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Guillaume, Gustave. Langage et science du langage – T03

Thèmes de présent
et système des temps français 11.
Genèse corrélative du présent et des temps

§ 1. Il existe un problème de grammaire qui n'a pas fait jusqu'ici
l'objet d'une étude approfondie. Ce problème est celui de la vraie nature
du présent linguistique 22 : le présent à partir duquel se déterminent et
se caractérisent le passé et le futur. Cet article examine la question.

§ 2. La loi du présent est l'étroitesse. Le présent est un être sténonome,
d'autant mieux déterminé que son insertion, sa polation dans le
temps est moindre 33.

En application de cette loi d'étroitesse, la tendance permanente, universelle,
du présent est d'extrapoler 44 le temps au maximum et de l'interpoler 55
au minimum.

C'est dans le mode indicatif que l'étrécissement du présent a ses effets
ultimes. Il est particulièrement intéressant, en conséquence, d'en analyser
dans ce mode les deux derniers instants caractéristiques : instant d'extrême
étroitesse, instant d'infinie étroitesse.

§ 3. Instant d'extrême étroitesse. — Le présent interpole une infime
parcelle de passé, le chronotype ω 66, et une infime parcelle de futur, le
chronotype α 67. Ces deux parcelles interpolées au présent constituent, si
infimes soient-elles, une quantité positive de temps que le présent retient
59en lui au détriment du passé et du futur, dont elles sont distraites. Ce
qui revient à dire que sous présent d'extrême étroitesse le futur et le
passé ne sont pas intégraux. Il manque à chacun la parcelle de lui-même
que le présent garde pour lui, qu'il n'extrapole pas. On a : Présent = ω + α,
et consécutivement : Passé — ω ; Futur — α (Fig. 1).

image passé | futur

Fig. 1
Le présent positif

ω et α : Quantités de temps en énexie dans le présent (non extrapolées).

Passé — ω | Futur — α Passé et futur incomplets, non intégraux. — Extrapolation insuffisante.

Cette non-intégralité du passé et du futur (Fig. 1) est quelque chose
que la langue ne peut admettre. Il lui faut un présent assez étroit pour ne
pas faire obstacle à l'antinomie des deux époques — antinomie qui pour
être formelle requiert un passé et un futur non déficients, exempts de
toute distraction, et habiles en conséquence à s'opposer l'un à l'autre de la
manière la plus directe.

§ 4. Instant d'infinie étroitesse. — Le présent d'extrême étroitesse
faisant obstacle, en dépit de son peu d'étendue, à l'opposition directe du
futur et du passé, la langue a dû, afin que cette opposition indispensable
devînt possible en elle, porter le présent plus avant encore dans le sens
de l'étroit, le refaire au point où son étroitesse devient infinie.

Il en résulte un présent sans défaut dans l'ensemble du temps, que
nous nommerons le présent transpositif. Il se détermine (Fig. 2) dans la
transcendance du présent positif, n'interpole aucune quantité de temps 78,
si minime soit-elle, et n'existe entre le passé et le futur, desquels il ne
distrait rien (qu'il extrapole entièrement), qu'au titre de point versif, c'est-à-dire
de point de passage, dans les deux sens, d'une époque à l'autre.

En tant que tel, il intériorise, il interpole :

a) la version descendante du temps dans la pensée. Le temps dans la
pensée s'évoque venant du futur (A) qui l'apporte et allant au passé (Q)
qui l'emporte ;

b) la version, variable en direction, de la pensée dans le temps 89. La
pensée, ad libitum, selon qu'il lui convient, contemple passivement en elle,
sans réagir, le temps qui descend du futur au passé, ou bien activement,
en réagissant, elle remonte le temps du passé au futur.60

image

Fig. 2
Les deux présents : positif et transpositif

x' — x = Polation du présent positif. Interpolation quantitative.
Ο = Polation du présent transpositif. Pas d'interpolation quantitative.
ω + α = Interpolation quantitative du présent positif.
Ω = Passé intégral.
Α = Futur intégral.
← → | Ω | Α Version du temps dans les deux sens : du futur au passé ou du passé au futur.
Ο est le point versif.

Il y a là un système interpolatif dont la variation, d'ordre subjectif,
réside dans le second facteur (b) — la pensée mobile dans les deux sens du
temps, descendant et ascendant — et qui donne lieu aux possibilités suivantes,
lesquelles deviennent autant de caractérisations, de thèmes de
présent.

A

§ 5. Le temps descend.
La pensée ne réagit pas.

Version : ← | Ω | Α
Pas d'inversion :
Résultat : ← | Ω | Α

Nous nommerons ce résultat le thème versif. Ce thème emporte avec
soi la discrimination du temps décadent qui s'en va et du temps incident
qui vient. Il oppose l'accompli à l'inaccompli.61

B

§ 6. Le temps descend.
La pensée réagit en remontant le temps 910

Version : ← | Ω | Α
Inversion : → | Ω | Α
Résultat : → | Οω | Οα

Nous nommerons ce résultat le thème inversif. Ce thème emporte
avec soi la non-discrimination du temps décadent qui s'en va et du temps
incident qui vient. Il n'oppose pas l'accompli à l'inaccompli.

