes à une autre voyelle, dans ia ou ua par exemple,
il n'en reste pas moins certain que la triple combinaison phonique 1) ia.
2) ia c. à d. iia. 3) iia, transportée dans la série nasale se réduit à 1) na
et 2. 3) n̥na dans la série de l'r : à 1) ra et 2. 3) r̥̄ra. — i désigne l'i consonne.

373. Le mot choisi plus haut pour exemple (skr. nāman) ne convenait
plus ici, parce que la forme primitive de sa syllabe initiale est assez incertaine.

381. Dans son principe seulement, car il faudrait supposer en tous cas
un i indo-européen à la place de la spirante du sanskrit classique, et le ν
de la même langue serait encore bien plus éloigné de la consonne primitive
(u). — Nous ajoutons que dans la restitution des formes indo-européennes
nous nous servons des signes w et y sans essayer de distinguer
l'u et l'i consonnes (u et i de Sievers), des spirantes correspondantes (w et
j de Sievers). Dans le cas de madhw api, w représenterait certainement u.

391. Partir d'un ancien génitif *ἡπαρτος serait récuser le témoignage
du sanskrit et en même temps admettre inutilement en grec un cas d'altération
phonétique, dont les exemples, s'ils existent (v. p. 7), sont en tous
cas très-sporadiques. Il est vrai que yakr̥̄t s'est aussi, plus tard, décliné en
entier ; mais le fait important, c'est que yakan ne peut point avoir d'autre
nominatif que yakr̥̄t. — Le lat. jecinoris a remplacé l'ancien *jecinis, grâce
à la tendance à l'uniformité qui fit passer l'or du nominatif dans les cas
obliques. — M. Lindner (p. 39 de son Altindische Nominalbildung) voit
aussi dans ἥπατος le pendant du skr. yaknás.

402. Excellent rapprochement de Bopp, en faveur duquel nous sommes
heureux de voir intervenir M. Ascoli (Vorlesungen über vgl. Lautlehre
p. 102). La chute de l'a initial a sa raison d'être ; v. le registre.

413. Cf. yúvat (yúvad), neutre védique de yúvan.

421. septynì, devynì sont de formation secondaire. Leskien, Déclin. im
Slavisch-Lit.
p. XXVI.

431. Nous ne tenons pas compte de prathamá et turiya, étrangers à la
question.

442. Une des formes du nom de nombre huit se terminait en effet par
une nasale. Il est vrai que les composés grecs comme ὀκτα-κόσιοι, ὀκτά-πηχυς
n'en offrent qu'une trace incertaine, et qu'ils s'expliquent suffisamment
par l'analogie de ἑπτα-, ἐννεα-, δεκα- (cf. ἑξα-). Pour le lat. octingenti,
une telle action de l'analogie est moins admissible ; cette forme
d'autre part ne saurait renfermer le distributif octōni ; on peut donc avec
quelque raison conclure à un ancien *octem. Le sanskrit lève tous les
doutes : son nom.-acc. ašṭá est nécessairement l'équivalent d'*octem, car
personne ne s'avisera de le ramener à un primitif akta répondant à une
forme grecque fictive « ὀκτε » semblable à πέντε : une pareille supposition
serait dénuée de tout fondement. Tout au plus pourrait-on penser à un
duel en ă dans le genre de deva pour devā, et c'est en effet dans ce sens
que se prononcent les éditeurs du dictionnaire de St-Pétersbourg. Mais
pourquoi, dans ce cas, cette forme se perpétue-t-elle dans le sanskrit classique ?
On est donc bien autorisé à admettre une forme à nasale, qui peut-être
avait une fonction spéciale dans l'origine. — Pour ce qui est de la
forme aktau, assurée par le goth. ahtau, nous nous bornons à relever dans
la formation de son ordinal (gr. *ὀγδοϜ-ο- ou *ὀγδϜ-ο-, lat. octāv-o-) le
même mode de dérivation au moyen d'un suff. -a que dans ašṭam-á,
saptam-á etc. (v. la suite du texte).

451. Quant à savoir si, en tout dernier ressort, on ne trouverait pas telle
ou telle parenté entre le -ma du superlatif et le -m-a des adjectifs ordinaux,
de façon par exemple que déjà dans la période proethnique, la terminaison
ma de ces derniers aurait produit l'impression du superlatif et
aurait été étendue de là à d'autres thèmes pour les élever à cette fonction,
ce sont des questions que nous n'avons pas à examiner ici.

462. Le gothique fimf ferait « fimfun » s'il avait eu la nasale finale.

473. Le point de départ de tous ces génitifs de noms de nombre en
-ānām paraît être trayāṇām, lequel dérive de trayá-, et non de trí-. L'accentuation
s'est dirigée sur celle des autres noms de nombre. Le zend
θrayãm qui permet de supposer *θrayanãm (cf. vehrkãm, vehrkanãm), atteste
l'ancienneté de ce génitif anormal.

484. Ces mêmes formes dont le témoignage est nul dans la question de
savoir si le nom de nombre cinq a ou non une nasale finale, ne pèsent
naturellement pas davantage dans la balance, lorsqu'il s'agit de savoir si
la nasale de náva, dáça etc. — dont l'existence n'est pas douteuse — est
un n ou un m.

491. On trouve inversement saptátha, zd. haptaθa, à côté de saptamá.
En présence de l'accord à peu près unanime des langues congénères, y
compris le grec qui a cependant une préférence bien marquée pour le suff.
-το, on ne prétendra point que c'est là la forme la plus ancienne.

502. Nous n'avons malheureusement pas réussi à nous procurer un autre
travail de M. Ascoli qui a plus directement rapport aux noms de nombre,
intitulé : Di un gruppo di desinenze Indo-Europee.

513. Le nombre des liquides sonantes dues à la même origine étant très-minime,
noun n'avons fait qu'effleurer ce sujet à la page 18.

521. Ajouter cependant les composés des noms de nombre, tels que
saptaçva, dáçāritra. Leur cas est un peu différent.

531. L'ε initial n'est probablement qu'une altération éolo-ionienne (cf.
ἔρσην) de l'α que doit faire attendre le r̥̄ de la forme sanskrite.

541. Cette évolution de la nasale sonante ne doit pas être mise en parallèle
avec les phonèmes ir et ur, p. ex. dans titirvan, pūryáte, ou du moins
seulement avec certaines précautions dout l'exposé demanderait une longue
digression. L'existence du r̥̄ dans ćakr̥̄van, ģagr̥̄van, papr̥̄van etc., suffit
à faire toucher au doigt la disparité des deux phénomènes.

552. On pourrait aussi conjecturer sasāvan ; cf. sātá, sāyáte.

561. S'il y a un argument à tirer de l'imparfait apunata, il est en faveur
de notre analyse.

572. Il est certain que l'accentuation de ces formes a été presque partout
sans influence sur le vocalisme, et qu'il faut toujours partir de la
forme sans augment. Mais cela n'est pas vrai nécessairement au-delà de la
période proethnique.

581. Hésychius a cependant une forme ἐσσύανται.

592. Ici il faut se souvenir que l'auteur regarde à bon droit le parfait
grec comme dénué de voyelle thématique ; l'α n'appartient pas au thème.

601. La question est inextricable. Est-on certain que les formes du présent
n'ont pas, elles aussi, cédé à quelque analogie ? Au parfait, on n'est
pas d'accord sur la désinence primitive de la 3e pers. du pluriel. Puis il
faudrait être au clair sur l'élision de l'a final des racines, devant les désinences
commençant par une sonante : lequel eut le plus ancien de τίθε-ντι
ou de ģáhati =ģah-n̥ti ? Plusieurs indices, dans le grec même, parleraient
pour la seconde alternative (ainsi τιθέασι, arcad. ἀπυδόας seraient un
vestige de *τιθαντι — ou *τιθατι ? — , *ἀποδας ; la brève de γνούς, ἔγνον
s'expliquerait d'une manière analogue). Enfin les formes étonnantes de la
3e p. pl. de la rac. as « être » ne contribuent pas, loin de là, à éclaircir la
question, et pour brocher sur le tout, on peut se demander, comme nous
le ferons plus loin, si la 3e pers. du plur. indo-européenne n'était pas une
forme à syllabe radicale forte, portant le ton sur la racine.

611. M. Scholvin dans son travail Die declination in den pannon.-sloven.
denkmälern des Kirchensl.
(Archiv f. Slav. Philol. II 523), dit que la syntaxe
slave ne permet pas de décider avec sûreté si matere est autre chose
qu'un génitif, concède cependant qu'il y a toute probabilité pour que cette
forme soit réellement sortie de l'ancien accusatif.

621. Pour les neutres en -man qui sont dérivés d'une racine terminée par
une consonne, c'est la seule supposition possible, attendu que n se trouvait
alors précédé de deux consonnes (vakmn̥, sadmn̥) et que dans ces conditions
il était presque toujours forcé de faire syllabe même devant une
voyelle. — Pour ce qui est des noms de nombre on remarquera que le
dissyllabisme de saptm̥ est prouvé par l'accent concordant du skr. saptá,
du gr. ἑπτά et du goth. sibun, lequel frappe la nasale.

632. Cf. la prononciation de mots allemands comme harm, lärm.

643. Ces formes, pour le dire en passant, sont naturellement importantes
pour la thèse plus générale que la désinence de l'accus. des thèmes
consonantiques est -m et non -am.

651. L'hypothèse des liquides sonantes indo-européennes a été faite il y
a deux ans par M. Osthoff, Beitrage de Paul et Braune III 52, 61. La loi
de correspondance plus générale qu'il établissait à été communiquée avec
son autorisation dans les Mémoires de la Soc. de Ling. III 282 seq. Malheureusement
ce savant n'a donné nulle part de monographie complète du sujet.

661. On peut faire valoir entre autres en faveur de cette thèse le mot
anaḍvah, nomin. anaḍvān qui vient de la racine vah ou de la racine vadh :
on n'a jamais connu de nasale à aucune des deux. Puis le mot púmān
dont l'instr. puṃsa ne s'explique qu'en partant d'un thème pumas sans
nasale. Il est vrai que ce dernier point n'est tout à fait incontestable que
pour qui admet déjà la nasale sonante.

671. Les combinaisons de deux sonantes donnent du reste naissance à
une quantité de questions qui demanderaient une patiente investigation
et qu'on ne doit pas espérer de résoudre d'emblée. C'est pourquoi nous
avons omis de mentionner plus haut les formes comme ćinvánti, δεικνύασι
(cf. δεικνῦσι) ; ćinvánt, cf. δεικνύς. La règle qui vient d'être posée semble
cependant se vérifier presque partout dans l'arien, et probablement aussi
dans l'indo-européen. Certaines exceptions comme purūn (et non « purvas »)
= puru + ns, pourront s'expliquer par des considérations spéciales :
l'accent de purú repose sur l'u final et ne passe point sur les désinences
casuelles — le gén. pl. purūnam à côté de purunām a un caractère récent
— ; l'u est par conséquent forcé de rester voyelle : dès lors la nasale
sera consonne, et la forme *purúns se détermine. Les barytons en -u
auront ensuite suivi cette analogie.

682. Si le skr. ama « domi » pouvait se comparer au zd. nmāna « demeure »,
on aurait un exemple de a = produit dans la période indienne.
Mais le dialecte des Gāthās a demāna (Spiegel Gramm. der Ab. Spr.
p. 346), et cette forme est peut-être plus ancienne ?

691. On peut néanmoins considérer l'αν ainsi produit comme représentant
une nasale sonante, la nasale, comme dans le skr. ģaghanvan =
*ģaghn̥wan (p. 35) ayant persisté devant la semi-voyelle. Ainsi ποιμαίνω
= ποιμn̥yω. Dans un mot comme *ποιμνyον, s'il a existé, la langue a résolu
la difficulté dans le sens inverse, c'est-à-dire qu'elle a dédoublé y en
iy : *ποίμνιyον, grec historiq. ποίμνιον. Nous retrouvons les deux mêmes
alternatives dans les adverbes védiques en -uyā ou -viyā : *āçwyā se résout
en āçuyā, tandis que *urwyā devient urviyā. Dans ces exemples indiens
on ne voit pas ce qui a pu déterminer une forme plutôt que l'autre.
Dans le grec au contraire, il est certain que la différence des traitements
a une cause très-profonde, encore cachée il est vrai ; le suffixe de ποίμνιον
est probablement non -ya, mais -ia ou -iya : il y a entre ποιμαίνω et ποίμνιον
la même distance qu'entre ἅζομαι et ἅγιος ou qu'entre οὖσα et οὐσία.
La loi établie par M. Sievers Beitr. de P. et B. V 129 n'éclaircit pas encore
ce point.

701. Les aoristes du passif en -θη et en sont curieux, en ce sens que
la racine prend chez eux la forme réduite, et cela avec une régularité que
la date récente de ces formations ne faisait pas attendre. Exemples :
ἐτάθην, ἐτάρφθην ; ἐκλάπην, ἐδράκην. Α l'époque où ces aoristes prirent
naissance, non-seulement une racine δερκ avait perdu la faculté de devenir
δεr̥̄κ, mais il n'est même plus question d'existence propre des racines ; leur
vocalisme est donc emprunté à d'autres thèmes verbaux (par exemple
l'aoriste thématique actif, le parfait moyen), et il nous apprend seulement
que le domaine des liquides et nasales sonantes était autrefois fort étendu.
Néanmoins certaines formes de l'aor. en restent inexpliquées : ce sont
celles comme ἐάλη, ἐδάρην, où αλ, αρ est suivi d'une voyelle. Ces formes,
comme nous venons de voir, se présentent et se justifient à l'aoriste actif
après une double consonne, mais non dans d'autres conditions : il faut donc
que ἐάλην, ἐδάρην soient formés secondairement sur l'analogie de ἐτάρπην,
ἐδράκην etc. qui eux-mêmes s'étaient dirigés sur ἐταρπόμην, ἔδρακον etc.

711. On a cependant en sanskrit gdha, gdhi, sá-gdhi, zd. ha-yδaṅhu,
venant de ghas par expulsion de l'α et suppression de la sifflante (comme
dans pumbhis).

721. Egal lui-même au skr. hásta. Le zend zaçta montre que la gutturale
initiale est palatale, non vélaire. C'est un cas à ajouter à la série :
hánuγένυς, ahámἐγώ, mahántμέγας, ghaγε (hr̥̄dκαρδία).

732. C'est, avec intention que nous nous abstenons de citer ζέλλω, qui
en apparence serait un parallèle meilleur.

741. On trouve aussi l'e dans le goth. fairhvus « monde » qu'on peut ramener
à *hverhvus, *hvervehvus et rapprocher de èlove.

