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Rousselot, Jean-Pierre. Principes de phonétique expérimentale. Tome I – T01

Principes
de
phonétique expérimentale

Introduction

En écrivant ce livre, je me suis proposé un double but :
préparer à l'étude des parlers vivants d'après la méthode
expérimentale et réunir en un corps de doctrine les principales
acquisitions dont cette nouvelle méthode a enrichi la
phonétique.

On trouvera sans doute qu'il est un peu tôt pour écrire
un manuel de ce genre. Tel a été aussi mon avis, et il a
fallu, pour me décider à l'entreprendre, les flatteuses sollicitations
d'un maître et le désir de faire progresser, en la
mettant en lumière, une méthode qui, plus que toute
autre, sollicite la collaboration d'un grand nombre d'ouvriers.

Maintenant que le travail est fini, j'espère que, tel quel,
il ne sera pas sans utilité. Car, il faut bien le dire, les
procédés des sciences expérimentales sont assez étrangers
aux linguistes. Une sorte de terreur superstitieuse s'empare
d'eux dès qu'il s'agit de toucher au mécanisme le plus
simple. Il fallait donc leur montrer que la difficulté est
moindre qu'ils ne se la figurent et leur faire entrevoir le
champ immense que l'expérimentation ouvre devant eux.

La phonétique est une science toute nouvelle, et l'un de
1ceux qui l'ont dénommée vît encore 11. C'est cette partie de
la linguistique qui décrit les sons du langage et en explique
les transformations.

La tâche du phonéticien est double : il doit être observateur
et historien. On peut donc distinguer deux sortes
de phonétiques : la phonétique descriptive et la phonétique
historique. Et, de fait, certains phonéticiens, suivant
le but qu'ils se proposaient, la nature des matériaux qu'ils
avaient sous la main, ou la tournure de leur esprit, se sont
appliqués soit à l'une soit à l'autre. Mais il est bien difficile
de se cantonner dans l'étude des faits actuels sans jeter
un regard curieux sur l'histoire, et de contrôler les documents
historiques des étapes disparues sans recourir à l'observation
des faits contemporains.

Ces deux parties sont tellement liées entre elles qu'il ne
semble guère possible d'exceller en l'une sans être maître en
l'autre : la première fournit à la seconde des bases positives
d'interprétation ; mais la seconde soulève des problèmes
qui attirent l'attention de l'observateur et jalonne la marche
des évolutions.

C'est par l'histoire que la phonétique a d'abord été constituée.
Il ne pouvait en être autrement. Les vastes horizons
ouverts par la comparaison de langues sœurs écrites
dans des lieux et des temps fort éloignés les uns des autres,
étaient seuls de nature à captiver les regards des premiers
2maîtres. L'observation directe, trop restreinte et trop profonde
à la fois, ne sollicite que des disciples.

La phonétique historique est souvent bien laborieuse.
Les documents dont elle dispose sont si incomplets et si
peu sûrs ! C'est avec des ruines qu'elle est obligée de construire
son édifice. Mais que de fois j'ai été ravi de voir
avec quel art, réunissant à propos des débris grossiers, elle
leur restitue leur forme première et la vie !

C'est dans ce travail de reconstitution que réside tout
l'effort intellectuel et toute la joie du savant. Aussi redoute-t-il,
en s'appliquant à la phonétique descriptive, de devenir
simple spectateur.

Qu'il se tranquillise. La lutte qui fait son bonheur, il la
retrouvera plus vive et plus fructueuse. Ce sera la lutte
contre la nature, qui cache ses secrets, mais qui aussi aime
à se laisser vaincre par une poursuite acharnée et féconde en
ressources.

Ils l'ont bien éprouvé, ceux qui, s'écartant du champ de
l'histoire où les premiers moissonneurs ont laissé peu à
glaner, se sont dirigés vers les parlers vivants et ont
demandé à l'observation le fondement même de leurs
études. Leur horizon limité s'est éclairci, et dans un faible
espace ils ont retrouvé en action les grandes lois de la phonétique
générale.

Leur oreille suffit d'abord à leurs besoins. Mais bientôt
la nécessité d'un contrôle et d'un auxiliaire se fit sentir.
On eut recours aux yeux, qui purent saisir les mouvements
organiques les plus simples, et l'on imagina quelques
procédés pour favoriser la vision. Ce n'était pas assez. On
chercha à inscrire la parole, les mouvements phonateurs, et
l'on demanda à des expériences appropriées la solution des
problèmes que soulève l'étude du langage.3

Déjà l'acoustique et la physiologie avalent préparé la voie.
La phonétique descriptive y entra résolument et devint
expérimentale.

Je croirai avoir accompli ma tâche, si je n'oublie aucune
des données scientifiques qui sont nécessaires pour conduire
les expériences avec méthode et les interpréter avec sûreté,
pour utiliser les appareils connus et en construire de nouveaux,
si en un mot je mets le lecteur à même de résoudre
expérimentalement les problèmes phonétiques qui se poseront
devant lui.

Dans ce but je traiterai :

Des éléments acoutisques de la parole ;

Des moyens naturels d'observation et d'expérimentation ;

Des moyens artificiels d'expérimentation ;

De l'analyse physique de la parole (timbre) ;

Des organes de la parole ;

De l'analyse physiologique de la parole.

Enfin je terminerai par un 7e chapitre, où j'appliquerai
la méthode à la solution de divers problèmes de phonétique,
et par un appendice sur l'emploi de la méthode expérimentale
dans l'enseignement des langues étrangères et la
correction des vices de prononciation.

Le phonéticien expérimentateur ne peut faire son œuvre
sans le concours désintéressé d'un grand nombre de personnes.
A cet égard, je contracte tous les jours des obligations
nouvelles, dont je dois, forcément, seul, garder
le souvenir. Mais je tiens à nommer mes deux élèves,
MM. Oussof et Grégoire, qui m'ont été si utiles, et dont
j'espère tant.4

Chapitre Ier
Éléments acoustiques de la parole

La parole se compose de bruits, qui suffisent à en caractériser
les divers éléments, et de sons, qui la rendent perceptible
au loin. Les bruits seuls existent dans la parole
chuchotée.

Le bruit et le son résultent, comme chacun sait, de
mouvements vibratoires exécutés par des corps élastiques
et transmis à notre oreille par l'intermédiaire de l'air. Ils se
distinguent d'après leur mode de composition : mais l'un et
l'autre ont pour élément primitif l'onde sonore ou aérienne.

Supposons une impulsion mécanique quelconque (celle,
par exemple, d'une pierre ou d'une feuille qui tombe)
s'exerçant à la surface d'une eau tranquille : aussitôt les
molécules comprimées s'infléchissent, soulevant les molécules
voisines, et deux circonférences, l'une en creux, l'autre
en relief, apparaissent autour du point ébranlé. Bientôt le
calme se rétablit au centre, et les deux cercles se propagent
au loin. La surface, d'abord plane, offrirait alors la coupe
suivante :

image

Fig. 1.

o, centre d'ébranlement ; a a, circonférence de compression ;
b b, circonférence de soulèvement.5

Je viens de décrire une onde liquide.

Les ondes aériennes sont analogues. Sous l'impulsion d'un
corps élastique, les molécules d'air se condensent, non plus
seulement à la surface comme l'eau d'an bassin, mais suivant
une sphère qui s'étend dans tous les sens. C'est la
première moitié de l'onde. Parvenu à la limite extrême de
sa course, le corps élastique revient sur lui-même et dépasse
en arrière son point de repos, d'une quantité égale à celle
de son premier déplacement. Dans ce second mouvement,
en sens inverse, il dilate les molécules de l'air, et une nouvelle
sphère se forme, concentrique à la première : c'est la
sphère de dilatation, répondant à la circonférence de dépression.
Alors l'onde est complète.

Si maintenant, au lieu d'une impulsion unique, nous
supposons une série d'impulsions successives, il se produit
à la surface du bassin une série analogue d'ondes concentriques
qui rident la surface de l'eau et lui donnent la
forme d'une ligne sinueuse.

Dans les deux cas que nous venons de considérer l'onde
est simple. Mais elle devient complexe, si à l'impulsion principale
se joignent des impulsions secondaires. Alors les
sinuosités de la surface sont modifiées par les courbes des
ondes accessoires.

Les choses ne se passent pas autrement dans l'air. Un
diapason à branches épaisses, s'il est mis en mouvement,
donne une série d'ondes sonores simples dont la figure est
celle d'une sinusoïde.

Une onde qui se réfléchit sur une surface dans l'air libre,
sur le fond d'un tube fermé ou sur la couche d'air qui
enveloppe un tube ouvert ; une corde vibrante, qui dans
son mouvement de totalité se subdivise en plusieurs parties
aliquotes ; un corps élastique, qui ébranle par influence
6d'autres corps solides ou une masse d'air contenue dans
une cavité quelconque : toutes ces sources sonores donnent
naissance à des ondes complexes.

Les ondes complexes peuvent être constituées de deux
manières. Ou bien elles sont dues à un mouvement vibratoire
pendulaire (analogue à celui du pendule), auquel
viennent s'ajouter des mouvements accessoires qui sont
avec le premier dans le même rapport que des nombres
simples, comme 1, 2, 3, 4, 5, 6, etc., sont entre eux, c'est-à-dire
2 fois, 3 fois, etc., plus rapides ; ou bien elles sont
comme des agglomérats d'ondes indépendantes, sans lien
et sans commune mesure.

Les premières donnent à notre oreille l'impression du
son ; les secondes, celle du bruit.

Dans un son complexe, on appelle son fondamental celui
qui résulte de l'onde principale ; harmoniques, les sons partiels
qui sont dus aux ondes secondaires.

Nous avons à considérer, dans les ondes sonores, l'amplitude,
la période, la phase et le mode de composition ; dans
le son, l'intensité, la hauteur et le timbre. Un son, en effet,
est fort ou faible, aigu ou grave, il a telle ou telle nuance
qui fait connaître la source d'où il émane (le son du
violon ne se confond pas avec celui d'un instrument de
cuivre). Les deux premières qualités se retrouvent dans
tous les sons ; la troisième est propre aux sons complexes.

L'intensité du son a pour mesure la force vive du mouvement
vibratoire générateur ; elle est donc proportionnelle
au carré de la vitesse du corps vibrant
, ou au carré de
l'amplitude des vibrations
, c'est-à-dire de la largeur de
l'onde. Dans l'air libre, l'amplitude des vibrations diminue
rapidement : elle est inversement proportionnait au carré de la
distance de la source
. Si la transmission se fait au moyen
7de tuyaux, l'intensité se conserve même à de grandes
distances.

La hauteur du son dépend de la rapidité du mouvement
vibratoire, ou de la durée de la période, ou bien
encore de la longueur des vibrations. La longueur elle-même
des vibrations se déduit de deux données : la vitesse
de propagation
du son dans le milieu où elle se produit, et
le nombre des vibrations successives qui ont eu lieu dans
l'unité de temps.

L'unité de temps adoptée est la seconde, et la vitesse de
propagation moyenne (v) du son dans l'air sec et tranquille
est de 337 mètres par seconde, à une température
de 10 degrés (330m 7 à zéro). Il est clair, d'après cela, que,
d'une part, des ondes consécutives durant chacune une
seconde auraient 337 mètres de longueur ; que, d'autre
part, 337 vibrations se succédant de même pendant une
seconde auraient chacune 1 mètre, etc. Il s'ensuit que,
pour trouver la longueur d'une onde (ou d'une vibration),
il faut diviser v par le nombre de vibrations qu'exécute
le corps sonore pendant une seconde.

Mais, comme la hauteur n'a rien d'absolu, et qu'elle
résulte pour nous uniquement du rapport de deux sons, il
nous suffit, en éliminant le facteur commun v, de comparer
le nombre des vibrations produites pendant une
seconde.

Nous dirons donc que deux sons sont d'égale hauteur ou
à l'unisson, quand ils se composent d'un égal nombre de
vibrations par seconde ; qu'ils sont à des hauteurs différentes,
l'un plus grave, l'autre plus aigu, si le premier a
moins de vibrations que le second.

Les musiciens ont dressé plusieurs échelles des sons, ou
8gammes, de telle manière que le plus aigu représente le
double exact des vibrations du plus grave, et chacune de ces
gammes a été divisée en sept parties ou notes qui portent
chez nous les noms de ut (do), , mi, fa, sol, la, si, la
8e note étant la 1re de la gamme suivante, et que les
Allemands désignent par les lettres c, d, e, f, g, a, h (les
Anglais disent b).

Les rapports entre ces notes sont marqués par les chiffres
suivants :

ut ré mi fa sol la si ut
1 9/8 5/4 4/3 3/2 5/3 15/8 2

Ou bien :

24/24 27/24 30/24 32/24 36/24 40/24 45/24 48/24

En calculant ces divers intervalles, on trouve les
rapports :

ut ré mi fa sol la si ut
9/8 10/9 16/15 9/8 10/9 9/8 16/15

qui représentent : 9/8 un ton majeur,
10/9 un ton mineur,
16/15 un demi-ton majeur.

Le rapport entre le ton majeur et le ton mineur est
9/8 : 10/9 = 81/80 (comma)

Pour les besoins de la musique, on peut hausser ou
baisser chaque note d'un demi-ton. La note haussée est
dite diésée ; la note baissée est bémolisée. On dièse une note
9ou on la bémolise en multipliant le nombre de ses vibrations
dans le premier cas par 25/24, dans le second par 24/25

Le dièse est représenté par le signe ♯, et le bémol par ♭.
En Allemagne, la note diésée est suivie de la syllabe is,
par exemple fis = fa ♯ ; la note bémolisée, de s (es, as) ou
es (ces, des, ges), sauf le si ♭, qui a pour équivalent b.

La gamme ainsi constituée peut être reproduite sans
difficulté sur des instruments à positions variables, le violon,
par exemple ; mais, comme elle amènerait une grande
complication pour les instruments à notes fixes (pianos,
harmoniums, etc.), les musiciens ont adopté une gamme
dite tempérée, composée uniquement de demi-tons égaux.
Il ne faut pas oublier cette particularité si l'on emploie des
lames d'harmonium comme base d'expérience.

Les gammes ne sont pas déterminées avec précision.
A défaut d'une limite fixe pour les sons perceptibles, on
s'en tient à peu près aux usages reçus.

La gamme, en 1700, d'après Sauveur, se réglait sur un la
de 405 vibrations (810 demi-vib.). Mais, les orchestres ayant
la tendance de hausser leurs instruments, le diapason a
varié dans les diverses villes d'Europe : il a même atteint
452, 5 et 455,5 vibrations.

Une commission réunie à Paris en 1858 a adopté celui de
Lissajous 435 v. (870 demi-v.) : c'est le diapason normal
en France. Les physiciens allemands ont, en général, conservé
la détermination de Scheibler, 440 v., qui a l'avantage
de donner, pour la plupart des notes, des nombres
de vibrations entiers. M. Kœnig se règle sur un ut de 512
demi-vibrations à 20° c.

Les différentes gammes sont distinguées au moyen
d'indices qu'on ajoute à chaque note. Cet indice varie
en France et en Allemagne. Nous appelons la2 le la du
10diapason, celui qui répond au médium de la voix de
femme. Le la2 est pour nous le médium de la voix d'homme,
et le la1 le contre-la. Les gammes au-dessous sont notées
— 1 et — 2. En Allemagne, la gamme 2 ne porte aucun
indice ; ut2 a l'indice 1 (c1) : les gammes au-dessous de c sont
distinguées par des majuscules (C, C1, etc.) 12.

Des distinctions aussi grossières que sont celles des
gammes et des notes ne sauraient nous suffire. C'est par
vibrations ou fractions de vibration que nous établirons
nos calculs. Mais, pour fixer les résultats et les rendre sensibles,
il est quelquefois commode de recourir à la notation
musicale. C'est pour ce motif, et pour faciliter la lecture des
études faites sur le timbre, que je donne ici le nombre des
vibrations répondant à chaque note 23, d'abord d'après le
diapason français, ensuite d'après le diapason des physiciens
allemands.11

tableau octaves | notes | ut | ré | mi | fa | sol | la | si12

Les Allemands comptent, pour les gammes correspondant
à nos gammes ut1ut6 :

tableau notes | gamme | ut | ré | mi | fa | sol | la | si

Peur M. Kœnig (il compte par demi-vibrations), la
gemme de ut2 est ainsi composée :

tableau ut | ré | mi | fa | sol | la | si♭ | si13

Les chiffres de la gamme naturelle sont assez différents
de ceux de la gamme tempérée. Dans cette dernière, l'octave
seule est respectée. Voici, pour qu'on en juge,, les deux
gammes comprises entre le la2 (celui du diapason normal)
et le la4, l'intervalle étant de 435 vibrations, soit 36,25
pour chaque demi-ton :

tableau la2 | si2 | ut4 | ré4 | mi4 | fa4 | sol4 | la4

Ces différences, sensibles seulement pour une oreille
exercée, ne choquent personne.

On le voit, les intervalles musicaux comportent une
certaine indécision qui les rendrait impropres à la phonétique,
alors même qu'ils seraient moins étendus.

Les limites ordinaires des voix humaines sont : basse-taille
fa1-2, baryton la1-fa2 ténor ut2-la2, contralto
mi2-ut4, mezzo-soprano sol2-mi4, soprano si2-sol4.
Il est bon de s'en souvenir, quand on lit les
travaux sur le timbre, pour se rendre compte des voix
qui ont été utilisées et, aussi, pour corriger quelques
erreurs.

Composition des ondes sonores.

Composition des ondes sonores. — Les exemples suivants
nous apprendront sur la composition des ondes sonores
tout ce qu'il importe de savoir.

Composition de deux ondes de même amplitude, de
même période et de même phase. — Dans ces conditions,
les ondes commencent en même temps et sont par conséquent
14de même sens : les impulsions élémentaires s'ajoutent.

image

Fig. 2.

Résultante : une onde
de même période, mais
d'une amplitude double :
il y a renforcement du
son (fig. 2).
a b + a′ b′ = A B.
De même,
e d + e′ d′ = E D,
etc.

Composition de deux ondes de même amplitude, de
même période, mais avec une différence de phase de 1/2
(fig. 3). — La première est en retard d'une demi-onde sur la
seconde. Dans ce cas, les dilatations de l'une correspondent

image

Fig. 3.

aux condensations de
l'autre. Donc elles s'annulent.
Il y a interférence
et extinction du son.
a ba′ b′ = 0 ;
e de′ d′ = 0 ;
c = 0, c′ = 0.

Composition de deux ondes de même amplitude, de

image

Fig. 4.

même période, mais
avec une différence
de phase plus grande
ou plus petite que
1/2. — La première
commence quand la
seconde est déjà en
a (fig. 4). A mi-distance
entre a et b, il y a interférence, puisque
15e de′ d′ = 0 ; pour tous les autres points les amplitudes
s'ajoutent ou se retranchent suivant qu'elles sont
ou non de même sens. Le son reste de même hauteur,
mais il est en partie étouffé.

Composition de deux ondes de même phase, de même
amplitude, mais d'une différence de période égale à 1/2.
— Les deux ondes commencent en même temps aux points
a et α (fig. 5). La plus petite est contenue 2 fois dans la plus
grande ; par conséquent, l'amplitude, qui est zéro en a, sera
également zéro en d et en b. La résultante sera donc une
courbe de même période que la grande ; mais elle sera
modifiée par la petite, dont les amplitudes tantôt s'ajouteront

image

Fig. 5.

et tantôt
se retrancheront ;
par exemple, nous
avons :
ε r′ = e e′ + e e″ ;
γ r = c c′ ;
φ r″ = f f′ - f f″.
Le son aura la hauteur du composant le plus grave ; il
sera modifié dans son timbre.

Composition de deux ondes de même phase, de même

image

Fig. 6.

amplitude, mais
d'une différence
de période égale
à 1/3. — La petite
onde est contenue
3 fois dans la grande
(fig. 6). Le cas est
analogue au précédent
et se résout de même. Il a l'avantage de nous montrer
16l'influence très sensible que produit une plus grande
différence de période.

Timbre.

Timbre. — Le principe de la théorie du timbre des sons
musicaux a été posé par Monge 14, mais c'est à Helmholtz
que nous en devons l'analyse complète. Cette qualité
particulière, qui nous fait distinguer des sons de même
intensité et de même hauteur, est due aux harmoniques
qui s'ajoutent au son fondamental.

La série des harmoniques, en prenant, par exemple, ut1
(65,25 v. d.) comme son fondamental, est la suivante :

tableau ut | mi | sol | fa | la | si | ré

etc.

Dans cette série, 2, 4, 8, 16, … sont les octaves (2/1)
successives du son fondamental ; 3, 6, 12, … la quinte
(3/2) supérieure au 2e son partiel et ses octaves ; 5, 10, …
17la tierce majeure (5/4) au-dessus du 4e son partiel et
son octave, … ; 9, … la seconde majeure au-dessus du 8e son
partiel, …. Quant à 7, 11, 13, 14, … ils ne correspondent
exactement à aucune note de la gamme.

Si, au lieu de prendre ut1 comme note fondamentale, nous
avions choisi, je suppose, si-1(61, 17 v.), le son partiel 3
ne correspondrait pas exactement à fa2, parce que la
quinte si-fa2 contient un demi-ton mineur. Dans des cas
analogues, on ajoute à la note la plus voisine les signes >
ou + « plus aigu que », < ou — « plus grave que ».
Exemple : > fis2, ou fis2, +, ou encore + fa4 désignent
un son plus aigu que fis2 (fa4).

Helmholtz a établi que les différents timbres résultent
du nombre, du rang et de l'intensité des harmoniques.

Voici les règles générales qu'il a lui-même tirées de ses
recherches sur les relations du timbre avec la composition
du son :

« Des sons simples, comme ceux des diapasons associés
à des tuyaux résonnants, ceux des grands tuyaux bouchés
de l'orgue, présentent beaucoup de douceur, de charme,
n'ont aucune dureté, mais ils manquent d'énergie et sont
sourds dans les régions graves.

Les sons accompagnés d'une série d'harmoniques
graves de moyenne intensité, jusqu'au sixième environ,
sont pleins et d'un bon emploi en musique. Comparés aux
sons simples, ils ont quelque chose de plus riche, de plus
fourni, et sont cependant parfaitement harmonieux et doux,
tant que les harmoniques supérieures font défaut. A cette
catégorie appartiennent les sons du piano, des tuyaux ouverts
de l'orgue, les sons faibles et doux de la voix humaine et
du cor, ces derniers formant la transition du côté des sons
18munis d'harmoniques élevés, tandis que les flûtes et les jeux
de flûtes, avec peu de vent, se rapprochent des sons simples.

Quand les sons partiels impairs existent seuls, comme
dans les petits tuyaux bouchés de l'orgue, les cordes du
piano pincées au milieu et la clarinette, le son prend un
caractère creux et même nasillard, pour un grand nombre
d'harmoniques.

Si le son fondamental domine, le timbre est plein ; il
est vide, au contraire, si l'intensité du son fondamental ne
l'emporte pas suffisamment sur celles des harmoniques.
Ainsi le son de grands tuyaux ouverts de l'orgue est plus
plein que celui des petits tuyaux de même nature ; le son des
cordes est plus plein lorsqu'elles sont ébranlées par les marteaux
du piano que lorsqu'elles sont frappées avec un morceau
de bois ou pincées par les doigts ; le son des tuyaux
associés à des appareils résonnants appropriés est plus
plein que celui des mêmes tuyaux sans caisses résonnantes.

Quand les harmoniques supérieurs, à partir du
sixième ou du septième, sont très-nets, le son devient
aigre et dur. Nous en trouverons l'explication dans les dissonances
que forment entre eux ces harmoniques supérieurs.
Le degré de mordant peut varier ; avec une faible
intensité, les harmoniques supérieurs ne diminuent pas
essentiellement la possibilité de l'emploi musical du son ;
ils augmentent, au contraire, le caractère et la puissance
d'expression de la musique. Dans cette catégorie figurent,
avec une importance particulière, les ions des instruments
à archet, puis la plupart des instruments à anche, le
hautbois, le basson, l'harmonium, la voix humaine.
Les sons durs et éclatants des instruments de cuivre sont
extraordinairement pénétrants, et, par suite, donnent
l'impression d'une grande puissance à un plus haut degré
19que les sons de même hauteur mais d'un timbre doux… 15 »

On a vu plus haut que la position relative des ondes
partielles, ou différence de phase, modifie la composition de
l'onde résultante. Il est naturel de se demander si elle
a une influence sur le timbre. Helmholtz s'est posé la
question et en a cherché la solution au moyen d'une série
harmonique de diapasons. Il a produit un grand nombre
de combinaisons de sons en faisant varier la différence
de phase, et il n'a « jamais vu la plus petite modification
se produire dans le timbre 26 ».

Plusieurs physiciens ont résolu la question comme Helmholtz.
De son côté, M. Kœnig, dont il faut lire les « remarques
sur le timbre 37», après avoir fait des expériences
sur lesquelles nous aurons à revenir, ne pense pas que l'influence
de la différence de phase des harmoniques sur le
timbre soit à négliger. Mais, comme je me borne ici à
indiquer les principes généraux admis de tous, je renvoie
au chapitre IV pour les théories qui s'en écartent un peu 48.20

Chapitre II
Moyens naturels d'observation
et d'expérimentation

L'œil suit aisément, malgré leur complexité, les ondes
qui se croisent à la surface d'un bassin. Du reste, un flotteur,
placé à portée, rendrait visibles par ses oscillations les
mouvements d'élévation et de dépression de chaque vague.

Les ondes aériennes échappent à nos yeux ; mais une
membrane, tendue sur leur trajet, reproduirait leurs mouvements
successifs de compression et de dilatation. Nous
avons reçu de la nature, cachée dans l'épaisseur du rocher,
au fond d'un canal largement ouvert dans l'atmosphère,
une membrane de cette sorte, celle du tympan, et (ce qui
montre combien la comparaison des ondes aériennes aux
ondes liquides est juste) les impressions vibratoires qu'elle
reçoit nous arrivent par l'intermédiaire d'un milieu liquide
auquel elle les communique. Telle est notre oreille, formée
de la réunion de trois appareils : l'un qui recueille les ondes
sonores, un second qui les transmet, le troisième qui les
perçoit. Nous avons le devoir de la décrire à ce triple
point de vue, avant de passer à l'examen des appareils que
la méthode expérimentale lui associe comme auxiliaires :
l'expérimentateur a besoin de la connaître à fond, dans
quelques parties au moins, pour en profiter pleinement, et
surtout pour l'imiter. Puis nous dirons comment il faut en
faire l'éducation.21

Article I
Description de l'oreille 19.

De la portion extérieure de l'oreille (le pavillon), nous
n'avons rien à dire : elle est connue de tous. Quant au
conduit qui amène les ondes sonores à la membrane du
tympan, il suffit de remarquer qu'il présente une direction
flexueuse et qu'il varie de diamètre 210(fig. 7). Les
ondes sonores se réfléchissent sur les parois de ce canal et
arrivent amplifiées à l'appareil de transmission.

L'oreille moyenne, ou tympan, a pour but de transformer les
vibrations aériennes en vibrations liquides. Elle se compose
d'une caisse pleine d'air communiquant avec l'arrière-cavité
des fosses nasales par la trompe d'Eustache.

Cet appareil mérite de nous arrêter plus longtemps ; il
22nous présente un excellent modèle pour l'exploration des
ondes sonores.

Le tympan peut être comparé à un cylindre très court
dont les bases, l'une et l'autre curvilignes, se regardent par
leur convexité. La distance qui sépare ces deux bases varie

image (Testut, Anatomie.)

Fig. 7.
Coupe vertico-transversale de l'appareil auditif.

A. Oreille externe. — B. Oreille moyenne. — C. Oreille interne. —
(M. Apophyse roastoïde. — S. Apophyse styloïde.)

1. Insertion du tendon du muscle du marteau. — 2. Conduit auditif externe. — 3. Membrane
du tympan. — 4. Marteau et chaîne des osselets. — 5. Orifice d'entrée des cavités mastoïdiennes,
— 7. Vestibule. — 8. Fenêtre ovale. — 9. Fenêtre ronde. — 10. Conduit
auditif interne.

de 1 à 2 millim. au centre, de 3 à 6 à la circonférence.
Ces deux bases représentent : l'une la membrane du tympan,
l'autre la cloison de l'oreille interne. Nous ne nous
occuperons que de ces deux parois et de la chaîne d'osselets
qui les unit.23

La membrane du tympan est mince (1/10 de millim.), un
peu bombée en dedans, excepté dans sa partie inférieure,
de l'ombilic à la périphérie, où la courbure est tournée en
dehors. Par sa forme, elle se rapproche du cercle : son
diamètre vertical est de 10 ou 11 millim., son diamètre
horizontal ordinairement de 10 millim. (soit une différence
entre les deux de 1/2 ou 1 millim.). Elle fait avec l'horizon
un angle de 30° à 35° chez le nouveau-né, de 40° à 45° chez
l'adulte, c'est-à-dire qu'une verticale menée de son pôle
supérieur rencontrerait le conduit auditif externe à 6 millim.
en dehors du pôle inférieur (fig. 7 et 9). Il paraît qu'elle est
d'autant plus sensible qu'elle est plus voisine de la verticale.

Elle est fixée au moyen du bourrelet annulaire, dans la
rainure (sulcus tympanicus) du cercle ou plutôt du croissant

image (Testut, Anatomie.)

Fig. 8.
Membrane du tympan vue par sa face externe.

1. Cercle tympanal — 2. Marteau. — 3. Enclume. — 4. Membrane flaccide.—
5. Fibres circulaires. — 6. Ombélice d'où partent les fibres radiées.

tympanal, et, dans l'espace laissé libre par les cornes du
croissant, elle se rattache à la paroi supérieure du conduit
auditif par la membrane flaccide (moins épaisse et plus lâche),
24qui est quelquefois accidentellement percée d'un orifice
(trou de Rivinus). Quoique très mince, la membrane du
tympan est douée d'une grande résistance. Elle doit cette
qualité à une couche fibreuse interne placée entre la peau
du conduit auditif externe er la muqueuse de la caisse qui
la revêtent tout entière. La couche fibreuse se compose, de
dehors en dedans, d'abord de fibres radiées qui se détachent
du bourrelet circulaire, puis de fibres circulaires qui, très
denses à la périphérie, s'amincissent en se rapprochant du
centre, enfin de fibres dendritiques qui envoient des prolongements
dans tous les sens (fig. 8).

En face de la membrane du tympan se trouve la paroi
de l'oreille interne, qui renferme les organes de la perception
auditive. Cette paroi osseuse est percée de deux trous :
la fenêtre ronde (diam. de 1 ½mm à 2), qui est fermée par.
une membrane analogue à celle du tympan (fig. 7 et 12) ; la
fenêtre ovale, où vient se terminer la chaîne des osselets.

La fenêtre ovale est allongée dans le sens transversal. Son
grand axe a de 3 millim. à 3 1/2mm ; son petit 1 1/2mm. Le
bord supérieur est concave ; le bord inférieur, le plus souvent
rectiligne (fig. 7, 9 et 12).

La chaîne des osselets qui va de la membrane du tympan
à la fenêtre ovale se compose de trois petits osselets, solidement
attachés entre eux par des articulations, de telle sorte
qu'un mouvement communiqué au premier ou au dernier
se répercute sur tous les autres. Ce sont : le marteau, l'enclume
et l'étrier (fig. 7, 8 et 9).

Le marteau (22 à 24 milligrammes) est pris par le manche
entre la couche fibreuse et la couche muqueuse de la membrane
du tympan. Il est maintenu en position par quatre
ligaments : l'un le rattache à la voûte de la caisse (lig. supérieur),
deux autres à la paroi externe (lig. externe et
25lig. postérieur), le quatrième à la base du crâne, dans le
voisinage de l'épine du sphénoïde (lig. antérieur).

L'enclume (25 milligr.) est reliée à la paroi de la caisse
par le sommet de sa branche supérieure (lig. postérieur),
souvent aussi à la voûte (lig. supérieur).

L'étrier (2 milligr.) pénètre dans la fenêtre ovale à la

image (Testut, Anatomie.)

Fig. 9.
Chaîne des osselets et leurs ligaments, vus par leur face intérieure.

1. Marteau. — 2. Son ligament supérieur. — 3. Son ligament externe. — 4. Apophyse
courte. — 5. Surface de section de son apophyse grêle. — 6. Tendon du muscle du marteau.
— 7. Articulation du marteau avec l'enclume. — 8. Ligament supérieur de l'enclume.
— 9. Articulation de l'enclume et de l'étrier. — 10 et 10′. Ligament annulaire de l'étrier.

a. Membrane du tympan. — b. Membrane flaccide. — c. Caisse du tympan. — d. Poche de Prusaak.
— e. Vestibule, avec les orifices des canaux demi-circulaires. — f. Rampe tympanique
du limaçon.

manière d'un bouchon. Il en épouse la forme : bord supérieur
convexe, bord inférieur rectiligne ou légèrement
concave, extrémité postérieure arrondie, extrémité antérieure
pointue. Le bord de l'étrier ne touche pas le pourtour
26de la fenêtre ovale ; il règne entre les deux une fente
circulaire, qui va grandissant depuis l'extrémité postérieure,
où elle mesure 15μ (15/1000 de millim.), jusqu'à l'extrémité
antérieure, où elle atteint 100μ. Cette fente est comblée
par le ligament annulaire, composé de fibres en partie conjonctives,
en partie élastiques, qui rattache ainsi l'étrier à
la paroi de l'oreille interne (fig. 9 et 11 B).

La chaîne des osselets obéit à deux muscles : le muscle
du marteau et le muscle de l'étrier.

Le muscle du marteau est long de 20 à 25 millim. Parti
du bord supérieur de la trompe, il arrive à la fenêtre ovale,

image

Fig. 10.
(d'après Testut.)

C. Caisse du tympan. — T. Membrane du tympan. — 1. Marteau. — 2. Enclume. — 3. Étrier.

La ligne pointillée marque la position que prennent les osselets et la membrane du tympan
lorsque le muscle du marteau se contracte.

d'où il se dirige vers l'extrémité supérieure du manche da
marteau. Lorsqu'il agit, il attire à lui le point sur lequel il
s'insère. Le marteau, maintenu par ses ligaments, bascule,
27porte la tête en dehors et le bout du manche en dedans.
Le corps de l'enclume suit la tête du marteau, et sa branche
verticale refoule l'étrier dans la fenêtre ovale (fig. 10).

Ainsi, le muscle du marteau a pour effet de tendre la
membrane du tympan et de comprimer le liquide de
l'oreille interne. Par là, il protège le nerf auditif contre les
chocs trop violents.

Le muscle de l'étrier naît à la base du crâne, dans le canal

image

Fig. 11.
(d'après Testut.)

A. Étrier au repos. — B. Base de l'étrier vue par sa face interne. — C. L'étrier après la
contraction de son muscle.

B : 1. Extrémité antérieure. — 2. Extrémité postérieure. — 3. Bord supérieur. — 4. Bord
inférieur.

A et C : 1. Pyramide. — 2. Tendon du muscle de l'étrier. — 3. Base de l'étrier. — 4. Rebord
postérieur de la fenêtre ovale ; 4′. son rebord antérieur. — L. Partie antérieure (la
plus longue) du ligament annulaire ; L′. sa portion postérieure. — a a. Diamètre antéro-postérieur
de la fenêtre ovale. — x. Axe de rotation.

de la pyramide, d'où il sort par un tendon grêle qui va s'attacher
au col de l'étrier. Lorsqu'il se contracte, le col de
l'étrier est attiré en arrière. Ce mouvement a un double
effet. D'une part, il enfonce légèrement l'extrémité postérieure
dans la fenêtre ovale, mais en même temps il retire
d'une quantité plus considérable l'extrémité antérieure :
par là, il diminue la pression dans l'oreille interne. D'autre
28part, il repousse la branche verticale de l'enclume qui
entraîne en dedans la tête du marteau et en rejette le
manche en dehors. La membrane du tympan se trouve
ainsi détendue et parfaitement disposée pour vibrer au
moindre mouvement ondulatoire. Le muscle de l'étrier est
donc « le muscle qui écoute » (fig. 11).

On le voit, l'oreille moyenne répond parfaitement à sa
destination. Le problème à résoudre était celui-ci : transmettre
les vibrations de l'air à un liquide, milieu beaucoup
plus dense que le premier. L'équilibre voulu est maintenu
automatiquement entre le liquide, l'air intérieur et l'air
extérieur, par les muscles de l'oreille moyenne et ceux de
la trompe d'Eustache. L'inertie du liquide est vaincue par
les dimensions de la membrane du tympan comparée à celle
de l'étrier, par sa forme et par sa position.

L'oreille interne, celle où s'accomplit le phénomène de

image (Testut, Anatomie.)

Fig. 12.
Labyrinthe osseux isolé et va par sa face externe.

A. Canal demi-circulaire supérieur (a. son extrémité ampullaire). — B. Canal demi-circulaire
postérieur (b. son extrémité ampullaire ; a′ b′. canal commun aux deux extrémités non
ampullaires des canaux A et B). — C. Canal demi-circulaire externe (c. son extrémité
ampullaire ; c′. son extrémité non ampullaire).

1. Fenêtre ovale. — 2. Fenêtre ronde. — 4. Limaçon.

l'audition, se compose de cavités osseuses auxquelles leur
29complexité a fait donner le nom de labyrinthe. Ce sont :
le vestibule, les canaux demi-circulaires et le limaçon (fig. 12).

Le vestibule est une sorte de carrefour qui communique
en dehors avec le tympan, en dedans avec les canaux et le
limaçon. Il a la forme d'une chambre ovale, longue de
6 millim., large de 3 millim., haute de 4 à 5. Les canaux
demi-circulaires
sont disposés sur le vestibule en anse de
panier. Deux sont verticaux : l'un perpendiculaire (c'est le
supérieur, 15 millim.), l'autre parallèle à l'axe du rocher
(postérieur, 18 millim.) ; le troisième est horizontal (externe,
12 millim.). Ils s'élargissent tous à l'une de leurs extrémités
en forme d'ampoule (orifice ampullaire).

Le limaçon (fig. 13) se compose de trois parties : 1° un

image
(Testut, Anatomie.)

Fig. 13.
Sommet du limaçon vu par en haut.

C. Columelle.

1. Coupole. — 2. Lamelle semi-inf […] liforme de la lame des contours. — 3. Lame des
contours. — 4. Lame spirale ; 4. […] crochet. — 5. Rampe tympanique. — 6. Rampe
vestibulaire.

noyau (columelle) (hauteur 3 mm., base 3 mm.) percé de
petits canaux qui reçoivent le nerf auditif : canal afférent,
canal spiral ou de Rosenthal et canal efférent ; 2° un tube
30cylindrique (lame des contours) (28 à 30 millim.), qui est
ouvert par la base et qui, après avoir formé autour du
noyau trois tours de spire, se termine par une extrémité
fermée (coupole du limaçon) ; 3° une lamelle osseuse (lame
spirale
), qui, adhérente au tube cylindrique par son bord
interne seulement, partage celui-ci en deux moitiés communiquant,
l'une avec le tympan (rampe tympanique),
l'autre avec le vestibule (rampe vestibulaire) (fig. 13, 14, 15).

Le labyrinthe livre passage au nerf auditif, qui chemine
dans le conduit auditif interne, à travers des lames criblées
de petits trous, et situées dans la paroi interne du vestibule
et à la base du limaçon. Il s'ouvre sur le cerveau par l'aqueduc
du vestibule
.

Les cavités du labyrinthe renferment, nageant dans un
liquide (périlymphe) et rempli par un autre (endolymphe),
un système de sacs et de tubes membraneux qui sont adhérents
à une partie de la paroi et maintenus en position par
des travées fibreuses. Les sacs sont dans le vestibule ; les
tubes, dans les cavités cylindriques.

Les sacs du vestibule (utricule, long. 3 ou 4 millim.,
larg. et haut. 2 millim., et saccule, 2 millim. de diamètre)
sont mis en communication entre eux par le canal endolymphatique,
logé dans l'aqueduc vestibulaire. L'utricule
reçoit les tubes membraneux demi-circulaires, et le saccule
est relié au canal du limaçon (canal cochléaire) par le canalis
reuniens
de Hensen. C'est dans les sacs et les canaux que
sont disposés les organes sensoriels.

Au point où s'épanouit le nerf auditif dans l'utricule et
le saccule (taches acoustiques), la muqueuse laisse voir
trois sortes de cellules : 1° des cellules dites basales, reposant
sur la membrane mince qui recouvre le périoste ;
2° des cellules de soutien, en forme de fuseau, entre lesquelles
31se trouve un plexus serré de fibres nerveuses (plexus
basal
) ; 3° les cellules sensorielles, qui ressemblent à des dés
à coudre, munies d'un prolongement inférieur qui s'unit à
l'une des fibrilles du plexus basai, et d'un cil supérieur
volumineux et très long.

Les crêtes acoustiques des ampoules des canaux demi-circulaires
ont une structure analogue.

Enfin, dernier détail important à signaler, on trouve
dans l'utricule, le saccule et les ampoules, de petits cristaux
de carbonate de chaux.

Le canal cochléaire repose à la fois sur la paroi du tube

image (Testut, Anatomie.)

Fig. 14.
Coupe transversale de l'une des spires du limaçon (demi-schématique).

1. Organe de Corti. — 2. Canal cochléaire. — 3. Lame spirale osseuse et canal efférent. —
4. Membrane basilaire. — 5. Canal afférent. — 6. Canal de Rosenthal. — 7. Canal efférent.
— 8. Rampe tympanique. — 9. Rampe vestibulaire. — 11. Membrane de Reissner.

cylindrique par le ligament spiral et sur la lame spirale par
la bandelette sillonnée 111. Il intercepte donc complètement les
deux rampes du limaçon, dont il est séparé par deux membranes,
la membrane de Reissner et la membrane basilaire.
C'est sur cette dernière que reposent, dans un équilibre
parfait, les organes auditifs (fig. 14 et 15).32

Au niveau de la partie interne de la membrane basilaire,
à l'endroit où se rendent les divisions terminales du nerf
auditif en sortant par les foramina nervina de la bandelette
sillonnée, la muqueuse du canal cochléaire se soulève pour
former l'organe de Corti. Le centre est occupé par une série
d'arcades, entre les piliers 112 desquelles passent les fibres
nerveuses. A droite et à gauche des arcades, on voit, assises
sur leurs cellules de soutien (cellules de Deiters), et encadrées
par des cellules de transition (cellules de Claudius),

image

Fig. 15.
(d'après Testut.)
Organe de Corti (schéma).

A. Pilier interne. — B. Pilier externe. — C. Tunnel de Corti. — D. Cellules auditives internes.
— D′. Cellules auditives externes, avec leurs cils. — E. Cellules de Deiters. — F et F′.
Cellules internes (F) et externes (F′) de Claudius. — G. Membrane réticulaire. — H. Membrane
de Corti. — I. Membrane basilaire. — K. Crête spirale. — L, L′. Lame spirale
osseuse.

1. Faisceaux nerveux efférents. — 2. Fibres externes.

les rangées des cellules auditives 213. Au-dessus s'étend la membrane
réticulaire
(fig. 15).

Les cellules auditives ont, comme celles du vestibule,
33la forme d'un dé à coudre. La partie plane, adhérente à la
membrane réticulaire, porte les cils auditifs disposés en fer
à cheval et recouverts de la membrane de Corti, qui joue à
leur égard le rôle d'un étouffoir. La partie arrondie de là
cellule donne naissance à un seul prolongement axile qui
se dirige vers la membrane basilaire et se continue avec
l'une des fibres du nerf auditif.

S'il est vrai, comme bien des raisons portent à le croire,
que les ampoules des arcs demi-circulaires sont les organes
du sens de l'espace ou de l'équilibration, il ne reste pour
l'audition proprement dite que les vésicules du vestibule et
le limaçon. Les premières, qui répondent à l'organe rudimentaire
des poissons, recueilleraient les vibrations irrégulières
et nous donneraient l'impression du bruit, tandis que
les vibrations régulières, ébranlant les organes complexes
et multiples du limaçon, seraient perçues comme sons
musicaux.

Article II
Éducation de l'oreille.

On voit par ces détails sommaires, mais tous choisis en
vue du sujet qui nous occupe, quel merveilleux instrument
est l'oreille, combien elle est propre à inspirer les expérimentateurs,
et à quel point, étant donnés le nombre et la
variété de ses organes, elle est susceptible d'éducation.
L'exemple des musiciens, des accordeurs surtout, et des
acousticiens suffirait du reste à le prouver.

Le phonéticien doit donc mettre au premier rang dans
ses études préparatoires la formation de son oreille. Plus
loin, nous rechercherons les moyens de corriger, de compléter
34les données qu'elle fournit, mais nous ne trouverons
point celui de nous en passer. Quand l'oreille se reconnaît
impuissante, il faut bien la suppléer ; mais, dans les cas
où elle suffit (et ils sont nombreux), nul moyen d'expérimentation
n'est aussi rapide ni aussi commode. C'est grâce
à elle, et à elle seulement, que j'ai pu suivre d'étape en
étape diverses évolutions phonétiques (, k, g, s + cons.,
ε, etc.), découvrir le lieu où elles ont pris naissance et marquer
chacun de leurs progrès, de leurs arrêts momentanés,
de leurs reculs même, et entrevoir leur cause dans les
modifications physiologiques qui s'accomplissent en nous 114.
Mais, pour que l'oreille rende ces services, il faut qu'elle soit
exercée, ou plutôt il faut s'être habitué à saisir ses impressions,
c'est-à-dire à les écouter et à les analyser, en d'autres
termes à les comparer.

Savoir écouter et comparer, c'est tout l'art du phonéticien.
En général, on cherche à savoir non comment on dit,
mais ce qu'on dit. Dès que le sens apparaît nettement à
l'esprit, on néglige le son. D'où il suit qu'à moins d'en
avoir fait une étude spéciale, nul ne sait comment il parle,
ni (si ce n'est dans des cas très particuliers) comment les
autres parlent. Chacun se fait des sons, formes élémentaires
du langage, une idée fixe, et c'est d'après cette idée que l'on
se règle dans leur emploi. Aussi n'a-t-on pleine conscience
que de ceux qui répondent à une nuance de la pensée, et
encore ne s'aperçoit-on pas des modifications que le groupement
et l'expression leur font subir. Il y a plus : les
appréciations de l'oreille se lient si intimement aux sensations
de l'organe phonateur que l'on croit entendre ce que
35l'on croit prononcer, alors même que l'on prononce mal.
Les exemples à l'appui ne sont pas rares, et chacun peut
en trouver. Les habitants des environs de Dreux disent
Drœ́y, avec un y final qui n'échappe à personne si ce n'est à
eux. Moi-même, dans le mot de mon patois que j'écris
ɛăpḗ « chapeau », je n'ai jamais senti le petit y que
M. Gilliéron et d'autres m'ont signalé. Plusieurs enfants
qui avaient des vices de prononciation et n'avaient qu'une
seule articulation pour deux sons différents, par exemple
kwa pour toi et quoi, ne distinguaient pas les sons à l'oreille
avant d'avoir été renseignés sur la façon de les produire
correctement (Voir l'Appendice).

Il en est de même, quand on écoute : on n'analyse pas ;
on se contente de l'impression générale, et, si l'on a
à rendre compte du son entendu, on y supplée en prenant
dans sa mémoire les sons que l'on aurait voulu produire.

Il est facile de s'en convaincre par une expérience bien
simple. Prononcez devant une personne non prévenue, et
avec une rapidité convenable pour ne pas éveiller son attention,
quelques mots comme ceux-ci : « Mon pauf Pierre »,
et priez-la de répéter très lentement ; elle vous répondra
sans hésiter : « Mon pauvre Pierre » ou « Mon pauv Pierre »,
suivant ses propres habitudes de langage. Je suppose ici une
personne qui a conservé au moins le sentiment du v dans
pauvre ; il en serait autrement si le v avait été remplacé par
f dans son parler. Mais si, au lieu de dire des mots connus,
vous proférez des articulations vides de sens, par exemple :
« pô pôf pô », l'auditeur pourra être surpris, vous prier de
recommencer, mais il répétera exactement.

Ainsi s'explique l'imperfection auditive des indigènes et
la finesse d'ouïe des étrangers. Le phonéticien qui veut
36étudier sa propre langue est donc à ce point de vue dans
une position défavorable. Tout à ce qu'il veut dire, il ne
prend pas garde à ce qu'il dit réellement.

Mais l'étranger lui-même n'est pas, à d'autres égards,
dans une situation plus avantageuse. S'il n'a pas la tentation
d'entendre des sons voulus, il a celle d'entendre des sons
connus, soit ceux de sa propre langue, soit ceux des langues
étrangères qu'il a étudiées, en même temps qu'il est d'une
grande dureté d'ouïe pour les sons inconnus.

J'ai été à même de constater le fait dans d'excellentes
conditions au séminaire roman de Greifswald. Le professeur,
M. Koschwitz, se livrait avec ses étudiants à des
exercices de transcription phonétique sur un parler du Midi
de la France. On désira faire la comparaison avec le parler
de Cellefrouin. Je m'empressai de traduire dans mon dialecte
le texte proposé, la parabole de l'Enfant prodigue, et
je me mis à le dicter aux auditeurs, qui étaient de diverses
parties de l'Allemagne (Posen, Poméranie, Province Rhénane,
Mecklenbourg, Prusse occidentale, Silésie). Le premier
jour, la transcription, pour beaucoup, fut déplorable.
Il y avait de tout : de l'allemand, du provençal, du français ;
même des mots avaient été ajoutés 115. Les habitudes antérieures
d'audition persévéraient et mettaient le trouble
dans le jugement porté sur les impressions acoustiques. Le
second jour, un grand progrès se fit sentir ; mais il y avait
encore beaucoup à reprendre. Une articulation (pp) n'avait
été saisie par personne : elle était entendue pour la première
fois ; la plupart des voyelles étaient notées avec de
37nombreuses variantes (2 pour ŭ, 4 pour ĕ, autant pour ĭ,
5 pour ă) ; un ĭ final avait été confondu avec é 116.

J'ai renouvelé la même expérience à Paris avec un
Wallon, un Russe, un Arménien de Constantinople, un
Prussien, un Danois, un Normand, un Champenois et un
Lorrain, en prenant pour texte le conte du Petit Poucet, dont
j'ai noté le début phonétiquement dans Les modifications
phonétiques du langage
217.38

Les résultats ont été analogues. Je me borne à citer
quelques exemples. L'i de ăvi « avait » a été confondu
avec é (Prussien), avec ì (Russe) ; l'é de pyér « pierres » a
été entendu è (Prussien, Wallon, Normand, Danois),
ĕ (Russe) ; l'œ̆ de fœ̆m « femme » a sonné a (Prussien,
Wallon), entre œ et a (Russe), o (Arménien). Devant un
repos, les voyelles nasales paraissaient faiblement nasalisées
au Russe (abya « avaient »), pures et suivies de n à l'Arménien
(ãfăn « enfant », lõtăn « longtemps »). L'l du mot ,
dans fōb kė̇ nãjã lŭ pàrdr « faut bien que nous allions les
perdre », n'a jamais, quoique je l'aie répété plusieurs fois,
été entendue par l'Arménien, qui a toujours noté ú, etc.

La difficulté à saisir les sons auxquels on est étranger
est un fait banal que l'on peut constater tous les jours.
Sans aller chercher mes exemples au loin, il me suffit de
rappeler que l'l mouillée si bien sentie dans le Midi de la
France ne se distingue pas d'un y pour un Parisien : c'est
que l'l mouillée a disparu du Centre de la France.

En revanche, l'oreille acquiert une grande finesse quand
une distinction de sens l'exige. J'ai assisté un jour à une
discussion animée, entre deux Aostains issus de deux villages
voisins, sur la valeur d'une rime, qui, bonne pour
l'un, était impossible pour l'autre. La différence de son,
quoique perceptible pour mon oreille, était réellement bien
faible ; mais, comme elle répondait à une nuance notable
de sens dans le village où elle était sentie, elle y avait
pris une importance considérable.

De même, il peut se faire que, par une circonstance
analogue, un son sans force significative dans une langue
et passant inaperçu pour les indigènes, soit facilement saisi
par un étranger habitué à lui attribuer une certaine valeur.
Un Serbe fraîchement arrivé à Paris retrouve dans nos
39voyelles toniques toutes les variétés d'accentuation si
caractérisées qui existent dans les siennes. Je n'oserais dire
qu'il a tort ; je suis bien plutôt porté à croire qu'il a raison.

Il est des nuances que la simple attention suffit à faire
découvrir. Il en est d'autres qui exigent une éducation
véritable de l'oreille.

Le plus sûr moyen d'y réussir, c'est de se mettre en
rapport avec un phonéticien doué d'une oreille sensible et
exercée, et, autant que possible, appartenant à un autre
groupe linguistique. A cet égard, je dois beaucoup à
M. Gilliéron : il m'a rendu attentif à des nuances que mon
oreille ne saisissait pas naturellement. Même si l'on est
privé du secours d'un maître, il est possible, grâce à des
exercices appropriés, de faire soi-même de son oreille un
instrument extraordinairement délicat. Le premier de ces
moyens, c'est la comparaison.

Le musicien ne saisit que des intervalles ; le phonéticien
ne perçoit aussi que des rapports de nuances. Écouter et
comparer beaucoup de nuances diverses, tâcher de les distinguer,
de les classer, de découvrir le rapport qui existe entre
elles, c'est le moyen de s'habituer à saisir les moindres
indications de l'oreille. Mais, pour arriver à un prompt
résultat, il faut procéder avec ordre et recourir aux moyens
auxiliaires qui sont immédiatement à notre portée. D'abord
on compare entre elles les diverses nuances de sons d'une
même langue, comme, par exemple, les a de patte, pas, partir,
il part, Pâques, Pâquerette, Parnasse. Le moyen de mieux
saisir la nuance, c'est de rapprocher ces divers a les uns
des autres, par l'élimination successive des consonnes qui
les séparent : par exemple, bien écouterai pat pá, papá, , en
conservant bien soigneusement le timbre de chaque voyelle.
40On compare encore avec profit des mots qui contiennent
la même voyelle : bibi, i í ; bébé, e é. On tâche de n'oublier
aucun des groupements où peut se rencontrer le son qui
est à l'étude, et de ne pas céder trop vite à la tentation de
conclure d'une combinaison à une autre, quelque frappante
que paraisse l'analogie. Après avoir considéré chaque son
dans des mots isolés, il reste à l'étudier dans la phrase, en
variant sa place, en le mettant au commencement, au
milieu, à la fin. Enfin il faut changer la vitesse, le ton du
débit. Toutes ces circonstances influent sur la qualité du
son, et l'oreille, attentive, finit par s'en apercevoir.

Il faut aussi faire appel au sentiment que nous avons des
contractions musculaires, au sens du toucher, à la vue, et
s'aider des différences qui existent dans le jeu des organes
pour reconnaître les différences acoustiques. Le miroir, ou
simplement le petit doigt placé de manière à effleurer la
langue, donnent des indications très précieuses.

Lorsque le son est complexe, comme par exemple dans
les diphtongues, un bon moyen de remarquer les éléments
composants, c'est de prononcer en exécutant les mouvements
organiques requis avec une extrême lenteur. Alors
il est facile de distinguer les sons qui se fondaient pour
l'oreille dans le chaos d'une confuse unité.

Lorsqu'on étudie, non son propre parler, mais celui
d'une autre personne, deux précautions importantes sont
à prendre : écouter de très près, et limiter son attention.

La distance joue un grand rôle dans l'impression que les
sons produisent sur l'oreille. Tout phonéticien voudra s'en
rendre compte au moins une fois et refaire l'expérience que
j'ai rapportée dans Les modifications phonétiques du langage 118.41

Je me proposais de reconnaître la puissance d'assimilation
que possède chaque groupe de consonnes, et je les articulais,
soit à haute voix, soit en chuchotant, à des distances
variables d'un auditeur, qui répétait à très haute voix et
très lentement ce qu'il avait entendu. Les résultats, très
intéressants pour le mécanisme de mon dialecte, n'ont pas
été moins utiles pour la méthode générale de l'exploration
linguistique. Il y a des groupes de consonnes qui ne
peuvent être sûrement décomposés qu'à 10 ou 15 cm. Il
importe donc d'avoir l'oreille aussi rapprochée que possible
de la personne qu'on observe, tout en recommandant
à celle-ci de parler d'une voix modérée.

Une attention portée sur un trop grand nombre d'objets
est insuffisante pour chacun. Cette remarque trouve son
application quand une phrase contient un ou plusieurs sons
difficiles. Il faut dans ce cas limiter son attention successivement
à chaque son et faire répéter autant de fois
qu'il est nécessaire. La personne à qui l'on demande ce
service a besoin d'être avertie, non du point particulier sur
lequel se porte l'attention, mais du motif de cette tactique :
autrement, elle croirait avoir mal dit et courrait risque de
faire évanouir le phénomène observé. Ainsi, comme un
chasseur indifférent pour tous les petits oiseaux qui se
lèvent devant lui, mais uniquement attentif au gibier dont
il connaît le gîte, le phonéticien n'a d'oreilles que pour le
son qu'il attend au passage : il n'a rien entendu avant, il
n'entendra rien après, dans la crainte de diminuer le souvenir
de l'impression reçue. Il écoutera même plusieurs
fois ainsi le même son, et notera avec soin toutes les variations
qu'il entendra se produire.

Dans certains cas aussi, il pourra s'aider des sensations
tactiles et musculaires éprouvées par son sujet ; mais il
42n'acceptera les renseignements qui lui seront fournis
qu'avec réserve : l'erreur, en effet, est très facile en cette
matière, même chez des savants, à plus forte raison chez
des personnes inexpérimentées.

Enfin l'observateur doit appeler à son secours le contrôle
de ses yeux. Quand il verra, par exemple, les lèvres se
rapprocher ou la langue s'allonger d'une façon anormale,
son attention sera sollicitée et son oreille entendra ce qui
auparavant passait pour elle tout à fait inaperçu.

Rien n'est meilleur pour achever l'éducation de l'oreille
que l'étude des parlers d'une famille, d'un village, d'une
région. La nécessité de saisir des nuances extrêmement
délicates oblige à une attention toujours en éveil et aiguise
merveilleusement le sens de l'ouïe.

C'est à la suite d'une exploration de ce genre, en 1879,
après deux mois d'observations attentives autour du Plateau
Central, à travers l'Angoumois, le Poitou, la Marche et le
Bourbonnais, que je sentis pour la première fois les différences
qui existent entre le parler de ma mère et le mien.
Ce fut pour moi une découverte, et, chaque fois que j'ai
pu, depuis, grouper les membres d'une même famille, les
grands parents, les pères, les mères, les enfants, ou des
personnes issues de villages voisins, j'ai toujours vu se
renouveler le même spectacle : diverses étapes phonétiques
très rapprochées se révélaient à mon oreille, et d'ordinaire
j'ai pu les faire remarquer aux sujets intéressés, tout surpris
de ne s'en être pas aperçus plus tôt. Aucune condition, en
effet, n'est plus favorable que celle-là pour arriver à une
constatation précise de la vérité : il n'y a pas à craindre
l'inexactitude qui naît de l'oubli possible entre deux observations
isolées.

On m'a objecté dans ce cas un autre danger : celui d'une
43influence réciproque qui détruirait la sincérité des témoignages.
Cette crainte est chimérique. Une enquête
simultanée, loin d'amener aucun trouble, provoque, au
contraire, l'intérêt et vient au secours de la mémoire.
Mais, pour qu'il en soit ainsi, il importe qu'elle se fasse rapidement,
et que l'observateur ne la retarde pas en consacrant
trop de temps à ses notes. C'est une affaire d'arrangement.
Si les sujets observés ont été placés soit par rang d'âge, soit
(s'il s'agit de lieux) suivant la marche géographique de
l'évolution, et si le cahier de notes a été disposé en conséquence,
un seul trait de plume suffira pour constater les
formes semblables ou marquer les divergences, comme dans
le modèle suivant qui reproduit une de mes enquêtes.

tableau Dinan | St-Carné | Meillac | Corseul | Quessoy | Moncontour | Plénée-Jugon | Cesson | lapin

C'est-à-dire :

tableau

Mais, je dois me hâter de le reconnaître, même formée
par tous ces moyens, l'oreille ne peut suffire à nous renseigner
sur tout ce qu'il nous importe de savoir. Elle n'entend
pas tout, et nous ne pouvons pas assigner une valeur
à tout ce qu'elle entend. C'est à ce point qu'il devient
nécessaire de recourir à des moyens d'investigation plus en
rapport avec les besoins de notre esprit. Bien plus : les
appréciations fondées sur les sensations purement acoustiques
ont toujours quelque chose de relatif qui dépend
de la qualité de l'oreille et des habitudes de celui qui les
44utilise. Il serait bien étonnant si les linguistes, qui s'entendent
à peu près sur la transcription des sons, se trouvaient
d'accord sur leur valeur réelle. Je suis bien sûr qu'à
moins d'une entente préalable, deux savants mettront deux
valeurs différentes, bien rapprochées, si l'on veut, mais, je
maintiens le mot, différentes, sur un même signe reconnu
et adopté par eux. Nous avons chacun, en dehors des
différences naturelles et acquises, des habitudes de langage
qui s'imposent à notre appréciation. L'échelle des sons
n'est pas la même pour tous, et nous manquons de la
note fixe qui servirait de base à nos appréciations. Ici
encore, la recherche des procédés d'expérimentation, qui
nous permettent d'atteindre la réalité en dehors de nous,
s'impose au phonéticien désireux de dire ce qui est et non
ce qu'il sent, de substituer la réalité objective à l'impression
personnelle, d'agrandir sa puissance visuelle et auditive, et
d'étendre le champ de ses études au delà des limites
étroites assignées à nos sens.45

Chapitre III
Moyens artificiels d'expérimentation

Les méthodes d'investigation qui viennent au secours
de nos sens dans l'étude du son peuvent se réduire à trois :
la méthode acoustique, qui ne s'adresse qu'à l'oreille, la
méthode optique, qui ne parle qu'aux yeux, et la méthode
graphique
, qui nous donne une image matérielle visible et
palpable des phénomènes. Mais la photographie, en nous
permettant de fixer les images, fait en grande partie rentrer
la seconde méthode dans la troisième. Nous allons
en premier lieu nous occuper de la méthode graphique, qui
est de beaucoup la plus importante.

Article I
Méthode graphique.

Les premiers débuts de cette méthode remontent à 160
ans. Mais ses progrès ont été si lents qu'on peut la dire
toute nouvelle. Imaginée par les météorologistes (marquis
d'Ons-en-Bray 1734, Magellan 1779, Rutherford 1794),
elle a été successivement appliquée à la mécanique (J. Watt,
Poncelet 119), à l'astronomie (Prazmowski, Hänekel, Hirsch
47et Plantamour, enfin Wolf 120), à la chronographie
(Thomas Young, les frères Weber, Wertheim. Duhamel 221),
à la physiologie (Ludwig 1847, Volkman, Helmholtz,
Vierordt, etc. 322), enfin à la phonétique.

Le premier en France, M. Marey entra dans la voie
inaugurée par les physiologistes allemands. Mais il a laissé
bien loin derrière lui tous ses devanciers. Après avoir
demandé à la méthode graphique ses plus belles découvertes,
il s'en est fait l'apôtre et il en est devenu le législateur.

Voici comment il en détermine le domaine propre :
« Quand l'œil cesse de voir, l'oreille d'entendre, et le tact
de sentir, ou bien quand nos sens nous donnent de trompeuses
apparences, les appareils inscripteurs sont comme
des sens nouveaux d'une précision étonnante 423… (Ils)
mesurent les infiniment petits du temps ; les mouvements
les plus rapides et les plus faibles, les moindres variations
des forces ne peuvent leur échapper. Ils pénètrent l'intime
fonction des organes où la vie semble se traduire par une
incessante mobilité 524. »

Non seulement la physiologie expérimentale est sortie
tout armée du laboratoire de M. Marey, mais on peut dire
que la phonétique expérimentale elle-même y a fait ses premiers
pas.

Déjà, sans doute, comme j'aurai l'occasion de le dire,
48des expériences avaient été faites, en vue d'éclaircir certains
faits se rapportant à la phonation, par Valentin, Cagnard-Latour,
etc., au point de vue physiologique ; par Donders,
Helmholtz, Kœnig, etc., au point de vue acoustique ; mais
personne n'avait posé les bases d'une méthode générale
pouvant s'étendre à la phonétique tout entière.

C'est de la Société de linguistique de Paris 125 que partit
l'initiative. Le 3 novembre 1874, M. Gaidoz appela l'attention
de la Société sur plusieurs instruments de phonétique
descriptive. Il serait curieux de savoir lesquels : le compte
rendu ne le dit pas, et, dans le sens propre du mot, à ma
connaissance, il n'en existait pas encore. Le 21 novembre,
une commission est nommée. M. Havet en faisait partie.
C'est lui qui eut le rôle actif. Il se mit en rapport avec
M. Marey. Le laboratoire du Collège de France était justement
alors fréquenté par le Dr Rosapelly, qui venait de
déployer beaucoup d'ingéniosité dans ses recherches sur
la circulation du foie 226. Le choix du Maître tomba naturellement
sur lui pour l'organisation des expériences.

Les résultats de cette collaboration ont été publiés par
M. Rosapelly dans les Travaux du laboratoire de M. Marey
(année 1876 327), d'où ils sont passés dans tous les traités de
physiologie. Les deux expérimentateurs, à l'aide d'appareils
inscrivant simultanément, l'un les mouvements des lèvres,
un autre les vibrations du larynx, un troisième la pression
de l'air dans le nez, étudièrent des groupes formés de consonnes
49labiales et de la voyelle a (ap pa, ab ba, am ma, af fa,
av va, aw wa, ap ba, ap va, af va, ap ma, am pa, am p ma,
ab ma, am ba, am b ma).

Ils trouvèrent une égale pression des lèvres pour p, pour
b et pour m, pour f et pour v ; avec des vibrations du larynx
pour b, m, v ; enfin un écoulement de l'air par le nez pour
m et pour l'explosion du p et du b dans le groupe pm bm.
M. Havet rapprocha ce dernier phénomène du yama des
Hindous.

Si les compétences propres à chacun des deux collaborateurs,
celle du physiologiste et celle du linguiste, s'étaient
trouvées réunies dans la même personne, la phonétique
expérimentale était fondée.

On n'alla pas plus loin, et, malgré quelques essais dont
je parlerai, les choses en étaient encore là, ou à peu près,
dix ans plus tard, en 1885, quand je me trouvai aux prises
avec la difficulté de donner aux sons de mon patois une
expression exacte. Je faisais part de mon embarras au Maître
auprès de qui j'ai toujours trouvé des lumières. M. Gaston
Paris me dit : « Une expérimentation mécanique seule
peut donner la sécurité. » Sur-le-champ, je rêvai à la réalisation
pratique de cette idée, et je fis appel à l'esprit inventif
de mon jeune ami, Jules Deseilligny, alors « volontaire » à
Rouen, qui était le confident de toutes mes pensées. Deux
jours après, je reçus un croquis représentant une plaque téléphonique
munie d'un levier écrivant sur un cylindre noirci.
Ce fut le point de départ de mes recherches postérieures..
L'appareil fut modifié et devint l'Inscripteur électrique de la
parole
.

J'avais en même temps fait la connaissance de M. Verdin,
puis de M. Rosapelly, qui m'initièrent aux procédés
de M. Marey. Mes recherches portèrent d'abord sur
50le timbre. Heureusement les objections de M. Morf 128 contre
mes notations phonétiques m'attirèrent, en 1889, dans
une autre voie. Pour les défendre, je recourus à des inscriptions
simultanées que je fis avec le concours si empressé et
si amical de M. le Dr Rosapelly Une fois en route, je me
laissai entraîner par mon sujet, et j'abordai successivement
l'assimilation, l'intensité, la durée, la hauteur musicale, la
recherche des phénomènes inconscients, qui forment la
Ire partie de mon livre sur Les modifications phonétiques du
langage
229, remettant à un autre moment les études plus
ingrates sur le timbre des voyelles.

Je n'eus alors aucune connaissance des études entreprises
en Allemagne dans le même sens. Celles de M. Wagner
sur son dialecte 330 et de Schwan sur l'accent français 431 sont
de la même époque ; mais, fondées sur l'emploi d'un seul
appareil, elles ont bien moins de portée que les simples
51essais de MM. Rosapelly et Havet. Depuis, M. Vietor a
adopté les procédés de M. Wagner et leur a fait faire un
notable progrès.

Quant aux recherches sur le timbre des voyelles, elles
sont restées presque exclusivement l'apanage, de l'Allemagne
et ne sont pas encore, à proprement parler, sorties
des laboratoires de physique et de physiologie.

Les procédés d'inscription se réduisent à deux classes :
ou bien le mouvement à explorer est tracé par l'organe lui-même
sur un appareil fixe mis à sa portée ; ou bien le mouvement
transmis à un organe écrivant est reçu sur un plan
mobile, ou appareil enregistreur. Je vais décrire les uns et
les autres avec tous les détails nécessaires pour en obtenir
un bon fonctionnement.

§ Ier.
Inscription directe

Il n'y a qu'un seul appareil du premier ordre qui soit
employé en phonétique : c'est le palais artificiel.

Palais artificiel.

L'idée de placer un palais artificiel dans la bouche pour
recueillir le tracé des mouvements de la langue s'est présentée
indépendamment à plusieurs expérimentateurs : elle
m'est venue à la lecture du livre de M. Lenz sur les Palatales.
Mais elle a été réalisée pour la première fois et à peu
près en même temps par M. Kingsley et par M. Hagelin.

Avant eux, on se servait d'un enduit qu'on mettait sur
le palais ; la langue, en produisant une articulation, enlevait
cet enduit et conservait ainsi la trace de ses mouvements.
52C'est Oakley-Coles (1871) qui a eu, le premier, recours à ce
moyen, il employait un mélange de farine et d'eau gommée 132.
Ce procédé fut imité par Grützner (1879) 233 par
Techner (1880) 334, par moi-même en 1887 435, par Rudolph
Lenz (1887). Divers progrès furent réalisés dans l'expérimentation.
Lenz employait un enduit composé d'encre
de Chine, de farine et de colle ; il prenait soin de bien
essuyer sa langue pour la débarrasser de tout excès de
salive ; il observait bien avec une ou deux glaces les points
touchés et il en transportait l'image sur des moulages en
plâtre de son palais préparés d'avance 536.

M. Norman W. Kingsley 637 prit du palais un moulage en
plâtre sur lequel il estampa une feuille de vulcanite noire ;
il conserva les dents. Le palais artificiel était recouvert de
craie humectée d'alcool.

M. J. Balassa se servit du même procédé dans ses études
sur le hongrois 738.

M. Hagelin (1889) est venu à Paris recueillir les documents
53dont il s'est servi pour son mémoire sur le français 139
Il faisait prendre par un dentiste le moulage des palais de
ses sujets d'étude et confiait ces moulages à une maison de
galvanoplastie pour y faire déposer une légère couche de
métal. Il supprimait toute la partie qui entourait les dents
et noircissait le palais artificiel, ainsi obtenu, avec du vernis
du Japon (vernis noir à l'alcool), qui sèche rapidement.
Pour chaque expérience, il le blanchissait avec du pastel
mou, et, l'empreinte obtenue, il le faisait photographier.

Le moyen employé par M. Hagelin a deux inconvénients ;
il est onéreux et il met l'expérimentateur dans la dépendance
de trop de personnes. Si l'on ne craint pas la dépense,
il est plus simple de demander le palais artificiel au dentiste,
qui fera un estampage excellent, bien supérieur à
la pièce obtenue par la galvanoplastie. Mais le phonéticien
expérimentateur ne doit recourir qu'à lui-même pour ces
sortes de travaux. Passe encore qu'il s'adresse aux autres
quand il a du temps devant lui pour ses expériences. Mais, à
compter sur autrui, il s'expose à perdre de bonnes occcasions.

Pour moi, je ne suis arrivé à tirer un bon parti des palais
artificiels que depuis que je me suis mis à les fabriquer.

Rien n'est plus facile que de prendre le moulage. Il suffit
de se procurer soit du plâtre à mouler, soit du godiva,
et des formes pour le moulage de la bouche.

Si l'on veut prendre le moulage avec du plâtre, on commence
par fermer, avec de la cire, l'extrémité postérieure
de la forme ; puis on gâche son plâtre avec de l'eau tiède
dans laquelle on a fait fondre du sulfate de potasse granulé
(30 grammes pour un litre). Quand le plâtre forme une
54pâte épaisse, on en remplit la forme et on l'applique très
exactement sous le palais, en l'y maintenant quelques
minutes. Lorsque le plâtre est pris, on casse les rebords
qui dépassent et l'on retire le moule. Si l'on veut donner
à la pièce un grande dureté, il suffit de la plonger dans de
l'huile bouillante.

Je conseillerais plutôt le godiva, substance qui a la propriété
de se ramollir à la chaleur et de se durcir rapidement
à la température ordinaire. L'emploi en est à la fois
plus simple, plus agréable pour le patient et plus rapide. On
tient pendant quelque temps le godiva plongé dans de l'eau
bouillante, et on le rend malléable dans toutes ses parties ;
puis on le dispose sur la forme et l'on opère vivement.

Il importe, quand on prend le moulage, de veiller à ce
que les dents soient tout près du bord de l'appareil : autrement,
on perdrait une partie importante du palais. Pendant
les quelques minutes nécessaires pour que la matière se
durcisse, il faut conseiller à son sujet de garder la bouche
ouverte, tout en maintenant la forme : c'est un petit soulagement
dont il est raisonnable de ne pas le priver.

Avec le godiva, la forme même n'est pas nécessaire. Il
suffit de mettre celui-ci en boule, quand il est ramolli, de
le placer sur un petit carton ou sur le bout d'une règle plate
et de l'introduire ainsi dans la bouche. On obtient même
de la sorte un moulage plus complet du palais. Quand le
godiva est retiré, on le plonge dans de l'eau froide, si on
veut lui faire reprendre sur-le-champ sa dureté naturelle.

On choisit alors un des nombreux procédés suivant
lesquels on peut construire le palais artificiel.

Si l'on veut obtenir un dépôt galvanique, on prend un
contre-moule en plâtre. Pour cela, on mouille la pièce avec
de l'eau de savon, puis on l'entoure de terre glaise ou de
55cire, ou simplement d'une bande de papier en bouchant
bien toutes les issues avec de la cire et l'on verse dessus du
plâtre liquide. Quand le contre-moule est bien sec on le.
détache, puis on le plonge dans un bain de stéarine, et,
quand il est bien saturé et refroidi, on l'enduit de plombagine
en poudre sur la face qui doit recevoir le dépôt métallique.
On le leste avec un plomb que l'on fixe à la cire, et
l'on attaque avec un fil de cuivre. Sur ce fil on a enroulé
un autre fil de cuivre fin, dont la pointe vient s'appuyer en
faisant ressort sur le centre de la surface à recouvrir ; mais
on prend bien garde de ne pas enlever la plombagine.