C

§ 7. Le temps descend.
La pensée réagit en remontant
le passé, mais la réaction ne va
pas au delà.

Version : ← | Ω | Α
Inversion : → | Ω
Résultat : → | Οω | ← | Α

Nous nommerons ce résultat le thème aversif 1011. L'image thématique
qu'il fixe, plus complexe que les précédentes, est celle de la décadence en
inversion, devant l'incidence en version : d'où il découle que l'incidence
doit accomplir sa version sans se quitter elle-même, sans se changer en
décadence. Le thème aversif verse l'inaccompli dans l'inaccompli : non pas
dans l'accompli 1112. L'inaccompli s'accumule en lui-même.

§ 8. Ces trois thèmes de présent par leur nullité quantitative — ils sont
tous trois un cas particulier du présent transpositif, quantitativement nul
(fig. 2) — extrapolent intégralement (§ 4) le passé et le futur. Ils n'en
retiennent rien pour eux-mêmes. Plus encore — fait très importantils
extrapolent les deux époques avec le caractère qu'elles porteraient si elles
leur demeuraient interpolées
, créant, de la sorte, autant de systèmes passé-futur
62qu'il existe de thèmes sous lesquels se détermine ou s'indétermine
(§§ 10, II et 14) le présent.

Du moins en est-il toujours ainsi intérieurement : du côté de la valeur
significative des formes. Extérieurement, il arrive que la langue, apercevant
dans plusieurs thèmes un caractère commun qui en domine la divergence,
les réunisse, sans avoir égard à leur différente valeur, sous le même système
sémiologique.

§ 9. C'est ce qui a eu lieu en français. L'opposition frappante, qui a
déterminé la systématisation externe, apparente, est celle du thème binaire
et du thème non binaire 1213. Est binaire le thème dont les deux termes sont
discernables. Tel est le cas des thèmes versif et aversif. Le premier distingue
Ω de A ; le second distingue Οω de A. Est non binaire le thème dont
les termes ne sont pas discernables, ce qui est le cas du thème inversif,
dont les termes composants (Οω . Οα), négatifs l'un et l'autre, ne se laissent
pas opposer : zéro se distingue de quelque chose, mais zéro ne se distingue
pas de zéro.

Pratiquement un thème est binaire si l'un de ses termes au moins est
positif (c'est-à-dire non inversé).

§ 10. Du fait de l'importance donnée à la distinction du binaire et du
non binaire, le système des temps français se développe, à partir des thèmes
de présent, comme suit :

I
Thèmes binaires

(Représentés en commun par : imparfait, présent, conditionnel [futur
hypothétique]).

A. — Versif Ω.Α | ←

image Imparfait cursif. | Présent cursif | Conditionnel (futur hypothétique fort) | Ex. Pierre travaillait. (était en train de travailler) | Ex. Pierre travaille. (est en train de travailler) | Ex. Pierre travaillerait si…

B. — Aversif (Οω| →.Α | ←)

image Imparfait précursif | Présent précursif | Conditionnel (futur hypothétique faible) | 5Le lendemain) Pierre arrivait tout joyeux et… | [L'imparfait précursif est souvent très proche du prétérit défini : (Le lendemain) Pierre arriva tout joyeux et… Mais tandis que l'imparfait précursif est perspectif, le prétérit défini ne l'est pas.] | Ex. : (Le lendemain) Pierre arrive tout joyeux et… | Ex. : Je savais que Pierre travaillerait.63

II
Thème non binaire

Inversif Οωα| →

(Représenté par prétérit défini et futur. Pas de présent. Le présent
est binaire par définition (ω + α) et, conséquemment, discongruent au
thème non binaire).

image Prétérit défini | (Pas de présent) | Futur catégorique | Ex. : (Dès lors) Pierre travailla | Ex. : Pierre travaillera

§ 11. Comme on le voit, la distinction du binaire et du non binaire
a prévalu en français sur toutes les autres. Il n'est pas fait état extérieurement
de la distinction extrêmement importante au point de vue explicatif 1314
entre le thème versif et le thème aversif, exprimé partout avec les
mêmes moyens apparents.

Le thème aversif marque en français la limite qui sépare le thème
versif du terme inversif. Il est un point médian entre eux : un point
de transition. Ceci explique que l'imparfait précursif, formé sur le thème
aversif, soit si proche du prétérit défini, formé sur le thème inversif, qu'il
suffit d'une impression fugace pour provoquer l'alternance de l'un à
l'autre. Ex. : Le lendemain Pierre arrivait tout joyeux. Le lendemain
Pierre arriva tout joyeux. Bientôt Pierre s'endormait. Bientôt Pierre s'endormit
.