751. L'au du gothique sunaus ne s'explique pas de la sorte, comme le
fait voir la forme correspondante des thèmes en -i qui, elle aussi, a l'a :
anstais. Jusqu'à présent cet au et cet ai ne s'expliquent pas du tout.

761. Bien que ce ne soit pas là une question de fond, nous aimerions
mieux ne pas mettre ainsi le slave en compagnie des langues du sud, car
on ne saurait trop insister sur la disparité de l'o slave et de l'ο des langues
classiques. Le premier a ni plus ni moins la valeur d'un a lithuanien
ou gothique. Quand nous voyons au contraire a2 devenir en gréco-italique
ο et non a (antithèse qui en slave n'existe pas), c'est là un fait notable,
que nous avons utilisé § 4, 8.

771. Pour la diphthongue, on pourra nommer syllabe ouverte celle où,
étant suivi d'une voyelle, le second élément de la diphthongue se change
en une semi-voyelle (ćikaya) ; la syllabe fermée est celle qui est suivie
d'une consonne (bibhéda).

782. Nous avons parlé plus haut de l'extension secondaire de cette
forme en grec (p. 12 et p. 22 i. n.), οἶδα : ἴδμεν, et quelques autres exemples
reflètent l'image de l'état primitif qui est encore celui du germanique
et du sanskrit.

793. On sait que la diphthongue n'est plus en grec qu'une antiquité
conservée çà et là ; les parfaits comme πέφευγα, τέτευχα, ne doivent donc
pas étonner. Mais on trouve encore d'autres parfaits contenant l'ε, tels
que κεκλεβώς, λέλεγα. Au moyen, ces formes sont nombreuses, et l'on a
même la diphthongue ει dans λέλειπται, πέπεισμαι etc. (à côté des formations
régulières ἐϊκτο, ἴδμαί, τέτυγμαι, etc.). Cet ε vient certainement en
partie du présent, mais il a encore une autre source, les formes faibles du
parfait chez celles des racines de la forme C qui ne pouvaient rejeter a1
— certaines d'entre elles le pouvaient, v. page 12 i. n. Ainsi τεκ a dû faire
d'abord τέτοκε, plur. *τετεκαμεν ou *τετεκμεν, parce que « τετκμεν » était
impossible. Ce qui appuie cette explication de l'ε, c'est que les formes en
question, celles du moins qui appartiennent à l'actif, sont principalement
des participes, et que le partic. parf. demande la racine faible. Ex. : ἐνήνοχα
ἀν-ηνεχυῖαν, εἴλοχα συνειλεχώς
etc. Curtius Verb. II 190.

801. Il est singulier de trouver chez Hésychius une 1e personne λέλεγα,
suivie à quelques lignes de distance d'une 2e pers. λέλογας. Mais il n'y a là
sans doute qu'un hasard.

812. Ahrens (I 99) conjecture un aoriste éolique ὀρράτω, de εἴρω « entrelacer ».
Ce serait une quatrième forme de cette espèce.

821. Dans foveo, moveo, voveo, mulgeo, urgeo et d'autres, il faut tenir
compte de l'influence possible des phonèmes avoisinants.

831. On ne sait où placer les noms d'agents en -τη-ς, dont la parenté
avec les mots en -τηρ (Brugman, Stud. IX 404) est bien douteuse, vu l'α
du dorique. Quelques-uns ont l'ο : ἀγυρτής (?), ἀορτής (mais aussi ἀορτήρ),
Ἀργει-φόντης, fém. κυνο-φόντίς ; Мοῦσα, *Μόντyα fém. de *Μόντης. φροντίς
est de dérivation secondaire.

841. Il est vrai que çraota coïncidé avec le goth. hliuþ, mais l'e de cette
forme fait sopçonner qu'elle est récente. Quant au lith. sriautas, il peut
s'identifier à srótas aussi bien qu'à θraota.

851. La chose est évidente dans astamana et antaraṇa, v. Β. R.

861. holus à côté du vieux-lat. helusa doit son ο au voisinage de l.

872. A côté de dagà et dágas se trouve la formation nouvelle degas « incendie ».

881. Au contraire l'arménien a régulièrement gorts (ἔργον), avec a2.

892. En voici quelques-unes de moindre importance : κέπφο, κελεφό,
κέρκο, πέλεθο, σέρφο
 ; le voc. ὦ μέλε· ἔλεο est obscur, ἔρο et γέλο sont
anormaux déjà d'ailleurs, πέδο est de formation secondaire. — ξένο pour
ξένϜο et tous les cas analogues n'entrent naturellement pas en considération,
στένο semble être de même nature, à cause de la forme στεῖνο.

903. L'histoire de ce thème est assez compliquée : ζεά n'est qu'une forme
plus récente de ζειά (= skr. yávasa) et ne peut donc se comparer directement
à yáva. Mais ce mot grec nous apprend néanmoins que l'a radical de
yáva est de l'espèce a1a2, non de l'espèce a. La brève de yáva décide
d'autre part pour a1 et l'isolement du mot garantit suffisamment son origine
proethnique. Nous obtenons donc l'indo-eur. ya1wa. — Basé là-dessus
nous avons admis dans l'α du lith. javai une altération secondaire de l'e,
p. 68.

914. Cf. χίλιοι pour *χεσλιοι, μάτιον pour *ἑσματιον etc. — La glose
ἡμερτόν· ἐπέραστον ébranle l'étymologie ordinaire.

925. Le sens premier serait anima. Cf. p. 84 i. n. — Le lith. dvésti et
dvásė « esprit » pourraient aussi suggérer un primitif *θϜεσο.

931. Les mots comme badha de bādh dont la racine a déjà l'ā long, en
outre les mots d'origine obscure comme ģala « filet », çapa « bois flottant »
ne sont pas cités, kama est un thème en -ma.

942. sara paraît n'être qu'une variante de çara ou çáras. Les sens de
sara (crême, quintessence etc.) et du gr. ὀρός (partie aqueuse du lait) se
concilient facilement, bien qu'ils soient en apparence opposés. Le lat. sérum
est-il le même thème, ou seulement parent ? Curtius Grdz. 350.

953. L'a de hausa- et de maisa-, l'ο de κόγχη, représentent peut-être a2,
mais on ne peut le dire avec certitude.

964. Goldschmidt Mém. Soc. Ling. I 413. Ce mot ne peut figurer ici que
si la racine est sram. Si l'on admet une racine srā, la chose est toute
autre.

973. L'a de hausa- et de maisa-, l'ο de κόγχη, représentent peut-être a2,
mais on ne peut le dire avec certitude.

983. L'a de hausa- et de maisa-, l'ο de κόγχη, représentent peut-être a2,
mais on ne peut le dire avec certitude.

991. Même accentuation dans le mot grec qui y correspond λοῦσον· κόλουρον,
κολοβόν, τεθραυσμένον
(parent de άλεύομαι — goth. liusan ; cf.
ἀλυσκάζω et chez Hésychius λυσκάζει). Relativement à la chute nécessaire
de l's grec placé entre deux voyelles, les affirmations péremptoires paraissent
encore prématurées en présence de certains cas tels que σαυσαρός
(lith. saúsas), ἐν-θουσιασμός (cf. sl. duchŭ, duša). Reste à trouver la règle.
— La racine fraÞ (avec a) donne l'adj. oxyton frōdá-.

1002. Il est remarquable que les composés indiens de caractère moderne
où le premier membre est décliné (pustiṃbhará etc.) ne présentent jamais
l'a long.

1011. Les exemples où la règle n'est plus du tout observée (ex. : dans
πτολίπορθος, παλίντονος) présentent ordinairement cette singularité que le
premier membre a ι dans la dernière syllabe.

1021. L'ind. dámūnas « familiaris », un des noms d'Agni, se décompose
peut-être en damu + nas (venir). Il reste à expliquer la brève de dămu :
on pourrait penser tout d'abord à un déplacement de la quantité et reconstruire
*dāmunas. Mais l'allongement de l'i ou de l'u devant une nasale
est chose si commune, qu'une telle hypothèse serait fort risquée. Il n'est
pas inconcevable que, l'u une fois allongé, l'a2, qui précédait ait été forcé
par là de rester bref. V. p. 89. Toutefois la forme damúnas qui apparaît
plus tard rend cette combinaison très-problématique.

1031. Le pamphylien βολέμενυς (βουλόμενος) appartient à un dialecte où
πορτί est devenu περτ-. Les formes nominales βέλεμνον, τέρεμνον etc.
peuvent s'interpréter de différentes manières.

1042. Le gr. -μονή dans χαρμονή etc. n'est qu'une continuation relativement
moderne du suff. -μον, étrangère aux participes.

1053. Les infinitifs indiens en -mane viennent de thèmes en -man.

1064. La longue, dans le cas de váhamāna, descend elle-même d'un ancien
a2 (vaha2ma2na) : mais il est aisé de comprendre que dans le conflit
des deux a2 tendant l'un et l'autre à devenir voyelle longue, le second,
qui ne trouvait point de résistance dans la syllabe brève placée après lui,
devait remporter l'avantage. — Cette syllabe brève dont nous parlons est
remplacée dans certaines formes par une longue, ainsi au pluriel váhamānās ;
et pour soutenir toute cette théorie, à laquelle du reste nous ne
tenons pas particulièrement, on serait naturellement obligé de dire que
dans váhamāna comme aussi dans pāká, vyādhá etc. l'allongement n'appartient
en propre qu'à ceux des cas de la déclinaison où la terminaison
est brève.

1071. Je sais bien que cet a gothique peut s'expliquer différemment si
l'on compare fadar = πατέρα et ufar = ὑπέρ.

1081. Dans l'article cité des Mémoires de lα Société de Linguistique, je
croyais avoir des raisons de dire que l'ο dans ἵππος, equos, était o — malgré
le vocatif en e — et non pas o2. Depuis j'ai reconnu de plus en plus
qu'une telle proposition est insoutenable, et je n'en fais mention ici que
pour prévenir le reproche de changer d'opinion d'un moment à l'autre en
disant que cet article a été écrit il y a près d'un an et dans un moment
où je venais à peine de me rendre compte de la double nature de l'o gréco-italique.

1092. L'a bref du skr. áçvăs, açvăm est régulier, la syllabe étant fermée.

1103. Sur l'a secondaire du vieux saxon -as, v. Leskien Declination p. 30.
Le boruss. stesse parle aussi pour a1, bien que souvent l'e de la Baltique
inspire assez peu de confiance (ex. : lith. kvep « exhaler », goth. hvap, grec,
lat. kvap).

1111. Nous n'osons pas invoquer en faveur de l'hiatus les formes védiques
(restituées) telles que deváas, çáṃsaas, devanaam etc., ni celles du zend
comme daēvāaṭ sur la signification desquelles les avis varient beaucoup.

1122. Sa valeur est donnée par le grec et le slave : μητέρ-ες, mater-e.

1133. En admettant la possibilité d'une longue ā2, différant de la brève
a2, nous tranchons implicitement la question de savoir si dans la langue
mère a2 a été bref comme il l'est partout dans les langues européennes.
Les formes dont il est question pourraient du reste, comme on voit, servir
à démontrer cette quantité brève.

1141. Schleicher doute que -μεν-αι puisse être le datif d'un thème consonantique.
Comp.4 401. — La longueur fréquente chez Homère de l'ι du
datif grec (Hartel Hom. Stud. I2 56) n'est pas une raison suffisante pour
croire que cette forme représente autre chose que l'ancien locatif. ΔιϜειdans
ΔιϜείθεμις etc. ne paraît pas être un datif. Les formes italiques et
lithuaniennes sont équivoques.

1152. Lui seul peut nous l'apprendre ; car il est superflu de répéter que
les langues du nord confondent ā2 et a. En slave par exemple l'a de dèla
(pl. neut. ; cf. lat. dōna) n'est pas différencié de l'a de vlŭka (gén. soit abl.
sing. ; cf. lat. equo).

1161. Le sl. ti est d'autant plus suprenant que nous trouvons ě au loc.
vlŭcě où nous avons conclu à la diphtliongue a1i. Cf. plus haut p. 69.

1172. Le texte du Rig-Véda porte une fois la forme pour sa (I 145, 1).
Il y a aussi en zend une forme que M. Justi propose de corriger en hāu
ou . Lors même qu'elle serait assurée, la quantité d'un a final en zend
n'est jamais une base sûre.

1183. L'a initial de ce mot auquel répond le lith. àsz (et non « ósz ») est
tout à fait énigmatique. Cf. lith. aszva = equa, apé en regard de ἐπί.

1191. Quant à la formation slave vodo-nosŭ de voda, elle est imitée du
masculin ; le grec a de même le type λογχο-φόρος de λόγχη. Considéré seul,
vodo- pourrait, étant donné le vocalisme du slave, se ramener à vada- :
une telle forme serait fort curieuse, mais le ā des idiomes congénères nous
défend de l'admettre. — M. G. Meyer (Stud. VI 388 seq.) cherche à établir
que la formation propre des langues européennes est d'abréger l'ā final ;
mais pour cela il fait sortir λογχο- (dans λογχο-φόρο) directement du thème
féminin, ce que personne, je crois, ne sera plus disposé à admettre. Les
trois composés indiens où ce savant retrouve sa voyelle brève kaça-plaká,
ukha-chíd, kša-pavant pourraient s'expliquer au besoin par l'analogie des
thèmes en -a que nous venons de constater en Europe, mais le premier
n'a probablement rien à faire avec káçā ; les deux autres sont formés sur
ukhá et kšam.

1202. La règle sur a2 devant une syllabe longue trouverait peut-être
quelquefeis son application ici ; ainsi le suff. -vant, étant long, pouvait
paralyser l'allongement de l'a2 qui précédait ; — dans áçvāvant etc. la
longue n'est dûe qu'à l'influence spéciale du v.

1213. Les formes des autres dialectes germaniques remontent, il est vrai,
à un primitif hveÞara qui est surprenant.

1221. Inutile de faire remarquer que le verbe grec δέμω, sans correspondant
asiatique — et dont Böhtlingk-Roth veulent séparer δόμος dans le
cas où on l'identifierait à damá — apporte de nouvelles complications.
Pris en lui-même, damá pourrait, vu son accentuation, être l'équivalent
de « dmá » : ce serait alors un thème autre que δόμος et qui en grec ferait
« δαμος ». C'est ainsi, sans aller bien loin, qu'il existe un second mot indien
sama signifiant quiconque, lequel devient en grec ἀμός (goth. sums),
v. le registre.

1231. Comme dans le latin -tūrus = *-tōrus, ω peut devenir ū. Hésychius
donne les formes ῥώθυνες = ῥώθωνες et θύραξ = θώραξ, sans en
indiquer, il est vrai, la provenance.