On a préparé à l'avance, dans une petite cuve en verre
ou en grès (fig. 16), une solution saturée de sulfate de cuivre
additionnée d'un dixième d'acide sulfurique, et on y a placé

image

Fig. 16.

un vase poreux contenant une plaque de zinc et de l'eau
pure. On suspend alors le moule dans le bain en face du
vase poreux et on le relie au moyen du fil de cuivre à
la plaque de zinc. Quand le dépôt a commencé à se faire,
on ajoute quelques gouttes d'acide dans le vase poreux.
L'opération peut bien demander une douzaine d'heures. Il
n'y a aucun inconvénient à retirer le moule du bain pour
se rendre compte de l'épaisseur du dépôt.56

Quand la couche est suffisante, on détache la pièce du
moule, on enlève avec des ciseaux ou on laisse, à son choix,
la place des dents ; puis, après l'avoir décapée dans de
l'eau acidulée, on la fait bouillir, pour la noircir, dans une
solution de sulfure de sodium ou dans du sulfhydrate
d'ammoniaque portés à l'ébullition, à moins qu'on ne préfère
l'enduire d'une couche de vernis.

Le palais artificiel ainsi construit a coûté du temps et
du travail, mais il aura l'avantage de pouvoir servir indéfiniment.
Quand on ne réclame de lui qu'un service momentané,
il vaut mieux recourir à des procédés plus simples et
plus rapides. J'en indiquerai deux, que j'emploie journellement.

Le premier consiste à faire le palais avec un mélange de
papier filtre fin et résistant, de craie en poudre et d'une colle
forte liquide sans mauvais goût, par exemple la seccotine ou
le liquid glue. Voici comment on procède. On verse une
goutte d'huile sur le moule, dont on casse les rebords, qui
gêneraient inutilement l'estampage ; puis on étend dessus
une feuille de papier filtre trempée dans de l'eau, en l'appliquant
avec soin. Il vaut mieux la déchirer, pour lui donner
la forme voulue, que la plier. Puis on fait un mastic avec
la poudre et la colle, et l'on en met une couche mince sur
le papier. Enfin on applique une nouvelle feuille de papier
(sèche, si l'on est pressé, — mouillée, si l'on a le temps), et
on l'estampe bien avec les doigts et avec une petite pointe
mousse en bois (un bout d'allumette ou de crayon, par
exemple). On laisse sécher. Quand la pièce est à moitié
sèche, il n'est pas mauvais de l'estamper de nouveau, afin de
mieux faire ressortir toutes les rugosités du palais ; mais
cela n'est pas nécessaire.

On le voit, l'opération n'est pas longue et elle se fait
57très bien sur le godiva. Une nuit, une demi-journée, est
suffisante pour le séchage. Avec des ciseaux on suit exactement
le contour des dents, et l'on vernit.

Quand les palais artificiels en papier sont un peu
humectés, ils s'appliquent très bien ; mais ils ne sauraient
fournir un long usage sans être séchés de temps en temps,
soit au feu, soit à la flamme d'une lampe.

Le moyen le plus expéditif de beaucoup, et le seul possible
souvent en voyage, c'est l'estampage d'une feuille
d'étain de 2/10 mm d'épaisseur (on en trouve dans le commerce)
ou de deux feuilles minces collées ensemble avec
un vernis souple, comme en emploient les vélocipédistes,
le Ripolin, par exemple. Si l'on a eu soin de recouvrir
d'avance un côté avec ce vernis, on n'a plus, au moment de
l'expérience, qu'à estamper en mettant la face vernie sur
le godiva. On presse bien avec le pouce, au besoin avec un
petit morceau de bois mou pointu ; on enlève la place des
dents, et la pièce est finie. Quelques minutes ont suffi pour
la préparer. L'inconvénient du palais artificiel en étain,
c'est qu'il est trop malléable. Une personne maladroite, au
lieu de le faire adhérer doucement au moyen d'une pression
légère du pouce, le placera mal et le comprimera jusqu'à le
déformer. Naturellement, il ne pourra tenir, et l'opération
sera à recommencer. Dans ce cas, on le remet sur le moule
pour lui rendre sa forme normale. Mais il y a un moyen
de venir en aide à l'expérimentateur : c'est de mettre, sur
la face qui doit adhérer au palais, une légère couche de
colle forte. Le succès, dans ce cas, ne se fait pas attendre.

En un quart d'heure, ainsi, une expérience peut être
faite, et une difficulté résolue.

Pour blanchir la face inférieure du palais artificiel, la
58simple craie suffit. Le point essentiel est que la couche soit
légère et peu adhérente, par conséquent bien séchée avant
chaque expérience. Pour ne pas enlever le blanc en mettant
en place le palais artificiel, on se frotte le bout des doigts
avec la craie. Naturellement, il faut s'abstenir de toucher
le palais avec la langue, avant et après l'articulation
explorée, tant que le palais artificiel n'aura pas été retiré.
On ne laissera pas non plus de salive dans la bouche, car
autrement le tracé perdrait sa netteté et sa précision.

Les points touchés par la langue se distinguent en noir,
la craie ayant été enlevée. Pour transporter ces points sur
le papier, on prépare un patron en carton léger (une carte
de visite). En maintenant le palais sur le carton, sans
appuyer pour ne pas le déformer, on fait le tour avec un
crayon et l'on coupe de façon à enlever le trait. On place
le patron, la partie des dents en avant, de manière à
avoir le côté droit du palais à sa gauche, et l'on trace les
figures destinées à encadrer les résultats obtenus. Le palais
est ainsi représenté comme s'il était renversé sur la table, la
partie postérieure placée du côté de l'observateur. Ce renversement
de la figure facilite le report du dessin, car il
n'y a qu'a dessiner les lignes comme on les voit, en s'aidant
des échancrures des bords et, au besoin, du compas.

Il n'y a aucune utilité à photographier les tracés. Comme
on le verra, les tracés n'ont pas la rigueur mathématique
qui justifierait une méthode si précise, si dispendieuse et si
lente ; et, dans les cas où une comparaison rigoureuse
s'impose, les mesures prises au compas et les traits faits
à la pointe sur le palais lui-même donnent de meilleurs
résultats que des photographies dont les contours manquent
souvent de netteté.

Il faut d'ordinaire procéder à ce report avec une certaine
59rapidité, car les parties à peine touchées par la langue
sèchent rapidement et perdent la trace du contact. Cette
remarque peut être utilisée pour juger le degré de la pression
exercée par la langue sur le palais. Si l'on considère attentivement
le palais artificiel après l'expérience, on voit
le blanc de la craie reparaître successivement et d'autant
plus vite que la pression a été moindre.

Le palais artificiel est un moyen d'observation fort commode.
Mais il faut reconnaître qu'il modifie la condition
dans laquelle les articulations sont produites. Souvent, en
effet, il provoque un petit zézaiement. Mais, comme
l'épaisseur du métal s'ajoute à chaque articulation, on peut
supposer qu'elle n'en change pas le rapport, et c'est la seule
chose qui nous intéresse.

Il y a plus, le palais artificiel, quand il modifie le son,
nous fournit de très utiles renseignements. Par exemple,
j'ai remarqué chez une Parisienne que le k devant é est
ordinairement mouillé. Or, lorsqu'elle place l'appareil dans
sa bouche, ce même k s'entend presque toujours dur. Qu'en
conclure ? Sinon que la langue ne fait que commencer à
s'écarter du palais, puisqu'une épaisseur de moins de 1/10 de
millimètre, à laquelle j'ai réduit le palais pour la circonstance,
suffit pour faire disparaître toute trace de mouillure.

Le palais artificiel, comme il sera dit plus loin, permet
l'étude des articulations, non seulement quand elles sont
isolées, mais encore quand elles sont convenablement placées
dans des membres de phrase.

On entrevoit d'ici les résultats qu'on peut espérer de
cette méthode si simple, qui est à la portée de tous.60

§ II.
Inscription indirecte

Nous traiterons successivement :

des appareils enregistreurs ;

des appareils inscripteurs ;

du réglage des appareils et de l'interprétation des
tracés.

I
Appareils enregistreurs

Le mouvement transmis à un levier inscripteur ou à une
pointe se traduit par des oscillations exécutées à droite et à
gauche, ou bien en avant et en arrière du point de repos.
Si ces oscillations se produisent sur un plan immobile
capable d'en recevoir l'empreinte, elles tracent des lignes
de longueur variable qui se recouvrent. Mais, si le plan
qui les enregistre est doué de mouvement et se dérobe
devant l'organe inscripteur, les tracés obtenus prennent la
forme de courbes qui rendent visibles les diverses positions
de la pointe et, par conséquent, les variations d'amplitude
du mouvement.

Supposons une tige maintenue en o et oscillant à droite
et à gauche de o′, avec les amplitudes variables o′ a et o′ b,
o′ a′ et o′ b′, o′ a″ et o′ b″, etc. Supposons encore que la pointe
soit munie d'une plume, de façon à pouvoir imprimer sa
trace sur le plan fixe ABCD. Les divers tracés seront
confondus ; la courbe a″ b″ représentera seulement la plus
61grande amplitude (fig. 17). Mais si le plan A B C D devient

image

Fig. 17.

image

Fig. 18.

mobile, chacune des excursions de la pointe sera parfaitement
distincte (fig. 18).

Nous sommes ainsi en possession de l'une des deux
données nécessaires pour caractériser un mouvement, la
direction. Reste à acquérir la deuxième, la vitesse ou la mesure
du temps. Elle résulterait tout naturellement de la vitesse
même du plan, si celle-ci était uniforme. Autrement, il
faudrait la demander à un appareil spécial, ou chronographe.

La forme de l'appareil enregistreur est en soi indifférente.
On a employé le cylindre (marquis d'Ons-en-Bray,
1734) ; une bande de papier noirci animée d'un mouvement
de translation (Rutherford 140 vers 1794) ; une plaque
de verre enfumée, tombant d'après le système employé dans
la machine d'Atwood (Harless), attirée par un ressort à
boudin, suspendue à l'extrémité d'un long pendule (Fick 241),
tirée à la main sur un chariot (Schneebeli 342, Hensen 443),
62disposée en forme de disque et tournant au moyen d'un
mouvement d'horlogerie 144.

La lame de verre enfumée présente des avantages. Le
principal, à mes yeux, c'est qu'une surface plane d'inscription
ne déforme pas les tracés qu'elle reçoit comme fait
une surface cylindrique, ainsi que nous le dirons plus loin.

Quant aux défauts que Schneebeli reproche au papier,
frottement contre la pointe, déformations hygrométriques,
différences de tension, ils peuvent être corrigés ou compensés
par l'emploi d'un papier bien glacé, par la transcription
sur la feuille même de l'échelle du temps, par les soins de
l'expérimentateur.

L'inconvénient de la lame de verre, c'est qu'il est difficile
de lui donner un mouvement régulier. Quand je l'emploie
pour mes projections, je me contente de la faire tirer
à la main le long d'une règle fixe, sur un plan bien uni,
au moyen d'une ficelle attachée à la cire. C'est suffisant
pour des figures de démonstration. C'est suffisant encore
toutes les fois que l'on cherche, non la durée absolue du
temps, mais la simple concordance de deux mouvements.
Schneebeli a facilité le mouvement par l'emploi d'un chariot.
Je donne ci-contre la figure de celui de M. Hensen (fig. 19).

Les deux coulisseaux (C, C) sont revêtus intérieurement
de lames de verre destinées à favoriser le glissement du
chariot (CH), qui lui-même est évidé pour diminuer la
résistance. La plaque enfumée est fixée au moyen de griffes
faisant ressort.

Les appareils inscripteurs sont portés sur un châssis pouvant
basculer autour du point o et s'appuyant sur la lame
63de verre par une pointe de bois, de façon à ce que les
appareils gardent bien le contact. La vis V sert à élever ou

image

Fig. 19.

image

Fig. 20.

Chariot enregistreur de Hensen.

à abaisser le châssis, la vis V′ à le maintenir sur un point
fixe (fig. 20).

La bande de papier animée d'un mouvement de translation
a, elle aussi, ses avantages : elle rend possibles des
expériences de longue durée. Elle peut être entraînée de
deux manières : soit par un seul cylindre en rotation contre

image

Fig. 21.
Petit enregistreur clinique.

lequel elle est pressée au moyen de deux galets d'ivoire,
64comme dans le polygraphe de M. Marey 145 ou le petit enregistreur
clinique de M. Verdin (fig. 21), soit par deux
cylindres qu'elle enveloppe, l'un contenant le mouvement

image

Fig. 22.
Enregistreur à poids.

d'horlogerie, l'autre portant un régulateur et tournant follement
sur un axe (fig. 22). Tel est l'appareil dont se sert
65M. Marey depuis ses premières expériences. Le mouvement
est entraîné par des poids, ce qui permet d'en faire varier a
volonté la vitesse, et il est réglé par des ailes et de la glycérine
contenue dans la cuvette R. Des dispositions nouvelles
permettent de faire les inscriptions soit verticalement, soit
horizontalement, et de régler le contact des appareils inscripteurs
avec la plus grande facilité. La bande de papier a
24 centim. de large et peut avoir de 2 à 6 mètres de long.

L'appareil construit pour M. Wagner, par M. Albrecht
de Tubingue, est du même genre, mais plus simple.
M. Vietor en a donné la figure avec une description 146:
deux cylindres, un mouvement d'horlogerie mû par un
ressort, des coulisses et des vis de réglage, une seule
vitesse, et une bande de papier d'une largeur de 0m, 20 et
d'une longueur pouvant varier entre 1m, 10 et 1m, 60.

Ces appareils peuvent difficilement se passer du contrôle
d'un chronographe, car, en dehors de tout autre motif, la
tension seule du papier, qui, dépendant uniquement d'une
pression musculaire, ne saurait être obtenue d'une façon
identique dans tous les cas, est une cause suffisante d'irrégularité.

Le cylindre ne présente pas cet inconvénient. Tournant
sur des pointes métalliques, il n'est pas influencé dans sa
marche par le papier qu'il porte, et ce papier lui-même
peut être si exactement tendu qu'il n'introduit aucun élément
nouveau d'erreur.

Le cylindre se prête en outre plus facilement à l'emploi
des régulateurs.

Certains expérimentateurs se sont contentés de le mouvoir
66à la main, à l'aide d'une manivelle. D'autres ont en
recours à des mouvements d'horlogerie, d'abord sans viser
à la précision ; puis on a cherché à les régulariser. Dans
ce but, Ludwig employait un balancier 147 ; Morin, des ailes ;
Foucault et Villarceau, un volant compensateur. Helmholtz
a imaginé un régulateur électrique. C'est le régulateur
Foucault qui a été généralement adopté dans les laboratoires.

Le mouvement d'horlogerie qui anime le cylindre enregistreur
doit, pour répondre aux besoins de l'expérimentation,
laisser le choix entre plusieurs vitesses différentes.

La vitesse, en effet, qu'il convient de lui donner
dépend de la rapidité des mouvements à enregistrer : des
mouvements lents, inscrits sur un plan qui se déplacerait
rapidement, donneraient des tracés qui ressembleraient à
des lignes droites ; des mouvements rapides, inscrits sur
un plan mû lentement, ne se distingueraient pas les uns
des autres.

Lorsque l'expérience peut contenir tout entière dans un
tour de cylindre, un simple pied suffit pour maintenir à
portée les appareils inscripteurs. Mais, si l'inscription se
prolongeait au delà du tour entier, elle recouvrirait les
lignes précédemment tracées, et le résultat de l'expérience
serait compromis. Pour obvier à cet inconvénient, on a en
recours aux inscriptions en hélice (Donders 248). Celles-ci
sont dues à un double mouvement : révolution du cylindre
autour de son axe, et déplacement, suivant la perpendiculaire,
soit du cylindre lui-même, soit des organes inscripteurs.
67On obtient le déplacement du cylindre en lui donnant
pour axe une vis qui s'enfonce à mesure qu'elle tourne sur
ses coussinets, comme dans le phonautographe de Scott
ou le phonographe d'Edison. Quand ce sont les organes
inscripteurs qu'on veut faire déplacer, on les dispose sur
un chariot qui les écarte peu à peu, suivant un mouvement
régulier et parallèle à la génératrice du cylindre. De quelque
façon que le déplacement soit opéré, le style inscripteur
trace une série de lignes parallèles qui se développent sans
interruption comme autant de spires et couvrent la feuille
tout entière.

Le chariot peut être entraîné au moyen d'une corde
de transmission par le même mouvement que le cylindre,
ou avoir son moteur spécial. Dans le premier cas, les deux
mouvements obtenus à l'aide d'un seul moteur donnent
des tracés d'une correction parfaite ; mais la marche de l'appareil
peut en être ralentie. Dans le second, le cylindre
n'éprouve aucun retard ; mais les variations de vitesse qui
ne peuvent pas manquer de se produire entre les deux
moteurs nuisent à l'exactitude des tracés.

Même pour les inscriptions qui ne demandent qu'un
seul tour de cylindre, le chariot a son utilité : il permet de
faire glisser les appareils inscripteurs suivant une ligne parfaitement
horizontale et parallèle à la génératrice, ce qui
dispense de réglages successifs et ennuyeux.

Cela dit au point de vue général et théorique, j'aborde
la description de l'appareil qui me semble le mieux répondre
aux besoins de la phonétique expérimentale, le cylindre
enregistreur avec chariot mû par un mouvement d'horlogerie
muni d'un régulateur Foucault, tel qu'il est
construit par M. Verdin (fig. 23).68

Le cylindre est formé d'un tube de laiton parfaitement
calibré. On arrive à ce résultat en pratiquant, dans les parois
des deux bases, des trous qui permettent de régulariser le
poids. Un cylindre bien calibre reste immobile dans toutes
les positions qu'on lui donne.

Le cylindre est suspendu par son axe, entre l'un des arbres
du mouvement et une colonne de butée, au moyen d'une

image

Fig. 23.
Cylindre enregistreur
avec mouvement d'horlogerie et régulateur.

vis contre-pivot. Cette vis est maintenue en place par une
vis calante. D'autre part, l'axe du cylindre est fixé à l'arbre
du mouvement au moyen d'un toc. Ce petit appareil vient
de recevoir un perfectionnement important. Le toc du
cylindre porte un petit verrou qui entre dans le toc du mouvement.
69Avec ce verrou on établit ou on supprime aisément
la dépendance du cylindre et du moteur.

Pour enlever le cylindre, on le maintient en dessous,
d'une main, pendant qu'avec l'autre on desserre la vis
calante, puis la vis de butée. Quand on sent qu'il se détache,
on le retire avec précaution. Pour le replacer, on procède
d'une façon inverse : on l'adapte au rouage, puis on maintient
la pointe de son axe en face de la vis de butée jusqu'à
ce qu'on ait amené le contact, tout en laissant un peu de
jeu entre les pivots. On serre la vis calante. Il ne reste plus
qu'à pousser le verrou du toc, si l'on veut produire l'entraînement.

Le mouvement d'horlogerie possède trois axes, qui
donnent au cylindre trois vitesses différentes : un tour à
la seconde, un tour en 8 secondes, un tour en une minute.

Un frein placé sur le cadre du régulateur permet à volonté
la mise en marche et l'arrêt.

Le régulateur se compose de deux ailes, munies de
masses de réglage, qui s'étendent ou s'abaissent en proportion
de la tension du ressort moteur, opposant ainsi, au
moment opportun, tantôt plus, tantôt moins de résistance,
et régularisent la marche de l'appareil.

Le bon fonctionnement des ailes dépend de l'élasticité
de leurs ressorts et de la position des masses. Il est facile de
se rendre compte, avec la main, de la qualité des ressorts.
Quant à la position que doivent occuper les masses, elle ne
peut être déterminée qu'expérimentalement. Il s'agit de
trouver le point précis où le contre-coup des variations du
ressort moteur peut être ressenti par les ailes. Chargées
trop haut, celles-ci, devenues trop légères, atteignent leur
maximum d'amplitude avec les pressions moyennes et sont
impuissantes à contre-balancer les pressions fortes ; chargées
70trop bas, elles répondent bien aux pressions considérables,
mais elles opposent une résistance invincible à des variations
moindres, suffisantes toutefois pour compromettre l'uniformité
du mouvement.

Pour mettre le régulateur au point, on compte, à des
moments séparés, le nombre de tours que le cylindre exécute
dans un temps donné (une minute, par exemple). Une
marque faite à la craie et mirée avec un autre point fixe,
ou bien un signal collé au cylindre et frappant à chaque
tour sur un obstacle quelconque, permet de compter ces
tours très exactement. Si le nombre obtenu varie, on observe
le mouvement des ailes : si celles-ci s'étendent complètement,
il faut baisser les masses ; dans le cas contraire, il
faut les relever. Quand on est arrivé à un bon résultat, il
convient de recourir à un moyen plus sûr : on inscrit les
vibrations d'un diapason et l'on peut par là obtenir un
réglage, sinon parfait, du moins très satisfaisant ; en tout
cas, on limite très exactement les erreurs possibles.

Les expériences faites sur mon appareil m'ont appris :
1° que les trois premiers tours du cylindre sont irréguliers,
en raison de l'inertie des rouages ; 2° que les derniers
subissent une légère accélération ; 3° que les autres, pendant
la durée d'une expérience, sont sensiblement uniformes.
Il n'y a qu'à se conduire en conséquence : laisser
faire quelques tours au cylindre avant de l'utiliser, et ne
pas attendre, pour le remonter, que le ressort soit à fond.

Le chariot est porté sur un bâti de fonte indépendant
(fig.24), qui peut être rattaché à celui du mouvement d'horlogerie
au moyen de deux butoirs (B, B). Il se meut sur deux
rails au moyen de galets à gorge. Par une petite lame
cachée dans le pied, il s'engrène dans la vis entraînante. On
soulève cette lame au moyen de l'anneau qui forme la
71base de la tige verticale, et alors le chariot peut être conduit
indépendamment de la vis. Lorsque la vis est reliée
au moteur, les changements de place à la main ne pourraient
pas se faire autrement. Aux deux extrémités, la lame
engrenante tombe en dehors de la vis : c'est la position de
repos du chariot.

L'axe de la vis motrice porte à l'une de ses extrémités

image

Fig. 24.
Chariot.

une poulie à plusieurs gorges qui correspond à une poulie
semblable fixée à un axe postérieur du rouage d'horlogerie.
Une corde passant par ces deux poulies, et tendue au
moyen d'un ressort (R), transmet le mouvement du
rouage au chariot. Les diverses gorges des deux poulies
permettent de faire varier la vitesse du chariot et par conséquent
l'écartement des lignes inscrites sur le cylindre. On
obtient l'écartement le plus grand en reliant la gorge la
72plus grande de la poulie du rouage avec la plus petite de la
poulie du chariot, inversement, on obtient l'écartement le
plus petit en unissant la gorge la plus grande du chariot
avec la plus petite du rouage. Le ressort tenseur doit être
assez flexible peur compenser les irrégularités ou le nœud
de la corde de transmission.

C'est sur la tige du chariot que s'adapte le support de côté
à réglage
qui reçoit les appareils inscripteurs. Un support
fixe ne rendrait pas le même service. Il est nécessaire, en
effet, de pouvoir à son gré rapprocher ou écarter les plumes
du cylindre, soit en tournant la vis de réglage, soit en
appuyant avec le doigt sur le levier. Il faut placer le support
de façon à pouvoir utiliser la feuille tout entière. On
ne pouvait le faire autrefois que pour certaines vitesses ;
depuis que j'ai introduit un nouveau support à réglage,
inverse du précédent, on le peut pour toutes (fig. 33, 66).

Mon appareil contient une autre nouveauté dont l'emploi
s'impose aux phonéticiens. Les expériences que l'on faisait
jusqu'ici n'exigeaient pas une grande vitesse du chariot ;
on ne prenait en général qu'un seul tracé à la fois ; mais la
nécessité de faire marcher de front plusieurs plumes m'a
obligé à doter mon chariot d'une vis à pas très large. De
plus, des trois vitesses normales de l'appareil, il n'y en a
guère qu'une qui nous convienne, la moyenne ; les deux
autres sont, ou trop lente, ou trop rapide. Mais la vitesse
moyenne est elle-même trop lente dans certains cas ; j'ai donc
ralenti la plus rapide et légèrement accéléré la moyenne.

Ces deux appareils, qui en réalité n'en font qu'un, le
cylindre avec mouvement d'horlogerie et le chariot, étant
bien connus, il nous reste à dire comment on les fait fonctionner.73

Avant tout, il faut les disposer sur une table solide, et
les placer l'un et l'autre bien horizontalement. On peut se
servir, à cet effet, d'un niveau à bulle d'air ; les vis calantes
rendent le réglage très facile.

Le chariot se met devant le cylindre de telle façon que
celui-ci, quand il est en mouvement, se dérobe devant lui
par en haut et en arrière. On conçoit que, si le cylindre
tournait dans le sens inverse, il replierait sur elles-mêmes
les plumes des appareils inscripteurs.

Puis, sans changer le cylindre de place, mais après l'avoir
rendu libre en retirant le verrou, s'il y a lieu, on colle
dessus une feuille de papier glacé que l'on a eu soin de
gommer préalablement. Pour cela, on passe le côté non
gommé en dessous du cylindre, d'arrière en avant ; on
saisit ce côté de la main gauche, on le serre bien contre le
métal et l'on applique dessus le côté gommé. De la sorte,
les pointes des styles glisseront sans peine ; si l'opération
avait été faite dans l'autre sens, elles se seraient heurtées
contre le rebord.

Le papier collé, on le noircit en promenant dessous, d'une
façon régulière et continue, un corps fumeux que l'on tient
d'une main, pendant que de l'autre on fait tourner le
cylindre d'arrière en avant avec une vitesse convenable. Il
faut que la couche de noir de fumée déposée sur la feuille
soit fort mince, mais pourtant suffisamment noire. La
petite bougie à mèche épaisse, qu'on appelle rat de cave,
est excellente ; le Wachsstock, qui répond en Allemagne, pour
l'usage qu'on en fait, à notre rat de cave, n'est pas bon : il
a trop de cire et trop peu de mèche. J'emploie aussi volontiers
du camphre que je brûle dans une cuillère ; mais, si
l'on veut que la couche ne soit pas trop épaisse, il faut
tourner très rapidement.74

Le noircissage achevé, il n'y a plus qu'à disposer sur
le support les appareils inscripteurs, puis, quand tout
sera prêt, à fixer le cylindre à l'arbre du mouvement en
poussant le verrou du toc et à relâcher le frein qui retient le
moteur.

Quand l'expérience sera finie, on resserrera le frein, on
rendra au cylindre sa liberté en retirant le verrou, et, en
maintenant la feuille d'un doigt, on la coupera suivant la
ligne de collage, avec un canif ; on prendra les deux bords par
le milieu ; puis on tirera l'un en haut, tout en maintenant
l'autre jusqu'à ce qu'il n'y ait plus à craindre que le bord
inférieur ne touche au pied de l'appareil. La feuille, ainsi
détachée, est posée sur la table avec précaution ; on y écrit
à la pointe tous les renseignements utiles, et on la vernit.

Le vernissage est une opération qu'il ne serait pas
agréable de recommencer pour chaque feuille. Aussi me
suis-je fait construire un petit meuble où chaque feuille
repose sur une planchette qui glisse dans une coulisse. Je
puis ainsi en conserver une trentaine superposées les unes
aux autres.

Le vernis que j'emploie se compose de laque blanche
(80 grammes), de térébenthine de Venise (50 grammes),
dissoutes dans un litre d'alcool à brûler, le tout filtré au
papier. Il y a un résidu qu'on laisse déposer, si l'on ne veut
pas qu'il empâte le filtre. Le filtrage est, du reste, assez long,
surtout si on ne renouvelle pas les filtres souvent. Quand le
vernis se trouve un peu faible, il suffit de le laisser quelques
heures à l'air pour lui donner, par l'évaporation de l'alcool,
le degré de concentration qui convient.

On verse le vernis dans une petite cuvette en forme de
demi-cylindre et l'on y trempe les feuilles. Il n'y a pas
d'autre précaution à prendre que d'empêcher la surface
75noircie de toucher à quoi que ce soit autre que le vernis.
Les feuilles retirées sont suspendues à des fils de fer,
à l'aide d'épingles de blanchisseuses, pour qu'elles puissent
s'égoutter et sécher, ce qui ne demande que quelques
minutes.

Chronographes.

Chronographes. — L'appareil enregistreur que je viens de
décrire est bien près d'avoir une vitesse uniforme, mais
enfin il ne l'a pas ; d'autre part, sa vitesse peut être modifiée
d'une manière variable par le chariot. Un organe
mesurant le temps avec précision en est donc le complément
indispensable.

Le premier, Thomas Young eut l'idée de joindre, aux
inscriptions des phénomènes enregistrés sur un cylindre,
le tracé simultané des vibrations d'une tige élastique dont
on aurait par avance déterminé la durée. Wertheim et
Duhamel substituèrent aux tiges les diapasons, qui se
règlent beaucoup plus facilement, soit par la méthode de
Lissajous (méthode optique), soit par celle de M. Kœnig
(méthode des battements).

D'autres ont eu recours à un compteur (Helmholtz) ou
à une sirène, mus par l'appareil d'horlogerie 149.

Le seul moyen vraiment pratique est l'emploi du diapason.
En fixant une plume légère à l'une des branches du
diapason, il est facile, comme je le montrerai page 78,
de recueillir directement ses vibrations en même temps
que l'on prend les tracés des mouvements observés. Un
moyen, plus commode encore, consiste à entretenir électriquement
les vibrations du diapason (Helmholtz, Regnault,
76Foucault 150) et à les inscrire au moyen d'un signal électrique
(voir page 103) ou d'un tambour à levier 251.

Le choix du diapason dépend de la vitesse à mesurer.
Les diapasons de 25 ou 50 vibrations (v. d.) à la seconde
conviennent aux mouvements lents ; ceux de 200 à 1000,
aux mouvements rapides.

Il est bon de prendre, sur chaque feuille, au moins une
fois le tracé du diapason : on a ainsi une échelle toute préparée
et qui éprouve les mêmes variations que les tracés,
auxquels elle doit s'appliquer.

Il y aurait bien aussi à tenir compte des différences de
température, puisque les diapasons en subissent l'influence
et que le nombre de leurs vibrations (v. s.) est en général,
d'après les expériences de M. Kœnig 352, diminué de 1/8943
lorsque la température s'élève de 1° c. Mais cette quantité
est si faible (1/3577 de seconde par 10° c. pour mon diapason
de 400 demi-vibrations), qu'elle m'a paru jusqu'ici
tout à fait négligeable.

Appareil enregistreur de voyage.

Les appareils de laboratoire ont cet inconvénient, qu'ils
sont d'un transport difficile. Aussi me suis-je trouvé fort
embarrassé quand j'ai voulu, l'été dernier, emporter, à travers
les villages de la Bretagne, l'appareil dont je m'étais servi
jusqu'à ce moment et qui n'avait fait avec moi dans mes
voyages que des stations peu nombreuses et prolongées. Il
77me fallait opérer des réductions, de manière à pouvoir porter
moi-même tout mon laboratoire à la main : appareils,
cuve, vernis, provision de feuilles, outils, etc.

L'appareil enregistreur dut donc être bien simplifié. Voici
à quoi, après des perfectionnements successifs, il a été
réduit : une planchette en bois blanc, avec deux supports
verticaux et une coulisse. L'un des supports porte une vis
contre-pivot ; l'autre, un petit moteur fait d'un vieux
réveille-matin, qui suffit, par la seule butée de son arbre
contre l'axe du cylindre, pour opérer l'entraînement.

L'élasticité des supports permet d'introduire le cylindre
sans qu'il soit utile de toucher à la vis une fois qu'elle est
bien réglée. On fait varier la vitesse en montant le ressort
plus ou moins ou bien en pressant du doigt l'axe du
cylindre. Dans la coulisse, circule à frottement doux une
petite masse de bois, qui porte la tige de soutien pour les
appareils inscripteurs et, monté sur une bascule, le diapason
écrivant, que l'on peut à son gré rapprocher ou écarter du
plan enregistreur. L'appareil est simple, très précis puisqu'il
permet de calculer les moindres durées, peu coûteux, et
avec cela peu encombrant, car, en perçant un large trou
dans l'une de ses bases, j'ai fait servir le cylindre à l'emballage
des appareils délicats.

Depuis seulement, j'ai vu le petit enregistreur que
M. Verdin a construit pour la clinique (fig. 21), et qui
pourrait fort bien être approprié aux explorations des phonéticiens
en voyage.

Les progrès qu'a faits la photographie l'ont rendue propre
à compléter et même à remplacer les procédés d'inscription
que je viens de signaler. J'en dirai un mot à l'occasion, en
décrivant les appareils inscripteurs.78

II
Appareils inscripteurs

La parole nous présente deux ordres de phénomènes à
inscrire : la parole elle-même et les mouvements organiques
qui la produisent.

Je parlerai successivement des appareils dont nous disposons
pour l'un et l'autre objet, en commençant par les
appareils inscripteurs des mouvements organiques.

Inscripteurs des mouvements organiques.

Quelle que soit leur diversité, les appareils inscripteurs
ont tous le même but : recueillir un mouvement et l'inscrire
sur le plan enregistreur. Ils sont donc doués d'un
double organe : l'un explorateur, l'autre écrivant.

Ces deux organes sont mis en communication au moyen
de l'air ou de l'électricité.

A. — Appareils inscripteurs à air.

Le premier appareil inscripteur qui ait été introduit en physiologie
est le kymographion de Ludwig 153, destiné à mesurer
la pression sanguine. Il se composait d'un manomètre avec
flotteur muni d'un levier et s'adaptait aux artères d'un animal
vivant. J'ai souvent songé à utiliser un appareil analogue,
mais j'ai craint les soubresauts de la colonne de mercure.
M. Weeks, qui l'a essayé, s'est heurté à cet inconvénient.

Après l'appareil de Ludwig parurent ceux de Helmholtz
79et de Vierordt pour l'exploration des mouvements musculaires
(myographes) 154. Enfin M. Marey, étudiant avec
M. Chauveau les mouvements du cœur, fut amené, par la
difficulté même de l'expérimentation, à confier l'exploration
et l'inscription à deux appareils distincts, qu'il relia par un
caoutchouc. C'est ainsi qu'il dota la science de deux outils
excellents : le tambour à levier et le tambour explorateur.

Organe écrivant.

Tambour à levier.

Tambour à levier. — Le tambour à levier ne fut d'abord
qu'une cuvette de cuivre munie d'un tube pour la transmission
et couverte à sa partie supérieure d'une membrane
de caoutchouc ; le style était maintenu en contact avec la
membrane au moyen d'un petit fil également en caoutchouc 255.
Mais les perfectionnements ne se firent pas

image

Fig. 25.
Tambour à levier.

attendre. Un disque d'aluminium collé sur la membrane
reçut à son centre une petite fourchette métallique qui
s'articulait avec le levier (fig. 25), et celui-ci fut rendu mobile
entre les parois de la pièce qui porte la fourchette, de sorte
80qu'on en peut graduer suivant les besoins la puissance amplificatrice 156.
Les améliorations qui ont suivi et dont quelques-unes
sont dues à M. Chauveau, ont eu pour but de faciliter
l'emploi de l'appareil. Une articulation permet de faire
mouvoir le style vers la droite ou vers la gauche. Quand
les déplacements doivent être très étendus, on est obligé
de porter le style du côté opposé à celui vers lequel ils
doivent se produire, si l'on ne veut pas qu'il abandonne le
cylindre. Enfin deux vis de réglage ont été ajoutées : l'une (A)
repousse l'appareil vers le cylindre ou le retire en arrière,

image

Fig. 26.
Tambour à levier (nouveau modèle).

l'autre (B) élève ou abaisse le style. La virole a été fendue
pour permettre de placer ou de retirer le tambour, dans
une expérience complexe, sans qu'il soit nécessaire de
toucher aux autres appareils inscripteurs. Ce dernier modèle
laisse pourtant encore quelque chose à désirer : il est trop
épais et prend une place exagérée, ce qui est très gênant
dans les inscriptions simultanées (fig. 26).

En physiologie on ne demande au tambour à levier que
d'inscrire des mouvements d'une certaine amplitude ; en
phonétique expérimentale, ce n'est pas assez : nous lui
81demandons en outre de rendre les vibrations. Mes premiers
essais dans ce sens datent du 4 avril 1886 ; je fis mes expériences
avec un tambour, réunissant, pensions-nous,
M. Verdin et moi, toutes les conditions d'une sensibilité,
exquise : elles échouèrent, comme elles devaient. Deux ans
plus tard, au cours d'expériences que nous faisions
ensemble, M. le Dr Rosapelly eut l'idée de rechercher la
pression de l'air dans le nez : or, par bonheur, tous nos
tambours fraîchement montés étant occupés, il en prit un
vieux dont la membrane toute ratatinée avait besoin, selon
nous, d'être renouvelée ; mais, ô miracle ! non seulement
la pression de l'air était marquée, mais la ligne au lieu
d'être droite, se trouvait formée d'une série de petites
sinuosités. Une inscription simultanée avec les vibrations
du larynx prouva que nous avions les vibrations nasales.
C'est avec ce tambour, devenu tout à coup précieux pour
nous, qu'ont été pris les tracés utilisés dans ma thèse sur
Les modifications phonétiques du langage. Chose étonnante !
nous n'eûmes, ni M. Rosapelly ni moi, l'idée d'essayer avec
ce tambour l'inscription directe de la parole. Mes précédents
insuccès m'avaient conduit sur une autre voie, où j'avais
réussi. Je me contentai de chercher le moyen de donner à
un tambour neuf la qualité d'un vieux. J'y parvins en le
chargeant de plombs pendant quelques jours et en détendant
le plus possible la membrane. Les choses en restèrent
là jusqu'au 15 février 1891, où le hasard vint encore une
fois me servir. Je cherchais la pression de l'air au sortir de
la bouche. Or, au lieu de prendre la vitesse la plus lente du
régulateur, comme je faisais d'ordinaire pour l'étude de ce
phénomène, je laissai mon cylindre sur l'axe moyen qu'il
occupait ; et, autre circonstance favorable, n'ayant sous
la main qu'un petit bout de tuyau, je m'en contentai.
82Mes tambours n'étaient plus neufs, et ils me donnèrent
des tracés analogues à ceux qu'avait obtenus par le nez le
Dr Rosapelly. je corrigeais alors les épreuves de ma thèse, et
je consignai à la page 252, sans dire comment je les avais
obtenus, les résultats nouveaux. Le temps me manquait
pour étudier les conditions du phénomène. Je ne le fis
qu'en 1893, lorsque j'appris par les journaux de Berlin
que M. Vietor avait trouvé le moyen de recueillir sur les
lèvres les vibrations du larynx (fig. 27). M. Vietor n'avait

image

Fig. 27.
Tracés obtenus par M. Vietor
au moyen d'un tambour à levier.

pas pénétré la vraie cause du phénomène et attribuait son
succès à la forme de l'embouchure qu'il avait choisie.
L'embouchure n'est pas indifférente, mais c'est la qualité
de la membrane qui intervient comme condition essentielle 157 :
83ce qu'il faut, c'est une membrane rigide, peu
tendue, avec un large disque, et non, comme je l'avais
supposé d'abord, une membrane flexible, très tendue, avec
un disque étroit. Si j'avais réfléchi que dans l'oreille la
membrane du tympan est une membrane rigide, que la
membrane des phonographes est rigide aussi, que la membrane
de la fenêtre ovale ne dépasse que de quelques centièmes
de millimètre la base de l'étrier, qui remplit le rôle du
disque d'aluminium dans notre tambour à levier, je n'aurais
pas commis cette erreur.

M. Chauveau a eu l'heureuse idée de faire construire
des tambours à petite cuvette. Ce sont les meilleurs, toutes
les fois que la masse d'air ébranlée est minime.

Je dispose maintenant de quatre sortes de tambours à
levier, gradués suivant leur degré de flexibilité : un tambour
flexible (membrane mince tendue et disque étroit), un
tambour moyen (membrane rigide peu tendue, avec disque
étroit), un tambour rigide (membrane très résistante posée
sur le tambour sans être tendue et disque large), enfin un
tambour rigide à petite cuvette.

J'ai essayé d'une membrane en vessie de porc. Les
résultats ont été bons quand elle était humide ; sèche, elle
rend difficilement. On pourrait essayer du papier, du parchemin,
etc.

Pour être à même de faire ces essais ou de réparer des
accidents, il importe de savoir tendre les membranes sur
les tambours. Voici comment on opère. Après avoir décollé
le disque et détaché de son support la cuvette du tambour,
on fixe celle-ci par le tube de communication sur un étau,
ce qui est plus commode, ou on la maintient comme on
84peut entre ses genoux ou sur une table ; on étend dessus la
membrane et on l'attache solidement. Puis on remonte la
cuvette et l'on recolle avec un petit fer chauffé le disque, que
l'on place bien au milieu au moyen d'un patron circulaire.

La qualité des membranes n'est pas constante. Elle varie
avec l'état de l'atmosphère, et c'est là un point qui mérite
toute l'attention des expérimentateurs. Quand il n'y a que
des mouvements d'une amplitude considérable à explorer,
aucune différence sensible ne se trahit. Mais dès qu'il s'agit
de vibrations, les influences atmosphériques se font sentir
à un tel point que d'un jour à l'autre les mêmes appareils
perdent et reprennent la faculté de les reproduire.

C'est cette inconstance des tambours à levier qui m'a
porté à leur substituer, surtout pour l'inscription de la
parole, un appareil que j'ai construit sur le modèle de
l'oreille.

Dans les expériences délicates, comme celles qui ont
pour objet la recherche des vibrations, le choix d'un bon
style inscripteur a son importance. On en fait en bambou
et en paille de seigle. Je préfère ces derniers. Mais pour
tous une pointe en corne bien flexible et bien pointue est
nécessaire. Cette pointe s'attache avec un peu de cire à
modeler. Quand la pointe est émoussée, on l'aiguise avec
une lime bien fine sur un morceau de liège et on la retaille
au canif en l'appuyant sur une surface dure. Plusieurs fois
j'ai été entravé dans mes recherches par l'insensibilité d'un
tambour, et tout le mal venait de la rigidité du style ; un
coup de lime, et l'obstacle était écarté. La plume doit être
fixée solidement au levier de métal au moyen d'un petit
manchon d'aluminium ; s'il est besoin, on presse cette pièce
entre les mâchoires d'une pince.

Il ne suffit pas de veiller à la qualité de la plume ; il faut
85encore établir une juste proportion entre les deux bras
du levier. On modifie celle-ci, dans les modèles nouveaux,
en faisant glisser le manchon de la chape le long du
levier et le corps du tambour le long de la coulisse. Ce
n'est pas seulement la dimension des tracés à obtenir qui
est en cause, mais aussi le degré de sensibilité dont on a
besoin. Plus la chape est rapprochée de l'axe du levier, ou
(ce qui revient au même) plus le bras écrivant est long par
rapport au petit, plus les tracés sont agrandis ; mais c'est au
détriment de la sensibilité : la force d'inertie augmente
d'autant. Aussi, quand on veut recueillir des vibrations,
faut-il résister à l'idée que l'agrandissement le plus considérable
est le meilleur : une bonne place pour la chape
est à 3 ou 4 mm du point d'appui. Si l'on voulait des
tracés de grande amplitude, il vaudrait mieux, dans ce
cas, allonger le grand bras que raccourcir le petit.

Organe explorateur.

L'organe explorateur n'a pas de forme déterminée. Il se
modèle sur l'organe même à explorer, et peut se réduire à
une simple ampoule en caoutchouc ou bien comprendre un
tambour explorateur avec ses accessoires.

Ampoules exploratrices.

Ampoules exploratrices. — Elles sont rondes, ovales ou

image

Fig. 28.
Ampoules exploratrices.

allongées, grandes ou petites, épaisses ou minces, résistantes
86ou flexibles (fig. 28), suivant la forme des organes et la
nature des mouvements à explorer.

Tambour explorateur.

Tambour explorateur. — Le tambour explorateur revêt
aussi différentes formes et se prête à de nombreuses combinaisons,
il se compose essentiellement d'une cuvette et
d'une membrane.

Tantôt on applique directement la membrane sur l'organe,
tantôt on interpose un bouton central, si l'on veut
limiter l'exploration, ou une tige rigide, si l'on désiré
atteindre un point éloigné. D'autres fois, on a recours à
des leviers qui reçoivent la pression et la communiquent
au tambour. Dans certains cas, il est bon d'employer de
grandes cuvettes ; dans d'autres (lorsque le déplacement
est faible), les petites sont préférables.

La tension et la flexibilité de la membrane changent
aussi suivant l'objet des recherches : les mouvements non
vibratoires peuvent être saisis par toutes sortes de membranes ;
les vibrations réclament des membranes rigides.

Variables dans leur forme, leurs dimensions et leurs
qualités, les tambours explorateurs le sont aussi dans leur
mode d'attache. Ils doivent être maintenus en position, de
telle sorte que la membrane ne soit impressionnée que par
un mouvement unique, celui qui fait l'objet des recherches,
ou du moins facile à distinguer des mouvements accessoires
qui viendraient s'y ajouter. Ceintures, courroies élastiques,
constructions métalliques sont employées tour à tour
suivant la place sur laquelle on peut prendre son point
d'appui.

Parmi les appareils usités en physiologie, je n'en vois
que deux ou trois qui puissent être adaptés à notre usage.
Ce sont les myographes et les pneumographes.87

Les myographes (Helmholtz, Marey) servent à explorer le
gonflement des muscles. Ils se composent d'une capsule
avec un ressort intérieur qui fait un peu saillir la membrane
et se termine extérieurement par un bouton. « La capsule,
s'applique par sa face élastique sur le muscle que l'on veut
explorer ; on la maintient fortement serrée et immobilisée
au moyen d'un bandage roulé. 158 »

Les pneumographes inscrivent les changements de volume
de la cage thoracique pendant la respiration. M. Marey
s'est d'abord servi, dans ce but, d'un cylindre élastique maintenu

image

Fig. 29.
Pneumographe de P. Bert.

tenu par un ressort à boudin et fermé à ses deux extrémités
par des rondelles de métal avec crochet central. Un tube
88latéral communiquait avec le tambour inscripteur. La ceinture,
dont on s'entourait la poitrine, était attachée aux deux
crochets 159. Paul Bert changea la partie élastique de place :
il fit le tube de métal et le ferma à chaque bout par des
membranes. Plus tard, M. Marey a pris un tambour monté
sur une lame d'acier élastique et fixé à la fois, par sa cuvette

image

Fig. 30.
Pneumographe de M. Marey.

et par sa membrane, à deux branches divergentes auxquelles
s'attache la ceinture 260. Cet appareil, excellent pour la physiologie,
ne donne pas d'inscriptions assez amples pour la
phonétique. J'en ai construit un, formé d'une large cuvette
et de deux leviers amplificateurs qui sont attachés à la ceinture
par leurs bras les plus courts. Enfin, M. Verdin en a
fait un autre, qui est d'un emploi facile et qui donne des
amplitudes considérables. Il est formé de deux capsules
maintenues sur une plaque au moyen de vis, ce qui permet
de régler aisément la tension de la ceinture. Une
89courroie passée sur le cou permet de suspendre l'appareil

image

Fig. 31.
Pneumographe de M. Verdin.

en face du point que l'on veut explorer (fig. 29, 30, 31).

Les appareils construits uniquement en vue des recherches
de phonétique sont les explorateurs des lèvres, du voile du
palais, de la langue, du larynx.

Explorateurs des mouvements des lèvres.

Explorateurs des mouvements des lèvres. — Le premier
appareil de ce genre est dû à M. le Dr Rosapelly (fig. 32). Il
« se compose de deux petites branches terminées chacune
par un petit crochet plat en argent qui doit embrasser l'une
90des lèvres dans sa courbure. La gouttière l′ se place sous la
lèvre supérieure, la gouttière l sous la lèvre inférieure…
Cette dernière seule est mobile ; or, quand la lèvre inférieure
s'élève, cela fait basculer la branche l autour de son

image

Fig. 32.
Explorateur des lèvres, de M. Rosapelly.

articulation, forçant ainsi les deux extrémités opposées des
deux branches à s'éloigner l'une de l'autre en tendant un
petit anneau de caoutchouc qui sert de ressort antagoniste.
Dans ce mouvement, une traction s'exerce sur la membrane
du tambour à air T… La raréfaction de l'air dans ce tambour
se transmet, au moyen d'un tube de caoutchouc t,
91jusqu'au tambour à levier… 161 ». Cet appareil, improvisé avec
des pièces toutes faites qui se trouvaient dans le laboratoire,
n'est pas des plus commodes. C'est pourquoi j'ai été amené
à le remplacer.

Celui que j'ai construit se compose de deux cuvettes
superposées dont les membranes sont reliées par des articulations
à deux leviers qui se croisent en forme de tenailles.
La pression des lèvres, s'exerçant sur l'extrémité libre des

image

Fig. 33.
Explorateurs des lèvres et de la parole accouplés au moyen d'une embouchure.

leviers, se communique aux membranes et, par elles, soit à
deux tambours inscripteurs, soit à un seul quand les deux
cuvettes sont réunies par un tube en Y. On a de la sorte soit
les mouvements de chaque lèvre isolée, soit les divers degrés
d'ouverture de la bouche. J'ai encore facilité l'expérimentation
92en rendant les tambours mobiles autour de l'axe du
support (fig. 33).

J'ai employé depuis peu deux nouveaux appareils pour
compléter l'exploration des mouvements des lèvres. Un
tambour, prenant son point fixe sur le menton à l'aide d'une

image

Fig. 34.
Explorateur des mouvements horizontaux des lèvres.

simple lame d'acier, donne d'une façon générale les mouvements
horizontaux (fig. 34). Un autre, maintenu par une
tige articulée qui s'attache au front et à la mâchoire supérieure,
permet d'explorer tous les points des lèvres et les
commissures, au moyen d'un style allongeable à volonté. Il
importe de bien fixer les tambours avec des courroies élastiques,
de façon qu'ils ne suivent pas eux-mêmes les
mouvements qu'ils doivent transmettre.

Enfin, j'ai eu recours, pour l'exploration des mouvements
verticaux des lèvres, aux petites ampoules dont je
me sers pour recueillir les mouvements de la langue (fig. 36).
Le résultat est excellent : on obtient ainsi, non seulement
les variations de fermeture, mais aussi les vibrations.

Explorateur du voile du palais.

Explorateur du voile du palais. — Le modèle le plus
93récent (fig. 35) est de M. Weeks. Un tambour est tenu
verticalement en face de la bouche par une tige soudée à
un cercle de fer. Le levier T porte un style A formé de
deux fils d'aluminium, qui sont d'abord tordus ensemble,

image

Fig. 35.
Explorateur du voile du palais.

puis s'écartent pour renfermer entre eux la langue, et
enfin se rejoignent pour s'attacher à un petit bouton de
plâtre qui se colle au-dessus de la luette PP.

L'emploi de cet appareil est assez pénible. Mais il l'est
beaucoup moins sans doute que celui de M. Allen, consistant
en une tige qui, pénétrant dans le nez, reçoit par un
94bout arrondi les impulsions du voile du palais, et les écrit
par son autre bout, pointu, sur un cylindre vertical 162.

Pour moi, je me suis contenté jusqu'ici de la méthode
indirecte inaugurée par M. le Dr Rosapelly. Je juge des
mouvements du voile du palais d'après la quantité d'air qui
sort par le nez.

Explorateurs de la langue.

Explorateurs de la langue. — M. le Dr Rosapelly a eu, au
cours de nos expériences de 1889, l'idée d'étudier les mouvements

image

Fig. 36.
Explorateur externe de la langue.

de la langue sous le menton. Il fixa le tambour
explorateur à une pièce de cuivre fondue d'après un moulage
95de son menton. Cet appareil servit pour nous deux.
Mais, lorsque je voulus en construire un, il me fallut
songer au moyen de le rendre applicable à toutes sortes de
tailles. J'ai heureusement atteint mon but avec la charpente
représentée fig. 36. Toutes les tiges de suspension
peuvent s'allonger à volonté ; les autres pièces, grâce à
leurs articulations, peuvent encadrer tous les visages. Les
courroies s'attachent sur la tête et sur la nuque. Le tambour
glisse dans une rainure et se fixe au moyen d'une vis
par le tube de transmission. Le bouton du levier explorateur
est mobile et peut s'appliquer aux divers points de la
surface musculaire.

Je viens de réduire cette charpente à une simple lame
d'acier qui s'attache au menton par une ganse élastique.

image

Fig. 37.
Explorateur externe de la langue.

Elle soutient, au moyen d'un support articulé, un tambour
rigide, qui s'applique exactement sur le muscle. On obtient
ainsi à la fois la pression de la langue et les vibrations
(fig. 37)96

J'ai déjà, en 1889, étudié la pression de la langue sous
le palais, au moyen d'un tambour fait avec mon palais artificiel
recouvert d'une membrane. Depuis peu, j'ai eu l'idée
de me servir de petites ampoules de caoutchouc, variées de
formes et de dimensions, qui me permettent d'atteindre la
langue dans toutes ses positions, et qui me donnent, elles
aussi, les vibrations ainsi que les mouvements (fig. 28).

Explorateurs du larynx.

Explorateurs du larynx. — Mécontent de l'explorateur
électrique, dont je parlerai tout à l'heure, je cherchai dès
1889 le moyen d'inscrire les vibrations du larynx à l'aide
d'un tambour. Mais, comme je ne connaissais pas encore les
conditions requises pour l'inscription des mouvements vibratoires,
je ne réussis pas. Je fus pourtant assez heureux pour
inscrire les vibrations cherchées, au moyen d'une capsule

image

Fig. 38.
Capsule exploratrice du larynx.

appliquée sur la peau tendue (fig. 38). Cette capsule me
rendit des services ; mais elle exige l'emploi des deux mains,
l'une étendant la peau, l'autre soutenant l'appareil. Je viens
de chercher à nouveau le tambour explorateur du larynx, et,
cette fois, je n'ai rencontré aucune difficulté. Le petit tambour,
couvert d'une membrane rigide, emboîte le larynx
et s'attache autour du cou par une cravate de caoutchouc.
Il fonctionne à merveille, sans que l'on ait à s'occuper de
lui. Il donne les vibrations et, de plus, les mouvements de
projection en avant du larynx et permet de distinguer par
97ses différences de pression plusieurs sortes d'articulations
(fig. 40).

Vers 1889, M. Piltan fit construire, pour ses études de
musique, sur les dessins du Dr Rosapelly, un appareil pour
inscrire les mouvements verticaux du larynx. Les supports
viennent buter contre le cou, où ils sont maintenus en

image

Fig. 39.
Explorateur des mouvements verticaux du larynx.

place par une courroie, et sur la poitrine, par deux tiges
mobiles. Le tambour porte un large disque sur lequel vient
reposer, au moyen d'une vis, un levier qui est appuyé sur
le larynx. Cet organe, en remontant, entraîne le levier, et
la membrane se détend ; en s'abaissant, il comprime, au
contraire, l'air du tambour (fig. 39).

Ayant eu l'occasion d'inscrire aussi les mouvements du
larynx, j'ajoutai à l'appareil un tambour vertical, contre
lequel venait se buter une seconde tige appuyée sur le
98larynx ; celle-ci me donnait les mouvements horizontaux.

Souvent je me suis demandé pourquoi cette tige ne serait
pas utilisée pour l'inscription des vibrations : alors l'explorateur
aurait été complet. Aujourd'hui le problème est
résolu.

Le tambour attaché sur le larynx donne, avons-nous dit,
les vibrations et les mouvements horizontaux. De plus, il
suit le larynx dans ses déplacements verticaux ; il suffit
donc, pour inscrire les trois phénomènes, de le relier a un
second tambour établi dans une position stable. Une pièce de
cuivre s'appliquant bien sur le haut de la poitrine et attachée

image

Fig. 40.
Explorateur général du larynx.

solidement par-dessous les bras m'a paru offrir un
point d'appui suffisant ; un petit plateau horizontal susceptible
d'être élevé ou abaissé (pour faciliter le réglage) porte
le second tambour ; et une tige rigide s'articulant à la fois
99sur le disque de celui-ci et sur le tube du tambour supérieur
sert à transmettre le mouvement (fig. 40).

Explorateurs des mâchoires, des muscles, etc.

Explorateurs des mâchoires, des muscles, etc. — Il est facile,
sur le modèle des appareils que je viens de décrire, d'en
construire d'autres dont l'utilité serait indiquée par de
nouveaux problèmes. Ainsi, on peut mesurer les mouvements
d'élévation des mâchoires avec l'explorateur des
lèvres, l'élévation de la houppe du menton avec le même
appareil, en donnant à une de ses branches une rallonge
qui s'applique sous le menton, pendant que l'autre appuie
sur le muscle, etc.

Transmission.

La transmission entre le tambour explorateur et l'appareil
écrivant se fait au moyen d'un tube de caoutchouc 163. Ni la
longueur, ni la rigidité de ce tube ne sont indifférentes.

Comme la transmission du mouvement par le moyen de
l'air dans les tubes ne se fait pas instantanément, il importe
de connaître le temps qu'elle demande. M. Marey l'a mesuré,
et il a trouvé que la vitesse de transmission des signaux à air,
voisine, dans les tubes larges, de la vitesse du son, se réduit,
dans les tubes de 4 mm de diamètre, à 280 m par seconde 264:
ce qui donne, pour un tube d'un mètre, un retard de
1001/280 de seconde entre le moment de la production du phénomène
et celui où il s'inscrit.

Ce fait est sans conséquence quand on ne recueille
qu'une seule inscription, ou quand on en prend plusieurs
avec des tubes d'égale longueur. Mais dès qu'il s'agit de
comparer des tracés obtenus dans des conditions différentes,
il y a lieu de s'en préoccuper.

Il suit de là qu'il ne faut donner au tube de transmission
que la longueur nécessaire pour que l'expérimentateur
ne soit pas gêné dans ses mouvements.

La brièveté de la voie de transmission, assez indifférente
pour les mouvements étendus, devient, quand on veut
recueillir des vibrations, une condition de succès d'autant
plus indispensable que l'état de l'atmosphère est plus défavorable.
Par des temps humides ou orageux, j'ai été obligé
de réduire à quelques centimètres la distance entre l'explorateur
et le tambour écrivant. Au contraire, lorsque l'air
était très sec, j'ai pu la porter à près de deux mètres, et
obtenir néanmoins des tracés très beaux, quoique d'une
faible amplitude.

Enfin, il faut tenir compte de l'élasticité du tube. La
pression de l'air développée par des mouvements énergiques
n'en est pas sensiblement diminuée. Mais il en va
tout autrement pour les vibrations. A ce point de vue, les
tubes rigides sont de beaucoup préférables.

B. — Appareils inscripteurs électriques.

Organe écrivant.

Signal électrique de M. Marcel Deprez.

Signal électrique de M. Marcel Deprez. — Les appareils
électro-magnétiques nous offrent un moyen commode pour
101inscrire à distance des mouvements quelconques. Mais ils
présentent une double cause d'erreur, qui est en même
temps, pour les mouvements rapides, une double difficulté :
l'inertie du fer doux, qui n'obéit pas instantanément à la
force développée par l'électricité, et la persistance de l'action
magnétique après la rupture du courant. En d'autres
termes, il y a le temps de l'aimantation et celui de la désaimantation,
qu'il faut réduire de beaucoup, si l'on veut
rendre un signal électrique capable de suivre des mouvements
vibratoires un peu rapides.

M. Marcel Deprez s'est appliqué à résoudre ce problème.
Dans ce but, il a employé (fig. 41) une armature de

image

Fig. 41.
Signal électrique.

fer doux très légère (A) et l'a fixée sur un levier à
bras inégaux, dont le plus long est attiré par un ressort
antagoniste d'une grande puissance (R). Un butoir
(C) en limite le déplacement. Ainsi l'aimantation et la
désaimantation se font rapidement, et, l'armature restant
toujours à une faible distance des pôles des bobines électromagnétiques,
un nouveau courant trouve l'appareil prêt à
subir son influence. Le levier bascule autour de deux pointes.
La plume est perpendiculaire à l'axe de suspension. Une
102manette (M) facilite la tension du ressort, et la vis B, en
attirant plus ou moins le cône de butée, règle la course
du levier. Enfin une tige à crémaillère, avec pignon d'entraînement,
permet de mettre la plume en contact avec le
cylindre.

Cet appareil, créé par M. Deprez, doit beaucoup à
M. Marey 165, qui l'a adapté à son usage. Je n'ai trouvé que
deux modifications à lui faire subir pour l'accommoder
pleinement au mien : allonger la tige, pour la mettre en
harmonie avec les nouveaux tambours inscripteurs, et placer
le corps du signal sur l'axe même de celle-ci, pour
gagner de la place. L'appareil est délicat : une vis un peu
trop serrée en arrête la marche ; un équilibre exact doit exister
entre la puissance d'attraction de l'électro-aimant et
celle du ressort ; l'amplitude de la course doit être en rapport
avec le nombre de vibrations à recueillir. On conçoit
que le réglage parfait de l'appareil offre des difficultés et
qu'il ne puisse se faire sans quelques tâtonnements.

Organe explorateur.

L'emploi du signal électrique exige un interrupteur de
courant. Cet interrupteur est pour nous soit le diapason
chronographe, soit l'explorateur du larynx.

Diapason chronographe.

Diapason chronographe. — Le diapason est attaché solidement
par sa soie à une culasse de fonte ; l'une de ses
branches porte un petit fil de platine, au contact duquel
peut être amené au moyen d'une vis un petit plateau de
même métal. Le courant pénètre dans le diapason par la
103culasse et se trouve interrompu par les vibrations, qui
écartent du plateau le fil de platine. Une bobine disposée à
proximité de l'une des branches entretient le mouvement.
Pour monter l'appareil, il faut former, entre les deux
pôles d'une pile, un circuit qui embrasse le diapason et

image

Fig. 42.
Diapason chronographe.

le signal. Un fil va de l'une quelconque des bornes de la
pile au diapason ; un autre, du diapason au signal ; un troisième,
du signal à la pile (fig. 42).

La pile la plus commode pour cet usage est la pile
Grenet, ou pile au bichromate 166, avec facilité de faire plonger
à volonté le zinc dans le liquide.104

Lorsque l'on veut mettre l'appareil en marche, on
immerge le zinc, puis, après une minute laissée à la pile
pour qu'elle entre en fonctionnement, on donne une chiquenaude
au diapason. Si le signal ne répond pas, il faut
vérifier tous les contacts. A supposer que rien ne cloche,
on s'assure si le plateau n'est pas trop éloigné du fil de
platine, ou bien encore si le ressort du signal n'est pas
trop lâche ou trop tendu. Si, au contraire, la branche du
diapason est violemment attirée par la bobine, ou bien si
la plume du signai saute et ne fait pas un tracé régulier,
c'est qu'il y a trop d'électricité, et l'on relève un peu le
zinc : les courants faibles sont les meilleurs.

Il peut arriver encore que le diapason refuse de s'ébranler.
Ce cas s'est présenté pour moi après un voyage : c'est
que l'une des deux vis était desserrée. Le remède est facile.

On se sert en général, pour les diapasons de 25 ou 50
vibrations (v. d.) à la seconde, du chronographe de
M. Marey, qui est un signal électrique à grande course 167,
et qui a l'avantage de donner des tracés étendus et très
visibles. Le diapason de 200 vibrations (v. d.) à la seconde,
qui est d'un usage plus commun en phonétique, réclame
le signal de M. Deprez. Mais celui-ci ne suffirait déjà plus
pour les diapasons dépassant 400 ou 500 vibrations (v. d.)
à la seconde.

Explorateur électrique du larynx.

Explorateur électrique du larynx. — L'interrupteur qui
sert à recueillir les vibrations des cartilages du larynx
(fig. 43, 44, 45) pour les transmettre au signal électrique
a été construit par M. le Dr Rosapelly. C'est une
modification de l'appareil dont M. Marey s'est servi pour
105l'exploration des mouvements rapides. « Cet appareil est
basé sur l'inertie d'une masse élastiquement suspendue ;
comme cette masse ne peut obéir aux mouvements rapides
qui sont communiqués aux pièces qui l'environnent, elle
constitue une sorte de point fixe contre lequel une série
de chocs viennent se produire. » La fig. 43 représente

image

Fig. 43.

image

Fig. 44.

l'appareil en élévation ; la fig. 44, en plan. « Une masse de
cuivre M est suspendue à l'extrémité d'un ressort R. Au-dessous
de la masse est une pointe de platine P qui se
106trouve exactement en contact avec la masse, de manière à
former un circuit électrique. La masse, et la pointe sur
laquelle elle repose, sont renfermées dans une petite caisse
légère formée de bois et de caoutchouc durci, de façon à
isoler entre eux les deux bouts du circuit de pile, sauf au
point de contact de M sur P. Une vis de réglage V, appuyant
sur le ressort au voisinage de la masse, limite l'amplitude

image

Fig. 45.
Explorateur électrique de larynx.

des mouvements de l'appareil autour de la masse immobile
qui en occupe le centre 168. »

L'expérience se prépare comme celle de la chronographie
électrique. On relie par un fil la pile à l'explorateur, par
un second l'explorateur au signal, par un troisième le
signal à la pile. Mais les difficultés de l'expérimentation
sont encore plus grandes. Avant de l'essayer, on fera bien
de s'exercer à trouver le point où les vibrations se font
sentir, et la position qu'il faut donner à l'appareil. On sera
averti, par un petit cliquetis régulier, quand on aura réussi.
Il faut, avant tout, choisir une position où l'on soit bien
stable : par exemple, s'appuyer sur le dossier d'une chaise
avec l'arrière-bras maintenu sur le côté, ou mieux sur une
107table avec les deux bras solidement établis. On prend
l'appareil par le manche et l'on applique la partie carrée sur.
le côté du larynx en appuyant vers le haut. On produit en
même temps un son laryngien continu, par exemple ou,
qui est le plus facile à saisir ; si l'on n'entend aucun frémissement
répondre dans l'appareil, on rapproche vers
soi, peu à peu, par des mouvements presque insensibles, le
manche de l'appareil ; puis, si l'appareil reste muet, on
l'écarté de la même manière. Si, pendant ces essais, on
entend un petit coup brusque suivi d'un silence complet,
c'est l'indice que l'on a passé par la bonne position : il
faut alors y revenir bien doucement. Quand on l'a trouvée,
on tâche de la maintenir. Alors on prononce d'autres
voyelles, surtout a. Il y aura encore quelques changements
à faire dans la position de l'appareil pour qu'il soit bien
accordé à tous les sons ; mais ces changements sont légers ;
l'essentiel, c'est de trouver d'abord à peu près le point.
Certaines personnes le rencontrent du premier coup ;
d'autres, après des tâtonnements plus ou moins longs ;
d'autres ne parviennent pas à le saisir. Tout dépend de la
solidité de la main.

Quand on sait se servir de l'explorateur, on se dispose
pour l'expérience. Cette fois, il faudra bien écouter, pour le
réglage, non le cliquetis de l'explorateur, mais celui du
signal. Le réglage n'est parfait que lorsque celui-ci fait
entendre un bruit régulier. Du reste, on le voit aisément
aux tracés : ceux qui répondent à un bruit constant, sans
saccades, sont très beaux, toutes les vibrations étant marquées
très nettement ; les autres, au contraire, sont pleins
de vides, et le nombre des vibrations est impossible à
compter.

Les difficultés de bien régler cet appareil et, une fois
108réglé, de le maintenir en position, rendent les expériences
bien laborieuses et souvent incomplètes. En tout cas, on
n'obtient avec lui que la place et le nombre des vibrations,
mais pas du tout leur forme et leur amplitude.

Quoi qu'il en soit, il m'a rendu des services, et il m'en
rendra encore comme moyen de contrôle.

A. Gentilli eut l'idée d'inscrire les mouvements complexes
de l'organe phonateur, mais particulièrement ceux
de la langue, au moyen de leviers et de la transmission
électrique. Il paraît qu'il a introduit dans la bouche jusqu'à
cinq tiges pour explorer les positions des diverses parties
de la langue pendant l'articulation d'un mot, d'une
phrase 169.

Avant de clore ce paragraphe, il me reste à signaler
deux autres procédés pour inscrire les mouvements organiques :
l'un, « au moyen d'un téléphone en contact avec
le nerf vif et le muscle 270 », pratiqué par MM. Josef Kràl et
F. Mareš ; l'autre, au moyen de la photographie saisissant
les positions successives de l'organe en fonction, comme a
fait M. Demeny, dans le laboratoire de M. Marey, pour les
lèvres au moment de la parole 371.109

Inscripteurs de la parole.

La parole nous est portée par la colonne d'air qui
s'échappe à travers les organes phonateurs par la bouche et
le nez. Ces deux courants d'air peuvent être recueillis :
ensemble ou séparément, comme masse dynamique et
vibrante, ou seulement avec l'un ou l'autre de ces deux
caractères.

Phonautographe de Scott.

Phonautographe de Scott. — C'est un simple ouvrier typographe,
mort marchand de photographies, Léon Scott, qui

image

Fig. 46.
Phonautographe de Scott.

le premier réalisa l'inscription de la parole. Son appareil
(fig. 46) a été construit par M. Kœnig vers 1864 172 ; il est
110aujourd'hui démodé : mais il contient tous les organes
essentiels qui auraient pu en faire un bon instrument :
membrane extensible à volonté, avec style vertical en soie
de porc, cornet amplificateur, mouvement de bascule pour
le réglage, cylindre enregistreur avec déplacement suivant
son axe. M. Morey y apporta un petit perfectionnement :
il fit agir le style sur un levier parallèle a la membrane 173.

Capsules manométriques.

Capsules manométriques. — M. Kœnig (1882) utilisa la
propriété vibratoire des membranes d'une façon fort ingénieuse
(fig. 47). « La disposition sur l'emploi de laquelle

image

Fig. 47.
Appareil à flammes manométriques.

repose essentiellement ma méthode…, dit M. Kœnig,
consiste en une cavité pratiquée dans une planchette de bois
et fermée par une mince membrane ; deux tubes s'y
engagent, dont l'un peut amener du gaz d'éclairage, et l'autre,
111terminé par un bec, donne issue à ce gaz et permet de
l'allumer. Maintenant, supposons que l'air se condense ou
se dilate brusquement devant la membrane ; dans le premier
cas, la membrane chassée vers l'intérieur de la capsulé
comprime le gaz qui s'y trouve, et par suite la flamme
s'allonge ; dans le second, la membrane est tirée en dehors,
la cavité s'agrandit, et par suite de la raréfaction du gaz, la
flamme aspirée devra se raccourcir 174. » Les variations de cette
flamme perçues directement produisent à l'œil un léger
trouble, comme font des diapasons vibrants ; mais, si on
reçoit l'image sur un miroir tournant formé de quatre
faces argentées, elles nous apparaissent comme une série de
dentelures qu'il est possible de fixer par le dessin. C'est
ainsi que procédait M. Kœnig. Depuis, en substituant le
cyanogène au gaz d'éclairage, le Dr Stein a pu les photographier 275
(1877). M. Doumer les a photographiées à son
tour avec un objectif à foyer très court, en brûlant le gaz,
après l'avoir carburé, dans de l'oxygène pur 376, et en réduisant,
pour les sons très aigus, la flamme à 2 mm environ.
De plus, il a su introduire dans les images la notion de.
temps au moyen d'une flamme chronographe actionnée
par un diapason ou un tuyau d'orgue 477.

Logographe de Barlow.

Logographe de Barlow. — Cet instrument, construit depuis
quelques années déjà, a été décrit dans un mémoire lu à la
Société royale de Londres en décembre 1874. « L'objet
112que je me proposais d'atteindre, dit l'auteur dans le Journal
de physique
, en 1879 178 était d'obtenir un tracé des forces
pneumatiques qui accompagnent les articulations de la
voix humaine, sous la forme de diagrammes… assez caractérisés
pour être lisibles… L'appareil présente une petite
embouchure de trompette dont l'extrémité élargie se termine
en une ouverture de 0 m,07. Cette ouverture est couverte
par une mince membrane de caoutchouc. Un bras
léger d'aluminium fixé au cadre de l'ouverture vient
appuyer sur le centre de la membrane et porte à cette
extrémité mobile un petit pinceau de martre imbibé de
couleur. Une bande de papier comme celle des appareils
télégraphiques passe dessous… L'embouchure présente une
petite ouverture latérale pour l'échappement de l'air.
D'ailleurs, quand on parle dans cette embouchure, il faut
que les lèvres soient légèrement pressées contre les bords,
de manière à éviter toute perte de l'air par les côtés et à
forcer tout l'air expiré à passer dans cette trompette. L'élasticité
du bras d'aluminium, combinée à celle de la membrane,
constitue une sorte de ressort qui est pressé plus ou
moins vers l'extérieur suivant la force et les variations des
actions pneumatiques… »

Cet appareil présente à certains égards un progrès sur
celui de Scott. Mais l'idée d'enregistrer au moyen du
pinceau n'était pas bonne. Les vibrations, quand même
elles auraient été ressenties par la membrane, couraient
risque de ne pas s'inscrire.

Phonographe.

Phonographe. — Les téléphones de Ries (1863), d'Elisha
Gray (1870), celui de Graham Bell surtout (1876) avaient
113montré qu'il est possible de faire répéter un son par une
plaque vibrante. M. Edison eut l'heureuse idée de faire
servir le tracé des mouvements vibratoires à la reproduction
même du son. Le phonographe fut présenté à l'Académie
des Sciences de Paris le 11 mars 1878.

L'inscription était faite (fig. 48) par une plaque (aa)
très mince fixée à la partie postérieure d'une embouchure,
au moyen d'un style fort court et rigide (p) placé en dessous
à l'extrémité d'un ressort (f) dont les vibrations propres

image

Fig. 48.
Phonographe.

étaient amorties par de petits tubes de caoutchouc. Elle
se gravait dans une feuille d'étain (A) collée sur un
cylindre à rainure hélicoïdale et à déplacement horizontal
tourné à la main. Pour faire répéter le son, on ramenait
le style au point de départ et on le faisait repasser
par le chemin qu'il venait de se tracer : alors la plaque,
reproduisant les mêmes mouvements, répétait le son
excitateur.