L'opposition linguistique du temps versif, que la pensée descend et
du temps inversif, que la pensée remonte, est universelle, mais nombre de
langues, au lieu de l'exprimer, comme fait le français, à l'aide de thèmes
ressortissant à la morphologie temporelle, la rendent par des moyens pris
en dehors de cette morphologie et qui portent en linguistique le nom
général d'aspects.

L'anglais, par exemple, a son système verbo-temporel fondé presque
tout entier sur des oppositions d'aspects. La morphologie temporelle y est
indigente ; trois formes : work, working, worked. Mais les aspects la
complètent et l'enrichissent autant qu'il est nécesaire 1415 en donnant à
ces formes le support d'auxiliaires diversement expressifs : do work ; shall
work
 ; will work ; be working ; have worked.

En thèse générale, là où la morphologie temporelle s'accuse insuffisante
ou fléchit, l'aspect intervient, comble la lacune ou répare le dommage.
64L'aspect est dans les langues une ressource latente pour le cas
où la morphologie devient ou reste déficiente. Il est remarquable, d'ailleurs,
que les résultats d'ensemble demeurent égaux en valeur et presque identiques
expressivement, quel que soit le moyen employé : large morphologie
temporelle ou morphologie temporelle pauvre ou appauvrie que les aspects
complètent. Il n'y a de différence que dans le jeu plus ou moins subtil et
la variété plus ou moins grande des nuances. Et là même il faut se garder
de juger superficiellement : l'examen approfondi révèle, en général, que
ce qui apparaît gagné d'un côté est perdu de l'autre. Il y aurait en définitive
— entre langues appartenant à la même civilisation — égalité sensible
in globo 1516.65

On se fera une idée plus précise encore des temps français et de
leur systématisation par l'examen des conséquences que les différents
thèmes portent dans chaque époque.

Époque présente

A. — Thème versif (Ω.Α | ←) (§ 5).

§ 12. Le présent qui a pour support le thème versif discrimine intérieurement,
conformément à la donnée thématique, la décadence, partie accomplie
de lui-même, et l'incidence, partie inaccomplie. Ex. : Pierre lit (c'est-à-dire :
Pierre est en train de lire ; il a lu, lit, va lire encore).

Les présents formés sur le thème versif sont des présents cursifs. Ils
évoquent un procès en cours, sous version de l'inaccompli (incident) en
accompli (décadent).

B. — Thème aversif (Οω | →.Α | ←) (§ 6).

§ 13. Le présent formé sur le thème aversif est un présent qui tout
en maintenant l'incidence en version (Α | ←) ne la laisse pas se verser en
décadence, celle-ci étant inversée (Οω | →). Il ne reste à l'incidence, dans ces
conditions, que la possibilité de se verser en elle-même, l'inaccompli s'accumulant
dans l'inaccompli, sans que l'accompli puisse être évoqué 1617.

Les présents de ce genre sont des présents non pas cursifs mais précursifs.
Ils portent dans la perspective (dans l'inaccompli) le procès entier.
Ils se montrent par là habiles, le style aidant, à exprimer le futur très
prochain. Exemple : j'y vais.

C. — Thème inversif (Οωα | →) (§ 7).

§ 14. Le thème inversif est discongruent au présent en tant que thème
non binaire (§ 10, II). En conséquence il n'existe pas de présent formé sur
ce thème. — Voir plus loin (en note sous § 22) la remarque relative au
thème d'incidence absolue, équivalent approché du thème inversif, mais
qui n'appartient pas au français 1718.

Époque future

§ 15. Le futur, qui est de l'ordre de la prévision, est hypothétique par
nature et varie en hypothèse.

L'hypothèse est d'autant plus accusée qu'on regarde le futur de plus
bas dans le temps. Aperçu du passé ou du présent, le futur est du temps
66imaginé, supposé. Perçu en lui-même, le futur est du temps posé, que la
pensée occupe.

C'est dire que le futur croît en hypothèse si l'on descend le temps et
décroît en hypothèse si on le remonte 1819.

De là sur le futur l'effet des thèmes inversif et versif.

A. — Thème inversif (Οωα | →) (§ 6).

§ 16. Le thème inversif (Οωα | →) (§ 6), qui remonte le temps, arrache,
en quelque sorte, le futur à l'hypothèse. Il ne laisse subsister en lui
que la part d'hypothèse inhérente à sa nature de futur. Il en résulte le
futur proprement dit, futur simple de la nomenclature officielle, que nous
nommerons le futur catégorique 1920.

B. — Thème versif (Ω.Α | ←) (§ 5).

§ 17. Le thème versif (Ω.A | ←) (§ 6), qui descend le temps, a l'effet
contraire. Il ôte au futur sa valeur catégorique, la charge d'hypothèse,
introduit en lui plus que la part d'hypothèse inhérente au futur de par sa
nature même. Il en résulte un futur que la grammaire traditionnelle, qui
y voit à tort un mode, désigne sous le nom de conditionnel et qu'on nommerait
avec plus d'exactitude le futur hypothétique 2021.