1242. Nous avons admis une épenthèse semblable dans λαυκανίη et λαυχάνη
(p. 17 et 25), chez qui l'u n'était pas comme ici un son parasite. On
a peine à se défendre de l'idée que δάφνη et sa forme thessalienne δαύχνα
remontent tous deux à *δαχϜ (cf. δαυχμόν· εὔκαυστον ξύλον δάφνης),
et l'on retrouve des doublets analogues dans ῥύγχος et ῥάμφος, dans αὐχήν,
dial. ἀμφην, éol. αὔφην (Grdz. 580). — Est-ce que dans αἰγυπιός, αἴγλη,
αἶκλov
, l'i serait dû à la gutturale palatale qui suit ? Je tenais la chose
pour probable en écrivant la note de la page 7 ; mais je reconnais que
c'était là une conjecture sans fondement.

1251. Assez fréquent, mais peu étudié, est l'échange d'α et d'υ, comme
dans γνάθος : γνυθός, μάχλος : μυκλός (Stud. III 322) ; c'est en présence
de ce fait qu'on se demande s'il est vrai que l'υ ait ni plus ni moins la
valeur d'omicron. De ces exemples il faut sans doute retrancher βυθός
qui peut élever pour le moins autant de prétentions que κεύθω à la parenté
du skr. guhati (pour le labialisme devant υ cf. πρέσβυς) ; βυσσοδομεύω
rappelle vivement le skr. gúhya. Sur le z du zend gaoz v. Hübschmann
K. Z. XXIII 393. κέκευται (Hes.) parle dans le même sens.

1262. En outre στροφαί· ἀστραπαί ; στορπάν· τὴν ἀστραπήν. Le ρα du
mot ἀστραπή vient probablement de r̥̄ (cf. véd. sr̥̄ká ?) ; στεροπή est obscur.

1273. Dans une quantité de mots dont la provenance est inconnue l'ο
doit être mis également sur le compte du dialecte, ainsi ἀποφεῖν· ἀπατῆσαι,
κρόμβος· ὁ καπυρός, βρόταχος = βάτραχος, πόλυντρα· ἄλφιτα, κόλυβος
= καλύβη, πόρδαλις etc.

1281. On trouvera sous les numéros suivants d'autres exemples de ce fait.

1292. Le même échange pourra s'interpréter de différentes manières dans
les cas suivants : ἀολλής et Ϝάλις, κόχλος et κάχληξ, κόναβος et κανάζω,
κροτώνη « nœud du bois » parent de κάρταλος et du lat. cartilago (p. 58),
μόσχος « jeune pousse » et μασχάλη « aisselle, jeune pousse », πεπορασμένος·
φανερός
Hes. rapporté par l'éditeur, M. Mor. Schmidt, à πεπαρεῖν (v. p. 60),
στρογγύλος et στραγγός.

1301. On ne voit pas bien quelle voyelle est originaire dans le cas de
favissa : fovea (comparé au gr. χείη qui lui-même n'est pas d'une formation
transparente) et de vacuus : vocivus. Quattuor et canis (v. p. 53 et 105)
montrent que vo (wo) peut devenir va.

1311. On ne voit pas bien quelle voyelle est originaire dans le cas de
favissa : fovea (comparé au gr. χείη qui lui-même n'est pas d'une formation
transparente) et de vacuus : vocivus. Quattuor et canis (v. p. 53 et 105)
montrent que vo (wo) peut devenir va.

1321. Le πέποσχα de Syracuse (Curtius l. c.) ne prouve pas davantage
l'ablaut en question : 1° parce que cette formation est toute secondaire,
2° parce que l'o peut n'être qu'une variante dialectale de l'α. — Un présent
καίνω pour κn̥yω venant de κεν est une forme claire ; quant à λαγχάνω,
sa première nasale n'est point, comme l'est celle de λέλογχα, la nasale
radicale de λεγχ : de λεγχ on forme régulièrement *λn̥χνω lequel devient
d'abord *λαχνω, puis par épenthèse *λαγχνω, λαγχάνω. V. le mot au
registre.

1331. M. Meyer propose une étymologie semblable pour αἰγυπιός (cf. p. 7).
Auparavant déjà, Pictet avait expliqué l'un et l'autre mot par avi « mouton ».
Origines Indo-européennes I1 460 seq.

1341. M. Mor. Schmidt met un point de doute à la glose d'Hésychius
ἐασφόρος· ἑωσφόρος, qui serait sans cela un exemple très-remarquable.

1352. On devait s'y attendre, car depuis bien longtemps sans doute le
son des deux ο s'était confondu.

1361. Le skr. dáhati « brûler » vient d'une rac. dha1gh1 (Hübschmann K. Z.
XXIII 391) qui donne aussi le lith. degù et le goth. dags « jour ». C'est
peut-être à cette racine qu'appartient foveo. On devrait alors le ramener
à *fohveo ou *fehveo ; cf. nivem = *nihvem. Mais le sens de foveo laisse
place à quelques doutes, qui seraient levés, il est vrai par fōmes « bois sec,
matières inflammables » si la parenté de ce mot avec le premier était
assurée. Il est singulier toutefois que defomitatus signifie ébranché (Paul.
Diac. 75 M. Cf. germ. bauma- « arbre » ?). La rac. dha1gh2 se retrouve en
grec dans τέφ-ρα « cendre » et dans le mot tuf, tofus (souvent formé de
matières volcaniques) dont le τοφιών des tables d'Héraclée rend l'origine
grecque probable. τόφος est identique au goth. dag(a)s, au skr. -dāgha.

1371. Voy. Curtius Stud. VII 392 seq. Ce qui lève les doutes, c'est le
parfait νένοται que rapporte Hérodien, appartenant à νοέω dont le Ϝ est
assuré par une inscription (Grdz. 178).

1381. Miklosich (Vergl. Gramm. II 161) pense que ce mot est d'origine
étrangère.

1391. Il faut aussi tenir compte de λυμνός· γυμνός (Hes.). Cette forme
semble être sortie de *νυμνός par dissimilation. *νυμνός est pour *νυβνός
*νογϜνός = skr. nagná.

1401. L'o est allongé par le w qui suivait.

1412. Le τ de ἀκοντ- est ajouté postérieurement ; cf. λεον-τ, fém. λέαινα.

1421. Pour des raisons exposées plus loin, nous serons amené à la conclusion
que, si une racine contient a, le présent a normalement ā long et
que les thèmes comme ăģa-, bhăģa- etc. n'ont pu appartenir primitivement
qu'à l'aoriste. Mais comme, en même temps, c'est précisément l'aoriste,
selon nous, qui laisse apparaître a à l'état pur, il ne saurait y avoir d'inconséquence
à faire ici de ces thèmes un argument.

1432. Le skr. vyāla (aussi vyāḍa) « serpent » est bien probablement proche
parent du gr. ὑάλη· σκώληξ, mais il serait illusoire de chercher à établir
entre les deux mots l'identité absolue : cf. εὐλή, ἴουλος.

1441. Pour bien préciser ce que nous entendions à la page 90, il faut
dire quelques mots sur les formes zendes ćahyā et ćahmāi. Justi les met
sous un pronom indéfini ća, tandis que Spiegel rattache ćahmāi directement
à ka (Gramm. 193). En tous cas le fait que, d'une façon ou d'une
autre, ces formes appartiennent au pronom ka ne peut faire l'objet d'un
doute. La palatale du génitif s'explique par l'a1 que nous avons supposé.
Pour le datif, il ne serait pas impossible que l'analogue grec nous fût conservé.
Hésychius a une glose τέμμαι· τείνει. M. Mor. Schmidt corrige
τείνει en τίνει. Mais qu'est-ce alors que τέμμαι ? Si nous lisons τίνι, nous
avons dans τέμμαι le pendant de ćahmāi (cf. crét. τεῖος pour ποῖος). Cependant
les deux formes ne sont pas identiques ; la forme grecque provient
d'un thème consonantique kasm- (cf. skr. kasm-in), αι étant désinence
(v. p. 92) ; au contraire ćahmāi vient de kasma-.

1451. Peut-être que le g du dernier exemple a été restitué postérieurement
à la place de ģ, sur le modèle des formes telles que ģa-gmús où la
gutturale n'avait point été attaquée. L'état de choses ancien serait donc
celui que présente le zend où nous trouvons ģamyāṭ à côté de ģa-γmaṭ.

1462. Il est remarquable que les langues classiques évitent, devant a, de
labialiser la gutturale vélaire, au moins la ténue. Dans (c)vapor, le groupe
kw est primitif, ainsi que l'indique le lithuanien, et dans πᾶς il en est
probablement de même ; πάομαι est discuté. Il ne semble pas non plus
qu'on trouve de hv germanique devant a ; toutefois ce dernier fait ne s'accuse
pas d'une manière assez saillante pour pouvoir servir à démontrer la
différence originaire de a et a2 au nord de l'Europe.

1471. Grassmann décompose le véd. māmnçćatú en mās ou māṃs « lune »
et ćatú « faisant disparaître ». Cette dernière forme répond au goth. skadus.
— Si l'on place dans la même famille le gr. σκότος, on obtient une
racine skot et non plus skat. Comparez σκοτομήνιος et māmnçćatú.

1481. Sur une plus grande échelle, en ce sens qu'outre la confusion de a1
et a, il y a eu aussi plus tard coloration de a2 en a. Voyez la suite.

1491. Sans poser de règle absolue, M. Léo Meyer dans sa Grammaire
Comparée
(I 341, 343) fait expressément ses réserves sur la véritable forme
des racines finissant par i et u, disant qu'il est plus rationnel de poser
pour racine srav que sru. Dans un article du Journal de Kuhn cité précédemment
(XXI 343) il s'exprime dans le même sens. On sait que M. Ascoli
admet une double série, l'une ascendante (i ai, u au), l'autre descendante
(ai i, au u) ; cela est en relation avec d'autres théories de l'auteur. M. Paul,
dans une note de son travail sur les voyelles des syllabes de flexion (Beitr.
IV 439), dit, en ayant plus particulièrement en vue les phénomènes du
sanskrit : « lorsqu'on trouve parallèlement i, u (y, v) et ē, ō (āi, ay, āy ;
āu, av, āv), la voyelle simple peut souvent ou peut-être toujours être
considérée comme un affaiblissement avec autant de raison qu'on en a eu
jusqu'ici de regarder la diphthongue comme un renforcement. »

1501. Nous ne voulons point dire par là que a2 soit une gradation.

1511. mējo est peut-être pour *meiho.

1521. On a voulu voir dans les futurs βείομαι, πίομαι, ἔδομαι, κείω etc.
d'anciens subjonctifs. Les deux derniers, appartenant à des verbes de la
2e classe, s'y prêtent très-bien.

1532. Très-obscur est σοῦται, à côté de σεῦται. V. Curtius l. c.

1541. Tout autre est le vocalisme de l'aoriste en -sa (á-dikša-t).

1551. βάθος et πάθος sont des formes postérieures faites sur βαθύς (p. 24)
et sur παθεῖν (p. 20).

1562. Ce nom a passé dans la déclinaison des thèmes en -ᾱ.

1571. Le masc. véidas peut fort bien continuer un ancien neutre en -es (εἶδος)

1582. Le nom ušás affaiblit la racine, mais le suffixe est différent (v. p. 12) ;
úras « poitrine » et çíras « tête » ne peuvent pas non plus être mis en parallèle
direct avec les mots comme váćas.

1593. Le superlatif, cédant à l'analogie de κρατύς etc. fait κράτιστος.

1601. ποιμήν, qui paraît contenir o, ne nous intéresse pas ici.

1612. La racine d'ἀϋτ-μήν se trouve sous sa forme pleine dans ἄ(Ϝ)ετ-μα.
Fondé sur les formes celtiques, M. Fick établit que le τ de ces mots n'est
point suffixal (Beitr. de Bezzenb. I 66). — Il n'y a pas de motif pour
mettre ὑσμίνη parmi les thèmes en -man. Le mot peut venir d'un ancien
fém. ὑσμί, à peu près comme δωτίνη de δῶτις.

1621. Un seul exemple védique enfreint la règle : vidmán « savoir, habileté ».
Remarquons bien que le grec de son côté a l'adj. ἴδμων. Cet adjectif
n'apparaît pas avant les Alexandrins. Il peut être plus ancien ; pourquoi
en tous cas n'a-t-on pas fait « εἰδμων » ? La chose est très-claire :
parce que c'est presque exclusivement ἰδ et οἰδ, et presque jamais εἰδ,
qui contiennent l'idée de savoir (εἰδώς = ϜεϜιδώς). Même explication
pour le mot ἵστωρ qui devrait faire normalement « εἵστωρ ». On pourrait,
sur cette analogie, songer à tirer de la forme vidmán une preuve de l'a2
arien en syllabe fermée. L'arien, en effet, ne devait guère posséder wa1id
que dans le subjonctif du parfait. Le Rig-Véda n'a que ávedam où l'on
puisse supposer a1 (car védas paraît appartenir partout à ved « obtenir ») ;
mais ávedam n'est pas nécessairement ancien. On conçoit donc qu'à l'époque
où l'a2 de wa2ida subsistait comme tel wa1idman ait pu paraître étrange
et impropre à rendre l'idée de savoir. Le choix restait entre wa2idman et
widman ; ce dernier prévalut.

1632. Par étymologie populaire : πνεύμων. Le lat. pulmo est emprunté
au grec. πλευρά paraît être le vieux sax. hlior « joue » (primit. « côté » ?).

1641. Pour le grec, la soudure de l'augment avec un a ou un o initial,
soudure qui s'est accomplie à une époque préhistorique, est un parallèle
très-remarquable aux contractions radicales que nous supposons. Dans
ἆγον, ὤφελον, l'ā vient de a1 + a et l'ō de a1+ o absolument comme
dans στᾱ- et δω-. On sait que M. Curtius (Verb. I2 130 seq.) se sert, pour
expliquer la soudure en question, de l'hypothèse de l'unité originaire de
l'a. Nous ne pouvons donc ni partager ni combattre sa théorie.

1653. Cette conception ne diffère pas essentiellement de celle qui a assez
généralement cours depuis Schleicher. Seulement comme kai en regard de
ki est pour nous non une gradation, mais la forme normale, nous devons
aussi partir du degré stā et non de sta. Voici, en dehors de cette différence
de principe, ce qui est modifié : 1° Modification liée d'un côté à la pluralité
des a, constituant de l'autre une hypothèse à part : différents a peuvent
former le second terme de la combinaison a + a, mais le premier
a est toujours a1. 2° Modification découlant de celle qui précède jointe à
la théorie de a2 : il s'effectue, au sein de la combinaison, un ablaut (a1 : a2).
Par là même la reconstruction a + a cesse d'être théorie pure. — La
différence de principe mentionnée, combinée toutefois avec la modification
1, s'accuse le plus nettement dans ce point-ci, c'est que l'ā long
se place au même rang que l'a bref (quand cet ă est a1), ainsi μήκος = meakos
n'est plus considéré comme renforcé en comparaison de τέκος.