Divers perfectionnements ont été apportés dans la
construction, dans le choix des membranes, dans la forme
et le nombre des styles. Le plus important a été la substitution,
à l'étain, d'un cylindre de cire, dont la conservation
est illimitée. Il est dû aux constructeurs du graphophone,
imitation de l'appareil d'Edison. Un moteur électrique ou
114un mouvement d'horlogerie et un chariot ont aussi avantageusement
remplacé la manivelle primitive. La figure 49
représente le phonographe d'Edison dans son état actuel.

image

Fig. 49.
Phonographe d'Edison.

Le graphophone et le phonographe ne font, en réalité, qu'un
seul appareil. Ils ne diffèrent que par des détails accessoires
et peuvent se suppléer, à tel point que les sons gravés sur
l'un sont reproduits par l'autre. Le graphophone, moins
encombrant (9 kilos), convient le mieux pour les excursions
philologiques.

La facilité avec laquelle les vibrations s'impriment dans
la cire permet d'associer le phonographe à un autre
inscripteur de la parole et aux divers appareils d'analyse.
On acquiert ainsi : d'un côté, le son emmagasiné, avec sa
représentation visible contrôlée par l'oreille ; de l'autre, les
tracés nécessaires à l'interprétation, si difficile et si complexe,
des phonogrammes.

La vitesse du cylindre, qui peut varier entre 50 et 140
tours à la minute, se règle au moyen d'un écrou. Le chiffre
de 120 est considéré comme le meilleur. On compte les
115tours en effleurant du doigt une petite masse de cire collée
sur le cylindre, ou la vis de l'arbre du mouvement.

Pour introduire le rouleau de cire, on abaisse la chaise
de butée, et on le présente avec trois doigts, sans toucher
à la surface, le bout biseauté en avant.

En soulevant le petit levier de la glissière, on rend le
chariot mobile et l'on éloigne en même temps du cylindre
les organes inscripteurs ; en l'abaissant, on engrène le
chariot et l'on met les styles en contact avec la cire.

Le style qui sert à graver n'est pas le même que celui
qui répète. Il y a de même deux tubes : l'un, à embouchure,
pour parler ; l'autre, à deux branches, pour écouter 179.

Dès qu'il parut, le phonographe fut utilisé pour les
inscriptions phonétiques. M. Alfred M. Mayer, au moyen
d'un levier amplificateur, traça sur un verre noirci le profil
des élévations et des dépressions faites par le style dans la
feuille d'étain. Le bras court de son levier était fixé à une
pointe semblable au style et placé sous la membrane
vibrante 280. Pour obtenir ses tracés, il faisait tourner lentement
le cylindre devant la plaque de verre, qui s'avançait
d'un mouvement régulier.

L'expérience exigeait une double opération. M. R. Roig
y Torres la réduisit à une seule. Voici comment : il remplaça
la membrane métallique par une membrane de mica
entièrement libre par les bords et soutenue en son centre
par un axe de caoutchouc fixé à un petit ressort ; cet axe
116portait le style court pour la gravure sur l'étain, puis, perpendiculairement
à l'axe de ce style, une pièce métallique
munie d'une tige très légère et très longue dont
les vibrations s'inscrivaient sur un cylindre noirci. Les
deux cylindres obéissaient à un même mouvement d'horlogerie 181.

MM. Fleeming Jenkin et J. A. Ewing eurent recours à
un mécanisme plus complexe en vue d'agrandir les mouvements
de la plaque du phonographe répétant. Soient le
cylindre du phonographe Ph, sa membrane M ; une tige de
verre la relie à un triangle de paille Tr maintenu à son
sommet par un axe autour duquel il oscille librement ;
un fil de soie communique le mouvement à un siphon
inscripteur qui est plongé dans un verre d'encre et qui

image

Fig. 50.
Appareil d'agrandissement de Jenkin et Ewing.

projette le liquide sur une roue enregistrante. Ils obtenaient
ainsi un agrandissement d'environ 400 fois pour les amplitudes
117et de 7 pour les longueurs 182. Ils communiquèrent
les résultats obtenus à la Société royale d'Édimbourg en
juin et juillet 1878. La figure que j'en donne ici (fig. 50)
est tout à fait schématique.

M. J. Lahr agrandit les courbes du phonographe à l'aide
de deux tambours : l'un suivait avec son style le tracé de
la feuille d'étain ; l'autre, en communication avec le premier,
inscrivait sur le cylindre noirci 283.

Plus récemment, M. Hermann a fait des études importantes
avec le nouveau phonographe. Le style, en repassant
sur les traits gravés dans la cire, mettait en mouvement
un petit miroir maintenu à portée sur un axe mobile. Un
rayon était projeté sur le miroir et réfléchi sur un cylindre
en rotation 384, comme pour l'appareil dont nous parlerons
bientôt.

On a essayé, dès le principe, l'étude directe des phonogrammes
à l'aide du microscope et l'on en a donné des
reproductions. Je signalerai celles de M. Persifor Frazer 485
(1878), de M. Boeke 586 (1891). M. Marichelle, dans l'espoir
d'y trouver à la simple vue la caractéristique des sons, les
a fait dessiner à son tour. Il est meilleur de les photographier
118(ce qu'a très bien fait M. Monpillard), ou de les
recouvrir d'un léger dépôt galvanique que l'on peut
détacher en le coupant suivant la génératrice du cylindre
sans faire perdre à la cire la faculté de reproduire le son.

Phonautographe de Schneebeli.

Phonautographe de Schneebeli. — L'année même où parut
le phonographe, Schneebeli communiquait à la Société
des sciences naturelles de Neuchâtel des courbes de différentes
voyelles (fig. 52) obtenues avec un appareil qui se
rattache au phonautographe de Scott et au téléphone
(fig. 51). La pointe fixe portée à l'extrémité de la lame
mobile trace une ligne droite en même temps que le style

image

Fig. 51.
Phonautographe de Schneebeli.

inscrit ses vibrations. Cette ligne droite facilite la mesure
des tracés. L'inscription se fait, comme nous avons dit, sur
des lames de verre couvertes d'une légère couche de noir
de fumée et fixées sur un chariot qui passe rapidement
au-dessous des pointes, tiré à la main, sans autre contrôle
chronographique que la note même sur laquelle la voyelle
était chantée. Un micromètre, composé de deux vis micrométriques
119perpendiculaires l'une à l'autre, comme le
support d'un tour, servait à mesurer les tracés 187.

image

Fig. 52.
Voyelles d'après Schneebeli. (Réduction de 1/3.)

Pour s'épargner ces mesures difficiles, on chercha des
moyens d'agrandissement.

M. E. W. Blake 288 adapta à la plaque d'un téléphone un fil
120d'acier rigide (fig. 5 3). C'est le style de sa membrane. Mais,
au lieu d'écrire directement, ce fil s'accroche au centre de la
partie postérieure d'un miroir suspendu entre deux pointes

image

Fig. 53.
Appareil à miroir de Blake.

parallèlement à la membrane et dans un plan perpendiculaire
à celle-ci. Les moindres mouvements de la membrane se
transmettent au miroir et, par un rayon solaire réfléchi,
s'inscrivent sur une plaque photographique qui se meut

image

Fig. 54.
Tracés obtenus par Blake. (Réduction de 1/3.)

avec une vitesse constante. Nous donnons ci-dessus
(fig. 54) un échantillon, très réduit, des tracés obtenus. La
121plaque vibrante avait 2 3/4 pouces de diamètre, et la
vitesse était, pour les voyelles, de 21 1/2 pouces par
seconde ; pour Brown University, de 40. La tige et le miroir
ne détruisent pas les sons, car le téléphone auquel on les
avait adaptés conservait ses qualités comme transmetteur
et récepteur.

W. H. Preece et A. Stroh (1879) remplacèrent, après
plusieurs essais, la membrane métallique par une feuille
mince de caoutchouc qu'ils rendirent rigide au moyen d'un
cône de papier. Une tige implantée dans le cône faisait
mouvoir un tube très fin de verre chargé d'encre d'aniline.
L'inscription se faisait sur une bande de papier mue par un
mécanisme semblable à celui qu'on emploie pour le télégraphe 189.

M. L. Boltzmann 290 se servit d'une plaque microphonique,
qu'il plaça au-dessus d'une capsule pleine d'air. Au
centre, et perpendiculairement à son plan, la membrane
métallique portait une lame de platine très mince. « On
éclaire fortement, dit-il, la lame avec la lumière solaire, et,
à l'aide d'un microscope solaire, on forme sur un écran
l'image de l'ombre de cette lame. En recevant la lumière
sur une lentille cylindrique, on transforme cette image
rectiligne en un point qui se photographie sur un cylindre
tournant. »

MM. H. Rigollot et A. Chavanon 391 ont eu recours à une
122membrane plus élastique. Voici la description de leur
appareil (fig. 5 5) : « La capsule palmoptique (παλμικός, relatif
aux vibrations) se compose d'une boite ABC dont l'intérieur
a la forme d'un paraboioïde de révolution. Le point formant
le sommet du paraboioïde est percé d'une ouverture munie
d'un ajutage CD, dont l'orifice, à l'intérieur de la boîte,
occupe la position du foyer…. La base de la capsule est
fermée par une membrane très mince, très élastique, EF :
le collodion est la substance qui convient le mieux. Au
centre de la membrane est fixé un petit prisme de caoutchouc
p faisant saillie extérieurement de 3 mm environ. Ce
prisme vient buter contre un miroir de verre argenté M
ayant la forme et les dimensions d'un carré de 5 mm de
côté, mobile autour d'un fil de platine ac de 1/10 de millimètre

image

Fig. 55.
Capsule palmoptique.

mètre de diamètre, qui est tendu entre les deux montants
Aa, Bb, placés sur les côtés de la capsule. On peut d'ailleurs
modifier la tension de ce fil et le tordre plus ou moins au
moyen d'un bouton H, ajusté à frottement dur dans un
123des montants latéraux de la capsule. » On place la capsule
de façon que le fil de platine soit vertical. Puis on conduit
le faisceau lumineux sur le miroir et on le projette sur un
miroir tournant ou un papier sensible.

M. Hermann, avant de se servir du phonographe, avait
employé, pour ses études sur le timbre des voyelles, des
membranes munies de miroirs de verre argentés ; d'abord
il donna à ses miroirs 10 mm de diamètre et un poids de
8 centig. 192, puis 5 mm de diamètre, 2 ou 3 dixièmes de
millimètre d'épaisseur, et réduisit le poids à 2 centig. 293. Un
rayon émanant d'une lampe placée à 2 m de la membrane
tombait sur le miroir et était projeté sous un angle de 35°
sur un cylindre garni d'un papier sensible situé à 50 cm.
Le rayon sortait de la lampe par une fente verticale
et frappait le cylindre à travers une fente horizontale,
en sorte qu'un point seulement atteignait le papier
sensible.

Le miroir était porté sur une lame de mica attachée au
cadre de la membrane et collé près du centre, par l'intermédiaire
d'un petit morceau de bois, avec de la cire à cacheter.
La lame de mica était à 4 mm de la membrane. Dans l'espace
compris entre les deux était placé un petit matelas de
ouate qui servait d'étouffoir.

M. Hermann a expérimenté diverses sortes de membranes :
le fer, le mica, le verre, la baudruche (c'est ce
qu'il a trouvé de meilleur). Du reste, l'emploi varié des
membranes est pour lui un principe, chacune ayant des
124mouvements propres. La figure 56 représente les tracés

image

Fig. 56.
Voyelle o (plaque de verre).

qu'il donne de la voyelle o inscrite au moyen d'une plaque
de verre.

Téléphone écrivant.

Téléphone écrivant. — Le Dr Boudet de Paris essaya d'utiliser
les deux parties du téléphone pour l'inscription de la
parole. Il construisit des microphones spéciaux et arma le
récepteur, à la place d'une membrane, d'un long levier
inscripteur. Un fort ressort d'acier attaché sur le rebord
de l'appareil tendait à rapprocher le fer doux de la barre
aimantée, pendant qu'un autre ressort, fixé à une petite
colonne avec treuil de réglage, agissait en sens contraire.
Le fer doux portait une longue tige d'aluminium terminée
par une plume 194.125

Je ne crois pas que l'appareil ait servi à quoi que ce soit.
Je l'ai trouvé tout construit chez M. Verdin, et je l'ai
essayé dans mes premières expériences. Est-ce imperfection
de réglage ? est-ce vice de l'appareil ? je n'ai obtenu
que des tracés où les mouvements propres du levier se
mêlent aux attractions électro-magnétiques.

A ma demande, M. Verdin le modifia sur-le-champ. Il
allégea dans des proportions considérables le fer doux et le
ressort d'acier, et il ajouta un second ressort antagoniste
opposé au premier, qui attirait le style vers la barre aimantée,
faisant ainsi équilibre au ressort d'acier. L'armature se
trouvait de la sorte suspendue élastiquement en face de la
force électro-motrice, en état d'en ressentir toutes les
influences. La disposition était bonne : je le vois aujourd'hui
en maniant après dix ans l'appareil pour le décrire. Les
tracés obtenus ne répondirent pas à mon attente. Cependant
je viens d'en découvrir à la loupe plusieurs qui sont
excellents. Je ne les vis pas alors, perdus qu'ils étaient
parmi des tracés informes, et je cherchai d'un autre côté.

Une plaque téléphonique munie d'une pointe centrale
ne m'ayant donné aucun bon effet, je songeai au signal
électrique de M. Deprez. Les résultats aussi ne purent me
contenter. Le levier, limité dans son cours, ne suivait pas
toutes les impressions de la parole. Mais là, je vis clairement
les conditions à réaliser : il fallait que l'armature fût
suspendue librement dans le champ d'influence de l'électro-aimant.

Comme dans le même temps je cherchais à faire parler
des membranes élastiques, l'idée d'utiliser les membranes
se rencontra dans mon esprit avec celle de profiter du
pouvoir amplificateur des microphones, et j'arrivai sans
peine à l'inscripteur électrique de la parole.126

Inscripteur électrique de la parole.

Inscripteur électrique de la parole (fig. 57). — Après avoir
essayé plusieurs sortes de microphones, je m'arrêtai à celui
de M. Verdin. Cet appareil est formé d'une chaîne de trois

image

Fig. 57.
Inscripteur électrique de la parole.

charbons horizontaux : le premier, fixé au centre de la membrane
métallique ; le second, suspendu par une tige mobile ;
127le troisième, attaché à un ressort d'acier, qui obéit à une
vis de réglage. Une embouchure conduisait la voix sur le
centre de la membrane. Avec le temps, plusieurs modifications
furent apportées à l'instrument primitif : une ouverture
fut pratiquée dans les flancs de la boîte, pour aider
dans l'opération délicate du réglage et dans le contrôle des
pièces, qui exigeait auparavant un démontage complet ; les
charbons furent réduits de beaucoup, les premiers ne répondant
pas pour les sons très aigus ; enfin un cône de cuivre
fut placé devant la membrane. Cette disposition, que j'empruntai
au graphophone de 1889, m'a paru augmenter de
beaucoup la sensibilité de la plaque vibrante.

Pour obtenir un réglage parfait, il est bon de séparer
complètement les charbons ; puis on les rapproche petit à
petit avec la vis (W), en tenant l'appareil incliné vers la
bouche, de façon que le charbon du milieu s'appuie sur
celui de la membrane, et pendant ce temps on fait entendre
une voyelle, a, par exemple. Tant que le contact n'est pas
établi, on sent un petit tressautement, qui est occasionné
par la retombée du second charbon sur le premier. Mais
dès que le contact est suffisant, on est averti par un frémissement
régulier qui répond à la voyelle. Si l'on avait
dépassé le point, on sentirait une certaine dureté dans la
communication, et les sons d'une très faible intensité ne
produiraient aucun effet. Aussitôt que les charbons sont
amenés à un contact doux, on fait bien de s'arrêter et de
remettre, pour le moment où l'appareil entier sera monté,
le soin de terminer le réglage.

L'appareil inscripteur se compose d'un électro-aimant,
que j'ai voulu fort, afin de contre-balancer autant que possible
la résistance des pièces nécessaires pour l'inscription,
armature, style et levier. L'armature, en forme de disque,
128est fixée sur une membrane (M) de parchemin verni, qui
est portée sur un cadre circulaire. Le style implanté dans
le disque communique ses mouvements à un levier inscripteur.
Un bouton permet de rapprocher ou d'éloigner le
cadre de l'électro-aimant ; une coulisse, d'allonger ou de
raccourcir le petit bras du levier. Enfin, deux vis (V et B)
servent à régler la pointe du levier sur le tambour enregistreur :
l'une (B) fait mouvoir l'appareil d'avant en
arrière, l'autre (V) de haut en bas.

La force motrice peut être empruntée à un accumulateur
ou à une pile. Je me sers de deux piles au bichromate,
d'un litre chacune. Une seule suffirait. Mais, avec deux, le
réglage est beaucoup plus facile. Pendant que l'on descend
le zinc, on a l'œil sur l'appareil inscripteur ; dès que le
levier est déplacé et attiré par l'électro-aimant, on arrête
l'immersion et l'on fixe le zinc.

Comme l'appareil exige une certaine force motrice, il
faut des fils un peu gros.

Mes expériences du début ont été longtemps entravées
par ce fait, que j'employais, à mon insu, des fils trop petits
ou une pile insuffisante.

Quand l'appareil fonctionne et que la parole se transmet
aisément, il peut y avoir lieu de modérer la marche. En
effet, des mouvements d'une trop grande amplitude s'inscrivent
mal : la plume saute et ne trace que des lignes
interrompues. Il faut alors ou diminuer la surface du zinc
immergé (ce qui est le plus commode), ou écarter légèrement
la membrane des bobines, ou faire appuyer un peu
plus la pointe du levier sur le tambour, ou parler d'un peu
plus loin. C'est par des essais répétés qu'on arrive à un
réglage tel que les tracés présentent avec beaucoup de clarté
un grand nombre de détails. Parfois on entend la membrane
129redire les paroles qu'on lui demande d'inscrire : on
peut être sûr alors que l'inscription est mauvaise ; en l'écart
tant un peu, elle pariera moins bien, mais elle écrira mieux.

Quand on parle dans l'embouchure (plus ou moins près,
suivant la force électro-motrice dont on dispose), la plaque
microphonique, se mettant à vibrer, modifie en raison de
ses déplacements successifs le contact des charbons et, par
suite, l'intensité du courant qui les traverse. Ces modifications
se traduisent dans l'électro-aimant par des variations,
analogues de force, et dans la membrane inscriptrice par des

image

Fig. 58.
Voyelle ò.

image

Fig. 59.
Voyelle a.

mouvements semblables à ceux de la plaque du microphone,
mais d'une amplitude beaucoup plus grande. Cet
agrandissement est dû à l'intensité. du courant, à l'action,
considérable que peut exercer sur lui une cause légère
130et à l'élasticité de la membrane écrivante. Ainsi se trouve
réalisé un véritable microscope de la parole. — Je reproduis
ici, d'après un agrandissement fait à la chambre claire et
réduit ensuite par la photographie, les voyelles ò (400 v.d.)
de or (fig. 58) et a (320 v.d.) de patte (fig. 59).

Tambour à levier.

Tambour à levier. — Le tambour à levier nous fournit le
meilleur moyen d'apprécier les changements de volume et
de vitesse de la colonne d'air, et, d'une manière suffisante,
dans bien des cas, ses vibrations ; mais le mode d'expérience
doit changer avec le but que l'on se propose.

Si l'on recherche la masse totale de l'air émis pour une
articulation donnée, il faut recueillir le souffle sur les

image

Fig. 60.
Embouchure avec tube double.

lèvres au moyen d'une embouchure soit de caoutchouc
(fig. 60) soit de métal (fig. 57), dans le nez avec deux petites
131olives (fig. 61), et le conduire à deux tambours flexibles,
où à un seul, en interposant, au besoin, dans le trajet, si

image

Fig. 61.
Olive nasale.

la pression était trop grande, un vase à double tubulure.

Quand on veut comparer plusieurs articulations entre
elles, il devient nécessaire de ménager une voie d'écoulement,
afin que l'air, après chacune d'elles, puisse reprendre
dans l'appareil son équilibre normal.

Si les recherches ne portaient que sur les changements de
volume et de vitesse, il suffirait de ne pas envelopper entièrement
la bouche et de recueillir l'air d'une seule narine.

Les vibrations s'obtiennent au moyen d'un tambour
rigide, et encore l'inscription n'est-elle sûre que si le
déplacement de la membrane n'a été ni considérable, ni
rapide : autrement, les vibrations auraient fort bien pu
échapper à l'appareil. Aussi, un petit trou pratiqué sur les
bords du tambour favorise-t-il l'inscription, et une membrane
montée depuis vingt ans, comme je viens d'en rencontrer
une, est-elle excellente.

Un tambour de rigidité moyenne inscrit bien la pression
et les vibrations. Mais si on veut les explorer ensemble dans
les meilleures conditions possible, il est plus sûr de recourir
à deux tambours, l'un flexible, l'autre rigide, mis en
communication avec une même embouchure au moyen
d'un tube en Y (fig. 60).

Il importe au bon succès de l'expérience que l'embouchure
soit bien placée : on tient l'embouchure de métal
132appliquée sur l'un des côtés de la bouche, et l'embouchure
de caoutchouc sur la partie inférieure delà lèvre d'en bas, de
façon qu'elle ne fasse qu'un, pour ainsi dire, avec cet organe.
Lorsque d'autres explorations doivent être associées à
celle de la colonne d'air, on emploie des embouchures
spéciales. L'une est échancrée (fig. 64), pour le passage des
appareils ; une autre est très flexible, pour s'unir à l'explorateur
des lèvres (fig. 33, T), et présente une voie de dégagement,
pour que l'air, poussé dans le tambour, puisse
s'écouler librement pendant la fermeture de la bouche.

L'idée de construire des appareils inscripteurs de la
parole à l'imitation de l'oreille est venue à divers expérimentateurs,
et d'une façon sans doute indépendante,
puisque chacun d'eux a obéi à une inspiration particulière.

Clarence J. Blake songea surtout à la qualité de la membrane ;
M. Fick paraît avoir été plus frappé par le mode
d'attache du marteau, et M. Hensen par la courbure de la
membrane tympanique. J. Blake se servit d'un tympan
humain pour son appareil. Les tracés qu'il obtint sont très
beaux, mais ils ne lui parurent pas rendre toutes les vibrations
de la voix 195. J. Fick se félicite aussi des résultats
dus à la disposition imaginée par lui : la propriété de la
membrane de vibrer pour tous les sons s'en serait trouvée
fort accrue.

Sprachzeichner (fig. 62, 19 et 20).

Sprachzeichner (fig. 62, 19 et 20). — Après plusieurs essais,
M. Hensen choisit une membrane de baudruche de 36mm de
diamètre, et lui donna la forme conique en l'appliquant
tout humide et en la laissant sécher sur un manchon de
133bois 196. Le style a été souvent modifié : il peut être une tige
d'aluminium de 1 mm d'épaisseur et de 3 de largeur. Il est
attaché à un axe A, qui est maintenu entre deux pinces
P P (dont le détail est figuré en P′), et fixé au centre de la

image

Fig. 62.
Sprachzeichner.

membrane à l'aide d'une pièce métallique placée à l'intérieur.
Le style ne présente donc aucune articulation, en
sorte que, pour vibrer, il doit se plier ou tordre son axe.
La pointe écrivante était faite d'un éclat de verre soufflé et
placée à l'extrémité du style et au-dessous, comme on le voit
dans la gravure, disposition qui la maintient, pendant
qu'elle vibre, en contact avec le plan enregistreur (PL).
Mais M. Pipping 297 lui a substitué un diamant, qui raye le
verre et donne des tracés beaucoup plus nets qu'une pointe
cheminant dans du noir de fumée.

Pour que l'humidité de l'air expiré ne modifie pas la
134tonne de la membrane, on la protège par une membrane
de caoutchouc très lâche que l'on place devant.

On a d'abord employé une embouchure communiquant
avec l'appareil au moyen d'un tube de caoutchouc.
M. Pipping l'a supprimée et remplacée par un carton troué
en face de la membrane.

Le même support portait l'appareil et le diapason chronographe ;
mais M. Pipping remarqua les inconvénients de
ce voisinage et le fit cesser.

Le Sprachzeichner doit aux travaux pour lesquels il a été
utilisé une importance qui le distingue, avec l'appareil de
M. Hermann, des simples essais que je signale à titre de
renseignements. Voici un spécimen des tracés de M. Pipping

image

Fig. 63.
Voyelles inscrites par le Sprachzeichner.

(fig. 63) : ils représentent une période des voyelles a, è
(ä), é, chantées et donnant, les deux premières, 256 vibrations
(v. d.) à la seconde, la dernière 259 198.

Oreille inscriptrice.

Oreille inscriptrice. — L'inscription directe des vibrations
de la parole au moyen d'une membrane de caoutchouc, que
135j'ai pratiquée depuis le mois de décembre 1893, m'a
conduit à construire un nouvel appareil. Le tambour à
levier, comme inscripteur de la parole, a plusieurs défauts.
L'amplitude trop grande de ses mouvements lui fait perdre
bien des vibrations. La membrane de vessie corrige en partie
cet inconvénient, mais elle en a d'autres : elle est dure
et parfois trop résistante. Les variations atmosphériques se
font sentir pour l'une et pour l'autre d'une façon bien
gênante.

Je réfléchissais à tous ces inconvénients, au moment où
j'étudiais l'anatomie de l'oreille, et je fus bien vite persuadé
qu'un appareil, construit sur le modèle de cet organe, les
supprimerait pour la plupart. Une embouchure mobile
fixée à un tuyau coupé en sifflet conduit directement l'air

image

Fig. 64.
Oreille inscriptrice.

vibrant sur une membrane rigide, placée sous le même
angle que celle du tympan ; une rondelle solide, comme la
base de l'étrier, porte les organes inscripteurs ; un tube
intérieur qui entre à frottement fait varier, suivant le
besoin, la tension de la membrane ; deux coulisses permettent
de ramener toujours le style dans une position perpendiculaire
au plan vibrant ; une trousse de tubes s'emboîtant
les uns dans les autres modifie la surface de la
membrane, sa forme, son inclinaison ; enfin, une virole soudée
136sur le côté et une tige de support rendent très faciles
l'emploi et le réglage de l'appareil (fig. 64).

L'avantage spécial que présente l'oreille inscriptrice, c'est
celui d'être toujours et par tous les temps prête à fonctionner,
de donner des tracés d'une netteté parfaite et de
ne perdre aucune vibration. Non seulement elle sert à
recueillir l'air sonore au sortir de la bouche, mais elle est
également sensible à celui qui prend son issue par le nez.
De plus, appliquée sur le larynx, elle en reproduit les vibrations.

Photographie directe de la parole.

Photographie directe de la parole. — Les divers procédés
d'inscription de la parole que nous venons d'énumérer
reposent tous sur ce principe, que les membranes reproduisent
les vibrations du son excitateur. M. Raps a tenté
d'atteindre les vibrations elles-mêmes, et il a été assez
heureux pour y réussir. On sait que les physiciens se sont
rendus maîtres des faisceaux lumineux, à tel point qu'ils
peuvent les diviser, les diriger selon leurs besoins, produire
des différences de phases et les amener ainsi à l'interférence 199,
enfin, après les avoir réunis, en recueillir l'image.
Quand les faisceaux interférents ont traversé, avant leur
réunion, des courbes d'air tranquilles, les images sont
constituées par des bandes parallèles alternativement
sombres et claires. Mais, si l'on introduit entre les deux
faisceaux une différence de marche périodique, en conduisant
l'un dans un milieu calme, l'autre dans un milieu
animé d'un mouvement vibratoire, les bandes oscillent et
forment des courbes sinusoïdales parallèles, qui révèlent le
caractère des vibrations de l'air.137

Après avoir expérimenté la méthode avec un tuyau
sonore qui était traversé, à la hauteur d'un nœud, par l'un
des faisceaux interférents, tandis que l'autre passait en
dehors, M. Raps a recueilli les vibrations produites dans
l'air libre par la voix humaine : Une source lumineuse très

image

Fig. 65.
Dispositif de Raps pour photographier la parole.
Voyelle ou (u) chantée sur 2.

intense A (fig. 65) envoie, par le moyen des lentilles q et q1
un faisceau lumineux parallèle d, qui, sortant à travers la
fente f de 2 cm sur 5 et le diaphragme b1, tombe sur la lentille
l, dont le foyer est de 15 cm, et de là sur la glace épaisse S1
de l'appareil à produire des interférences de Jamin. Là, le
rayon est divisé en deux faisceaux, a1 et a2, qui se dirigent
parallèlement vers le miroir S2. Le faisceau a1 passe dans l'air
libre ; a2 à travers un tube g, de 15 cm de longueur, à parois
métalliques épaisses et terminé par des glaces de verre h et h1,
qui débordent assez pour être traversées par le faisceau a1.
A 4 ou 5 cm du tuyau, s'ouvre le pavillon d'un porte-voix, i,
138dans lequel les voyelles sont chantées, provoquant des
condensations et des dilatations dans l'air libre, tandis que
l'air demeura tranquille dans le tube. Les deux faisceaux se
réunissent au sortir de S2, après avoir été amenés à l'interférence,
et sont projetés, à l'aide d'un objectif de Voigtländer,
c, dans le champ d'une fente, l, large de 1 à 2 mm et
haute de 2 cm. Une lentille z augmente l'intensité lumineuse,
et un diaphragme b2 empêche l'entrée des réflexions secondaires.
La fente est perpendiculaire à la direction des
franges ; elle est fermée par un obturateur automatique
électrique m. Derrière, est placé un tambour, T, revêtu de
papier sensible, qui se déroule perpendiculairement à la
fente. La mise au point se fait sur un verre dépoli que l'on
substitue au tambour.

Pour obtenir la figure des voyelles, il est nécessaire de
les chanter d'une voix forte. Encore n'a-t-on pu avoir
d'images nettes que pour a, o, ou (u) ; les voyelles e, i, u (ü)
sont restées indistinctes.

Avant de s'arrêter au dispositif que je viens de décrire,
M. Raps avait tenté de recueillir les vibrations de la voix
dans des cavités dont il variait la forme et la dimension ;
mais il y renonça bientôt pour se débarrasser des résonances
étrangères, dont l'influence est considérable 1100. Je
donne, comme spécimen, la voyelle ou (u) chantée
sur 2.139

III
Réglage et interprétation des tracés

Disposition des appareils

En règle générale, on s'efforce de multiplier les termes
de comparaison, mais on n'est pas moins attentif à épargner
au sujet en expérience le plus de gêne possible. On y
parvient par un choix judicieux des moyens d'expérimentation
et par une bonne disposition des appareils.

Appareils explorateurs.

Appareils explorateurs. — Nous savons déjà comment on
peut prendre une même émission de voix de deux manières
différentes et introduire un explorateur dans la bouche tout
en recueillant le souffle qui en sort (p. 132 et 133). Supposons
une expérience plus compliquée, par exemple :
inscrire la voix par trois moyens différents (électricité, tambour
rigide, tambour flexible) en même temps que les
vibrations du nez et les mouvements des lèvres, soit six
tracés à obtenir d'un seul coup. Ce qui ajoute à la difficulté,
c'est l'obligation d'établir les appareils explorateurs à une
faible distance du cylindre. Le croquis (fig. 66) nous
présente un excellent modèle d'arrangement. Toutes les
pièces sont fixées à l'aide de supports variés sur la tige du
chariot. Un contrepoids placé sur le pied maintient l'équilibre.
En haut, nous avons le microphone B, qui correspond
avec l'inscripteur de la parole C. Une embouchure A conduit
à la fois la colonne d'air dans le microphone et dans les
deux tambours D (le rigide, celui qui exige la plus courte
transmission) et E (le flexible). Les branches de l'explorateur
140des lèvres (H) arrivent devant l'embouchure de façon
à être pincées par les lèvres sans nuire à la bonne direction
de la colonne d'air ; le mouvement est transmis au tambour

image

Fig. 66.

G. Enfin l'exploration nasale se fait au moyen de la
petite olive, d'un tube court et du tambour F. Rien n'empêcherait
de prendre en même temps les vibrations du
larynx, le jeu des muscles de l'abdomen, la gravure du
phonographe, et le sujet n'en serait pas autrement embarrassé.

Lorsque le phonographe doit être de la partie, on
adapte le tube en Y immédiatement à l'embouchure pour
abréger la voie de transmission avec les autres appareils.

Dans les dialogues, un seul inscripteur de la parole, de
141préférence l'inscripteur électrique, est mis en rapport par
un tube à plusieurs branches avec les divers interlocuteurs.

Appareils inscripteurs.

Appareils inscripteurs. — La première chose à faire, c'est
de choisir le point du cylindre où l'inscription aura lieu,
par conséquent de régler la position des tambours et celle
du chariot. En effet, étant donné que les plumes, en se
déplaçant, tracent, non des lignes droites, mais des arcs de
cercle, la courbure du cylindre est une cause de déformation,
qu'il devient nécessaire de réduire autant que possible
ou de déterminer exactement au moins une fois pour toutes,
les positions. Il n'y a pas à en tenir compte lorsque la
plume arrive au contact vers le milieu du cylindre au-dessus
de son axe ; mais, à mesure qu'elle s'écarte de cette ligne,
la déformation ne fait que s'accroître.

La déviation de la plume due à la courbure du cylindre
peut se calculer mathématiquement. On trouve, par
exemple, que pour une plume de 113 mm de longueur, un
cylindre de 65 mm de rayon, une distance de 146 mm entre
l'axe de la plume et celui du cylindre, si le point observé
est à 44 mm de la position initiale de la plume, la déviation
attribuable à la courbure du cylindre est inférieure à 2 millimètres.

Une expérience graphique conduit au même résultat. On
colle une feuille de papier avec soin, suivant une ligne bien
droite et parallèle à la génératrice du cylindre. Quand la
feuille sera noircie, on appliquera sur l'un des points de
cette ligne (à la limite extrême du collage par en bas) la
pointe de l'une des plumes et on lui fera décrire un arc
étendu. Puis, on découpera une partie de la feuille, qu'on
redressera en la tendant bien horizontalement, et, la pointe
de la plume étant revenue exactement à sa position première,
on lui fera décrire un nouvel arc. La distance entre
142ces deux arcs à un point donné marquera l'influence de la
courbure du cylindre. Cette différence est négligeable, dans
les conditions indiquées plus haut, pour des tracés d'environ
20 ou 25 mm.

Lorsque l'expérience n'exige qu'un seul appareil inscripteur,
tout le réglage consiste à produire entre la pointe de la
plume et le cylindre un contact convenable. Or, ce contact
varie suivant la nature de l'inscription à obtenir. Les tracés
étendus, comme ceux des lèvres, de la colonne d'air, des
mouvements du thorax, demandent, pour être continus,
une certaine pression de la plume. Les mouvements vibratoires,
au contraire, ne peuvent être obtenus que si la
plume effleure à peine la surface du plan enregistreur.

D'une manière générale, on peut dire que la plume
n'appuie pas assez, quand elle rebondit sur le papier
et laisse des noirs ; qu'elle appuie trop, quand elle donne
un tracé empâté et peu distinct. Quelquefois on est obligé
de se résigner à l'un ou à l'autre de ces deux inconvénients,
suivant la nature du renseignement cherché.
C'est à l'essai seulement que l'on voit le degré de pression
qui convient le mieux. Il ne faut pas regretter, du reste,
le temps que l'on passe à ces tâtonnements préparatoires :
c'est d'eux que dépend le succès de l'expérience et la perfection
des tracés.

Quand la plume est bien réglée pour un point du
cylindre, il faut s'assurer qu'elle l'est également bien pour
tous les autres. On prend alors le chariot et on le promène
tout le long de la génératrice du cylindre, en choisissant
pour cet essai la partie du papier qui est immédiatement au-dessous
de la ligne de collage. Le tracé obtenu permet de
constater l'horizontalité relative des appareils ; plus tard, il
sera utilisé pour le déchiffrement.143

On veille autant que possible à ce que les plumes tombent
sur le cylindre perpendiculairement à la génératrice. La
correction des tracés y est intéressée. Mais pourtant il est
des cas où une disposition différente s'impose. Par exemple,
si le déplacement de la plume est tel qu'à l'extrémité de
sa course celle-ci sorte du plan enregistreur, il devient
nécessaire de lui donner plus de champ à parcourir en la
rapprochant du tambour.

La déviation due à l'élasticité de la plume et à sa
position par rapport au plan enregistreur peut facilement
s'apprécier, grâce au procédé suivant. On règle la plume
de façon qu'elle effleure à peine la surface du papier noirci,
et que la pression soit nulle. On la déplace légèrement à
droite et à gauche. Alors la ligne tracée dira : 1° la longueur
de l'arc sur laquelle l'influence de la courbure du
cylindre est sans effet sensible ; 2° si le plan dans lequel
se meut la plume est bien parallèle à la génératrice du
cylindre, ce qui a lieu quand l'arc décrit s'étend autant à
droite qu'à gauche du point initial. Un second arc construit
de façon à recouvrir le premier, mais avec une certaine
pression de la plume, montrera la déviation qu'il convient
d'attribuer à l'élasticité de celle-ci.

Lorsque l'expérience réclame l'emploi simultané de plusieurs
appareils écrivants, et c'est le cas le plus ordinaire,
il y a plusieurs précautions préliminaires à prendre, soit
pour que l'opération réussisse, soit pour que la comparaison
des tracés puisse se faire avec sécurité.

Avant tout, il faut placer le support de côté bien parallèlement
à la génératrice du cylindre. Ce point est essentiel,
car il serait impossible autrement d'arriver à un bon réglage
pour toute la longueur de la feuille. On a obtenu ce résultat
quand les plumes de deux tambours fixés au support et
144transportés par le chariot tout le long de la feuille tracent
deux lignes rigoureusement parallèles.

Si le support de côté ne suffisait pas, ou si l'on avait des
plumes de diverses longueurs, on pourrait disposer des
tiges additionnelles (fig. 66) qui toutes obéiraient à la vis
de réglage et par conséquent ne compliqueraient en rien
l'expérience.

Puis on fixe sur le support les différents appareils
inscripteurs à des distances telles les uns des autres, qu'ils
ne se nuisent pas mutuellement et qu'il n'y ait pas de
place perdue. J'aime bien que toutes mes plumes exécutent
leurs mouvements de gauche à droite : la lecture est
plus agréable, toutes les amplitudes étant dans le même
sens. Cependant quelquefois, je renverse certains appareils
pour gagner de la place. On s'assure que la disposition
est bonne en faisant marcher toutes les plumes avec leur
maximum de déplacement. Il n'est pas inutile d'adopter un
ordre, toujours le même, pour la place à donner à chaque
genre d'inscription : l'œil se fait des habitudes, et rien de
ce qui peut aider à la lecture n'est à négliger.

On procède ensuite au réglage des pointes, opération qui
consiste à les amener toutes à toucher le cylindre sur une
ligne droite suivant la génératrice. Pour cela, on se sert
de vis de réglage, ou l'on fait glisser plus ou moins en avant
ou en arrière les plumes le long de la tige métallique du
levier. Mais en même temps il faut se préoccuper du contact
de la pointe avec le cylindre : comme il est modifié par
chaque déplacement il faut toujours le ramener au degré
convenable.

Quand on a beaucoup de plumes à régler, il importe de
procéder avec ordre, si l'on ne veut pas prolonger outre
mesure les tâtonnements et s'exposer à recommencer plusieurs
145fois la même besogne. On choisit d'abord la plume
la plus courte ; quand elle est en contact avec le cylindre,
on règle sur elle la seconde ; puis on pousse le chariot, de
façon que l'une des deux plumes puisse atteindre le tracé
de l'autre : si les deux tracés se confondent, le réglage est
bon ; sinon, il est facile de le rectifier. On procède de
même pour chacune des autres plumes.

Quand ce travail est fini, on fait avancer lentement (pour
ne pas imprimer aux plumes de mouvements propres) le
chariot tout le long de la feuille. Les plumes doivent ne
tracer qu'une ligne unique. Si elles se séparaient à un certain
endroit, c'est que le support n'aurait pas été bien placé,
et tout serait à recommencer.

Pourtant, si l'on était pressé, on pourrait se contenter
du réglage individuel de chaque appareil, en marquant, par
un simple déplacement du chariot, la position relative des
plumes. La lecture des tracés en serait rendue un peu plus
pénible par la nécessité d'éliminer une quantité superflue,
mais elle n'en serait pas moins exacte.

Lignes de construction et rectification des tracés

Les appareils convenablement disposés, il reste à prendre
lés lignes qui seront utiles pour la lecture. D'abord on fait
tracer à l'une des plumes une ligne sur le bord de la feuille
en faisant tourner le cylindre avec le doigt : cette ligne
servira à mener les perpendiculaires. Puis on conduit le
chariot à l'endroit même où devra se faire la première expérience.
Toutes les plumes toucheront la ligne déjà tracée
suivant la génératrice du cylindre. Alors on fera décrire à
chacune d'elle un arc de cercle, soit en pressant les appareils
explorateurs, soit en soufflant dedans. Lorsque chaque
146plume est bien revenue à sa place, ou qu'on l'y a ramenée
de force au besoin, on fait tourner le cylindre à la main de
manière à inscrire (fig. 67) une légère partie du rayon correspondant
à chaque arc. Nous avons donc : AB, la génératrice

image

Fig. 67.

du cylindre ; AC, la circonférence ; 1, 2, 3, les pointes
de trois plumes prenant contact avec le cylindre suivant
AB ; de, d′e′, d″e″, les arcs de déplacement des plumes.

Ces lignes suffisent pour établir une comparaison rigoureuse
entre les tracés, et d'ordinaire on ne peut guère en
prendre d'autres au cours des expériences.

Mais, si l'on avait le temps, quand les tracés sont recueillis,
on pourrait tracer, sur le cylindre, les autres lignes de
construction, qui demandent sur la feuille détachée,
l'emploi de la règle et de l'équerre.

La feuille, chargée d'inscriptions et vernie, est disposée
sur une planchette à dessin, de façon que la ligne AB
prenne la gauche et que AC occupe le bas. Elle se présente
alors comme dans la fig. 68. Une règle est fixée suivant
la ligne AC ; une autre suivant AB. Les choses étant
ainsi disposées, on élève facilement avec l'équerre toutes
les perpendiculaires dont on a besoin, les unes parallèles à
AB, les autres à AC.

Les perpendiculaires élevées sur AC servent à établir les
rapports de temps qui existent entre les différents mouvements
inscrits ; celles qui sont élevées sur AB aident a
reconnaître l'amplitude de ces mêmes mouvements. On
147trace ces lignes, soit avec un crayon très dur, soit avec une
pointe sèche.

Toutes les fois que le tracé ne s'écarte pas de la ligne
que la plume inscrirait à vide, en admettant que les pointes
aient été, comme nous le supposons dans la figure, rigoureusement
réglées, tous les points situés sur chaque perpendiculaire
sont synchroniques. C'est le cas pour h, i, j. Mais,
dès que le tracé prend une certaine amplitude, il devient
nécessaire de tenir compte de l'arc de déplacement. Le
point l, par exemple, n'occupe pas dans la feuille sa position
réelle. Il doit être rapproché de la ligne AB d'une quantité

image

Fig. 68.

égalé au déplacement du levier tournant sur son axe,
c'est-à-dire de la longueur c′b, et par conséquent reporté en
l′. Il en est de même pour le point n, qui est en réalité en
n′. Pratiquement, on prend avec un compas la hauteur du
tracé (l, par exemple) au-dessus de la ligne qui aurait été
faite à vide (2 2′) ; on reporte cette hauteur sur AB, en
partant de l'extrémité du rayon (2), puis on mesure la
distance qui sépare ce point et l'arc (bc′). Cette mesure,
reportée à gauche du point à déterminer (l), nous donne la
position réelle (l′).148

Toutes ces constructions peuvent être obtenues sur le
cylindre. Avec une plume quelconque, on trace les parallèles
à AC, en faisant tourner le cylindre ; les perpendiculaires
sur AC, en déplaçant le chariot. Les points écartés
sont ramenés à leur position vraie à l'aide de la plume
même qui les a tracés, en lui faisant décrire des arcs de
cercles passant par ces mêmes points et retombant sur la
ligne normale (l″).

Si l'on tenait à rectifier un tracé tout entier et non pas
seulement sur un point déterminé, on reporterait à côté l'arc
de déplacement 2 c′ avec la perpendiculaire 2 B. L'arc 2 c′
se fait avec une ouverture de compas égale à la longueur
totale du levier, en prenant le centre sur le prolongement
de la ligne tracée à vide. Puis on mènerait une série de parallèles
qui, coupant le tracé à rectifier et l'arc de déplacement,
atteindraient la perpendiculaire. Les différentes longueurs

image

Fig. 69.

comprises entre celle-ci et l'arc doivent être retranchées
du tracé suivant chacune des parallèles. Chaque point ayant
été ramené ainsi à sa position vraie, il n'y a plus qu'à les
unir par une ligne continue, qui donne la forme réelle du
149tracé 1101. La figure 69, empruntée à M. Marey, représente la
construction toute faite.

Enfin, une dernière rectification reste à faire, mais seulement
lorsque les pointes n'ont pas été rigoureusement
mises en ligne droite. L'avance ou le retard des unes ou des
autres doit, naturellement, être ajouté ou retranché. Ainsi,
nous ne pouvons comparer entre eux les points r, s, t (fig. 70)
qu'en tenant compte des différences de position des plumes

image

Fig. 70.

au départ. Si nous prenons, comme base de comparaison,
le point s, il faudra écarter r jusqu'en r′ (rr′ = vu) et t
jusqu'en t′ (tt′ = yz).

Cette correction se fait facilement : il suffit de connaître,
une fois pour toutes, le retard ou l'avance d'une plume et
d'en tenir compte à chaque opération.

Si l'on avait eu le loisir de tracer toutes les lignes de
construction avant le décollage de la feuille, toutes ces opérations
accomplies au moyen des appareils inscripteurs mêmes
dont il s'agit de contrôler l'action seraient meilleures encore ;
150car toutes les causes d'erreur seraient du coup éliminées, non
seulement celles qui sont dues à la forme même des tambours,
mais aussi celles qui proviennent de la courbure
du cylindre, de l'élasticité des plumes, du défaut de parallélisme
et de verticalité dans la position des appareils écrivants
par rapport au plan enregistreur.

Microscopie et micrographie

La lecture des tracés peut quelquefois se faire à l'œil nu.
Mais la plupart du temps, elle exige l'emploi des loupes et
même du microscope. Une bonne installation micrographique
est donc le complément indispensable d'un bon
outillage inscripteur.

Une forte loupe à manche et à long foyer est ce qu'il y a
de mieux pour regarder sur le cylindre au cours des expériences,
afin de s'assurer si les vibrations sont bien rendues.

Une loupe à deux verres, montée sur trois pieds, est
très commode pour travailler sur la feuille détachée : elle
suffit, en général, pour reconnaître le point où commencent
les vibrations et pour en déterminer le nombre.

Le microscope sert à contrôler ou à rectifier les points
restés douteux, à observer la forme des vibrations, à les
dessiner ou à les photographier.

Le microscope que m'a construit M. Nachet répond à
tous mes besoins actuels. D'abord, il possède un oculaire
à grand champ qui permet d'embrasser du même coup
d'œil une large surface (50 mm avec un grossissement de
14 diamètres) ; puis, il est porté à l'extrémité d'une
potence, mobile sur un chariot doué d'un double mouvement,
longitudinal et transversal, devant une table de verre
fixe et suffisamment grande pour recevoir une feuille
151d'inscriptions tout entière. Je puis ainsi ou faire glisser à la
main ma feuille sous l'objectif, ou fixer ma feuille et promener
dessus mon objectif dans tous les sens.

Les phonogrammes, reproduits à la galvanoplastie,
s'observent de même, étendus sur une planchette et fixés
par des punaises. Quant aux rouleaux du phonographe, on
les suspend dans le champ du microscope sur un cylindre
que l'on fait tourner à la main.

Je dispose de quatre objectifs qui me donnent des agrandissements
de 14 à 150 diamètres. De plus forts grossissements
ne pourraient être employés avec avantage, à cause
de la difficulté qu'il y aurait à éclairer, et ils ne semblent
pas utiles.

Lorsque je veux comparer deux tracés microscopiques,
je les dessine l'un et l'autre à la chambre claire, et les
moindres différences sautent aux yeux.

Il arrive que l'emploi de la chambre claire offre quelques
difficultés. Le point essentiel pour s'en servir commodément,
c'est de bien égaliser la lumière au moyen de la
petite glace mobile.

Pour les mesures à prendre sous la loupe ou le microscope,
on peut employer le petit compas micromètre que
j'ai construit et qui donne d'une façon très lisible à l'œil
nu les 1/200 de millimètre, ou bien un micromètre oculaire
qui entraîne, sous l'impulsion d'une vis, un fil d'araignée
dont le déplacement se lit sur le tambour.

Expression numérique des traces

Au point de vue numérique, on peut considérer dans les
tracés deux quantités : la longueur et la hauteur (dans les
phonogrammes, la profondeur). La première correspond
152à la durée, la seconde à la force vive du phénomène.

La longueur est d'une interprétation facile. Elle se traduit
en secondes et fractions de seconde d'après une échelle
graduée sur la vitesse du plan enregistreur. Étant donné
que le cylindre déroule tant de centimètres en une seconde,
on prend cette longueur et on la divise en dix parties ;
puis, pour plus de commodité, on ajoute une onzième
partie que l'on divise également en dix. Ce sont ces divisions
additionnelles qui donneront les fractions de dixième
de seconde, ou les centièmes. Soit à chercher la durée, en
centièmes de seconde, du tracé (fig. 71). Je vois du premier

image

Fig. 71.

coup d'œil qu'il contient un peu plus de 3 dixièmes. J'applique
donc la division 3 sur le commencement du tracé,
et je trouve 3 dixièmes + 6 centièmes, ou 36 centièmes.

Pour les mesures précises, on inscrit en même temps
que le phénomène les vibrations d'un diapason. Il suffit
alors, pour obtenir des chiffres, d'embrasser par des perpendiculaires
la ligne du diapason avec le tracé tout entier.
Le nombre des vibrations donnera la quantité cherchée.

L'interprétation de la hauteur des tracés est plus complexe.
Elle dépend de la pression exercée sur la membrane,
et cette pression est due, soit à une poussée organique, soit
à un déplacement d'air qui peut agir en raison de son
volume ou de sa vitesse. La question s'est posée à moi
quand j'ai voulu comparer les tracés de l'air expiré, obtenus
153au moyen d'un tambour, avec les chiffres que me donnait
un compteur à air 1102, et me rendre compte des déplacements
du levier provoqués par la colonne d'air parlante.

J'ai pris un compte-gouttes que j'ai mis en communication
avec le tambour inscripteur, puis, à l'aide de pressions
faites avec des pinces de diverses tailles, j'ai envoyé dans le
tambour des quantités d'air correspondant à la surface
comprimée. Puis, remplissant d'eau le compte-gouttes, j'ai
renouvelé les mêmes pressions, recevant dans un tube le
liquide expulsé à chaque fois, et j'ai pu savoir à combien de
centimètres cubes d'eau correspondait la force qui avait
amené les déplacements successifs du levier inscripteur.
Dans cette expérience, une amplitude de 9 mm répondait à
622 mm³, une de 8 mm à 502 mm³, une de 5 mm à 340 mm³,
une de 3 mm à 250 mm³, une de 2 mm 3 à 140 mm³. Le cubage
exact de ces petites quantités est gêné par le ménisque de
la surface ; il aurait été plus sûr de procéder par pesées.

J'ai de même, ayant pratiqué une issue dans le conduit,
jugé à l'aide d'une pompe les effets de la vitesse de la
colonne d'air sur l'amplitude du tracé.

Depuis, je me suis servi de poids ou plutôt de pièces de
monnaie que j'empilais sur la membrane du tambour
explorateur avant l'expérience, et je notais les déplacements
successifs de la plume sur le cylindre. Pour cette opération,
il faut imiter avec soin le mode d'action de la force que
l'on veut explorer. Une pile composée de pièces de 50 cent.,
1 fr., 2 fr., 5 fr., n'agira pas de la même manière si elle
appuie sur la membrane par sa petite base ou par sa
grande.154

M. Marey introduisait ses sondes dans un flacon à plusieurs
tubulures, dont l'une communiquait avec un manomètre
à mercure, l'autre avec un réservoir d'air : sous la
pression normale, le mercure et le levier étaient à zéro.
Quand il comprimait l'air jusqu'à ce que la colonne de
mercure s'élevât d'un, deux, trois centimètres, la plume
du tambour prenait sur le cylindre des positions correspondantes
à ces différentes pressions 1103.

On peut trouver d'autres moyens encore. Il s'agit simplement
d'appliquer aux tambours une force connue dans
les conditions imposées par les données de l'expérience
à tenter, afin de pouvoir juger, par comparaison, de la force
inconnue qui fait l'objet des recherches.

Article II
Méthode optique.

Je ne parlerai que de quelques procédés auxquels la
photographie n'a pas été encore appliquée et de ceux qui
permettent de lire sur un cadran l'effet observé.

Phonéidoscope.

Phonéidoscope. — En 1877, M. Sedley Taylor recherchait
les modifications imprimées par la voix aux bandes colorées
qui prennent naissance sur la légère membrane des bulles
de savon quand elles sont suffisamment minces. Pour ses
expériences, il avait construit un appareil, qu'il appelait
phonéidoscope, et qui n'était, au fond, qu'un tube contourné
en L, mis en communication avec une embouchure. Il
rendit compte de ses observations sur l'intensité, la hauteur,
155etc., dans la Nature 1104 Je retiens celle-ci : « Quand une
voyelle est tranquillement chantée sur une seule note, la
figure colorée est constante ; mais quand la voyelle est
prononcée dans le ton ordinaire de la conversation, il y a
changement de figure avant que le son ne s'arrête. L'altération
graduelle du son, quand on prononce une simple
voyelle, est ainsi rendue perceptible à l'œil. »

Les expériences de M. Taylor sont faciles à refaire avec
un tube élastique muni, à une extrémité, d'un cercle
métallique et, à l'autre, d'une embouchure, comme celui
qui sert pour la gravure du son dans le phonographe. On
trempe le bout de métal dans une légère eau de savon, et,
au moment où les bandes colorées ont atteint le centre du
cercle, on émet, en les prolongeant, les sons dont on
recherche la figure phonéidoscopique.

M. Taylor alla plus loin : « Il m'a paru intéressant, dit-il,
de rechercher ce que deviendraient les couleurs d'une lame
liquide mince, si l'on faisait vibrer la lame en dirigeant sur
elle des ondes sonores. Le phonéidoscope a pour but de trancher
cette question. Il consiste en un cylindre vertical qui
supporte une plaque métallique, dans laquelle est découpée
une ouverture propre à retenir une lame liquide. Au moyen
d'un tube de caoutchouc, dont une extrémité est creusée
dans le cylindre vertical et dont l'autre aboutit à une
embouchure commode, on fait agir, sur la surface inférieure de
la lame, des vibrations d'un son régulier quelconque,
soit d'un instrument de musique, soit de la voix humaine.
Le résultat de cette action est que les bandes de couleurs
s'arrangent en une figure régulière, qui demeure à peu près
156constante pendant un temps assez considérable, pourvu que
le son excitant ne subisse aucun changement… En outre,
les figures présentent un caractère tout à fait spécial, savoir
des tourbillons associés par couples et tournant dans des
directions opposées. La vitesse de rotation des tourbillons
dépend exclusivement de l'intensité du son excitant….
L'articulation des voyelles fait ressortir les différences de
timbre d'une façon saillante. Les nuances délicates entre
les u français et allemand, entre le o et le ö, le e et le ä de
cette dernière langue sont ainsi nettement présentées. Si
nous venons à l'étude des diphtongues, nous voyons que la
figure phonéidoscopique passe successivement de celle de
la première voyelle composante à la seconde… 1105 ». M. Ward
avait déjà fait des expériences analogues dans le laboratoire
de M. Spottiswoode.

De son côté, M. Adrien Guébhard fit connaître à la
Société de physique un autre procédé phonéidoscopique 2106.
Il produisait « de très beaux anneaux d'interférence par la
condensation de la vapeur d'eau à la surface, fraîchement
nettoyée
, d'un mercure très impur 3107. Les bandes colorées que
l'on obtient ainsi peuvent être considérées comme de véritables
courbes de niveau, peignant en section plane la distribution
des densités de vapeur à l'intérieur du jet humide
au moment du refroidissement. De là mille applications
157diverses à l'étude interne des mouvements gazeux, et, en
particulier, des courants de la voix, qui, naturellement
saturés d'humidité, peuvent imprimer sur le mercure des
diagrammes caractéristiques. Il suffit, pour cela, d'émettre
les diverses voyelles au-dessus du miroir métallique, sur un
ton bien pur et bien soutenu, pendant quelques secondes,
mais sans effort anormal et seulement avec assez d'intensité,
ou à une distance assez faible pour que la vapeur
d'eau contenue dans l'haleine n'ait pas le temps de se
mettre en désaccord, en vertu de son élasticité de tension,
avec le jet gazeux qui lui sert de véhicule. » M. Guébhard,
se livrant à ces expériences en décembre, put trouver une
vérification de son procédé en faisant fondre, par l'émission
des différentes voyelles, le givre qui se déposait sur
les vitres. « Sans insister sur quelques observations qui
ressortent à première vue de ces tableaux (la classification
naturelle en trois familles à partir de l'a ; la parenté deux à

image

Fig. 72.
Figure phonéidoscopique

deux des sons au, eu, ou, u, en allemand o, ö, u, ü ; la dérivation
au moyen de e, eu, au lieu de i, u, des nasales in, un)
158on remarquera, d'une manière générale, le manque d'homogénéité
transversale du jet sonore, accusé par la présence,
dans les figures, de plusieurs centres de plus fortes densités.
De là résulte nécessairement qu'au moment de se propager
dans le milieu ambiant, l'émission vocale ne présente
pas seulement l'état vibratoire longitudinal d'une colonne
cylindrique, tel que le peignent aux yeux les flammes
manométriques, tel que l'enregistrent les procédés graphiques,
mais encore un état vibratoire très complexe,
normal au sens de la propagation, et dont l'influence ne saurait
être négligeable dans la composition de l'onde qui porte
à l'oreille, fondus en un même timbre-voyelle, des sons
parfois discordants. » (fig. 72).

Lorsque j'entrepris de reproduire ces belles courbes, je
n'eus pas d'abord la chance de réussir : c'était pendant les
jours les plus chauds de juillet, circonstance très défavorable.
Sur le conseil de M. Guébhard, je plaçai le mercure
dans un endroit frais, je m'humectai la bouche avant
chaque expérience, et j'observai dans le reflet d'un fond
blanc mat : le succès fut complet.

Phonomètre de Lucae.

Phonomètre de Lucae. — Cet appareil a pour but de mesurer
la pression de l'air expiré dans la parole. Il se compose
d'un tube fermé par une petite soupape en verre ou en aluminium,
qui retombe par son propre poids et qui est
armée d'une aiguille indicatrice. L'air est reçu à l'aide
d'une embouchure, fait basculer la plaque, et l'aiguille
marque sur un cadran gradué l'amplitude du déplacement 1108.

Spiromètre.

Spiromètre. — Le spiromètre est un compteur à air sec.
159La graduation du cadran peut être complétée de façon à
permettre la lecture des centimètres cubes. A l'aide d'une
embouchure de caoutchouc, qui prend bien la bouche, on

image

Fig. 73.
Spiromètre.

envoie tout l'air d'une articulation dans l'appareil, et on en
lit la quantité sur le cadran. On peut, si l'on veut, ramener
l'aiguille à zéro après chaque opération (fig. 73).

Glosso-dynanomètre.

Glosso-dynanomètre. — Cet appareil (fig. 74), dû à M. le
Dr Féré, est une modification du sphygmomètre de
M. Bloch 1109. Ce n'est, en somme, qu'un petit ressort à
160boudin, qui indique en grammes la résistance de la langue
hors de la bouche.

image

Fig. 74.
Glosso-dynanomètre.

Pour me rendre compte de la force d'élévation de la
langue dans sa position normale sous le palais, j'ai construit
un glosso-dynamomètre à poids, formé d'une tige fixe et
d'un levier qui se croisent à la façon d'une pince. La tige
fixe s'appuie par un cran sur les dents inférieures et supporte
à l'aide d'une poulie la ficelle du plateau qui constitue la
résistance. Le bras du levier sur lequel doit s'exercer l'action
de la langue s'allonge à volonté et peut ainsi explorer
toutes les parties supérieures de la masse musculaire.

Laryngoscopie.

Laryngoscopie. — On peut voir le larynx de deux
manières : par réflexion, au moyen du laryngoscope. (Garcia,
Türk, Czermak), ou directement, à l'aide de l'autoscope
161(Kirstein). Dans les deux cas, on se sert, pour éclairer
l'intérieur de la gorge, d'un miroir réflecteur qu'on se
fixe sur le front, et, pour observer, d'un petit miroir dans
la première méthode, d'un abaisse-langue spécial dans la
seconde 1110.

Article III
Méthode acoustique.

Appareils d'analyse

Resonnateurs.

Resonnateurs. — Ce sont des cavités, d'une forme quelconque,
limitées par des parois rigides et polies, qui
présentent une ouverture de dimensions convenables.

image

Fig. 75.
Résonnateur.

Parmi les sons que peut rendre le résonnateur, il en est
un (le plus grave) qu'il renforce en général quand celui-ci
162est produit dans son voisinage 1111. Helmholtz a utilisé les
résonnateurs pour l'étude du timbre. Ceux que l'on emploie
à cet usage sont sphériques et présentent deux orifices : le
plus grand sert de pavillon ; le petit s'introduit dans
l'oreille. Lorsque la note pour laquelle le résonnateur est
accordé est émise devant l'appareil, celui-ci vibre bruyamment
(fig. 75).

M. Koenig a facilité les recherches en construisant des

image

Fig. 76.
Résonnateur à tirants gradués.

résonnateurs à tirants gradués, qui peuvent servir pour
plusieurs notes (fig. 76). De plus, il a très heureusement
combiné les résonnateurs avec ses capsules manométriques,
dans un appareil (fig. 77) qui révèle à première vue le
mode de composition des sons complexes. Chaque résonnateur
d'une série harmonique, que l'on peut varier à son
gré, est mis en rapport avec une flamme, de telle sorte que,
si l'on produit devant l'appareil un son donné de même
163hauteur que la note fondamentale, tous les sons partiels,

image

Fig. 77.
Appareil pour l'analyse du timbre par les flammes manométriques.

avec leur rang et leur intensité, se montreront sur le miroir
tournant 1112.164

Diapason avec poids glissants.

Diapason avec poids glissants. — Un diapason, accordé
de façon à renforcer le son propre de la cavité buccale disposée
pour une voyelle donnée, devient un bon instrument
de recherche, s'il est muni de poids qui permettent de faire
varier le nombre de ses vibrations.

L'appareil est d'un emploi délicat, et j'avoue que, sans les
leçons de M. Kœnig, je n'aurais pas cru prudent de l'utiliser.
C'est ce qui explique pourquoi les conseils donnés
aux linguistes par Helmholtz sont restés à peu près sans
effet. Avec un peu d'exercice, l'oreille, pourtant, s'habitue
à saisir le degré de renforcement du diapason et à s'arrêter
avec confiance sur un nombre précis. Une fois même,
ce n'est pas moi seul qui ai senti la différence, mais toutes
les personnes témoins de l'expérience. C'était à Ruffec
(Charente) ; j'étais chez une de mes cousines avec une trentaine
de personnes, presque toutes parentes et d'âges très
variés, une quinzaine d'enfants. M. le Curé et ses vicaires
s'y trouvaient aussi. Nous étions tous du pays, sauf
un vicaire, qui était des Pyrénées. Le diapason, disposé
pour mon á, passe successivement devant toutes les
bouches et fait entendre un son intense, qui ressemblait
assez à un á. Devant une seule, il conserve un petit son
grêle : c'était devant la bouche pyrénéenne. L'expérience
recommencée demeure sans résultat. Le malheureux vicaire,
confus, était déjà traité d'étranger. Je l'ai réhabilité en
rendant le diapason plus aigu d'une quinzaine de vibrations.
J'ai renouvelé la même expérience, depuis, avec des étrangers
et avec le même succès.

Si l'on veut se rendre bien compte du point précis où le
renforcement a lieu, on n'a qu'à tenir le diapason vibrant
devant la bouche et faire varier l'ouverture des lèvres. On
entendra á ó, á ó, … puis, au moment où le diapason sera
165près de s'éteindre, on ne distinguera plus que l'un des
deux sons. Si c'est á qui se maintient, on peut juger que le
réglage est bon, et la note propre de l'á trouvée.

Phonographe.

Phonographe. — Cet appareil peut servir à des expériences
qui ont pour but de rechercher les modifications que les
changements de hauteur absolue produisent dans la parole.
En effet, sans changer les rapport mutuels que les sons partiels
ont entre eux, on les rend plus graves ou plus aigus
suivant que, pour les faire répéter, l'on diminue ou l'on
augmente la vitesse employée pour les inscrire.

Appareils de synthèse

On peut reproduire artificiellement la parole, soit pour
l'analyser, soit pour vérifier une analyse déjà faite.

Le premier, R. Willis 1113 (1828), s'inspirant des machines
parlantes de Kratzenstein 2114 et de Kempelen 3115, a reproduit
les voyelles avec des anches associées à des tubes résonnants
de longueurs variables. Les expériences qu'il fit avec
son appareil ont servi de base à sa théorie.

Helmholtz demanda à un procédé plus scientifique la
recomposition des sons qu'il avait décomposés par l'analyse.
Il associa huit diapasons harmoniques, qu'il pouvait
exciter et régler à volonté. Je représente ici le modèle
166perfectionné de cet appareil, construit par M. Kœnig
(fig. 78).

Les dix diapasons donnent la suite des harmoniques à
partir de ut2 (dans le système de M. Kœnig, 128 v. d.)

image

Fig. 78.
Appareil pour reproduire les voyelles, de Helmholtz.

comme note fondamentale. Ils sont fixés verticalement
entre des électro-aimants. Le courant excitateur est rendu
167intermittent par un diapason interrupteur à l'unisson du
plus grave de la série. Chaque diapason est muni d'un
tuyau de renforcement que l'on peut ouvrir, plus ou moins,
à l'aide d'un clavier. Lorsque les tuyaux sont fermés, les
diapasons s'entendent à peine ; mais on les fait résonner,
chacun avec l'intensité voulue, en appuyant sur les touches,
Dans l'appareil primitif de Helmholtz, la note fondamentale
était si1 (120 v. d., d'après sa manière de
compter).

En se basant sur les théories de Helmholtz et les expériences
de Jenkin et Ewing, W. H. Preece et Stroh 1116 ont
construit un ingénieux appareil, the synthetic curve machine
(fig. 79), qui donne automatiquement les courbes des sons
composés d'harmoniques et, dans la pensée des auteurs, des
voyelles. Une série de roues, A, B, C, D, E, F, G, H, est
combinée de telle sorte que A représente le son fondamental,
B, C, etc., les autres sons composants : par conséquent,
pendant que A fait un tour, B en fait deux, C,
trois, etc. Le mouvement est communiqué au moyen d'une
autre roue, qui déplace en même temps une tablette
enregistrante mobile dans une glissière. Des fils de soie
relient les roues deux à deux, communiquent leur action à
des leviers et, par ceux-ci, animent une plume. On obtient
les différences d'intensité en portant le point d'attache des
fils de soie plus ou moins près du centre, celles de phase en
le déplaçant suivant les différents rayons. Les courbes
construites par ce mécanisme sont découpées, à une échelle
168réduite, dans un disque de cuivre, et placées sur un cylindre

image

Fig. 79.
Synthetic curve machine.
A droite, vue de face ; à gauche, vue de profil.

A, B, C, D, C, F, G, H. Roues représentant les sons partiels. — K, L, M. Roues supplémentaires
taisant 10, 12, 16 tours, — a. L'un des trous creusés, en rayonnant du centre, sur la
face des roues, pour recevoir les tiges d'acier. — B′. L'une des tiges d'acier, maintenue
par le ressort b et portant le fil de soie b′. — B′. Position prise par B′ en raison de mouvement.
U et U′. Leviers animés par les fils de soie passant sur les cylindres à gorge N.
V. Levier articulé avec U, U′. — P. Levier articule avec V, pivotant autour de p et
maintenu à l'aide du ressort à boudin S. — O. Levier insenpteur pivoté sur P, portant la
plaine Q et maintenu par le contrepoids U′. — R. Planchette enregistrante, déplacée au
moyen de poulies et de chaînes par la roue J. — I. Roue armée d'une manivelle, communiquant
le mouvement a tout le système.

devant le style d'un phonographe qui en suit toutes les
sinuosités et rend le son qu'elles représentent.

M. Landois reproduit aussi quelques voyelles avec une
série tuyaux d'orgue, dont il peut, à son gré, régler
l'intensité.169

En vue de représenter le travail de la nature, ce savant
physiologiste a construit un résonnateur d'après le moulage
de la bouche disposée pour l'émission de la voyelle á, et le
place au-dessus de l'anche d'un tuyau d'orgue quelconque,
qui remplit le rôle du larynx. Le son qui se fait entendre
est un á plus ou moins distinct suivant que l'air est envoyé
par brusques saccades ou à jet continu.

M. R. J. Lloyd 1117 a recherché, lui aussi, l'imitation de la
nature, mais avec moins de précision. Se fondant sur une
observation de Liscovius rappelée par lord Rayleigh, que
« la résonance d'une bouteille en partie pleine d'eau n'est
pas influencée dans sa hauteur par le fait que la bouteille est
inclinée », il a pensé que, pour ses études sur le timbre, il
devait attacher plus d'importance au volume qu'à la forme
exacte du résonnateur buccal. Pour reproduire l'i, par
exemple, il se servait d'une bouteille cylindrique de verre
qui formait la chambre de résonance, d'un bouchon de
liège qui était creusé en manière de vestibule, et d'un tube
de verre qui, obstrué à son extrémité interne de paillettes
de verre, de bois ou de métal, faisait office de sifflet et
remplaçait le larynx chuchotant, car c'est sur la voix chuchotée
que portaient ses expériences. Un tube de caoutchouc
lui permettait de souffler dans l'appareil et de tenir celui-ci
transversalement et très près de son oreille. Pour d'autres
voyelles, il remplaçait la bouteille par un cylindre de verre
dont il modifiait au besoin la longueur.

Enfin M. Kœnig nous a donné, dans sa sirène à ondes, le
170moyen, soit de combiner des sons harmoniques, en produisant,
avec la plus grande facilité, des différences d'intensité
et de phase, soit de faire parler une courbe obtenue au
moyen d'un enregistreur quelconque. Dans cet appareil, la
courbe d'un mouvement vibratoire, découpée dans une

image

Fig. 80.
Sirène à ondes pour la composition des sons.

bande de métal, glisse sur la fente étroite d'un porte-vent
et l'allonge ou la raccourcit périodiquement, suivant la
loi qu'elle exprime 1118.

La sirène à ondes, disposée pour la composition des sons,
est formée des sinusoïdes des 16 premiers harmoniques,
montées sur un axe tournant, et d'autant de porte-vent, dont171

image

Fig. 81.172

on peut instantanément faire varier la direction et le débit,
par conséquent provoquer des différences de phase et
d'intensité (fig. 80).

La reproduction du son d'après une courbe donnée
n'exige, avec la courbe du son découpée, qu'un simple
mouvement circulaire et un portevent à fente étroite.

M. Kœnig vient de publier un très important travail où
il étudie les diverses conditions dans lesquelles se produit le
son dans une sirène perfectionnée 1119, qui, par la possibilité
qu'elle fournit d'amener instantanément des interférences,
se prête mieux que les anciennes aux recherches de phonétique.

Cet appareil (fig. 81) possède deux axes et deux sommiers
concentriques aux axes. Sur chacun des sommiers
s'ouvrent quatre porte-vent à fentes étroites et à directions
variables. Le sommier inférieur peut être placé sous le
premier axe (comme dans la figure) ou sous le second, de
manière à faire parler une deuxième courbe, qui est esquissée
en blanc ; il est fixe dans ces deux positions. Le sommier
supérieur, au contraire, peut s'incliner vers l'inférieur, et
son degré d'inclinaison est marqué par une aiguille sur un
cadran. Lorsque l'aiguille est à zéro, les huit fentes étant à
des distances égales, les deux masses sonores produites par
les deux sommiers (à supposer que les sinusoïdes soient
égales en nombre à huit ou à un multiple de huit) n'ont
entres elles aucune différence de phase et répondent au
type représenté figure 2. Mais, lorsque l'aiguille est amenée
sur l'une des divisions du cadran, il y a entre les masses
sonores une différence de phase correspondante au chiffre
173atteint, soit de 1/6, 1/3, 1/2, etc. Prenons, par exemple, un
son complexe formé d'un son fondamental et de son octave
(1 : 2). L'aiguille étant à zéro, les deux sommiers agissant
comme un seul, rien n'est changé dans le son, sauf que
l'intensité est doublée : c'est le cas représenté dans la
figure 2. Mais, si nous portons l'aiguille sur 2, nous produisons
une différence de phase de 1/2 pour le son fondamental
qui est éteint (cf. fig. 3), tandis que l'octave, dont la
différence de phase est zéro, se trouve renforcée (cf. fig. 2).
Cela devient sensible à l'œil si l'on transporte sur la
figure 5 un calque des courbes I et II, de façon que le
point a du calque coïncide avec le point b de la figure : on
voit alors que les périodes du son fondamental prennent
deux directions opposées et, par conséquent, arrivent à
l'interférence, pendant que les périodes de l'octave se superposent.
Si, d'autre part, nous portons l'aiguille sur 4, la
différence de phase sera de 1/4 : d'où interférence pour
l'octave et augmentation de l'intensité pour le son fondamental,
comme on peut le constater en portant le point a
du calque sur le point c de la figure 5. Par le même procédé,
on se rendra compte (fig. 6) comment dans un son
composé d'un son fondamental et de la douzième (1 : 3),
une différence de phase de 1/6 éteint l'harmonique, celle
de 1/3 le renforce, celle de 1/2 amène à l'interférence les deux
sons composants. Donc, étant donnée la courbe d'un son
complexe (d'une voyelle, par exemple), on peut, avec
l'appareil de M. Kœnig, ou bien reproduire le son et vérifier
l'exactitude de la courbe, ou bien, en éteignant et en
renforçant tour à tour chacun des harmoniques, faire l'analyse
approximative de cette même courbe.174

Chapitre IV
Analyse physique de la parole
Timbre

Comme l'onde sonore, base unique de l'analyse physique,
suffit, par son action sur l'oreille, à nous faire
reconnaître les qualités du son : timbre, hauteur, durée,
intensité ; de même elle devrait, par la courbe qu'elle livre
à nos appareils, suffire à la décomposition intégrale de la
parole indépendamment de toute relation avec sa source.
De fait, il en est ainsi toutes les fois qu'une articulation
isolée ou placée dans des conditions favorables fournit la
matière de nos recherches. Mais, dès que plusieurs articulations
consécutives s'offrent à notre analyse, la limite qui
sépare chacune d'elles dans la courbe de la voix est de telle
nature que, pour la déterminer d'une manière précise, le
concours de l'observation physiologique est souvent
indispensable.