C. — Thème aversif (Οω | →.Α | ←) (§ 7).

§ 18. Il est des emplois où le futur se forme obligatoirement sur le
thème aversif (Οω | →.Α | ←) (§ 7). Ces emplois sont ceux où le futur se subordonne
au passé. Ex. : Je savais que Pierre viendrait.

Le thème aversif répond exactement à ce qui est requis en tel cas.
L'inversion du passé porte la pensée au présent. La version du futur (le
futur qu'on descend) la porte en même lieu. Le passé et le futur trouvent
67ainsi dans le présent, auquel il est accédé de deux côtés, leur point de
jonction. Or, découvrir le point de jonction du passé et du futur est précisément
le problème à résoudre dans les phrases qui subordonnent celui-ci
à celui-là.

Il est à remarquer que le futur formé sur le thème aversif est peu
atteint dans sa nature propre. Le mouvement versif du thème, mouvement
limité à l'incidence (Οω | →.Α | ←), ne l'entraîne pas au-dessous du domaine
qui est le sien : le temps incident. Le futur se charge ainsi de moins d'hypothèse 2122
que dans le cas examiné précédemment où il se forme sur le
thème versif.

Époque passée

A. — Thème versif (Ω.Α | ←) (§ 5).

§ 19. Le fait de donner pour support au passé le thème versif a les
conséquences que nous avons déjà indiquées à propos du présent. Le thème
versif faisant la discrimination de la décadence du temps (Ω | →) et de son
incidence (A | ←), celle-ci se versant en celle-là, le verbe exprimé à l'imparfait
se divise en deux parties : l'une accomplie, l'autre inaccomplie, la seconde
en version (§ 4) d'instant en instant 2223 dans la première.

Les imparfaits formés sur le thème versif sont des imparfaits cursifs.
Il faut éviter de les confondre avec les imparfaits précursifs, dont il va
être parlé, lesquels se forment sur le thème aversif et ont une tout autre
valeur.

Les imparfaits exprimant ce qui est fréquent, habituel — Ex. : Pierre
se levait tous les matins à six heures
— relèvent du thème versif. Au lieu
de se rapporter à un procès unique saisi dans son cours, ils se réfèrent
à une répétition de faits, évoqués dans leur renouvellement, leur cours
itératif.

L'image a varié. Le thème temporel est resté le même.

B. — Thème aversif (Οω | →.Α | ←) (§ 7).

§ 20. Au thème aversif correspondent dans le passé des imparfaits
différents de ceux qui viennent d'être examinés et que nous nommerons
imparfaits précursifs.

Le thème aversif inversant la décadence, celle-ci est versivement
nulle
2324. On ne saurait, en conséquence, voir l'incidence se verser en décadence,
l'inaccompli en accompli. Cette image est exclue.68

D'autre part, le thème aversif n'inversant pas l'incidence, c'est en
version de l'incidence dans l'incidence que tout le procès se développe.
Autrement dit, l'inaccompli s'accumule en lui-même sans césure interne
d'aucune sorte. L'accompli n'intervient pas.

Un effet sensible de ces imparfaits est d'éloigner, de rejeter le procès
dans la perspective, vu l'impossibilité où l'on est, devant une décadence
inversée qui l'interdit, de le laisser descendre dans l'accompli.

L'emploi de l'imparfait précursif au lieu et place du prétérit défini
(§ 11) a une valeur stylistique. Là où le prétérit ne parlerait que du seul
procès, l'imparfait précursif qu'on lui substitue fait envisager l'au-delà.
Il promet une suite. Il pique la curiosité. Ainsi la simple phrase :

Le 4 septembre 1768, naissait à Saint-Malo, dans la sombre rue des
Juifs, le chevalier François-René de Chateaubriand.

que nous empruntons à l'Histoire de la littérature française de Lanson,
annonce, sous l'imparfait du verbe naître, le romantisme.

Le caractère perspectif des imparfaits précursifs peut croître au point
que dans certains emplois ce qu'ils expriment n'a plus de rapport qu'avec
l'éventuel. Ex. : Vous pouviez le faire (= vous auriez pu le faire). Un faux
mouvement et tout s'écroulait
(= tout se serait écroulé).

§ 21. Par son refus de distinguer extérieurement, dès la forme
sensible, l'imparfait cursif et l'imparfait précursif la langue française
marque sa tendance à les ramener à ce qu'ils ont de commun.