1662. Pour plus de clarté, quand il est constaté que l'η d'une racine n'est
pas l'η panhellène, nous écrivons toutes les formes par .

1671. Cf. le dat. ἵππῳ = ἵππο-αι (p. 92).

1682. Le dor. πολύφᾱνος est très-douteux. Ahrens II 182.

1693. Voici des cas plus problématiques. A côté de σπατίλη et de oἰ-σπάτη ;
oἰ-σπωτή. L'homérique μεταμώνιος vient peut-être de μαίομαι,
mais le prés. μῶται, lui-même très-obscur, compromet la valeur de l'ω.
A l'ω de ὠτειλή et de βωτάζειν· βάλλειν est opposé un α dans γατάλαι,
mais οὐτάω embrouille tout.

1701. Sur les cas comme ἄγω ὄγμος v. page 102.

1711. Au moyen l'ω n'est pas primitif. Il n'existait d'abord qu'au singulier
de l'actif. Mais la valeur de cette forme comme témoin de l'ω n'en
est pas amoindrie.

1722. Sur le πτω ainsi obtenu se développent des formes fautives, grammaticalement
parlant, comme πτῶμα et πτῶσις.

1733. Durant l'impression de ce mémoire, M. Fick a publié dans les Beiträge
de Bezzenberger
(II 204 seq.) d'importantes collections d'exemples
relatives à l'ē européen. Il est un point sur lequel peu de linguistes sans
doute seront disposés à suivre l'auteur : c'est lorsqu'il place l'ē du prétérit
pluriel germanique gēbum (pour gegbum) sur le même pied relativement à
e que l'ō de for relativement à a. — Le savant qui le premier attira l'attention
sur l'ē long européen est, si nous ne nous trompons, M. J. Schmidt
Vocalismus I 14.

1741. Con-di-tus de la même racine peut se ramener à *con-da-tus.

1751. La prononciation des diphthongues lithuaniennes ai et au diffère
du tout au tout, d'après la description qu'en fait Schleicher, selon que
le premier élément est accentué ou non. Et cependant ái et ai, áu et au,
sont entièrement identiques par l'étymologie.

1762. L'échange assez fréquent de l'ā et de l'ē dans la même langue
s'explique si l'on admet que les deux produits divergents de la contraction
ea continuèrent de vivre l'un à côté de l'autre. Ainsi le v. ht-all. tāt à
côté de tuo-m, le grec κί-χημι et κι-χ-νω, πῆ-μα et πᾱ-θ (p. 152), ῥή-τωρ
et εἰρ-να ; le lat. mē-t-ior et mā-teries. — Un phénomène plus inattendu
est celui de la variation ē-ā dans le même mot entre dialectes très-voisins.
Il va sans dire que ce fait-là ne saurait avoir de rapport direct avec
l'existence du groupe originaire ea. Ainsi les mots ἥβα, ἡμι-, ἥσυχος, ἥμερος,
prennent dans certains dialectes éoliques et doriques, η dans d'autres.
V. Schrader Stud. X 313 seq. La racine βᾱ donne en plein dialecte
d'Héraclée βου-βῆτις. En Italie on a l'incompréhensible divergence de
l'optatif ombr. porta-ia avec s-iē-m (= gr. εἴην). Le paléoslave a rěpa en
regard du lith. ropė lequel concorde avec le lat. rāpa etc. M. Fick compare
à ce cas celui du sl. rèka « fleuve » opposé au lith. rokė « pluie fine »
(II3 640). Ici l'hypothèse d'une métaphonie produite par l'i suffixal qui se
trouve dans l'ė lithuanien aurait un certain degré de vraisemblance. —
Enfin un troisième genre de phénomènes, c'est la coloration germanique
et éléenne de l'ē en ā qui est un souvenir de l'ancien groupe ea, en ce
sens qu'elle indique que l'ē européen était en réalité un ǟ fort peu différent
de l'ā. En latin même on a vu dans l'ae de saeclum, Saeturnus (cf.
Sāturnus) l'essai orthographique d'exprimer un ē très-ouvert.

1771. Il sera bon peut-être de résumer dans un tableau les différentes
espèces d'a brefs et d'a longs (c.-à-d. doubles) que nous avons reconnues.
Voici les a du gréco-italique et du germanique groupés d'abord uniquement
d'après les caractères extérieurs :
tableau Gréco-italique | e | a | o | ē | ā | ō | germanique
En marquant la relation des différents a entre eux on obtient :
tableau etat | primordial | gréco-italique | germanique | e | a | o | ē | ā | ō | ea | Ā1 | eo | o1 | o2 | o2a | ā2 | o2o | o2
Cf. le tableau de la page 135.

1781. Il semblerait, si ἔστατο chez Hésychius n'est pas corrompu de
ἕστατο, que ἔστᾱν ait eu un moyen εστμην.

1791. Pour écarter les doutes qui pourraient encore surgir relativement
à l'extension de la forme forte telle qu'on la doit supposer ici pour le
sanskrit, il faut mentionner qu'à l'optatif en -yā, le pluriel et le duel de
l'actif (dvišyāma, dvišyāva etc.) sont manifestement créés postérieurement
sur le modèle du singulier. V. § 12.

1801. Les exemples de parfaits glosés dans Hésychius par des aoristes ne
sont point rares, ainsi que l'a fait voir M. Curtius Stud. IX 465. — Il faut
considérer avant tout que le grec ne connaît de l'aoriste non-thématique
redoublé que quelques formes d'impératif (κέκλυτε etc.).

1811. On a, il est vrai, l'optatif du parfait védique papīyāt, mais, outre
que cette forme n'est pas concluante pour la flexion du thème de l'indicatif,
l'ī peut y résulter d'un allongement produit par y. Cf. ģakšīyāt.

1821. Patar est, paraît-il, une fausse leçon. V. Hübschmann dans le dict.
de Fick II2 799.

1831. Devant n, ph devient f, v, b ; puis ἔλαβον prend b par analogie. Cf.
θιγγάνω, ἔθιγον en regard de τεῖχος.

1841. Pour le fait de l'amplification cf. μεν-θ et μᾱ-θ qui viennent de
men et (μῆτις), βενθ et βᾱθ qui viennent de g2em et g2ā etc. Curtius
Grdz. 66 seq. Dans plusieurs cas l'addition du déterminatif date de la
langue mère ; ainsi βεν-θ, βᾱ-θ, βᾱ-φ (βάπτω), ont des corrélatifs dans le
skr. gam-hh, gā-dh, gā-h. D'autres fois elle n'a eu lieu évidemment que
fort tard comme dans le gr. δαρ-θ « dormir » ou dans πεν-θ. Ces derniers
cas, considérés au point de vue de l'histoire de la langue, ne laissent pas
que d'être embarrassants. On ne voit guère par où l'addition du nouvel
élément a pu commencer.

1852. Nous nous en tenons à l'ancienne étymologie de παθεῖν. Dans tous
les cas celle de Grassmann et de M. J. Schmidt ne nous semble admissible
qu'à la condition d'identifier bādh non à πενθ, mais à πᾱθ.

1861. La rac. λᾱθ est sortie de (p. 61) comme πλη-θ de πλη, mais le
paradigme qui lui a été imposé était ancien. — Il va sans dire que leathō
est une transcription schématique, destinée seulement à mettre en évidence
la composition de l'ā long ; à l'époque où les éléments de cet ā
étaient encore distincts, l'aspirée eût été probablement dh.

1871. Pour la signification v. Ahrens II 343.

1882. Il est vrai qu'il y a aussi un verbe ψώχω dont le rapport avec
ψήχω n'est pas bien clair.

1891. Il est naturel que cette formation, une fois qu'elle eut pris l'immense
extension qu'on sait, ne se soit pas maintenue dans toute sa rigueur. Evidemment
un grand nombre de verbes de la 1re classe ont, sans rien changer
à leur vocalisme, passé dans la quatrième. Ainsi τείρω, cf. lat. tero, δείρω
à côté de δέρω (quelques manuscrits d'Aristophane portent δαίρω qui serait
régulier), φθείρω (dor. φθαίρω) etc.

1901. Il est vrai qu'au parfait l'ι et l'υ subissent ordinairement un allongement
(κέκῡφα), mais cela est tout différent de la diphthonguaison, et l'
long ne se peut jamais mettre en parallèle qu'avec la diphthonguaison.

1911. Trāho paraît bien n'être qu'un composé de veho.

1921. On ne connaît pas le présent de rabere ; celui de apere paraît avoir
été apio.

1932. Il est douteux que γράω et λάω soient pour γρασ-ω et λασ-ω.

1943. Dans son glossaire Schleicher donne lakiù.

1951. στίχουσι donné par Hésychius a été restitué dans le texte de Sophocle,
Antigone v. 1129. — Le nombre des présents de cette espèce est
difficile à déterminer, certains d'entre eux étant très-rares, comme λίβει,
λίβων
pour λείβεί, d'autres, comme γλίχομαι, que plusieurs ramènent à
*γλισκομαι, étant de structure peu claire, d'autres encore comme λύω devant
être écartés à cause de l'ū long du sanskrit.

1962. Pour saisir dans son principe le fait employé ici comme argument,
il faut en réalité une analyse un peu plus minutieuse.

Tout d'abord, il semble qu'on doive faire une contre-épreuve, voir si
les thèmes contenant ε ne se trouvent pas dans le même cas, que ceux
contenant α. Cette contre-épreuve est impossible a priori, vu qu'un thème
contenant ε est fort, et qu'un aoriste fort ne peut qu'être hystérogène.
L'aoriste régulier des racines contenant ε a toujours la forme πτ-ε.

En revanche le soupçon d'une origine récente ne saurait atteindre les
aoristes tels que φαγεῖν, vu leur ressemblance avec le type λαθεῖν de
λήθω. Le fait se résume donc à ceci : au temps où l'aoriste était pur de
formes fortes, où il ne contenait que des formes faibles ou des formes dont
on ne sait rien, les différentes espèces de thèmes dont il s'agit se répartissaient
de la manière suivante entre l'aoriste et le présent :
tableau présent | πετέ | λίτε | μάχε | aoriste | δικέ | φαγέ

Pour que les thèmes du type μαχε- pussent comme ceux du type λιτε- et
à l'encontre de ceux du type πετε- se fléchir comme oxytons (soit à l'aoriste),
ils devaient être des thèmes faibles
.

Du reste nous ne demanderions pas mieux que de donner pour un instant
droit de cité aux aoristes isolés contenant ε, et de faire le simulacre
de la contre-épreuve. On n'en trouverait qu'un seul : ἑλεῖν (εὑρεῖν = Ϝε-υρ-εῖν),
en revanche le présent est peuplé littéralement de ces formes.
Mais cette confrontation, qui a l'air très-concluante, n'aurait à notre point
de vue qu'une valeur relative.

1971. Sans doute il y aussi des ē longs, mais dans un nombre de racines
extrêmement limité et qu'il serait injustifiable de vouloir confondre avec
le type bher. Nous abordons ces racines à la p. 166.

1981. A la page 122 nous nous sommes montré incrédule vis-à-vis des
transformations d'ablaut d'une certaine espèce et avec raison, croyons-nous.
Mais ici de quoi s'agit-il ? Simplement de la suppression d'un des trois
termes de l'ablaut, suppression provoquée principalement par la perte du
présent.

1991. Le germanique n'est pas sans offrir un ou deux exemples analogues.
Ainsi le goth. dags (dont la racine est deg si l'on peut se fier au lith. degù)
est accompagné de fidur-dogs, ahtau-dogs. Sans dœgr (cf. ci-dessus), on
pourrait songer à voir dans -dogs le même allongement singulier que
présente le second terme des composés indiens çatá-çārada, pr̥̄thu-ģāghanā,
dvi-ģāni
, et qui, en grec, se reflète peut-être dans les composés comme
εὐ-ήνωρ, φιλ-ήρετμος, où l'allongement n'était pas commandé par une succession
de syllabes brèves. — L'allongement du lat. sēdare (v. p. 168) et
du gr. τρωπάω (v. ce mot au registre) n'a rien de commun, croyons-nous,
avec les phénomènes slaves dont nous parlons.

2001. M. Brugman Stud. IX 386 dit quelques mots sur ῥήγνυμι : ἔρρωγα :
Il considère l'ω de ἔρρωγα comme une imitation postérieure du vocalisme
de κέκλοφα.

2011. Nous ne saurions adopter la théorie qui ramène l'ē des verbes gothiques
de cette classe à a + nasale, théorie que défend en particulier M.
J. Schmidt Voc. I 44 seq. M. J. Schmidt accorde lui-même que pour leta et
greta les arguments manquent et que dans blesa rien ne peut faire supposer
une nasale. En outre l'auteur part du point de vue que l'ā germanique
est antérieur à l'ē. Dès qu'on cesse de considérer ē comme une
modification de l'ā, a + nasale ne doit faire attendre que ā comme dans
hāhan. L'ō du parfait, dans la même hypothèse, s'explique encore bien
moins : cf. haihāh. Enfin celui qui soutient que redan est pour *randan
ne doit pas oublier que par là il s'engage à approuver toute la théorie des
ā longs sanskrits sortis de an, vu qu'à reda correspond rādhati.

2022. Dans ῥωγαλέος l'ω est irrégulier, si l'on compare λευγαλέος, είδάλιμος,
πευκάλιμος
 ; mais Hésychius a ὐρειγαλέον, v. Curtius Grdz. 551.

2033. A la p. 84, le germ. saga est rangé parmi les formations qui ont a2.
Cela est admissible si on prend soin de déclarer saga hystérogène. Mais
peut-être l'α de ce mot répond-il à l'α de saxum.