L'analyse purement physique de la parole n'a donc pu
être tentée avec quelque chance de succès que pour le
timbre et dans les conditions toutes spéciales où un son
peut être considéré isolément. Les recherches plus complexes
sur la hauteur, la durée et l'intensité exigent d'autres
données.

C'est donc uniquement du timbre en général que nous
nous occuperons dans ce chapitre. Les travaux des physiciens
et des physiologistes sont déjà nombreux et importants ;
175mais il reste encore beaucoup à faire, même pour
fixer la méthode. Aussi, passant légèrement sur les
questions de doctrine et de théorie, je m'arrêterai de préférence
sur les procédés mis en usage, et j'indiquerai
quelques-uns des résultats qui permettent de les mieux
comprendre et de les juger.

Nous consacrerons un premier article aux voyelles, un
second aux consonnes.

Article I
Timbre des voyelles.

Willis 1120, en cherchant à produire les voyelles avec son
anche et ses tubes résonnants, s'aperçut qu'avec les tubes
les plus courts il obtenait i, et qu'en les allongeant successivement,
il en tirait d'abord è, puis a, puis o, enfin ou ;
que, pour une plus grande longueur, les voyelles se représentaient
dans l'ordre inverse. La mesure des tuyaux 2121 lui
donna la note caractéristique des voyelles anglaises :

tableau i | e | a | å | o | see | pet | pay | pad | part | paw | nought | no

Il y a accord pour les voyelles graves o, å, a (part)
176avec les notes trouvées plus tard par Helmholtz, désaccord
pour les autres. « Pour les voyelles aiguës, dit Helmholtz,
Willis a trouvé des sons relativement trop élevés, parce
que les longueurs d'onde deviennent plus petites que la
dimension des tubes, et que, par conséquent, le calcul
ordinaire de la hauteur, d'après la longueur du tuyau, n'est
plus applicable. » De plus, e et i n'étaient pas bien
distinctes.

Willis a confirmé les résultats obtenus par lui au
moyen d'une autre méthode. Un ressort élastique en fer,
soulevé par les dents d'une roue tournant rapidement,
donne un son d'autant plus aigu qu'il est plus court.
Or, en diminuant progressivement la longueur du ressort
pour une même vitesse, il obtenait des sons analogues à
ou, o, a, é, i.

D'après ces données, Willis a conçu une théorie générale
des voyelles. « Il suppose, dit Helmholtz, que les
secousses qui produisent le son de la voyelle sont elles-mêmes
des sons qui se perdent rapidement, et correspondent
au son propre du ressort dans sa dernière expérience, ou à
la faible résonance que produit une secousse ou une petite
explosion de l'air dans la cavité de la bouche agissant
comme caisse résonante d'un tuyau à anche. En réalité,
on entend quelque chose d'analogue au son des voyelles,
lorsqu'on fait battre une petite verge contre les dents, tout
en donnant à la bouche la forme qu'elle affecte pour les
177différentes voyelles. La description du mouvement sonore,
donnée par Willis, concorde assez bien avec la réalité, mais
elle ne donne que l'espèce et la nature du mouvement de
l'air ; elle ne dit rien de la réaction particulière à l'oreille
en présence de ce mouvement. L'oreille le décompose en
une série d'harmoniques, selon les lois de la vibration par
influence ; c'est ce que montre l'analyse du son de la
voyelle, soit par l'oreille seule, soit avec des résonnateurs. 1122 »

Au jugement de Helmholtz, la théorie des voyelles a été
établie pour la première fois par Wheatstone en 1837
dans une critique des expériences de Willis 2123.

Grassmann, qui sans doute était doté d'une ouïe extrêmement
délicate, faisait, vers 1850, des recherches sur le
timbre des voyelles, sans aucun autre instrument que son
oreille. Sa théorie, indiquée en peu de mots dans un programme
de collège 3124, a été développée en 1877 dans un
article étendu 4125.

Il classe les voyelles en trois séries :

ou (u), u (ü), i, caractérisés par un seul harmonique,
dont la hauteur varie dans les proportions suivantes :
ou, depuis la note la plus grave jusqu'à c2 (ut5) ;
u, entre c2 et e4 (mi6) ;
i, à partir de e4 et au-dessus ;

a, caractérisé par les 8 premiers sons partiels, d'une
intensité égale pour chacun, mais inférieure à celle du son
fondamental ;178

o, eu, é, etc., intermédiaires entre a et l'une des
voyelles de la première série :

En sorte que l'on aurait

image

Donders 1126 eut recours à des procédés qui offrent plus de
sécurité, sans être encore bien pratiques. Il avait remarqué
qu'en soufflant dans les embouchures isolées des instruments
construits pour reproduire les voyelles, on obtient
un bruit tout aussi caractéristique que le son rendu par
l'appareil entier. Il fut, par là, amené à considérer la cavité
buccale, dans le chuchotement, comme une embouchure
isolée traversée par un courant d'air. D'après cette idée, et
tout en reconnaissant qu'une analyse complète devrait
tenir compte de tous les tons partiels composants, Donders
s'appliqua à définir le ton dominant du bruit propre à chaque
voyelle. Pour atteindre ce but, il indiqua trois méthodes :
comparer pendant le chuchotement chacune des articulations ;
disposer la cavité buccale pour l'émission d'un son,
et diriger sur les bords un courant d'air avec un tube aplati,
ou faire vibrer devant les lèvres une série de diapasons
179jusqu'à ce qu'on ait reconnu, au maximum du renforcement,
à quelle hauteur elle est accordée.

Donders s'en tint à la première méthode et fit porter
ses déterminations sur les voyelles hollandaises. Il les
divisa en plusieurs classes :

ou, fa2 ; u, la4. — Le bruit propre de ce type est
presque uniquement constitué par le ton dominant et se
rapproche beaucoup d'un son simple.

o (au), 2 ; o (or), sol2 ; a, si2— Le bruit propre
n'est pas invariable : la moindre différence de hauteur dans
le ton dominant suffit pour changer la voyelle.

é, ut5, avec un autre ton dominant plus grave.

eu (sœur), mi2 ; eu (eux), sol2.

i, fa5, avec des tons secondaires plus élevés.

M. Trautmann, pour venir en aide à son oreille, eut
l'idée d'accorder des diapasons au bruit de chuchotement
de chaque voyelle. On y arrive en limant les branches ou
en les chargeant de poids supplémentaires. Il a trouvé les
notes suivantes, qui sont seulement approximatives :

ou, g2 (sol4) ; o fermé, h2 (si4) ; o ouvert, d2 (5) ; a grave
(pas), f2 (fa5) ; a (italien cane), g2 (sol5) ; è, h2 (si5) ; é, d4
(6) ; i, f4 (fa6) ; eu, h2, (si5) ; u, c4 (ut6).

Il a vérifié, dit-il, ces résultats sur des centaines de personnes
à qui il faisait chuchoter les voyelles allemandes
écrites sans ordre sur un tableau, ou à qui il demandait de
répéter, d'abord à haute voix, puis en les chuchotant, des
voyelles déjà prononcées par lui. Les divergences étaient
limitées de telle sorte que les voyelles différentes restaient
d'ordinaire dans leur domaine respectif 1127.180

A la méthode de Donders se rattache le procédé qui
consiste à frapper les dents avec l'ongle pendant que les
organes sont disposés pour la production de la voyelle, le
souffle étant suspendu. De cette façon, M. Bourseul 1128 a
trouvé pour les voyelles françaises les valeurs relatives suivantes :

tableau a | â | o | ô | ou | par | pâle | poste | pau | tout | mi | do | sol | re | fa | si | é | è | eu | u | thé | tête | peur | peu | rue

En disant successivement a (par), é (thé) et i, il
trouvait mi, si, .

Au lieu de frapper sur ses dents, M. Auerbach 2129 opérait,
dans les mêmes conditions, des percussions sur son larynx.
Il a obtenu les notes suivantes :

w anglais, de b à e1 (si2- mi2) ; ou, f1(fa2) ; o, a1 (la2) ;
å suédois 3130, c2 — (ut4) ; a grave, f2 (fa4) ; a aigu, de g2 à b2
(sol4 - si4) ; (ä) è, de c2 à d2 (ut4 - 4) ; e, de g1 à a1 (sol2 - la2) ;
i, f1 (fa2) ; y anglais, de b à e1 (si2- mi2) ; eu (ö), de gis1 à
a1 (sol2 - la2) ; ü, de e1 à f1 (mi2 - fa2).

Des déterminations aussi vagues et des méthodes aussi
peu sûres ne peuvent être d'aucun secours pour le linguiste.
181Il en a va tout autrement de celles de Helmholtz. L'illustre
physicien allemand s'est servi d'une série de diapasons qu'il
faisait vibrer devant sa bouche disposée pour l'émission des
voyelles, sauf pour u et i, qu'il détermina, d'après la
méthode de Donders, par le frôlement que produit le courant
d'air lorsqu'on profère les voyelles en chuchotant 1131.

Il trouva :

Un seul son propre, pour :

tableau ou | o | a

Un son aigu et un son grave de résonance, résidant
le premier dans la partie antérieure, le second dans la
partie postérieure de la bouche, pour :

tableau è | ä | é | i | eu | u | aigu | grave

« L'influence que ces résonances, conclut Helmholtz,
exercent sur le timbre de la voix est exactement la même
que celles que nous avons déjà appris à reconnaître dans
les instruments à anche artificielle. Elles renforcent tous
ceux des harmoniques qui coïncident avec l'un des sons
182propres de la cavité buccale, ou qui en sont tout au moins
assez voisins, tandis qu'elles étouffent plus ou moins les
autres. L'extinction des sons non renforcés est d'autant
plus frappante que la cavité de la bouche est plus
resserrée, soit entre les lèvres, comme dans l'ou, soit entre
la langue et le palais, comme dans l'i et l'u.

Ces différences entre les harmoniques des différentes
voyelles, continue-t-il, peuvent être très facilement et très
nettement appréciées au moyen des résonnateurs, au moins
toutes les fois qu'il s'agit des sons de l'octave d'indice
2 ou 3. 1132 »

Helmholtz ne se contenta pas d'analyser les voyelles : il
chercha à les reproduire artificiellement avec l'appareil
décrit page 167.

Laissons-lui encore la parole :

« J'ai fait la première série d'expériences avec les huit
diapasons allant du si1 au si4. Je pouvais reproduire l'ou,
l'o et l'eu, et même l'a, mais celui-ci n'était pas très mordant,
parce que les harmoniques ut2 et 2, immédiatement
au-dessus de si4, caractéristique, faisaient défaut dans
l'expérience.

Le son fondamental de cette série, le si4, pris tout
seul, donnait un ou très sourd, beaucoup plus sourd que le
langage ne peut le produire. Le son se rapprochait de l'ou
quand on faisait vibrer en même temps, mais faiblement,
le second et le troisième son partiel si2 et fa2.

On obtenait un très bel o en donnant fort le si2, et
plus faiblement le si2, le fa2 et le 4. Le son fondamental,
si1, devait être un peu étouffé.183

En modifiant brusquement la position des couvercles
des résonnateurs, de manière à rendre au si1, toute sa force
et à affaiblir tous les harmoniques, l'appareil donnait très
bien et très nettement un ou après un o.

J'obtenais un a ou plutôt un å, en faisant sortir aussi
forts que possible les sons les plus élevés de la série, du
cinquième au huitième, et en affaiblissant les autres.

Quant aux voyelles de la seconde et de la troisième
série, caractérisées par des sons encore plus aigus, on ne
peut que très imparfaitement les reproduire en donnant leurs
résonances graves… L'appareil donnait un è (ä) passablement
net, quand je renforçais surtout le quatrième et le
cinquième sons partiels, en affaiblissant les plus graves, et
une espèce d'é quand je renforçais le troisième, affaiblissant
tous les autres. La différence de ces deux voyelles avec
l'o consistait principalement en ce que le son fondamental
et ses octaves devaient être beaucoup plus faibles dans
l'è (ä) et l'é que dans l'o.

Pour pouvoir étendre les expériences aux voyelles
ouvertes, je me suis fait construire plus tard encore les
diapasons 5, fa5, la5, si5 (les deux derniers sonnent
déjà très faiblement), et j'ai pris pour son fondamental le
si2, au lieu du si1 de tout à l'heure. J'ai pu alors reproduire
très bien l'a et l'è (ä) ; l'é était au moins beaucoup
plus net que précédemment. Mais je n'ai pu atteindre
jusqu'au son caractéristique de l'i.

Avec cette série de diapasons plus aigus, le fondamental
si2, pris tout seul, donnait encore l'ou.

Le même diapason, modérément ébranlé, et accompagné
de son octave si2, donnée avec force, et de la douzième
fa4, plus faible, donne l'o, dont la caractéristique est précisément
le si2.184

On obtient l'a en ajoutant au si2 le si2 et le si4 avec
une intensité modérée, et en faisant résonner énergiquement
le si4 et le 5, comme sons caractéristiques.

Pour changer l'a en è (ä), il faut un peu renforcer
le si2 et le fa4, voisins de la caractéristique grave 4,
étouffer le si4 et donner toute la force possible au 5 et
au fa5.

Pour l'é, il faut donner aux deux sons les plus graves de la
série, si2 et si2, une intensité modérée, parce qu'ils avoisinent
la résonance grave fa2, et faire sortir aussi fort que
possible les sons les plus aigus fa5, la5,si5. Mais je n'ai
pu encore réussir aussi bien pour cette voyelle que pour les
autres, parce que les diapasons aigus étaient trop faibles,
et que les harmoniques, immédiatement au-dessous du
son caractéristique, ne pouvaient, on le voit, entièrement
disparaître. 1133 »

Enfin, Helmholtz demanda à son appareil de trancher la
question de savoir si le timbre est altéré par une variation
de la différence de phase, et, après ses expériences, il crut
pouvoir répondre que « le timbre de la portion musicale
d'un son dépend seulement du nombre et de l'intensité des
sons partiels, mais non de leur différence de phase . 2134 »

M. Kœnig a complété les déterminations de Helmholtz
pour i et pour ou. Il s'est fait un diapason assez aigu pour
le premier et a rendu la résonance du second plus facilement
appréciable, pendant qu'il chuchotait devant le diapason,
en armant son oreille du résonnateur correspondant.
185Il a trouvé que la note fixe caractéristique de l'i est si6
et celle de l'on si2 1135.

Ainsi il a pu établir la série :

tableau ou | o | a | e | i

Mais sur la question de l'influence de la phase sur le
timbre, il est d'un avis opposé. Ses expériences avec la
sirène à ondes lui ont montré que Helmholtz avait été mal
servi par ses diapasons. En combinant, par exemple, les
sons 1, 3, 5, 7, avec des intensités égales, il a obtenu pour
les différences de phase 1/4 et 3/4 un son fort et nasillard, et
pour les différences 0 et 1/2 un son très faible, plus doux et
moins nasillard. Le timbre produit par la combinaison de
ces harmoniques pouvait, pour une certaine hauteur du
son fondamental, être comparé à un è (æ), qui se rapprochait
d'une quand la différence de phase était zéro, et d'un
a quand elle était 1/4 2136.

Sur la composition même des sons musicaux, M. Kœnig
a mis en lumière deux faits qui corrigent ce que la théorie
de Helmholtz semblerait avoir de trop absolu. Il a démontré :
d'abord, que les corps sonores produisent des sons
partiels voisins des harmoniques plutôt que des harmoniques
véritables 3137 ; puis, que l'oreille accepte comme vrais
186timbres musicaux les vibrations résultant de la superposition
d'un son fondamental et d'harmoniques légèrement feux,
et même des compositions de sons arbitraires pourvu que
le caractère périodique soit conservé 1138.

Qvanten 2139, de son côté, a invoqué contre la théorie de
Helmholtz un fait qui vaut uniquement contre une conception
trop étroite du type vocalique, à savoir que la cavité
buccale ne prend pas pour chaque voyelle une forme toujours
constante et identique à elle-même.

M. F. Auerbach 3140 employa dans ses analyses la méthode
des résonnateurs. Il chantait les voyelles sur un ton donné,
présentait successivement à son oreille les différents résonnateurs
correspondant à la série des sons harmoniques,
comparait ceux-ci deux à deux et en notait l'intensité
relative. Puis, chantant de nouveau la même voyelle sur
une autre note, en général sur c (ut2), g (sol2), c1 (ut2) et
g1 (sol2), il recommençait les mêmes observations.

Les tableaux suivants contiennent les résultats de ses
expériences. L'intensité de chaque son composant est
calculée d'après une intensité totale de 100.187

tableau fermé | ouvert188

tableau e | i | ü | œ | è | ä189

M. Auerbach suppose que ces chiffres sont le produit de
deux facteurs : l'un absolu, l'autre relatif, en sorte que les
harmoniques varieraient, non seulement suivant leur hauteur
absolue, mais encore suivant leur rang, double valeur
qu'il s'est appliqué à dégager par une opération très simple.
Appelons x le facteur qui dépend du rang et y celui qui
dépend de la hauteur absolue. Les sons partiels de la 1re

tableau série

nous obtiendrons la transformation suivante :

tableau g | c

Donnons une valeur quelconque à x1, je suppose 5, et,
à l'aide du premier tableau, cherchons la valeur des x et
des y pour l'a :

1re série :

1) x1 yc = 5 ; donc, yc =1.

2) x1 yg = 8 ; donc, yg = 8/5.

3) x1 yc1 = 11 ; donc, yc1 = 11/5.

4) x1 yg1 = 19 ; donc, yg1 = 19/5 = 3,8.190

2e série :

1) x2 yc1 = 7 ; donc, x2 = 7 : 11/5 = 7 x 5/11 = 3,18.

2) x2 yc1 = 13 ; donc, x2 = 13 : 19/5 = 13 x 5/19 = 3, 42. yg1 = 13 : 7 x 5/11 = 13 x 11/35 = 4,08.

Il est inutile d'aller plus loin. Il suffit d'avoir montré
la marche suivie par l'auteur. Remarquons toutefois que
les résultats des opérations se contrôlent les uns les autres :
nous avons déjà obtenu pour x2 les valeurs très rapprochées
3,18 et 3,42, pour yg1 les nombres 4,08 et 3,80.

M. Auerbach est ainsi arrivé à dresser deux tableaux qui
représentent : l'un, la valeur de x, ou l'intensité dépendant
du rang des harmoniques ; l'autre, la valeur de y ou
l'influence de la hauteur absolue. Je ne donne ici, à titre
d'exemple, que ce qui regarde les voyelles ou fermé, a et i :

Valeur de x.

tableau voyelles | ou | a | i

Valeur de y.

tableau voyelles | ou | a | i191

Preece et Stroh refirent la synthèse des voyelles, avec
cet avantage que leur machine (voir page 168) leur permettait
de faire varier non seulement l'intensité mais encore
la hauteur du son. Aussi ont-ils pu apporter quelques
remarques nouvelles. Entre f et b (fa2 et si2), la voyelle ou
se compose principalement du son fondamental ; mais,
pour lui conserver le caractère de l'ou, en descendant la
gamme, les 2e et 3e sons partiels deviennent nécessaires.
A la même hauteur, le 2e son partiel prédomine dans la
voyelle o et le Ier peut être considérablement réduit ; mais,
quand on descend la gamme, le 3e et le 4e sont indispensables :
autrement, ce qui est un o à b ♭(si2) devient ou,
une octave plus bas. Quant à la voyelle a (ah), les expérimentateurs
constatent qu'elle est la plus facile à produire,
qu'elle se compose essentiellement des 3e, 4e, 5e et 6e sons
partiels, les Ier et 2e étant très faiblement représentés.
On trouvera page 198 le tableau de leurs expériences
en regard des résultats auxquels sont arrivés Helmholtz et
M. Kœnig.

Tout récemment, M. Lloyd (p. 170) a renouvelé, en les
perfectionnant, les procédés de Willis. Après avoir déterminé
la forme et les dimensions du résonnateur vocalique
et vérifié ses mesures par la reproduction approximative du
son, il s'est appliqué à en déduire la hauteur de la résonance
la plus aiguë et de la résonance la plus grave au
moyen de deux formules, dont la seconde a été établie
expérimentalement par Sondhauss avec des bouteilles à
long col (voir lord Rayleigh, Theory of sound, t. II, p. 173) :

(1) n = V/2L,

(2) N = 46705 σ 1/2/L 1/2 S 1/2.192

V = vitesse du son, soit, à la température moyenne de
l'air émis dans la parole (35°), 341375 mm par seconde ;
L = longueur, en millimètres, du col de la bouteille ;
σ = section du col en millimètres carrés ;
S = volume, en millimètres cubes, de la bouteille.

Le résultat exprime en vibrations (v. d.) la résonance la
plus aiguë (n), celle du goulot, et la plus grave (N), celle
de la totalité.

Soient les données fournies par l'auteur pour la voyelle
française u :

Section du tube, 93 mm2 ;
Longueur du tube, 50 mm,6 ;
Volume de la bouteille, 185326 mm2.

Nous avons :

n = 341375/2 x 50,6 = 3373 ou g4 ;

N = 46705 x √93/√50,6 x √185326 = 147 ou ♯.

Le rapport des deux résonances,

R= n/N

ou 1141 R= 3,6546 S1/2/L1/2 σ1/2,

ou plus simplement encore, puisque σ x L n'est autre
chose que le volume (s) du tube,

R = 3,6546 S1/2/s1/2,

est, pour M. Lloyd, la caractéristique de la voyelle. D'où
il suit que, si S et s viennent à changer, le rapport R
(radical ratio) demeurant le même, la voyelle ne change
193pas : conséquence qui se trouve vérifiée par l'expérimentation.

Ce rapport serait, par exemple, pour : i, de 41 à 43 ; u (ü),
23 ; é, 19 ; è, 17 ; å, 7 ; å, 5 ; o, 2 ; u (ou), 1. Les nuances
intermédiaires seraient aussi nettement caractérisées.

On ne peut contester que les méthodes dont nous nous
sommes occupés jusqu'ici ne fassent une large part à l'appréciation
personnelle. Les méthodes graphiques ne méritent
pas ce reproche ; mais (comme nous le verrons) leurs
résultats ne sont point encore à l'abri de toute critique.

Les procédés mis en usage se réduisent à deux : l'analyse
des flammes manométriques et l'analyse des courbes.

M. Koenig a lui-même posé les bases de l'analyse de ses
flammes. Un son simple donne une série de flammes simples
qui correspondent chacune à une vibration complète ; un
son composé donne des flammes découpées en dentelures
plus ou moins nombreuses, qui représentent les harmoniques.
C'est ce que montre très bien un tuyau d'orgue
fermé, à l'extrémité duquel se trouvent à la fois le nœud du
son fondamental (1) et celui du premier harmonique, qui
est de rang impair (3). Si l'on souffle faiblement, le son

image

Fig. 82.
Deux sons simples combinés (Kœnig).

fondamental seul se fait entendre et apparaît sur le miroir
(fig. 8 2, I) ; si l'on force le courant, les trois dents de l'harmonique
(3) prennent la place du fondamental ; enfin, si le
194courant est un peu modéré, les deux sons se forment en
même temps, et l'on voit se dessiner les flammes des deux
sons combinés (1 : 3).

M. Kœnig s'est contenté de dessiner un tableau des
voyelles ou, o, a, é, i et de rechercher dans les images
l'influence de la note caractéristique. Voici ce qu'il a constaté
pour l'ou, en l'étudiant dans les meilleures conditions :

La noie caractéristique de cette voyelle (448 v. s.) se rapproche
du 3e son partiel de 1 (432 v. s.), de mi1 (480 v. s.),
du 2e son partiel de la1 (426,6 v. s.) et de si1 (480 v. s.) et

image

Fig. 83.
Voyelle ou (Kœnig).

des sons fondamentaux la2 et si2. Aussi peut-on remarquer
que « dans les images de la2 et de si2, le son fondamental
prédomine sensiblement, tandis que les images de la1 et
de si1 accusent un partage distinct en deux groupes principaux,
et celles de 1 et de mi1, un partage en trois
groupes 1142 » (fig. 83).

M. Doumer a repris, avec la précision que donne la
photographie, les recherches de M. Kœnig pour i et u.
« Si, dit-il après avoir indiqué la disposition de l'appareil
(page 112), l'on chante devant la membrane de la capsule
manométrique l'une de ces voyelles, en ayant soin de
l'émettre avec pureté, on constate que la dent fondamentale
est découpée par un grand nombre de dents plus petites et
195qui généralement sont équidistantes et égales entre elles.
Les photographies que j'ai ainsi obtenues sont fort nettes
et d'un calcul très facile. » Le son aigu comparé au son
fondamental s'est trouvé avec celui-ci dans le rapport suivant,
qui est toujours harmonique :

tableau chanteurs | son fondamental | son aigu | rang | voyelle | baryton | ténor | basse

D'où M. Doumer conclut que la note caractéristique de i
est comprise entre ut6 et 6, suivant la hauteur du son
fondamental ; que celle de l'u correspond à la5, avec un écart
qui lui permet d'aller de sol5 à si5.

L'analyse des voyelles au moyen des flammes manométriques
par l'intermédiaire d'une série harmonique de
résonnateurs (page 163) se fait d'elle-même et donne des
résultats qui sautent aux yeux. Voici comment M. Kœnig
expose ceux qu'il a obtenus avec son appareil accordé sur ut2 :196

« Quand on chante un ou, outre le son fondamental,
l'octave accuse des vibrations assez intenses, et parfois, mais
rarement, on remarque une action très faible sur le troisième
ton.

o influence énergiquement la flamme du troisième et du
quatrième ton, tandis que l'octave vibre plus faiblement
que pour ou. L'o produit encore des dentelures sur la cinquième
traînée, mais elles sont très faibles.

Le maximum d'intensité pour å (oa) remonte encore
plus haut : c'est au quatrième et au cinquième ton que les
bandes sont ici le plus profondément découpées, tandis que
les harmoniques graves s'affaiblissent.

L'action de la voyelle a s'étend jusqu'à la septième
flamme, et c'est la quatrième, la cinquième et la sixième
qui vibrent avec le plus d'intensité.

Lorsqu'on chante un é, le ton fondamental est accompagné
de l'octave et de la douzième, la première faible, la
seconde très intense ; la double octave et sa tierce vibrent
avec une intensité moyenne, et la flamme n° 7 accuse une
faible trace du septième ton.

i chanté sur ut2 imprime, au ton fondamental et à l'octave
seuls, de très fortes vibrations, tandis que les autres flammes
restent immobiles. 1143 »

Comme il est intéressant d'embrasser d'un coup d'œil
l'analyse de M. Kœnig (K) et la synthèse de Helmholtz (H)
avec celle de Preece et Stroh (P), j'en réunis les résultats
dans un même tableau, où + + signifie très intense, + intense,
assez intense, — faible, très faible. Sur les deux
séries harmoniques de Helmholtz et de M. Kœnig, voir
page 167.197

tableau voyelles198

L'analyse des courbes sonores repose sur le théorème de
Fourier et sur la loi de G.-S. Ohm :

« Toute forme quelconque de vibration régulièrement
périodique
peut être considérée comme la somme algébrique
de vibrations pendulaires
, dont les durées sont : 1, 2, 3, …,
fois moins grandis que celle du mouvement vibratoire considéré.
Un mouvement vibratoire donné, régulier et périodique,
ne peut être décomposé que d'une seule manière, en
un nombre déterminé de vibrations pendulaires. » (Fourier)

« L'oreille n'a la sensation d'un son simple que lorsqu'elle
rencontre une vibration pendulaire, et elle décompose
tout autre mouvement périodique de l'air en une série de
vibrations pendulaires qui correspondent chacune à la sensation
d'un son simple. » (Ohm)

Soit une courbe sonore dont la figure 84 représente une
période. Construisons deux axes rectangulaires Ox et Oy,

image

Fig. 84.
Décomposition d'une période.

de façon que Ox soit parallèle à la droite qui joint les deux
extrémités de la période, et que Ox passe par le commencement
de la période.199

Le théorème de Fourier s'exprime analytiquement par :

y = 1/2 A0 + A1 cos 2 π/T x + A2 cos 2 π/T 2 x + …
+ B1 sin 2 π/T x + B2 sin — = 2 π/T 2 x + … (1).

ou encore :

y = 1/2 A0 + C1 sin (2 π/T x + α1) + C2 sin (2 π/T 2 x + α2) + … (2).

T est la durée de la période ; y, l'ordonnée ; x, l'abscisse.

A0 est une quantité constante qui résulte de la position
arbitraire de l'axe des x ; 1/2 A0 est l'ordonnée de la parallèle
à Ox, axe moyen des courbes composantes.

A1, A2, A2…, B1, B2, B2… sont des constantes d'intégration
relatives à chaque mouvement pendulaire partiel.

Les quantités Ai et Bi (I), i étant l'indice d'un son composant
quelconque, sont donnés par :

Ai = 2/T ∫T0 y cos 2 π/T i x. dx (3)

et Bi = 2/T ∫T0 y cos 2 π/T i x. dx (4)

∫T0 indique la somme que l'on obtiendrait en remplaçant
successivement, dans la quantité soumise à ce signe, x et y
par les coordonnées des différents points de la période
depuis 0 jusqu'à T, cette courbe étant supposée formée
de points séparés mais infiniment voisins, et dx étant
l'accroissement de x qui fait passer d'un point à un autre.

En prenant seulement des points très voisins, on obtient
des valeurs approximatives pour Ai et Bi.200

Dans la pratique, on place l'axe des x suffisamment loin
de la courbe pour ne pas la couper ; on divise la période T
en n parties égales, et l'on prend dx = T/n, d'où pour les
abscisses (x) des divisions successives :

T | n

on mesure les ordonnées correspondantes

y0 y1 y2 y2…, yn-1 ou Os i1 s1 i2 s2 i2 s2 in-1 sn-1

et, faisant les sommes indiquées par (3) et (4), on obtient :

n/2 Ai = y0 + y1 cos 2 π/n i + y2 cos 2 π/n . 2 i + … + yn-1 cos 2 π/n (n-1) i (5)

n/2 Bi = y1 sin 2 π/n i + y2 sin 2 π/n . 2 i + … + yn-1 sin 2 π/n (n-1) i (6)

Par la seconde formule, qui se déduit de la première
en posant :

Ci = √Ai2 + Bi3 (7)

et

tg αi = Ai/Bi, (8)

sont mises en évidence :
les oscillations ou 1/2 amplitudes C1, C2, C2, …,
et les phases α1, α2, α2, ….

Nous pourrons ainsi calculer les sons composants
jusqu'à celui de rang n/2, auquel on ne peut plus appliquer
la formule (6), car celle-ci donne Bn/2 = 0, indépendamment
des valeurs de y0, y1, y2, …. (Voir l'appendice.)201

Exemple : Proposons-nous d'analyser la courbe (fig. 84)
avec 12 divisions ou 12 ordonnées (ce qui revient au même
puisque la 13e ordonnée (y12) ne sert pas dans le
calcul) :

Les formules (5) et (6) donnent 1144 :

6 A0 = y0 + y1 + y2 + … + y11.

6 A1 = y0 + y1 cos 30° + y2 cos 60° - y4 cos 60° - y5 cos 30°
- y6- y7 cos 30° - y8 cos 60° + y10 cos 60° + y11 cos 30°.

6 B1 = y1 sin 30° + y2 sin 60° + y8 + y4 sin 60° + y5 sin 30°
- y7 sin 30° - y8 sin 60° - y9y10 sin 60° — y11 sin 30°.

6 A2 = y0 + y1 cos 60° + y2 cos 60° + y8 + y4 cos 60° + y5 cos 60°
+ y6 + y7 cos 60° - y8 cos 60° - y9y10 cos 60° — y11 cos 60°.

6 B2 = y1 sin 60° + y2 sin 60° - y4 sin 60° - y5 sin 60°
+ y7 sin 60° + y8 sin 60° - y10 sin 60° — y11 sin 60°.

6 A2 = y0- y2 + y4 - y6 + y8 - y10.

6 B2= y1- y2 + y4 - y7 + y9 - y11.

6 A4 = y0- y1 cos 60° - y2 cos 60° + y2- y4 cos 60° - y5 cos 60°
+ y6- y7 cos 60° - y8 cos 60° + y9- y10 cos 60° - y11 cos 60°.

6 B4 = y1 sin 60° - y2 sin 60° + y4 sin 60° — y5 sin 60°
+ y7 sin 60° — y8 sin 60° + y10 sin 60° — y11 sin 60°.

6 A5 = y0- y1 cos 30° + y2 cos 60° - y4 cos 60° + y5 cos 30°
- y6 + y7 cos 30° - y8 cos 60° + y10 cos 60° - y11 cos 30°.

6 B5 = y1 sin 30° - y2 sin 60° + y8- y4 sin 60° + y5 sin 30°
- y7 sin 30° + y8 sin 60° - y9 + y10 sin 60° - y11 sin 30°.

Mesurons les ordonnées (y) et effectuons les opérations,
nous souvenant que sin 30° cos 60° = 0,5 et cos 30°,
202sin 60° = √3/2 = 0, 866… Puis Ai et Bi obtenus, cherchons
les amplitudes (7) et par là les intensités (p. 7),
enfin les phases (8). (Vérifier sur la figure.)

Cette méthode d'analyse fut inaugurée à la fois par
Jenkin et Ewing et par Schneebeli, qui en communiquèrent
les résultats, les premiers à la Société royale d'Edimbourg
en juin et juillet 1878, le second à la Société des sciences
naturelles de Neuchâtel en novembre de la même année.

Jenkin et Ewing ont inscrit leurs courbes au moyen de
l'appareil décrit page 117, et ils ont pris pour leurs calculs
12 ordonnées et quelquefois 24. Les amplitudes des sons
composants, pour les voyelles o (oh !), ou (food), å, a, leur
ont paru être les suivantes (je ne donne que quelques-uns
de leurs résultats) :

tableau voyelle | note fondamentale | voix | sons simples203

tableau note fondamentale | voix | sons simples204

Schneebeli a analysé les courbes de son phonautographe
(p. 119) et établi ses calculs avec 12 ordonnées quand la
courbe lui paraissait simple, avec 24 quand elle était plus
compliquée, je corrige sa notation musicale, qui est trop
haute d'une octave. Guillaume, son aide de laboratoire,
est de langue française.

tableau son partiels | schneebeli | guillaume

M. Lahr a analysé, avec 24 ordonnées, les courbes
obtenues comme nous avons dit page 118. Il chantait ses
voyelles sur f1 (fa2). Le tableau suivant donne les intensités.205

tableau sons partiels206

Quelques-unes de ces courbes, avec celle de l'o de
Schneebeli, ont été soumises au contrôle de l'expérience
par M. Eichhorn, qui les a fait parler au moyen de la
sirène à ondes. L'a et l'è (ä) sont très nets ; l'ou n'est pas
bien ; l'o, de même que celui de Schneebeli, peut se reconnaître
avec beaucoup d'attention ; l'u (ü) fait entendre un
ou (u) ; l'i a donné des résultats négatifs 1145.

M. Hensen n'a étudié que la courbe d'une seule voyelle,
à titre d'exemple pour montrer l'emploi de son appareil 2146.

En revanche, M. Pipping a publié d'importants travaux 3147.
Je ne cite que quelques-uns de ses nombreux résultats,
renvoyant pour le reste à son dernier mémoire Ueber die
Theorie der Vocale
4148. Il a calculé, sur 48 ordonnées, les
courbes des voyelles chantées et des voyelles parlées. Ses
calculs, comme ses expériences, ont été faits avec un soin
et une précision irréprochables. Ses voyelles, autant qu'il
m'a été possible d'en juger par la prononciation d'un de ses
compatriotes, sont : a fermé, é fermé, i fermé, ou fermé
(écrit o), u intermédiaire entre ou et u (écrit u), u différent
de l'u français (écrit y), ó fermé avec les lèvres projetées
en avant (écrit å), è (écrit ä), eu ouvert (écrit ö),
eu fermé (écrit ø).207

tableau amplitudes des sons partiels | note fondamentale | voyelles chantées208

tableau voyelles parlées | note fondamentale | amplitude des sons partiels

Pour les autres voyelles étudiées par M. Pipping, je me
borne à indiquer les sons partiels qui ressortent le plus :

tableau voyelles chantées209

tableau voyelles

tableau voyelles parlées210

tableau

La comparaison de ces chiffres est instructive. Elle l'est
encore bien plus dans les tableaux de M. Pipping, qui présentent
un plus grand nombre de notes et l'analyse de
plusieurs vibrations de la même voyelle choisies à différents
moments de la durée totale.

L'analyse de chacune des vibrations successives d'une
voyelle serait très intéressante. J'en trouve une qui se rapporte
aux 4 premières vibrations de ou (o), 367 v. d. La
voici telle qu'elle est donnée par l'auteur :

tableau vibration | amplitude | phase

La méthode d'analyse fondée sur le théorème de Fourier
a trouvé un adversaire dans la personne de M. Hermann.
Frappé de la forme générale de ses courbes et du
caractère hypothétique de l'analyse pratiquée avant lui, ce
211savant 1149 chercha dans une autre voie la solution du problème.
Les courbes fournies par son appareil (p. 125) représentent
presque constamment une petite période qui oscille en
intensité pendant la durée d'une plus grande. Or, il lui a
été facile de constater que la grande période correspond au
son fondamental ; par là, il fut induit à penser que la petite
pourrait bien répondre de même au son caractéristique de
la voyelle. La durée de la petite période comparée à la grande
donnerait donc la note cherchée, et cela par un procédé
extrêmement simple. Si l'on avait, par exemple, une petite
période qui serait contenue 5,34 fois dans la grande, et que
celle-ci fût de 146,8 v. d. à la seconde, le ton caractéristique
de la voyelle serait 146,8 x 5,34 = 783, c'est-à-dire sol4.

C'est à l'analyse même de Fourier que M. Hermann
demanda la confirmation de son hypothèse, mais au moyen
d'un petit artifice. A supposer que sa théorie soit juste et que
la voyelle soit caractérisée par un son, qui n'est pas nécessairement
un harmonique du son fondamental, l'analyse ne
pourra pas donner celui-ci directement, mais elle en
trahira la présence par les intensités qu'elle attribuera aux
harmoniques voisins. Le moyen de dégager le rang véritable
du son caractéristique consisterait donc à chercher
le rang moyen correspondant à toutes les intensités qui
ressortent le plus. Pour cela, M. Hermann multiplie chacune
des amplitudes par son rang, fait la somme des produits
obtenus et la divise par la somme des amplitudes : le
212quotient donne le rang du son caractéristique. Enfin il multiplie
par celui-ci la hauteur du son fondamental et obtient la
note même qui caractérise la voyelle. Soient les amplitudes
des sons partiels de la voyelle a calculées d'après une amplitude
totale de 2 mm.

tableau note chantée213

En appliquant à ces données son procédé de calcul,
M. Hermann a trouvé l'ordre et la hauteur du son caractéristique.

tableau voyelle a | note chantée | son caractéristique | ordre | nombre de vibrations

Essayons nous-mêmes de la méthode, par exemple, pour
la voyelle a chantée sur la note si2.

D'après l'avant-dernier tableau, les harmoniques 3, 4, 5
ressortent avec des amplitudes respectives de 0,74, 0,17,
0,13. La note fondamentale est de 246,9 v. d. à la seconde.
214Donc nous aurons :

0,74 x 3 + 0,17 x 4 0,13 x 5/0,74 + 0,17 + 0,13 x 246,9 = 842,78.

La note caractéristique est de 842,78 v. d., c'est-à-dire entre
sol4 et la4.

Les résultats qu'on obtient ainsi sont très voisins de
ceux auxquels conduit la simple comparaison de la petite
période avec la grande, comme on le voit dans le tableau
qui suit, où les longueurs sont données en millimètres.

tableau note chantée | longueur de la période | son caractéristique | nombre de vibrations | note215

C'est ainsi que M. Hermann assigne aux voyelles a, e,
i, o, ou les régions propres de résonance qui suivent 1150 :

tableau a | e | i | o | ou

Une analyse plus récente et plus complète 2151, faite sur les
courbes du phonographe, a donné des variantes et a indiqué
deux régions de résonance pour e et pour ou.

tableau e | i | o | ou | å | è | ä | eu | ö | u | ü

Voici quelques-uns des chiffres obtenus au moyen de
l'analyse de Fourier, sur lesquels s'appuient ces résultats.
L'amplitude des sons partiels est donnée en dixièmes de
millimètre, l'amplitude du son complexe étant de 10 millimètres.
Les chiffres entiers représentent donc des centièmes
de l'amplitude totale.216

tableau note chantée | voyelle217

La théorie de M. Hermann a été combattue par
M. Pipping au nom de la physiologie, l'oreille ne faisant
en somme que l'analyse de Fourier, par M. Hensen au
nom de la physique, une lamelle d'air vibrante, comme
celle qui passe par le larynx, ne pouvant faire résonner que
des masses d'air dont le son propre correspond à l'un de
ses harmoniques ou en est si voisin qu'il est capable de le
faire ressortir. Des expériences ont été essayées pour et
contre ; mais elles paraissent s'être montrées tour à tour
favorables à ceux qui les faisaient 1152.

M. Kœnig a reproduit, avec sa nouvelle sirène à ondes,
quelques voyelles d'après les courbes de M. Hermann. Les
résultats, suffisants pour a, e, o, ont été mauvais pour ou 2153.
Mais l'appareil de M. Kœnig permet de pousser plus loin
et de chercher la source de l'erreur en reproduisant l'un
après l'autre chacun des sons partiels (p. 173). Or, la courbe
construite d'après les données de M. Hermann rend bien
les sons partiels indiqués. L'erreur serait donc dans la
courbe. (Comparez les expériences de Eichhorn, p. 207.)

L'analyse de M. Hermann a été continuée par M. Bœke,
de Alkmaar en Hollande, qui a étudié la petite et la grande
période d'après des mesures directes prises sur les tracés
mêmes du phonographe (p. 118).218

Voici la plupart de ses voyelles :

tableau voyelles | résultats de Hermann219

Dans ce tableau :
n — note fondamentale,
L = longueur de la grande période,
l = longueur de la petite,
n. L/l = son caractéristique.

Les chiffres marqués d'un astérisque se rapportent à des
périodes que l'on pourrait croire doubles et que l'auteur a
comptées comme simples pour demeurer d'accord avec
M. Hermann. L'entreprise, en effet, offre des difficultés
énormes, et l'auteur a dû se laisser guider, dans bien des
cas, par les conclusions de son maître.

Dans ses premières opérations, M. Bœke n'avait tenu
compte que de la longueur et de la largeur des tracés.
Comme contrôle, il en établit de nouvelles sur leur profondeur.
Il calculait celle-ci d'après la largeur, reportait en
millimètres sur le papier les points ainsi obtenus et analysait
la courbe qui en résultait, avec 40 ordonnées, selon
les procédés de M. Hermann. Le son caractéristique de l'a,
qui aurait, suivant la première façon de mesurer, de 640 à
722 vibrations, se trouverait en avoir, d'après la seconde,
de 1037 à 1080.

Enfin M. Bœke s'est appliqué à faire ressortir l'influence
que la note fondamentale lui paraît avoir sur la hauteur du
son caractéristique de l'a ; celui-ci serait d'autant plus aigu
que la note fondamentale serait plus élevée. Ainsi, pour un
a chanté depuis e (132 v. d.) jusqu'à d1 (297 v. d.), le son
caractéristique monterait depuis 865 jusqu'à 1185 v. d. 1154.

La photographie directe des vibrations de la voix dans
220l'air libre (p. 137) a montré à M. Raps le son fondamental
avec un harmonique supérieur, qui varie dans les limites
suivantes, d'après le diapason de 435 vibrations (v. d.) :

tableau a fermé | o | ou | u

soit pour le détail :

tableau voyelles | sons partiels

Enfin, je dois signaler les expériences faites avec le
phonographe qui ont été apportées comme argument dans
ta discussion sur la nature des voyelles, et d'abord celles
qui consistent à transposer la masse totale d'un son à
des hauteurs variées.

Carence, J. Blake et R. Cross de Boston 1155, sont les premiers,
je crois, qui se soient livrés à des observations de ce
221genre, dans le but de vérifier la théorie de Helmholtz.
Voici quelques-unes de leurs expériences :

On grave les voyelles ou et o pendant que le cylindre fait
un tour par seconde. A la même vitesse, le son se reproduit
fidèlement. A une vitesse double, ou est indistinct ; o donne
clairement ĕ. A une vitesse moitié moindre, on entend ou, au.

Le cylindre tourne à des degrés différents de vitesse.
En débutant par une vitesse moindre, o est entendu d'abord
au, puis ō, ë, ĕ, qui retombe à ë, si on ralentit un peu.

La voyelle è (ä), gravée à la vitesse d'un demi-tour
par seconde, se fait entendre au, qui se change en ä à la
vitesse d'un tour, en ĭ à celle de trois par seconde.

On prononce plusieurs fois successivement la voyelle
o, tout en augmentant la vitesse de rotation. Si l'on reproduit
le son avec une vitesse uniforme et lente, on entend
au et ou ; avec une vitesse plus rapide, ĕ et i.

Les expériences de Blake et Cross datent de près de trente
ans. Nous pouvons les refaire aujourd'hui avec plus de
précision ; mais il reste toujours à éliminer l'équation personnelle.
Je les ai renouvelées plusieurs fois, d'abord seul,
puis avec le concours de mon neveu Fauste Laclotte, qui
est des environs d'Agen, par conséquent d'un autre dialecte
que moi, et qui a des habitudes acoustiques différentes.

Nous avons gravé mes voyelles (P), celles de Fauste (F),
celles de mon beau-frère qui est de Damazan (L), et celles
de ma sœur (E), avec des vitesses de rotation de 32, 30,
25 et 15 tours par 1/4 de minute sur des cylindres ayant 172
ou 174 millim. de circonférence.

Nous avons choisi, pour faire répéter les voyelles gravées,
des nombres de tours répondant à des intervalles de la
gamme musicale (p. 9), c'est-à-dire, en descendant, avec
22230 tours, la tierce 25, la quinte 20, l'octave 15 ; avec 32 :
la seconde 30, la quarte 24, la sixte 20, la septième 18,
l'octave 16 (on peut y joindre la tierce 26,6…, soit
133,3… en 5/4 de minute, la quinte 21,3… ou 64 en
3/4 de minute). Le chiffre de 24 est plus commode encore :
il donne des nombres entiers pour chaque intervalle (en
comptant pour la seconde grave 85 tours en 1 minute, et
pour la septième 27 en 1/2 minute). En outre, il permet
de monter d'une quinte, ce qui suffit, car au delà les
voyelles parlées ne sont plus distinctes, et de descendre de
plus d'une octave, au-dessous de laquelle les bruits reproduits
sont un peu ce que l'on veut.

Je donne ici les résultats de notre dernière expérience,
faites sur mes voyelles (tableau n° 1) et sur celles de
Fauste (tableau n° 2), gravées à 24 tours et appréciées par
chacun de nous isolément. Les voyelles gravées sont :
á fermé, à ouvert, è ouvert, é fermé, i moyen, eu ouvert (œ̀),
eu fermé (œ́), u moyen, o ouvert (ò), o fermé (ó), ou moyen
(u), an (ã), in (), on (õ), un (œ̃).

On peut lire ces tableaux de deux manières : 1° de haut
en bas ; 2° en partant du ton sur lequel la parole a été proférée.
La première lecture nous apprend comment les
voyelles, altérées par la transposition d'une quinte aiguë,
reprennent, en descendant vers la note d'émission, leur
timbre naturel ; puis comment, transposées au-dessous, elles
s'altèrent de nouveau jusqu'à se perdre dans une diphtongue
indistincte (-) ou un son d'abord mourant (petit caractère)
puis imperceptible (-). La seconde lecture nous fait voir
par quelle série d'intervalles la masse sonore peut passer
sans que le timbre de la voyelle soit modifié sensiblement.

La lettre P marque mes appréciations ; F, celles de Fauste.223

tableau nombre de tours | intervalle musical | voyelles entendues224

tableau nombre de tours | intervalle musical | voyelles entendues225

A ces tableaux j'ajoute, à titre de renseignement, le
résumé de nos expériences précédentes. L'absence de note,
restrictive prouve qu'il y a eu identité dans les transformations
des voyelles émises et accord dans l'appréciation des
auditeurs.

Voyelles gravées a 32 et 30 tours au 1/4 de
minute et répétées à des vitesses différentes en descendant
la gamme.

Voyelle émise : á

tableau émission | audition

Voyelle émise : à

tableau émission | audition226

Voyelle émise : è.

tableau émission | audition

Voyelle émise é.

tableau émission | audition227

Voyelle émise : i.

i s'affaiblit graduellement. — L'i de Fauste, gravé avec une
vitesse de 32 tours, sonne pour moi u à la sixte.

Voyelle émise : œ̀.

œ̀, observé par Fauste, se conserve jusqu'à la fin ; pour mon
oreille, il devient œ́ :
(L, F) 32a, à la sixte ; (E) 32a, à la quarte ; (E, F) 30,
à la quinte.

Voyelle émise : œ́.

œ́ se conserve, sauf dans les cas suivants :

œ́ (P, E) devient u {pour 32a, à l'octave ; | 30, à la tierce (P) ;

œ́ (P) se nuance en u, pour 32b, à la septième ;

œ́ (L, F) devient u {pour 32a, à la quinte ; | 30, à la septième (F).

Voyelle émise : u.

u (P, E) s'affaiblit graduellement et se perd en œ ;
u (L, F) se modifie, avant de disparaître, en u (P).

Voyelles émises : ò et ó.

tableau émission | audition | quarte | quinte228

Voyelle émise : u.

u s'affaiblit graduellement, comme l'i.

Nasales.

Les nasales perdent peu à peu leur nasalité, qui disparaît
complètement entre la quinte et l'octave, sans que nous
puissions établir une règle précise.

Comme modifications, notons seulement :

ā entendu ō à la sixte ; —

ē (P) entendu, à la sixte, œ̄ (P), ā (F) ; enfin ē (L, F, E)
devenant œ̄ à la sixte (P).

Voyelles gravées a 30 tours au 1/4 de minute
et répétées a 36
(un peu moins d'une tierce au-dessus).

tableau voyelle émise | voyelle entendue

Nasales. — Pour moi, mais non pour Fauste,

tableau devient | persiste.

3e Voyelles gravées à 15 tours au 1/4 de minute
et répétées à des vitesses plus grandes
. — La gravure
à cette vitesse est défectueuse pour les voyelles parlées, car
229dès que l'on atteint 25 tours en les faisant répéter, les sons
deviennent indistincts.

Nous n'avons guère à relever que :

œ̀ (P) devenu è
et ò (P, F) » á, à la tierce aiguë.

Des conclusions ressortent de ces faits. Mais, avant de
les formuler, il est bon de multiplier et d'étendre les observations.

Le phonographe se prête encore à un autre genre d'expériences.
On peut, après avoir gravé un son, le renverser et
le faire répéter en commençant par la fin. Pour cela, on
rogne le cylindre de cire, on le rabote intérieurement de
façon à pouvoir l'introduire par les deux bouts et le centrer
convenablement.

M. Hermann, dans sa réplique à M. Kœnig 1156, rapporte
qu'un éminent physicien anglais lui a signalé l'influence
du renversement phonographique sur le timbre de l'a : cette
voyelle, reproduite à rebours du sens de la gravure, prendrait
la nuance qu'elle a dans la bouche d'un Prussien ou
d'un Tyrolien. Les expériences de M. Hermann contredisent
cette assertion et les miennes aussi. J'ai inscrit côte à
côte les voyelles a fermé, é, i, o fermé, o ouvert, en sorte
que, à l'audition, une voyelle directe succédait à une voyelle
inverse ou réciproquement. Or, dans ces conditions très
favorables pour l'acoustique, je n'ai pu découvrir aucune
différence. Si le fait signalé à M. Hermann est réel, il faut
qu'il soit dû, comme le soupçonne le célèbre physiologiste
de Kœnigsberg, à un vice dans l'expérimentation, ou
peut-être à une variété dialectale.230

Article II
Timbre des consonnes.

On ne peut vraiment pas dire que les physiciens se
soient occupés des consonnes.

Donders a recherché la hauteur du bruit caractéristique
de différentes sortes d'r. Ce serait, d'après lui, pour :

r1 (r labiale), de 76 à 316 v. d. ;

r2 (r linguale), de 30 à 35 v. d. ;

r2 (r grasseyée), de 19 à 28 v. d ;

r4 (r des Bas-Saxons, 'aīn des Arabes), 30 v. d.

D'après Donders encore, le bruit de f, s, ch est plus élevé
que celui de v, z, j 1157.

Helmholtz compare les bruits qui caractérisent la plus
grande partie des consonnes aux petits bruits qui accompagnent
la production des sons musicaux. D'après lui, le j
allemand (y) et le w anglais sont dus à un simple renforcement
des voyelles i et ou. Il classe à part r et l, qui sont
produits « par un tremblement irrégulier dans la bouche »,
et il assimile m et n aux voyelles 2158. Ces deux consonnes se
distingueraient en ce que les harmoniques sur n sont un
peu moins étouffés que sur m 3159.231

M. Kœnig n'a relevé que la forme de ses flammes manométriques 1160.

M. Wendeler 2161 trouve dans ses courbes 23 vibrations
par seconde pour son r (il ne dit pas laquelle), 43 pour
son ch.232

Chapitre V
Organes de la parole

Une description complète des organes de la parole nous
entraînerait bien au delà du but que nous devons nous
proposer ici. Nous nous bornerons donc à ce qui est nécessaire
pour définir au point de vue physiologique les éléments
du langage et pour en expliquer les transformations.

L'homme ne possède pas d'organes spéciaux uniquement
destinés à la parole. Il utilise pour cet objet : 1° l'appareil
respiratoire, 2° le larynx, 3° le pharynx, 4° la bouche,
5° le nez, 6° enfin, certaines parties du système nerveux.
Ce sera le sujet d'autant d'articles.

Article I
Appareil respiratoire.

La parole et, d'une façon générale, tous les sons du
langage sont produits par le courant d'air de la respiration.
Ce courant est double : l'un entre dans les poumons,
l'autre en son. Sous ces deux formes, il peut servir à
l'expression de la pensée ou de la volonté. Mais c'est surtout
au courant expiratoire que nous avons recours, n'employant
le courant inspiratoire que dans des cas isolés et
pour des intentions spéciales.233

Le principal organe de la respiration, les poumons
(fig.85, P) échappent à notre observation directe. Du reste,

image

Fig. 85.
Poumons et diaphragme.

C. Cœur. — P. Poumon. — D. Diaphragme.
1. Coupe des faisceaux postérieurs du diaphragme. — 2. Pilier droit. — 3. Pilier gauche. —
4. Section de la 8e côte.

leur capacité, ou plutôt la quantité d'air disponible qu'ils
peuvent tenir en réserve pour la parole, seule intéresse le
phonéticien. Elle peut se déterminer facilement au moyen du
spiromètre (p. 159), ou même d'un simple tambour avec
interposition d'un vase à double tubulure (p. 131) et une
échelle graduée (p. 153). Cette donnée est nécessaire dans
l'étude comparée du régime de l'air propre aux articulations
de diverses personnes ou même d'une seule personne considérée
à des moments différents. Sans elle, en effet, on serait
exposé à prendre pour des variétés dialectales des différences
purement individuelles ou transitoires, j'ai déjà fait ces
observations, et j'ai pu constater que la quantité d'air
employée peur la parole dépend à la fois de la capacité
absolue des poumons, et de l'état momentané du sujet parlant,
par exemple : s'il est assis ou debout, s'il sort de son
234lit ou revient de la promenade, etc. 1162. D'où il suit que toute
expérience ayant pour objet la dépense de l'air phonateur
a comme prélude obligatoire la constatation de l'état actuel
de la capacité pulmonaire.

Les forces vives qui concourent, avec l'élasticité des poumons,
à l'acte de la respiration sont les muscles inspirateurs
et les expirateurs, les uns et les autres agissant directement
sur la cage thoracique.

La cage thoracique est formée en arrière par la colonne vertébrale,
en avant par le sternum, sur les côtés par la double
rangée des côtes. Elle est limitée en bas par le diaphragme.

Les côtes, grâce aux muscles qui les séparent (les intercostaux,

image

Fig. 86.
(d'après Testut.)
Surcostaux et intercostaux.

1. Surcostaux — 2. Intercostaux internes. — 3. Intercostaux externes.

fig. 86, 2, 3) et à leur obliquité sur la colonne vertébrale,
augmentent et diminuent périodiquement la capacité du
thorax, suivant qu'elles sont soulevées ou abaissées. Ce double
mouvement a pour effet l'appel et le rejet alternatifs de l'air.
C'est le jeu du soufflet. Les muscles respiratoires sont donc
les muscles qui ont pour action d'élever ou d'abaisser les côtes.235

On distingue deuz types de respiration : la respiration
costo-supérieure et la respiration costo-inférieure.

Dans le premier type, qui est le plus commun chez les
femmes, le rôle principal dans l'inspiration appartient aux
muscles de la région supérieure :

image

Fig. 87.
(d'après Testut.)
Les deux petits dentelés postérieurs. (Le petit et le grand rhomboïde ont été
soulevés et érignés en dehors ; le grand dorsal a été enlevé.)

I. Petit dentelé postérieur et supérieur. — 2. Petit dentelé postérieur et inférieur.
CVII. 7e vertèbre cervicale. — DXII. vertèbre dorsale.

Les surcostaux, entre les extrémités postérieures des
côtes et les apophyses des vertèbres (fig. 86, I) ;236

Les scalènes (σκαληνός, inégal), entre les premières côtes
et les vertèbres cervicales (fig. 102, 16, 17 ; 104, 16) ;

Le petit dentelé postérieur et supérieur, entre le ligament
cervical, la 7e cervicale, les trois premières dorsales et les
côtes (fig. 87, 1).

A ces muscles se joignent dans l'inspiration forcée :

Le sterno-clédo-mastoïdien (fig. 102, 14), entre la partie

image

Fig. 88.
(d'après Testut.)
Muscles de l'abdomen (couche moyenne).

1. Grand droit ; 1. faisceaux d'insertion ; 1. coupe de . — 2. Coupe du grand
oblique. — 3. Petit oblique. — 4. Grand dentelé. — 5. Intercostaux externes. — 6. Intercostaux
internes. — 7. Ombilic. — C*. 6e côte.

supérieure du thorax et l'apophyse mastoïde (fig. 100, C) ;237

Le grand dentelé (fig. 88, 4 ; 89, 2), entre les neuf
ou dix premières côtes et le bord spinal de l'omoplate ;

image

Fig. 89.
(d'après Testut.)
Muscles de l'abdomen (couche superficielle).

1. Grand pectoral. — 2. Grand dentelé. — 3. Grand oblique ; 3′. son aponévrose d'insertion.
4. Ligne blanche. — 5. Grand droit enfermé dans sa gaine. — 6. Ombilic.

3° Le grand pectoral (fig. 89, I), entre les six ou sept
premières cotes, le sternum, la clavicule, etc. ;

4° Le petit pectoral, situé au-dessous du précédent, entre
les côtes et l'apophyse caracoïde de l'omoplate.238

Dans le type de respiration costo-inférieur, qui est celui
des hommes, c'est l'action du diaphragme qui prédomine.
Ce muscle (fig. 86) s'insère sur le bord supérieur des six
dernières cotes et s'élève en forme de dôme. En se contractant,
il agrandit le thorax suivant ses trois diamètres : vertical,
antéro-postérieur et transversal.

L'expiration s'accomplit d'ordinaire par le retour naturel

image

Fig. 90.
(d'après Testut.)
Muscle de l'abdomen (couche profonde).

1. Transverse ; 1′. son aponévrose. — 2. Grand droit ; 2′.  . — 3. Ombilic
4. Arcade crurale. — C3. 5e côte.

des organes à leur position première. Mais, quand elle
239réclame un effort, comme dans la parole notamment, elle a
besoin du concours des muscles qui peuvent abaisser les
côtes, à savoir :

1° Le petit dentelé postérieur et inférieur (fig. 87, 2), entre
les quatre dernières côtes et les dernières dorsales ou les
premières lombaires ;

2° Le grand droit (fig. 88, 1 ; 90, 2, 2′), entre la pointe
du sternum (apophyse xiphoïde), les 5e, 6e et 7e côtes et
le corps du pubis ;

3° Le grand oblique (fig. 89, 3) entre les sept ou huit
dernières côtes et l'os coxal, l'arcade crurale (fig. 90, 4) et
la ligne blanche (fig. 89, 4) ;

4° Le petit oblique (fig. 88, 3), entre les dernières côtes
et la ligne blanche, les deux ou trois vertèbres lombaires et
le pubis ;

5° Le transverse (fig. 90, 1), entre la colonne vertébrale
et la ligne blanche.

Le régime du souffle employé dans la phonation et les
mouvements musculaires qu'il nécessite sont des documents
précieux pour le phonéticien. Ils lui font connaître le début
et l'intensité de la lutte vocale : par conséquent, ils le renseignent
sur le travail phonateur, la nature des articulations,
les variations de force et certaines modifications de
timbre.

Pour déterminer la direction et le volume de la colonne
d'air, le moyen le plus sûr est d'explorer les mouvements
de la cage thoracique à l'aide du pneumographe (p. 88)
placé dans la région des 7e ou 8e côtes chez les hommes,
des côtes supérieures chez les femmes. On remarquera
d'une façon générale que les inspirations deviennent plus
profondes et que l'expiration se ralentit dans l'acte de la
parole ; que le surplus de l'air mis en réserve est normalement
240expulsé par le nez après l'arrêt de la voix et avant
l'inspiration suivante, et qu'une légère avance dans ce mouvement
lui fait nasaliser dans certains dialectes les voyelles
finales ; que le volume d'air expiré est inversement proportionnel
à la force d'occlusion, et que les diverses étapes de
l'évolution du k et du g latins, par exemple, concordent
avec une augmentation progressive de la dépense d'air
jointe à une détente simultanée de la puissance occlusive.
Mais, comme les tracés obtenus pour chaque articulation
sont assez peu étendus, il est nécessaire de recourir à un
petit artifice pour rendre les différences appréciables 1163 : on
répète plusieurs fois de suite la même syllabe, puis on
calque les tracés, on les transporte les uns sur les autres
en faisant coïncider les lignes d'inspiration, et le degré de la
dépense relative de l'air, faite pour chaque articulation,

image

Fig. 91.
Comparaison de la dépense d'air d'après les tracés du thorax.

saute aux yeux. On le voit nettement dans la figure 91,
où le volume de l'air expiré est d'autant plus considérable
que le tracé se rapproche davantage de la verticale.241

La détermination et la mesure de l'effort organique se
font aussi au moyen du pneumographe appliqué sur les
muscles expirateurs. Comme ceux-ci ne se contractent
qu'en se raccourcissant, ils se gonflent dès qu'ils se mettent
en œuvre, et leur tracé a pu être confondu avec celui d'une
inspiration. On prépare l'expérience en recherchant préalablement,
à l'aide du toucher, les points les plus favorables
à l'exploration : le petit dentelé postérieur et inférieur, le
grand droit au-dessus du nombril, les obliques et le transverse
sur les côtés de l'abdomen donnent des mouvements
d'une certaine ampleur ; lorsque l'on est couché sur le dos,
la projection de l'abdomen en avant est très notable et
fournit de très beaux tracés.

Le jeu des muscles expirateurs nous procure le premier

image

Fig. 92.
Travail des muscles de l'abdomen.

A. Tracé des muscles de l'abdomen. — B. Tracé des mouvements de la colonne d'air parlante
(les vibrations sont représentées schématiquement). — 1. 1′, 2, 2′, début du travail
phonateur. — a, contraction des muscles de l'abdomen pour la syllabe pa prononcée d'une
voix modérée. — b, contraction musculaire pour la même syllabe dite d'une façon très
énergique.

indice du travail vocal. Ainsi, dans la figure 92, le tracé
supérieur (B), qui est celui de la colonne d'air prise au sortir
de la bouche, ne fait connaître que le moment de
l'explosion ; mais le tracé de la contraction musculaire de
l'abdomen (A) nous montre, en se redressant, l'instant précis
où le mécanisme de la parole s'est mis en branle.242

Certaines consonnes sont caractérisées par l'intervention
des muscles expirateurs. Ce sont :

Les aspirées, qui se distinguent nettement, à ce point
de vue, de toutes les autres consonnes, y compris le ch dur
allemand ;

Les consonnes dites redoublées, qui diffèrent des
simples par l'intensité et la durée. Comparer (fig. 92) papa
et oui ppa. L'amplitude du tracé (A) marque l'intensité de
l'effort.

Les autres articulations ne demandent une action bien
sensible des muscles expirateurs que dans la prononciation
énergique. Comparer (fig. 92) pa prononcé d'une voix
modérée (a) et dit avec effort (b). Si donc on voulait juger,
parle travail musculaire de l'abdomen, de l'intensité relative
des syllabes, il faudrait parler d'une voix forte et
animée.

En dehors de l'exploration musculaire, nous pouvons
encore, et même plus commodément, reconnaître le souffle
phonateur, en le recevant au sortir de la bouche et du nez
dans le spiromètre ou le tambour à levier. Il y a cette différence
entre les deux procédés que le spiromètre convient
uniquement aux articulations isolées, tandis que le tambour
peut également bien servir pour les groupes de syllabes
(voir p. 131). La figure 92 montre la concordance
des tracés de l'air expiré avec ceux des muscles expirateurs.

L'air est conduit hors des poumons par un canal rigide,
la trachée-artère (fig. 99, F), qui nous donne des indications
concordantes avec celles des muscles expirateurs. On y
ressent, en effet, très bien la pression de l'air comprimé
dans les poumons en vue des articulations énergiques et la
production de sons très aigus.

Cagniard-Latour a eu l'occasion d'étudier directement,
243sur un malade portant une fistule de la trachée, la pression
de l'air dans le chant et le cri. Voici les indications fournies
par son manomètre introduit dans la fistule :

Chant sur un ton modérément élevé, pression de 160 mm
d'eau ; chant sur un ton plus élevé, avec même force de
voix, pression de 200 mm ; cris d'appel, 945 mm 1164.

Pour l'expiration normale, Valentin avait trouvé une
pression de 60 mm ; pour une expiration énergique, 140 mm 2165.

La trachée se compose d'une membrane fibreuse, de
cercles cartilagineux et de fibres musculaires, le tout tapissé
d'une membrane muqueuse. Elle est douée d'une grande
élasticité : elle peut s'allonger, se raccourcir, entraînée ou
repoussée par le larynx, et se dilater sous l'effet de la
colonne d'air expiré.

La dilatation latérale de la trachée est saisie très commodément
par les deux branches de l'explorateur des lèvres
(p. 92) ; sa projection en avant et son mouvement ascensionnel
par l'explorateur du larynx (p. 99).

Article II
Larynx.

Le larynx est l'organe producteur du son proprement dit.
Il est situé au sommet de la trachée-artère et maintenu en
244position par des muscles qui le rattachent à l'os hyoïde et
à la base supérieure du thorax. La charpente du larynx est
formée de plusieurs pièces cartilagineuses (fig. 93) :

image

Fig. 93.
Cartilages du larynx.

(A gauche, vue de face ; au milieu, vues de côté : 1 à l'intérieur, 2° à l'extérieur ;
à droite, vue de la face postérieure.)

A. Cartilage thyroïde. — B. Cartilage aryténoïde. — C. Cartilage 
D. Cartilage cricoïde. — E. Os hyoïde.
I. Corde vocale.

Le cartilage cricoïde (κρίκoς, anneau), D, qu'on peut
comparer à une bague dont le chaton serait tourné en
arrière, est relié par une membrane au premier anneau de
la trachée et sert de point d'appui pour les cartilages thyroïde
et aryténoïde.

Le cartilage thyroïde (, bouclier), ou pomme
d'Adam, A, s'articule par ses cornes inférieures avec le
245cartilage cricoïde, auquel il est uni dans sa partie moyenne
par une membrane très élastique et très résistante (crico-thyroïdienne).
Il est relié à l'os hyoïde : sur les côtés, par
ses cornes supérieures et de petits cordons fibreux (les
ligaments thyro-hyoïdiens) (fig. 97, 1) ; au milieu, par la membrane
thyro-hyoïdienne (fig. 96, 5 ; 97, 1′) ;

Les cartilages aryténoïdes (άρύταινα, vase pour puiser),
B, ont la forme d'une pyramide triangulaire et, au nombre
de deux, s'articulent par leur base avec le bord supérieur
du cartilage cricoïde. En avant et en arrière des facettes

image

Fig. 94.
Larynx (coupe sagittale).

A. Cartilage thyroïde ; A′. sa corne supérieure. — B. Cartilage cricoïde. — C. Cartilage
aryténoïde. — D. Cartilage corniculé. — E. Épiglotte. — H. Os hyoïde ; H′. sa grande
corne. — L. Base de la langue. — T. Trachée.
1. Corde vocale supérieure. — 2. Corde vocale inférieure. — 3. Ventricule. —
4. Muscle ary-aryténoïdien.

articulaires, les bases des aryténoïdes se prolongent par
deux apophyses, l'une interne, l'autre externe.246

Les cartilages corniculés, C, sont situes immédiatement
au-dessus des aryténoïdes.

L'épiglotte (fig. 94, E ; 99, 17), qui joue à l'égard du
larynx le rôle d'un couvercle, s'attache au thyroïde par
une languette fibreuse et aux aryténoïdes par deux ligaments
larges et minces.

C'est entre l'angle rentrant du thyroïde et les aryténoïdes
que s'étendent, adhérentes sur toute leur longueur au cartilage,
les cordes vocales (les deux supérieures et les deux
inférieures, fig. 94, 1 et 2), séparées les unes des autres par
les ventricules de Morgagni (fig. 94, 3). Elles sont formées
chacune par un repli de la muqueuse, une lame élastique
(les ligaments thyro-aryténoïdiens) et un faisceau musculaire
qui n'a d'importance que dans les cordes vocales inférieures.
Les points d'insertion des cordes vocales sur les aryténoïdes
sont : pour les supérieures, la partie moyenne de
la face antéro-externe ; pour les inférieures, l'apophyse
interne.

Les cordes vocales inférieures méritent seules leur nom,
car les supérieures peuvent être incisées sans nuire sérieusement
à la phonation.

Elles circonscrivent entre elles une fente qui porte le nom
de glotte. La partie de la glotte qui est constituée par les
cordes vocales est dite glotte interligamenteuse ou vocale ;
elle mesure de 20 à 24 mm chez les hommes, de 19 à 20 mm
chez les femmes. Celle qui se trouve comprise entre les
deux faces internes des aryténoïdes est désignée sous le
nom de glotte cartilagineuse ou respiratoire.

Toutes les pièces du larynx, sauf le cartilage corniculé,
donnent insertion à des muscles, auxquels, pour la plupart,
elles prêtent leurs noms. Ces muscles sont au nombre de 15,
dont 11 sont propres au larynx, et, sur ces onze, 10 vont par
247paires. Nous les décrirons sommairement les uns après les
autres.

I. Muscles propres au larynx :

Les thyro-aryiénoïdiens (fig. 95. A, 1, 1′) s'attachent sur
les deux tiers inférieurs de l'angle rentrant du thyroïde,

image

Fig. 95.
(d'après Testut.)
A
Larynx (coupe frontale).

B
Larynx (vue latérale, l'aile du thyroïde
incisée et érignée en bas).

A. 1. Thyro-aryténoïdien, faisceau interne ; 1′. faisceau externe. — 2. Aryténo-épiglottique. —
3. Crico-thyroïdien. — 4. Thyro-hyoïdien.

B. 1. Thyro-aryténoïdien. 1′. son faisceau arysyndesmien ; 1″. son faisceau thyro-épiglottique. —
2. Crico-arytenoïdien latéral. — 3. Crico-aryténoïdien postérieur.

puis ils se divisent en deux faisceaux : l'un interne, cheminant
dans les cordes vocales inférieures, l'autre externe.
Le faisceau interne, prismatique triangulaire, se fixe sur
l'apophyse vocale de l'aryténoïde ; le faisceau externe, aplati
transversalement, sur le bord externe du même cartilage,
depuis la base jusqu'au sommet (fig. 95, B, 1, 1′, 1′).

Les crico-aryténoïdiens latéraux (fig. 95, B 2), situés en
dedans des ailes du thyroïde, s'étendent de la partie latérale
248du bord supérieur du cricoïde à l'apophyse externe de
l'aryténoïde.

Les crico-aryténoïdiens postérieurs(fig. 97, 3 ;95, B, 3)
prennent chacun naissance sur la face postérieure du chaton
du cricoïde. De là, leurs fibres, suivant des directions
diverses, les unes horizontales, les autres presque verticales,
se jettent sur un petit tendon qui est attaché à
l'apophyse externe de l'aryténoïde.

image

Fig. 96.

Larynx (vue postérieure).

image

Fig. 97.

Larynx (vue antérieure).

(d'après Testut.)

A. Os hyroïde. — B. Cartilage thyroïde. — C. Cartilage cricoïde. — D. Trachée. —
E. Épiglotte.

Fig. 96 : 1, 1′. Thyro-hyoïdien. — 2. Insertion supérieur du sterno-thyroïdien. — 3. Insertion
du pharyngo-staphylin. — 4, 4′. Crico-thyroïdien — 5. Membrane thyro-hyoïdienne.
Fig. 97 : 1. Ligament thyro-hyoïdien. 1′. Membrane thyro-hyoïdienne. — 2. Ary-arténoïdien.
— 3. Crico-aryténoïdien postérieur.

L'ary-arténoïdien (fig. 97, 2 ; 94, 4), muscle impair,
se compose de deux portions : une portion oblique, formée
de deux faisceaux (a, a′) qui s'entre-croisent, reliant chacun
la partie postérieure de l'apophyse de l'un des aryténoïdes
avec le sommet de l'autre ; une portion transversale, qui
rattache les bords extérieurs des deux aryténoïdes.249

Les crico-thyroïdiens (fig. 96, 4, 4′) s'insèrent en bas
sur la face antérieure du cricoïde, et de là se portent, en
rayonnant, sur le thyroïde.