On a vu (§§ 9, 10) qu'ils sont tous les deux formés sur un thème
binaire : c'est le trait commun profond. Il en est un autre plus apparent :
dans l'imparfait, cursif ou précursif indifféremment, la pensée prend position
devant l'incidence
. Ce trait commun discerné, il devient sans importance :

que l'incidence pré-aperçue soit partielle comme dans :
Pierre lisait
où l'inaccompli a déjà commencé de se verser en accompli ;

ou qu'elle soit intégrale comme dans :
Il y a trois mois, un homme bien mis se présentait chez un bijoutier
parisien, et lui demandait un bijou exceptionnel, etc.,
où il ne peut être question d'opposer, intérieurement au verbe, l'accompli
à l'inaccompli.

Partie ou totalité de l'incidence, ce n'est plus là qu'une question de
quantité à laquelle la langue, tournée vers le qualitatif, ne s'arrête pas. Le
fait de position seul l'intéresse.

L'imparfait est en français la forme générale, indifférente aux cas
particuliers, du passé pré-incidentiel.

C. — Thème inversif Οωα | (§ 6).

§ 22. Le thème inversif est dans le passé le support d'un temps que
l'on nomme le prétérit défini 2425 et qui accuse exactement les caractères
dudit thème.

Porté sur un thème de forme (Οωα | →) qui annule en les inversant
69et la décadence et l'incidence du temps, et par là les indifférencie, le
prétérit défini a pour caractère distinctif de ne pas laisser le procès se
diviser en accompli et inaccompli (§ 6).

Le prétérit défini révoque de manière absolue une telle césure. Ex. :
Pierre marcha. Dans cette phrase, et parce qu'il s'exprime au prétérit
défini, le verbe marcher demeure parfaitement isogène, sans opposition
interne, au lieu que si l'on emploie l'imparfait — Pierre marchait — on
voit le procès se diviser en deux parties : l'une d'accomplissement, l'autre
d'inaccomplissement.

La représentation bipartite du verbe, décadence d'un côté, incidence
de l'autre, est quelque chose que le prétérit défini se refuse à accuser 2526.

§ 23. Tel est le système des temps français. Il comprend cinq formes :

I. Présent (valable pour les deux thèmes binaires : versif et aversif).

II. Imparfait (valable pour les deux mêmes thèmes).

III. Prétérit défini (valable pour le thème inversif seulement).

IV. Futur catégorique (valable pour le même thème).

V. Futur hypothétique 2627 (valable pour les deux thèmes binaires :
versif et aversif).70

§ 24. Le lecteur qui aura bien voulu nous suivre jusqu'ici tient sans
doute une objection prête : Il existe dans le mode indicatif non pas cinq
mais huit temps, et l'on en compterait dix en y comprenant, comme le
fait cet article, les deux conditionnels.

Le désaccord vient de ce que l'on confond les « constructions » du
mode indicatif avec les temps du même mode. S'il y a dix constructions
et cinq temps seulement, c'est qu'il existe deux aspects du verbe, l'un
immanent (simple), l'autre transcendant (composé) et que chacun des
aspects prend dans la langue, ainsi que le montre le tableau ci-dessous,
la marque de tous les temps.

tableau aspect immanent (simple) | aspect transcendant (composé) | Présent | J'aime | J'ai aimé | Imparfait | J'aimais | J'avais aimé | Prétérit | J'aimai | J'eus aimé | Futur catégorique | J'aimerai | J'aurai aimé | Futur hypothétique | J'aimerais | J'aurais aimé

L'aspect est une notion grammaticale que, malencontreusement 2728, la
grammaire française traditionnelle persiste à ignorer. Et pourtant, en
aucune langue, l'aspect n'offre une plus frappante objectivité qu'en français 2829.

L'aspect immanent (simple) tient la pensée en dedans du procès :
lire ; l'aspect transcendant (composé) porte la pensée au delà du procès,
dans sa subséquence : avoir lu.

Un troisième aspect s'ajoute parfois, ultra-transcendant (et surcomposé)
dont on pourrait dire qu'il introduit à la subséquence de la
subséquence : avoir eu lu (on est dans la transcendance de avoir lu, déjà
transcendant).

Comme chaque aspect accepte les cinq temps, si l'on faisait intervenir
dans le paradigme de conjugaison ce troisième aspect, dont l'emploi est
d'ailleurs fort restreint, le nombre des constructions d'indicatif passerait
à quinze.

§ 25. La description qui vient d'être faite du système des temps dans
le mode indicatif 2930 à partir des thèmes déterminants (§§ 5 à 7) est grammaticalement
71complète. Aucune difficulté n'a été éludée et les formes ont
été définies d'une manière qui en prévoit tous les emplois grammaticaux
et stylistiques 3031. Le fait que le présent article, avec tout ce qu'il comprend
de linguistique pure, tient en quelques pages, montre « la grande économie
d'explications fragmentaires » 3132 que permet la méthode analytique dont
on a fait usage. Au sujet de cette méthode, et pour conclure, il ne sera
sans doute pas superflu d'ajouter quelques mots qui en marquent le rapport
avec la méthode historique à laquelle elle pourrait apporter, et apportera
certainement quand elle sera mieux connue, le plus utile concours.