2041. On a reconstruit « εἴϜοθα » en supposant une action progressive du
digamma sur l'o (Brugman Stud. IV 170). Le seul bon exemple qu'on pût
citer pour une modification de ce genre, c'étaient les participes comme
τεθνηῶτα. Cet exemple tombe, si l'on admet que l'ω est emprunté au nominatif
τεθνηώς, ce qui est à présent l'opinion de M. Brugman lui-même
(Κ. Z. XXIV 80). A ce propos nous ne pouvons nous empêcher de manifester
quelque scepticisme à l'égard des innombrables allongements tant
régressifs que progressifs qu'on attribue au digamma. Peut-être ne trouverait-on
pas un cas sur dix qui soutînt l'examen. Ici la voyelle est longue
dès l'origine, par exemple dans κλᾱΐς, νηός, ἧος, ἔκηα, θηέομαι, φεα
etc. ; là il s'agit de l'allongement des composés comme dans μετήορος ;
ailleurs c'est une diphthongue qui se résout comme dans ἠώς pour *ausōs,
*auōs, *auwōs, *āwōs
(cf. dor. ἐξωβάδια, πλήων venant de *ἐξουάδια,
πλείων). Et comment explique-t-on que les mots comme γλυκύς, sauf ἐΰς
ἐήος
, ne fassent que γλυκέος quand τοκεύς fait τοκῆος ? — Nous reconnaissons
bien que certaines formes, p. ex. ἤειρε de εἴρω, ne comportent jusqu'à
présent que l'explication par le digamma.

2051. Nous ne comptons pas les formes redoublées comme ćākaçīti de
kāç, asīšadhat de sādh, badbadhāna de bādh. Les a brefs de cette espèce
sont dûs à la recherche du rhythme plutôt qu'à autre chose.

2061. Il va sans dire que sādana dans le sens d'action de poser (sādayati)
ne peut pas être cité.

2071. Fröhde K. Z. XXIII 310. Ajoutons pro-ceres pour *pro-cases = skr.
pra-çíšas « les ordres », de même qu'en Crète κόσμοι signifie les magistrats.

2082. Le rapprochement du goth. niÞan avec le skr. nāthitá « inops » n'est
rien moins que satisfaisant. Quant à bhraģati en regard du gr. φλέγω, le
lat. flagrare avertit par son α que la racine est bhlēg et que l'e de φλέγω
est de même nature que dans ἕξομ αι de sēd. Pour le lat. decus en regard
du skr. daçati, l'ο des mots grecs δόγμα, δέδοκται (cf. p. 131) nous rend le
même service. La racine est deok : δέδοκται est à *dēcus (converti en decus)
ce que ἐπί-ρροθος est au goth. reda (p. 169). — On trouve dans le
Rig-Véda un mot bharman de la racine qui est en Europe bher. L'allongement
aura été provoqué par le groupe consonantique qui suit comme il
faut l'admettre, je pense, pour hardi « cœur », paršn̥i cf. πτέρνα, māṃsá
— goth. mimza-.

2091. Les présents où nous restituons a ne sont pas les seuls où l'accent
doit avoir subi ce déplacement : dáçati de la rac. daṃç est forcément pour
*dáçati, *dn̥çáti (cf. δακεῖν).

2101. M. Brugman la donne peut-être indirectement en émettant la présomption
que les phonèmes a1 et a2 ne terminent jamais la racine.

2111. Ni les aoristes comme āģiģat ni les désidératifs tels que pits de
pat ne sauraient infirmer cette règle. La valeur de l'i des aoristes est
nulle puisqu'il apparaît même à la place d'un u (aubģiģat), et les désidératifs
doivent peut-être le leur à un ancien redoublement.

2121. M. Brugman cite nák niçás pour corroborer son opinion relative à la
déclinaison de r̥̄é, pr̥̄é etc. où il pense qu'il y a eu autrefois des formes
fortes. Mais tant qu'on n'en aura pas l'indice positif nous nous autoriserons
au contraire des nominatifs r̥̄k, pr̥̄k etc. pour dire que nák est forme
faible
à l'égal de niç-ás. La forme non affaiblie de ce thème ne pourrait
être que náç-.

2132. Les nominatifs anciens étaient *tisáras (zd. tisarō) et *ćatásaras
(forme que Grassmann croit pouvoir rétablir dans un passage du Rig-Véda),
mais cela ne change rien à l'accentuation. — Pour l'identité de la
fin de *ćatásaras avec tisáras on peut remarquer que le premier élément
de *ćatásaras se retrouve à son tour dans la 2e moitié de páńća.

2143. Cette forme est doublement fictive, car le son qui a donné i se fond
avec les sonantes qui précèdent en une voyelle longue (v. chap. VI).
Nous devrions donc écrire, pour être exact, « sūdáti ».

2151. Il nous semble, d'après tout ce qui précède, qu'il faut expliquer
datus, catus en regard de dōs, cōs (comme satus en regard de sēmen) au
moyen de la voyelle indéterminée. Le mot nates comporte la même supposition,
si l'on juge l'o de νόσφι de la même manière que l'o de δοτός (ν.
plus bas).

2161. Déjà à la p. 169 nous avons eu l'occasion de contester que l'η de
ἔκηα vînt du digamma : ἔ-κηF-α est à keau ce que ἔ-σσευ-α est à seu. La
flexion idéale serait ἔκηα, *ἔκᾰυμεν, *ἔκᾰυτο, cf. ἔσσευα, *ἔσσυμεν, ἔσσυτο
(p. 21, 146).

2171. Nous ne trouvons que 3 exemples qui puissent à la rigueur prétendre
à un âge plus respectable : 1° Lat. laedo, cf. skr. srédhati. Comme
toutes les formes parentes montrent e (v. p. 75), ce rapprochement ne peut
être maintenu qu'à condition d'admettre une perturbation du vocalisme
dans la forme latine. 2° Gr. σαυσαρός, cf. skr. çúšyati. Nous n'attaquons
pas ce parallèle ; nous ne nous chargeons pas non plus d'expliquer l'α du
grec, mais il faut tenir compte de l'e du v. ht-all. siurra « gale », v. Fick
III8 327. L'a du lith. sáusas (cf. p. 69) peut se ramener à volonté à e, a2
ou a. 3° Lat. candeo, gr. κάνδαρος, cf. skr. cándrá. Ce dernier cas est un
peu plus redoutable que les deux premiers. Cependant le groupe an peut,
ici encore, provenir d'un affaiblissement tel que ceux dont nous parlerons
au chap. VI.

2181. Il faut avertir le lecteur que nous restituons a1 par hypothèse à
certaines racines telles que « pourrir » qui ne le montrent plus nulle
part et que nous considérons de plus près au chap. VI.

2191. Il est beaucoup plus admissible de ramener l'υ du gr. δείκνῡμι à
la diphthongue ευ que de supposer que l'o du skr. str̥̄ṇómi sorte de ū. L'ū
des formes iraniennes n'a rien à faire avec l' grec ; c'est un allongement
de l'u des formes faibles. Peut-être la suppression de la diphthongue suffixale,
en grec, fut-elle occasionnée par l'introduction secondaire de la diphthongue
radicale, les formes comme *ζευγνευμι, *δεικνευμι, étant d'une
prononciation difficile. Si le verbe κινέω, à côté de κίνυται, est pour κινέϜω,
nous aurions là un dernier reste de l'e.

2201. Sur le skr. píparti etc. v. p. 191.

2212. Sur le grec -σο, -το etc. v. p. 101 seq.

2221. Comme nous l'avons dit p. 40 seq. nous supposons que raikm devant
la voyelle initiale d'un mot venant après lui dans la phrase aurait
été monosyllabe ; qu'en général l'm de la 1e personne ne faisait syllabe
que dans les cas de nécessité absolue.

2232. Ou rikma1dhá, rikwadhá ?

2243. Par altération secondaire -na- est devenu -nA-, v. p. 178 seq.

2251. Si l'on admet cette explication, l'hypothèse de la priorité des désinences
secondaires n'est plus absolument nécessaire. Au reste certains
faits ne seraient pas loin de nous faire croire que les sonantes i, u, r̥̄, n̥,
suivies ou non d'un phonème, étaient incapables de prendre l'accent, et
que la désinence pour attirer le ton devait contenir un a (a1, a2, a). C'est
la 3e personne du pluriel qui est en question. En sanskrit le présent de la
rac. cās fait suivant Pāṇini çasmi, çassi, çasti, çišvás, çišmás, çasati (cf.
marģanti). Les présents redoublés, sans montrer, il est vrai, la racine
pleine, évitent cependant d'accentuer -n̥ti et retirent le ton sur la réduplication :
píparmi, pipr̥̄más, píprati. Enfin devant la désinence -us ou -ur,
bien qu'elle n'ait rien de commun avec la première (J. Darmesteter Mém.
Soc. Ling. III 95 seq.), on trouve réellement la racine pleine, vivyaćus, avivyaćus
en regard de viviktás, viveçus, áģuhavus, açiçrayus etc. V. Delbrück
Altind. Verb. 65.

Tout cela semble témoigner d'une époque où la 3e personne du pluriel
à l'actif était une forme forte. Et cependant d'autres indices y contredisent.
Ne retrouvons-nous pas dans les langues les plus diverses le pendant
du skr. s-ánti « ils sont » où l'a1 radical est perdu ? Oui, mais ici se
présente une nouvelle complication. Ni le gr. ἐντί ni le lat. sunt ni le
sl. sątĭ ni le goth. sind ne s'accordent avec un primitif sn̥ti à nasale sonante,
et l'on se demande si l'affaiblissement radical incontestable pour
cette forme ne tiendrait pas précisément à la nature particulière de la désinence.
Nous ne voulons pas nous perdre dans ce problème très-compliqué
déjà effleuré p. 39 i. n. Il nous semble qu'en somme la première théorie,
basée sur les désinences secondaires, satisfait davantage que celle-ci.

2261. Bopp Kr. Gramm. der Sanskr.-Spr. § 349. Delbrück Altind. Verb.
p. 178 seq.

2272. Bopp considère que l'accentuation de διδοῖτο, διδοῖσθε, doit faire
admettre que la contraction s'est accomplie dans le grec même. Mais qui
sait si cette accentuation existait ailleurs que dans l'écriture où la théorie
grammaticale ne pouvait manquer de l'amener. C'est ainsi que τιθεῖσι
n'est propérispomène que grâce aux fausses conclusions tirées de τίθέασι,
v. Brugman Stud. IX 296. — On sait que M. Benfey pose īā comme
caractéristique. Les arguments objectifs pour l'ī long se bornent à ceci :
1° On trouve une fois dans le Mahābhārata bhuńģīyām ; 2° Rig-Véda
X 148, 2, le mètre, dit l'auteur, demande sahīās (dāsīr víçaḥ surieṇa sahīās).
Il serait plaisant que nous nous mêlions d'attaquer M. Benfey sur des
points de métrique védique. Nous avouons seulement, comme impression
toute personnelle, être peu satisfait d'une pareille chute de trišṭubh et l'être
bien davantage de suri]eṇa sahyās (–˘––), quand même on devrait faire
deux syllabes de l'ā de dāsīr, parce que du moins la 8me syllabe du
pada se trouve ainsi être une longue, selon l'habitude. Quant à duhīyat,
M. Benfey y voit une forme thématique. Nous sommes donc en droit d'y
supposer le thème faible duhī-. — Parmi les optatifs que donne Delbrück
(l. c. 196) on trouve ģakšīyāt. Outre que dans le texte cette forme est
placée tout près de papīyāt, l'ī peut s'expliquer comme voyelle de liaison
(allongée par l'effet de y).

2281. En sanskrit l'optatif de la 3e classe accentue au moyen la syllabe
de réduplication. Rien n'indique que cette particularité soit primitive.

2291. On sait que l'οι de la 3e pers. sing. de l'optatif grec (παιδεύοι) ne
compte jamais pour brève, et en conséquence l'accent reste sur la pénultième.
Il y a peut-être là, comme on l'a supposé, un indice de l'ī long.

2302. On pourrait supposer que primitivement le ton passait sur les désinences
et qu'en même temps l'a2 du singulier était remplacé par a1 :
3e sg. tudá2īt plur. tuda1īmá. Ceci permettrait à la vérité d'établir entre
nesi et nesěmŭ la même proportion qu'entre vlŭci (λύκοι) et vlŭcě (*λυκει,
v. p. 91). Mais, outre qu'en général l'ōi et l' du zend paraissent varier
sans règle fixe, on ne voit pas en vertu de quelle loi l'a, au lieu de tomber
au pluriel, se serait contenté de devenir a1.

2311. L'accentuation du pronom skr. a dans les formes comme asyá
côté de ásya) sera née secondairement, quand le besoin de distinguer certaines
nuances se sera fait sentir (voy. le dictionnaire de Grassmann, col. 207).
Celle qu'accuse le goth. þize, þizos, paraît être simplement proclitique : le
sanskrit a tásya, téšām, tásyās.

2322. Nous devons nous contenter de citer la théorie différente et très-complète
que M. Bergaigne a présentée sur ce sujet Mém. Soc. Ling. II
371 seq. Comme cette théorie est liée intimement à la question de l'origine
des désinences et de la flexion en général, la discussion qu'elle demanderait
ne manquerait pas de nous entraîner fort loin.

2331. Les thèmes qui ne finissent pas par une sonante font exception ; le
locatif y a été mêlé aux cas faibles : tudatí, vidúši etc. — De quelque
manière qu'on doive expliquer les locatifs védiques sans i comme mūrdhán,
ils ne peuvent infirmer en rien la théorie.

2341. Est-ce que νύκτωρ serait pour *νυκτορς, νυκτr̥̄ς ? Cf. ἡμέρας τε καὶ
νύκτωρ
= ἡμέρας τε καὶ νυκτός.

2352. L'accent, dans κύων, a été reculé ; cf. skr. çvā.

2363. Hésychius donne : ῥάνα· ἄρνα. Ῥωμαῖοι δὲ βάτραχον. Μ. Mor.
Schmidt écrit ῥᾶνα, ce qui est nécessaire pour la seconde partie de la
glose, mais peu probable pour la première. On ne pourrait attendre que
ῥῆνα. Nous pensons que les gloses ῥάνα et ῥᾶνα se sont confondues et que
ν- et ἄρν- remontent tous deux à Ϝr̥̄ν, comme δρατός et δαρτός à δr̥̄τός.

2371. M. L. Havet (Mém. Soc. Ling. II 177) a montré que ce thème vient
d'une racine di (dai) et point de diw (dyau).

2381. On pourrait dire qu'il y a ici le même allongement du nominatif
que pour fōt- (p. 213). Mais Ζεύς (v. ci-dessus) montre qu'un thème comme
ga1u n'eût point allongé le nominatif. — J'ai été rendu attentif à la forme
chuo par M. le Dr Kögel qui du reste l'expliquait différemment.

2391. Le dor. βῶς, βῶν, n'est que la transformation de βοῦς, βοῦν.

2402. A moins d'admettre un allongement du nominatif coexistant avec l's.

2413. Il est inutile de forger un mot bāhava tout exprès pour expliquer
cette forme.

2424. Au masculin pĕrĕçāum est opposé en sanskrit le féminin párçu.

2431. Parmi les nombreuses formes que cite M. Ahrens, il ne se trouve
aucun accusatif qui ait l'i souscrit ou adscrit, preuve que l'ω n'y est point
primitif comme au nominatif, et qu'il est bien sorti de -ο(y)α. La terminaison
-οyα à son tour ne saurait être très-ancienne. La forme pure serait
-οιν. On a cru en effet avoir conservé des accusatifs comme Λατοῖν, mais
M. Ahrens montre qu'ils proviennent d'une fausse leçon. Ils avaient donc
péri dès avant l'époque historique. On peut comparer plus ou moins *Λητοyα
pour *Λητοῖν à ἡδέϜα pour ἡδύν.