Les aryténo-épiglottiques (fig. 95, A, 2), petits muscles
peu importants qui vont du sommet des aryténoïdes à
l'épiglotte.

II Muscles prenant leurs insertions sur le larynx et sur
les parties voisines :

Les sterno-thyroïdiens (fig. 102, 12 ; 96, 2), situés
au-dessous des sterno-cléido-hyoïdiens, s'insèrent d'une part
sur le premier cartilage costal et la poignée du sternum,
d'autre part sur les deux tubercules de la face externe du
thyroïde.

Les thyro-hyoïdiens (fig. 96, 1, 1′) continuent les précédents
et s'attachent sur le bord inférieur du corps et des
grandes cornes de l'os hyoïde.

Le constricteur inférieur du pharynx (fig. 100, 3) prend
naissance sur le thyroïde et sur le cricoïde, puis se dirige
vers la face postérieure du pharynx.

Les stylo-pharyngiens (fig. 100, 5), muscles longs et
grêles, descendent des apophyses styloïdes et, passant entre
les constricteurs du pharynx, viennent s'insérer en partie
sur l'épiglotte et le thyroïde.

Les palato-pharyngiens ou pharyngo-staphylins (fig. 96, 3).
Voir p. 265.

Le fonctionnement du larynx a été étudié par un
grand nombre de physiologistes et d'après des méthodes
variées. Les uns (Garcia, 1855 ; Türck, Czermak, 1857 ;
Bataille, 1861 Vacher, 1877 ; Oertel, Hirschberg, 1878)
ont fait leurs observations sur l'homme vivant ; d'autres
(Jelenffy, 1873 ; Michael, 1876), sur la glotte malade ;
d'autres (Magendie, 1816 ; Longer, 1841 ; Segond, 1849 ;
250Krause, 1884 ; Hooper, 1885), sur l'animal, au moyen de
la vivisection ; d'autres encore (Cagniard-Latour, 1836 1166 ;
J. Müller, 1845 ; Hariess, Fournié, 1866 ; Spitta, 1875 ;
Koschlakoft, 18S4), sur des larynx artificiels ; d'autres enfin
(Ferrein, 1741 ; Müller, Liscovius, 1846 ; Merkel, 1857 ;
Lermoyez, 1886), sur le cadavre. M. Lermoyez a renouvelé
les expériences de ses devanciers et en a fait d'autres,
notamment sur des cholériques auxquels il appliqua l'excitation
électrique. Son travail 2167 est d'un grand intérêt. Je ne
puis mieux taire que de l'analyser et d'y renvoyer le lecteur.

Voici d'abord comment, depuis Müller, se pratique l'expérience
sur le cadavre. Le larynx est rapidement disséqué
et toutes les parties sus-glottiques enlevées. Un fil, attaché
sur le thyroïde, au point d'insertion des cordes vocales pend
verticalement et soutient un plateau pour les poids qui
simuleront l'action du crico-thyroïdien. Du même point
part un autre fil, qui se dirige horizontalement en arrière et
se réfléchit sur une poulie, pour représenter le muscle thyro-aryténoïdien.
Les cartilages aryténoïdes, traversés par une
broche horizontale, sont maintenus fixés sur une planchette,
ainsi que le chaton du cricoïde. Enfin, un tube de caoutchouc
adapté à la trachée permet d'y envoyer le souffle.

Par ce moyen, M. Lermoyez a constaté, entre autres faits,
les suivants :

La glotte intercartilagineuse étant ouverte dans toute
sa largeur, quelles que soient la tension des cordes vocales et
251la pression de l'air, aucun son ne peut être obtenu ; mais,
dès que les apophyses vocales arrivent au contact, on voit
se détacher deux membranes grises qui viennent vibrer dans
la lumière de la glotte, qu'elles rétrécissent, et un son flûté
(la voix de tête) se fait entendre.

Dans ces conditions, la muqueuse seule vibre : car, d'une
part, si l'on pique avec une aiguille la partie vibrante, il n'y
a que la muqueuse de traversée ; si on touche celle-ci, le
son est altéré ; si on la coupe, le son cesse ; d'autre part,
on peut toucher la partie ligamenteuse sans modifier le
son ; un point noir, placé dessus, reste immobile.

Si, sans rien changer à l'expérience, on exerce avec
une pince en T une légère pression de chaque côté de la
glotte de dehors en dedans, les oscillations vibratoires
prennent plus d'étendue, l'espace fusiforme central se rétrécit,
et le son produit a un timbre mordant mieux anché et
plus sonore : c'est la voix de poitrine 1168.

La muqueuse et le ligament fibreux sont alors en vibration.
On s'en assure en piquant avec une aiguille la partie
vibrante, en touchant successivement et en coupant la
muqueuse et le ligament, en plaçant un point noir sur la
couche fibreuse : le muscle ne vibre pas. Ce dernier fait est
confirmé par les expériences pratiquées sur les animaux.

Le larynx étant en position d'équilibre vocal et émettant
un son donné, on fait monter le son d'environ dix
252notes en tirant de haut en bas sur l'angle du thyroïde, d'une
tierce en comprimant de dehors en dedans les lames du
même cartilage. Par contre, on fait baisser le son d'une
quarte à une sixte en tirant d'avant en arrière sur le thyroïde,
d'une tierce environ en appuyant de dedans en
dehors sur ses lames.

Müller, opérant sur un larynx d'homme avec une pression
d'air toujours égale, a établi la concordance suivante
entre la hauteur musicale et la tension exprimée en
grammes :

tableau notes | gammes

Les cordes vocales étant maintenues à un degré fixe
de tension musculaire, un changement de pression de l'air
expiré peut faire varier la hauteur du son d'une quinte
253dans l'octave inférieure, d'une tierce dans l'octave supérieure.
Quand le son monte ainsi par simple accroissement de la
force du souffle la glotte est d'autant plus large et les cordes
vocales sont d'autant plus bombées que le son est plus
élevé.

Le larynx était en position de voix de poitrine, si l'on
augmente la force du souffle, le son monte d'une quarte
sans changer de timbre ; mais si l'on souffle avec une force
extrême, il atteint l'octave, et passe au registre du fausset :
dans ce cas, la muqueuse seule vibre et l'espace glottique
est devenu fusiforme.

Des recherches électriques de M. Lermoyez sur les
muscles des cholériques, nous retiendrons ceci :

Les ary-aryténoïdiens excités transversalement à travers
la muqueuse pharyngienne rapprochaient en masse
les deux cartilages aryténoïdes et accolaient leurs faces
internes dans toute leur portion verticale, de façon à effacer
complètement la glotte intercartilagineuse ;

Les thyro-aryténoïdiens, qui s'électrisent très facilement,
se gonflaient et entraînaient en avant les aryténoïdes
vers le thyroïde ;

Les cordes supérieures se contractaient sur les larynx
d'hommes ;

Le ventricule de Morgagni se contractait et perdait de
sa capacité, fournissant ainsi un appui à la théorie qui fait
de cet organe une sorte de résonnateur s'accordant avec le
son de la glotte ou l'un de ses harmoniques.

Sur ces expériences, il est facile d'édifier une théorie
générale de la phonation.

La première condition à réaliser pour la production de
la voix et de ses modulations c'est un certain degré d'occlusion
de la glotte et de tension des cordes vocales.254

L'occlusion de la glotte intercartilagineuse est produite
par l'ary-aryténoïdien ; celle de la glotte ligamenteuse, par
les crico-aryténoïdiens latéraux.

L'ary-aryténoïdien rapproche, par un mouvement de translation
directe, les bords postérieurs des aryténoïdes ; mais il
laisse une certaine liberté aux apophyses vocales.

Les crico-aryténoïdiens latéraux, de leur côté, en exerçant
une traction sur les apophyses externes, repoussent en
dedans les apophyses vocales et les accolent fortement l'une

image

Fig. 98.
Action des muscles crico-aryténoïdiens (schéma).

T. Cartilage thyroïde. — A. Aryténoïde.
b′. Action des muscles crico-aryténoïdiens postérieurs. — c′. Action
des crico-aryténoïdiens latéraux.

a. Position de repos des cordes vocales. — b. Position des cordes vocales après la contraction
des crico-aryténoïdiens postérieurs (b′). — c. Position des cordes vocales après la contraction
des crico-aryténoïdiens latéraux (c′).

I. Apophyse externe attirée en I′ par b′, en I″ par c′. — 2. Apophyse vocale repoussée en 2′
par b′, en 2″ car c′.

Deux pointillés différentes indiquent la position normale des cordes vocales et des aryténoïdes, et
celle qui résulte de l'action de b′ ; la ligne pleine, celle qui est prise en conséquence de t′, b′
c′

contre l'autre (fig. 98). L'accolement des apophyses vocales,
indispensable dans l'émission des sons aigus, n'est pas nécessaire
pour la production des sons graves.

La tension des cordes vocales ne peut être obtenue que
255si le thyroïde et les aryténoïdes ont été préalablement fixés.

Or, l'immobilisation du thyroïde est due à la contraction
simultanée des thyro-hyoïdiens ; celle des aryténoïdes, à l'action
combinée des péri-aryténoïdiens à laquelle concourent,
comme antagonistes des deux muscles dilatateurs de la
glotte, les crico-aryténoïdiens postérieurs. Par leurs fibres verticales,
ceux-ci font latéralement glisser en dehors et en
bas les aryténoïdes sur les surfaces articulaires obliques des
cricoïdes, et luttent contre l'ary-aryténoïdien ; par leurs
fibres horizontales, ils tirent en dedans les apophyses postérieures
des aryténoïdes et, les faisant pivoter sur leurs axes
verticaux, dirigent en dehors les apophyses vocales, entrant
ainsi en lutte contre les crico-aryténoïdiens latéraux, qui
les portent en dedans (fig. 98). Résultante : l'immobilisation
des aryténoïdes.

La tension des cordes vocales est obtenue au moyen des
muscles crico-thyroïdiens, qui, en faisant basculer le cricoïde
sur le thyroïde, éloignent de la base des aryténoïdes l'angle
rentrant du thyroïde et, par conséquent, allongent les
cordes vocales. Telle est l'action générale de ces muscles ;
mais elle peut se décomposer en trois forces, à savoir : A,
élevant le cricoïde ; B, tirant le thyroïde en avant et le cricoïde
en arrière, avec le constricteur inférieur du pharynx
comme antagoniste ; C, rapprochant les lames du thyroïde
et éloignant l'angle antérieur, en luttant contre l'élasticité
du cartilage et les muscles sterno-thyroïdiens.

Les cordes tendues, il reste à les libérer pour la production
de la voix. Ce rôle revient, dans la voix de poitrine,
au faisceau interne des thyro-aryténoïdiens. Quoiqu'on ait
fait de ces muscles des constricteurs des cordes vocales, il
semble bien qu'ils aient pour fonction principale de relâcher,
en se contractant, les cordes vocales ligamenteuses, et de
256leur permettre d'entrer en vibration. De plus, en se gonflant,
ils exercent sur elles une pression latérale de dehors en
dedans qui assure le maintien de la voix de poitrine.
Dans la voix de fausset, le ligament vocal reste accolé au
muscle et la muqueuse seule peut vibrer, détachée par le
courant d'air. Cette manière de voir s'appuie non seulement
sur les faits déjà rapportés, mais encore sur l'observation
laryngoscopique faite en éclairant fortement le cou chez des
sujets maigres : « On voit la lumière, dit M. Stœrk, paraître
de mieux en mieux à travers les cordes vocales à mesure
que le son monte, jusqu'à ce que, dans le registre de
fausset, il semble n'y avoir plus qu'une fine membrane qui
recouvre la source lumineuse ». Quant aux faisceaux
externes des thyro-aryténoïdiens, ils ne serviraient, d'après
M. Lermoyez, qu'à accommoder la cavité résonnante des
ventricules laryngiens.

Lorsque les muscles tenseurs et relâcheurs sont dans un
état d'équilibre parfait, le son qui est émis répond à une
note donnée : c'est l'intonation normale. M. Lermoyez a
résumé ses observations à ce sujet dans le tableau suivant :

tableau voix | étendue du registre de poitrine | intonation normale | basse | baryton | ténor | ténor-trial257

Indépendamment de la contraction des muscles thyro-aryténoïdiens,
qui les tendent activement, les cordes vocales
subissent de la part de l'air expiré une tension passive.
C'est grâce à cette double force que la compensation, vocale
peut s'établir, c'est-à-dire qu'une note peut être variée dans
son intensité sans être modifiée dans sa hauteur. Dans ce
cas, la tension active des cordes vocales diminue quand la
tension passive augmente, et inversement, de façon que
la somme des deux tensions reste constante.

Telles sont les principales données que nous devons aux
travaux des physiologistes et qu'il nous importe de connaître.
Tout autre cependant est l'objet propre de nos
recherches : ce n'est pas, en effet, pour eux-mêmes que
nous étudions les mouvements organiques, mais seulement
en vue des renseignements philologiques qu'ils contiennent.
A cet égard, nous avons à nous occuper des vibrations des
cordes vocales, de leurs positions quand elles ne vibrent
pas, des déplacements du larynx.

Les vibrations des cordes vocales nous fournissent les
documents les plus précieux : elles nous permettent de
distinguer les sonores et les sourdes consécutives, de
mesurer d'une façon absolue le degré d'assimilation des
consonnes sourdes et des sonores contiguës, de saisir les
débuts encore inconscients comme les derniers moments
non sentis de certaines évolutions, d'apprécier à une vibration
près la hauteur musicale de tous les sons laryngiens.
Recueillir ces vibrations est donc l'une des tâches les plus
importantes qui nous incombent. Heureusement l'ébranlement
vibratoire des cordes vocales se communique aux
membranes et aux cartilages voisins, où il est facile de le
saisir. Il suffit d'appliquer l'ampoule laryngienne (p. 97) sur
le thyroïde, soit en face, soit de côté, ou bien sur la membrane
258thyro-hyoïdienne, pour obtenir le résultat voulu.
L'explorateur électrique (p. 105) se place plutôt de façon
à atteindre par son bord supérieur les cornes de l'os hyoïde.
La capsule ouverte (p. 97) doit être introduite latéralement
entre les cornes de l'os hyoïde et l'échancrure du
thyroïde, en avant des cornes ; on se trouve, en cet endroit,
dans le voisinage du sommet des aryténoïdes, et les vibrations
s'y font sentir avec une plus grande amplitude. Du
reste, la place la plus avantageuse pour l'exploration n'est
pas la même chez tous les sujets : avec un peu de tâtonnement,
on arrive vite à la trouver.

Ce n'est pas seulement sur le larynx que nous pouvons
en recueillir les vibrations. La colonne d'air qui sort par la
bouche et le nez nous les livre, modifiées sans doute, mais
fidèlement reproduites pour le nombre et la place. La poitrine,
l'abdomen tout entier, et, dans la région supérieure,
les muscles qui forment le plancher de la bouche, la langue,
les lèvres, les ailes du nez, le dessus du crâne même,
vibrent à l'unisson du larynx et se laissent explorer par
l'embouchure de caoutchouc représentée figure 60, mise en
communication avec un tambour rigide.

Lorsque les cordes vocales entrent en vibration, la glotte
est fermée ; lorsque le souffle sort librement, la glotte est
ouverte. Il y a une position intermédiaire où les cordes
vocales sont moins rapprochées que dans l'émission de la
voix, moins écartées que dans le souffle. C'est cette position
qu'elles prennent, par exemple, dans le chuchotement des
sons laryngiens. Dans ce cas, le mouvement normal est
exécuté, mais seulement d'une façon incomplète. On peut
juger du degré de fermeture de la glotte par la quantité
d'air qu'elle laisse passer, soit d'après les tracés de la cage
thoracique, soit d'après l'exploration buccale.259

Les mouvements auxquels obéit le larynx se font dans le
sens vertical et dans le sens horizontal. Tous ces déplacements,
qui varient suivant la pression de l'air dans la trachée,
la tension musculaire, l'élévation de la langue, fournissent
le moyen d'isoler plusieurs articulations, d'apprécier
le degré d'intensité, de reconnaître l'élévation et rabaissement
du ton. M. Martel 1169 a obtenu isolément les tracés du
cricoïde et du thyroïde pendant la respiration normale et
dans le chant. Celui du thyroïde reste toujours à la même
place ; celui du cricoïde monte à mesure que la voix s'élève.
Les mouvements verticaux et horizontaux du larynx sont
aisément recueillis avec l'appareil décrit p. 99.

Article III
Pharynx et voile du palais.

Pharynx.

Pharynx. — Le pharynx est une sorte de carrefour où
arrive l'air expiré au sortir du larynx et d'où il se dirige vers
l'extérieur, soit par la bouche, soit par le nez, soit par les
deux issues à la fois, une sorte de soupape suspendue
à l'entre-croisement des deux voies, le voile du palais,
pouvant obstruer l'une ou l'autre ou les laisser libres toutes
les deux.260

image (Testut, Anatomie.)

Fig. 99.
Coupe sagittale de la face et du cou.

A. Fosse nasale droite. — B. Cavité buccale ; B′. Vestibule : B″. Région sublinguale. —
C. Pharynx nasal ; C′. Pharynx buccal. — D. Œsophage. — E. Larynx. — F. Trachée-artère.

1. Narine droite. — 2. Cornet supérieur. — 3. Cornet moyen. — 4. Cornet inférieur. —
5, 5′. Moqueuse des fosses nasales. — 6. Cartilage latéral du nez. — 7. Cartilage de l'aile
du nez. — 8. Amygdale pharyngienne. — 9. Orifice pharyngien de la trompe d'Eustache.
— 10. Fossette de Rosenmüller. — 11. Voile du palais et luette. — 12. Muqueuse linguale ;
12′. Formen cæcum. — 13. Septum lingual. — 14. Muscle génio-glosse. — 15. Muscle génio-hyoïdien.
— 16. Muscle mylo-hyoïdien. — 17. Épiglotte. — 18. Cartilage thyroïde. —
19, 19′. Cartilage cricoïde. — 20. Ventricule du larynx. — 21. Premier cerceau de la trachée.

a. Os frontal et sinos frontal. — b. Os propre du nez. — c. Lame criblée de l'ethmoïde. —
d. Sphénoïde et sinus sphénoïdal. — e. Maxillaire supérieur. — f. Palatin et palais dur. —
g. Maxillaire inférieur. — h. Os hyoïde. — l. Vertèbres cervicales.261

On divise le pharynx en trois portions (fig. 99) :
nasale (C), buccale (C′), laryngienne. Les dimensions, de
chacune, à l'état de repos, sont :

tableau longueur | diamètre | transversal | antéro-postérieur | portion nasale | buccale | laryngienne

Au moment de la déglutition, le pharynx peut perdre le
quart de sa hauteur totale, soit de 3 à 4 cm.

Le pharynx se compose de trois couches superposées : la
muqueuse, la couche fibreuse ou aponévrose, et la couche
musculeuse.

L'aponévrose (fig. 100, 4 ; 101, h) constitue la charpente
du pharynx, mais elle n'occupe que la paroi postérieure
et les parois latérales.

Les muscles du pharynx, pairs et symétriques, sont de
chaque côté au nombre de cinq : trois constricteurs et deux
élévateurs.

Les muscles constricteurs (fig. 100) se distinguent en
supérieur (1 ; fig. 101, g), moyen (2 ; fig. 102, 9 ;fig. 103, 9)
et inférieur (3 ; fig. 102, 10), qui s'imbriquent de bas en
haut, l'inférieur recouvrant en partie le moyen, et celui-ci
le supérieur. Leur action commune consiste à porter en
avant la paroi postérieure du pharynx et à rapprocher
l'une de l'autre les deux parois latérales. Les deux inférieurs,
possédant des points d'appui fixes sur le raphé de
l'aponévrose pharyngienne, et une extrémité mobile sur
l'os hyoïde ou sur le larynx, ont encore la propriété de
soulever, en même temps que l'os hyoïde et le larynx, la
partie inférieure du pharynx, qui leur est intimement unie.262

Les muscles élévateurs sont les glosso-staphylins, que nous
allons retrouver dans le voile du palais, et les stylo-pharyngiens,
dont nous avons déjà parlé à propos du larynx.

image (Testut, Anatomie.)

Fig. 100.
Muscles du pharynx (côté droit).

A. Arcade zygomatique. — B. Cavité glénoïde. — C. Apophyse mastoïde. — D. Conduit
auditif externe. — E. Tubérosité du maxillaire supérieur. — F. Apophyse ptérygoïde. —
G. Apophyse styloïde. — H. Maxillaire supérieur. — I. Os hyoïde. — K. Cartilage thyroïde.
L. Œsophage. — M. Trachée.

1. Constricteur supérieur du pharynx. — 2. Constricteur moyen. — 3. Constricteur inférieur.
— 4. Aponévrose pharyngienne. — 5. Stylo-pharyngien. — 6. Stylo-hyoïdien. — 7.
Stylo-glosse. — 8. Hyo-glosse. — 9. Mylo-hyoïdien. — 10. Péristaphylin externe. — 11.
Péristaphylin interne. — 12. Buccinateur. — 13. Aponévrose buccinato-pharyngienne. —
14. Crico-thyroïdien.

La paroi antérieure du pharynx est mitoyenne entre cet
organe, le nez, la bouche et le larynx. Elle présente de haut
en bas (fig. 101 et 99) : 1° les deux orifices postérieurs des
263fosses nasales ; 2° la face postérieure du voile du palais ;
3° l'isthme du gosier avec la racine de la langue ; 4° l'épiglotte.

Voile du palais.

Voile du palais. — Le voile du palais est une cloison

image (Testut, Anatomie.)

Fig. 101.
Voile du palais et coupe transversale de la langue pratiquée en arrière des
amygdales (segment antérieur).

A. Cavité des fosses nasales. — B. Cornets inférieurs. — C. Cloison. — D. Portion cartilagineuse
de la trompe d'Eustache. — E. Amygdales. — F. Luette. — G. Cavité buccale. —
H. Pilier antérieur du voile du palais.

1. Muqueuse de la langue. — 2. Lingual supérieur. — 3. Amygdalo-glosse. — 4. Pharyngo-glosse.
— 5. Lingual inférieur. — 6. Stylo-glosse. — 7. Hyo-glosse. — 8. Génio-glosse. —
9. Septum lingual.

a. Palato-staphylin. — b. Péristaphylin interne. — c. Pharyngo-staphylin (d. faisceau
interne ; d′. faisceau externe ; e. fibres venant du voile du palais ; f. fibres internes). — g.
Constricteur supérieur du pharynx. — h. Membrane fibreuse du pharynx.

formée d'une aponévrose, de muscles et d'une muqueuse,
qui fait suite à la voûte de la bouche et s'infléchit suivant
un plan incliné vers l'intérieur du pharynx (fig. 99, 11).264

Le bord inférieur du voile du palais se prolonge par la
luette (fig. 101, F), que l'on désigne encore sous les noms
d'uvula et de σταφυλή. De la base de la luette, partent
quatre replis membraneux qui vont de là, comme les arceaux
d'une voûte, se reposer sur la langue et sur le pharynx,
interceptant entre eux une fossette où se loge l'amygdale
Ce sont les piliers du voile du palais : on les voit facilement,
les postérieurs débordant sur les antérieurs. Les piliers
antérieurs (fig. 101, H) circonscrivent l'isthme du gosier ; les
piliers postérieurs séparent la portion buccale du pharynx
de sa portion nasale, et forment un orifice qu'on pourrait
appeler l'isthme du naso-pharynx.

Cinq paires de muscles communiquent au voile du palais
ses divers mouvements. Ce sont :

Les palato-staphylins ou azygos de la luette (fig. 101, a),
qui, prenant leur point fixe sur l'aponévrose du palais, soulèvent
la luette et raccourcissent le voile du palais dans le
sens de sa longueur ;

Les pétro-staphylins, ou péristaphylins internes (fig. 101,
b ; 100, II), sorte de sangle fixée à la face inférieure du
rocher, qui porte en haut la partie moyenne du voile ;

Les sphéno-staphylins ou péristaphylins externes (fig. 100,
10), qui, partant de l'apophyse ptérygoïdienne du sphénoïde
et de la trompe d'Eustache, glissent à l'aide d'un tendon sur
le crochet ptérygoïdien, tendant le voile, sur lequel ils
s'insèrent à la façon d'un éventail ;

Les pharyngo-staphylins (fig. 101, c), qui naissent à la
face postérieure du voile, d'où ils se portent, à travers
les piliers postérieurs, en partie sur la ligne médiane du
pharynx, en partie sur le larynx (fig. 96, 3), resserrant
par leurs contractions l'isthme naso-pharyngien, et soulevant
le pharynx et le larynx ;265

Les glosso-staphylins (fig. 103, 7), qui, s'étendant de la
face inférieure du voile à la base de la langue en suivant
les piliers antérieurs, abaissent le voile et portent la langue
en haut et en arrière.

Nous sommes maintenant à même d'expliquer complètement
le jeu du voile du palais.

A l'état d'inaction, le voile repose sur la langue, l'isthme
du gosier est fermé, et tout l'air de la respiration passe par
le nez. Pour ouvrir au souffle la voie de la bouche et lui
fermer celle du nez, le voile se soulève et se porte en
arrière, en même temps que les parois du pharynx viennent
à sa rencontre et que les piliers postérieurs se rapprochent ;
la fermeture de l'isthme naso-pharyngien est alors complète.
Par contre, pour fermer énergiquement la voie buccale, le
voile s'abaisse dans l'isthme du gosier, rétréci par les contractions
des piliers antérieurs, et s'accole fortement avec la
langue accourue au-devant de lui. Enfin, le voile peut
prendre une quatrième position : soulevé par les muscles
constricteurs, il se maintient libre entre les deux issues, la
bouche et le naso-pharynx, permettant à l'air expiré de
s'écouler par l'une et par l'autre.

Ainsi, l'occlusion complète s'accomplit par l'action combinée
des muscles du voile et de ceux du pharynx ou de la
langue. L'occlusion incomplète ne met en jeu que les
muscles propres du voile. Il n'est pas rare de rencontrer
des cas anormaux de cette occlusion incomplète. Une paralysie
survenue dans le jeune âge peut mettre pendant longtemps
les enfants dans l'impossibilité de faire entendre des
sons purs, non infectés de nasonnement, et d'articuler les
consonnes qui ont leur point d'articulation dans l'arrière-bouche.

La grande mobilité du voile du palais et le concours
266obligé qu'il doit obtenir des parties voisines, pour remplir
son rôle entièrement, font qu'il est le siège de nombreuses
variations, qui retentissent d'une façon très sensible sur le
langage. Il est donc du plus haut intérêt d'en étudier avec
attention tous les mouvements.

Passavant a eu l'occasion de les observer chez un individu
qui présentait une fente congénitale du palais donnant vue
sur le haut de la paroi postérieure du pharynx. Ce savant a
remarqué que, dans l'occlusion du pharynx, il se produisait
sur la paroi un bourrelet transversal de 5 à 6 mm d'épaisseur
et de 9 à 10 mm de largeur, qui venait se placer près du voile.

Czermak montra expérimentalement, au moyen d'un fil
de fer introduit par le nez, que l'élévation du voile du palais
suit une progression croissante pour les voyelles a, é, o,
ou, i. Plus tard, il put vérifier ce fait sur une malade, chez
laquelle une opération rendait visible la face postérieure du
voile du palais, et il constata que, dans l'émission de l'i, le
voile s'élevait en arrière, au-dessus du plan correspondant
au plancher des fosses nasales, sous un angle d'environ 10°,
que pour l'ou il touchait le pharynx à 6 mm au-dessous,
pour l'o et l'é à 6 mm encore plus bas ; que pour l'a il
s'abaissait encore légèrement en arrière.

Czermak confirma ces résultats au moyen d'une expérience :
il se fit verser de l'eau, à l'aide d'un petit tube,
dans la partie la plus reculée des fosses nasales, tandis qu'il
prononçait i, puis il émit successivement les autres voyelles.
Pour i, ou, o, e, l'eau resta maintenue, mais elle commença
à couler avec a : la fermeture pour cette voyelle
était donc impuissante à contre-balancer le poids du liquide.

Passavant reprit les expériences de Czermak avec du lait
et obtint le même résultat. Pour prouver l'occlusion complète,
même pour a, il introduisit, par le nez, dans le pharynx,
267un fil de fer de la force d'un gros fil à coudre. Quand
le voile du palais était abaissé, on pouvait aisément imprimer
des mouvements latéraux à la branche qui était dans le
pharynx ; mais on ne le pouvait pas pendant l'émission de
l'a 1170.

Passavant poussa ses recherches plus loin encore. Voulant
savoir jusqu'à quel degré l'occlusion du pharynx est
nécessaire pour que les voyelles buccales conservent leur
pureté, il introduisit un fil dans le pharynx, de façon à
pouvoir, avec les deux bouts, passant l'un par le nez,
l'autre par la bouche, détacher du point de contact le voile
du palais. Aucun trouble ne se faisait remarquer dans la
prononciation pour des écartements légers ; mais, dès
qu'on avait dépassé un certain degré, le son nasal survenait
tout à coup. Pour acquérir une notion plus précise du
phénomène, l'habile expérimentateur disposa derrière le
voile du palais un morceau de sonde en caoutchouc de
5 cm de long. Or, des tubes de 3,14 et de 12,56 millimètres
carrés de section n'amenèrent aucun trouble ; mais
un tube de 28,27 millimètres carrés détermina la nasalisation
de certaines consonnes, sans pourtant modifier les
voyelles 2171.

Ces constatations concordent, au moins pour ce qui
concerne les voyelles, avec les données de la phonétique
historique : elles font prévoir, en effet, que la vocalisation
des voyelles doit commencer par a, et, si elle continue à se
développer, finir par i. C'est en effet ce qui est arrivé en
268français et ce qui s'observe dans plusieurs langues où la
nasalisation, à son début, est encore inconsciente, comme
dans le russe, par exemple. D'autre part, il se rencontre
(et nous aurons l'occasion d'en parler) des dialectes où un
écoulement anormal et assez abondant de l'air par le nez
ne produit pas une nasalisation bien appréciable.

Les procédés d'exploration que je viens de rappeler ne
sont pas, il faut l'avouer, d'un emploi bien commode.
Czermak lui-même en avait un plus simple : il parlait en se
mettant une petite glace devant le nez ; Brücke conduisait
l'air de sa bouche et de son nez, au moyen de deux tuyaux,
en face de deux bougies, et, voyant, par les oscillations de la
flamme, la voie suivie par l'air expiré, il en concluait la
situation du voile du palais. Ces moyens peuvent être
encore employés, en l'absence de plus précis ; mais ils
doivent céder le pas à ceux qui ont été indiqués ci-dessus,
p. 93-95 et 131.

Le voile du palais ne peut pas être suppléé dans ses
fonctions comme modérateur de la nasalisation. Nous verrons
plus tard (appendice sur la correction des vices de la prononciation)
que les efforts tentés pour fermer à l'air l'orifice
antérieur des fosses nasales demeurent sans effet sur le
timbre.

Article IV
Bouche.

Nous considérerons successivement : la voûte et les
parois de la bouche, la langue, les lèvres, enfin la mâchoire
inférieure.269

Voûte de la bouche.

Voûte de la bouche. — La voûte de la bouche s'étend du
bord inférieur et des piliers du voile du palais jusqu'aux dents.

La partie postérieure, qui appartient au voile du palais,
est fréquemment désignée sous le nom de palais mou. Elle
s'étend en avant jusqu'à l'os palatin (fig. 99, f) et comprend
le tiers seulement de la voûte totale.

Le palais mou prend une part active dans la phonation,
soit par son contact avec la langue, soit par les battements
de la luette, soit par les contractions des piliers antérieurs.

La partie antérieure de la voûte buccale, ou palais dur,
est le palais proprement dit. Aucune limite apparente ne la
sépare de la précédente : le jeu seul du voile du palais, en
rendant sensible la ligne où s'arrête la portion fixe, permet
une délimitation précise.

La voûte palatine se compose de trois couches : une
osseuse, une glanduleuse et une muqueuse. La couche glanduleuse
est disposée de chaque côté de la ligne médiane, ou
raphé ; elle devient de moins en moins épaisse à mesure
qu'on s'avance sur le devant, et disparaît au niveau des
canines. Dans son tiers antérieur, la voûte du palais présente
tout un système de crêtes rugueuses à directions variables,
qui sont molles au toucher.

Il suit de cette composition que le palais rend, à la percussion,
un bruit différent, suivant le point où le choc est
produit : les parties dures sont plus sonores, les parties
molles plus sourdes. Il en est de même des bruits de succion
et des articulations que la langue fait entendre contre le
palais. Aussi une oreille instruite par l'expérience peut-elle
déterminer approximativement, sans aucun autre
secours, le lieu où le contact s'est fait. Il n'est donc pas
étonnant que la topographie de la voûte palatine ait servi
de base à la distinction des articulations buccales.270

On distingue, en général, quatre régions dans le palais :
une région antérieure ou dentale, une région postérieure ou
vélaire, une région médiale ou palatale proprement dite,
enfin une région latérale ou marginale.

L'exploration du palais, utile pour elle-même, l'est surtout
pour les indications qu'elle nous fournit sur les mouvements
de la langue. Nous avons vu, pages 52 et suiv., et
page 97, le moyen de s'acquitter de cette importante mission.

Parois de la bouche.

Parois de la bouche. — Les dents de devant ont, dans
la parole, une fonction analogue à celle de la voûte palatine
et fournissent des renseignements de même nature : elles
limitent les mouvements de la langue et donnent au son un
timbre particulier.

Quant aux joues, elles favorisent par leur élasticité
l'emmagasinement de l'air destiné à la production de certaines
labiales.

Langue.

Langue. — Le squelette de la langue est constitué par
l'os hyoïde et par deux lames fibreuses, la membrane
hyo-glossienne et le septum médian.

L'os hyoïde (fig. 99, h ; 100, I ; 102, 8) est suspendu dans
la partie antérieure du cou au moyen de muscles qui le
rattachent, en haut, au crâne et à la mâchoire inférieure :
stylo-hyoïdiens (fig. 102, 5 ; 100, 6), digastriques (fig. 102,
4, 4′, 4″), mylo-hyoïdiens (fig. 102, 6 ; 100, 9 ; 99, 16) et
génio-hyoïdiens (fig. 99, 15 ; 103, 4) ; en bas, à l'omoplate :
omo-hyoïdiens (fig. 102, 11, 11′) ; au sternum et à la clavicule :
sterno-thyroïdiens (fig. 102, 12) continués par les thyro-hyoïdiens
(fig. 96, 1)et les sterno-cléïdo-hyoïdiens (fig. 102, 13).

La membrane hyo-glossienne se détache du bord supérieur
de l'os hyoïde entre les deux petites cornes et occupe
transversalement la partie postérieure de la langue.271

image

Fig. 102.
(d'après Testut.)
Muscles de la région latérale du cou, après l'enlèvement du peaucier.

1. Masséter. — 2. Buccinateur. — 3. Triangulaire des lèvres. — 4. Digastrique, ventre antérieur ;
4′. ventre postérieur. — 4″. Digastrique du côté opposé. — 5. Stylo-hyodïen. — 6.
Mylo-hyoïdien. — 7. Hyo-glosse. — 8. Os hyoïde. — 9. Constricteur moyen du pharynx. —
10. Constricteur inférieur du pharynx. — 11. Omo-hyoïdien, ventre antérieur ; 11′. ventre
postérieur. — 12. Sterno-thyroïdien. — 13. Sterno-cléïdo-hyoïdien. — 14, 14′, 14″.
Sterno-cléido-mastoïdien. — 15. Grand pectoral. — 16. Scalène postérieur. — 17. Scalène
antérieur.272

Le septum médian (fig. 99, 13 ; 101, 9) est placé de
champ à 3 ou 4 mm au-dessous de la face dorsale et s'étend
depuis la membrane hyo-glossienne jusqu'à la pointe de la
langue ; il revêt la forme d'une faux.

Les muscles de la langue sont au nombre de dix-sept et
forment huit paires. Six naissent sur des os voisins : génio-glosses,
hyo-glosses, stylo-glosses ; six, sur des organes voisins :
palato-glosses, pharyngo-glosses, amygdalo-glosses ; trois, à la
fois sur des os et des organes voisins : lingual supérieur
(unique), lingual inférieur ; enfin, deux sont intrinsèques à
la langue : les transverses.

Génio-glosses (fig. 103, 5 ; 99, 14 ; 101, 8). — Ce sont
les plus volumineux des muscles de la langue. Ils s'insèrent
en avant, à l'aide d'un court tendon sur les apophyses géni.
De là, les fibres postérieures se portent en bas et en arrière
sur la partie supérieure de l'os hyoïde, où elles se fixent ;
les fibres antérieures décrivent une courbe et vont se terminer
dans la pointe de la langue ; les fibres moyennes rayonnent
vers la face dorsale, depuis la membrane hyo-glossienne
jusqu'à la pointe, et se terminent sous la muqueuse.

Les fibres postérieures élèvent l'os hyoïde, et avec lui le
larynx et la langue elle-même.

Les fibres moyennes attirent la langue en avant et la
projettent hors de la cavité buccale.

Les fibres antérieures, au contraire, portent la pointe de
la langue en bas et en arrière.

Lorsque tous les faisceaux du génio-glosse agissent simultanément,
la langue se pelotonne et s'appuie fortement sur
le plancher de la bouche.

Stylo-glosses (fig. 103, 1, 1′ ; 100, 7 ; 101, 6). — Ces
muscles longs et grêles s'étendent des apophyses styloïdes
aux parties latérales de la langue. Ils portent celle-ci en haut
273et en arrière et tendent à l'appliquer fortement contre le
voile du palais.

image (Testut, Anatomie.)

Fig. 103.
Muscles profonds de la langue.

A. Maxillaire inférieur sectionné immédiatement au dehors des apophyses géni. —
B. Os hyoïde ; B′. sa petite corne. — C. Apophyse styloïde.

1, 1′. Stylo-glosse. — 2, 2′. Hyo-glosse (basio-glosse, 2 ; cérato-glosse, 2′, 2″).— 4. Génio-hyoïdien.
5. Génio-glosse. — 6. Lingual inférieur. — 7. Palato-glosse (glosso-staphylin).
— 8, 8′. Pharyngo-glosse. — 9. Constricteur moyen du pharynx. — 10. Stylo-pharyngien.
14. Bourse séreuse. — 15. Muqueuse du dos de la langue.

Hyo-glosses (fig. 103, 2, 2′ ; 100, 8 ; 101, 7). — Ils
prennent leur insertion sur le corps de l'os hyoïde (basio-glosses,
274fig. 103, 2) et sur les grandes cornes (cérato-glosses,
fig. 103, 2′, 2″) et se terminent dans la partie latérale et
inférieure de la langue. Ce sont des muscles abaisseurs ; ils
compriment la langue transversalement ; et, lorsque celle-ci
a été portée en avant par les génio-glosses, ils la ramènent
dans la cavité buccale.

Palato-glosses ou glosso-staphylins (fig. 103, 7 ; 101, a).
— Ces muscles sont situés dans les piliers antérieurs du
palais ; ils portent la langue en haut et en arrière.

Pharyngo-glosses (fig. 103, 8, 8′ ; 101, 4). — Ils
viennent des constricteurs supérieurs du pharynx, et ont
la même action que les précédents.

Amygdalo-glosses (fig. 101, f). — Descendant des
amygdales à la base de la langue, les deux amygdalo-glosses
forment une espèce de sangle qui porte en haut la base de
la langue et tendent à l'appliquer contre le voile du palais.

Lingual supérieur (fig. 101, 2). — C'est un muscle
impair et médian. Il s'attache en arrière sur les petites
cornes de l'os hyoïde et sur le repli glosso-épiglottique. Partis
de ces trois points, les faisceaux se rapprochent et forment
une seule nappe qui occupe la partie moyenne de la langue
et se continue jusqu'à la pointe. Sur les côtés, ce muscle se
confond avec les fibres longitudinales du palato-glosse, du
pharyngo-glosse et du stylo-glosse, avec lesquels il forme
sur la face de la langue une sorte de gouttière musculaire
à concavité inférieure.

Le lingual supérieur élève la pointe de la langue et la
porte en arrière.

Lingual inférieur (fig. 103, 6 ; 101, 5). — Cette paire
de muscles tire sa principale origine des petites cornes de
l'os hyoïde, d'où elle se porte vers la pointe de la langue,
qu'elle attire en bas et en arrière.275

Transverses. — Ces deux muscles s'attachent sur les
deux faces du septum lingual et se terminent de chaque,
côté sur la muqueuse de la langue. En se contractant, ils
rapprochent les bords de la ligne médiane ; comme conséquence,
la langue s'amoindrit, s'effile et projette sa pointe
hors de la bouche.

On conçoit qu'avec cette richesse musculaire la langue
soit l'agent le plus actif de l'articulation buccale. Elle peut,
en effet, produire une occlusion énergique sur deux points
avec une extrême facilité : en arrière, avec le concours du
voile du palais ; en avant, grâce à l'extrême mobilité de sa
pointe. Les sons qu'elle y produit ont quelque chose de
sec et d'éclatant. Dans la partie médiane, elle a moins de
force, manquant de muscles spéciaux pour s'appliquer à cet
endroit sur la voûte palatine. Aussi n'y donne-t-elle naissance
qu'à des sons plus mous, qu'on appelle mouillés. Cette
mollesse dans l'occlusion peut également se produire aux
extrémités et amener des résultats analogues.

Au lieu de fermer momentanément toute issue au courant
d'air, la langue peut encore, en se rapprochant plus ou
moins du palais, diminuer dans des proportions variables, et
pour des positions très diverses, le passage laissé à l'air
expiré. Le son qui en résulte ressemble à un frôlement, à un
sifflement, qui revêt autant de nuances qu'il y a de variétés
dans la manière de le produire.

Enfin la langue peut battre l'air en faisant entendre un
roulement caractéristique.

En conséquence de cette part prépondérante qu'elle
prend dans la production de la parole, la langue est naturellement
la cause principale des évolutions phonétiques, non
seulement parce qu'elle subit comme les autres organes
l'influence des groupements articulatoires, mais par le seul
276fait des transformations de force dont elle est le siège. Qu'il
n'y ait pas, par exemple, un équilibre parfait entre ses
forces musculaires, un mouvement tendra à s'amoindrir
ou à se substituer à un autre, et une évolution commencera ;
que pendant plusieurs générations la même tendance
s'accentue, et l'évolution deviendra triomphante ; qu'au
contraire, la vigueur revienne au muscle, et l'évolution,
entravée, pourra disparaître.

L'exploration minutieuse des mouvements et de la force
de la langue est donc de la dernière importance, et le phonéticien
ne devra négliger aucun moyen de la rendre aussi
complète que possible ; il recourra au palais artificiel (p. 52),
aux ampoules exploratrices (p. 97), à l'explorateur externe
(p. 95), au miroir, au glosso-dynamomètre (p. 160), à
tous les moyens de mesure qu'il pourra imaginer.

Il nous importe également de déterminer avec soin les
positions fixes que prend la langue pour les diverses articulations.
L'exploration est, en somme, plus facile que celle
des mouvements. La sensibilité de la langue au contact du
palais, ou du petit doigt introduit dans la bouche quand le
contact n'aurait pas lieu autrement, suffit dans bien des cas
à nous renseigner.

M. Charles H. Grandgent 1172 a imaginé un procédé plus
rigoureux. Après avoir préparé, à l'aide d'un moulage et
de mesures prises avec une baguette, une esquisse de la
voûte de sa bouche depuis les dents jusqu'à la luette, il
mesurait avec de petites pièces de carton ovales de 5 à 25 mm,
fixées à un fil d'argent, les diverses distances qui existaient
277pendant l'émission de chaque voyelle, entre sa langue et
son palais, et les reportait sur son dessin en prenant comme
point de repère le tranchant des dents supérieures.

M. Harold W. Atkinson vient de me communiquer une
méthode qui est à la fois plus sûre et plus facile. Il prend la
position de sa langue au moyen d'un ruban de godiva
(p. 55) ramolli dans l'eau bouillante, qu'il enfonce aussi
avant que possible dans la bouche et qu'il fixe aux dents
supérieures. Quand le godiva est durci, il le retire, et,
l'ajustant sur les dents d'un moulage en creux de sa voûté
palatine scié dans le sens de la longueur, il a du même
coup la courbure du palais et celle de la langue. Il ne reste
plus qu'à les fixer l'une et l'autre en les découpant dans
une feuille de papier fort ou d'ébonite. Le temps un peu
long que demande le godiva pour se durcir dans la bouche
peut être de beaucoup diminué et même réduit à un instant,
si l'on dirige dessus un jet d'eau froide. Par ce moyen,
l'expérience deviendrait même plus exacte, car le godiva
insuffisamment durci s'infléchit, et, comme le point de
repère est loin de l'extrémité du ruban, le moindre abaissement
donnerait une erreur considérable. Au lieu d'un
simple ruban, M. Atkinson emploie encore une lame de
godiva de la largeur de la langue, et obtient ainsi la représentation
totale de la courbure supérieure de cet organe. Il
pourrait encore prendre à la fois le moulage de la langue et
de la voûte palatine, et toute chance d'erreur serait écartée,

Les lèvres.

Les lèvres. — Le muscle essentiel des lèvres, c'est l'orbiculaire
(fig. 104, 7). On peut le considérer comme formé
de quatre muscles, deux supérieurs et deux inférieurs, qui,
unis au milieu, s'entre-croisent aux commissures. On
remarque deux zones de contraction, qui sont, par rapport
278au centre de l'orifice buccal, la zone intérieure et la zone
extérieure. Les contractions de la première zone froncent les
lèvres et les portent en arrière en les appliquant contre les

image

Fig. 104.
(d'après Testut.)
Muscles de la face, couche superficielle.

1. Pyramidal du nez. — 2. Élévateur commun de l'aile du nez et de la lèvre supérieure. —
3. Transverse du nez. — 4. Élévateur propre de la lèvre supérieure. — 5. Canin. — 6. Petit
zygomatique. — 7. Orbiculaire des lèvres. — 8. Carré du menton. — 9. Houppe du
menton. — 10. Triangulaire des lèvres. — 11. Peaucier. — 12. Grand zygomatique. — 13.
Masséter. — 14. Risorius. — 15. Sterno-cléïdo-mastoïdien. — 16. Scalène postérieur.

dents ; celles de la seconde les froncent également, mais les
projettent en avant.279

Les autres muscles sont (fig. 104) :

Pour la lèvre supérieure : les élévateurs communs
des ailes du nez et de la lèvre supérieure
(2) ; les élévateurs
propres de la lèvre supérieure
(4) ; et les petits zygomatiques (6),
qui attirent en haut les parties moyennes des lèvres ; les
canins (5 ; 106, 6), qui élèvent un peu en dedans les parties
voisines des commissures ;

Pour la lèvre inférieure : les carrés du menton (8 ; 106,
8), qui la renversent en dehors et l'attirent en bas ; les
houppes du menton (9), qui, en attirant en haut la saillie
mentonnière, soulèvent, par une action purement mécanique,
la lèvre inférieure et la renversent en dehors ;

Pour les commissures : les buccinateurs (fig. 102, 2 ;
106, 12) et les risorius de Santorini (fig. 104, 14), qui les
portent en arrière ; les grands zygomatiques (fig. 104, 12),
qui les attirent en haut ; les triangulaires des lèvres
(fig. 104, 10 ; 102, 3), qui les abaissent.

Le rôle le plus actif dans la parole appartient à l'orbiculaire :
c'est lui qui réalise la plupart des mouvements requis
dans la prononciation des labiales ; la houppe du menton
intervient dans les articulations fortes, comme pp, mm, pour
augmenter l'occlusion ; le buccinateur participe à l'émission
de certaines voyelles qui demandent allongement de la
fente buccale.

Les mouvements des lèvres nous fournissent de nombreux
points de repère pour la détermination et l'analyse des
autres tracés ; ils ont en outre l'avantage d'être d'une
exploration facile (voir p. 90-93 et 109). Quant aux positions
fixes des lèvres, on peut encore plus aisément les
mesurer et les dessiner.

Mâchoire inférieure.

Mâchoire inférieure. — La mâchoire inférieure vient
280au secours de la langue et des lèvres dans l'exécution, de
leurs mouvements phonateurs. Elle est constituée par un
seul os, le maxillaire inférieur, qui nous offre à considérer
plusieurs points, à savoir, en commençant par le haut : le
condyle, apophyse qui s'articule avec le crâne ; l'apophyse
coronoïde (fig. 106), où vient s'attacher le temporal ; la
gouttière mylo-hyoïdienne (105, 3) ; les apophyses géni
supérieures (5) et les inférieures (4).

image

Fig. 105.
Muscles ptérygoïdiens.

1. Ptérygoïdien interne. — 2. Ptérygoïdien externe. — 3. Mylo-hyoïdien. —
4. Génio-hyoïdien. — 5. Génio-glosse. — 6. Épine de Spyx.

La cavité dans laquelle la mâchoire inférieure vient
s'engager, ou cavité glénoïde (fig. 100, B), est formée dans
les temporaux.

L'articulation se fait au moyen d'un ménisque fibreux de
forme elliptique, épais à la périphérie et aminci au centre,
qui accompagne le condyle dans ses déplacements. Elle est
maintenue par plusieurs ligaments.

Les muscles de la mâchoire inférieure sont les suivants :281

Les temporaux (fig. 106, 1). — S'insérant comme un
éventail en haut et en arrière de la mâchoire, vers laquelle
ils dirigent des fibres à direction verticale, oblique et
horizontale, ils élèvent le maxillaire contre les dents supérieures,

image

Fig. 106.
(d'après Testut.)
Muscles de la face (couche profonde).

1. Temporal ; 1′. son tendon. — 2. Élévateur commun de l'aile du nez et de la lèvre supérieure.
— 3. Élévateur propre de la lèvre supérieure. — 4.Transverse du nez ; 4′ Dilatateur
propre des narines. — 5. Myrtiforme. — 6. Canin. — 7. Orbiculaire des lèvres. — 8. Carré
du menton. — 9. Houppe du menton. — 10. Triangulaire des lèvres. — 11. Masséter. —
12. Buccinateur. — 13. Constricteur supérieur du pharynx.

et le ramènent en arrière quand il a été projeté
en avant.

Les masséters (fig. 102, 1 ; 104, 13 ; 106, 11), — Ils
descendent de l'arcade zygomatique (fig. 100, A) sur la
face externe de la branche montante du maxillaire. C'est
une paire de muscles élévateurs.282

Les ptérygoïdiens internes (fig. 105, 1). — Ils prennent
naissance dans la fosse ptérygoïdienne et s'insèrent à la
face de l'angle interne du maxillaire. Ce sont aussi des élévateurs ;
ils impriment, de plus, quelques mouvements
de latéralité.

Les ptérygoïdiens externes (fig. 105, 2). — Provenant de,
la face externe de l'apophyse ptérygoïde et de la fosse zygomatique,
ils se fixent sur le col du condyle, qu'ils attirent
en avant. Lorsque les deux ptérygoïdiens externes agissent
en même temps, ils impriment à la mâchoire un mouvement
de projection ; le retour en arrière se fait au moyen
du temporal. Lorsqu'un seul se contracte, il déplace le condyle
sur lequel il s'insère, l'autre restant immobile, et la
mâchoire est portée du côté opposé.

Les digastriques (fig. 102, 4, 4′ 4″),

Les génio-hyoïdiens (fig. 105, 4 ; 99, 15),

Les mylo-hyoïdiens (fig. 100, 9 ; 102, 6). — Prenant tous
leur point d'appui sur l'os hyoïde, ils abaissent le maxillaire.

Tout le monde sait l'importance des mouvements imprimés
par les muscles élévateurs et abaisseurs de la mâchoire
pour la parole. L'action des ptérygoïdiens externes est
moins connue ; mais elle a une importance considérable,
au moins chez certains sujets, pour la production exacte
de quelques articulations, particulièrement du ch et du j
français, comme nous le verrons plus loin.

Un tambour maintenu devant la bouche avec un style
rigide appuyé sur les dents inférieures donne très bien les
mouvements en avant de la mâchoire. Quant aux mouvements
verticaux, ils ne présentent aucune difficulté : l'explorateur
des lèvres (p. 86), ou une simple ampoule (p. 92)
placée entre les dents suffit pour les recueillir.

Pour mesurer l'abaissement de la mâchoire inférieure
283dans les positions fixes des voyelles, M. Grandgent 1173 avait
collé, sur la houppe de son menton, une petite bande de
carton divisée en millimètres, avec le zéro au bas de l'échelle ;
puis il tenait fixée à son front une petite baguette qui,
descendant le long de la pièce de carton, atteignait le zéro
quand la bouche était fermée. On devine le reste. Mais ces
sortes de mesure se prennent tout aussi bien et plus commodément
avec un simple compas.

Article V
Nez.

Nous nous occuperons successivement : des fosses nasales,
des cavités annexes et des narines.

Fosses nasales.

Fosses nasales. — Considérées uniquement au point de
vue qui nous occupe, les fosses nasales (fig. 107, 99 et 101)
sont de longs couloirs osseux séparés par une mince cloison,
tapissés par le périoste et une membrane muqueuse, qui
donnent passage à l'air de la respiration. En arrière, elles
s'ouvrent sur la partie supérieure du pharynx par deux orifices
quadrilatères. En avant, elles communiquent avec les
narines par une ouverture fort étroite, ayant la forme
d'un triangle très allongé dont le sommet se dirige en
avant et en dedans.

Le plancher est un peu incliné d'avant en arrière (fig. 99).
Il ne faut pas oublier cette disposition dans les expériences ;
souvent j'ai vu diriger l'olive exploratrice vers la partie
284supérieure de la narine, de façon à la buter contre la paroi :
naturellement, l'exploration, dans ce cas, ne donnait aucun
résultat.

Le cartilage de la cloison qui suit le plan médian est
rarement vertical. Il y a aussi quelquefois lieu de tenir
compte de cette obliquité, qui peut rendre l'introduction de
l'olive plus facile d'un côté que de l'autre.

image

Fig. 107.
(d'après Testut.)
Coupe verticale et transversale des fosses nasales.

1. Orbite. — 2. Cellules ethmoïdales. — 3. Cornet supérieur. — 4. Cornet moyen. —
5. Cornet inférieur. — 6. Méat supérieur. — 7. Méat moyen, en communication en 7′ avec
l'infundibulum. — 8. Sinus maxillaire.

Les parois externes, qui s'étendent, comme la cloison,
de la voûte au plancher, sont plus compliquées. Il se
détache de chacune trois lames osseuses contournées, dont
le bord inférieur flotte dans la fosse nasale : ce sont les
cornets, que l'on distingue en supérieurs (fig. 107, 3 ; 99, 2),
moyens (fig. 107, 4 ; 99, 3) et inférieurs (fig. 107, 5, 99, 4).
Les parties de la cavité limitées par les lames des cornets
sont désignées sous les noms de méats (fig. 107) supérieurs (6),
moyens (7) et inférieurs.285

Cavités annexes.

Cavités annexes. — C'est dans ces méats que viennent
s'ouvrir les cavités annexes des fosses nasales, à savoir : les
sinus frontaux, les sinus sphénoïdaux, les cellules ethmoïdales
postérieures et antérieures, les sinus maxillaires. Toutes
ces cavités sont tapissées par des prolongements de la
muqueuse nasale.

Les sinus frontaux (fig. 99, a)sont creusés en dessus et
à côté de l'échancrure nasale. Une cloison les sépare. Ils
coiffent en quelque sorte l'infundibulum de l'ethmoïde (c).

Les sinus sphénoïdaux (fig. 99, d) sont deux vastes cavités
qui occupent le corps du sphénoïde et sont divisées par une
ou plusieurs cloisons. Ils s'ouvrent chacun dans les méats
supérieurs.

Les cellules ethmoïdales (fig. 107, 2 ; 99, c), formées par les
lamelles très minces de l'ethmoïde, se divisent de chaque
côté en deux groupes. Le groupe postérieur vient s'ouvrir
dans le méat supérieur, comme les sinus sphénoïdaux ; le
groupe antérieur communique, au moyen de l'infundibulum
(cellule à ouverture supérieure fort large), avec le sinus
frontal en haut et avec le méat moyen en bas.

Les sinus maxillaires (fig. 107, 8) sont creusés chacun
dans l'épaisseur de l'apophyse pyramidale du maxillaire
supérieur. Les parois en sont fort minces, et des cloisons les
divisent assez souvent en cavités secondaires. Les sinus
maxillaires s'ouvrent également dans les méats moyens.

Ce n'est donc que par deux fentes étroites dissimulées
derrière les cornets que les cavités annexes communiquent
avec les fosses nasales. Celles-ci, de leur côté, offrent à l'air
expiré une entrée plus spacieuse qu'à l'air inspiré. Il s'ensuit
que les cavités annexes reçoivent l'air expiré comprimé
dans les fosses nasales et sont particulièrement disposées
pour prendre part à la production de la parole. Ce sont évidemment
286ces cavités closes qui produisent les résonances
nasales, analogues aux sons composés d'harmoniques de
rangs impairs (cf. p. 19). Mais là ne se borne pas, semble-t-il,
leur rôle. Elles pourraient bien avoir une part dans la.
production de certaines voyelles. En l'absence d'une exploration
directe, j'apporterai à l'appui le fait bien connu de la
résonance crânienne observée pour l'i, puis les tracés qu'il
est possible de prendre dans le conduit auditif externe. Nuls
pour a, ils sont très nets pour é, i, o, eu, ou, etc., c'est-à-dire
pour les voyelles qui, exigeant une occlusion énergique,
ébranlent fortement les parois supérieures du tube vocal. Les
résonances qui se communiquent ainsi au conduit auditif
externe, sans doute par la trompe d'Eustache, et que l'on
sent très bien en se mettant les doigts dans les oreilles, ne
peuvent pas manquer de retentir dans les cavités annexes
des fosses nasales.

Enfin, il convient de rappeler que toutes les vibrations
laryngiennes se communiquent aux fosses nasales dans certaines
conditions avantageuses. Mais il est toujours facile de
les distinguer des vibrations nasales proprement dites, par ce
fait qu'elles ne sont pas accompagnées d'un écoulement de
l'air par le nez.

Narines.

Narines. — Les narines sont les vestibules des fosses
nasales. Elles se composent de cartilages, d'une membrane
fibreuse et d'une couche musculaire.

Les muscles agissent tous sur l'aile du nez, mais dans
deux sens opposés : les uns la rapprochent, les autres
l'écartent de la ligne médiane ; comme conséquence, les
premiers rétrécissent l'orifice antérieur des fosses nasales,
les seconds l'agrandissent.

Les muscles constricteurs sont : les transverses ou triangulaires
du nez
(fig. 104,, 3 ; 106, 4) et les myrtiformes (fig.
287106, 4′), en grande partie recouverts par l'orbiculaire des
lèvres. Les muscles dilatateurs sont : les élévateurs communs
des ailes du nez et de la lèvre supérieure
(fig. 104, 2) et les
dilatateurs propres des narines (fig. 106, 4′).

Les muscles du nez ne prennent une part active dans la
production de la parole que dans des cas exceptionnels :
quand il s'agit, par exemple, d'émettre des nasales fortes,
de suppléer à l'insuffisance du voile du palais, j'ai observé,
ces deux cas : le premier, dans les Alpes, chez des indigènes
de Favrie et de Germaniano, pour la nasale issue de dn
(nnḗ = denier) ; le second, chez des sujets frappés de paralysies
infantiles, qui cherchaient à intercepter le courant
d'air en resserrant l'orifice antérieur des fosses nasales. Une
petite fossette qui se creusait au point d'insertion supérieur
de l'élévateur commun pour les uns, du myrtiforme pour
les autres, trahissait le travail des muscles mis en jeu.

Les vibrations nasales se sentent fort bien avec le doigt,
et l'exploration en est facile. On se sert d'ordinaire d'une
petite olive (fig. 61) que l'on introduit dans l'une des
narines. On pourrait encore employer l'oreille inscriptrice
(p. 136) en disposant le pavillon de façon à recevoir le
courant d'air, ou l'explorateur électrique (p. 105) légèrement
appuyé sur l'une des ailes du nez.

Article VI
Mécanisme nerveux de la parole.

Le système nerveux, qui est le centre de toutes nos opérations
vitales, le régulateur de la nutrition, l'intermédiaire
entre nos différents organes, l'instrument obligé de tous
nos mouvements instinctifs, ou volontaires, joue nécessairement
288dans la parole un rôle prépondérant. Il importe
donc, à notre objet, tout en évitant les détails qui pourraient
être innombrables, de le considérer dans ses traits les plus
généraux et de nous rendre compte de son action immédiate
sur le mécanisme phonateur et sur la faculté même du langage.
La méthode que nous avons exposée jusqu'ici ne
nous abandonnera pas sur ce terrain nouveau. Si le système
nerveux, chez l'homme, échappe à une expérimentation
directe, nous y suppléons en partie par la vivisection pratiquée
sur les animaux et par les observations que les
maladies, les accidents, les vices de prononciation et la
marche des évolutions phonétiques nous permettent de
faire sur nos semblables.

§ Ier
Notion générale du système nerveux

Le système nerveux se compose, comme chacun sait :
1° d'un axe central, qui comprend l'encéphale (cerveau,
cervelet, isthme de l'encéphale et bulbe) et la moelle épiniére ;
de cordons périphériques (les nerfs) ; 3° du grand sympathique.

Le cerveau (fig. 108) se divise en deux hémisphères
réunis par le corps calleux (fig. 109, Cc., Spl). Il est sillonné,
à sa surface, par des anfractuosités qui dessinent des lobes et
des circonvolutions. Chaque hémisphère est formé : d'une
écorce (fig. 110, E) de substance grise ; d'une masse de substance
blanche, le centre oval (Co) ; et de noyaux centraux,
gris, dont les plus importants sont : la couche optique
ou Thalamus (Th), le noyau caudé (NC) et le noyau lenticulaire
289(NL1, NL2, NL2), entre lesquels pénètre une lame
de substance blanche, la capsule interne (Cia, Cig, Cip, Cirl).

L'isthme de l'encéphale (fig. 111) unit entre eux le
cerveau, le cervelet (Cer) et la moelle. Il est formé principalement
des pédoncules cérébraux (Péd. c), des pédoncules
cérébelleux
, de la protubérance annulaire (Pr A) et du bulbe
rachidien
.

image

Fig. 108.
Face externe de l'hémisphère gauche.

F1, F2, F2, Fa. Lobe frontal (1re, 2e, 3e circonvolutions frontales, et frontale ascendante).
— Fls. Faisceau longitudinal supérieur, vu en transparence. — Gsm. Gyrus supramarginalis,
ou partie antérieure de la 2e pariétale. — J. Incipure de Jensen, qui limite
en avant le pli courbe. — O1, O2, O2. Lobe occipital (1re, 2e, 3e circonvolutions occipitales).
— Op F3. opercule, partie qui recouvre le lobe de l'insula (fig. 110, I), ou pied
de la 3e frontale ; Op R. Opercule rolandique ou pli de passage fronto-pariétal. — Pa,
P1, P2. Lobe pariétal (pariétale ascendante, 1re et 2e circonvolutions pariétales). — Pc,
Pli courbe (partie postérieure de la 2e pariétale) qui coiffe l'extrémité du sillon parallèle.
— p Sillon parallèle. — R. Scissure de Rolando — S. Scissure de Sylvius ; Sa. sa
branche antérieure horizontale ; Sv. sa branche verticale.

Le croisillé indique les centres de la zone du langage (centre des images motrices ou de
Broca, OpF2, — centre des images auditives ou de Wernicke, T1 — centre des images
visuelles ou de Dejerine, Gm et Pc). Les traits verticaux marquent les portions de
l'écorce sus-jacentes aux faisceaux d'association ; les traits horizontaux, la partie du centre
des images auditives non comprise dans la zone du langage ; les points, le centre des
images visuelles générales.

Le bulbe (B) est situé au-dessous de la protubérance et
constitue avec celle-ci la région bulbo-protubérantielle, remarquable
par l'entrecroisement des faisceaux nerveux et par
290l'émergence des nerfs crâniens. C'est une masse de substance
blanche dans laquelle sont disséminés les noyaux
gris des nerfs qui s'en détachent.

La moelle épinière (fig. 112) renferme : 1° un cordon
central de substance grise où l'on distingue les cornes antérieures
(Coa), et les cornes postérieures (Cop) ; 2° trois cordons
de substance blanche (antérieur, Ca ; latéral, Cl, et
postérieur, Cp).

image

Fig. 109.
(croquis d'après Dejerine.)
Face interne de l'hémisphère droit.

C. Cunéus. — Cc. Tronc du corps calleux. — Fli. Faisceau longitudinal inférieur, et Fof,
faisceau occipite-frontal vus par transparence. — Fus. Lobule fusiforme. — K. Scissure
calcarine. — Lg. Lobule lingual. — Nc. Novau candé. — Parc. Lobule paracentral. — po,
Sillon pariéto-occipital. — Prc. Précanéus. — T2. 3e circonvolution temporale. — Spl
Splénium ou bourrelet du corps calleux. — Tg. Trigone. — Th. Thalamus ou couche optique.

Les cornes antérieures envoient des fibres qui constituent
les racines antérieures (Ra) de la moelle. Les cornes
postérieures, au contraire, reçoivent les terminaisons des
racines postérieures (Rp) dont les cellules d'origine siègent
dans les ganglions spinaux (G S). Les racines antérieures et
291les branches périphériques des cellules des racines postérieures
forment les nerfs rachidiens (Nr).

L'élément dernier, auquel se réduit le système nerveux 1174,
est le neurone (fig. 113), véritable unité physiologique qui

image

Fig. 110.
(croquis d'après Dejerine.)
Coupe horizontale de l'hémisphère droit

Am, avant-mur. — Cia. segment antérieur de la capsule interne ; Cig. genou de la capsule
interne ; Cip. segment postérieur de la capsule interne ; Cirl, segment retrolenticulaire de
la capsule interne. — Co. centre ovale. — E. Écorce cérébrale. — F1, F2, F2, 1re, 2e,
3e circonvolutions frontales. — Fli. Faisceau longitudinal inférieur. — I. Lobe de l'insula.
— K. Scissure calcarine. — NC. Noyau caudé ; Nl1, Nl2, Nl2, Ier, 2e, 3e segments du noyau
lenticulaire. — O1, O2, 1re et 2e circonvolutions occipitales. — OpF2. Opercule de la 3e
circonvolution frontale ; OpR. Opercule rolandique. — Sp. Branche postérieure et S(v)
branche verticale de la scissure des Sylvius. — T1, T2, 1re et 2e circonvolutions temporales.

a son autonomie propre, si bien que toute lésion affectant
l'une de ses parties retentit sur les autres.

Chaque neurone se compose : 1° d'une cellule ; 2° d'un
ou plusieurs prolongements ; 3° d'arborisations terminales.292

Les cellules sont formées par un délicat réseau de fibrilles
protoplasmiques, noyées au sein d'une substance intermédiaire,
et par un noyau central. De formes et de dimensions
très variées, elles se distinguent en pyramidales, étoilées,

image

Fig. 111.
(croquis d'après Dejerine.)
Bulbe et Protubérance annulaire.

A gauche : Face antérieure.
B. Bulbe. — Cer. Cervelet. — Cg. corps genouillés et bandelettes optiques. — C1. Première
paire cervicale. — c. pyr. Entre-croisement des pyramides. — Fl. Faisceau latéral. — Pa.
Pyramide antérieure. — Ped. c. Pédoncule cérébral. — Pr A protubérance annulaire.
III. Nerf moteur oculaire commun. — IV. Pathétique. — V. Trijumeau ; V′. sa petite racine.
VI. Moteur oculaire externe. — VII. Facial ; VII′. intermédiaire de Wrisberg. — VIII.
Auditif. — IX. Glosso-pharyngien. — X. Pneumogastrique. — XI. Spinal. — XII. Hypoglosse.

A droite : Coupe sagittale.
C. Calotte ou étage supérieur du pédoncule. — CE. Canal de l'épendyme. — Ce, Cervelet.
— P. Pied du pédoncule cérébral. — Pr. Protubérance. — Qa, Qp, Tubercules quadrijumeaux
antérieurs et postérieurs. — R. Ruban de Reil médian. — Spl, splénium. — V4.
4c Ventricule. — Ver. Vernis. — VV. Valvule de Vieussens.

multipolaires, bipolaires, unipolaires…, géantes, moyennes,
petites, etc. Elles siègent dans la substance grise de l'écorce,
293des noyaux centraux, du bulbe, de la moelle, des ganglions
sympathiques.

Les prolongements, véritables conducteurs nerveux, sont
de deux sortes : dendritiques ou cylindre-axiles.

Les dendrites naissent des fibrilles de la cellule et se subdivisent
en une multitude de ramifications variées (panaches,

image

Fig. 112.
(d'après Dejerine.)
Schéma de la moelle épinière et d'une paire rachidienne.

Ca. Cordon antérieur ; Cl, latéral : Cp, postérieur. — C B. Cordon de Burdach ; C G,
cordon de Goll. — C Cl. Colonne de Clarke. — Co a. Corne antérieure ; Co p, corne
postérieure. — F p c. Faisceau pyramidal croisé ; F p d, Faisceau pyramidal direct. — G S.
Ganglion spinal. — Nr. Tronc de nerf rachidien. — R a. Racine antérieure ; R p, racine
postérieure.

bois de cerfs, etc.), d'ordinaire courtes, mais pouvant aussi
s'étendre fort loin, jusque dans la substance blanche. Les
cellules unipolaires en sont dépourvues.

Le cylindre-axe est, en général, unique. Il naît du corps
cellulaire par un cône d'origine (dans les cellules de Deiters
et les cellules de Golgi) ; exceptionnellement, il sort
d'une dendrite (dans les cellules de Cajal). La longueur
des cylindres-axes varie : ceux des cellules de Golgi
(fig. 113, 4) et de Cajal (fig. 113, 2) sont courts ; ceux
294des cellules de Deiters (fig. 113, 1, 3) sont longs et peuvent
atteindre ou même dépasser la moitié de la longueur du

image

Fig. 113.
(d'après Dejerine.)
Schéma de quelques neurones moteurs et sensitifs de l'homme.

bc. Branche du neurone N1 qui se rend dans le corps calleux. — CA. Corne antérieure de
la moelle ; CC. colonne de Clarke. — EC. Écorce cérébrale. — EcV. Écorce du cervelet
(vernis supérior). — Ep. Epidémie. — GS. ganglion spinal. — Gsy. Grand sympathique.
— N1, N2. Neurones moteurs ; n1, n2 … n2, n2, etc., neurones sensitifs. — NG + B.
noyau des cordons de Goll et de Burdach. — Th. Thalamus.
1. Cellule pyramidale. — 2. Cellule de Cajal. — 3. Cellule pyramidale. — 4. Cellule de
Golgi.

corps. D'ordinaire, les cylindres-axes envoient sur leur
trajet des collatérales plus ou moins nombreuses.

Les cylindres-axes forment la partie essentielle des fibres
nerveuses
, qui constituent par leurs groupements les faisceaux
du système central et les nerfs périphériques. Ils
295entrent pour une grande part dans la constitution de la
substance blanche.

Les fibres centrales se distinguent, suivant leurs trajets, en
fibres d'association, fibres commissurales, fibres de projection
et fibres centripètes.

Les fibres d'association du cerveau font communiquer
deux régions plus ou moins éloignées de l'écorce.

Les fibres commissurales relient les deux hémisphères
entre eux. Telles sont, par exemple, les fibres du lobe frontal
et celles du lobe occipital qui, après avoir traversé, les
premières le tronc (fig. 109, Cc), les secondes le bourrelet
(Spl) du corps calleux, se rendent dans l'hémisphère opposé.

Les fibres de projection naissent de tous les points de la
corticalité et convergent vers les régions centrales de l'hémisphère.
Celles des secteurs antérieur et postérieur (deux
tiers antérieurs du lobe frontal, partie postérieure du lobe
pariétal, lobe occipital) s'arrêtent dans le thalamus. Celles
du secteur moyen, c'est-à-dire de la région rolandique, du
lobule paracentral, du pied des trois circonvolutions frontales,
de la partie antérieure du lobe pariétal, vont directement,
par la capsule interne, dans le pied du pédoncule
cérébral 1175, d'où elles se portent vers les noyaux des nerfs
périphériques. Mais, avant d'y arriver, elles subissent, pour
la plupart, un entrecroisement : les fibres motrices bulbaires,
un peu au-dessus du bord inférieur de la protubérance
(fig. 111) ; les fibres sensitives et les fibres rachidiennes,
dans le bulbe (les premières au collet, les secondes à la partie
inférieure). C'est pour ce motif que les lésions d'un
hémisphère se font sentir sur le côté opposé du corps.296

Les fibres centripètes proviennent des régions sous-corticales
(corps opto-striés) et vont finir dans l'écorce cérébrale.

Les fibres périphériques naissent des noyaux du bulbe, de
la moelle, ou des ganglions cérébro-rachidiens, et se dirigent
vers la périphérie ; elles constituent l'âme des câbles nerveux.

Les arborisations, qui terminent les cylindres-axes et leurs
collatérales, établissent par voie de simple contact la communication,
dans le système central, de neurone à neurone ;
dans le système périphérique, d'un neurone à un
élément moteur ou sensitif.

La voie motrice et la voie sensitive se distinguent donc avant
tout par le mode de terminaison du neurone périphérique.
Mais la première diffère encore de la seconde par une
moindre complexité : la voie motrice ne demande que
deux neurones ; la voie sensitive en exige au moins trois.

Pour rendre ces notions plus sensibles, j'emprunte à
M. Dejerine 1176 un schéma (fig. 113), où sont marquées les
connexions de neurones les plus simples.

Le système de droite figure la voie motrice, soit deux neurones :
N1, avec sa cellule pyramidale (3) qui siège dans
l'écorce cérébrale (EC), son cylindre-axe qui envoie une
branche (bc) au corps calleux, et ses arborisations qui s'épanouissent
autour de la cellule du second neurone dans le
noyau (CA) d'un nerf moteur (c'est ici la corne antérieure
de la moelle) ; N2, dont les dendrites sont enveloppées par
N1, et dont les arborisations s'étalent à la surface d'un
muscle (M).