La méthode historique, méthode d'observation directe, faiblement
inductive 3233, conduit à une description détaillée du cheminement de la
langue en quête de systématisation. Or, ce cheminement, avec ses essais,
ses détours et retours, ne peut prendre pleine signification que si on le
réfère à ce qui se serait accompli, n'était la contingence, en ligne droite.
C'est cette ligne droite idéale, le système linguistique engendré directement
à partir de la condition d'entendement humaine, universelle, panchronique 3334,
que le présent article s'est proposé de rendre visible. La courbe
historique du français, dans sa sinuosité réelle, la côtoie à distance variable 3435,
la coupe et la recoupe, mais toujours, quoi qu'il arrive, en chacune
de ses parties, en chacun de ses points, cette courbe s'ordonne secrètement
par rapport au chemin droit dont elle n'est qu'une seconde et moins parfaite
expression. Il y a là un principe qui n'a pas été clairement perçu.
On a supposé, gratuitement, que les faits linguistiques prennent ordre et
raison dans leur seul enchaînement historique. La vérité est que cet enchaînement,
si remarquable soit-il, n'est jamais que l'expression contingente,
infléchie par mille accidents, d'un ordre moins visible, plus subtil, nécessaire
et impératif, que l'histoire de la langue, pour devenir vraie, doit évoquer,
autant qu'il est possible 3536, sous les faits apparents.72

11. Journal de Psychologie, 15 mars-15 avril 1937.

22. Le présent des psychologues, des philosophes, et même, le croirait-on, celui des
linguistes ordinairement, est ultra-linguistique. La Langue a déjà livré la notion en
résultat. Le procès qui a conduit au résultat est révolu, et inaperçu.

33. Sans cesser d'exister, bien entendu.

44. De porter à l'extérieur de la polation, c'est-à-dire du champ, du point d'insertion
du présent dans le temps.

55. De tenir à l'intérieur de la polation.

66. Termes empruntés à Temps et Verbe.

7 Voir note 6.

87. J'ai à cœur de rappeler ici que je dois à M. Meillet, dont le souvenir emplit ma
mémoire, l'idée infiniment précieuse que les faits linguistiques sont qualitatifs — ou,
à tout le moins, anti-quantitatifs. Il y a là une vue qui ouvre à la linguistique une
vaste et nouvelle perspective.

98. Il importe en toute question linguistique ayant trait au temps de faire le départ
entre le mouvement du temps dans la pensée et le mouvement de la pensée dans le
temps. La pensée est le lieu de définition du temps, mais le temps est le lieu d'action
de la pensée.

109. La propension du français, et généralement des grandes langues modernes de
civilisation, à inverser le temps est le signe d'une représentation très évoluée du temps.
Le temps n'est plus seulement l'infini et incoercible mouvement qui emporte toute
chose, il est aussi le champ ouvert devant l'homme pour qu'il y place son activité. Le
thème inversif, c'est l'homme « en action » sur le temps ; le thème versif, l'homme « en
passion » sous le temps.

1110. On pourrait également donner à ce thème le nom de thème inversif partiel.
Mais cette désignation conviendrait moins bien aux effets significatifs.

1211. Le thème aversif se rapproche par là du thème inversif dont il n'est souvent,
dans les applications, qu'une variante stylistique (§ 20).

1312. Binarité et non binarité (infinité) sont des distinctions cartésiennes

1413. Faute d'en tenir compte, on rencontrerait dans l'explication des difficultés
insurmontables, notamment en ce qui concerne l'exacte délimitation de l'imparfait et
du prétérit défini. Au point médian, que représente le thème aversif, ils paraîtraient
se confondre (voir quelques lignes plus loin dans le texte des exemples).

1514. La richesse est devenue très grande et le système anglais avec son complément
d'aspects se montre l'égal des meilleurs systèmes à morphologie temporelle étendue.

1615. Les constructions d'aspect anglaises, si l'on va au fond des choses, offrent une
grande analogie avec les mots doubles des langues l'Extrême-Orient.

Le rôle des mots doubles — il en existe dans toutes les langues — est de résoudre
par la médiation d'un mot second ajouté au mot principal un problème de discongruence
de nature variable. On voudra bien nous permettre, encore que, cela nous éloigne de
notre sujet, d'indiquer brièvement et par parenthèse quel problème de discongruence
la langue anglaise avait à résoudre quand elle s'est donné des verbes doubles.

C'est un problème simple.

Le verbe anglais dans son ensemble (auxiliaires mis à part : voir plus loin) est
congruent au réel. Il disconvient en conséquence à l'expression du temps possible. Et
dans tous les cas où celle-ci est visée, un problème de discongruence se pose qui se
résout par l'adjonction au verbe d'un mot médiateur approprié.