2442. Le savant professeur conjecture seulement que l'analogie des formes
comme δαίμων aurait, dans de certaines limites, agi sur les mots en -ῳ.
V. Erläuterungen 2 55 i. n.

2451. Le Rig-Véda a un génitif sing. (et accusatif pl.) ušás. On le tire,
avec raison probablement, d'un thème . Y supposer la continuation de
la forme faible us-s- serait invraisemblable à cause du double s qui serait
représenté par š.

2462. Les déplacements d'accent restent naturellement les mêmes, du
moins dans le mot simple. En composition, où ils sont censés avoir lieu
également (Benf. Gramm. p. 319), l'usage védique contredit à la règle.
Toutefois vi-mr̥̄dh-ás R. V. X 152, 2, témoigne bien que la règle n'a
pas tort.

2473. Tout renforcement nasal et toute perte de nasale étant choses
étrangères à l'indo-européen, il est évident que la flexion du skr. yúģ qui
fait yúńģ aux cas forts ne peut pas être ancienne. Du reste, dans le Rig-Véda,
la forme yuńģ- est extrêmement rare.

2481. Il y a de rares exceptions qui ne sont qu'apparentes. Ainsi púmān
(dat. puṃsé) aura été d'abord oxyton, ainsi que le suppose le vocalisme de
la racine. On peut en dire autant de svàr (súar) qui donne un dat. védique
sūré. Sur sānu, gén. snós, v. p. 221 seq.

2491. C'est ce qui paraît être l'opinion de M. Brugman (Stud. IX 383).

2502. La langue védique semble faire quelque différence entre les thèmes
en -man selon qu'ils sont oxytons ou paroxytons. De ces derniers on a
par exemple ģémanā, bhūmanā, bhūmanas, yāmanas. Au contraire premán,
prathimán, mahimán, donnent les instrumentaux pre, prathinā, mahinā,
où le rejet de l'm atteste la grande pression que subissait le suffixe. Mais
bhūmanas, yāmanas, peuvent être une imitation de kármaṇas, vártmanas,
et d'autre part le paroxyton áçman fait en zend ashnō au génitif (Spiegel
Gramm. 156). — Les thèmes faibles yūn- et maghon- de yúvan et maghávan
ne prouvent pas grande chose en faveur de la dégradation des paroxytons ;
noue avons trop peu de garanties relativement à l'ancienneté de leur accentuation.
La même remarque s'applique aux mots comme sákhai- sákhi-.
Cf. sakhíbhyas, Benfey Vollst. Gramm. p. 320.

2511. On s'étonne que dans le même travail l'auteur s'efforce de tirer un
parallèle entre les thèmes dont nous parlons et les thèmes à liquide et à
nasale, parallèle que l'énoncé même de sa règle rend à notre sens chimérique.

2521. Dans un article sur la gradation des voyelles (Académie de Vienne
LXVI 217) M. Fr. Müller attirait l'attention sur l'antithèse des déclinaisons
de yuktí, mr̥̄dú, et des thèmes consonantiques. Il faisait remarquer
que le premier genre de thèmes affaiblit le suffixe précisément dans les
formes qui pour les seconde sont fortes. Mais — outre que la « déclinaison
consonantique » contient aussi, comme nous l'avons vu, des thèmes
en i et en u — l'antithèse est pour ainsi dire fortuite : elle n'existe que
dans la limite donnée par le principe des deux flexions et la nature des
désinences. Au locatif et au vocatif les paradigmes se rencontrent nécessairement :
mr̥̄do cf. Ζεῦ, datar ; sūnavi (véd.) cf. dyávi, dātári.

2531. Nous devrions dire vāsto, ἄστευ etc. Malheureusement en nommant
les thèmes sous cette forme, on s'expose à plus d'un malentendu.

254 Voir note 253.

2551. Exemples : íšas, kšápas, gíras, túģas, díças, drúhas, dvíšas, dhíyas,
dhúras, púras, pr̥̄kšas, psúras, bhídas, bhúģas, bhúvas, míhas, mr̥̄dhas,
yúdhas, rípas, vípas, víças, vr̥̄tas, vríças, çríyas, stúbhas, spáças, spr̥̄dhas,
sráģas, srídhas, srúcas, hrútas
. V le dictionnaire de Grassmann.

2561. En faveur de l'accentuation pitr̥̄bhis, on peut remarquer qu'elle est
de règle pour les monosyllabes composée de racine + suffixe, comme
νí-bhis, dyú-bhis, snú-bhis, stí-bhis. Si -bhis avait originairement possédé
toujours le ton, on attendrait certes « cibhís, dyubhís etc. ».

2571. Notons bien que l'instr. sg. pitra, le dat. pitré, ne donnent lieu à
aucune remarque semblable. — Pitaros avait à coup sûr le ton sur la
2e syllabe.

2582. Les formes grecques comme τέρεν, εὔδαιμων etc. sont hystérogènes.

2593. Il y a un neutre sthātúr (l'opposé de ģagat) dont je ne m'explique
pas la syllabe finale.

2601. Le pluriel indien dyavas en regard de Ζῆν = *Ζευν doit sûrement
son ā long au voisinage de dyaus et de dyam (sur lesquels v. p. 197) ou à
l'analogie de gavas.

2612. L'ancien accusatif en -τερα a laissé une trace dans les féminins en
-τειρα. Ceux-ci en effet n'ont pu être créés que sur ce modèle, le type
-τρια étant le seul qui réponde au skr. -trī.

2623. Usener, Fleckeisen's Jahrb. 1878 p. 51.

2634. Rien n'est plus incertain que les étymologies qui tirent le lat. mulier
et le gr. ὑγιής des thèmes du comparatif en -ya2s.

2641. Le norr. fōt- est encore consonantique. Le goth. fotu- est né de
fot- comme tunÞu- de tunÞ-. La langue a été induite en erreur par le dat.
pl. fotum et l'acc. sg. fotu lesquels provenaient du thème consonantique.

2651. La conjecture de M. Brugman (l. c. 98 seq.) part du point de vue
que la présence de l'a aux cas faibles des noms en -yas est irrégulière, ce
dont nous ne pouvons convenir (p. 203 seq.). — Ce qui précède fait voir
que padás, *ušasás auraient a1 quand même la permutation n'y serait pas
forcée. Néanmoins nous avons cru qu'il était plus juste de présenter la
chose comme on vient de la lire.

2661. L'aspirée dh a subsisté, pensons-nous, dans ce mot jusqu'au jour
où naquit la forme dhúr « timon, avant-train » venant de dhr̥̄. L'équivoque
perpétuelle qui s'établit alors entre dhúr et les cas faibles de *dhvar (comme
dhuram) poussa à différentier ces formes.

2672. M. Leo Meyer a vu dans ὄαρ le représentant grec de swa1sar, opinion
à laquelle personne n'a adhéré. En revanche il n'y a aucune difficulté
phonique à identifier avec skr. svásāras ἔορες· προσήκοντες, συγγενεῖς ; cf.
ἔορ· θυγάτηρ, ἀνεψιός (probablement un vocatif), εὐρέσφι· γυναιξίν. Un
grand nombre d'autres formes voisines quoique assez hétérogènes ont été
réunies par M. Ahrens Philologus XXVII 264. La déviation du sens n'a
pas été plus grande que pour φράτηρ.

2681. La quantité de l'a varie en zend, comme dans tant d'autres cas. On
ne saurait y attacher grande importance. En sanskrit aryamán fait aryamắṇam,
mais c'est un composé de la rac. man.

2692. Sur l'anomalie de ces noms en gothique où ils présentent a dans
le suffixe (fadar etc.), anomalie que ne partagent point les autres dialectes
germaniques, v. Paul Beitr. IV 418 seq.

2703. Après que l'n se fut évanoui on forma des composés comme ἄστομος
au lieu de *ἀστόμων.

2714. Le rapport de κέρας et χρυσό-κερως n'a évidemment rien de commun
avec celui de πῆμα et ἀπήμων, -κερως étant une simple contraction
de -κεραος. Au contraire celui de πεῖραρ (-ατός) et ἀ-πείρων serait intéressant
à étudier.

2721. Cf. p. 93, 217.

2731. La coloration divergente de l'a dans pá1Ku et dá2ru, gá2nu, sá2nu,
dépend de facteurs que nous ne connaissons pas. Supposer la même influence
des sonantes que plus haut p. 87 serait une conjecture assez frêle.
Peut-être le masculin pa1kú et les cas obliques oxytons où l'a1 était
forcé ont-ils influé par analogie sur le nomin. *pá2ku. — Je ne sais
comment il faut expliquer le datif védique (masculin) páçve si ce n'est
par l'attraction qu'exerce l'a radical (p. 174). — M. Brugman (l. c.) montre
qu'il a existé une forme ga1nu à côté de gnu et ga2nu ; de même l'irland.
derucc « gland » joint au lith. dervà, au sl. drěvo (J. Schmidt Voc. II. 75)
remonte à da1ru. En tous cas il paraît inadmissible que cette troisième
forme ait alterné dans la déclinaison avec les deux premières. Sur le lat.
genu et le véd sanubhis cf. p. 47, 46.

2741. Les nominatifs-accusatifs du pluriel et du duel devront rester en
dehors de notre recherche, vu l'incertitude qui règne sur leur forme primitive.

2751. Par une extension du thème nasal, le dialecte védique forme aksábhis.
Le duel akšibhyām est encore plus singulier.

2761. Le génitif consonantique zend açtaçća pourrait suggérer que le
nominatif-accusatif a été primitivement ast, et que asti- était réservé aux
cas du pluriel. Cf. plus bas les 3 thèmes du masculin.

2772. paripanthín contient le suffixe secondaire -in.

2781. Le fém. napti prouve que l'ā de nápātam est a2, autrement il devrait
rester une voyelle entre p et t. Le lat. nepōtem a pris, ainsi que
datōrem, son ō au nominatif (v. p. 213). L'irl. niae, gén. niath ne décide
rien quant à la quantité de l'a (cf. bethăd = βιότητος, Windisch Beitr. de
P. et B.
IV 218), mais il s'accommode fort bien de a2. Cf. enfin νέποδες(?).
— La substitution de nápt-r-bhis à « naptbhis » aurait une certaine analogie
avec une particularité de la déclinaison védique de kšip et de kšap :
ces mots font à l'instrumental plur. kšíp-ā-bhis, kšap-ā-bhis.

2791. Voici quelques exemples : indo-eur. yugá, skr. ušá, kr̥̄çá, piçá, bhr̥̄ça,
vr̥̄dhá, vrá
, etc., zd. gĕrĕδa « hurlant » de gared, bĕrĕģa « désir » de bareģ ;
gr ἀγός, ὀφλοί· ὀφειλέται, στραβός de στρεφ, ταρσός de τερσ, et avec déplacement
du ton, ὄτλος, στίβος, στίχος, τύκος ; germ. tuga- « trait » (F.
III3 123), fluga- « vol » (F. 195), buda « commandement » (F. 214), goth.
drusa « chûte », quma « arrivée ». En composition ces thèmes ne sont pas
rares : skr. tuvi-grá, á-kra ; gr. νεο-γνό-ς, ἀ-τραπό-ς, ζα-βρό-ν· πολύφαγον,
ἐλα-θρά· ἐν ἐλαίῳ ἑφθά, δί-φρο-ς, ἔπι-πλα, *γνυ-πτό dans γνυπτεῖν (Hes.) ;
lat. privi-gnu-s, prŏ-bru-m (quoi qu'en dise Corssen Sprachk. 145).

2801. Goth. fulls = *fulnás, gr. λύχνος, σπαρνός, ταρνόν· κολοβόν et tous
les participes indiens en -ná.

2812. Skr. tigmá, yugmá, yudhmá, rukmá, sidhmá (p. 171) etc. ; gr. ἀκμή,
ἐρυγμός, πυγμή, στιγμή
.

2821. La racine de pitár peut être a1pa ou pa1a ; dans les deux cas il y
a affaiblissement.

2832. Ce fait défend de reconstruire un primitif paroxyton gm̥ti tel que
M. Brugman paraît disposé à l'admettre sur la foi du goth. ga-qumÞi-, du
skr. gáti, et du gr. βάσις (Stud. IX 326). Au reste il est juste de dire qu'on
a des formes indiennes comme tánti, hanti.

2841. Il est regrettable que dans ce travail le point de vue du vocalisme
radical soit négligé, et que des formations très-diverses se trouvent ainsi
confondues.

2851. Disons toutefois que le type madhu-pá (v. p. 177) est peut-être ce
qui correspond à go-ģí-t, su-kr̥̄-t. Mais à quoi attribuer l'absence du t ?

2862. L'accent est déplacé dans βλάβη, δίκη, λύπη, μάχη, νάπη, ὄθη, σάγη,
μεσό-δμη
. — Dans certains cas l'expulsion de l'a est empêchée : indo-eur.
sa1bhā pour sbhā (skr. sabhā, goth. sibja, gr. ἐφ-έται).

2871. L'accentuation primitive de la caractéristique n'est pas malgré
tout très-improbable, car, outre le passif en -yá, on a les formes comme
d-yá-ti, s-yá-ti etc., qui paraissent venir de ad, as etc. De plus sídhyati,
tímyati (p. 171 seq.) ne se comprendraient pas davantage que sthíti (p. 230)
si le ton n'avait frappé primitivement le suffixe. Il faut ajouter que même
dans l'hypothèse où yúdhyati serait dénominatif, on attendrait l'accentuation
*yudhyáti : cf. devayáti. — On trouve vraiment le ton sur -ya dans le
véd. raṇyáti (Delbr. 163). Pour haryánt cf. Grassmann s. v. hary.

2881. Sans cette alternative, le principe du dernier déterminant de M. Benfey
et de M. Benlœw pourrait presque passer pour la loi générale de l'accent
indo-européen. — M. Lindner (Nominalbild. 17 seq.) propose pour les
thèmes nominaux du sanskrit les deux lois suivantes (la seconde pouvant
annuler l'effet de la première) : 1. L'accent frappe la racine dans le nom
abstrait (Verbalabstractum), et le suffixe dans le nom d'agent. 2. L'accentuation
du nom répond à celle du verbe au présent. La latitude que laisseraient
ces deux lois est singulièrement grande.