Le système de gauche représente la voie sensitive avec sa
chaîne plus compliquée de neurones. Le neurone sensitif
297n1, dont la cellule, occupant un ganglion spinal (G S), est
en contact avec les dendrites d'un neurone sympathique
(Gsy), communique par son cylindre-axe périphérique
avec l'épiderme (Ep), par son cylindre-axe central soit
avec un neurone cérébelleux nII dans la colonne de Clarke
(CC), soit avec un neurone moteur (N2) dans la corne
antérieure (CA), soit avec une collatérale de N1, soit enfin
dans les cordons postérieurs (de Goll et de Burdach, NG + B)
avec un neurone bulbe-protubérantiel, n2. Ce second
neurone, arrivé dans le thalamus (Th), entre en connexion
avec un neurone de troisième ordre. Celui-ci peut être
un neurone à long cylindre-axe, n2, qui va s'arboriser
dans l'écorce au voisinage d'une cellule pyramidale (1),
d'une cellule de Cajal (2) et d'une cellule de Golgi (j), ou
bien un neurone à cylindre-axe court (cellule de Golgi) n'2,
qui établit la connexion avec un quatrième neurone n4, à
cellule pyramidale (1).

Ainsi, on peut concevoir le système nerveux, avec ses
chaînes de neurones, comme un admirable réseau télégraphique
dont les postes centraux, échelonnés sur l'écorce
cérébrale, sont, au moyens de postes de relais et d'un
nombre prodigieux de fils, toujours en relation entre eux
et avec toutes les parties du territoire qui leur est soumis.

§ II.
Mécanisme phonateur

Le mécanisme nerveux qui préside aux mouvements
phonateurs appartient à la voie motrice (fig. 113), et comprend
deux ordres de neurones : des neurones corticaux et
des neurones moteurs.298

Les neurones corticaux ont leurs cellules distribuées par
groupes dans la zone rolandique et aboutissent les uns aux
noyaux des nerfs moteurs bulbo-protubérantiels ; les autres,
aux cornes antérieures de la moelle. Les premiers, qui
constituent le faisceau articulatoire, partent de la région
operculaire (pied de la troisième circonvolution frontale
et des circonvolutions ascendantes frontale et pariétale,
fig. 108 OpF2, OpR) 1177. De là, ils vont occuper le genou
de la capsule interne (fig. 110, Cig), puis la portion interne
du pédoncule cérébral.

Les neurones du second ordre commencent soit dans les
noyaux des nerfs moteurs du bulbe, soit dans les cornes
antérieures, et, après avoir cheminé dans les cordons des
nerfs périphériques, vont étaler leurs arborisations terminales
à la surface des muscles phonateurs.

Les neurones bulbaires, qui commandent aux organes
supérieurs (mâchoire, lèvres, ailes du nez, langue, voile du
palais, pharynx, larynx), entrent dans la composition des
nerfs trijumeau, glosso-pharyngien, pneumogastrique, spinal et
grand hypoglosse.

Le trijumeau (fig. III, V) anime par sa petite branche
motrice (v′) tous les muscles masticateurs.

Le facial (fig. III, VII) innerve quelques muscles du
voile du palais, les muscles digastrique et stylo-hyoïdien,
299deux muscles de la langue (le glosso-staphylin et le stylo-glosse),
enfin les muscles des lèvres et du nez (le buccinateur,
les zygomatiques, le canin, les élévateurs de la lèvre
supérieure et de l'aile du nez, le dilatateur des narines).

Le glosso-pharyngien (fig. III, IX) envoie quelques filets
moteurs aux muscles constricteurs du pharynx, digastrique,
stylo-hyoïdien et stylo-glosse.

Le pneumogastrique ou nerf vague (fig. III, IX) concourt
à l'innervation des organes vocaux par sa branche pharyngienne,
par le laryngé supérieur qui descend dans le muscle
circo-thyroïdien, et par le laryngé inférieur ou récurrent qui,
remontant du thorax, va s'épanouir dans les autres muscles
internes du larynx.

Le spinal, ou accessoire du pneumogastrique (fig. III, XI),
fournit, par sa branche externe, des rameaux aux muscles
sterno-cléido-mastoïdien et trapèze.

On a attribué longtemps à la branche interne du spinal,
qui s'anamostose avec le pneumogastrique, le rôle moteur
dans l'innervation du pharynx et du larynx. Mais des expériences
récentes, jointes à l'étude des noyaux au moyen des
coupes sériées, contredisent l'ancienne manière de voir 1178.

Le grand hypoglosse, qui est exclusivement moteur, se
distribue à tous les muscles de la région sous-hyoïdienne,
au génio-hyoïdien et aux muscles de la langue.300

Les neurones rachidiens qui vont animer les muscles du
thorax et de l'abdomen commencent : les uns (nerfs du diaphragme,
du sterno-ciéido-mastoïdien, du trapèze, du grand
et du petit pectoral, du grand dentelé), dans la région cervicale ;
les autres (nerfs des intercostaux, les surcostaux,
des petits dentelés postérieurs, et des muscles de l'abdomen),
dans la région dorsale.

Enfin, il convient de mentionner les neurones sympathiques
qui se mêlent à la branche interne du spinal, au
glosso-pharyngien, au grand hypoglosse et au nerf du diaphragme.

Le fonctionnement du mécanisme phonateur commence
à être assez bien connu. En excitant, avec de faibles courants
électriques, des points déterminés de l'écorce cérébrale
du singe, à l'extrémité inférieure de la frontale ascendante
et de la troisième circonvolution frontale, MM. Horseley et
Beevor provoquent des mouvements très précis de la langue,
des lèvres et des cordes vocales 1179. De son côté, M. Onodi
a reconnu chez le chien l'existence du centre cortical de la
phonation ; mais en même temps il a constaté que ce centre
n'est pas indispensable, puisque la voix persiste, après sa
destruction totale, dans l'un et l'autre hémisphère. Le
centre, plus profond, qui conserve la voix dans l'expérience
précédente, a pu être localisé 2180, au moyen de sections successives,
dans une région qui comprend avec les tubercules
301quadrijumeaux un espace de 8 mm à la partie supérieure
du quatrième ventricule (fig. III, Qa, Qp, V4).

Depuis longtemps, on a sectionné les nerfs périphériques,
et l'on sait que les animaux, privés du spinal, ne peuvent
retenir leur souffle et n'émettent que des sons brefs et saccadés ;
qu'un chien, à qui le grand hypoglosse a été coupé,
laisse pendre sa langue entre les dents, impuissant à la retirer
en arrière ; que l'arrachement des laryngés paralyse les
cordes vocales.

Mais toutes ces expériences sont grossières. La maladie
en fait elle-même de bien plus délicates. Tantôt elle se cantonne
dans un nerf isolé, comme la paralysie du facial, celle
du trijumeau ; tantôt elle se généralise peu à peu, comme
la paralysie diphtérique qui, survenant après la guérison de
l'angine, débute presque toujours par le voile du palais et
gagne souvent les muscles du larynx et de la respiration.
Tantôt elle frappe d'une manière brusque et soudaine ; tantôt
elle progresse lentement et par étapes régulières, réalisant
le tableau complet des évolutions phonétiques dues à
un affaiblissement graduel de l'effort vocal. J'ai nommé la
paralysie labio-glosso-laryngée de Duchenne (de Boulogne).
Cette affection, sous sa forme vraie, détruit peu à peu les
cellules des nerfs bulbaires ; et les muscles s'atrophient en
conséquence. On voit la langue diminuer progressivement
de volume, s'engourdir et se coller sur le plancher de la
bouche, les lèvres refuser de s'arrondir, le voile du palais et
les constricteurs du pharynx s'immobiliser, les élévateurs
des mâchoires perdre leur force, les cordes vocales s'amincir,
devenir inertes et demeurer écartées. Le son s'altère en
raison de l'affaiblissement des muscles phonateurs. Les
consonnes qui demandent une élévation considérable de la
langue sont les premières à disparaître, remplacées par un
302bruit de souffle ; des résonances nasales infectent toute la
prononciation : les sons laryngés ou se prolongent trop, ou
s'établissent difficilement. (Voir l'Appendice).

Des phénomènes analogues se présentent, avec l'atrophie
en moins, lorsque les lésions portent sur les neurones
corticaux.

L'examen anatomique, après la mort, vient donner leur
explication aux phénomènes observés sur le vivant. C'est
ainsi que l'on a pu reconnaître qu'une lésion limitée à la
région rolandique coïncidait avec l'abolition complète de
la parole, que l'on a pu suivre, grâce à la dégénérescence
des fibres consécutive à la lésion, le trajet du faisceau
articulatoire ; que l'on a constaté, dans les cas de paralysie
incomplète, une destruction des cellules proportionnée
à la diminution des muscles. Ce dernier fait, surtout,
qui se produit dans tous les cas d'atrophie d'origine nerveuse,
est de la plus haute importance, car il suggère une
hypothèse sur la cause vraisemblable de certaines évolutions
phonétiques. Au lieu d'une destruction relativement
rapide des centres phonateurs, supposons une modification
plus lente et également progressive de ces mêmes centres,
se produisant, non plus dans l'individu, mais au cours de
générations successives, de telle sorte que le nombre des
neurones diminue ou croisse régulièrement : il se produira,
dans chaque génération nouvelle venant à la vie, un amoindrissement
ou une augmentation de la puissance musculaire
qui se manifestera, suivant les noyaux modifiés, par des
transformations proportionnelles dans le jeu des lèvres, de
la langue, du voile du palais ou du larynx. Ces modifications
seront ou trop légères pour frapper l'attention, ou trop
tenaces pour céder à des efforts incompétents. Alors,
comme aucune gymnastique appropriée ne viendra rendre
303sa vigueur normale à l'organe affaibli, si une restauration
ne se fait pas par les seules forces de la nature dans la
génération suivante, les changements demeureront acquis
et l'évolution phonétique aura progressé d'un pas. Que la
diminution du nombre des neurones s'accélère, ou se ralentisse,
ou s'arrête ; l'efficacité de l'influ volontaire sera modifiée
en conséquence, et l'évolution ou se précipitera, ou
subira un retard, ou se fixera à l'une de ces étapes qu'elle
peut conserver pendant des siècles.

§ III
Faculté et zone du langage 1181

Le mécanisme phonateur ne se meut pas de lui-même ;
il est sous la dépendance d'un organisme plus complexe qui
constitue la faculté du langage. La pensée, en effet, a
besoin, pour pouvoir être exprimée par la parole, de revêtir
une forme spéciale que nous nommons le langage intérieur,
c'est-à-dire de s'identifier avec un groupe d'images,
les unes sensorielles, les autres motrices, qui lui donnent un
corps et permettent de la transformer en mouvements. Or,
les centres où s'accomplissent toutes ces opérations sont
avant tout des centres de souvenir, en relation étroite
entre eux et avec les centres sensibles et moteurs. Si, en
effet, dans les premiers débuts de la vie, nous ne possédons
des choses que des images réelles perçues par les centres
généraux, nous ne tardons pas à associer à ces images :
d'abord les images des mots entendus, ou images auditives
304des mots ; puis, à la suite d'efforts épeliatoires essayés pour
reproduire les mots entendus, les images commémoratives
des mouvements phonateurs, ou images motrices d'articulation ;
plus tard, enfin, les images des syllabes et des mots
lus et écrits, ou images visuelles des lettres et des mots.

Les centres où s'emmagasinent ces différentes images,
avec leurs faisceaux d'association, forment la zone du langage.
Ils occupent sur le cerveau l'hémisphère gauche chez
les droitiers, l'hémisphère droit chez les gauchers, et se
groupent le long de la scissure de Sylvius, sur les confins
des territoires moteur et sensoriel.

Le centre des images motrices d'articulation, ou centre
de Broca 1182, siège dans le pied de la 3e circonvolution
frontale (fig. 108, OpF2), en contact immédiat avec les
origines corticales des nerfs phonateurs ; le centre des
images auditives des mots, ou centre de Wernicke 2183, dans
la 1re temporale (T1), à l'extrémité supérieure du lobe
temporal, zone attribuée à l'audition et à proximité du
centre de Broca ; enfin le centre des images visuelles des
305lettres et des mots, ou centre de Dejerine 1184 dans le gyrus
supra-marginalis (Gsm) et dans le pli courbe (Pc) qui, d'une
part, sont en relation intime avec la face interne du lobe
occipital, lèvres de la scissure Calcarine (fig. 105, K) ;
lobules lingual (Ll) et fusiforme (Fus), centre de la vision
générale 2185, et, d'autre part, occupent le point le plus rapproché
des centres de Wernicke et de Broca.

Les faisceaux d'association propres à ces centres sont : le
faisceau longitudinal supérieur ou faisceau arqué (fig. 108,
Fls), composé de courtes fibres d'association qui traversent
la région sous-jacente aux lobes occipital et temporal et à
l'opercule sylvien (fig. 110, OpF2, OpR) ; le faisceau occipitofrontal
(fig. 109, Fof) composé aussi de fibres courtes, qui
mettent en rapport l'Insula (fig. 109, 1) d'un côté avec la
3e frontale et de l'autre avec la 2e temporale, constituant
ainsi la voie la plus courte entre le centre de Broca et celui
de Wernicke ; enfin le faisceau longitudinal inférieur (fig. 109
et 110, Fli), qui relie le lobe occipital, et en particulier la
zone visuelle, au lobe temporal, centre des images auditives 3186.

On peut donc vraisemblablement ajouter à la zone du
langage, avec M. Thomas, le lobe de l'insula et l'opercule
rolandique où viennent se relayer les fibres d'association
des centres d'images.

C'est aux lésions qui affectent la zone du langage et à
leurs effets que nous devons les renseignements les plus
306précis sur la formation du langage intérieur. Ces lésions
produisent des affections variées que l'on est convenu de
désigner sous le nom d'aphasie. Il ne sera pas inutile de nous
y arrêter un instant.

Les aphasies se divisent en deux classes, en corticales et
sous-corticales, suivant que les lésions dont elles relèvent
ont leur siège en dedans ou en dehors de la zone du langage.
Les premières sont caractérisées par ce fait qu'elles
altèrent le langage intérieur sur toutes ses formes (parole,
audition, lecture, écriture), tandis que les secondes ne suppriment
qu'une fonction, celle dont l'organe est atteint
directement, et laissent subsister toutes les autres.

Commençons par les aphasies sous-corticales, qui présentent
les types les plus simples.

Aphasies sous-corticales.

Aphasies sous-corticales. Conservation du langage intérieur.
— La lésion est en dehors de la zone du langage,
par conséquent : soit entre le centre de Broca et les centres
des mouvements articulatoires, soit entre le centre de Wernicke
et le centre auditif commun, soit entre le centre de
Dejerine et le centre visuel commun. D'où trois formes :
aphasie motrice, surdité verbale et cécité verbale, toutes
les trois pures, sans influence de l'une sur l'autre.

Aphasie motrice sous-corticale. — La possibilité seule d'articuler
a disparu. Fait intéressant à noter : le malade conserve
très bien la notion de la syllabe ; il fait, quand il essaye
de parler, autant d'efforts expiratoires qu'il y a de syllabes
dans le mot.

Surdité verbale pure. — La parole n'est pas entendue, par
conséquent le malade ne peut ni répéter ni écrire sous
dictée.

Cécité verbale pure. — Perte de la lecture mentale. Le
307malade ne peut comprendre l'écriture qu'en suivant le tracé
des lettres avec le doigt. La copie devient un dessin. La
parole est conservée.

Aphasie corticale.

Aphasie corticale. Altération du langage intérieur. —
On distingue : l'aphasie totale, l'aphasie motrice et l'aphasie
sensorielle.

Aphasie totale. — La zone du langage est complètement
détruite.

Aphasie motrice corticale 1187. — Le centre de Broca est atteint
soit en lui-même, soit dans ses connexions ordinaires.
Les mouvements articulatoires peuvent être exécutés : le
malade meut les lèvres, la langue, le voile du palais, fait
vibrer le larynx, etc. Mais la faculté d'appliquer ces divers
mouvements à la parole est abolie. Certains malades
peuvent cependant prononcer quelques syllabes purement
automatiques qui leur servent pour toutes leurs réponses.

Le retour de la parole est très lent. Les premiers mots
qui se présentent sont les verbes à l'infinitif ou de simples
noms, d'abord pour répondre aux questions posées, plus
tard pour exprimer des désirs. Les mots en série (jours de la
semaine, noms de nombre, etc.) reviennent tous ensemble
et ne peuvent être isolés. Enfin, quand, grâce aux suppléances
qui s'établissent soit dans le même hémisphère,
soit dans l'hémisphère opposé, la parole sera entièrement
restaurée, les phrases resteront plus courtes et la prononciation
moins rapide.

La parole répétée est au début profondément atteinte.
308Mais, dans la période d'amélioration, elle prend le pas sur la
parole spontanée. Le mot est reconquis le premier. Quant
aux phrases, le malade n'en peut reproduire d'abord que le
dernier mot, ou bien il les mutile par ses omissions au
point de les rendre incompréhensibles. MM. Thomas et
Roux ont hâté singulièrement la répétition des mots en
appelant l'attention de leurs malades sur les mouvements des
lèvres et de la langue. Je n'ai pu obtenir le mot « Salpétrière »
d'un aphasique, déjà en voie de guérison, qu'en
lui faisant suivre, à l'aide du doigt, les mouvements de la
langue dans ma bouche et dans la sienne.

La lecture à haute voix revient en même temps et de la
même manière que la parole. Elle est au début très défectueuse,
criblée de fautes, d'omissions, de confusions, de
transpositions, de changements de toute sorte.

L'écriture spontanée et sous dictée est abolie. Quelques
mots usuels seuls ont échappé au désastre ; certains même
sont écrits, qui ne peuvent être prononcés. Cependant
l'aphasique écrit sous dictée les lettres isolées, souvent
même la première lettre d'une syllabe ou d'un mot, mais
sans pouvoir retrouver les autres. Le retour de l'écriture
sous dictée présente les mêmes phases que celui de la lecture.

La copie seule est possible, mais seulement la copie servile
faite lettre à lettre. Elle s'améliore avec le temps et
l'exercice.

La mimique et le chant sont souvent moins touchés en
raison des associations qu'ils possèdent en dehors de la zone
du langage.

En revanche, la faculté de comprendre la parole parlée
est maintenue ; toutefois, elle subit des diminutions qui
prouvent bien la solidarité des centres du langage intérieur.
Il n'en est pas de même de la lecture mentale, qui est
309détruite, sauf pour quelques mots (les plus familiers), les
emblèmes connus, les chiffres et les nombres peu élevés.
Celle-ci se restaure peu à peu suivant un ordre qui est toujours
le même. Le malade reconnaît : en premier lieu, le
dessin du mot ; puis l'association des syllabes ; enfin l'association
des lettres. Les sons simples figurés par plusieurs
lettres, comme eau = ô, lui offrent le plus de difficulté.
On arrive à classer ses progrès en lui présentant à lire des
mots écrits d'une façon insolite (verticalement, ou avec les
syllabes séparées, ou avec les lettres largement espacées).

Toutes ces observations nous permettent, en poussant
notre analyse plus loin, de rechercher ce que sont devenues
dans l'aphasie motrice les images visuelles, auditives,
motrices et la faculté de les évoquer, deux choses qui constituent
le langage intérieur :

Les images visuelles des lettres sont intactes et peuvent
être évoquées spontanément ; mais les images visuelles des
syllabes et des mots sont très altérées. Même avec les cubes
alphabétiques dont M. Mirallié se sert pour supprimer
l'écriture et la remplacer par un acte purement intellectuel,
les malades, qui peuvent représenter leur nom et quelques
mots, sont incapables de rendre leur pensée.

L'aphasique conserve les images auditives, puisqu'il
comprend ce qu'on lui dit. Mais peut-il les évoquer spontanément ?
Ce qui revient à dire : l'aphasique pense-t-il
avec des mots ou seulement avec des images générales ?
Pour le savoir, on s'est adressé aux aphasiques guéris,
et l'on a tenté des expériences 1188. Les réponses obtenues
310n'ont pas été concordantes, mais les expériences, faites par
MM. Thomas et Roux, semblent bien prouver que l'image
auditive n'est pas évoquée. Quoi qu'il en soit, ce qu'il
importe de noter, c'est que, durant la période d'amélioration
de l'aphasie, l'évocation spontanée des images auditives,
comme du reste les autres opérations phoniques, est lente
et pénible : le malade cherche d'abord son mot pendant
plusieurs secondes, puis il fait des mouvements des lèvres
et de la langue, et, après quelques essais, il arrive enfin à
l'émission voulue. Au contraire, si l'on fournit à l'aphasique
l'image auditive en lui soufflant le mot ou seulement
la première syllabe du mot, on obtient une réponse immédiate.
Les voies de communication sont donc bien défectueuses.

La faculté d'évoquer les images motrices d'articulation
est entièrement abolie, mais s'ensuit-il que ces images sont
toujours détruites ? L'expérience de MM. Thomas et Roux
prouve que non, puisque leurs malades, réfractaires à la
simple audition, ont réappris par la vue le mécanisme de
la parole. L'aphasie motrice serait donc moins la perte de
la faculté d'articuler, que la perte de la faculté de provoquer
l'articulation par l'image auditive. Il y aurait dissociation
des éléments auditifs et moteurs, dont l'union chez l'enfant
a constitué le mot. Cette notion, outre qu'elle est tirée de
l'expérimentation, a encore l'avantage de rendre raison des
faits observés. En effet, la destruction du mot entraîne la
311perte de la parole spontanée, la perte de la faculté de syllaber,
par conséquent la perte de la lecture mentale et de
l'écriture, qui supposent l'une et l'autre l'épellation ou
image auditivo-motrice du mot, sauf lorsque celui-ci peut
être considéré comme un idéogramme et compris comme
un dessin.

Aphasie sensorielle corticale. — Lésion de la 1re temporale,
du gyrus supra-marginalis, du pli courbe. — Quoique les
malades entendent et voient d'une façon normale, ils ne
peuvent comprendre la parole et la lecture. Au début, la
surdité et la cécité verbales sont nettement accusées ; mais,
suivant que la lésion prédomine à la 1re temporale ou au
pli courbe, on voit l'une ou l'autre s'atténuer sans pourtant
disparaître complètement. Presque toujours le malade
reconnaît son nom, plus rarement celui de ses proches ;
parfois il comprend certains mots. Dans tous les cas, cependant,
un examen attentif ne tarde pas à révéler la cécité
ou la surdité verbale.

La parole naturellement est atteinte, mais à des degrés
et sous des aspects divers, suivant la nature et l'importance
de la lésion. Si une interruption complète se produit entre
les images motrices et les images auditives, on voit apparaître
le type de l'aphasie motrice. Si le centre de perception
auditive seul est atteint, et que les associations auditivo-motrices
anciennes soient intactes, la parole spontanée se
maintient ; mais, privée de ses rapports avec les perceptions
actuelles, elle est vide de sens ; et le malade, s'efforçant de
suppléer à ce qu'il sent bien lui manquer, devient un verbeux.
Si les associations auditivo-motrices sont partiellement
atteintes, la faculté d'articuler persévère, mais les syllabes
se brouillent et le langage devient un jargon plus ou moins
informe. Si enfin les perceptions actuelles sont simplement
312limitées, les questions les plus simples, celles qui
ont rapport à la vie de tous les jours, pourront seules
être comprises et recevoir des réponses convenables.
Mais la parole répétée est toujours très défectueuse ; cela
se conçoit puisqu'elle est fondée sur les seules perceptions
actuelles.

L'écriture est très altérée : le malade en général peut
écrire son nom, mais comme un idéogramme (interrompu
dans son dessin, il ne saura le continuer) ; il copie, mais
seulement trait pour trait. En réalité, l'écriture spontanée,
sous dictée et sur copie, est supprimée. Exceptionnellement,
l'écriture présente des troubles comparables à ceux
de la parole spontanée : elle est facile, courante, bien régulière,
mais elle ne répond à aucune idée ; d'autre fois elle
présente des lacunes, des syllabes sont passées ou redoublées :
c'est un véritable jargon écrit.

Avec le temps, ces phénomènes peuvent s'atténuer par
suite de l'adaptation de nouveaux centres et de nouvelles
connexions ; mais ils ne disparaissent pas complètement.

On le voit, l'étude du mécanisme intérieur du langage et
de la représentation de l'idée n'est pas hors de propos en
phonétique. Elle nous donne la clef de diverses modifications
que le jeu de l'organisme phonateur n'explique pas :
les substitutions irrationnelles d'articulations, les transpositions
de certaines syllabes et de certaines lettres, qui proviennent
d'erreurs de transmission. Elle nous fait mieux
comprendre la mutuelle dépendance du système phonateur
et de l'oreille. Ce sont les images auditives qui déclanchent
le mécanisme de l'articulation et qui en modèrent le fonctionnement ;
mais c'est l'exercice des mouvements phonateurs
qui affine l'ouïe et lui donne sa dernière perfection.
313Des erreurs d'articulation tromperont l'oreille, comme des
erreurs d'oreille égarent l'articulation. Et, comme c'est
l'ouïe qui tient le premier rôle dans l'enseignement du langage,
il est naturel de ne pas refuser à l'imperfection des
images auditives une part dans la marche des évolutions
phonétiques.314

Chapitre VI
Analyse physiologique de la parole

L'analyse physiologique de la parole définit les éléments
du discours d'après le jeu organique qui leur a donné naissance.

On a mis en doute la valeur scientifique de ce procédé,
par la raison qu'il n'existe pas un lien nécessaire entre les
mouvements phonateurs et le son. Il est vrai que deux
organismes très dissemblables par exemple, celui de
l'homme et celui du perroquet, peuvent arriver à produire
un même effet acoustique 1189 ; mais l'objection est ici sans
valeur. Ce qu'il faudrait prouver, c'est, non que deux
mouvements différents peuvent aboutir au même son, mais
que deux sons différents peuvent résulter de deux mouvements
identiques ; et cela, on ne le prouvera pas.

L'analyse physiologique n'est pas seulement légitime,
elle est nécessaire. Sans elle, dans l'état actuel de nos connaissances,
nous ne saurions ni distinguer sûrement les
diverses articulations dans les tracés mécaniques de la voix,
ni les définir d'une façon intelligible, ni rendre compte de
leurs transformations. C'est dire que, sans elle, non seulement
la phonétique n'existerait pas, mais que l'analyse
physique elle-même du son serait privée d'un complément
indispensable.315

Comme moyen de définition, la méthode physiologique
se recommande en particulier par sa clarté. En effet, quand
nous lisons comment un son se produit, les mouvements
décrits s'esquissent comme d'eux-mêmes dans notre pensée,
et, grâce à leurs associations avec des sons connus, nous
donnent du son proposé une image d'autant plus voisine
de la réalité que notre éducation phonétique est plus complète.

Au reste, c'est à l'observation physiologique que se
réfèrent la plupart des documents que nous possédons sur
la prononciation aussi bien des langues anciennes que des
langues modernes. Nous ne pourrons point en aborder ici
la discussion ; mais l'expérimentateur avisé n'aura garde de
les ignorer, surtout ceux que nous devons à l'école phonétiste
contemporaine ; car il y trouvera ample matière à
expériences et des faits bien observés 1190.316

Nous traiterons successivement :

De deux questions préliminaires ;

Des éléments simples de la parole ;

Des éléments groupés ;

Des qualités des éléments de la parole (durée, hauteur
musicale, intensité) ;

Des modifications phonétiques.317

Article I
Questions préliminaires.

Deux questions se posent avant toutes les autres, à
savoir : Sur quels sujets faut-il étudier les éléments de la
parole ? — Comment représenter les résultats des analyses ?
Nous avons donc à nous occuper : 1° du choix des sujets à
expériences ; 2° de l'alphabet.

§ I
Choix des sujets à expériences

Il est clair que la portée d'une analyse dépend de la
valeur du sujet sur lequel on l'a faite. L'expérimentateur
doit donc choisir les sujets de ses expériences, ou plutôt il
peut prendre n'importe lequel, pourvu qu'il se rende un
compte exact de sa valeur au point de vue linguistique, et
qu'il n'attribue pas aux résultats obtenus plus de portée
qu'il ne convient.

Chacun ne vaut pleinement que pour sa langue maternelle,
considérée dans un lieu et dans un temps déterminés.
En dehors de cette langue dont le mécanisme est normal,
restriction faite des cas exceptionnels qui se dénoncent
d'eux-mêmes, on est exposé à se trouver, pour toutes les
autres, apprises dans la suite, en face d'accommodations intéressantes
à connaître sans doute, mais qui altèrent la
pureté des mouvements traditionnels. Est-ce à dire qu'il
n'est pas possible d'arriver à la reproduction parfaite d'une
langue étrangère ? Je ne veux pas le nier ; mais le succès
318est toujours problématique. La pureté auditive du son
n'est même pas une garantie suffisante, car des sons identiques
peuvent être dus à des jeux organiques différents.
Nous en rencontrerons plusieurs exemples, et l'on en cite
qui tiennent du prodige : une jeune fille des environs de
Nantes qui avait perdu la langue par suite de la petite
vérole et qui serait arrivée à demander du pain et à parler 1191 ;
un homme, présenté à une réunion de médecins, à
qui on avait enlevé le larynx et supprimé toute communication
de la trachée avec la bouche, et qui, en emmagasinant
de l'air dans une petite poche au-dessus de la trachée,
était arrivé à parler et à se faire comprendre 2192. Ces suppléances
merveilleuses, qui ne peuvent évidemment pas
entrer ici en ligne de compte, montrent du moins de
quelles ressources dispose la nature, et avec quelle
prudence il faut procéder à la localisation des mouvements
articulatoires si l'on ne tient compte que de leurs effets
acoustiques.

On ne peut donc approuver la méthode suivie par certains
observateurs pour l'étude des prononciations étrangères
à la leur. Ils s'efforcent de les reproduire en se guidant
par l'oreille et les yeux ; puis, quand ils y ont réussi
au gré des indigènes, ils décrivent les mouvements exécutés
par eux, tels qu'ils les sentent, et les enseignent comme
le mécanisme normal du son étudié. Il est difficile de faire
autrement, quand on pose le sens musculaire comme critérium
dernier en phonétique. Mais on avouera que cette
319méthode ne peut donner qu'une sécurité bien relative.
L'expérimentateur, lui, ne doit pas s'en contenter ; il observera
les faits directement là où ils se produisent, et il choisira
autant de sujets pour ses expériences que l'exigera la
variété de ses recherches.

Les sujets que l'on proposera comme représentant des
types purs du parler d'un lieu quelconque, seront triés
avec le plus grand soin. On les prendra non seulement
indigènes, mais encore issus de parents indigènes, et l'on
s'assurera qu'aucune influence étrangère d'une certaine
importance n'a pu altérer la pureté native de leur prononciation.

Quand on possédera ainsi des types tout à fait purs, on
pourra tirer parti des expériences faites sur des sujets dont
le langage offrira une plus grande complexité.

Chaque feuille d'expérience doit donc être accompagnée
de tous les renseignements géographiques, généalogiques,
sociaux, chronologiques, nécessaires pour placer les résultats
obtenus dans leur vraie catégorie et en apprécier la
juste valeur.

C'est faute d'avoir fait des observations suffisantes sur
des sujets compétents, que la plupart des grammairiens
modernes identifient l'l mouillée, inconnue aujourd'hui de
la plupart des Français du Nord, avec ly ; que plusieurs phonéticiens
se sont refusés à reconnaître l'existence d'un t
mouillé, d'un d mouillé, d'un k mouillé, etc., distincts du
ty, dy, ky…, etc. On a jugé, semble-t-il, pour l mouillée,
d'après de vagues prescriptions recommandant encore de
faire entendre une l et non pas seulement un y. C'était
insuffisant pour retrouver un son perdu. On aurait pu, au
besoin, se renseigner auprès des grammairiens des siècles
derniers qui, n'ayant qu'à s'observer eux-mêmes pour
320rendre compte du mécanisme de cette articulation, nous en
ont laissé des descriptions exactes. M. Havet paraît être
le premier qui ait eu l'idée de recourir à l'observation
directe des sujets possédant l'l mouillée dans leur langue 1193.
Mais cela même aurait pu ne pas suffire. On l'a bien vu pour
les explosives mouillées. La simple audition induirait plutôt
en erreur, car une oreille non encore exercée n'entend que
ly, ty, dy… Et ici je dois faire un aveu, qui est instructif.
Quoique je n'aie jamais pu confondre ly et l mouillée, ny et
n mouillée, cependant je ne suis parvenu à distinguer nettement
ty et t mouillé, dy et d mouillé qu'après avoir constaté
sur des palais artificiels la différence des mouvements articulatoires
propres aux uns et aux autres.

Quand il s'est livré à une scrupuleuse information,
l'expérimentateur a un second devoir à remplir, celui de
présenter ses conclusions pour ce qu'elles valent réellement.
S'il croit pouvoir généraliser un fait, d'accord ;
mais qu'il le dise, et ne nous laisse pas supposer des documents
plus nombreux, qu'il ne possède pas. En lisant, dans
le Traité de la formation mécanique des langues, du président
De Brosses 2194, que le s est un sifflement nasal, on est
quelque peu surpris, d'autant que le mécanisme des consonnes
nasales était bien connu au XVIIIe siècle et que l'auteur
s'est montré plus d'une fois observateur attentif. D'où
vient l'erreur ? Uniquement, je crois, d'une expérience personnelle
indûment généralisée.

Les cas d'insuffisance du voile du palais ne sont pas rares :
321j'en ai rencontré en Allemagne comme en France, et cela
sans que la prononciation m'ait paru sensiblement altérée.
Il est alors facile de constater pour certaines articulations
non nasales, pour s (par exemple), une émission anormale
de l'air par le nez. De Brosses, qui était « d'un tempérament
faible et délicat 1195 », eut sans doute ce défaut ;
son tort aura été de le prêter à tout le monde.

C'est aussi en se basant sur leur propre manière de prononcer
que Bèze, Périon, d'Olivet, Batteux (pour ne citer
que des anciens) ont donné de l'accent français des règles
fausses 2196 si l'on considère le français de Paris, mais exactes
pour leur français régional.

On évitera tous ces défauts, en donnant une liste sincère
des documents utilisés, avec tous les détails propres à
éclairer la critique. Le lecteur ayant été mis en état de
juger par lui-même, on pourra sans inconvénient généraliser
à son gré : le correctif sera à côté de chaque affirmation
et permettra toujours de ramener les choses au point.

Le degré de généralisation dont sont susceptibles les
expériences particulières est une question sur laquelle nous
aurons à revenir (art. V) ; mais nous pouvons dire dès
maintenant que les expériences faites sur des sujets bien
choisis montrent assez vite : 1° ce qui convient à une seule
classe d'individus, à une seule localité, ou bien à toute une
région, à tout un pays ; 2° quand la plus grande réserve s'impose
dans les conclusions, quand, au contraire, la généralisation
la plus étendue est permise. L'expérimentateur
n'aura donc qu'à se laisser conduire et inspirer par les
expériences mêmes.322

§ II
L'alphabet

Il ne peut pas être question de conserver aucun de nos
alphabets vulgaires, l'alphabet français moins que tout
autre. Chacun connaît leur fastueuse indigence. Dès le
XVIe siècle, on a songé à les enrichir 1197 ou à les remplacer 2198.
Au XVIe siècle, on voit naître cette idée que l'alphabet
doit peindre les mouvements phonateurs. Aussi
323van Helmont 1199 attribue-t-il ce mérite aux lettres hébraïques
324qu'il croit révélées par Dieu. John Wilkins 1200 compose un
alphabet entier d'après ce principe. En même temps, on
cherchait un alphabet universel où les mots seraient écrits
à la façon des chiffres et deviendraient lisibles pour toutes
les nations 2201. Au XVIIIe siècle, De Brosses entreprit de
réaliser ces deux idées dans son « alphabet organique et
universel composé d'une voyelle et de six consonnes »
avec signes modificatifs. Il en donna deux formes : une,
hiéroglyphique, où chaque articulation était représentée
par une grossière image de l'organe qui le produit ; l'autre,
plus simple, plus méthodique et plus expéditive 3202.

Avec notre siècle, les progrès de la linguistique font
surtout désirer un alphabet universel assez riche pour
rendre les nuances les plus délicates des sons.

Lepsius 4203 construit son alphabet-étalon avec des caractères
325romains et des signes diacritiques. Du Bois-Reymond 1204
propose quelques signes nouveaux.

Brücke rajeunit l'alphabet organique dans un mémoire
présenté, en 1863, à l'Académie des sciences de Vienne
(section de philologie) 2205 ; M. Bell le perfectionne à son tour
dans son Visible speech 3206 ; et Rumpelt 4207 lui donne une
forme sténographique combinée de telle sorte que la
parenté des sons soit indiquée par la ressemblance des
signes.

Enfin, M. Jespersen recourt, pour figurer les sons, non
plus à de simples signes, mais à des formules représentant
la part de chacun des organes dans leur production 5208.
Cette notation algébrique a des avantages, m'a-t-on dit,
dans l'enseignement.

L'alphabet de Bell, légèrement modifié 6209, a été proposé
par M. Sweet dans un petit livre fort commode 7210. Néanmoins,
tout en se référant quelquefois aux signes du
326Visible speech, les linguistes n'en font point usage dans
leurs transcriptions.

On préfère, en général, à l'exemple de Lepsius, s'en
tenir à l'alphabet latin qui a l'avantage d'être connu et de
renfermer plusieurs éléments utilisables d'une grande
clarté. On est d'accord naturellement pour en éliminer
tous les signes superflus ou à valeur multiple, et l'on
admet théoriquement la loi : un seul signe pour un son,
un seul son pour un signe. Mais une grande variété règne
dans le choix des enrichissements nouveaux. Les uns
n'hésitent pas à mélanger diverses sortes de lettres, des
capitales, des minuscules, des romaines, des italiques, des
caractères gras, des lettres grecques, des signes en usage
dans les manuscrits, à les renverser, à utiliser les signes de
ponctuation et, en un mot, toutes les ressources qui se
trouvent dans les imprimeries ; on arrive ainsi à une représentation,
peu séduisante à l'œil sans doute, mais économique
et variée, des sons. Ce système, commode pour l'impression,
plaît encore à une certaine classe de lecteurs
ennemis des signes diacritiques : car il y en a. Et je ne m'en
plaindrais pas, s'ils n'étaient en même temps ennemis du
grand nombre des caractères, ou si je pouvais leur supposer
l'esprit divinatoire d'un certain musicien de la
garde, qui, m'a-t-on dit, ne jouait à son aise un morceau
qu'après l'avoir débarrassé de ses dièses et de ses bémols,
superfluités encombrantes pour lui. Les autres, obéissant
à des sentiments d'esthétique et surtout persuadés que
réduire la gamme des sons à des intervalles fondamentaux
bien connus et marquer les nuances par des modificateurs
à signification fixe, c'est apporter un grand soulagement
à la mémoire, n'hésitent pas, malgré la dépense qui en
résulte, à bannir de leur alphabet tout caractère disparate
et à multiplier les signes diacritiques.327

Au premier genre appartiennent, par exemple, le
système graphique de M. P. Passy (1887), et de sa revue,
le Maître phonétique, celui de Kräuter, employé en
Alsace, et celui de MM. Lyttkens et Wulff 1211 pour lequel a
été dépensé une grande somme d'ingéniosité ; au second
genre, le système de M. Boehmer, usité parmi les romanistes
allemands, et celui de l'ancienne Revue des patois
gallo-romans
, aujourd'hui de la Société des Parlers de France
et de la Parole.

Le choix, du reste, entre ces différents systèmes me
paraît assez indifférent, au moins pour ce qui concerne les
phonéticiens. Il suffit que chaque auteur dresse une table
bien exacte des signes qui lui sont particuliers et qu'il la
place dans un lieu bien apparent de son volume, de préférence
en première page. Toutefois, on commence à sentir
le besoin d'une entente pour arriver à un système unique.
Les orientalistes ont pris les devants. Ils ont arrêté, au
congrès de Genève (1894), un alphabet qui répond à leurs
besoins actuels. On me saura peut-être gré de le trouver
ici avec quelques-uns de ses équivalents :

Transcription du sanskrit

tableau Congrès des Orientalistes (session de Genève) | Grammaire de Wackernagel | voyelles328

tableau Congrès des Orientalistes (session de Genève) | Grammaire de Wackernagel | Autres transcriptions en usage | voyelles | occlusives gutturales 1212329

tableau Congrès des Orientalistes (session de Genève) | Grammaire de Wackernagel | Autres transcriptions en usage | palatales | cérébrales | dentales | labiales | demi-voyelles330

tableau Congrès des Orientalistes (session de Genève) | Grammaire de Wackernagel | Autres transcriptions en usage | sifflantes | 1° palatale | 2° cérébrale | 3° dentale | h sonore | (l cérébrale) | (anusvāra, sorte d'émission nasale) | (anunāsika) | (vìsarga, h sourde employée à la fin des syllabes)

En attendant que les phonéticiens, imitant les orientalistes,
adoptent un système graphique commode et suffisamment
souple pour se prêter au progrès à venir de la
science, je conserve ici, en le modifiant un peu pour lui
donner un caractère plus général, celui des Parlers de
France
et de la Parole.

Dans ce système, combiné en vue d'un objet déterminé
(la transcription des parlers de France), on a utilisé toutes
les ressources de l'alphabet français, adoptant tous les caractères
simples et à signification unique, modifiant certains
autres pour en préciser le sens, généralisant l'usage des
signes diacritiques pour noter des nuances ou figurer des
331sons étrangers à notre langue littéraire. De plus, on a eu
recours à la superposition des lettres pour représenter des
sons intermédiaires entre deux autres plus connus, et à des
exposants pour déterminer l'étape de leur évolution ;
enfin on a introduit des caractères d'un corps plus petit
pour peindre aux yeux l'état précaire des sons qui sont en
voie de naître ou de mourir.

En vue d'éviter autant que possible toute équivoque,
on a repoussé en principe les caractères et les signes qui,
ayant par ailleurs une autre signification, pourraient être
mal interprétés par un lecteur oublieux.

L'exposé détaillé de ce système graphique se trouve naturellement
lié à l'étude des articulations. On peut en voir
le tableau complet en tête du volume.

Mais ce serait se tromper étrangement que d'attribuer à
un alphabet quelconque une valeur absolue, car aucun
n'est une image fidèle de la réalité. Ce caractère n'appartient
qu'à l'inscription simultanée de la parole et des mouvements
phonateurs. La méthode graphique permet donc
de réaliser l'idée tant caressée et en apparence chimérique
d'un alphabet universel, l'alphabet phonographique, dans
lequel chaque articulation serait représentée avec ses caractères
généraux qui font son unité et, en même temps, avec
les modifications dues soit aux groupements, soit aux dialectes,
qui constituent son individualité. Dans cet alphabet
nouveau, chaque lettre se composerait, non d'un ensemble
plus ou moins complexe de lignes ou de points à valeur
conventionnelle, non de formules abstraites, mais des tracés
mêmes produits par l'articulation correspondante. Nous en
rencontrerons de nombreux éléments dans les articles qui
suivent. Toutefois une telle écriture, je m'empresse de le
reconnaître, n'est pratique que pour des études spéciales
332de peu d'étendue et n'a nullement la prétention de se
substituer entièrement aux systèmes approchés de transcription
phonétique.

Article II
Éléments simples de la parole.

Nous entendons ici par éléments simples de la parole,
les articulations telles qu'elles peuvent être produites isolément
ou telles qu'elles se présentent dans les groupes
élémentaires en dehors desquels elles ne sauraient exister
ou être parfaitement comprises.

Nous les considérerons non seulement dans l'acte phonateur
qui leur donne naissance, mais encore dans les
modifications et les mouvements vibratoires de la colonne
d'air parlante, qui se rapportent au travail musculaire
comme à leur cause, et sans lesquels, par conséquent,
l'étude physiologique du langage ne pourrait être qu'incomplète
et tronquée.

Cet article se divise en trois paragraphes. Le premier
sera consacré aux parties constitutives des articulations ;
le deuxième, à leurs qualités générales ;le troisième,
à leur classification.

§ I
Parties constitutives des articulations

Nous considérerons d'abord les actes physiologiques des
articulations, puis leur effet acoustique (à savoir s'il est
simple ou double) ; en troisième lieu, nous ferons la comparaison
333microscopique des divers temps de l'acte articulatoire
et de la voix.

I
Actes physiologiques des articulations

Au point de vue physiologique, chaque articulation se
divise en trois actes : la mise en position des organes ou
tension, la tenue et la détente. En effet, pour produire un
son quelconque, l'organe vocal doit quitter un état indifférent
pour prendre la position voulue, maintenir celle-ci
quelques instants et ensuite l'abandonner.

C'est ce que nous pouvons représenter à l'aide des deux
schémas A et B qui figurent les deux types du mouvement :

image

Fig. 116.
Mouvement articulatoire pris au point où l'organe se resserre, à l'aide d'une
ampoule (fig. 28) et d'un tambour à levier (fig. 26).

o, Position de l'organe avant et après l'articulation. — a, Tension. —
b, Tenue. — c, Détente.

A. Le canal vocal se resserre (fig. 116). L'état premier,
(soit le repos, soit l'ouverture de la bouche) est marqué
par la partie inférieure de la ligne (o o), l'entrée en activité
de l'organe par la partie montante (a), la tenue par la portion
horizontale qui suit (b), enfin la détente et le retour à
l'état primitif par la ligne descendante (c).334

image

Fig. 117.
Mouvement articulatoire correspondant à l'ouverture de l'organe. Même
disposition expérimentale que pour la fig. 117.

B. Le canal vocal s'ouvre (fig. 117). — Le tracé reproduit
le précédent, mais en sens inverse : État premier,
o o ; tension a ; tenue, b ; détente, c.

Ces schémas nous aideront à mieux comprendre les
tracés réels qui présentent bien les mêmes éléments, mais
non avec la même régularité.

Examinons successivement les voyelles et les consonnes.

Voyelles isolees

Les voyelles nous fournissent les cas les plus simples,
car elles s'isolent facilement. Soit, par exemple, u et á
(fig. 118).

image (R)

Fig. 118.
Mouvement de la langue pris au moyen d'une ampoule exploratrice placée entre
cet organe et le palais.

Les vibrations marquent la place de la voyelle.

u. — Le dos de la langue se porte vers le palais, puis
revient à sa position initiale.335

á. — Le point de départ de l'inscription a été l'état de
repos. Le tracé figure l'ouverture et la fermeture de la
bouche.

Les vibrations qui accompagnent la ligne du mouvement
articulatoire montrent le commencement et la fin
des voyelles ; elles permettent ainsi d'établir le rapport qui
existe entre la portion du mouvement productrice du son
et celles qui le préparent ou le suivent.

On croit généralement que les voyelles correspondent à
des stations organiques, par opposition aux consonnes qui
correspondraient à des mouvements. En d'autres termes, les
voyelles seraient produites ad seul moment de la tenue. Les
tracés montrent ce qu'il y à d'exagéré dans cette doctrine.
Les deux voyelles u et á occupent non seulement le temps
de la tenue, mais encore une partie plus ou moins grande
de la tension. Quant à la détente, elle est toute prise par
l'u, tandis qu'elle s'est accomplie en silence pour l'á. Les
voyelles produites isolément, qui seraient strictement
limitées à la tenue seule, sont extrêmement rares, si tant
est qu'elles existent. Je viens de parcourir plus de 300 tracés
de voyelles pris au hasard, sans en remontrer.

Aux exemples donnés ci-dessus, on pourrait objecter
que la pression marquée par l'ampoule peut être due à
l'afflu de l'air, et non pas aux seuls mouvements organiques.
Voici trois autres tracés de la voyelle u, le premier
représentant l'élévation de la langue prise sous le menton,

image (R)

Fig. 119.
Élévation du dos de la langue pour u prise sous le menton (Appareil, p. 95)

Le pointillé marque la position de repos. — Les vibrations répondent à la voyelle.336

et les deux derniers, la fermeture et la projection des lèvres

image (R)

Fig. 120.
Fermeture des lèvres pour u prise au moyen d'une ampoule exploratrice
(page 89).

image (R)

Fig. 121.
Projection des lèvres en avant pour la voyelle u (Appareil, p. 93).

en avant. Or, ils montrent tous trois très clairement que
la production du son ne coïncide pas exclusivement avec
le moment de la tenue, et que celle-ci même ne peut pas
être définie strictement une « station organique », puisqu'elle
ne présente pas une pression uniforme.

Voyelles associées a des consonnes

Lorsque les voyelles sont associées à des consonnes, le
rapport de l'émission sonore et du mouvement articulatoire
se trouve notablement modifié. Nous avons à considérer
la voyelle initiale suivie d'une consonne, la
voyelle finale précédée d'une consonne, et la voyelle
interconsonnantique. En voici des types :337

image (R)

Fig. 122.
Inscription simultanée du souffle pris au sortir de la bouche au moyen d'une
embouchure, — des mouvements delà langue (Ampoule exploratrice), — du larynx
(Capsule exploratrice maintenue à l'aide d'une cravate de caoutchouc, p. 97)

Les lignes pointillées marquent le synchronisme.
La partie du tracé privée de vibrations appartient au k.

image (R)

Fig. 123.
Inscription simultanée du souffle (Embouchure), — des mouvements des lèvres
(Explorateur à branches rigides, p. 92), — du larynx (Capsule exploratrice, p. 99).

Les inscriptions simultanées du souffle et du larynx
nous permettent de contrôler les indications de la ligne
articulatoire. Or nous pouvons constater aisément dans
ces tracés :

Que l'a initial correspond à une faible partie de la
tenue et presque entièrement à la détente, qui est aussi la
tension de la consonne ;

Que l'a final occupe toute la tension, qui fait suite à
la détente de la consonne, et la tenue ;

Que l'a interconsonnantique occupe les trois temps
de l'articulation, la tenue étant réduite à son minimum ;
c'est-à-dire que la voyelle partage la détente de la première
consonne et la tension de la seconde.338

Mais il est des cas où l'union de la voyelle et de la consonne
est encore plus étroite. Ainsi nous verrons (fig. 139-141)
que toute la voyelle initiale peut être enfermée dans
la tension de la consonne.

Consonnes isolées

Passons maintenant aux consonnes. Ce n'est que très
exceptionnellement, comme interjections (f !) ou signes
d'appel (s !), que certaines consonnes sont employées
seules : elles présentent alors le même type que les voyelles.
C'est donc dans leur situation normale la plus simple,
avant, après et entre voyelles que nous devons les étudier.

Consonnes associées a des voyelles

Consonnes initiales.

Soient d'abord des tracés pris avec un appareil rigide,
l'explorateur des lèvres à branches métalliques (p. 92),
vava, fafa, baba, papa. Nous ne considérerons que la première
consonne.

Dans les exemples choisis, le mouvement pour la fermeture
des lèvres ou l'élévation de la langue forme la
tension ; le temps de l'occlusion ou du rétrécissement de
l'organe, la tenue ; l'ouverture, la détente.

image (R)

Fig. 124.
A. Mouvement des lèvres (Explorateur, p. 92). — B. Souffle (Oreille inscriptrice,
p. 316). — C. Larynx (Capsule fermée, p. 99).

La vibrations de l'air (B) les plus amples appartiennent à la consonne ; les plus fines, à
voyelle.339

Le v (fig. 124) rappelle le type vocalique : il résonne
pendant une partie de la tension, durant toute la tenue et

image (R)

Fig. 125.
Même disposition que pour la figure 124.

Les lignes pointillées marquent le début de l'a.

une partie de la détente. L'f (fig. 125), privée de vibrations
laryngiennes, ne donne qu'un bruit ; mais elle a un
type articulatoire identique.

image (R)

Fig. 126.
Même disposition que pour la figure 124.

Les lignes pointillées limitent la tenue du b. Les vibrations qui l'accompagnent sont visibles
sur la ligne du larynx (C). Elles ne paraissent pas sur la ligne du souffle (B) pour le b
initial ; mais elles se montrent pour le b intervocalique. Di même la pression des lèvres a été
moindre pour ce dernier (comparez la hauteur du tracé A).

Le b (fig. 126) accomplit toute sa tension en silence ;
il donne un murmure laryngien pendant la tenue, mais
il n'éclate qu'au moment de la détente.340

Le p (fig. 127) est préparé silencieusement pendant
la tension et la tenue ; c'est à la détente seulement qu'il se
fait entendre.

image (R)

Fig. 127.
Même disposition que pour la figure 124.

La seconde partie du Ier a se lie étroitement à la consonne suivante. La force d'émission da
souffle a été augmentée par le rapprochement des lèvres (A), qui ont été un instant sans
se rejoindre. Comparez à ce double point de vue cette figure avec la précédente et avec la
figure 123.

Pour rectifier l'impression que la rigidité des lignes
articulatoires des exemples précédents pourrait laisser, je
donne le tracé de ba (fig. 128) où la fermeture des lèvres

image (R)

Fig. 128.
A. Lèvres (Ampoule, p. 86, placée au milieu des lèvres). — B. Souffle
(Tambour rigide).

La ligne pointillée marque la fin de la tenue du b, qui coïncide avec le moment où les lèvres
sont assez écartées pour laisser passer le souffle.

Les vibrations produites pendant la tenue du b, qui si montrent sur la ligne des lèvres (A),
manquent naturellement sur celle du souffle (B). Quand elles apparaissent sur cette ligne,
c'est qu'elles sont dues soit à une fermeture incomplète (fig. 126), soit a ce fait que les
vibrations des lèvres (A) se communiquent à l'embouchure destinée à recueillir le souffle.

a été prise à l'aide d'une ampoule. On voit que, pendant la
tenue, la pression des lèvres, au lieu de s'arrêter brusquement,
341se continue encore un peu de temps et ne diminue
ensuite que peu à peu.

Nous obtiendrions pour les autres consonnes des tracés
analogues qui correspondraient : ceux de z j y r l à v ; ceux
de s ɛ à f ; ceux de c g à b ; ceux de t k à p ; enfin, si nous
ne considérions que la voie buccale, celui de m à b, et
celui de n à d, etc.. Par exemple, da, ta (fig. 129), ra
(fig. 130), la (fig. 131).

image (R)

Fig. 129.
A. Mouvements de la langue pris derrière les dents (Ampoule). — B. Souffle
(Tambour rigide).

image (R)

Fig. 130.
A. Redressement de la pointe de la langue (Ampoule). — B. Souffle
(Tambour rigide).

Les larges vibrations que la pointe de la langue exécute pour l'r n'ont pas été saisies par
l'appareil. — Voir, pour ce mouvement vibratoire, la figure 155.

image (R)

Fig. 131.
A. Élévation de la pointe de la langue. — B. Souffle (Tambour rigide).342

Les descriptions données ci-dessus conviennent au
français, mais non à toutes les langues. L'occlusion peut
être complète, et le murmure laryngien même ne se faire
entendre que pendant une partie seulement de la tenue de
v z j y ; le larynx peut être silencieux pendant une partie
ou la totalité de la tenue de b d g ; la détente de p t k peut
être distincte de la tension de la voyelle précédente. Le
premier cas me paraît se réaliser en tchèque, incomplètement
en allemand. Les deux derniers existent en allemand.
Voici, comme exemples, des tracés au dialecte de Saint-Gall :
ils ne donnent que le mouvement articulatoire soit
des lèvres, soit de la langue ; mais les vibrations, dont ils
sont chargés, indiquent assez l'entrée en activité du larynx
pour permettre d'isoler les consonnes sourdes et, par comparaison,
les sonores.

image (B)

Fig. 132.
A. Rapprochement des lèvres (Ampoule).

La ligne pointillée permet de reconnaître la légère différence de pression qui existe entre v
(plus faible) et f (plus fort).
Les vibrations de l'a dans fa aident à préciser, par comparaison, la fin du v dans va.
La tenue du v est incomplètement sonore. Comparez le v français (fig. 124).

image (B)

Fig. 133.
A. Fermeture des lèvres (Ampoule).

La différence de pression est indiquée par la ligne pointillée.
La tenue du b est complètement sourde. La détente du p l'est de même. Comparez b et
français (fig. 126 et 127).343

image (B)

Fig. 134.
Élévation de la partie antérieure de la langue.

La tenue du z est en partie sourde.

image (B)

Fig. 135.
Élévation de la pointe de la langue.

La première moitié de la tenue du d est clairement sourde.

image (B)

Fig. 136.
Élévation du dos de la langue.

Les vibrations appartiennent à la voyelle. Différence notable d'élévation de la langue.

image (B)

Fig. 137.
Élévation de la racine de la langue.

La dernière moitié seule de la tenue du g est sonore. Les trois temps du k sont
entièrement sourds.

image (B)

Fig. 138.
A. Rapprochement des lèvres. — B. Élévation de la pointe de la langue.

Ce dernier tracé nous montre un v plus sonore que celui de la figure 132, et un d dont la
tenue est entièrement sourde.344

Consonnes finales

Les consonnes du type de v (z, j, y, r, l) et leurs correspondantes
(f, s, ɛ, ĉ) se prolongent toutes jusqu'à
la détente inclusivement. Mais, pour la tension, elles
se partagent en deux groupes. Les plus nombreuses
(v, z, j, f, ɛ, ĉ, etc.) peuvent englober, comme dans les
exemples suivants, toute la voyelle dans leur tension ;
les deux autres (r, l) ne commencent qu'après la tenue
de la voyelle.

image (R)

Fig. 139.
A. Rapprochement des lèvres (Ampoule). — B. Souffle (Tambour rigide).

Les vibrations montrent la place de l'a dans af, et, par comparaison, dans av.
La tension de la consonne qui est marquée par la ligne des lèvres (A) commence et finit avec
la voyelle. Comparez la figure suivante.

image (R)

Fig. 140.
A. Élévation de la langue (Ampoule). — B. Souffle (Tambour rigide).

Mêmes remarques à faire que pour la figure 139. Le tracé est plus clair, car les vibrations
ont plus d'amplitude.

image (R)

Fig. 141.
Même disposition et mêmes observations que pour la figure 140.345

image (R)

Fig. 142.
A. Élévation de la pointe de la langue. — B. Souffle (Tambour rigide).

A la différence des exemples précédents (fig. 139-141), la voyelle est nettement séparée de
la consonne. Celle-ci ne commence qu'avec la détente de la voyelle.

image (R)

Fig. 143.
Même disposition et même remarque à faire que pour la figure précédente.

Les consonnes du type de b (d, g) peuvent aussi se faire
entendre pendant leurs trois temps : la tension, qui se partage
avec la voyelle ; la tenue, quand elle est accompagnée
de vibrations laryngiennes ; et la détente.

image (R)

Fig. 144.

A. Élévation de la langue prise avec une ampoule. — B. Souffle inscrit à l'aide
d'un tambour rigide, dont la membrane paresseuse, excellente pour rendre les
vibrations, est lente à suivre les mouvements d'une certaine étendue. Avec une
membrane plus flexible, l'occlusion serait marquée par des tracés plus
anguleux (cf. fig. 122, 123, etc.).

Celles du type de p (t, k) ont la tenue entièrement
silencieuse.346

Consonnes médiales

Reprenons la série des exemples (fig. 124-127). La
tension et la détente se confondent avec la détente de la
première voyelle et la tension de la seconde. Le phénomène,
moins apparent dans vava baba à cause de la continuité
des vibrations, est très clair dans fafa papa, où
l'absence de vibrations détermine exactement le temps de
la tenue consonnantique.

Les autres consonnes se rangent sous l'un de ces deux
types. Au Ier (vava baba) se rapportent z, j, r (fig. 145),
l (fig. 146), d, g, m, n ; au 2e (fafa papa), s, ɛ, t, k.

image (R)

Fig. 145.
A. Mouvement de la langue et vibrations (Ampoule). — B. Souffle (Tambour
rigide). Comparez avec la figure 142.

image (R)

Fig. 146.
Même disposition que pour la figure précédente. Comparez avec la figure 143.

Les consonnes du second type, dont la tension, dans
tous les exemples que je connais, se confond plus ou moins
avec la détente de la voyelle précédente, ont leur détente
propre et indivise en allemand et autres langues analogues.

Comparez les figures suivantes dans le dialecte de Saint-Gall.347

image (B)

Fig. 147.
Mouvements de la langue et vibrations (Ampoule).

Les trois temps du z sont sonores. Le z intervocalique de Saint-Gall est donc différent du z
initial (cf. fig. 134).

La détente du s est sourde, comparée à la tension qui se partage avec la détente de la
voyelle.

image (B)

Fig. 148.
Même disposition que pour la figure précédente.

Le d est entièrement sonore comme le z.
Le t nous montre encore plus nettement que le s la différence qu'il y a entre la détente et la
tension, an point de vue de l'union de la consonne : la tension est presque entièrement
remplie des vibrations vocaliques ; la détente en est privée.

II
Effet acoustique

Au point de vue acoustique, l'effet de l'articulation est
simple ou double.

Il est simple, en général, quand l'articulation est faible et
de courte durée.

Il est double, lorsque, se produisant pendant la tenue,
le son peut brusquement changer de hauteur ou d'intensité ;
ou bien lorsque, à la faveur de deux voyelles qui l'encadrent,
une articulation consonnantique peut faire entendre un
son à la tension, un autre à la détente, et que la tenue est
suffisamment longue pour que l'oreille les distingue tous
les deux.348

Ainsi, en supposant une articulation unique, ce qui
exclut toute idée de diphtongaison, les voyelles gardent
leur individualité aussi longtemps qu'on les tient. Mais
elles apparaissent redoublées si elles viennent à éprouver
un brusque changement dans leur intensité ou leur acuité.
On entend alors deux voyelles, si bien que l'on peut supposer
un arrêt dans le travail articulatoire. L'exemple suivant
de áá montre qu'il n'en est rien. Le larynx a vibré
sans interruption. Seulement, l'intensité a été subitement
modifiée, en-même temps que la ligne du souffle s'est
élevée.

image (M)

Fig. 149.
B. Souffle (Tambour avec membrane très élastique). — C. Vibrations de
larynx (Inscripteur électrique, p. 105).

Le tracé a été inscrit à la plus petite vitesse du cylindre.
Les voyelles áá sont reproduites 6 fois de suite. Chaque groupe de vibrations laryngiennes
marque la durée du groupe vocalique. Vers le milieu, le régime du souffle (B) change
brusquement. La ligne remonte : c'est l'intensité qui s'accroît.

Les consonnes initiales et les finales rie peuvent produire
qu'une impression unique. Il en est de même des consonnes
entre voyelles, lorsqu'elles sont émises sans effort.
Mais dès que, dans cette position, l'articulation prend une
énergie et une durée exceptionnelles, on sent deux consonnes,
celle de la tension et celle de la détente : la première
plus faible, la seconde plus forte. Comparez les
tracés suivants où l'unité du travail organique avec son
énergie et sa durée, en même temps que la dualité du son,
se lisent aisément.349

image (R)

Fig. 150.
A. Élévation du dos de la langue (Ampoule). — B. Souffle (Tambour rigide). —
C. Larynx (Capsule fermée).

Noter que la langue se soulève moins vite pour kk que pour k.
Les voyelles et les consonnes sont bien délimitées par la présence des vibrations.
Les différences de pression, de durée, d'intensité sont considérables

La longueur du silence qui sépare la tension de la
détente permet à l'oreille de reconnaître les deux bruits
caractéristiques qui accompagnent, d'une part, la fermeture,
et, d'autre part, l'ouverture du tube vocal.

Dans les sourdes continues, l'affaiblissement du bruit
pendant la tenue produit le même effet (fig. 151).

image (R)

Fig. 151.
A. Rapprochement des lèvres (Ampoule). — B. Souffle (Tambour rigide). —
C. Larynx (Capsule fermée). Mêmes observations que pour la figure 150.

Enfin pour les consonnes dont la tenue est remplie par les
vibrations du larynx, la différence n'est pas moins sensible :
le bruissement laryngien n'est pas suffisant pour conserver
l'impression acoustisque, même il s'affaiblit (fig. 152, 153)
et peut arriver jusqu'à s'effacer (fig. 154).350

image (R)

Fig. 152.
Même disposition que pour la figure 151.

image (R)

Fig. 153.
Même disposition que pour la figure précédente.
La différence de fermeture des lèvres est très sensible.

image (R)

Fig. 154.
A. Pression de la pointe de la langue contre le palais derrière les dents
(Ampoule). — B. Souffle. — C. Larynx (Capsule fermée).

La langue se comporte pour dd comme pour kk (fig. 151).
Noter, entre autres choses, l'affaiblissement des vibrations laryngiennes durant l'effort articulatoire
qu'exige dd.

Les tracés de apa appa, ata atta, asa assa, aɛa aɛɛa, aga
agga
, aza azza, aja ajja, que je ne donne pas pour ménager
la place, sont analogues.

Les expériences simultanées sont nécessaires pour faire,
comprendre le mécanisme des sons redoublés. Mais, quand
on est renseigné, on peut les remplacer dans les recherches
351spéciales par l'exploration du seul courant d'air, qui suffit
alors pour révéler ce qui s'est passé dans l'organisme.
Comparez :

image (R)

Fig. 155.
Courant d'air recueilli au sortir de la bouche (Oreille inscriptrice,
caoutchouc dilaté).

Le mot irresponsable a été prononcé la 1re fois (A) normalement, la 2e fois(B) avec une seule r.

image (R)

Fig. 156.
Même appareil que pour la figure précédente, et même disposition de l'expérience.

image (R)

Fig. 157.
Courant d'air recueilli dans le nez.
Même disposition de l'expérience que pour les deux tracés précédents.

Immémorial. — La fin n'a pu être prise dans l'inscription puisqu'elle ne contient pas de
nasales.
La première ondulation de la ligne A représente mm, celle de B, m ; la seconde ondulation
de A et de B, m seulement.
2e Inné. — Le groupe des grandes vibrations de A représente nn ; celai de B, n.

On reconnaît aisément dans ces exemples les deux r,
les deux l, les deux n et les deux m, par comparaison avec
les mêmes mots dont la consonne aurait été simplifiée.352

III
Comparaison microscopique des temps de l'acte
articulatoire et de la voix

Pénétrons plus avant dans notre étude en comparant
chacun des temps de l'articulation avec la voix.

Cette comparaison exige l'inscription simultanée de la
parole et du travail organique.

Dans les tracés qui vont être étudiés successivement, la
parole a été recueillie à l'aide de l'un des inscripteurs dont
il sera parlé dans l'Appendice, et le travail organique a été
inscrit directement au moyen d'ampoules appliquées sur
l'organe articulateur, ou seulement indiqué par le tracé
du souffle.

Lorsque la parole et le souffle ont été pris simultanément,
j'ai toujours fait usage d'un tube en Y qui conduisait
la colonne d'air parlante d'un côté à l'inscripteur de la
parole, de l'autre à un tambour à levier. De cette façon, le
souffle, recueilli dans une simple embouchure, et sans aucun
embarras pour le sujet en expérience, s'inscrit à la fois
comme mouvement vibratoire et comme masse qui se
déplace.

Il est facile de recueillir à la fois la parole, le courant
d'air et le mouvement articulatoire. Mais, comme on
peut craindre que les appareils explorateurs du mouvement
ne gênent la sortie du souffle, chacune des deux expériences
a été faite séparément.

Voyelles

Le mécanisme articulatoire étant essentiellement le
353même pour toutes les voyelles, il suffira d'étudier attentivement
quelques exemples.

Voyelles isolées

La figure 158. représente : A, la voyelle à agrandie 4
fois en diamètre ; B, C, D et E, F, des agrandissements
de certaines périodes, le 3 premiers de 11 fois, les 2 derniers
de 23 fois.

La voyelle a été saisie simultanément au moyen d'une
ampoule appliquée sur la langue au point d'articulation de
l'á, et à l'aide de l'inscripteur de la parole (membrane de
baudruche). L est le tracé organique ; V, celui de la voix.

La voyelle a dû être découpée en trois tronçons, qui sont
placés les uns au-dessous des autres, et qu'il faut, par la
pensée, remettre bout à bout.

Les lignes pointillées verticales indiquent le commencement
et la fin de chaque période, et établissent le synchronisme
entre le mouvement articulatoire et la voix. Les
pointillées horizontales permettent de juger des variations
du mouvement de fermeture.

Le mouvement organique correspond au déplacement
de la membrane, qui a été amplifié 4 fois par le levier
inscripteur (le grand bras étant de 52 mm, et le petit de
13), et 4 fois par la photographie. Si l'on avait désiré connaître
les valeurs absolues qui sont représentées par le
tracé, des expériences supplémentaires auraient été nécessaires
pour les établir (voir page 153) ; mais, comme ici
les rapports seuls entre les diverses phases d'un même
mouvement nous intéressent, il a paru inutile d'aller plus
loin.

La durée nous est fournie d'une façon absolue par les354

image (R)

Fig. 158.
Voyelle à.355

vibrations du diapason (fig. 159) qui ont été également
agrandies 4 fois. Nous avons ainsi une moyenne de
14 mm 25 pour 1 centième de seconde, soit 1425 mm pour
l'unité de temps.

image

Fig. 159.
Diapason.

Chaque vibration complète = 2/100 de seconde. Il y en a 12 sur une longueur
de 85 mm 5, soit 14 mm 25 pour 1/100 de seconde.

On remarquera que la vibration principale est chargée d'une vibration secondaire qui
se trouve 7 fois dans la grande période. Cela tient à ce que les branches du diapason ont
été très fortement ébranlées.

Après ces préliminaires, indispensables pour l'intelligence
de la figure, abordons l'étude de la voyelle.

Au moment qui a précédé tout travail organique, la
bouche était fermée. Alors l'ampoule, comprimée entre la
langue et le palais, repoussait la membrane du tambour et
rejetait la plume sur la droite. La ligne de la voix (V)
s'inscrivait à vide. La bouche s'ouvre : l'ampoule se dilate,
la plume revient à gauche, et la ligne qu'elle trace (L)
prend sur le papier une direction descendante. L'ouverture
est complète en α. A partir de ce point, la ligne organique
remonte : il se fait un mouvement progressif de fermeture
qui atteint son maximum en β, à 95 mm 5 de là,
c'est-à-dire après une durée de presque 7 centièmes de
seconde. Ce mouvement est représenté par un écart de
5 mm, correspondant à un déplacement de la membrane
égal à 0 mm 31. Nous sommes arrivées au point de la plus
forte tension articulatoire. A partir de β, le relâchement
organique commence : la bouche s'ouvre de nouveau ; en
356γ, à une distance de 95 mm (= 6 centièmes 1/2 de seconde)
elle est revenue à la position qu'elle occupait en α. Ensuite
elle continue à s'ouvrir, car c'est vers une ouverture
complète qu'elle tend, et à la fin de la voyelle, en δ, la
plume s'est abaissée de 3 mm au-dessous du zéro (0 mm 18
dans la réalité). Je n'ai pas distingué dans ce mouvement
ce qui revient à la langue de ce qui peut être attribué aux
mâchoires. Mais étant donnée la direction du mouvement,
il est clair que les mâchoires se sont séparées peu à peu
d'une façon continue et que le mouvement de fermeture
est dû seul à l'élévation de la langue.

La ligne organique est couverte de sinuosités régulières
qui correspondent à celles de la voix et qui paraissent être
produites par les vibrations de la langue. La période n'est
pas complètement simple ; mais c'est le son fondamental
qui domine.

La voyelle commence à se montrer sur la ligne de la
voix (V), à 36 mm en avant du point a, alors que l'ouverture
est encore figurée par un écart de 2 mm au-dessus du
zéro. Mais comme ces premiers débuts sont assez peu clairs,
et que la période prise un peu plus loin présente une
image plus facilement reconnaissable, nous négligeons les
6 premiers millimètres et nous prendrons pour origine de
la courbe les vibrations amples, qui sont caractéristiques
de l'a. Nous avons d'abord 2 périodes de 12 à 13 mm chacune.
La 1re est à peine indiquée ; mais la 2e a déjà de la
précision. Elles appartiennent toutes les deux à la tension.
Vient ensuite une 3e période où l'on reconnaît la forme de
la voyelle, et, bien qu'elle n'ait pas encore acquis son
amplitude normale, elle est suffisamment nette pour qu'on
se croie autorisé à faire commencer avec elle la tenue.
Celle-ci arrive à son point culminant avec la 21e ou la 22e
357période, se maintient avec soute sa force autour du point
β et se prolonge jusqu'en γ. Alors la détente déjà commencée,
en un sens, depuis le relâchement qui fait suite au
maximum de la tenue, se précipite rapidement et se trouve
complète après 6 ou 7 périodes qui perdent peu à peu de
leur netteté et se réduisent à une vague et nue ondulation.
La hauteur musicale suit les variations du travail organique.
Il est facile de l'apprécier en gros, surtout sur les
agrandissements B C D. Comparez la longueur des périodes
2 et 3,21 et 35, 22 et 36, etc. Mais on l'obtient aisément,
comme l'on sait, d'une façon absolue, en divisant l'unité
de temps (= 1425 mm) par la longueur de chaque période :
le quotient indique le nombre total de vibrations que l'on
aurait si le son s'était prolongé sans changement pendant
une seconde. D'après des mesures prises à la loupe sur le
tracé original agrandi 4 fois, nous pouvons dresser le
tableau suivant :

tableau ordre des périodes | longueur | nombre des vibr. | notes

Ainsi la tension (1—2) et la détente (35—41) sont
plus graves que la tenue. Cela est naturel, l'organe ne passant
358que par degrés du repos à l'action et de l'action au
repos.

Pendant la 1re partie de la tenue, de 3 à 19, l'acuité du
son croît parallèlement avec le mouvement de fermeture.
Mais à partir de la 20e période, alors que la langue continue
à s'élever, les cordes vocales fléchissent ou la pression
de l'air diminue, et le ton commence à baisser. Le point
de plus haute acuité a précédé celui du plus grand rétrécissement
articulatoire de 90 mm environ (à peu près 6 centièmes
1/3 de seconde). C'est de la 20e à la 34e vibration
que la voyelle semble être fixée : sauf deux reprises (24 et
28) où l'acuité se relève comme par suite d'un mouvement
rythmique, la période se maintient à 10 mm 3 et cela
bien que l'organe lui-même ne soit pas rigoureusement
fixé dans une position stable. Le point β (28e vibration) a
été accentué par une élévation du ton (10 mm) ; mais 8
vibrations avant, et 6 vibrations après, la note ne change
pas (10 mm 3). La fin de la tenue ressemble au commencement :
les 2 dernières périodes (35 et .36) ont la même longueur
que les 7 premières (10 mm 5). La chute, on le voit,
est beaucoup plus rapide que la mise en train.

Les divers degrés d'intensité se montrent suffisamment
à l'œil. Comme la hauteur, en somme, varie peu, ils ont
pour mesure les variations d'amplitude du tracé. Si l'on
choisissait cet élément pour fixer la fin de la tension et le
commencement de la détente, on prendrait à peu près la
6e vibration, la 3e après le point α, et la 35e, qui est également
la 3e avant le point γ. Les agrandissements B C et D
permettent d'apprécier ces nuances délicates. La 4e période
a une amplitude de 1 mm 5 ; la 22e, de 2 mm 6 ; la 36e, de 1 mm 3,
ce qui correspond (le tracé ayant été agrandi 11 fois par la
photographie et 4 fois par le levier) à 0 mm 034, 0mm 059,
3590 mm 03. Resterait, si l'on voulait atteindre la réalité absolue,
à déterminer l'influence de l'intermédiaire. Mais nous
pouvons considérer les valeurs relatives comme exactes.