Le fait se marque en anglais dès l'infinitif. Le propre de ce mode est d'évoquer
le verbe en tant que possible et le petit mot to dont le verbe, à ce mode, se fait obligatoirement
précéder n'a d'autre but que de lever la discongruence entre le verbe qui ne
convient fondamentalement qu'au temps réel et le mode infinitif qui le fait convenir
au temps possible. Le mot to opère en occupant pro forma l'actuel, ce qui a pour effet
de rejeter le verbe dans le virtuel.

L'emploi obligatoire d'un auxiliaire lorsqu'il s'agit d'exprimer le futur procède de
la même cause. Le futur qui est du temps possible accuse sa discongruence au verbe
qui n'a de convenance qu'au temps réel. On lève la discongruence en faisant appel aux
mots accessoires (verbes auxiliaires) shall et will, qui ont pour effet, en occupant le
présent pro forma, de rejeter le verbe dans le futur. Le verbe anglais, ainsi du reste
que celui de nombreuses langues, devint futur par ectopie (c'est-à-dire par un déplacement
qui l'écarté de sa position propre).

L'interrogation, parce qu'elle situe le verbe dans le possible, entre l'être et le
non-être, a un effet semblable. Un auxiliaire est nécessaire pour l'exprimer : Do you
work ?

Et il en est de même ordinairement de la négation. Dans les cas assez rares où la
négation agit directement sur le verbe, elle acquiert une valeur expressive emphatique.
C'est qu'elle révoque alors directement la congruence fondamentale du verbe au réel,
au lieu que la négation avec médiation d'auxiliaire ne fait qu'incliner le possible,
— auquel le verbe est devenu ipso facto congruent et qui, par nature, s'y prête sans
résistance, — du côté négatif.

Le rôle dévolu aux auxiliaires dans ces différents cas (futur, interrogation, négation)
vient de ce que en tant que verbes fondamentaux, sous-jacents aux autres verbes, ils
ont dans le virtuel des racines plus profondes que ces derniers, autrement dit une
congruence plus pénétrante, qui se porte avec plus d'aisance du temps réel au temps
possible.

Il y a lieu d'ajouter que l'emploi d'un verbe double (auxiliaire + verbe) pour
marquer l'affirmation confère à celle-ci en anglais une valeur expressive particulière.
Amenée de plus loin, non pas du réel topique et fondamental, mais du possible
ectopique et perspectif, l'affirmation portée par verbe double couvre une opération de
pensée plus complexe que l'affirmation portée par verbe simple : I am working. I do
work
.

La congruence fondamentale du verbe anglais au temps réel a eu, d'autre part,
pour conséquence de réduire à l'extrême le mode subjonctif qui est le mode du temps
in fieri (v. Temps et Verbe).

1716. Le procès se passe tout entier du côté futur du présent.

1817. On en peut suivre les applications en d'autres langues, parmi lesquelles le grec.

1918. Le principe est mis en évidence dans les langues — anglais ou allemand, par
exemple — qui construisent le futur avec un auxiliaire. Conjugué au présent l'auxiliaire
livre le futur ; conjugué au passé il livre le conditionnel.

2019. Le français évite systématiquement l'expression du futur au moyen d'une périphrase,
et une construction comme : je vais travailler n'est pas l'équivalent systématique
des futurs à auxiliaire des langues germaniques. Le vrai est qu'on se trouve en
présence — c'est du reste le sentiment commun — non pas d'un futur mais d'un anti-futur :
un futur aussi peu futur, aussi présent que possible.

Le verbe je vais, qui remonte à lat. uado, apparaît psychologiquement qualifié pour
l'expression de l'anti-futur. Vado est en latin un ultra-indéterminé chargé d'aversion
pour le temps incident (pas de perfectum usuel) et, par cela même, en quelque sorte
secrètement anti-futur. Ce qui a eu la conséquence, entre autres, que le français a dû,
pour la formation du futur du verbe aller, recourir à un autre verbe eo, indéterminé
aussi, mais exempt d'aversion secrète pour le temps incident.

Les auxiliaires de futur de l'anglais shall et will, celui de l'allemand werden, sont
tout à fait autre chose. Ils se rapportent au devenir. Je vais, uado, à l'immédiat. De là
pour uado l'idée d'empressement qui s'y joint parfois et qui a persisté dans je vais.

2120. Le mode est autre chose. Il exprime un arrêt dans la genèse du temps, dans la
chronogenèse. Les modes marquent les étapes, les moments caractéristiques de celle-ci.
Sur ce sujet, voir : Temps et Verbe.

2221. Quelques auteurs grammairiens y ont vu pour, cette raison un conditionnel-temps
à distinguer du conditionnel-mode. En fait, il n'y a pas différence formelle. Le
futur dans les deux cas descend le temps. La grammaire, qui est la science des formes,
doit dans sa nomenclature s'en tenir à cette identité.

2322. Apparence cursive.

2423. Elle n'est nulle que de ce point de vue. Par ailleurs c'est une nullité efficiente,
obstante, qui empêche quelque chose d'avoir lieu : la version de l'incidence au-dessous
d'elle-même.