2891. Les cas dont nous avons parlé où l'on entrevoit une rencontre des
phénomènes de flexion avec ceux de la formation (dar-u, dr-aw-Ai, p. 221
seq.) seraient un argument à l'appui de cette seconde hypothèse.

2901. Il faudrait, rigoureusement, ajouter une troisième case : racine +infixe,
à cause du type yu-na-g de la 7e classe (§ 14). En faisant de -nag
un suffixe fictif, les phénomènes sont ceux de racine et suffixe.

2912. Nous considérons la flexion thématique comme un cas spécial de
la flexion forte (p. 188).

2921. Le goth. saizlep permet de contrôler l'accent indien.

2932. Le véd. vavāća est à coup sûr une innovation, car, en le supposant
primitif, on ne pourrait plus expliquer uvāća. En grec δείδοικα et εἰοικυῖα,
sont, en conséquence, hystérogènes.

2943. Dans cette hypothèse le redoublement dā- du slave damĭ, damŭ,
vient du singulier, et le dă- du skr. dádāmi, du pluriel. Formes premières :
dá1o-dájo-mi, plur. do-do-más.

2951. Le skr. bhanáģmi sort régulièrement de bhn̥nágmi, mais dans les
formes faibles comme bhańģmás la nasale paraît avoir été restituée par
analogie : bhn̥ng devait en effet donner bhn̥g, qui en sanskrit eût fait bhāģ-

2962. Le dialecte védique offre aussi potár et pótra.

2973. Tel est là l'état de choses primitif ; plus tard on forme le futur garitā.

2984. Voy. Delbrück Altind. Verb. p. 216.

2995. Voy. Grassmann s. v. Le r̥̄ de ce participe indique que les formes
à nasale çránthi-tum, çranthi-šyáti, ne sont pas primitives. Le présent
même devrait faire *çrthnāti.

3001. A la juger même dans sa valeur intrinsèque, l'idée qu'on se fait
par habitude de l'i de pavitár et de grábhītar n'est pas moins arbitraire
que si l'on comptait par exemple pour des quantités négligeables l'i de
sthitá ou l'ī de pītá.

3011. Les exemples çáyitum, çváyitum, seraient alors des formations
d'analogie. Nous ne savons par quel moyen résoudre le problème que
posent les formes telles que lāsyáti de linati (parallèlement à lesyáti),
māsyáti de minati etc. M. Curtius (Grdz. 337) regarde comme la racine
de ce dernier verbe. Dans ce cas l'i de minati ne pourrait être qu'une
voyelle de soutien : m-i-nati pour mnati serait à ma1a ce que unátti est
à wa1d.

3021. La racine vabh, contre toute règle, suit à la fois la 7e et 9e classe :
véd. unap et ubhnas. Il y a là un fait d'analogie, à moins qu'à côté de
vabh il n'existât une racine vabhi.

3032. Voy. Benfey Vollst. Gramm. § 156.

3041. Les formes skabdha et stabdha ne sont pas védiques. — Comme
pušṇāti et badhnāti se distinguent d'une manière générale par l'absence de
l'i (p. 241), les participes pušṭá, baddhá, n'entrent pas en ligne de compte.

3052. Cf. gr. ἀνύω et Ἐνυάλιος.

3063. Quelles que soient les difficultés que présentent à l'analyse les différentes
formes de ce verbe, l'existence du groupe radical karu, à côté de
kar, paraît absolument certaine. — Le présent karóti est fortement remanié
par l'analogie. Un groupe comme karó- ne saurait être morphologiquement
pur, car, si l'on en veut faire une racine, l'a double ne se conçoit
pas, et si c'est un thème à deux cellules, la première devait encore perdre
son a. On arrive donc à supposer *káru-mi, * káru-ši etc., c.-à-d. un présent
de la 2e classe pareil a taru-te et à ródi-mi. L'influence de kr̥̄ṇómi
amena ensuite la diphthongue et réagit sans doute aussi sur le pluriel et
le duel, sur lesquels on nous permettra de ne rien décider de plus précis.

3074. En zend, r̥̄ s'étant imbibé de l'u qui suivait, on trouve çurunu- au
lieu de *çĕrĕnu-.

3081. On trouve une partie des formes védiques réunies par M. Delbrück
Altind. Verb. 186 seq.

3092. Inversement une minorité de thèmes en -ī-man sont tirés, analogiquement,
de racines anudāttās. Ce sont, dans les Saṃhitās, dhárīman,
bhárīman, sárīman
.

3101. Il y a une exception, c'est svápiti sváptum.

3112. Parmi les cas irréguliers on remarque les formes védiques srávitave,
srávitavaí, yámitavaí
. Inversement tarī-tum est accompagné de tar-tum pavitár
de potár. La liste de ces variations ne serait jamais finie.

3121. La forme agrabhīšma offre un intérêt particulier. Dans son ī long,
évidemment le même que celui de grábhī-tar, gr̥̄bhī-tá, est écrite toute
l'histoire du soi-disant aoriste en -išam. L'existence distincte de cet aoriste
à côté de l'aoriste en -s repose principalement sur l'innovation qui a fait
diverger les deux paradigmes en transformant la 2e et la 3e personne du
dernier, áģais, (véd.) en áģaišīs et áģaišīt. Ajoutons que cette innovation,
comme le suppose M. Brugman Stud. IX 312, venait elle-même, par analogie,
de l'aoriste en -išam, où -īs et -īt étaient nés de -is-s et -is-t.

3131. Les racines des participes ruta et stutá ont des formes très-entremêlées,
dont plusieurs prennent l'i, probablement par contagion analogique.
Sur yuta v. plus bas.

3142. Cette forme se rencontre Mahābh. XIII 495, d'après l'indication de
M. J. Schmidt (Voc. II 214).

3153. La forme sániti est évidemment une création nouvelle imitée des
formes fortes ; san admettrait aussi, à ce qu'il paraît, sati pour sāti, inversement
on indique tāti de tan, Benfey Vollst. Gramm. p. 161 seq.

3164. Ici par conséquent la formule de la grammaire hindoue se trouve
être juste, abstraction faite de l'erreur fondamentale qui consiste à partir
des formes faibles des racines comme de leur état normal. Il est aussi vrai
et aussi faux de poser gr̥̄- comme racine de gūr-tá que de dire que est
la racine de pū-tá. Le lien nécessaire des formes fortes en i avec les phonèmes
ū et ir, ur, est constaté dans cette règle : « les racines en ū et en r̥̄
prennent l'i de liaison ».

3171. M. Benfey a montré que le verbe mr̥̄láti, dans les Védas, a un r̥̄
long, et M. Hübschmann en a donné l'explication par la comparaison du
zd. marezhd.

3182. Nous admettons que dans saģūrbhis de saģus, āçīr-dā de āçis, la
longue est due à un effet d'analogie dont le point de départ était fourni
par les nominatifs du singulier saģūḥ, açīḥ, cf. pūḥ, gīḥ, de pur, gīr.

3191. Si l'on admet l'existence d'un y de liaison, les verbes comme hr̥̄ṇī-y-á-te
et gr̥̄bhā-y-á-ti peuvent se comparer directement aux dérivés de la
7e classe tels que tr̥̄ṃhá-ti (p. 234) :
tableau hr̥̄ṇī-y-á | hr̥̄ṇá1a- | rac. | ha1ra | tr̥̄ṃh-á- | tr̥̄ṇá1h- | ta1rh

3201. M. Kuhn a mis en parallèle avec les verbes en -āyáti le présent
stabhūyáti qui accompagne stabhnóti de même, en apparence, que stabhāyáti
accompagne stabhnāti. Cette remarque est certes bien digne d'attention ;
cependant nous avons cru devoir passer outre, vu l'impossibilité absolue
qu'il y aurait à expliquer stabhāyá- par stabhi + .

3212. Apparemment kriyáte équivaut à kr̥̄-yáte : r̥̄ et i ont échangé leurs
rôles. M. J. Schmidt qui traite de ces formes Vocal. II 244 seq. ramène
kriyate à *kiryate (pour *karyate) et ne reconnaît pas de différence foncière
entre ce type et çīryáte. Tout ce que nous avons cru pouvoir établir plus
haut nous défend d'accepter cette opinion. Dans les formes iraniennes que
cite l'auteur, kiryētē et miryēitē (= kriyáte, mriyáte), ir n'est probablement
qu'un ĕrĕ (= r̥̄) coloré par y. Ce qui correspond en zend au groupe
indien īr, c'est généralement are. Nous regrettons de ne pas être en état
d'apprécier les arguments que M. Schmidt tire des dialectes populaires
de l'Inde.

3221. L'hypothèse de M. Kuhn qui fait de irte le moyen de íyarti paraît
si vraisemblable qu'on ose à peine la mettre en question. Et cependant,
si l'on compare īrmá « rapide », írya « violent » et le gr. ὀρ- (ὄρσο : īršva =
κόρση : cīršá) ce présent fait tout l'effet d'être à ari ce que pūrdhí est à
pari. L'accent aurait subi un recul.

3231. Cette dernière racine, comme l'a montré M. Hübschmann, se retrouve
dans le zd. zināṭ et l'anc. perse adinā (skr. aģināt) : elle a donc g1
et n'est apparentée ni au gr. βία ni au skr. ģáyati, ģigaya.

3242. krathana est apparemment une formation savante tirée de la soi-disant
racine krath.

3253. Cf. aussi pur-vα en regard de prā-tár.

3264. M. J. Schmidt qui, dans un article du Journal de Kuhn, a attiré
l'attention sur cette particularité en présente une explication purement
phonétique, fondée essentiellement sur la supposition d'une métathèse.
Mais notre principe même nous empêche de discuter son ingénieuse théorie,
car elle répond en définitive à la question que voici : pourquoi est-ce
qu'en sanskrit
dhmā ne fait point *dhmitá quand sthā fait sthitá ? Si l'on
admet ce que nous avons cru pouvoir établir plus haut, cette question
cesse d'en être une, et l'on ne peut plus demander que ceci : pourquoi dhmā
ne fait-il pas dhāntá quand sthā fait sthitá ? — En outre l'hypothèse
*dhamtá, *dhamatá (comme primitif de dhmātá) est incompatible avec la
loi d'expulsion proethnique de l'a. La métathèse, si elle existe en sanskrit,
ne paraît admissible que pour un nombre d'exemples insignifiant.

3271. La théorie de M. J. Schmidt (Voc. II 217) tend à faire de ir, ur,
des modifications de ar. L'auteur dit, incontestablement avec raison, que
kiráti ne saurait équivaloir à kr̥̄ + áti : cela eût donné « kráti ». Mais la
formule kar + áti sur laquelle se rabat M. Schmidt se heurte, elle, au
principe de l'expulsion des a, principe qui ne permet pas d'admettre, qu'à
aucune époque l'indien ait possédé des présents comme « *karáti ».

3281. Il est à croire que bhramati a suivi l'analogie de bhramyati, car on
ne concevrait point que le groupe -m̥m- produisît -ām-.

3292. La brève de ģuģŭrvan paraît être due à la réaction du thème faible
ģuģuruš-. Il faudrait *ģuģūrvan. La racine tari, outre titĭrvan, offre
l'optatif turyā- pour *tūryā- : l'u bref peut avoir été communiqué par le
thème du moyen turī-.

3303. Notons cependant cette remarque d'un grammairien cité par Westergaard :
vemuḥ, tadbhāšyādišu ćirantanagranthešu kutrāpi na dr̥̄šṭaṃ.

3311. bhuyas est fait probablement à l'imitation du positif bhu-ri. Le zd.
baēvare paraît avoir pour base le comparatif qui est en sanskrit bhávīyas.

3321. κομβο-λύτης· βαλαντιο-τόμος Hes. est intéressant au point de vue
de l'étymologie de λύω.

3332. Dans le latin, où rŭtus et inclŭtus sont les seuls participes du passif
en -ŭto, la longue ne prouve pas grande chose. Elle se montre même dans
secūtus et locūtus. Les exemples qui, sans cela, nous intéresseraint sont
so-lūtus et peut-être argūtus, si l'on divise arguo en ar + guo = huváti.

3341. Nous ne décidons pas si dans certains cas ορ et ολ ne représentent
point les brèves r̥̄ et . Les principaux exemples à examiner seraient :
ὄρχις, zd. ĕrĕzi ; ὀρχέομαι, skr. r̥̄ghāyáte ; Ὀρφεύς, skr. r̥̄bhú ; ὀρσο- (dans
ὀρσοθύρα, ὀρσοτριαίνης, ὀρσιπετής), skr. r̥̄švá ; μορτός, skr. mr̥̄tá (cf. toutefois
véd. murīya) : χοῖρος (cf. χλούνης), skr. ghr̥̄švi ; τόργος, germ. storka-
(Fick l3 825). L'omicron suit la liquide dans : τρόνος, skr. tr̥̄ṇa ; βλοσυρός,
goth. vulÞus (Fick) ; ἤμβροτον = ἥμαρτον ; ἄλοξ = αὖλαξ (p. 17) ; κρόκος
(Hes.), cf. skr. kr̥̄kavāku, lat. corcus. On pourrait même citer pour ρω et λω :
γρωθύλος, skr. gr̥̄há (J. Schmidt Voc. II 318), βλωθρός à côté de βλαστός. On
ne doit pas comparer πρωκτός et pr̥̄šṭhá, vu le zd. parçta. — De même en
latin r paraît pouvoir donner ar et ra : fa(r)stigium, skr. bhr̥̄šṭí (gr. ἄφλαστον) ;
classis est sûrement le skr. kr̥̄šṭí (cf. quinque classes et pánća
kr̥̄šṭáyas
 ?) ; fastus, comme M. Bréal l'a montré, contient dans sa première
syllabe l'équivalent du gr. θαρσ (p. 129).

3351. Exemples : χορδή et χολάς (p. 264) ; δέρας et dolare ; κολοκάνος et
cracentes ; χάλαζα et grando ; gr. στορ, sl. stelją ; gr. χρυσός, goth. gulÞ
(p. 265) ; gr. κόρση, goth. hals ; lat. marceo, goth. -malsks ; lith. gireti, sl.
glagolati, etc.

3361. Doit-on admettre lat. er = r̥̄ dans hernia (cf. haruspex) en regard
du lith. żarnà et verbum = goth. vaurd (lith. vardas) ? On se rapellera à
ce propos cerebrum opposé au skr. círas, termes variant avec tarmes (racine
udāttā tere), ainsi que l'er de terra qui équivaut à or dans extorris.