L'étude des variations du timbre est de beaucoup la
plus intéressante et aussi la plus épineuse. Elle est tout
entière fondée, comme l'on sait, sur la forme de la période.
Mais ici l'œil et des mesures sommaires ne suffisent pas.
Même, en suivant sous le microscope ces courbes contournées
accusant un mouvement vibratoire qui s'exécute
dans des plans variés, on a l'impression que la méthode
fondée sur le théorème de Fourier aurait besoin de recevoir
un complément. Toutefois, l'erreur ne peut être que
minime. L'amplitude du tracé ne dépassant pas 2/10 de
millimètres, et le levier ayant, à partir du centre, 60 mm,
l'erreur maxima ne peut être que de 1/300 de millimètre.
Nous la négligerons. Tenons-nous-en donc à la méthode
telle qu'elle est indiquée p. 199-203 et dans l'Appendice, et
soumettons à l'analyse l'une des périodes qui paraissent les
plus parfaites, la 21e. Elle a été agrandie 23 fois, ce qui lui
donne une longueur de 57 mm 5 (fig. 158 E), et, comme le
trait est devenu très épais, les ordonnées ont été comptées
à partir du bord supérieur. Le calcul a été fait sur 36 divisions,
et il a donné, pour les valeurs C (demi-amplitudes) et
pour o (points initiaux) des 16 premiers sons composants,
les valeurs suivantes qui sont exprimées en millimètres :

tableau360

image

Fig. 160.361

Ces chiffres parlent peu par eux-mêmes ; mais ils
deviennent très expressifs, si on les traduit par un graphique.
La figure 160 représente, chacune à sa place respective
et avec son amplitude proportionnelle, les 16
courbes des sons composants, agrandies 2 fois pour la longueur
et 40 fois pour les amplitudes.

Une comparaison attentive de la courbe analysée (fig.
158 E) et de la représentation de ses éléments constitutifs,
tels qu'ils sont révélés par le calcul, suffit à montrer la
concordance de l'une et de l'autre. On voit aisément que
le 4e son composant impose la forme générale de la
période, mais qu'il est notablement modifié par les autres,
surtout par les 7e, 5e, 10e et 15e. Ainsi on comprend, par
exemple, comment le point inférieur de la première ondulation
est reporté un peu à gauche et concorde avec la
coupure de la période, comment les maxima et les minima
se succèdent sans une régularité apparente, comment aussi
la partie négative est plus profondément découpée et plus
ample que la partie positive. Pour nous en tenir au premier
point, remarquons : I° que la somme de toutes les
courbes nous donne pour a 39 mm 5, et pour b, 27, ce qui
fait passer la courbe résultante par a′ b′ ; 2° que le point
choisi pour le début de la période a été exactement
retrouvé par le calcul, à 2 mm en avant de la partie négative
de la courbe. Quelle que soit l'importance du son 4, le 7e,
par son amplitude relative considérable, mérite une attention
spéciale. La période fondamentale se retrouverait, avons-nous
dit, 138,34 fois à la seconde. Le 7e son composant
y sera donc contenu 940 fois. Or la note caractéristique
de mon a, grave, prise au diapason à poids glissants
(p. 195), répond à 908 v. d. On est donc fondé à croire
que le 7e son composant (940) est bien la note de mon a
362aigu, celle à laquelle est accordée la cavité de ma bouche
disposée pour produire cette voyelle. Enfin, autre concordance
à noter, les principaux sons composants qui se
révèlent par l'amplitude de leur courbe sont, à peu de
chose près, les mêmes que ceux dont les observations faites
sur les sourds-muets ont montré l'importance.

La question vaut la peine qu'on s'y arrête un instant.
Les sourds-muets ne sont que rarement complètement
sourds. Le plus souvent ils présentent des lacunes dans
leurs champs auditifs. Des médecins, M. Bezold d'abord, et,
après lui, MM. Schwendt et Wagner 1213, entre autres, se
sont appliqués à cette étude, et, après avoir, à l'aide de
sifflets ou de diapasons, circonscrit les champs auditifs de
certains sujets et constaté les lacunes, ils ont pu nous dire
quels sont les restes auditifs indispensables pour que tel
ou tel élément de la parole puisse être entendu. Or pour
entendre un a, il faut, d'après ces recherches, être capable
d'entendre, me dit M. Schwendt :

si2 ut4, mi4 sol4 la4 si4 fa5

Comparons ces résultats avec notre analyse en remplaçant
le nombre des vibrations par la note la plus voisine.
Nous avons : I, ut2 ; 2, ut2 ; 3, sol2 (voisin de si2) ;
4, ut4 ; 5, fa4 (voisin de mi4) ; 6, sol4 ; 7, si4 ;8,
ut5 ; 9, 5 ; 10 fa5. L'accord, on le voit, est presque
complet.

Telle est la période considérée vers le milieu de la tenue.
Tout autre elle se présente à la tension (fig. 158 A et B)
et à la détente (fig. 158 A, C et F). Ce qui frappe à première
363vue, dans les deux cas, c'est l'affaiblissement des
harmoniques graves et le renforcement des harmoniques
supérieurs. En effet, le 4e son composant semble seul
avoir quelque importance, attendu que la courbe se laisse
assez facilement décomposer en 4 parties à peu près égales
et qu'elle est comme festonnée d'une petite dentelure
qui apparaît moins pendant la tenue. L'analyse vient
justifier cette première impression. Elle donne pour la
36e période les amplitudes suivantes en millimètres :

tableau

Là figure 161 représente aussi un à. La voix (V) a été
inscrite comme précédemment (fig. 158) ; mais le mouvement
de la langue (L) — les mâchoires ayant été maintenues
écartées pendant toute l'émission de la voyelle ; — a
été saisi à l'aide d'un tambour de très petite capacité muni
d'un levier très long (petit bras 14 mm, grand bras 120 mm).
D'où il résulte que le mouvement organique est représenté
avec un agrandissement considérable. Aussi une correction
est devenue nécessaire (voir p. 148) : elle est indiquée
dans ses détails au commencement de la 1re et de la 3e rangée,
et par un seul trait pour toutes les périodes. De plus,
afin que tout le tracé pût contenir dans une seule page, il
a. fallu rapprocher les lignes et même les faire croiser au
commencement et à la fin. Mais cette disposition ne nuit
pas à la clarté, car la distance relative entre chacune des
deux lignes a été conservée dans les trois tronçons.364

image (R)

Fig. 161.
Voyelle à.365

L'intérêt de cette figure réside dans la grande amplitude
du tracé qui représente le soulèvement de la langue. Les
moindres variations du mouvement musculaire sont
visibles, et peuvent être suivies sans peine de vibration à
vibration. Ainsi, pendant la tenue, la pression n'est à
aucun instant uniforme (voir la 2e rangée). Les mouvements
de tension (Ire rangée) et de détente (3e rangée)
nous apparaissent avec une très grande netteté, et le progrès
ou le relâchement simultanés de l'organe et de la voix
se lisent aisément. Toutefois il ne faut pas se laisser
duper par l'amplitude inusitée du tracé. L'agrandissement
par le levier (8,57) et par la photographie (3,875) est de
32,2 en diamètre ; ce qui fait pour le plus grand écart
moyen entre le point culminant de la tension et le zéro
(28 mm) une valeur réelle de 0 mm 86. C'est de cette quantité
minime que la membrane du tambour s'est éloignée du
fond de la cuvette sous la poussée de l'organe. Ce chiffre
n'a rien d'excessif, et, étant données les dimensions de
l'appareil, ne diffère pas sensiblement de celui que nous
avons déjà trouvé (fig. 158).

Les mouvements des lèvres pour les voyelles labiales ne
sont pas moins utiles à consulter que ceux de la langue. La
figure 162 représente : A, la voyelle u avec la fermeture
des lèvres ; — B, la même voyelle avec l'avancement des
lèvres, dans la prononciation de M. Burguet.

Les remarques faites jusqu'ici sur la progression et la
détente régulières du mouvement organique trouvent
encore leur application. L'organe se met assez promptement
en position, et pendant ce temps le tracé de la voix acquiert
peu à peu sa forme normale, sans que l'on puisse fixer une
limite indiscutable à la tension. Le mouvement commencé
se continue d'abord faiblement ; puis il se relâche peu à peu,366

image (B)

Fig. 162.
Voyelle u. A. Fermeture des lèvres. — B. Avancement des lèvres.367

jusqu'à ce qu'enfin il cesse plus ou moins brusquement
avec la détente de la voyelle en même temps que la
période se dépouille de ses sinuosités caractéristiques.

L'instabilité du mouvement pendant la tenue n'influence
pas sensiblement la forme de la période. Mais il en serait
autrement si le changement dans la position organique
prenait des proportions notables. Soit, par exemple
(fig. 163), la voyelle e prononcée par M. Burguet (moins
la détente). Le pouvoir amplificateur du levier était faible.
Aussi l'élévation de la langue produite pendant l'émission
de la voyelle est-elle peu marquée malgré son importance
réelle ; néanmoins elle est très appréciable. Comme conséquence,
un changement correspondant se révèle dans la
voyelle. Que l'on compare par exemple, les périodes de la
1re rangée ou du début de la 2e avec celles de la fin : au
fur et à mesure que la ligne organique (L) monte, attestant
un progrès dans la fermeture de la bouche et le rapprochement
de la langue vers le palais, on voit que la période
se complique et se charge de sinuosités rappelant celle de
l'i. On assiste ainsi à la formation d'une diphtongue.

Avant de quitter l'étude des voyelles isolées, je transcris
ici les notes que m'a communiquées M. Schwendt sur les
champs auditifs nécessaires pour l'audition de certaines
voyelles autres que a (p. 363).

ae (allemand) : fa5'♯, la5♯.

e : fa2, ré4, mi4, ut5'♯, si5, si5, ut6, ré6, ut7.

i : fa2, ut2, la2, fa5, mi6, fa6, sol7.

oe (allemand) : sol2, ut5♯, fa♯ — sol5.

u : mi2, si2, la4, sol5, la5, la5, si5.

o : ré2, si2, si2, ut4, ré4♯.

u (allemand) : fa1, ut2, fa2, mi4, sol4.368

Agrandissement :4
image (B)

Fig. 163.
Voyelle é.

Mouvements de la langue. — V. Inscription de la parole. Le 2e tronçon du tracé fait suite au 1er. Le mouvement
d'évaluation de la langue s'accentue vers le milieu du 2e tronçon.

Agrandissement : 2,5
image (R)

Fig. 164.
dad[a].

Les lignes pointillées horizontales mettent en évidence les différences de pression organique. — les pointillées verticales
séparent les périodes. — o est l'origine de la période.369

Voyelles associées à des consonnes

Trois cas sont possibles. La voyelle peut s'unir à la
consonne par sa tension, par sa détente, ou par les deux
à la fois.

La figure 164, qui représente dada réduit à la fin du
premier d et au commencement du deuxième, nous permet
d'embrasser d'un seul coup d'œil l'a associé à deux
consonnes, dont la seconde appartient à une autre syllabe.

La ligne articulatoire (L) marque l'ouverture, puis la
fermeture de l'organe. C'est ici l'abaissement et l'élévation
de la langue. Les deux mouvements, on le voit, se sont
accomplis régulièrement et se sont succédé sans arrêt.

La ligne de la voix (V) nous donne pour la tenue de l'a
le type vibratoire que nous connaissons déjà. En coupant
la période, comme nous l'avons fait (fig. 158), nous
retrouvons à peu près les mêmes éléments. Le moment de
la tension qui termine la détente de la consonne est marqué
par quatre périodes. Les deux premières sont bien imprécises,
mais on y reconnaît déjà les quatre ondulations du
quatrième son composant ; les deux dernières ont une grande
amplitude sur la ligne articulatoire. Le commencement de
la détente est semblablement marqué sur la ligne organique
par une plus grande ampleur des périodes, qui
annonce la tension de la consonne suivante.

Le tracé que nous venons d'étudier suggère trois observations
importantes : 1° La voyelle interconsonantique
devient, naturellement plus courte que la voyelle isolée,
l'organe pouvant prendre son point d'appui sur les consonnes.
2° Le commencement de la tension et la fin de
la détente ne répondent pas à un même degré de l'action
370musculaire. Le tube vocal, en effet, est plus ouvert, quand
apparaissent les premières périodes vocaliques ; plus fermé,
quand disparaissent les dernières. Cette différence est due
à l'explosion de la première consonne (comme nous le
verrons plus loin). 3° Le caractère de la tenue est sensiblement
modifié : un coup d'œil sur la ligne de la voix
permet de constater que le mouvement vibratoire du début
ne se maintient pas, mais change bientôt et accuse la prédominance
du quatrième son composant.

La figure 165 nous permet de mieux suivre encore le
progrès du travail organique et celui de la voix. L'expérience
a été faite comme la précédente avec un petit tambour
à long levier et l'inscripteur de la parole à membrane
de baudruche ; mais le tracé est reproduit à une plus
grande échelle (agr. de 3,94).

A représente l'a interconsonantique de baba ; B, celui de
fafa, avec, dans l'un et l'autre cas, la fin de la première
consonne et le commencement de la seconde.

Nous aurions à faire les mêmes observations que pour
la figure précédente sur l'amplitude des vibrations organiques
(ici il s'agit des lèvres) au moment de la tension et
de la détente, sur la durée de la voyelle, le défaut de symétrie
entre le début et la fin de celle-ci. Bornons-nous à
quelques considérations sur la hauteur musicale et le
timbre.

Nous savons que, dans la voyelle isolée que nous avons
étudiée (fig. 158), la tension et la détente sont plus graves
que la tenue. Ici, la hauteur de la voyelle paraît être
influencée par la consonne, et inversement agir sur elle.
Dans baba (A), le premier b est grave ; mais il devient plus
aigu au voisinage de la voyelle. La première période de l'a
seule est plus longue que les suivantes. A partir de la
371seconde période, la durée, sauf quelques variations accidentelles,
reste sensiblement fixe, même pour le deuxième
b. Au contraire, dans fafa (B), la période possède dès le début
la longueur qu'elle conservera pendant toute la tenue de
la voyelle. C'est seulement avec la douzième que le relâchement
se fait sentir. La différence entre les deux
exemples tient à la nature des consonnes : baba contient
deux consonnes sonores ; fafa deux sourdes. Le larynx se
met plus difficilement en activité pour un b initial ; il
persévère dans le mouvement acquis pour un b postvocalique.
Pendant l'f initiale, le larynx peut se préparer à une
action totale du premier coup ; mais il sera porté à se relâcher
avant de prendre le repos que l'f postvocalique
réclame.

La période a été comptée à partir de son point d'origine
(o), du moment où le levier inscripteur a quitté
l'axe moyen pour se porter au-dessus. La prédominance du
troisième harmonique (quatrième son composant) est parfaitement
claire A, 5 — 17, surtout 7, 8, 9, 11, 12, 14,
15, 16, B 9 — 15, surtout 13. Dans les premières
périodes, on peut bien le soupçonner à la simple vue,
par exemple A, 3 ; mais il est recouvert par d'autres harmoniques.
La tension est ce qui nous intéresse le plus ici
par le voisinage de la consonne. Or, si dans la voyelle
isolée nous avons reconnu la prédominance de ce quatrième
son composant à la tension comme à la détente,
dans les deux cas (A et B) que nous avons sous les yeux,
ce fait n'existe pas. Pour chacune des périodes 1 et 2 (A et
B), qui sont très faciles à déterminer par la ligne de la
langue, nous avons trois sinuosités et demie ; la 3e (A et B)
est déjà différente. Il semble donc qu'il y ait un mélange
réel du bruissement consonantique avec le son de la voyelle.372

Agrandissement : 3,94.
image

Fig. 165.
A. bab[a]. — B. faf[a].373

Tracés de la voix dans les voyelles

Une fois que l'on a étudié le tracé de la voix conjointement
avec celui des mouvements organiques, on peut alors
simplifier l'expérience et se contenter du seul tracé de la
voix. Avec un peu d'habitude, on arrive à y reconnaître ce
que la comparaison a d'abord enseigné. Soit par exemple
la figure 166. Elle représente un a (celui de pâte) que j'ai
tenu 91 centièmes de seconde. Le début et la fin de la
voyelle ayant été mal rendus par la gravure, je les ai
reproduits agrandis (fig. 167). Les périodes ont été coupées
suivant deux systèmes : à partir du point d'origine
(traits supérieurs), et à partir du point où le levier
inscripteur descend au-dessous de l'axe moyen (traits inférieurs),
comme il a été fait ci-dessus (fig. 158). On y lira
sans peine tout ce que nous avons noté précédemment sur
les trois temps de la voyelle, la durée, la forme des périodes,
leurs variations. On pourra même reconnaître la partie
négative de la période à sa plus grande amplitude, et la partie
positive à ses ondulations moins profondément découpées
(cf. fig. 158).

De même, la figure 168, qui représente un u (ou) de
M. Burguet, devient claire comparée à la figure 163. Le
changement qui se fait peu à peu dans les détails de la
période, comparables à ceux que nous avons observés dans
é (fig. 163), correspond, à n'en pas douter, à l'accroissement
de l'occlusion.

Enfin je donne (fig. 169) un a de M. Burguet, dit sur
fa2 et agrandi 11 fois sous le microscope. On y remarquera
aussi la même particularité que dans le tracé précédent : la
période s'enrichît de détails à mesure que la voyelle tend374

Agrandissement : 3,83.
image (R)

Fig. 166.
Voyelle a (de pâte).

Inscripteur à membrane de caoutchouc dur, très tendu. — Surface vibrante 10 mm de diamètre.
Les traits placés au-dessus de la ligne marquent l'origine de la période ; les traits placés en dessous délimitent la période comme dans la figure 158.
Pour les premières et les dernières périodes, voir la figure 167.375

image

Fig. 167.
Agrandissement de la figure précédente ; A, début ; B, fin de la voyelle.

Agrandissement : 3,83.
image (B)

Fig. 168.
Voyelle u.376

Agrandissement : II.
image (B)

Fig. 169.
Voyelle a.377

vers sa fin, indice que la langue se soulève. De plus, la
durée, sans être aussi instable que chez moi, n'est pas non
plus uniforme. La période, plus longue dans la première
ligne (une au moins est facile à mesurer), prend dès la
deuxième ligne une longueur qu'elle conservera sans variations
bien sensibles jusqu'à la dixième : alors elle s'allonge
pour revenir à sa longueur normale dans la dernière ligne.

Tous les tracés que nous avons étudiés jusqu'ici montrent
clairement que, si l'on veut avoir dans l'œil l'image caractéristique
d'une voyelle, c'est pendant la tenue qu'il faut la
considérer.

Mais cette image, que l'on souhaiterait toujours simple
et facile à reconnaître, est modifiée par bien des facteurs.
Elle dépend, en effet, de la façon dont l'inscription a été
prise, de la membrane enregistrante, de la hauteur et de
l'intensité de la voyelle, enfin du registre de la voix.

Les deux premières causes sont à connaître pour être éliminées.
Les deux autres font partie du phénomène à observer.

La période n'a pas la même figure si l'inscription a été
saisie à distance ou avec les lèvres appliquées sur l'embouchure,
si l'air s'est écoulé au fur et à mesure de l'émission
ou s'il s'est accumulé dans l'appareil.

Quand l'inscription est faite à distance, l'amplitude est
plus faible et la période se réduit à une simple ligne où les
accidents de la courbe se traduisent par des dentelures
(fig. 170, 2e ligne). Si l'air s'accumule plus ou moins dans
l'appareil, ce qui arrive quand les lèvres s'appuient sur les
bords de l'embouchure, la période forme une courbe plus
ou moins accentuée (3e et 4e lignes). Cette imperfection,
conséquence de la loi de transmission des ondes sonores,
peut être facilement évitée par l'expérimentateur : il n'a
378qu'à laisser toujours dans la partie supérieure de l'embouchure
un espace assez grand pour l'écoulement du souffle.
En tout cas, il est aisé d'en tenir compte dans les résultats,
et de ne pas la prendre pour la preuve d'une augmentation
de l'amplitude. Même, comme toutes les données de l'expérience,
elle peut être utilisée. Nous savons déjà que les
ondulations les plus amples de l'à concordent avec la partie
négative de la période. Or l'amplification du son fondamental
par la compression de l'air nous montre bien que
les ondulations les plus amples de la deuxième ligne
occupent en effet la partie négative de la période dans les
lignes 3 et 4.

image (B)

Fig. 170.
Fragment de la voyelle à,

1re ligne : diapason de 200 v. d.
2e ligne : à inscrit loin de l'embouchure.
3e et 4 lignes : le même à inscrit les lèvres appuyées sur l'embouchure.

Membranes.

Membranes. — La membrane a une action considérable
sur la figure de la période. Elle la modifie en raison de son
élasticité, de son épaisseur, de sa dimension et de sa note
propre. Une membrane peu élastique ou épaisse donne un
tracé rectiligne et ondulé ; une membrane élastique et
mince reproduit des courbes que découpent profondément
les harmoniques. L'étendue du champ vibratoire influe
379notablement sur l'amplitude du tracé. Elle doit être proportionnée,
à l'épaisseur ou à l'élasticité de la membrane. Une
membrane d'une faible étendue et d'une grande souplesse
donne des sinuosités très délicates qui n'apparaissent pas
avec un intermédiaire moins élastique, soit qu'elles
échappent à un appareil trop inerte, soit qu'elles se fondent
dans la courbe résultante. Ce sont les membranes les plus
élastiques et en même temps les plus résistantes qui donnent
les tracés les plus riches en détails apparents. De plus, la
note propre à chaque membrane vient, dans les cas où elle
s'accorde avec celle de la voyelle, ajouter son action, qui
se traduit par un accroissement de l'amplitude du tracé.
Ainsi dans les exemples qui vont suivre, on ne manquera
pas de noter l'amplitude particulière des voyelles dites sur
fa2♯ qui est la note propre de la plupart des membranes
employées.

Pour permettre d'apprécier la part qui revient ainsi à la
membrane dans les tracés des voyelles, je réunis quelques
spécimens de voyelles prononcées sur des notes données en
voix de poitrine en dehors de toute préoccupation relative
à l'intensité, et inscrites avec des membranes d'une substance,
d'une épaisseur et d'un diamètre déterminés.

Les substances utilisées dans les tableaux suivants
(fig. 171-185) sont : le mica, l'aluminium, le cuivre, l'or,
le verre, l'ébonite, l'ivoire, la baudruche, le caoutchouc
durci par le temps.

Les voyelles ont été dites chacune sur les trois notes ré2,
fa2♯, la2. Elles sont disposées par lignes, à peu près suivant
leur ressemblance de forme. Chaque ligne ne contient
qu'une même voyelle diversifiée par la hauteur musicale,
et chaque colonne, qu'une même note émise sur des
voyelles différentes.380

image (B)

Fig. 171.
Mica (épaisseur 0 mm 04 ; diamètre 30 mm).

image (B)

Fig. 172.
Mica (épaisseur 0 mm 02 ; diamètre 20 mm).381

image (B)

Fig. 173.
Mica (épaisseur 0 mm 02 ; diamètre 10 mm).

image (B)

Fig. 174.
Aluminium (épaisseur 0 mm 10 ; diamètre 30 mm (3e col., 2e ligne, lire : fa2♯).382

image (B)

Fig. 175.
Cuivre jaune (épaisseur 0 mm) 13 ; diamètre 30 mm).

image (B)

Fig. 176.
Or (épaisseur 0 mm 15 ; diamètre 30 mm).383

image (B)

Fig. 177.
Cr (épaisseur 0 mm 06 ; diamètre 30 mm).

image (B)

Fig. 178.
Verre (épaisseur 0 mm 12 ; diamètre 30 mm).384

image (B)

Fig. 179.
Ébonite (épaisseur 0 mm 18 ; diamètre 30 mm).

image (B)

Fig. 180.
Ébonite (épaisseur 0 mm 18 ; diamètre 20 mm).385

image (B)

Fig. 181.
Ivoire (épaisseur 0 mm 10 ; diamètre 30 mm).

image (B)

Fig. 182.
Ivoire (épaisseur 0 mm 10 ; diamètre 20mm).386

image (B)

Fig. 183.
Baudruche (épaisseur 0 mm 02 ; diamètre 15 sur 20).

image (B)

Fig. 184.
Baudruche (épaisseur 0 mm 02 ; diamètre 10 sur 12).387

image (B)

Fig. 185.
Caoutchouc vieilli, très tendu et très mince (diamètre 10 mm).

Autres expériences :

image (B)

Fig. 186.
Voyelle à inscrite à différentes hauteurs et avec différentes membranes.
(Les tracés 4, 5 et 10 ont été pris à une plus grande vitesse.)

1, 15, Papier à lettre (épais. 0 mm 09 ; diam. 30 mm).
2, Carte de visite (épais. 0 mm 20 ; diam. 30 mm).
3, Maillechort (épais, 0 mm 25 ; diam. 30 mm).
4, 10, Argent (épais. 0 mm 14 ; diam. 30 mm).
5, Fer (épais. 0 mm 25 ; diam. 30 mm).
6, Papier glace (épais. 0 mm 16 ; diam. 30 mm).
7, Tissu élastique (épais 0 mm 06 ; diam. 20 mm).
8, 13, Vessie (épais. 0 mm 10 ; diam. 20 mm).
12, Caoutchouc dilaté (diam. 10 mm sur 12).
14, Gutta (épais. 0 mm 06 ; diam. 20 mm).
16, Papier végétal (épais. 0 mm 03 ; diam. 10 mm).
17, Carton (épais. 0 mm 28 ; diam. 30 mm).388

image (B)

Fig. 187.
Voyelles a et i.

Dites : celles des 4 premières rangées sur fa2♯ ; celles des 5 dernières sur la2.
Recueillies à l'aide de différentes membranes qui varient de deux en deux colonnes.

Pour les deux colonnes de gauche :
1 Ivoirine (épais. 0 mm 26 ; diam. 30 mm).
1* Ivoirine (même épais. ; diam. 20 mm).
2 Parchemin végétal (épais. 0 mm 08 ; diam. 30 mm).
2* Parchemin végétal (même épais. ; diam. 20 mm).
3 Parchemin (épais. 0 mm 07 ; diam. 30 mm).
3 Parchemin (même épais. ; diam. 20 mm).

Pour les deux colonnes de droite :
4 Opaline (épais. 0 mm 13 ; diam. 30 mm).
4* Opaline (même épais. ; diam. 20 mm).
5 Papier glace (épais, 0 mm 16 ou 0 mm 17 ; diam. 30 mm).
5* Papier glace (même épais. ; diam. 20 mm).
6 Tissu élastique (épais. 0 mm 06 ; diam. 20 mm).
7 Carton (épais. 0 mm 33 ; diam. 30 mm).

Enfin la figure 188 contient : 1° plusieurs voyelles dites
sur fa2♯ et inscrites par une plaque de platine ; 2° un u crié
fort sur la2 et recueilli par une plaque de verre ; 3° a, i sur
fa2♯ (papier à décalquer) ; 4° i sur la2 et a sur fa2 (papier
glace).389

image (B)

Fig. 188.
Voyelles diverses.

Les 3 premières lignes et la 4e à gauche : platine (épais. 0 mm 115 ; diam. 30 mm). — La
4e ligne à droite : verre. — La 5e : carte épaisse (diam. 30 mm). — La 6e : papier à
décalquer
(diam. 20 mm). — La 7e : papier glace (diam. 20 mm). — Les 2 dernières :
papier glace (diam. 30 mm).

Voyelles inscrites par le Platine : 2e colonne, ò ó u.

Note : fa2, sauf pour les deux voyelles (i, u) qui ont été dites sur la2.

Les 2 dernières lignes représentent un a, depuis le début jusque vers le milieu. Elles montrent
très bien l'accroissement progressif du l'intensité.

Les tracés du phonographe rentrent naturellement dans
la classe de ceux qu'on obtient avec des membranes rigides
et épaisses. Ils s'observent très bien au microscope au
moyen d'un petit artifice d'éclairage. En enveloppant le
rouleau, placé sous le microscope, d'un écran qui ne laisse
arriver la lumière que par une fente, on dirige un rayon
rasant sur la surface de la cire, et le tracé, suivant la position
de l'ombre, apparaît soit en relief soit en creux.390

En voici des spécimens photographiques 1214 (fig. 189).

image

Fig. 189.
Entailles du phonographe agrandies un peu moins de 4 fois sur une
photographie directe elle-même agrandie 3 fois (agr. total 10.89).

(Pour voir les entailles en creux, retourner la figure).

M. Hermann a donné de nouvelles courbes 2215 obtenues
avec le dispositif décrit (p. 118) en ralentissant beaucoup
le mouvement du cylindre enregistreur. L'amplitude des
courbes se trouve alors considérablement agrandie (fig. 190,
191, 192 et 193) et l'aspect linéaire du tracé phonographique
disparaît.391

image

Fig. 190.
Voyelle ā (allemand).

image

Fig. 191.
Voyelle ă (allemand).392

image

Fig. 192.
Voyelle ŏ (allemand).

image

Fig. 193.
Voyelle ŭ (allemand).393

Enfin, les flammes manométriques photographiées d'après
le procédé de M. Doumer (p. 112 et 195) ont fourni des
tracés d'une grande délicatesse. J'en reproduis deux spécimens
(fig. 194 et 195) que je dois à l'obligeance de l'auteur.

image

Fig. 194.
Voyelle i (Doumer).

La seconde flamme est réglée par un diapason chronomètre.

image

Fig. 195.
Voyelle u (Doumer).

M. Marage n'a obtenu au moyen de l'acétylène que des
résultats grossiers 1216 où il n'a pu reconnaître par période,
suivant la nature de la voyelle émise, qu'une flamme (i, u,
ou), deux flammes (e, eu, o), trois flammes (a).

Il semble d'une façon générale que les meilleurs tracés
sont ceux où se reconnaissent le plus de détails, et que
394l'inscription pèche plutôt par défaut que par excès. Je crois
en avoir la preuve pour o, u, i, u. Ces voyelles, inscrites
au phonographe isolément et d'une voix modérée, ne se
reconnaissent pas toujours à la reproduction (comparez ce
qui a été dit p. 195). Les tracés, dans ce cas, paraissent très
simples et privés de détails. Mais, lorsque la gravure a été
prise sur un ton élevé et avec une intensité notable, la
reproduction est satisfaisante, et la courbe est alors toute
festonnée de petites ondulations secondaires, par exemple l'i
des figures 171, 172, 182, 183, 187 (7) et 188 (la2). Comparez
les u (fig. 171, 173, 175, 182, 183, 185, 188).

Hauteur musicale.

Hauteur musicale. — On a déjà pu remarquer, dans les
tracés qui précèdent, l'effet de la hauteur musicale sur la
forme de la période. Mais il est utile d'embrasser d'un coup
d'œil toutes les notes d'une gamme pour une même
voyelle.

Nous avons (fig. 196) 4 gammes de voyelles parlées. La
première colonne représente un à (ouvert) et un a (moyen),
le premier dans la gamme de ut2, le deuxième dans celle de
la1 ; la deuxième, ó et u, tous les deux dans la gamme de
ut2. Chaque colonne se termine par un tracé du diapason,
qui a servi de mesure pour le temps : celui de gauche pour
la gamme de la1 ; celui de droite pour les trois gammes de
ut2. Les premières périodes de chaque rangée ont été
séparées par des points ; on reconnaîtra aisément les suivantes.

Pour être à même de comparer plus aisément la durée
des diverses notes des gammes, réduisons les échelles du
temps en millimètres. Celle de droite donne à la seconde
1325 mm (chaque vibration ayant 26 mm 5) ; celle de gauche,
1350 mm.395

image (B)

Fig. 196.
Gammes sur les voyelles à, a, ó, ú.396

L'ut2 a, comme longueur de période, 10 mm pour a, 9,62
pour ó, 9,6 pour u, c'est-à-dire, dans l'unité de temps,
132,5 vibrations pour a, 138 pour ó, 137,5 pour u. Le diapason
allemand donne 132. La petite erreur que nous constatons
ici dans le point de départ vient de la difficulté qu'il
y a à prendre le ton bien juste pour une voyelle parlée.

Bornons-nous à vérifier la première gamme de ut2, celle
de à.

Nous avons en millimètres :

tableau

soit en vibrations pour l'unité de temps :

tableau

tandis que nous devrions avoir :

tableau

Le parleur a haussé le ton dans les notes aiguës.

La deuxième gamme, celle de la1, est d'accord avec le
diapason français. Les notes mesurées donnent :

tableau

La gamme naturelle serait (formule, p. 9) :

tableau

Malgré les petites erreurs que ces chiffres mettent en
évidence, nous pouvons considérer ces gammes comme
suffisamment justes, et comparer entre elles les périodes
des différentes notes.397

Voyelle à.

Voyelle à. — Nous savons par ce qui précède que la
période a été coupée au début de la partie négative. Or, en
nous contentant de ce que l'œil armé de la loupe peut
découvrir, nous pouvons décomposer la période de la
manière suivante :

Ut. — 8 sinuosités ; 4 grandes et 4 petites.

. — 7 sinuosités ; 4 grandes, 3 petites.

Mi. — 6 sinuosités, 4 grandes, 2 petites. Les deux petites
semblent n'en faire qu'une allongée ; mais à certains endroits,
par exemple, dans la première période de la figure, elles se
distinguent nettement.

Fa. — 6 sinuosités ; 4 grandes et 2 petites. La dernière
paraît diminuée.

Sol. — 5 sinuosités, la 5e, à peu près égale aux autres,
représente les 4 petites de l'ut.

La. — 5 sinuosités ; 4 grandes, et 1 très petite, presque
confondue avec la 4e qui semble agrandie. La 5e sinuosité
est le dernier reste du groupe des petites de l'ut.

Si. — 4 sinuosités à peu près égales. Le dernier groupe
a entièrement disparu. On peut subdiviser la période en
deux groupes comprenant chacun deux sinuosités.

Ut. — 4 sinuosités plus sensiblement égales que pour si,
et un peu diminuées.

Dans cette gamme, la période nous apparaît donc divisée
en deux parties : la première plus ample, plus profondédément
découpée et plus stable ; la deuxième plus faible,
plus indécise et, en apparence, seule soumise au changement.
Ces deux parties sont égales en durée pour ut2. Puis,
au fur et à mesure que le ton s'élève, il semble que, la
première restant immuable, la deuxième disparaisse peu à
peu, si bien qu'au sommet de l'octave il n'en reste plus
rien. Ainsi de quatre sinuosités qu'elle possède pour ut2,
398elle en perd une pour , une seconde pour mi, une troisième
pour sol. Pour la, elle est si réduite qu'elle semble
n'être qu'un accessoire de la quatrième sinuosité de la
première partie. Pour si, qui dans l'exemple que nous étudions
est presque un ut2, elle ne se reconnaît plus. Dans la
réalité, nous avons la trace d'un harmonique élevé, qui est
le septième (huitième son composant) de ut2, le sixième de
2, le cinquième approximatif de mi2 et de fa2, le quatrième
de sol2 et de la2, le troisième de si2 et de ut2 ; c'est-à-dire
un ut5 (1056 v. d.), qui, au moment de la compression de
l'onde sonore, se trouve affaibli par l'interférence des harmoniques
graves, et, comme il est naturel, devient dominant
dans les notes aiguës. Cet ut5 correspond, à n'en pas
douter, à la résonnance caractéristique de l'à de M. Burguet.
Ce résultat est entièrement confirmé par l'analyse mathématique
qui indique pour les amplitudes des différents sons
composants en millimètres :

tableau

Donc la comparaison des tracés d'une même voyelle
dite successivement sur les notes de la gamme peut à première
vue faire connaître le son caractéristique.

Voyelle a.

Voyelle a. — Cette voyelle, comme le montrera l'analyse,
n'est pas la même que la précédente. En outre, elle a été
inscrite avec une membrane flexible. C'est en partie à ce
fait, en partie à la prédominance du quatrième son composant
que la période doit sa forme. La superposition des
deux tracés (fig. 197) montre que chaque sinuosité de cette
seconde voyelle équivaut à deux de la première. Nous ne
devons donc nous attendre à rencontrer l'indice de la note
caractéristique que dans les cas où le nombre des petites
399sinuosités est impair. C'est en effet ce qui a lieu, Nous le
distinguons dans si, , sol, qui répondent à , fa, si de
la première gamme. S'il se présente quelque discordance,
cela tient au défaut de justesse du si, qui se trouve trop
aigu (c'est le la, lui-même trop haut, qui laisse voir clairement
la petite sinuosité impaire). Or la petite vibration
secondaire qui se montre ainsi isolée a constamment la
même mesure, 1 mm 4 environ. Ce qui donne (l'échelle
étant de 1.350 mm à seconde) 950 v. d. qui est le septième
son composant de la voyelle dite sur ut2♯.

image

Fig. 197.

A représente la période telle qu'elle aurait été prise par une membrane très souple et très
grande.

B est un agrandissement de a (ut2♯)

C est un agrandissement de à (ut2), légèrement diminué en longueur pour qu'il puisse
cadrer avec B.

D. Les trois courbes sont réunies afin que le rapport de chacune avec les deux autres
saute aux yeux.400

L'analyse mathématique confirme ce résultat. Elle
donne :

tableau

Cet a tient donc le milieu entre le précédent qui est très
aigu et l'a grave (cf. fig. 158).

L'importance considérable que prend le quatrième son
composant dans ce tracé pourrait bien être due en grande
partie à la membrane. En effet, une membrane plus flexible
encore et avec un champ vibratoire plus étendu n'aurait
laissé voir aucun harmonique (fig. 197, A) ; une plaque
plus rigide, comme celle de verre, au contraire, rend apparent
le huitième son composant (fig. 197, C). Il semble
donc naturel qu'avec une membrane d'une élasticité
moyenne, le quatrième son composant seul se montre nettement,
que le septième, avec les autres, se perde, pour l'œil,
dans la plupart des courbes (fig. 197, B), et n'en puisse être
extrait que par l'analyse mathématique.

Voyelles ó et u.

Voyelles ó et u. — Les gammes de l'ó et de l'u présentent
un type de développement tout autre que celui de l'a. Au
lieu de se tronquer peu à peu par la perte successive de
l'une de ses sinuosités secondaires, la période garde tous ses
éléments initiaux, visibles dans la note la plus grave, mais
en les resserrant, en leur donnant plus de relief, en les
détachant de plus en plus les uns des autres jusqu'à ce que,
dans les notes aiguës, elle apparaisse, de nue qu'elle était
dans les notes graves, toute festonnée d'une sinuosité
légère et profonde qui la couvre tout entière.

Intensité.

Intensité. — Quand elle n'est pas excessive, l'intensité
se traduit, suivant ses degrés, par l'amplitude du tracé.
Mais quand elle est trop forte, l'inscription se fait mal. Il
401faut alors y remédier soit en changeant la membrane enregistrante
pour une plus rigide, soit en modifiant les conditions
de l'expérimentation (p. 378).

Registre de la voix.

Registre de la voix. — Les voyelles dont les tracés ont
été reproduits plus haut ont toutes été émises à voix haute
dans le registre de poitrine, la plupart sur une note voulue
(toutes celles de M. Burguet sont dans ce cas, mais non
les miennes).

Agrt : 19,4.

image (B)

Fig. 198.
Voyelles.

A, parlées. — B, chuchotées.

Il n'existe pas de différence caractéristique entre la
voyelle parlée et la voyelle chantée. Seulement la première
est moins fixe et moins intense, et en général plus courte
que la seconde. Lorsque la voyelle chantée s'inscrit mal,
c'est l'intensité excessive qui est en cause. Un expérimentateur
402novice a seul pu s'y tromper. On a vu précédemment
que la plupart des voyelles étudiées par les physiciens
ont été justement des voyelles chantées (p. 194 et suiv.).

Dans la voix chuchotée, pourvu que le chuchotement soit
très fort, on obtient des tracés où l'on remarque une
période et un mouvement ondulatoire différent pour
chaque voyelle. Je donne (fig. 198) un spécimen de á, ó,

image (O)

Fig. 199.
Voyelle d.

P. Voix de poitrine. — F. Voix de fausset. — V. Voix de ventriloque.
C. Voix crapuleuse. — D. Diapason de 200 v. d.

u chuchotes en regard des mêmes voyelles parlées. On ne
manquera pas de remarquer la différence d'intensité. Pour
la mettre plus en évidence, le tracé a été pris à une faible
vitesse (0 mm,6 pour 1 centième de seconde) et agrandi
19,4 fois.

Enfin, je termine (fig. 199) par un exemple de l'á dans la
voix de fausset (F), la voix de ventriloque (V) et la voix crapuleuse
(C) opposées à la voix de poitrine (P) ; ce qui frappe le
plus ici, c'est la différence d'acuité.403

Consonnes

Continues.

Nous commencerons par celles des consonnes qui se
rapprochent le plus des voyelles par leur figure et leur
mécanisme articulatoire : les semi-voyelles, les spirantes,
les vibrantes et les fricatives, qui toutes sont des continues.

Semi-voyelles.
(y, w, ẅ)

Pour bien comprendre les semi-voyelles, il faut les
comparer avec les voyelles correspondantes. Considérons
(fig. 200) aẅa (A) et aua (B). La ligne supérieure (L) est
celle des lèvres (ampoule et tambour à petite capsule et à
caoutchouc rigide) ; l'inférieure (V) est celle de la voix
(Inscripteur à membrane de baudruche).

Avec un tambour à membrane plus élastique nous
aurions eu pour le mouvement des lèvres un tracé plus
expressif. Mais les vibrations seraient moins belles.

Au point de vue physiologique (L), la semi-voyelle se
distingue nettement de la voyelle : à la détente, par un
relâchement brusque de l'organe ; à la tenue, par une plus
grande poussée organique, par l'amplitude ou la forme des
vibrations (cf. L dans A et dans B). :Le commencement et
la fin de la tenue peuvent être ici approximativement fixés
à α et à β. .Toutefois on ne-saurait rien préciser à cet égard,
car les sons. se. fondent sur leurs limites et s'influencent
bien en deçà et au delà. Nous y reviendrons à propos de la
figure suivante.404

image (R)

Fig. 200.
A. aa. — B. aua. (Ces tracés ne contiennent que la fin du 1er a et le commencement du 2e)405

La période de l'a (V) se compose de trois sinuosités irrégulières,
deux petites et une grande. Le passage à l', comme
à l'u, est marqué par la diminution progressive de l'amplitude
des deux petites sinuosités. La tenue de la semi-voyelle se
distingue de celle de l'u par une moindre amplitude de la
courbe. Au moment de la détente, les deux petites sinuosités
se sont presque réduites pour à une seule. En même
temps qu'elles perdent de leur amplitude, les sinuosités
secondaires gagnent en régularité, et deviennent à peu près
égales en longueur. La courbe se simplifie donc et l'on peut
être tenté de croire que cette vibration secondaire, qui
revient trois fois dans la période, représente le principal
son composant. Ici, l'échelle nous donnant 866 mm à la
seconde, et cette petite sinuosité ayant 1 mm 8 de longueur,
ce serait la note de 472 v. d., environ si2.

La figure 201 permet de suivre avec une plus grande
sûreté le passage de la voyelle à la consonne. Les syllabes
aẅa ont été inscrites par la membrane de baudruche (V)
et en même temps par le petit tambour (S) réunis à une seule
embouchure au moyen d'un tube en Y. Les deux tracés se
contrôlent et se complètent : l'un (S) rend visible surtout
le son fondamental ; l'autre (V), les harmoniques. Ils
diffèrent principalement pour la consonne. On les suivra
avec intérêt depuis le début jusqu'à la fin. Les deux a sont
sensiblement les mêmes. Noter, pour les harmoniques aigus,
les périodes 4 et 75 (8 petites vibrations). La période de
l'a est caractérisée pour la forme (19) par deux groupes de
sinuosités secondaires, composés : le premier, d'une grande
et de deux petites ; le second, de deux grandes. L', là où il
paraît le plus pur, ne compte que deux sinuosités toutes
nues, la première plus petite que la seconde. Le passage de
la voyelle à la consonne se fait par l'effacement progressif406

image (R)

Fig. 201.
aẅa

D. Diapason de 200 v. d. à la seconde.407

des sinuosités secondaires de chacun des groupes de la
période vocalique. D'abord c'est le premier groupe qui est
atteint. A partir de la 20e période, les deux petites sinuosités
n'en font plus qu'une ; la seconde est d'abord la plus
grande, mais elle ne tarde pas à se diminuer au profit de la
première ; à la 24e période, elle est toute petite ; à la 33e, elle
se voit encore ; à la 34e, elle disparaît, pour ne réapparaître
qu'à la 53e. Le deuxième groupe commence à s'altérer dans
la 23e période : les deux sinuosités, qui sont à peine
amoindries à ce moment, tendent à se réunir et n'y
arrivent complètement qu'avec la 38e période. La séparation
recommence avec la 49e. Nous n'avons donc le parfaitement
pur qu'entre les périodes 38 et 49. La zone
d'influence réciproque s'étend, au début, de la 20e à la 38e ;
à la fin, de la 50e à la 60e, où la forme de l'a est complètement
restaurée. Soit donc, pour ces deux syllabes, qui se
composent de 80 périodes : a, 19 ; aẅ, 19 ; , 11 ; ẅa, 10 ;
a, 21. La zone d'influence a donc été, à la tension du ,
presque deux fois plus étendue qu'à la détente.

Si nous cherchions, par la seule inspection de la courbe,
d'avoir une idée rapide des sons composants, nous remarquerions
que la petite sinuosité a 2 mm 4 et qu'une plus
petite encore est contenue, en α, huit fois dans une longueur
de 2 mm 7. L'échelle étant de 1093 mm, nous obtiendrions
ainsi des périodes secondaires de 455 et de 3238 v. d., soit
la2 et sol6. — Le tracé (fig. 200) a donné si2, résultat
que l'on peut considérer comme identique.

Avec la figure 202, A aya et B aia, dont l'échelle
est reproduite à part (fig. 203), outre le passage de la
voyelle à la consonne sur lequel il n'est utile de revenir
que pour le signaler et inviter le lecteur à en faire l'étude
lui-même (car le dessin est très net), on observera la408

image (R)

Fig. 202.
A. aya. (Les deux a sont tronqués.) — B. aia. — (Échelles fig. 203.)409

différence qui distingue la semi-voyelle de la voyelle. Au
début (α) et à la fin (γ), les vibrations de la voix ont une amplitude
notable aussi bien pour le y que pour l'i ; mais à la

image

Fig. 203.
Échelles de la fig. 202 : A, pour A ; B pour B.

tenue (β) le y paraît presque entièrement étouffé par rapport
à la voyelle.

Spirantes
(ç, ĉ, h).

Le ç (ch doux allemand) est très voisin du y, dont il n'est
guère que la sourde. Le ĉ est le ch dur des Allemands, la j
des Espagnols, le représentant du ch français à Cognac, de
iss français dans des dialectes de l'Est, etc. Le h est la
sonore correspondante (= j français à Cognac, is (iz)
français dans l'Est, etc.).

Comme il ne s'agit pas ici d'une analyse rigoureuse de
telle ou telle variété de ces sons, mais seulement de leur
mécanisme général, j'ai cru pouvoir les inscrire tels que je
les prononce, bien qu'ils soient étrangers à mon dialecte
d'origine. Les figures seront suffisamment exactes, j'espère,
car je suis habitué à entendre ces sons dès l'enfance et je
me suis souvent exercé à les reproduire.410

Le ç de aça (fig. 204 A) ne commence à se faire sentir
dans la voyelle initiale qu'à la 24e période (V) et encore
faiblement par une simple diminution de l'intensité ; la
25e n'est guère plus touchée, la 26e l'est déjà sensiblement,
la 27e l'est bien davantage : on y peut encore reconnaître
la forme générale de l'a ; mais là première sinuosité, la
plus ample, est très aplatie, et l'ensemble est moins net
que la première période elle-même. Suivent trois périodes
où l'on ne reconnaît que vaguement là forme générale de la
voyelle. Enfin vient une ligne en apparence unie et sans
aucune trace d'un mouvement périodique. C'est la tension
de la consonne. Après une longueur de 146 mm (= 13 centièmes
de seconde), brusquement le mouvement périodique
réapparaît. La première période ne présente de nette que
la dernière sinuosité. On doit parcourir ensuite 11 périodes,
même 12, pour arriver à la forme absolument parfaite de
l'a (ici deux groupes formés chacun de deux sinuosités a
peu près égales). Nous n'avons d'abord (période 2) que
deux grandes vibrations, représentant les deux groupes ;
puis (3) la première se diminue et la deuxième s'allonge,
se préparant à donner naissance à trois sinuosités secondaires
dont les deux dernières (celles qui formeront le second
groupe) commencent à se montrer dès la quatrième
période ; la seconde du premier groupe n'apparaît que dans
la 9e période ; elle grandit dans les 10e, 11e, 12e, et ne
devient égale à la 1re que dans la 13e.

Les harmoniques de la voyelle sont clairement indiqués
dans le tracé du souffle (S) recueilli par le petit tambour à
membrane rigide : ils sont très nets pour l'a initial jusqu'à
la 25e période et la première partie de la 26e ; ils se montrent
de nouveau, après la consonne, dans la 10e.

Une question nouvelle, puisque nous avons pour la
411première fois une consonne sourde, se pose ici pour la
tension et la détente. Passons-nous directement de l'a au
ç, ou par l'intermédiaire d'un y ? En d'autres termes, les
périodes privées de sinuosités secondaires ou des sinuosités
qui paraissent caractéristiques de l'a doivent-elles être
attribuées à la voyelle ou à la consonne ? La même question
se reposera dans tous les cas analogues, toutes les fois
qu'une voyelle se trouvera en contact avec une consonne
sourde. Il serait donc important de la résoudre. Malheureusement,
je suis obligé d'en renvoyer la solution définitive
à plus tard, si tant est qu'une solution définitive soit
possible. En attendant, je me bornerai aux réflexions
suivantes. Une voyelle finale se termine aussi par des
périodes en apparence dénuées d'harmoniques (cf. l'a final
de aĉa B) : le souffle (S) continue à agir mécaniquement,
marquant une note fondamentale très ample sans aucun
accident. On pourrait donc être tenté de voir dans ces
périodes amorphes les dernières périodes de la voyelle.
Mais, même dans le cas d'une voyelle isolée, on doit se
demander si les dernières périodes sont bien vocaliques.
J'hésite à le croire, car avec l'inscripteur que j'ai employé
pour aça, un a articulé à voix haute aussi faiblement que
possible, ou même simplement chuchoté, donne toujours,
outre le tracé de la période, des vibrations secondaires. Il
semble donc naturel de voir, même dans les périodes finales
des voyelles isolées, des éléments consonantiques, ceux
d'une semi-voyelle. Ce seraient ces éléments qui prendraient
vie par la prolongation du mouvement, et deviendraient,
par exemple, un y à Dreux dans drœ́y pour drœ « Dreux »,
et dans l'Angoumois (Saint-Genis d'Hiersac) pāw pour pā
« pas ». Il n'y a donc aucune difficulté à attribuer à la
consonne les périodes 28, 29 et 30. Quant à 26 et 27, il412

image (R)

Fig. 204.
A. aça. — B. aĉa. — C. aha. (Échelle fig. 201). — Des coupures om été faites : 1 dans
la tenue de ç ; 2° dans le début de l'a et la tenue du ĉ de aĉa.413

faudrait les partager entre la voyelle et la consonne :
26, plutôt vocalique ; 27, plutôt consonantique. La tension
pourrait être comptée entre 27 et 30. Nous aurions alors
un ç faible et laryngien, c'est-à-dire un y qui se fondrait
progressivement en un ç fort et sourd.

Autre question analogue à la précédente :

Passons-nous directement du ç à l'a, ou bien avons-nous
encore un intermédiaire ? Il ne s'agit pas de l'influence de
la consonne sur la voyelle. Elle est évidente (cf. le commencement
de l'a initial avec celui de l'a final). Le caractère,
consonantique des deux premières périodes ne paraît
pas douteux ; de 4 à 7, nous devons encore avoir la consonne
influencée par la voyelle (comparez le tracé de y dans aya,
fig. 202) ; cette influence se fait sentir davantage dans
8 et 9. Mais à partir de 10, nous avons bien la voyelle
légèrement influencée au début par la consonne. La détente
irait donc de 1 à 9 : elle serait laryngienne et douce et
correspondrait, par conséquent, à un y.

D'où, sur une longueur totale de 220 mm, nous en aurions
25 pour la tension et 28 pour la détente, soit sur une durée
de 20 centièmes de seconde, environ 1/9 pour la tension,
et 1/8 pour la détente.

Il est temps maintenant de passer à la tenue. Le larynx
se tait. Dès lors, comme c'est cet organe qui, dans la
symphonie de la parole, fait la basse et marque le ton,
nous ne devons pas nous attendre à rencontrer ces vibrations
amples qui groupent entre elles des vibrations secondaires.
Mais, tout bruit étant un mouvement vibratoire de
l'air, nous sommes en droit de rechercher dans la ligne
en apparence toute droite de la tenue la trace de vibrations
quelconques. Et, en effet, il en existe. Il ne me sembla
pas d'abord que les appareils fussent assez sensibles pour les
414saisir, car à première vue rien ne les décèle. Il me fallut un
jour bien clair et des tracés exceptionnellement avantageux
pour mêles faire découvrir sous le microscope. Maintenant,
je les obtiens sans difficulté. La seule condition requise
est d'avoir un appareil très sensible, l'inscripteur avec
membrane de baudruche par exemple ou le tambour à petite
cuvette, et de régler le contact de la plume sur le cylindre
au minimum. Cette disposition, excellente pour la consonne,
est défectueuse pour la voyelle, car la plume alors
rebondit sous la poussée de l'air et le tracé manque de
suite. C'est ainsi que j'ai inscrit (fig. 205) certains bruits
de la bouche : 1, sifflet ; 2, claquement des lèvres (baiser) ;
3, claquement de la langue appliquée sur la région dentale ;
4, claquement de la langue contre la partie centrale du
palais dur ; 5-12, bruits de consonnes réduites à la simple
explosion sans voyelle suivante : 5 p, 6 t, 7 k, 8 f, 9 s,
10 ɛ (ch français), 11 ç (ch doux allemand), 12 ĉ (ch dur
allemand). Comme terme de comparaison, j'ajoute
(fig. 206) les tracés des consonnes sonores correspondantes,
produites dans les mêmes conditions : 5'b, 6'd, 7'g,
8'v, 9'z, 10'j, 11'h (j saintongeois), 13 l, 14 r (de la
pointe de la langue).

Revenons à la tenue du ç en examinant à la loupe le
tracé du tambour (L) dont la plume touchait très légèrement
le cylindre, on compte 6 vibrations en 3 mm 8, soit
pour chacune 0 mm 63, ce qui correspondrait, l'échelle étant
de 1093 mm, à la seconde, à 1735 v. d. ou la5. D'autre part,
les sinuosités du ç isolé (fig. 205) indiqueraient à première
vue si2 et la2. Cela dit sans insister et simplement à titre
d'indication.

Le ĉ (fig. 204 B) commence à se faire sentir dans la 24e
période de l'a initial, par l'apparition d'une 3e sinuosité415

image (R)

Fig. 205.

1, sifflet ; 2-4 claquements : 2, des lèvres ; 3 et 4, de la langue. — Bruits de consonnes :
5 p, 6 t, 7 k, 8 f, 9 s, 10 ɛ, 11 ç, 12 ĉ.

D. Diapason (tracé divisé en centièmes de secondes).416

image (R)

Fig. 206.
Bruits de consonnes.

5'. b, 6'. d, 7'. g, 8'. v, 9'. z, 10'j, 11'h, 13. l, 14. r.417

dans le premier groupe (c'est le type du second a). L'influence
s'accentue dans la 27e, où le deuxième groupe
gagne aussi une nouvelle sinuosité. C'est le rétrécissement
organique qui est cause de cette modification. Pour le passage
de l'a initial à la consonne, nous aurions à renouveler les
observations faites plus haut pour le ç. Quant à la détente,
nous devons noter que, dans cet exemple, l'influence de
la consonne a été d'une bien moindre durée : après
3 périodes, la voyelle a repris sa forme normale. Mais
peut-être serait-il plus juste de dire que l'influence du ĉ,
après avoir été prépondérante sur les 3 premières périodes,
a continué d'une manière peu sensible, mais réelle, jusqu'à
la fin de la voyelle. En effet, la 3e sinuosité du premier
groupe, qui est caractéristique de cet a, et que nous avons
vue apparaître quand l'organe se resserre (27e période)
ou quand la bouche tend à se refermer (cf. aça, période
31e) semble bien être due à la persévérance partielle du
rétrécissement organique demandé par le ĉ.

Pour le tracé du ĉ isolé, voir figure 205.

Le h (fig. 204 C, aha) est la variété sonore du ĉ. Son
influence apparaît dans la 33e période. Devenu pur vers la
45e, la ligne du souffle (L) n'accusant plus les vibrations
secondaires de la voyelle, il cesse vers la 57e. Il n'y a pas
lieu de recommencer les constatations déjà faites pour aẅa.

Le tracé de la tenue du h dénote une forte influence de
la voyelle (cf. fig. 206). Nous étudierons ce fait dans les
deux consonnes suivantes.

Vibrantes.
(l, r).

Les consonnes l et r ont, pour la voix, des tracés qui
ressemblent beaucoup à ceux des voyelles qui leur sont418

image (R)

Fig. 207.
A. ala. — B. ara. — C. ara.419

image (R)

Fig. 208.

1. ala. — 2. èlè. — 3. élé. — 4. ili. — 5. òlò. — 6. óló.420

image (R)

Fig. 209.

7. ulu. — 8. œ̀lœ̀. — 9. œ́lœ́. 10. ulu.

(Les l seules sont entières : elles occupent la fin de la première ligne de chaque groupe,
et le commencement de la deuxième.)421

contiguës. Ainsi (fig. 207) l dans ala (A) et r dans ara
(B et C) offrent une image atténuée de l'a. Les figures 208
et 209 nous montrent de même que l'l, associée à diverses
voyelles, se modèle en quelque sorte sur celles-ci. Le fait
n'a rien d'étonnant. La disposition générale de la bouche
pour l et r est celle de la voyelle, et le mouvement organique
propre à la consonne ne fait que la modifier un
instant sans détruire la résonance fondamentale.

L'l produite isolément sans aucune voyelle (fig. 206) se
rapproche du type de l'l dans ala.

Nous avons (fig. 207) pour A et pour B le tracé du
souffle (S) recueilli avec le tambour à petite capsule, et
celui de la voix (V) enregistré par l'inscripteur à membrane
(baudruche) ; pour C, le tracé de la voix seulement. D est
le diapason chronographe (200 v. d.).

A, ala. — La 1re rangée contient la voyelle initiale
depuis son début ; la 2e, la fin de la voyelle, l et le commencement
du deuxième a ; la 3e, la fin du deuxième a (le
milieu a été supprimé).

La préparation de la consonne commence en réalité dès
le début de la voyelle initiale ; on le reconnaît à ce fait que
le débit du souffle va en s'accroissant depuis ce moment-là
(cf. fig. 143). C'est vers la fin de la voyelle, en α, que la
ligne du souffle atteint sa plus grande élévation : le canal
rétréci, mais non obstrué, par l'élévation de la pointe de la
langue, imprime alors sa plus grande vitesse à l'écoulement
de l'air expiré. La pression de l'air diminue ensuite à
mesure que la langue, se rapprochant du palais, resserre la
partie antérieure de l'orifice. Cette phase de l'articulation
s'accomplit pendant la durée de trois périodes. La première
appartient encore sûrement à l'a ; la seconde aussi,
quoiqu'elle soit un peu diminuée ; mais déjà la troisième
422est à la consonne : elle en constitue la tension, du moins
la part qui lui est propre. Vient ensuite la tenue, de β à γ :

image

Fig. 210.
Consonne l (Hermann).

la pression de l'air est plus forte que pour la voyelle, mais
elle reste sensiblement au même niveau ; les vibrations de
la voix ont aussi un aspect uniforme : à partir de γ, commence
423la détente qui reproduit en sens inverse la tension. La
période s'allonge légèrement pendant la consonne et le ton

image

Fig. 211.
Consonne l (Hermann).

s'abaisse ; les trois sinuosités secondaires de l'a s'aplatissent,
se régularisent, et nous apparaissent subdivisées, à différents
endroits, en de toutes petites sinuosités régulières aussi, qui
424se trouvent reproduites six fois dans la vibration secondaire.
Nous avons : la période principale, 7 mm 5 ; la période
secondaire, 2 mm 5, enfin la petite sinuosité, 0 mm 41. L'échelle
nous donne 12 mm pour 1/100 de seconde ou 1200 mm pour
l'unité de temps. Donc, à supposer, ce qui est vraisemblable,
étant donnée leur régularité, que ces diverses courbes
représentant le son fondamental et les principaux sons
composants, il faudrait reconnaître dans l'l qui est inscrite
ici des sons de

160 v. d. 480 2880
ou mi2— si2— fa♯6

Ces mesures prises sur l'agrandissement photographique
à l'aide d'une simple loupe ont été vérifiées pour la petite
sinuosité sur l'original sous le microscope et au micromètre
oculaire. Les résultats obtenus sont naturellement
plus précis mais non bien différents. J'ai trouvé, au voisinage
de la voyelle initiale, 2133 (ut6) ; ailleurs, 3158
(sol6+) ; généralement, 3200 (sol6). La note moyenne
est donc sol6.

M. Hermann a étudié les tracés phonographiques de l'l
agrandis par le dispositif, un peu modifié 1217 qui lui a servi
pour les voyelles. On vient de voir (fig. 210 et 211) la
reproduction de ses courbes lithographiées.

L'analyse de Fourier, pratiquée avec les simplifications de
M. Hermann (voir l'Appendice), a donné pour le son l,
l'amplitude totale étant 100 :425

tableau notes426

D'autre part, la mesure de la petite sinuosité prouve que
celle-là est contenue respectivement

tableau fois

dans la période, ce qui indique comme caractéristiques les
notes :

tableau

La plus forte résonance commune à toutes ces analyses
est donc voisine des notes : si4, ut5, 5, fa5, fa5 ou sol5,
résultat concordant avec ceux que j'ai obtenus, sauf la
différence d'une octave. Chacune des petites sinuosités que
M. Hermann a comptées se dédouble pour moi en deux.

Les expériences otologiques supposent la possibilité
d'entendre fa1.

Les variétés d'r sont nombreuses, je ne prendrai pour
exemple que celle qui m'est familière, l'r linguale (fig. 207 B).
Comparez l'r isolée (fig. 206). Les battements de la langue,
tantôt libérant, tantôt interceptant l'émission du souffle, se
lisent très clairement sur la ligne (S). Nous pouvons
reconnaître ici quatre battements : le premier est le plus
fort ; le quatrième est à peine sensible. Au point de vue de
la durée, on peut leur attribuer respectivement (le commencement
du premier étant un peu arbitraire) : 45 mm,
31 mm 5, 35 mm, 45 mm, ce qui suppose 26 38 34 et 26
vibrations à la seconde, c'est-à-dire la-2, ♯-1 ut♯-1, la-2.

La ligne de la voix accuse un allongement de la période
au moment du premier battement, aussi bien dans les deux
tracés B et C (α). Nous avons (B α) : 8 mm 5 pour la première
période et 8 mm pour les deux autres, tandis que les précédentes
427et les suivantes n'ont que 7 mm 5 ; et (C α), après
des périodes de 7 mm 2 seulement : 9 mm et 8 mm, puis 7 mm 2,
etc. Ces mesures correspondent : 8,5 (141) à 2 — ;
8 (150) à 2 — ; 9 (133) à ut2 — . Ce sont les notes
successives du son fondamental.

En outre, chaque période se laisse aisément décomposer
en trois petites sinuosités secondaires, qui semblent bien
indiquer la présence de la2 , la2 , si2 +.

Enfin on peut reconnaître sous le microscope de petites
ondulations dont il y aurait à la seconde (B α) : 711
(fa4 ), 2133 (ut6 )

. Nous aurions en somme, si cette vue sommaire est
exacte :

Battements : en moyenne, si-2

Son fondamental : ut2, 2

Autres sons composants : la2, si2, fa4, ut6

Les otologistes réclament : ut-2, ut-1 ut1

Les battements ont pour effet, quand ils sont forts,
d'étouffer la voix (1) ; mais, quand ils sont faibles, la ligne
de la voix n'en paraît pas sensiblement modifiée (2, 3 et
surtout 4). Dès que la langue, dans son mouvement vibratoire,
s'écarte du palais, la figure de la période précédemment
altérée, réapparaît avec toute sa netteté. Le passage
de la voyelle pure à la consonne se fait comme pour l.

Fricatives.
(f v, s z,ɛ j).

Commençons par s, dont j'ai deux bons tracés (fig. 212)
donnant, avec la voix (V), l'un (A) le mouvement organique,
l'autre (B) le déplacement du souffle.428

image

(Échelles : A. fig. 159 — B. fig.)

A (B) — B (R)

Fig. 212.

asa. — A. Dialecte de Saint-Gall. — B. Dialecte de Cellefrouin. — (Les deux a ne sont reproduits qu'en partie)429

asa (fig. 212 A). La figure ne contient de chacun des
deux a que la partie avoisinant la consonne. La tenue de l's
a également été supprimée sur une longueur de 11 mm 85.

L représente le mouvement de la langue pris derrière
les dents d'en haut au moyen d'une ampoule.

La mesure du temps est fournie par la figure 159, ce qui
fait 1425 mm pour la seconde.

Le mouvement organique est marqué au moment de la
tension par l'élévation, à la détente par la descente de la
ligne (L). On voit que la tension est bien plus énergique
que la détente. Pendant la tenue, la langue a sensiblement
gardé la même position.

A partir de l'instant où la langue commence à s'élever (α),
abandonnant ainsi la position de la voyelle pour prendre
celle de la consonne, la forme de l'a s'altère et la courbe se
dépouille peu à peu de ses sinuosités secondaires. Comparez
la période (1) avec les périodes précédentes, et les suivantes
entre elles. La 6e est déjà presque toute nue et laisse à peine
entrevoir quelques-uns des détails de la voyelle. A ce point
(β), le tracé marque une élévation de la langue équivalant
à un déplacement du levier égal à 10 mm, l'élévation totale
étant représentée par 17 mm 5. La position de l'a est
complètement perdue ; aussi est-il naturel que toute trace
des harmoniques propres à la voyelle ait disparu. Au delà,
on peut encore distinguer vaguement une période amorphe
sur la ligne de la voix, et quatre sur celle du mouvement
articulatoire jusqu'en γ, soit trois en plus. Nous sommes
alors rigoureusement dans le domaine articulatoire de la
consonne, et c'est à celle-ci qu'il convient de les attribuer.
Nous avons donc, avant l's sourde, une s sonore, c'est-à-dire
un z caractérisé par des vibrations laryngiennes et la
faiblesse de l'articulation linguale. Ce n'est qu'à partir de
430γ, quand la langue est fortement tendue et le larynx en
repos, que l's est incontestable.

C'est aussi en partant de la voyelle qu'il convient d'étudier
la détente. La période de l'a est parfaite en c, alors
que la langue s'est déjà complètement abaissée depuis
deux vibrations, mais sans avoir encore pris la position
normale de la voyelle. Les périodes 1, 2, 3, 4 et 5 ne sont
que des esquisses de plus en plus vagues de l'a ; mais elles
semblent bien lui appartenir. La 6e, au contraire, se
rattache plus vraisemblablement à l's. Ainsi on peut faire
terminer la consonne en b par une s sonore, et commencer
de même la voyelle en b par une sorte d'a, peu riche en
harmoniques graves, la pointe de la langue ayant encore à
parcourir, pour arriver à la position voulue, une distance
équivalant à 6 mm.

Il n'y a pas, on le voit, de passage brusque et indiscutable
de la consonne à la voyelle, pas plus que de la
voyelle à la consonne. C'est par des transitions graduelles
que la voix, comme l'organisme, va de l'une à l'autre. Et
les limites que nous leur appliquons ne peuvent échapper
au reproche d'arbitraire.

La tenue peut être comptée à partir de β jusqu'à b, y
comprise la partie du tracé qui a été supprimée (11 mm 85).
Notons que, dans cet espace, la langue s'est abaissée depuis
a, soit pendant une durée correspondant à 65 mm avant
l'apparition d'une vibration laryngienne, tandis qu'à la
tension, les vibrations du larynx ont persévéré jusqu'au
moment où le rétrécissement organique a été le plus considérable.
Cette différence tient à l'effort respiratoire qui a
été beaucoup plus grand à la détente qu'à la tension
(comparez la figure suivante).

Malgré le peu d'amplitude des sinuosités qui remplissent
431la tenue, il est possible d'y reconnaître, avec de l'attention,
un système de vibrations qui se reproduisent périodiquement
et qui se groupent sans se confondre. On arrive à
déterminer ainsi une sinuosité principale de 8 mm 77 qui
renferme des sinuosités secondaires de 5 mm 4, de 2 mm 7, de
1 mm 35 et de 0 mm 675 (fig. 212, A). De plus, dans un agrandissement
de 20 diamètres, outre les sinuosités précédentes
qui sont ainsi certifiées, on en distingue de plus petites qui
mesurent 1 mm 66 et 1 mm 35.

L'échelle étant de 1425 mm à la seconde pour la figure 212
et de 7000 pour l'agrandissement, les vibrations que nous
venons d'énumérer correspondent aux notes suivantes :

mi2 ut2 ut4 ut5 ut6 ut7 mi7

Ce résultat concorde assez avec les conclusions des otologistes
(Schwendt), qui nous ont appris que pour percevoir
l's, il faut être capable d'entendre :

mi2ut6 ut7

L's que nous venons d'étudier est une s suisse (M. Burguet),
analogue sans doute à celle qu'ont observée les
médecins auristes. La mienne est un peu différente ; dans
deux expériences faites en vue d'un rapide contrôle (l'appareil
était réglé de façon à pouvoir donner le maximum
d'amplitude pour la consonne — membrane mince, levier
long — la voyelle étant sacrifiée), j'ai obtenu une première
fois mi2 et une deuxième fois, suivant la place de la
tranche observée : 2 (285) au voisinage des deux a,
mi2 + (333) et mi2 — (313) vers le milieu de la consonne.432

L's prononcée sans voyelle (fig. 205)
donne clairement des sinuosités régulières
de 8 mm en contenant 6 petites ; soit 2
et la4.

Le tracé B (fig. 212) nous permet de
compléter l'étude de l's dans asa, en nous
offrant les tracés synchroniques de la voix
(V) et du souffle (S). La ligne du souffle
concorde avec celle du mouvement musculaire :
elle s'élève quand le débit d'air
augmente, et nous révèle ainsi indirectement
le travail organique. Comparer pour
le tracé de la voix les agrandissements B
et B′ (fig. 213).

image

Fig. 213.

Dès l'instant où l'air commence à s'écouler
avec plus de force (α), la forme de
la voyelle s'altère (1) ; la période suivante
(2) ne se reconnaît que difficilement ; la
3e ne présente plus que très effacée la figure
de l'a. Comparer les périodes de la première
rangée avec celles de l'agrandissement
B (fig. 213). On peut croire que la
voyelle, malgré l'altération qui résulte de
la fermeture de l'organe, a persévéré jusqu'à
la troisième période. Au delà, on est
sûrement dans le domaine de la consonne.

Pendant la première partie de la tension
qui dure depuis α jusqu'à β, y comprise
la longueur d'une ligne (16 cm) qui a été
supprimée dans la figure, l'écoulement de
l'air se fait d'une manière à peu près
constante, indice d'un travail organique
433sensiblement uniforme. Mais, à partir de β et surtout de
β′, le débit de l'air augmente et cet accroissement s'accentue
jusqu'au début de la voyelle (γ).

La première vibration que nous observons (cf. fig. 213 B′)
présente déjà une esquisse suffisante de l'a pour que nous
puissions l'attribuer à la voyelle. On constate donc ici un
passage de la sourde à la voyelle plus brusque que pour le
tracé A. C'est une différence de langue. La première s est
du dialecte de Saint-Gall ; la seconde de celui de Cellefrouin.
Or, chacun sait que l's allemande incline vers z, tandis que
l's française est encore très solide. Mais ce qui apparaît avec
une clarté particulière dans ce tracé, c'est le mariage de la
consonne et de la voyelle. Les dernières périodes du premier
a et les premières du deuxième, en même temps qu'elles
montrent la forme de la voyelle, laissent voir par intervalle,
et d'autant mieux qu'elles sont observées plus près de la
consonne, la petite vibration caractéristique de l's, celle
qui répond à 7. Observer attentivement les agrandissements
B et B′ (fig. 213).

La comparaison et la mesure des sinuosités de l's
(fig. 212 B — échelle 1399 mm) et (fig. 213 B et B′ —
échelle 3916 mm) permettent de reconnaître des vibrations :
1° de 5 mm, 1 mm 2, 0 mm 6 ; 2° de 0 mm 8, soit :

ut2 5 6 7

Nous retrouvons les mêmes caractères et avec plus de
netteté (fig. 214) dans afa. Les portions conservées de l'a
dans la figure sont admirablement rendues par le cliché et
font voir très bien l'affaiblissement graduel de la voyelle
devant la consonne, comme son accroissement régulier après
la détente. La ligne du souffle montre très nettement les
variations successives de la force d'écoulement de l'air,434

image

(Échelle, fig. 231).

(R)

Fig. 214.
afa435

dont le débit augmente à la tension, fléchit d'une façon
très appréciable au milieu de la tenue pour se relever considérablement
un peu avant la détente (β). Les moments les
plus forts de la consonne sont donc la tension et la détente,
toute proportion gardée, comme dans les explosives.

Le passage de la voyelle à la consonne est ici très visible.
Dès la période (1) qui concorde avec le rapprochement des
livres (augmentation du débit de l'air), la dernière sinuosité
se partage en deux et la nouvelle figure de la courbe
s'accentue graduellement jusqu'à (6). Les périodes de (7)
à (11), reproduites dans l'agrandissement B, ne permettent
plus guère de reconnaître, au milieu d'un mouvement
vibratoire assez simple, que des sinuosités de :

5 mm 8 4 mm6 2 mm 4 1 mm 2 0 mm 6

de longueur, qui pourraient correspondre (l'échelle étant
de 3916 mm à la seconde) à :

fa4 la4 sol5 sol6 sol7

Les observations otologiques supposent. :

fa4 la4 la5 sol6

A la tension de la seconde voyelle, après la période (1)
qui est peu claire, nous trouvons dans la période (2) à la
fois la forme très nette de la voyelle et la petite période
caractéristique de la consonne (3 vibrations dans un espace
de 3 mm 5, c'est-à-dire sol♯6). Cf. l'agrandissement C.