2524. Passé simple de la nomenclature officielle.

2625. Le thème inversif (§ 6) si on ne fait pas l'inversion infinie se reverse en thème
d'incidence absolue
. Il se conçoit, en effet, que le futur qu'on remonte en sens inverse
de son incidence rencontre indéfiniment devant lui du futur incident qui vient ; la
venue du futur est illimitée. Il arrive un moment où, à moins de poursuivre l'inversion
sans limitation aucune, on a devant le futur inversé, autrement dit du futur du
type Α | ← et non du type Οα | →. Le thème résultant serait alors, en définitive : Οωα | →.
Α | ←, le dernier terme Α | ← étant seul positif (non inversé) et entrant seul, effectivement,
en ligne de compte.

Dans Temps et Verbe on a pu indifféremment faire du thème d'incidence absolue
le support du prétérit français et de l'aoriste grec. Du fait que l'incidence était seule
en cause l'indivision, l'isogénéité du verbe s'expliquait sans difficulté : l'élimination de
la décadence comme terme positif (non inversé) excluait la représentation bipartite.

Une légère erreur d'attribution n'en était pas moins commise. Le thème d'incidence
absolue
est propriété du grec, non du français. En français, le thème correspondant est
celui qui a été décrit ici : le thème inversif infini (non binaire) ; le futur remonté en
sens inverse de son incidence rencontre bien indéfiniment devant lui, comme en grec,
du futur incident qui vient, mais indéfiniment aussi ce futur incident s'inverse.

On a, parmi plusieurs autres, un indice probant de cette différence thématique dans
le fait que l'aoriste grec a valeur dans le passé à partir du présent inclusivement et le
prétérit français à partir du présent exclusivement. La raison en est que le présent,
binaire par définition (ω + α), n'est exprimable, ainsi qu'il a été indiqué déjà (§§ 10,
11 et 14), que sur thème binaire, c'est-à-dire sur un thème dont un terme au moins est
positif (§§), ce qui est le cas du thème d'incidence absolue : Οωα | →.Α | ← mais n'est
plus celui du thème inversif dont tous les termes pris successivement en inversion sont
négatifs : Οωαα | →, ad infinitum.

Le thème d'incidence absolue, qui a eu la faveur du grec, procède d'une récurrence
qualitative fondée psychologiquement sur ce qui suit : le temps ab origine est du temps
qui vient : donc en l'inversant on ne peut finalement que se retrouver devant cette
qualité originelle. La valeur d'un tel fundamentum psychique n'est pas contestable :
c'est une vue profonde. Le système verbo-temporel grec lui doit sa physionomie et ses
qualités particulières.

2726. Conditionnel de la grammaire traditionnelle.

2827. L'aspect est si visible en français qu'on a peine à concevoir que jusqu'ici la
grammaire traditionnelle ne l'ait pas identifié.

2928. Voir : Immanence et transcendance dans la catégorie du verbe. Esquisse d'une
théorie psychologique de l'aspect
, in Psychologie du langage (N° spécial du Journal de
Psychologie
, 1933) (supra, pp. 46-58).

3029. Le mode qui porte au maximum (§ 2) rétrécissement et, conséquemment, la
définition du présent.

3130. Le présent article, toutefois, n'est que de grammaire. La stylistique en a été,
autant qu'il était possible, exclue. Mais les emplois stylistiques, si grande qu'en soit
la variété, trouvent leur pleine justification dans la description qui a été faite des
formes temporelles. Cette description, par ses qualités propres, lève d'ailleurs les difficultés
de l'explication stylistique, Elle fait apercevoir sous la diversité des nuances une
unité profonde : mille effets de sens pouvant se déterminer à partir d'une condition
formelle unique, qui les tient en puissance.

3231. R.-L. Wagner, Une loi d'équilibre en français, dans la revue : Le français
moderne
, n° 4.

3332. La linguistique s'est tenue jusqu'ici en trop grande défiance à l'égard de l'induction.
Sur cette question de la valeur de l'induction, on voudra bien nous permettre
de citer Cournot. L'induction, écrit-il, est « le procédé de l'esprit qui, au lieu de s'arrêter
brusquement à la limite de l'observation immédiate, poursuit sa route, prolonge la
ligne décrite, cède, pour ainsi dire, pendant quelque temps encore, à la loi du mouvement
qui lui était imprimé, mais non d'une manière fatale et aveugle : car la raison
lui dit pourquoi il aurait tort de résister ».

3433. Cf. F. de Saussure, Linguistique générale, pp. 138 et suiv.

3534. La distance à un moment donné peut devenir extrêmement petite. La langue
se prête alors merveilleusement, comme elle ne l'avait pas fait encore jusque-là, à
l'étude théorique.

3635. C'est une question de puissance analytique, et aussi de tact dans l'interprétation
des faits.