3372. χρώς est apparemment un nom tel que gīr, pūr en sanskrit, c'està-dire
qu'il remonte à χr̥̄ς. Les génitifs χροός et χρωτός sont hystérogènes
pour *χορός. Le verbe χραίνω paraît être un souvenir du présent *χρανημι,
*χr̥̄νημι, qui est à χρώς ce que gr̥̄ṇati, pr̥̄ṇati sont à gīr, pūr. — χρῶμα
n'est pas absolument identique à ćárman : le groupe ρω y a pénétré après
coup comme dans βρῶμα.

3383. Dans un petit nombre de formes indiennes, īr, ūr, par un phénomène
surprenant, apparaissent même devant les voyelles ; en d'autres
termes r̥̄ ne s'est pas dédoublé.

3391. On a comparé ἀγορά et aģirá « cour » (Savelsberg K. Z. XXI 148).
M. Osthoff (Forsch. I 177) combat cette étymologie en se fondant : 1° sur
l'ο du grec, 2° sur la solidarité de ἀγορά avec ἀγείρω. La seconde raison
seule est bonne, mais elle suffit.

3402. Je tiens de M. Brugman ce rapprochement que le sens de βουλή,
βουλεύω
, rend plausible et qui ferait de βούλομαι un parent du lat. grātus.
Toutefois son auteur n'y avait songé que parce que le β panhellène rend,
à première, vue, inadmissible pour le linguiste rigoureux la liaison avec le
lat. volo, le sl. velją etc. Comme nous venons de reconnaître que βόλεται
sort de βĺλεται, il devient possible d'expliquer β pour Ϝ par le voisinage
de la liquide (cf. βλαστός = vr̥̄ddhá). Si, en conséquence, on retourne à
l'étymologie ancienne, il faut comparer le -ολ- de βόλεται au -ur- du skr.
vur-īta (cf. vr̥̄ṇīté, vūrṇa, hotr̥̄-vurya etc.).

3413. Le parfait mimela est naturellement hystérogène.

3424. Ainsi que l'admet M. Fick, la racine sanskrite pari semble correspondre
à la fois au gr. πελε (dans πέλεθρον ?) et au gr. πορεῖν, πέπρωται
etc. Les mots indiens signifient en effet non-seulement remplir, mais
aussi donner, accorder, combler de biens (cf. Curtius Grdz. 283).

3431. La variabilité de la voyelle sortie de A est fort remarquable. Il y a
d'autres exemples pareils, ainsi τέρε-τρον et τερά-μων, τέμε-νος et τέμα-χος.

3442. Le β de cette forme me paraît une preuve directe, entre beaucoup
d'autres, de l'r-voyelle grec.

3453. La flexion pure d'un aoriste de cette espèce serait : *ἔ-βερα-ν, plur.
ἔ-βρω-μεν.

3464. La même souche a produit μάρναμαι qui répond directement à
mr̥̄náti.

3475. La racine de ces formes sanskrites est, autant qu'on peut le présumer,
*bhari ou *bhrā. Elle paraît être la même qui se cache dans le
présent bhr̥̄ṇāti « rôtir » (gramm.).

3481. Le rapport de çíras avec κάρη est obscurci par l'η final de la dernière
forme.

3492. L'identité en est douteuse : trans et tirás se concilieraient tous deux
avec un primitif tr̥̄rn̥s, si le mot sanskrit n'avait le ton sur la dernière. En
conséquence -as n'y peut facilement représenter -n̥s. Peut-être trans est-il
le neutre d'un adjectif qui répondrait au gr. τρᾱνής (lequel n'a qu'un rapport
indirect avec tirás comme πρᾱνής avec purás).

3501. Il est vrai de dire que l'α de βαλεῖν semble plutôt emprunté au
présent βάλλω, v. ci-dessus.

3512. Cependant le son a apparaît dans lātus.

3523. On le peut ramener peut-être à *-λᾱ- ; ou bien, si c'est une forme
faible liée au skr. hrād de la même façon que dīrghá l'est à drāgh, on
tirera -αλα- de r̥̄, cf. p. 267, l. 13 seq.

3534. Si l'on n'avait que les formes du latin et du slave, on penserait au
skr. granthí.

3541. Sur manati et dhamati à côté de mnā et dhmā v. p. 259.

3552. Grassmann commet la même erreur, quand il voit dans les racines
prā et crā des « amplifications de pur et çir ». On aurait alors, non prā,
crā, mais purā, çirā.

3561. M. Fick met en regard de kāńćana, κνηκός, qui serait alors pour
*κμηκός ; autrement il faudrait « kāćana ». Le rapprochement est des plus
douteux. — Dans εἰνάτηρ = yātar (type premier yn̥Atár) on peut conjecturer
que l'ε grec est prothétique, et qu'ensuite le y devenant i fit prendre
à la nasale la fonction de consonne : *eynAtér, einAtér, εἰνάτηρ. — Dans
cette hypothèse, l' ayant été éludé, εἰνάτηρ ne peut nous fournir aucune
lumière.

3572. Il est intéressant de confronter les deux séries :

tatá : τατός ; matá : -ματος ; hatá : -φατος ; gatá : βατός.

gātá : γνητός ; çāntá : κμητός ; dāntá : δμητός.

Les formes telles que γεγάτην de γενε sont imitées de la première série, et
intéressantes comme telles, mais aussi peu primitives que γί-γν-ομαι, ou
que le skr. sá-sn-i (p. 259) ; γίγνομαι est très-certainement une modification
analogique de l'ancien présent de la 3e classe qui vit dans le skr. ģaģánti.

3581. Cette forme se trouve dans Hésychius.

3592. Osthoff K. Z. XXIII 84.

3601. Le zend a les formes très-curieuses paiti-zañta, ā-zaiñti. Il nous
semble impossible d'y reconnaître des formations organiques, car celles-ci
seraient *pāiti-zāta, *ā-zāiti. Mais, devant les voyelles, zan- ( = zn̥n-) est
effectivement le degré faible régulier de znā ; en sorte que -zañta, -zaiñti
ont pu être formés sur l'analogie de mots perdus, où la condition indiquée
se trouvait réalisée.

3612. C'est un autre un qui est dans kunnum = skr. ģānīmás, car nous
avons vu que cette dernière forme est un métaplasme de *ģănīmás,
*ģn̥nīmás (p. 256).

3623. La racine ne peut être que vāmi ; elle paraît se retrouver dans
vām-a.

3634. La racine est peut-être non θενα mais θvᾱ (v. p. 270). Pour la
théorie du -αν-, cela est indifférent.

3641. L'hiatus, dans ἀΰσας, rend ce rapprochement douteux. Cf. cependant
ἀϜυτοῦ (Corp. Inscr. 10) = αὐτοῦ.

3652. La parenté de ὄφις avec áhi a été défendue avec beaucoup de force
par M. Ascoli (Vorlesungen p. 158). Le vocalisme est examiné plus bas.
Quant au φ grec = gh2, νείφει en est un exemple parfaitement sûr, et l'on
peut ajouter τέφρα (rac. dha1gh2, p. 111 i.n.), πεφνεῖν, φατός = skr. hatá,
τρυφή = skr. druha, peut-être aussi ἀλφή (Hes.) et ἄλφοι, cf. skr. arghá,
árhati (Fröde Bezz. Beitr. III 12). Sur ἔχις v. p. 279, note 2.

3663. Faut-il ajouter : skr. agní, sl. ognĭ, lat. i(n)gnis ?

3674. Ce fait se présente encore pour inter, ombr. anter ; aussi est-il surprenant
qu'en sanskrit nous trouvions antár et non « atár ». Il faut observer
cependant que l'adjectif ántara, dont la parenté avec antár est
probable, se trouve rendu en slave par v-ŭtorŭ. Or le nom de nombre
sŭto nous montrera ci-dessous que l'apparition de l'ŭ slave, en tel cas, est
un fait digne de remarque.

3681. Nous ne décidons rien quant à l'analyse de τριακοστός (triṃçattamá).

3692. Cf. p. 102.

3703. Non pas ἁ-, lequel est forme faible de ἑν- (p. 34).

3714. Autres exemples possibles d'un ο de cette nature : βρόχος, cf. goth.
vruggo ; στόχος comparé par M. Fick au goth. staggan ; κοχώνη, cf. skr.
ģaģhána de ģáṃh (d'où ģáṅghā « gamba ») ; πόθος à côté de παθεῖν (cf.
p. 103) ; ἁρμόζω de ἅρμα, etc.

3721. Cf. ἔγχουσα, variante de ἄγχουσα.

3732. De même qu'il y a échange entre ον et ο (τριάκοντα : εἴκοσι), de
même ε équivaut à εν dans ἔχις comparé à ἔγχελυς. Le parallélisme de
ce dernier mot avec anguilla semble compromettre le rapprochement de
ὄφις avec anguis et áhi (p. 277), et on se résoudra difficilement en effet à
séparer ἔχις de ces formes. Mais peut-être une différence de ton, destinée à
marquer celle des significations et plus tard effacée, est-elle la seule cause
qui ait fait diverger ἔχις et ὄφις ; ils seraient identiques dans le fond.
Peut-être aussi doit-on partir d'un double prototype, l'un contenant gh2
(ὄφις) et l'autre gh1 (ἔχις). La trace s'en est conservée dans l'arménien
(Hübschmann K. Z. XXIII 36). Quoi qu'il, en soit, le fait que l'ε de ἔχις
rentre dans la classe de voyelles qui nous occupe est évident par le grec
même, puisque la nasale existe dans ἔγχελυς. — L'ε de ἕτερος, en regard
de ἅτερος (dor.) et de θάτερον, n'est dû qu'à l'assimilation analogique telle
qu'elle a agi dans les féminins en -Ϝεσσα (p. 35).

3741. Cette forme a probablement passé par le degré intermédiaire ãpis,
ce qui ferait pendant aux évolutions qu'a parcourues en grec ὄφις.

3752. Cf. aussi ἔνθα = skr. ádha(?).

3763. αὐδή ne se dit que de la voix humaine et renferme toujours accessoirement
l'idée du sens qu'expriment les paroles. Cela est vrai aussi
dans une certaine mesure du skr. vad, et cette coïncidence des significations
donne une garantie de plus de la justesse du rapprochement. — Remarquons
ici que l'a prothétique ne s'étend pas toujours à la totalité des
formes congénères. Ainsi l'on a ὕδω parallèlement à αὐδή ; ὑγιής en regard
de augeo ; ὑτθόν (Curtius, Stud. IV 202) à côté de αὔω, αὐστηρός.
Sans doute ἀπo-ύρας et ἀπ-αυράω offrent un spécimen du même genre. A
la p. 276 nous avons omis à dessein le v. ht-all. eiscōn en regard du skr.
iććháti, parce que le lith. j-ëskóti accuse la prothèse d'un e et non d'un a.
Si l'on passe sur cette anomalie, le gr. ἰ-ότης comparé à eiscōn (skr. iš-)
reproduit le rapport de ὕδω avec αὐδή (skr. ud-).

3771. Nous ne parlons, bien entendu, que des exemples qui rentraient
dans le premier cas. Le type radical du second cas est précisément (au
moins en ce qui touche la place de l'a) celui de la racine sœur en question.

3782. Le zend prouve que la gutturale est g1, tandis que la première racine
montre g2. Nous pensons néanmoins, vu d'autres cas analogues, qu'il
n'y a pas lieu d'abandonner le rapprochement.

3791. Sous l'influence de l'u (cf. p. 101), l'α de ce groupe radical αὐσ- se
colore en ο dans différentes formes rassemblées par M. Curtius, Grdz. 273.
Ainsi οὐαι· φυλαί, et ὠβά traduction stricte de οὐή en dialecte laconien
(p. 169 i. n.). Puis ὑπερ-ώϊον, formation de tout point comparable au skr.
antar-ušya « cachette ». L'ω n'est dans ce mot qu'un allongement d'ο
exigé par les lois de la composition grecque. On remonte donc à ὑπερ-οϊον
(cf. οἴη = κώμη), ὑπερ-ουϊον, ὑπερ-αυ(σ)-ιον. — Le verbe ἀ(Ϝ)είδω serait-il
à αὐδή ce que ἀ(Ϝ)έξω est à αὔξω ? De toute manière la diphthongue en
est inexpliquée. Cf. ἀηδών. — ἀλέξω répond à rákšati comme ἀϜέξω à
vákšati, mais la forme réduite manque aux deux idiomes. Il est vrai que
celle-ci peut se suppléer en recourant à la racine plus courte qui donne
ἤλ-αλκ-ον et lat. arc-eo.

3801. ἁρπ- est à ἀρεπ- ce que αὐξ est à ἀϜεξ. C'est la forme réduite. Il
en est de même de ἀλγ dans son rapport avec ἀλεγ. ἀλεγεινός prouve
qu'on a dit d'abord *ἄλεγος ; ἄλγος est dû à l'influence des formes faibles.

3811. ἁρπ- est à ἀρεπ- ce que αὐξ est à ἀϜεξ. C'est la forme réduite. Il
en est de même de ἀλγ dans son rapport avec ἀλεγ. ἀλεγεινός prouve
qu'on a dit d'abord *ἄλεγος ; ἄλγος est dû à l'influence des formes faibles.

3821. Sans doute visu, base de víçva, n'a pas le ç. Mais c'est là une
oscillation fort explicable.

3832. Signalons cependant ce qui pourrait venir troubler cette analyse.
M. Justi propose de voir dans θrishva, ćaθrushva, des dérivés de θris
« ter », ćaθrus « quater ». Cette opinion prendrait de la consistance, si l'existence
de l'élément -va, employé de la sorte, se confirmait d'ailleurs. Or le
sanskrit offre en effet ćátur-va-ya (-ya comme dans dva-yá, ubhá-ya).
D'autre part M. Ascoli mentionne comme inséparables de θrishva : haptaṇhu,
ashtaṇhu
, ce qui changerait la question. Studj Crit. II 412.

3843. On sait que la chute proethnique du d est constatée dans le nom
de nombre vingt.

3851. Skr. anaç dans anaçāmahai, gr. ἐνεκ (pour ἐνεκ, bien que plus tard
ce soit le second ε qui alterne avec o2 : ἐνήνοχα) ; — skr. ari, gr. ἐρε. Les
formes germaniques nōh et ont accompli, comme d'autres racines de
cette espèce (ainsi knō = skr. ģani, hrō « glorifier » = skr. kari) une évolution
métathétique.

3861. Skr. anaç dans anaçāmahai, gr. ἐνεκ (pour ἐνεκ, bien que plus tard
ce soit le second ε qui alterne avec o2 : ἐνήνοχα) ; — skr. ari, gr. ἐρε. Les
formes germaniques nōh et ont accompli, comme d'autres racines de
cette espèce (ainsi knō = skr. ģani, hrō « glorifier » = skr. kari) une évolution
métathétique.