L'f isolée (fig. 205) suppose, au milieu de sons aigus, des
notes plus graves : si-1 et si2.

Les correspondantes sonores de s et de f, z et v, ont des436

image

(Échelle, fig. 231).

(R)

Fig. 215.
aza437

tracés d'un caractère analogue à ceux que nous venons
d'étudier. La principale différence tient aux vibrations
laryngiennes qui s'ajoutent pendant la tenue.

Fig. 215 : aza. — La consonne se fait sentir en α. La
deuxième tranche de la période, qui ne comprenait pour la
voyelle que deux sinuosités, se coupe nettement en trois.
Cette forme persévère jusqu'en β. A partir de là, la vibration
devient simple et perd de son amplitude. Nous verrons
plus loin que cette portion de la tenue est relativement
forte. En γ, la période prend une forme qui annonce la
voyelle (voir surtout les agrandissements B et C), et qui se
précise progressivement dans l'espace de quatre ou cinq
périodes. Mais aucune des vibrations de la détente ne
reproduit exactement celles de la tension.

Fig. 216 : ava. — Le v s'annonce déjà en α par la gémination
de la dernière sinuosité de la période ; il s'est accentué
en β, et il est tout à fait clair une ou deux périodes
après (comparer la première rangée de A et l'agrandissement
B). Le courant d'air fléchit alors, entravé par les
dents qui s'appuient sur la lèvre d'en bas ; la période du
souffle sonore (S) se simplifie. Enfin, l'air prenant un cours
plus rapide, et l'organe étant plus ouvert, nous voyons
réapparaître en γ (comparer l'agrandissement C, 4) la
forme de l'a qui se continue ensuite (D′).

Pour les sonores, la portion indécise où l'on peut hésiter
entre la voyelle et la consonne est donc plus courte que
pour les sourdes, puisque nous pouvons noter avec sûreté
la première vibration où l'influence consonantique se
fait sentir. Mais le passage de la voyelle à la consonne ou
de la consonne à la voyelle n'en est pas moins progressif,
demandant pour être complet l'espace de quelques vibrations.438

image

(Échelle, fig. 231).

(R)

Fig. 216.
ava439

Les courbes du z et du v peuvent être analysées d'après
la méthode de Fourier.

Quant à celle du v, si l'on se contentait de la seule
mesure des sinuosités, on trouverait, y comprise la période
du son fondamental, des longueurs de :

8 mm 5 5 mm 2 3 mm 3 1 mm 76 ou 1 mm 65

qui correspondraient à :

mi2 ut2 la2 sol4 la4

Les observations otologiques supposent :

fa1 ut2 ut4

Les sons composants sont, on le voit, plus graves pour
les sonores que pour les sourdes. Le fait est naturel, car le
sifflement est moindre, le frottement de l'air contre les
parois étant plus faible.

Je ne m'arrêterai pas longtemps aux autres fricatives, ɛ, j,
dont le type est le même que celui de s, f, z, v. Notons
cependant un exemple de ɛ : aɛa (fig. 217 A) et deux de j :
aja (fig. 217 B et C). Le souffle a été inscrit avec un
nouveau tambour (voir l'Appendice) qui, à la fois très
élastique et capable de donner les vibrations, permet de
suivre très bien les variations de la colonne d'air et par
conséquent les différences de fermeture. La parole a été
recueillie par l'inscripteur avec membrane de baudruche.
On remarquera en A la grande dépression du courant d'air
qui se fait pendant la tenue du ɛ. Le j de B est normal : le
courant d'air est modéré et animé par les vibrations laryngiennes ;
celui de C est plus fort et relativement sourd
(une partie du tracé de la tenue a été supprimée). Mais440

image(Échelle, fig. 231).

(R)

Fig. 217.
A. aɛa. — B. C. aja441

l'un et l'autre laissent voir la petite ondulation caractéristique
de la consonne, 0 mm 5 par seconde pour une échelle
de 1200 (fig. 207).

Le ɛ isolé (fig. 205) indique :

mi1 la2 ut4 la4 6

Les recherches sur les lacunes acoutisques indiquent
pour ɛ :

ut4 la5 6 fa6 mi7

Nasales
(m, n, ṅ, n̮).

Les nasales tiennent des continues et des explosives. Le
courant d'air sort sans interruption par les fosses nasales,
mais il est obstrué à des points déterminés de la bouche, et
c'est à cette occlusion que les nasales doivent leurs
différences de timbre.

Je choisis comme type l'n.

Soit (fig. 218) ana. Pour embrasser le phénomène
complètement, j'ai pris à la fois les divers tracés : de la
langue (L), de l'air sortant par le nez, qui nous renseigne
sur les mouvements du voile du palais (N), du souffle (S)
et delà voix (V). — Échelle (fig. 219).

Le tracé a été partagé en quatre tronçons. Le premier et
le dernier appartiennent exclusivement aux deux a. Je les
ai reproduits en entier, parce qu'ils sont très beaux et qu'ils
aident à mieux comprendre l'action de la consonne sur les
voyelles. Le second et le troisième renferment la consonne.

Pour les deux a, la ligne de la langue est toute droite,
l'ampoule choisie en vue de l'n étant insuffisante pour
442rendre les légers mouvements de la langue pendant la
voyelle ; la ligne du nez ne donne rien dans le premier
tronçon et annonce un a très pur, mais elle accuse un léger
écoulement de l'air par les fosses nasales pendant toute la
durée de l'a final (influence de l'n) ; la ligne du souffle ne
marque que le son fondamental ; la ligne de la voix est,
elle, tout à fait expressive. Considérons successivement
les deux a sur cette ligne. Les sinuosités du premier
forment trois groupes distincts. Mais, dès que la langue
commence à s'élever, et le voile du palais à s'abaisser (α),
le troisième groupe perd de ses sinuosités secondaires ; plus
loin, on voit se dépouiller à leur tour, d'abord le second
après cinq périodes, enfin le premier après sept. Viennent
ensuite trois ou quatre périodes où les trois sinuosités
principales de l'a se montrent encore, les vibrations nasales
ayant toute leur amplitude. Puis le canal buccal se ferme
et le nez seul livre passage à l'air sonore. C'est la tenue de
la consonne. Après celle-ci, à partir du moment où la
langue commence de nouveau à quitter le palais, jusqu'à
ce qu'elle ait repris complètement sa place sur le plancher de
la bouche, nous voyons réapparaître sucessivement : 1° les
trois principales sinuosités de l'a (9 périodes dont l'amplitude
croît progressivement de 3 à 12) ; 2° le premier
et le deuxième groupe (4 périodes, de 12 à 17) ; 3° enfin
le troisième groupe (18), complétant la figure de l'a telle
que nous l'avions vue avant la consonne.

Dans les deux zones mixtes qui séparent, à la tension et
à la détente, la voyelle pure et la consonne pure, pouvons-nous
établir une limite plus précise ? Si nous n'avions
que le tracé de la voix, nous serions tentés de croire que
le premier a finit avec les dernières sinuosités secondaires,
et que le second commence dès que celles-ci réapparaissent.443

image444

image

(Échelle fig. 219).

(R)

Fig. 218.
ana

Ainsi nous aurions d'abord la détente du premier a commençant
avec la première altération constatée et finissant
avec la dernière trace de ces sinuosités, indice des harmoniques
caractéristiques ; puis la tension de la consonne qui
se terminerait à la fermeture complète de la bouche.
Après la tenue de la consonne, une progression
analogue se produirait en sens inverse. La ligne qui marque
l'élévation de la langue (L) parlerait dans le même sens.

image

Fig. 219.
Échelle de la fig. 219. — Diapason de 200 v.d.

Mais la ligne du nez (N) montre en avant et en arrière de
ces limites un débordement notable des vibrations nasales,
non pas de ces vibrations faibles qui peuvent accompagner
les voyelles sans leur faire perdre leur pureté, mais de ces
vibrations larges et amples qui sont caractéristiques des
nasales. Il est clair qu'ici la voile du palais prend les
devants sur la langue et la précède dans ses mouvements.
Donc, il nous faut reconnaître, avant et après la consonne,
une voyelle nasale (ã). Les limites pourraient être les
suivantes : α, fin de l'a initial ; α-β, ã ; β-γ, n, en y comprenant
les périodes 1 et 2 qui sont plutôt consonantiques ;
γ-δ, ã ; δ, début assuré du second a, lequel est légèrement
nasalisé.

Explosives.

Dans les explosives, avons-nous dit, le son se produit à
la tension et à la détente. La tenue intervient seulement au446

image (R)

Fig. 220.
B. aba ; M. ama. — T. ata (B) ; D. ada. — K. aka ; G. aga.447

moins dans les sourdes comme terme de la tension et
comme préparation de la détente. C'est donc sur le premier
et le troisième temps articulatoire que se portera particulièrement
notre attention.

La figure 220 contient une série d'occlusives dont les
tracés, malgré l'agrandissement, peuvent être embrassés
d'un coup d'œil. Chacune des consonnes a été inscrite,
comme les précédentes, entre deux a. Tous les tracés ont
été diminués : ils ne contiennent que la fin de la première
voyelle et le commencement de la seconde ; même la tenue
de certaines consonnes a été rognée, afin que l'œil pût
l'embrasser plus aisément. On jugera de l'importance de
la suppression par la direction des lignes articulatoires (L),
le point culminant de la tenue ayant toujours été conservé.
L'ouverture, celle qui correspond à la voyelle, est marquée
par la ligne pointillée. Les divers degrés de fermeture et de
pression peuvent être appréciés d'après l'écartement de
chaque point de la ligne articulatoire au-dessus de la ligne
pointillée, comparé à l'élévation totale de la ligne articulatoire
au moment de la plus grande tension. La variété des
ampoules exploratrices, qui sont appropriées à chaque
groupe d'articulations, permet seulement la comparaison de
b m, de t d, et de k g.

Dès que la tension commence, la période vocalique perd
de son amplitude ; quand, elle est terminée, toute trace de
vibration disparaît. C'est entre ces deux extrêmes qu'il faut
chercher la caractéristique de la consonne.

Lorsque, après l'occlusion, l'organe s'entr'ouvre, la
consonne éclate, et ses petites vibrations se montrent en se
fondant peu à peu dans la période de la voyelle.

Figure 221 (Échelle 222) : apa. — A. Mouvement organique
et voix (Inscripteur à membrane). — B. Souffle et448

image

(Échelle, fig. 222)

(R)

Fig. 221.
apa449

voix. — C et D. Agrandissements de la tension et de la
détente de B.

Ces deux tracés nous fournissent une tension et une
détente assez bien délimitées pour nous permettre d'étudier
en détail le passage de la voyelle à l'explosive et celui de
l'explosive à la voyelle.

image

Fig. 222.

Partons de la voyelle (A). La période vocalique est à son
plus haut degré de perfection et d'amplitude au moment
où les lèvres vont se rapprocher (α). Mais à peine le mouvement
de fermeture a-t-il commencé, l'amplitude diminue
progressivement, la forme de la période demeurant la
même. Plus tard, les détails de la période s'effacent à leur
tour. Plus tard encore, il ne reste plus qu'une période nue
où l'on retrouve à peine la forme antérieure. Enfin toute
trace d'un mouvement vibratoire disparaît : l'on est arrivé au
silence de la tenue. Ces différents états peuvent se diviser
pour le tracé que nous considérons en trois tranches formées
de deux vibrations chacune.

La pression la plus forte des lèvres étant représentée par
une élévation de la ligne égale à 9 mm 5, la première tranche
(1-2) finit à 1 mm, la seconde (2-4), à 2 mm 3, la troisième
(5-6), à 4 mm. A ce moment, le courant d'air est intercepté
et le reste de la ligne articulatoire ne marque plus que la
compression et de légères vibrations des lèvres.450

image

(Échelle, fig. 222)

A (R) — B (B).

Fig. 223.
apa451

Si nous refaisons le même travail sur le tracé (B), nous
retrouvons des éléments analogues. Au point où la ligne du
souffle commence à s'infléchir (I), la vibration vocalique
perd de son amplitude ; un peu après (I), elle s'altère dans
sa forme. Suivent deux autres vibrations et la sortie du
souffle est interceptée. Le redressement de la ligne qui se
remarque plus loin est dû à l'élasticité de la membrane.
Nous avons donc, comme dans l'exemple précédent, quatre
vibrations pouvant se diviser en trois tranches : 2, I, I. Les
deux vibrations de la première tranche appartiennent
certainement à la voyelle, les deux dernières restent à
déterminer. Comparez l'agrandissement C.

Je pourrais relever dans mes tracés un grand nombre
de variantes. Je n'en signalerai que quelques-unes. Elles
sont du reste peu importantes.

Malgré la part d'arbitraire qui entre forcément dans les
groupements qu'il est possible de faire, on peut ranger les
vibrations que j'ai sous les yeux de la façon suivante : 2,
I, I, neuf fois (type B) ; I, I, I, cinq fois (type A) ;
I, I, trois fois. J'ai fourni sept exemples du Ier genre et
deux du 2e. Les autres sont de M. Burguet, soit deux du
Ier type, trois du 2e, et trois du 3e, c'est-à-dire que dans
la prononciation française le passage de la voyelle à la consonne
semble être moins brusque que dans la prononciation
allemande, même quand elle est francisée. Lorsque le p
sonne double pour l'oreille (appa), je ne remarque pas,
à ce point de vue, de différence caractéristique.

Passons maintenant à la troisième partie de la consonne.
Les choses se présentent comme pour la tension, mais dans
un ordre inverse. Commençons donc par B, qui nous
fournit le point de départ le plus assuré. La ligne du souffle
se redresse, marquant l'ouverture des lèvres : c'est le commencement452

image (B)

Fig. 224.
Agrandissement de B (fig. 223).

image

(Échelle, fig. 228)

(B)

Fig. 225.
apa453

de la détente. Or, à cet instant, apparaît une
première vibration amorphe, puis une seconde vibration
où l'on peut reconnaître déjà la voyelle. La ligne du souffle
atteint alors son point culminant. Viennent après deux
vibrations auxquelles il manque peu de détails pour présenter
le type complet de l'a. Quand celui-ci se montre
dans toute sa pureté, la ligne du souffle est redescendue au
zéro, position qu'elle aurait gardée si la membrane avait été
moins élastique. Comparez l'agrandissement D.

Les choses sont différentes dans A. Nous avons, à partir
de (β), point où la ligne articulatoire est à 5 mm du pointillé
marquant l'ouverture des lèvres : d'abord six vibrations,
à peine esquissées, puis une septième où l'a se reconnaît,
puis deux autres où l'a est très net, mais moins intense
qu'après l'ouverture complète de la bouche. Les six vibrations
du début appartiennent à la consonne et répondent à l'explosion.
Ce type est rare chez moi. En voici un autre exemple
incontestable :

Figure 223 (Échelle fig. 222). — apa : A, prononcé par
moi ; B, prononcé à l'allemande par M. Burguet.

Ligne du haut : souffle. — Ligne du bas : voix.

Dans cette dernière variante (A), on constate entre l'explosion
et la première vibration un écart de 4 centièmes de
seconde. Dans le p allemand (fig. 219), l'écart a été à peu
près le même.

On a (fig. 224) un agrandissement des périodes les plus
importantes de B.

Cependant le p français, quand il est fort comme dans
l'exemple ci-dessus (fig. 223 A), ne ressemble point au p
allemand. Comparez la ligne labiale (L) dans les figures
221 A et 225. La figure 225 (apa prononcé à l'allemande)
permet une très intéressante comparaison de la ligne454

image

(Échelle, fig. 222)

A (R) — B (B)

Fig. 226.
ata455

articulatoire (L) des lèvres avec la ligne du souffle
(fig. 223). Elle montre comme les lèvres restent longtemps
ouvertes pour l'explosion avant le commencement de la
voyelle.

Nous avons donc à la détente deux types qui diffèrent
non seulement d'une langue à l'autre, mais encore chez
la même personne en raison de l'intensité de la consonne.

Pour ne parler d'abord que de deux des exemples que je
viens de donner et qui ont été inscrits par moi, il y a entre
eux une différence sensible. Dans B (fig. 221), la première
vibration apparaît dès que le premier filet d'air a pu se faire
jour, elle semble même devancer un peu l'explosion. C'est,
pour le dire en passant, le type qu'a toujours reproduit
M. Burguet dans les tracés que j'ai de sa prononciation
française. Mais dans A (fig. 223), un écart considérable
se montre entre l'explosion et l'apparition de la première
vibration. D'ordinaire, cet écart n'atteint pas pour moi
1 centième 1/2 de seconde.

Si nous laissons de côté la part qui appartient exclusivement
à la consonne dans la détente, il nous reste, pour le
passage de la consonne à la voyelle, une ou deux vibrations
de forme indécise, puis apparaît la période de l'a nettement
caractérisée ; soit le type : 1, 1, 2.

Les tracés de ata (fig. 226) — Échelle fig. 222 — : type
français (A), type allemand (B) : et de aka type français
(fig. 227), type allemand (fig. 228 : Souffle et voix, et
229 : Langue et voix), donnent lieu à des observations
analogues.

Si je compare les périodes soit de l'implosion, soit de
l'explosion, avec celles de la voyelle pure, comme j'ai déjà
fait pour p, je trouve :456

image (Échelle, fig. 228)

(R)

Fig. 227.
aka457

A la tension :

T — Types 1, 1, 1, sept fois ; 1, 1, trois fois.

K — Types : 1, 1, 1, deux fois, ; 1, 2, une fois ; 1, 1,
cinq fois ; 1, une fois.

A la détente :

T — Types 1, 1, 2, une fois ; 1, 1, 1, trois fois ; 1, 1,
deux fois ; 1, cinq fois. Retard sur l'explosion : nul (deux fois
B. R.), de 1 cent. 1/4 de seconde (une fois), 1 cent. 1/2
(deux fois), de 6 cent. 1/2 pour la prononciation allemande
(fig. 226, B). Une fois encore je trouve pour moi-même
un écart de 3 cent. 1/2 (fig. 226, A).

K — Types 2, 2, trois fois ; 1, 1, trois fois ; 1, trois fois ;
1, 4, une fois. — Retard de la première vibration sur l'explosion :
nul, deux fois (R), une fois (B) ; de 1 centième
1/4 de seconde, une fois ; de 1 centième 1/2, une fois (R) ;
de 5 centièmes 3/4 (fig. 229) et 3 centièmes 3/4 (fig. 228)
pour la prononciation allemande.

Si maintenant nous examinons les tracés au microscope,
nous apercevrons, outre les vibrations dont nous avons
seulement tenu compte jusqu'ici, la trace du mouvement
vibratoire de la consonne.

Reprenons chacune des consonnes étudiées.

P — Après la voyelle, nous voyons en C (fig. 221) de
petites vibrations régulières formant des groupes de 4, le
groupe lui-même ayant une longueur de 6 mm 1. Ces mêmes
groupes s'unissent à leur tour 2 à 2. Ce qui donne eu
millimètres : 12,2 6,1 1,52,
et pour l'unité de temps (3960 mm) :

tableau 324 | 648 | 1296 | mi458

image (B)

Fig. 228.
aka

D. Diapason de 200 v. d. à la seconde.459

A la détente (D), je mesure (1) : 11 mm, 2 mm 2.

C'est-à-dire pour une seconde :

tableau 360 | 720 | fa

A la même ligne (2), je trouve en outre : 1 mm 1 et deux
fois dans le groupe 0 mm 55 L'apparition de cette dernière
sinuosité, qui pourrait correspondre au 19e son composant
de la voyelle (152 v. d.), appartient peut-être à l'a où on
la retrouve (3), (4), (5).

Le p de M. Burguet (fig. 224), quoiqu'il ne soit pas
bien clair, semble aussi donner pour la détente un mi2.
Mais (fig. 225), la ligne organique, au moment de la tension
(α), est chargée d'une petite sinuosité très nette de
0 mm 77 ; soit, à l'échelle de 925 mm par seconde, 1200 ou 4.

Le p isolé (fig. 205), articulé avec force, donne la2.

T — Figure 220 dont l'échelle est de 1249 mm à la seconde.
Nous trouvons à la tension, sur la ligne organique (L), une
vibration de 0 mm 5, soit 1388, ou fa5, et plus loin, sur la
ligne de la voix, 4 vibrations, qui se subdivisent chacune en
deux pour 7 mm, soit 713 et 1426,

ou : fa4 fa5

Et (fig. 226) ata A (R) — Échelle de 1440 mm — 5 vibrations
20 mm (360), subdivisées en 3 (1080) :

fa2 ut4

Le t isolé (fig. 205), prononcé fortement : 2.

Les otologistes supposent :

fa4fa5

K — Je mesure pour K français (fig. 227 C, D) des
sinuosités de 1 mm 5 (c'est la majorité) et de 1 mm ; (E) 1 mm 5
et dans le beau tracé F, 5 mm, 4 mm 25, 1 mm 5 et 0 mm 85 ;
soit à peu près :460

image (Échelle, fig. 228)

(B)

Fig. 229.
aka461

sol4 si4 mi6 si6 7

Le k isolé (fig. 205) :

la2 4 sol4 5 6

Et pour un k allemand (fig. 228 B, C), 4 mm 5, 2 mm, 0 mm 75 ;
enfin (fig. 229 B, C), 4 mm, 1 mm 5, 1 mm 07 ;

soit : si4 si5 si6 fa7

Les otologistes demandent :

45

Les sonores b d g diffèrent principalement de p t k, au
point de vue où nous nous plaçons ici, par la persistance des
vibrations laryngiennes pendant l'occlusion et l'apparition
constante des vibrations vocaliques dès l'ouverture du tube
vocal.

Figure 230 A. — Échelle fig. 228. — aba : souffle (s) et
voix (v). Les vibrations à la détente accusent par leur
amplitude l'influence de la voyelle. Mais le caractère le plus
saillant, c'est la forme de la première période (cf. C), qui est
déjà, au moins dans la seconde partie, celle de l'a.

Même remarque pour ada (fig. 230 D, cf. E et F).

Pour aga (fig. 231 A), l'explosion a été précédée d'un
relâchement de la langue qui a permis à un léger filet d'air
de passer (cf. aka, fig. 227 B), si bien que l'explosion
concorde avec la quatrième période qui est bien celle de l'a,
les précédentes n'en étant que des esquisses de plus en plus
parfaites (cf. C).

Enfin, je termine par le tracé de bb dans abba (E)
inscrit avec les vibrations du larynx (La), le souffle462

image (Échelle, fig. 228)

(R)

Fig. 230.
A. aba. — B, C. Agrandissements de A. — D. ada. — E F. Agrandissements de D463

recueilli de deux façons à la fois par le tambour à
double effet de M. Burguet — membrane en caoutchouc
(s), plaque de verre (s′) — et la voix (v). Le tracé s′
est renversé, il faut donc, par la pensée, faire concorder la
courbe avec celle de s, en comptant comme positives les
parties qui sont négatives dans la figure. La tension et la
détente sont seules représentées en entier. La tenue a été
réduite de là longueur d'une ligne.

On remarquera que c'est au moment de la tenue et de
la tension que les vibrations laryngiennes ont le moins
d'amplitude. C'est la conséquence de l'effort articulatoire
qu'exige une consonne redoublée. Un autre effet de cette
même cause, c'est le retard de la période vocalique sur le
mouvement de l'explosion (cf. F).

Si maintenant nous recherchons dans les tracés précédents
la trace des sons composants, nous trouvons :

tableau B | D | G

Les otologistes supposent :

tableau B | D | G

J'ai des exemples qui concordent assez avec ces données,
entre autres :

tableau B | D464

imageÉchelle D (fig. 228)

A (R) — E (B)

Fig. 231.
A. aga. — E. abba.465

Je ne veux pas du reste, je le répète, insister sur ce point.
C'est une vue que j'indique plutôt que des résultats que je
propose.

§ II
Qualités générales des articulations

Il n'est pas question ici des qualités transitoires que
revêtent les articulations dans certains cas donnés par le
fait du groupement, comme la durée relative, la hauteur
musicale relative, l'intensité relative, l'accent. J'en traiterai
à l'article IV. Je veux parler de ces modes, de ces habitudes
de parole qui affectent le langage tout entier, et dont les
unes sont individuelles, les autres régionales ou même
nationales. En outre, mon intention n'est pas de traiter le
sujet avec tous les développements qu'il pourrait comporter.
Je me bornerai à quelques indications. Si ce que je
dirai suffit pour attirer l'attention des observateurs sur ces
différents points, j'aurai atteint l'unique but que je me
propose.

On peut articuler à voix parlée ou à voix chantée, à
voix haute ou à voix basse (chuchotée), à voix claire ou à
voix rauque, en voix de poitrine ou de fausset ou encore
de ventriloque, en voix calme ou émue, aiguë ou grave,
forte ou modérée, avec ou sans des propensions à faire
prévaloir tel ou tel jeu organique ; enfin les articulations
peuvent être attaquées avec énergie ou faiblement.

La voix parlée, haute, claire, de poitrine, calme, modérée,
est la voix normale. C'est à elle que se rapportent toutes
les descriptions qui sont faites sans viser un cas particulier.

Les divers degrés de force et de hauteur musicale
466dépendent du genre de vie des sujets parlants. Il est très
important de les observer, car ils ne se modifient pas sans
que la langue ne traverse une crise sérieuse. C'est à un fait
de ce genre que j'ai cru devoir attribuer la transformation
rapide qui s'est produite avec ma génération dans le parler
de Cellefrouin. Mais il suffit de le signaler.

Les propensions à mettre principalement en jeu certains
organes, et à en laisser d'autres en repos, à affecter
telles ou telles positions articulatoires, par exemple, à tenir
les lèvres appliquées contre les dents comme les Anglais,
ou les mâchoires rapprochées l'une contre l'autre comme
les Russes, ou la bouche à peine ouverte comme certaines
populations des hauts sommets des Alpes, à porter la
langue en avant comme dans l'Est de la France, ou en
arrière comme dans l'Ouest, à laisser le voile du palais
abaissé comme à Hambourg, etc., tous ces faits, qu'il est bon
de mentionner ici, car ils donnent un caractère particulier
à toute une langue, se retrouveront dans l'étude de chaque
classe d'articulations.

Je ne m'arrêterai pas davantage à la prononciation dans la
voix chantée ou émue. Le chanteur ou l'orateur articulent
mal quand la préoccupation d'atteindre et de tenir une note
juste, ou l'émotion leur font soit exagérer, soit accomplir
imparfaitement les mouvements articulatoires requis.
J'ai entendu un orateur qui changeait les œ̀ en œ́, les ā en
ō, un chanteur chez qui tous les é des notes aiguës devenaient
des i : l'émotion et l'effort que demandent les notes
hautes leur faisaient, à l'un trop fermer les lèvres, à l'autre
trop soulever la langue vers le palais.

Je donnerai seulement quelques détails : 1° sur la voix
chuchotée et la voix rauque ; 2° sur la voix de fausset et
de ventriloque ; 3° sur les modes d'attaque des articulations.467

I
Voix chuchotée - voix rauque

La voix chuchotée diffère de la voix haute par la suppression
voulue ou forcée des vibrations sonores du larynx.
Le chuchotement ne se compose que de bruits, suffisants
pour permettre de reconnaître les divers éléments du langage.
Ces bruits prennent naissance dans le frôlement du
courant d'air le long du tube vocal disposé, sauf en ce qui

image A | B | C (Olivier).

Fig. 232.
Position des cordes vocales pendant le chuchotement.

concerne le larynx, comme pour la parole normale. Aussi
a-t-on eu la pensée d'y chercher la note caractéristique des
voyelles (p. 179).

Dans le chuchotement involontaire, comme dans le chuchotement
hystérique, par exemple, les cordes vocales sont
ténues écartées par la contraction. Un effort suggestionné
au malade peut le faire cesser.

Dans le chuchotement voulu, les cordes vocales peuvent
occuper diverses positions : elles peuvent être rapprochées
par le haut et écartées par le bas de manière à figurer un γ
renversé (fig. 232 A), rapprochées en haut et en bas et
écartées au milieu (B), écartées en forme de triangle
468(C), ou enfin rapprochées sur toute leur longueur ; elles
se comportent autrement dans le chuchotement fort,
autrement dans le chuchotement doux (plus rapprochées
dans le premier que dans le second cas). Tous ces faits ont
été reconnus au laryngoscope par divers observateurs, Czermak,
Rosapelly 1218, Olivier 2219. Même on a pu, grâce à un
polype implanté sur le bord de la muqueuse, voir s'agiter
les cordes vocales 3220 (fig. 232 B).

image (Rosapelly).

Fig. 233
Forme de la glotte.

A. dans la parole, B. dans le chuchotement.

M. le Dr Rosapelly a fait porter son examen de la glotte
non seulement sur les voyelles, mais encore sur les consonnes
(sans doute uniquement sur p, b). Un bouchon
maintenait les mâchoires écartées pendant que le patient
faisait effort pour prononcer apa, aba. Le miroir laryngoscopique
pouvait ainsi être employé. La figure 233 représente
la forme de la glotte dans apa, aba (A, voix parlée ; B,
voix chuchotée). Le p, dans les deux cas, présente une
469image identique. Le b, dans la voix chuchotée, a le même
mécanisme glottal que les voyelles.

image

Fig. 234.

Poursuivant son examen par des
moyens acoustiques, M. le Docteur
Rosapelly a constaté qu'en chuchotant
les unes après les autres
les consonnes p, b, t, d, k, g, dans
appa et abba, atta et adda, akka et agga,
après s'être bouché les oreilles avec
de la cire ou du coton, il entendait,
pour les sonores, « un bruit soufflant »
qui réunissait deux bruits correspondant
à l'implosion et à l'explosion :
un silence marquait l'occlusion
des sourdes. L'expérience est, paraît-il,
assez délicate et exige qu'il règne
autour de l'observateur un silence
parfait. On obtient des indications
plus nettes avec le stéthoscope, appareil
composé d'un petit entonnoir,
qui s'applique sur la région à ausculter,
et de deux caoutchoucs qui s'introduisent
dans les oreilles de l'observateur
(fig. 234).

« Quand la personne, observe M. Rosapelly, dont on ausculte
le larynx respiré sans parler, on entend un souffle très
net, mais peu intense, à moins qu'elle ne respire fortement.
Si elle se met à parler en voix chuchotée, le souffle prend
une intensité plus grande ; il est plus dur et semble plus
près de l'oreille. Dans les deux cas, le maximum d'intensité
du souffle se trouve au niveau du cartilage cricoïde.470

Le souffle du chuchotement s'entend dans les voyelles
et dans les consonnes sonores. Il ne s'entend pas dans les
sourdes ».

L'étude expérimentale du larynx permet de juger indirectement
de l'état de la glotte pendant le chuchotement.

image (R)

Fig. 235.
Voyelles á, é :

A. Chuchotées. — B. Parlées.
La ligne du haut est celle du larynx. — La ligne du bas est celle du souffle.
La quantité du souffle émis est proportionnelle à l'élévation de la ligne.

Le degré d'ouverture est proportionnel à la quantité d'air
qui passe, et le rapprochement peut se reconnaître à la présence
de légères vibrations dans les tracés.

L'écoulement de l'air peut se mesurer au spiromètre
(p. 160) ou se déduire du déplacement des leviers de deux
tambours inscripteurs dans lesquels, à l'aide d'une embouchure
et d'une olive, on aura conduit la totalité du courant
d'air (p. 131, 132).471

La quantité d'air dépensée dans le chuchotement est extrêmement
variable. J'ai employé pour la syllabe ka chuchotée
avec différents degrés d'intensité depuis I jusqu'à 519 cm³,
tandis que dans la voix haute, l'écart n'a été, pour la même
syllabe, que de 16 à 280 cm³. Le chuchotement ordinaire

image (R)

Fig. 236.
Voyelles i, u.

Même disposition que figure 235.

exige plus d'air que la voix haute. Comparez, par exemple
(fig. 235-8), les voyelles chuchotées á, é, i, u, ó, ú (A) avec
les mêmes voyelles dites à voix haute (B), et (fig. 238) pa,
ba chuchotés (A) avec pa, ba parlés (B).

Le mouvement vibratoire de l'air qui porte le chuchotement
à nos oreilles ne peut être saisi que par des appareils
très sensibles. J'en donne un spécimen (fig. 239).

Quant au larynx, nous constatons d'abord qu'il prend
la même position que pour la voix parlée. Le fait se montre
472clairement dans les figures 235-238 et 239, où la courbe
laryngienne garde la même forme, quel que soit le registre
que l'on ait choisi pour chaque articulation. En outre, il est
possible d'y saisir un mouvement vibratoire. Je ne veux pas
parler des sinuosités que l'on remarque pour á (fig. 235),

image (R)

Fig. 237.
Voyelles ó, u.

Même disposition que figuré 235.

et dont l'origine est claire. Je parle de véritables vibrations
qu'il serait possible de confondre avec celles de la voix
haute, si elles n'exigeaient pas, pour être enregistrées,
des soins spéciaux. Je les ai remarquées d'abord de loin en
loin dans des morceaux d'une certaine étendue, puis je les
ai recherchées méthodiquement dans les voyelles. Voici,
entre autres, les résultats d'une expérience que j'ai faite
avec M. Burguet : I° Grande capsule exploratrice 40 mm de
473diamètre, maintenue sur le cartilage thyroïde à l'aide d'une
cravate dé caoutchouc (p. 99) et tambour inscripteur à
petite cuvette, petit bras du levier 15 mm, grand bras 80 mm :
aucun chuchotement n'est inscrit. — 2° Ampoule oblongue

image (R)

Fig. 238.
Syllabes pa, ba.

A. Chuchotées. — B. Parlées.
Même disposition que dans la figure 235.

(grand-diamètre 40 mm ; petit diamètre 28 mm), même tambour ;
le grand bras du levier diminué de 20 mm : chuchotement
faible, rien ; chuchotement fort, toutes les voyelles,
sauf i, donnent des vibrations, mais la plupart peu distinctes.
— 3° Ampoule moyenne (32 mm de diamètre), même tambour :
u, o, œ́ donnent des vibrations à peine esquissées ;474

Agrandissement : 7.
image

(D. Diapason de 200 v.d.) (B)

Fig. 239.
Voyelles chuchotées (S. Souffle. — L. Larynx.)475

a, é, u en ont de nettes ; è, i, de très nettes. — Enfin
4° petite ampoule (28 mm de diamètre), même tambour :
toutes les voyelles ont des vibrations très nettes ; celles de
è et i sont plus légèrement indiquées.

Comme contrôle, j'ai pris en même temps les bruits du
souffle au moyen de l'inscripteur à membrane (parchemin :

image (R)

Fig. 240.
Syllabe ma.

A. Chuchotée. — B. Parlée.

0 mm 09 d'épaisseur, 16 mm de diamètre — levier de paille :
0 mm 23 de diamètre, attaché par un fil d'aluminium de
0 mm 2 d'épaisseur, inséré dans une paille de 0 mm 9 collée sur
la membrane — petit bras du levier 14 mm, grand bras 55 mm).
Les tracés ainsi obtenus (fig. 239) nous permettent de faire
les observations suivantes : I° Les vibrations du cartilage
laryngien et celles du souffle ne se correspondent pas ; les
premières sont bien pendulaires, mais les secondes ne sont
pas réunies en figures régulières revenant périodiquement.
2° Les vibrations laryngiennes ont eu à peu près la même
durée pour toutes les voyelles chuchotées : l'écart est entre
147 et 155 v. d. à la seconde ; elles correspondent donc à
4762 ou 2♯. C'est le ton sur lequel M. Burguet chuchote le
plus aisément. 3° Les tracés du souffle changent pour chaque
voyelle ; mais, aux endroits où ils sont les meilleurs, on
remarque dans tous une petite sinuosité qui ne varie guère.
Dans une expérience que je viens de faire sur mes voyelles
chuchotées, je trouve des différences plus caractéristiques.

image (R)

Fig. 241.
Voyelle a dite de voix enrouée.
(Le tracé manque de régularité. Comparez les autres a.)

Mais cette question ne peut être séparée de celle des
voyelles. Ce que je tiens à faire remarquer ici, c'est la
prédominance des sons aigus dans la voix chuchotée.

Je n'ai pas recherché s'il est possible de saisir sur le
cartilage laryngien des mouvements vibratoires pour les
consonnes chuchotées. Mais je puis dire que les vibrations
y sont du moins beaucoup plus faibles. En effet, dans le
tracé de la syllabe ma chuchotée (fig. 240 A), les vibrations
sont très nettes pour la voyelle et font défaut pour la consonne.

La voix rauque résulte d'une déformation des cordes
vocales. Un ulcère, un polype, une intervention maladroite, ;
un arrondissement des rubans vocaux, la perte de l'équilibre
entre les forces respiratoires et laryngiennes par excès
477de travail et défaut de nutrition, etc., sont autant de causes
de la raucité. Je n'insisterai pas sur ce défaut qui n'a rien
que de personnel.

Je me contenterai de rapporter deux expériences faites,
l'une sur moi un jour que j'avais la voix enrouée, l'autre
sur un malade qui avait la corde vocale droite ulcérée, avec

image (T)

Fig. 242.
Voix rauque.

perte de substance, et qui opérait la suppléance par la
corde vocale gauche.

La figure 241 représente mon a enroué. En le comparant
à ceux que j'ai déjà reproduits, on constaté l'hésitation
et l'irrégularité du mouvement périodique.

La figure 242 nous permet de constater que dans le
larynx malade, les vibrations sont bien en retard pour la
syllabe pa dans papa, et qu'elles manquent pendant l'occlusion
du premier b dans baba.478

II
Voix de fausset — voix de ventriloque

Pour le mécanisme de la voix de fausset, se reporter à
la page 252. Chez moi, la seule différence visible au laryngoscope
entre la voix de fausset et la voix de poitrine
réside dans le pourtour de la glotte, lequel se resserre pour

image (O)

Fig. 243.
Voyelle ã.

P. Voix de poitrine. — V. Voix de ventriloque. — F. Voix de fausset. — L. Voix lointaine.
N. Souffle nasal. — V. Voix.

la voix de fausset. Si, en effet, on représente par 5 le pourtour
de la glotte à l'état respiratoire, il faudra compter 4
pour la voix de poitrine, 3 pour la voix de fausset. Cette
appréciation est du Dr Natier, qui m'a présenté en même
temps un malade dont la voix eunuquoïdale était produite
par un mécanisme tout différent : chez celui-ci, les cordes
vocales étaient séparées, mais se rejoignaient au niveau des
apophyses de façon à donner à la glotte la figure d'un
8 très aplati.

Ce qui frappe le plus dans les tracés de la voix de fausset
c'est l'élévation du ton (fig. 199). Mais on remarquera que
479la caractéristique de la voyelle n'en est pas pour cela
effacée, si l'expérience est bien faite.

On remarquera encore dans la voix de fausset un affaiblissement
considérable des vibrations nasales. Comparez
(fig. 243) la voyelle ã dans les différents registres.

La voix de fausset se rencontre chez des sujets nerveux,
soit seule, soit associée à la voix de poitrine.

image (Garnault)

Fig. 244.
La glotte.

A. Voix de poitrine. — B. Voix de ventriloque.

La voix de ventriloque a été étudiée par MM. Flatau et
Gutzmann 1221, ensuite par le Dr Garnault 2222 sur un sujet que
j'ai observé moi-même, M. O'Kill. Le ventriloque évite
autant que possible les sons qui réclament des mouvements
des lèvres : « Pour parler en voix de ventriloque, dit
M. Garnault, il faut, les lèvres restant entr'ouvertes, émettre
480un son accompagné d'une certaine résonance nasale, en
resserrant la gorge comme pour le retenir, tout en faisant
un effort ressemblant à celui qui accompagne le début de
la nausée. On doit éprouver la sensation que le son
résonne au fond de la gorge. Au début, le son ressemble

image (O)

Fig. 245.
Voyelle u.

L. Langue. — V. Voix.
A. Voix de ventriloque. — B. Voix de poitrine.
L'élévation de la langue est marquée par la distance qui sépare les lignes L et V.

à un grognement ; il est parfait lorsqu'il a pris les caractères
d'un bourdonnement d'abeille. Pour donner la sensation
que le son se rapproche, il faut le faire résonner
plus en avant sur le palais ; plus il résonne en arrière
dans la gorge, plus il semble s'éloigner. Il ne faut pas exagérer
la résonance nasale, mais elle doit être suffisante
pour que, pendant l'émission en voix de ventriloque, le
brusque pincement des narines arrête instantanément le
son. »481

Les croquis (fig. 244) permettent de comparer la position
du larynx en voix de poitrine et en voix de ventriloque.
Entièrement fermée dans le premier cas, la glotte laisse
un petit triangle ouvert à sa base dans le second. De plus,
les cordes vocales supérieures et toutes les muqueuses de
la glotte jouent, en se rabattant, le rôle d'étouffoir.

Le ton s'élève. Comparez (fig. 199) les voix de poitrine,
de fausset, de ventriloque et une certaine voix crapuleuse.
L'échelle est de 2.600 mm à la seconde. Nous avons pour les
périodes de l'a émis en ces différentes voix sur un ton
normal :

tableau crapuleuse | 82 | poitrine | 151 | ventriloque | 260 | fausset | 433

Dans une autre expérience sur la même voyelle, j'ai
obtenu :

tableau

Et sur é :

tableau

Les relations restent donc à peu près les mêmes.

La langue participe au mouvement de contraction des
parties sus-glottiques. Ainsi une grosse ampoule placée
pour la voyelle u au fond de la bouche est plus comprimée
contre le palais dans la voix ordinaire que dans la voix de
ventriloque. Comparez (fig. 245) l'élévation de la langue
en A (voix de ventriloque) et en B (voix normale).

Enfin le courant d'air qui passe par les fosses nasales
(fig. 243 V) est aussi moins considérable que dans la voix
de poitrine (P), mais plus fort que dans la voix de fausset
(F) et la voix lointaine (L).482

III
Modes d'attaque des articulations

Une note sur un violon peut être attaquée de plusieurs
façons, mollement ou avec énergie, et ces deux cas comportent
de nombreux degrés. Il en est de même pour toutes
les articulations. Que l'on compare à cet égard les sons
français, par exemple, et les sons allemands : les premiers
ont quelque chose de plus doux, de mou, si l'on veut ; les
seconds sont plus énergiques ou plus rudes. Cette différence
vient de la façon dont se fait l'attaque dans les deux langues.
Le Français amène doucement la tension et fait mollement
la détente ; l'Allemand a quelque chose de plus saccadé, de
plus brusque dans les mouvements. De là le caractère général
de l'une et l'autre langue : l'Allemand parle un français
rude ; le Français parle un allemand trop doux, qui manque
de vigueur.

Le mode d'attaque des voyelles se reconnaît très bien
dans le tracé de la voix. Ainsi (fig. 246) je reproduis le
tracé de la voyelle a prononcée avec trois degrés d'attaque
différents : d'abord énergiquement (A), puis d'une façon
plus douce (B), ces deux fois à l'allemande, enfin à fa
française (C). Il suffit de comparer les premières périodes
pour se rendre compte de la différence. Comme ces trois
voyelles ont été émises par la même personne (M. Burguet),
je donne à titre de contrôle un a (D) que j'extrais d'une
phrase allemande inscrite par une autre personne. Quant à
l'a français de M. Burguet, il paraît juste d'après ceux
dont j'ai déjà reproduit le début.483

A rapprocher des tracés précédents, les deux voyelles de
la figure 247 qui ont été enregistrées par l'oreille inscriptrice
(caoutchouc dilaté). La première est un œ́ hongrois,

image A B C (B) — D (V)

Fig. 246.
Attaque de la voyelle a.

A. Énergique. — B. Douce — C. Faible (à la française). — D. Attaque ordinaire en allemand.
Lignes L. Larynx ; V. Voix ; S. Souffle ;D. Diapason de 200 s. d.

la seconde un œ́ français. La différence de l'attaque est très
apparente : pour l'œ́ hongrois, la vibration est du coup
assez ample ; pour l'œ́ français, l'amplitude, d'abord très
faible, grandit peu à peu.484

La ligne du larynx (L), de son côté, dit aussi quelque ;
chose. Les premières vibrations laryngiennes se montrent
(fig. 246) plus fortes pour A et B que pour C.

Toutefois, c'est la ligne du souffle qui nous fournit les tracés
les plus expressifs. Déjà dans D (fig. 246), nous voyons la
période acquérir du premier coup une amplitude marquée.
Mais on ne saurait avoir rien de plus net que les tracés que

image

I (S) 2 (R)

Fig. 247.
Attaque de la voyelle œ́.

1 en hongrois ; 2 en français.

je dois à un Suisse des environs de Saint-Gall. Comparez
(fig. 248) 1 after, 2 oben, 3 eine, 4 um, dont la voyelle initiale
a été énergique, avec um (5), dont l'attaque a été plus
molle.

Dans le chaldéen d'Ourmiah le ain et le allap donnent
sur les tracés une figure identique à celle que produit
l'attaque forte (fig. 248), dans des mots comme ʻaziz « chéri »,
ʻālåm « éternité », ʻīlåm « Elam » …, et ʻābăd
« éternité », ʻallap « aleph », ʻīda « main », ʻīyman
« quand », … etc., que j'ai inscrits de la bouche de M.
Babakhan.

Ainsi on peut distinguer deux degrés d'attaque forte, à
l'allemande, l'esprit rude (ʻ), et l'esprit doux (ʼ), que nos
485chanteurs essaient d'imiter sous le nom de coup de glotte.
Vient ensuite l'attaque faible, à la française.

Les consonnes se comportent comme les voyelles : elles
sont à leur tour attaquées brusquement ou avec douceur.

image

1. after ; 2. oben ; 3. eine ; 4 et 5. um.

Fig. 248. (K)
Attaque des voyelles.

Attaque forte, 1-4. — Douce, 5.
Considérer le début de la voyelle initiale.

Et, comme pour les voyelles, on peut mesurer leur degré
d'énergie d'après la force expiratoire qui les produit. Comparez
(fig. 249) les consonnes p, b, s, r, en allemand (A)
et en français (B). Le tracé des articulations allemandes
prouve directement l'énergie des explosions sourdes,
indirectement celle des autres consonnes. Dans pa (A), la
glotte est largement ouverte et l'air, sous l'effort expiratoire,
sort en masse. Dans sa, le courant d'air est plus
486ralenti en allemand (A) qu'en français (B) en raison de
l'effort articulatoire qui est plus grand. Dans ba (A), l'air,
arrêté par la pression de la glotte, ne peut s'emmagasiner

image A (B) — B (R)

Fig. 249.
Attaque des consonnes.

A. Articulation allemande. — B. Articulation française.

Le souffle a été recueilli au sortir de la bouche à l'aide d'une embouchure et d'an petit
tambour à cuvette étroite. (Voir l'Appendice.)

dans la bouche comme en français (B), et ne s'écoule, au
moment de l'ouverture, que très faiblement. Enfin dans
ra (A), l'énergie de l'effort articulatoire est indiquée par
le retard des vibrations laryngiennes (cf. B).487

§ III.
Classification des articulations

Deux subdivisions : 1° Catégories générales ; 2° Classes
particulières.

I
Catégories générales

On peut d'une façon générale distinguer les articulations :
1° en inspiratoires et expiratoires ; 2° en laryngiennes, milaryngiennes
et non laryngiennes, ou (ce qui revient au
même) en sonores, mi-sonores et sourdes ; 3° en buccales,
mi-nasales et nasales ; 4° en constrictives, mi-occlusives et
occlusives ; 5° en voyelles et en consonnes.

Articulations inspiratoires et expiratoires

Cette division, la plus générale de toutes, est basée sur la direction
imprimée au courant d'air utilisé pour les diverses
articulations.

Les articulations inspiratoires sont produites soit au
moyen d'un appel d'air du dehors, soit par un mouvement
de succion. En dehors de monosyllabes, comme oui, non,
chuchotés au moment de l'inspiration, et de quelques
bruits interjectifs, qui ont pour but principal de provoquer
les animaux à certains actes déterminés 1223 ces articulations
sont à peu près sans usage dans nos langues d'Europe. J'en
488ai rencontré pourtant de tout à fait inconscientes en
breton et en russe.

Mais leur terrain classique est le pays des Hottentots.
Les Papouins en emploient une pour dire « oui », et
certains d'entre eux, en y joignant un clignement d'œil,
pour dire « non » 1224. M. Adjarian (Arménien) et ses
compatriotes, MM. Yemellyanof et Basmadjian en ont
reproduit devant moi qu'ils ont apprises chez des peuplades
du Caucase.

En dehors de ces cas et, sans doute, d'autres analogues,
les articulations usitées dans le discours sont toutes expiratoires,
c'est-à-dire produites par le courant d'air sortant
des poumons.

Ces deux sortes d'articulations se distinguent sans peine
dans les tracés de la colonne d'air pris au moyen d'une
embouchure et d'un tambour à levier. Dans l'expiration,
l'air est refoulé dans le tambour et le levier s'écarte de la
cuvette ; dans l'inspiration, au contraire, l'air est aspiré,
par conséquent raréfié dans le tambour, le levier se dirige
vers la cuvette, et le tracé se fait en sens inverse.

On peut donc, à la suite de MM. Havet et Ballu 2225,
représenter les articulations inspiratoires par les caractères
de nos alphabets, mais renversés : ainsi on fait connaître, du
même coup, le lieu de l'articulation et la direction du
courant d'air.

Le Père Antunes, qui a longtemps vécu chez les Hottentots
et qui s'est appliqué à bien prononcer leur langue, m'a
fourni les tracés suivants (fig. 250) des trois clics : labial
489(1), latéral (2), et palatal (3) isolés, et du clic initial du
mot ʇaisen (4) « malade ». Il y en a un quatrième, qui est
guttural. Le Père Antunes n'est pas arrivé à le bien reproduire.
C'est peut-être pour cela que la représentation qu'il
en donne n'est pas inspiratoire.

image (A)

Fig. 250
Clics hottentots.

1. labial. — 2. Latéral. — 5 Palatal. — 4. Labial initial (ʇaisen).

Les claquements des lèvres et de la langue usités à
Cellefrouin donnent pour le souffle des tracés analogues à
ceux des clics hottentots. Je les ai en outre recueillis avec
l'inscripteur de la parole et reproduits (fig. 205 : 2, 3 et 4).
On remarquera que dans ces bruits ce sont les notes aiguës
qui dominent.

En circasien, oiseau se dit, autant que j'en puis juger par
les deux reproductions concordantes qui en ont été faites
devant moi, d'un mot formé de la syllabe dzi, puis d'une
sorte de hoquet qui se termine par la voyelle u : en réalité,
deux syllabes, l'une expiratoire, l'autre inspiratoire. Ce fait
apparaît clairement dans les deux tracés (fig. 251, 1 et 2).
490La ligne du haut (1, L) nous montre les vibrations du larynx
interrompues immédiatement après la première syllabe, ce
qui nous permet de délimiter exactement la seconde. La

image 1 (A) — 2 (B)

Fig. 251.
q circasien.

(dziɥu)

L. Larynx. — S. Souffle.

ligne du bas (S) est celle de la colonne d'air. Or la première
syllabe est expiratoire, car le tracé de l'air remonte ; mais
la seconde se dénonce d'elle-même comme inspiratoire par
la direction que prend la ligne en descendant au-dessous de
sa normale. Je la représente par une h renversée (dzíɥú).

En géorgien, il existe un ʞ (k mouillé inspiratoire) et un
s (sorte de ŝ inspiratoire) qui retentit, m'a-t-on dit, comme
491un coup de cloche. Je les reproduits aussi (fig. 252) d'après
des imitations que je n'ai pas été à même de vérifier.

Dans le bas-breton de Guéméné-sur-Scorff (Morbihan),
on entend assez souvent un b ou un p adventices à la
fin des mots terminés par m. Dans certaines conditions,
ce b on ce p peuvent être inspiratoires. Cela se voit
très bien dans le tracé suivant (fig. 253) qui représente le

image (Y)

Fig. 252.
Articulations inspiratoires en géorgien.

1. ʞ œ — 2. s œ

courant d'air, et le mouvement des lèvres recueilli avec
le dispositif (fig. 33). La ligne du bas est celle des lèvres ;
la ligne du milieu, celle du souffle sortant par la bouche ;
la ligne du haut, celle du nez. Les mots prononcés par
M. Loth sont toram kwat « cassons du bois ». L'm est
marquée à la fois par la fermeture des lèvres et l'émission
de l'air par le nez. Au moment de la fermeture des lèvres,
le rétrécissement du canal a augmenté la vitesse du courant
d'air qui est représentée par l'élévation de la ligne du
souffle au début de l'm ; puis les lèvres étant fermées, la
ligne reste, comme il est naturel en pareil cas, à peu près
horizontale. Mais, et c'est ce qu'il y a ici de remarquable,
492à l'instant même où l'air cesse de s'écouler par le nez, nous
constatons un brusque déplacement de la ligne du souffle
vers le bas, déplacement qui ne peut pas avoir son explication
dans l'élasticité de la membrane dépassant le but dans

image (L)

Fig. 253.
Articulation inspiratoire en breton (d).

(Elle est située entre m et k).
K. Nez. — S. Souffle. — L. Lèvres.

un mouvement de retour, comme cela a eu lieu pour la
première syllabe to, et qui ne peut être dû qu'à une inspiration,
ou plus exactement un mouvement de succion. Les
lèvres pendant ce temps sont restées closes, se relâchant
sans doute extérieurement (ce qu'indique un léger abaissement
de la ligne), tout en se resserrant dans leur portion
493interne. Le léger bruit qui résulte de ce mouvement est
un p inspiratoire.

image (P)

Fig. 254.
na, dans une prononciation russe.
(Tver, Riga.)

Pour n'être pas connu, ce fait n'est point isolé en breton.
J'ai pu l'observer encore dans des expériences que j'ai faites
sur la prononciation d'une personne originaire d'un village

image (M)

Fig. 255.
la, dans une prononciation russe.
(Tver, Riga.)

voisin de Guéméné. Un léger appel d'air par la bouche se
voit pendant l'émission d'une m finale suivie de l.494

J'ai rencontré un phénomène analogue dans deux
feuilles d'expériences dues à deux Russes avec une telle
régularité, qu'il m'est impossible de ne pas le signaler
ici. C'est pour les syllabes na (fig. 254) et la (fig. 255).
La ligne du haut est celle du nez ; celle du bas représente
le souffle recueilli dans une embouchure. Il y a une aspiration
évidente de l'air à la fin de la consonne.

Sonores, mi-sonores et sourdes

Cette distinction repose tout entière sur le mode de
fonctionnement du larynx qui est proprement l'organe de
la voix.

Toute articulation qui s'accompagne des vibrations
sonores du larynx est dite sonore : telles sont les voyelles,
les consonnes d y w ẅ l r v z j m n n̮ b d g. Les autres sont
des sourdes, ĉ ç f s ɛ p t k, etc. Les sonores deviennent des
sourdes quand elles sont privées accidentellement des vibrations
sonores du larynx qui les accompagnent à l'état
normal, par exemple : si elles sont chuchotées, si elles
s'assimilent en partie à une sourde contiguë, si elles se
trouvent à la finale…, etc.

Certains auteurs donnent aux sonores le nom de vocaliques,
et aux sourdes celui de soufflées.

Le jeu du larynx comporte bien des degrés. On a d'abord
à tenir compte du rapprochement ou de l'écartement des
cordes vocales : suivant que l'un ou l'autre tendent à se
modifier, la sonore ou la sourde sont en voie de changer
de classe. D'autre part, la participation du larynx à une
articulation ou son abstention peuvent être totales ou
partielles. Il y a donc toute une classe considérable d'articulations
495qui évoluent entre les sonores et les sourdes. On
pourrait les désigner sous le nom de mi-sonores ou de mi-sourdes,
et, dans le cas spécial où les sonores sont sourdes
par le milieu, de médio-sourdes. Les variétés sont ici infiniment
nombreuses, et l'expérimentation seule peut en donner
une idée exacte.

image (R)

Fig. 256.
Pression de l'air dans la bouche et vibrations de la consonne sonore.

Souvent le tracé du souffle pris avec un tambour sensible,
ou celui de la voix, ou bien encore celui du mouvement
organique semblent pouvoir suffire. On peut encore se
contenter de prendre avec un simple tube la pression de
l'air dans la bouche, comme figure 256 pour baba. Mais il
n'y a de sécurité complète qu'avec l'inscription simultanée
du larynx et du souffle ou, dans certains cas, du mouvement
articulatoire.

Le degré de rapprochement des cordes vocales peut se
lire sur la ligne du souffle et se conclure de la quantité de
l'air qui traverse la glotte ; mais il se voit mieux sur la
ligne du larynx où il est marqué par des vibrations très
faibles ou a peine esquissées.

La durée de la participation sonore du larynx à une
articulation quelconque se mesure sans peine. Il suffit de
496comparer le moment de l'apparition ou de l'arrêt des vibrations
laryngiennes avec le début ou la fin de l'articulation
(cf. par exemple, fig. 122-128, 150-154).

Les variétés se montrent alors, non seulement de
langue à langue, de dialecte à dialecte, mais encore, dans
un même mot, de syllabe à syllabe.

image (K)

Fig. 257.
Sourde et sonore autrichiennes.

L. Larynx. — S. Souffle.

J'ai déjà signalé à diverses reprises les différences qui
existent, au point de vue de la sonorité, entre les consonnes
françaises et allemandes. Mais il est bon d'y revenir et
d'ajouter quelques autres exemples.

Nous avons (fig. 257) une sourde (t) et une sonore (b)
à l'initiale et à la médiale entre voyelles : tata (1), baba (2)
dans un dialecte autrichien. On voit que pour le t dans les
deux positions, le larynx (L) entre en vibration exactement
au moment de l'explosion (tranche 1). C'est à cet égard à
497peu près le t français. Le b initial diffère complètement : du
b intervocalique : le premier a l'occlusion sourde, sans

image(R. M. H.)

Fig. 258.
Comparaison des explosives sonores françaises et allemandes.

La première ligne de chaque groupe est celte da larynx ; la deuxième, celle de la voix
(oreille inscriptrice à membrane de caoutchouc dilaté).

vibrations laryngiennes ; le second est sonore et les vibrations
du larynx sont même très amples. Le b intervocalique
498ressemble au b français ; le b initial, à la sourde correspondante
(comparez le t). Il n'est donc pas étonnant que les
instituteurs de la région d'où cet exemple est tiré, soient
obligés, dans les dictées, d'avertir leurs élèves s'ils
doivent écrire un b ou un p à l'initiale. La comparaison de

image (H)

Fig. 259.
Explosives sourdes sonores.

Ire ligne, larynx ; 2e voix (oreille inscriptrice à caoutchouc dilaté).

L'explosion est marquée par le premier pointillé ; l'entrée en vibration du larynx par le
second.

Ce tracé est l'un des premiers où j'ai remarqué les vibrations propres du p sur la ligne do
souffle. Mais elles sont si faibles que la gravure peut à peine les faire soupçonner.

diverses langues offre toujours un grand intérêt. Je rapporterai
donc les résultats que m'ont donnés des expériences
faites à Marbourg avec un Saxon, un descendant des Français
établis à Friedrichsdorf, parlant encore la langue de ses
ancêtres, et moi. Les mots choisis (fig. 258) commencent
tous par une explosive sonore, b, d, g : pour le français
bâton, doux, garde ; pour l'allemand, Baden, du, Garten.
499Les initiales allemandes sont sonores au moment même de
l'explosion et les initiales françaises avant l'explosion. Le

image (M)

Fig. 260.
p dans le français de Friedrichsdort.
(1re ligne, larynx. — 2e Souffle.)

fait est connu. Mais ce que nous avons à remarquer ici
d'intéressant c'est que le jeune émigré, qui a conservé à peu

image (L)

Fig. 261.
Sourde et sonore en gallois.
(1re ligne, souffle. — 2e, larynx.)

près purs le b et le d, s'est germanisé pour le g. Quant
aux sourdes, le type saxon est très net, bien différent de
celui des sonores françaises. La figure 259 montre à quel
point le larynx est en retard sur l'explosion. L'émigré a
500bien conservé le p français (fig. 260) dans le mot paille ; mais
notons en passant qu'il a perdu l'l mouillée : il dit pallyœ.

Le gallois (fig. 261) présente, pour les sourdes, un type
allemand, ka ; pour les sonores, un type français, da.

image (B)

Fig. 262.
Explosives sourdes et sonores en chaldéen.
S. Scuffle ; L. Larynx.

Dans le dialecte populaire d'Ourmiah, on rencontre de
même la forme allemande pour le p (púta « garance »),
la forme française pour b (Babila, nom d'homme) et pour le
p dans un mot emprunté aux montagnards (pulli, petite
monnaie) (fig. 262).501

M. Adjarian 1226 a dressé des tableaux fort instructifs des
variations qu'ont subies certaines consonnes arméniennes
anciennes dans différents dialectes modernes de son pays.
Prenant comme point de départ les dialectes où la forme
archaïque semble avoir persévéré, il range en dessous les
produits de l'évolution, qui nous apparaît plus ou moins
avancée selon les lieux. Chacun de ses tracés se compose
de deux lignes : celles du haut représente le souffle, celle
du bas le larynx. Comme ce qui nous intéresse c'est le
moment où le larynx se met en train et celui où la
consonne éclate, deux lignes de construction nous avertissent
de ces deux moments : la ligne pointillée, du premier ;
la ligne pleine, du second. Quand il y a accord, la ligne
pointillée seule est tracée.

Nous voyons (fig. 263) les aspirées , , , ŝʻ (tsʻ), ĉ̵ʻ (tchʻ),
se réduire, par le rapprochement successif des deux moments
de l'explosion et de l'entrée en jeu du larynx, à de simples
fortes (p, k, t, ŝ, ĉ̵). C'est Nouxa qui présente le type
archaïque, qui s'adoucit successivement à Choucha (Ch),
Sivas (S), Aslanbeg (A), Constantinople (C), Mouch (M).

D'autre part (fig. 264) des douces b, g, d, z (dz), ĵ (dj),
complètement sonores à Nouxa (N), si bien que le larynx
vibre pendant l'occlusion de la consonne, perdent graduellement
de leur sonorité à Mouch (M) et à Choucha (Ch),
et deviennent tout à fait sourdes pendant l'occlusion dans
les autres dialectes. L'assourdissement s'étend même à l'explosion
pour g, z, ĵ dans l'un des parlers de Mouch (M2),
pour toutes les douces à Sivas et à Aslanbeg. Ainsi, des
sonores sont entièrement transformées sourdes.502

image Échelle (fig. 265)

Fig. 263.503

image (Échelle fig. 265)

Fig. 264.504

image

Fig. 265.505

Inversement (fig. 265), les fortes p, k, t, ŝ (ts) ĉ̵ (tch)
entièrement sourdes à Nouxa (N), ont une explosion sonore

image (A)

Fig. 266.

Ligne du haut : larynx. Ligne du bas : souffle.
Il en est de même dans les figures 267-272. Le synchronisme est marqué par des verticales.

à Mouch (M), excepté ŝ et ĉ̵, à Choucha, saut le seul ĉ̵.
L'occlusion même est sonore, au moins en partie, à
Aslanbeg (A), et (sauf pour ŝ, ĉ̵) d'une façon complète à

image (G)

Fig. 267.

Sivas (S). Remarquer les différences dans l'évolution qui se
manifestent pour les diverses classes.

Un autre tableau, qu'il est inutile de reproduire ici,
montre qu'à Constantinople on rencontre (ce qui n'a rien
d'étonnant, étant donné le perpétuel renouvellement de la
506colonie arménienne dans cette ville) tous les types des
douces sonores en voie de devenir sourdes.

Les dialectes italiens nous fournissent aussi des variétés
remarquables. A côté de types voisins du français, nous

image (A)

Fig. 268.

rencontrons des consonnes initales notablement sourdes,
par exemple : pena (fig. 266) et poderi (fig. 267), dietro
(fig. 268) ou gente (fig. 269) et dugento (fig. 270), riordinare

image (A)

Fig. 269.

(fig. 271) et riffa (fig. 272). Les formes sonores sont dues
à des personnes originaires de Terni (département de
Pérouse), de Florence ; les formes sourdes sont siennoises,
émiliennes ou pérugines. Il serait intéressant de rechercher
507si ces dernières ne représentent pas le type ancien d'où
seraient sorties les formes sonores actuelles. L'argument que
l'on tire de la façon dont les latins transcrivaient les sourdes

image (C)

Fig. 270.

grecques (κυβερνᾶν = gubernare) trouverait dans la géographie
du phénomène une confirmation décisive.

image (F)

Fig. 271.

J'ai dans mon étude du parler de Cellefrouin 1227 un excellent
exemple d'une sonore en partie assourdie. C'est un v
508en contact avec une f (fig. 273). La ligne du bas représente
les mouvements des lèvres inscrits avec l'appareil du

image (C)

Fig. 272.

Dr Rosapelly (fig. 32) ; celle du haut, les vibrations du
larynx recueillies au moyen de l'explorateur électrique

image

Fig. 273.
Consonne v assourdie.

(fig. 45, 41 et 42). Les mots inscrits sont : mă pōv fœ̌m
« ma pauvre femme ! » Le v, qui seul ici nous intéresse,
se distingue sur la ligne des lèvres par une
fermeture plus grande que celle de l'o et moindre que
509celle de l'f. Or le larynx, qui pour un v normal aurait vibré
tout le temps, n'a donné de vibrations que pendant un
tiers environ de la durée totale de l'articulation. Nous

image (R)

Fig. 274
Consonne v assourdie.

La petite dépression que l'on voit entre , v, f et l'f de femme marque la séparation des déni
consonnes. Les vibrations du v (2) vont jusque là ; celle du (1) s'arrêtent plus tôt. Pour
fixer le début de la consonne, avec l'approximation que comporte cette expérience (on a vu
ci-dessus comment on arrive à une plus grande précision), prendre comme fin de l'ó la fin
des vibrations de póf (3).

sommes bien en présence d'un v (la ligne des lèvres en fait
foi), mais d'un v au tiers sonore, et au deux tiers sourd.

L'expérience peut être faite plus simplement, avec une
ampoule placée entre les lèvres (fig. 274) : la différence
de pression sert à distinguer le v et f, et la fin des vibrations,
le degré d'assourdissement.510

J'ai déjà donné aussi des exemples de médio-sourdes 1228. Ce
sont des sonores qui s'assourdissent sous l'effort de la tension

image (R)

Fig. 275.
Médio-sourde.

Ligne du haut : larynx. Ligne du bas : langue. La ligne pointillée permet de mieux
comparer l'élévation de la langue dans les trois expériences A, B, C.

musculaire, non par le début ou la fin, mais par le milieu.
Voici deux autres tracés qui montrent très bien la relation

image (R)

Fig. 276.
Medio-sourde.

Même disposition que figure 275.

qui existe entre l'augmentation de l'effort musculaire et la
détente du larynx.511

Les figures 275 et 276 représentent trois fois les composés
artificiels azza et ijji dans ma prononciation. La ligne du

image (R)

Fig. 277.
d final.

bas marque la pression de la langue contre le palais prise
au moyen d'une ampoule exploratrice (fig. 28) et en même

image (M) Échelle (fig. 277)

Fig. 278.
d final.

temps les vibrations de l'air contenu dans la bouche. La
ligne du haut est celle du larynx, dont les vibrations ont
été recueillies à l'aide de la capsule exploratrice (fig. 40).
512Or nous avons en A des vibrations laryngiennes d'une
grande amplitude et z, j, très sonores ; en B, des vibrations
diminuées, et z, j, un peu moins sonores ; enfin en C, des
vibrations à peines esquissées, et z, j, en partie chuchotés
ou sourds. On remarquera que les vibrations recueillies dans
la bouche concordent avec celles que nous a livrées l'explorateur
du larynx.

image

Échelle (fig. 277)

(W)

Fig. 279.
d final

Les finales des mots offrent des difficultés spéciales. Souvent
pour les consonnes et quelquefois même pour les
voyelles, la qualité laryngienne est douteuse, et l'oreille,
seule, est impuissante à décider.

En ce qui concerne les consonnes, on peut se demander
jusqu'à quel point elles se sont assourdies, et même si
elles ont franchi la limite qui les sépare des sourdes correspondantes.

Soit, par exemple, le d final français entendu tel,
jusqu'à quel point est-il sonore ? Pour résoudre la question,
j'ai fait des expériences dont il suffira de rapporter
513quelques-unes. Le mot inscrit était David. Les vibrations du
larynx étaient recueillies à l'aide de l'explorateur électrique

imageÉchelle (fig. 277)

(D)

Fig. 280.
d final.

(p. 101-109) ; le souffle, avec une embouchure élastique
adaptée à l'explorateur des lèvres (fig. 33). La ligne du

image(V. H.)

Fig. 281.
d final.

soufflé donne le moment de l'explosion de la consonne et
fournit un point fixe pour la comparaison. Or chez moi,
le larynx, qui vibre pendant la plus grande partie de la fermeture
514(fig. 277), s'arrête un peu plus tôt chez M. Meillet
(fig. 278) ; mais il continue jusqu'à l'explosion chez
M. Weeks (fig. 279) et chez un jeune étudiant de Paris

image (E)

Fig. 282.
Consonne j finale en picard.(Souffle)

Le commencement de la consonne finale est suffisamment marqué par la fin des vibrations
sot la ligne (4). Juger des antres par comparaison.

(fig. 280). — L'échelle (fig. 277), qui s'applique également
aux figures 278-280, représente des centièmes de seconde.

On peut à la rigueur, dans certains cas, se borner à
recueillir le souffle, comme dans la figure 281, qui représente
le même mot David, prononcé par M. Van Hamel :
5151, à la française ; 2, à la façon hollandaise. Il apparaît clairement
que le premier est sonore jusqu'à l'explosion, que
le second est sourd. Mais le tracé ne peut dire d'une façon
assurée si la sonorité du d français s'est prolongée pendant

image (E)

Fig. 283.
Consonne j finale en picard.
(Élévation de la langue.)

l'explosion ; car, dans le mouvement rapide que fait la
plume en ce moment, les vibrations auraient disparu.
Cependant l'affaiblissement notable qu'éprouvent les vibrations
vers la fin de l'occlusion est une marque à peu près
certaine qu'elles ne se sont pas continuées au delà.

Les dialectes présentent des cas plus embarrassants. J'en
choisis deux qui se rapportent à des parlers français, l'un de
la Picardie (Saint-Pol), l'autre de la Bretagne (Loudéac).516

A Saint-Pol, tapage se termine par une consonne incertaine.
Elle n'est plus un j et il semble qu'elle n'est pas
encore un ɛ. M. Gilliéron l'écrit jʿ. Recourons à l'expérience et

image (B)

Fig. 284.
Sonores finales devenues sourdes.

inscrivons, en ne prenant que le souffle, d'abord le mo-Saint-Polois,
puis tapaj et tapaɛ. M.Edmont, dont j'ai enregistré
la prononciation, disait ces trois mots d'une façon
517correcte. Nous avons (fig. 282) deux types pour le jʿ : l'un
(1) plus faible, l'autre (2) plus fort. Comparé à j français (3),

image (B)

Fig. 284*.
Sonores finales devenues sourdes

le j est notablement assourdi ; mais il paraît, comparé à ɛ,
avoir gardé un peu de sonorité. A un autre point de vue,
il n'est pas encore un ɛ, car il s'en distingue par une
moindre dépense de souffle. Renouvelons l'expérience par
518un autre procédé et inscrivons les mouvements de la langue :
il sera facile de distinguer la consonne finale pour laquelle
la langue se porte vers le palais, et la valeur de l'articulation

image (V)

Fig. 285.
Voyelle finale sourde.

sera ainsi mise en évidence. Or nous avons (fig. 283)
pour Saint-Pol une consonne finale légèrement sonore (1),

image (V)

Fig. 286.
Voyelle finale sourde.

beaucoup moins que le j français (2) et en même temps
articulée plus fortement que celui-ci, mais plus faiblement
que le ɛ. La sonore finale est donc restée, dans le parler de
M. Edmont, à une étape intermédiaire.519

A Loudéac, les sonores finales (d, v, z, j et sans doute
b, g) sont entièrement passées dans la classe des sourdes.
Comparez (fig. 284) sit et sid « cidre », fœf, fœv « fève »,
prẽs et prẽz « prise », vilaɛ et vilaj « village ». Les mots sit,
fœf, prẽs, vilaɛ sont patois. Les autres, dont la prononciation
n'offrait aucune difficulté pour le sujet en expérience,
sont ici comme termes de comparaison.

image (V)

Fig. 287.
Voyelle finale sonore.

Les voyelles finales elles-mêmes peuvent aussi donner
lieu à des hésitations. Dans tel ou tel cas, sont-elles sonores
ou simplement chuchotées ? La question se pose notamment
pour le portugais et le russe.

En portugais de Beira, l'u final de lãmpu (lampo) « précoce »
(fig. 285) et de nètu (neto) « petit-fils » (fig. 286) est
évidemment chuchoté comparé à l'ui de õndui (onde)
« d'où » (fig. 287).

En russe, la voyelle finale peut être chuchotée dans une
prononciation rapide. C'est ainsi que (fig.288) staruɛka (1)
« petite vieille » et staruɛki (3) « petites vieilles », prononcés
lentement et avec un intervalle assez long, ont une
finale sonore ; mais, prononcés plus rapidement et à des
intervalles rapprochés, ont des finales chuchotées (2), (4).520

L'i même de vstrètit̮ « rencontrer » (fig. 289) est dans
le même cas.

De même que, sous l'influence d'une prononciation
rapide, des voyelles finales s'assourdissent, de même, dans

image (O)

Fig. 288.
Voyelles finales sonores (1, 3), sourdes (2, 4).
(Oreille inscriptrice).

La voyelle finale est très facile à isoler : elle sait l'occlusion du k qui est très bien marquée.

image (O)

Fig. 289.
Voyelle atone sourde.
(Oreille inscriptive).

un débit lent et emphatique, il arrive que l'explosion des
consonnes sourdes finales devienne sonore et donne naissance
521à une voyelle. C'est ainsi que, dans ce vers de Racine :
« Implacable Vénus, suis-je assez confondue », déclamé
avec emphase par M. Brunot, Vénus est devenue Vénúsœ,

image (B)

Fig. 290.
Voyelle finale additionnelle.

I, nez ; 2, souffle ; 3, lèvres. — Le souffle et le mouvement des lèvres ont été pris avec le
dispositif décrit p. 92. — La partie de la ligne 3 correspondant à v forme an plateau qui
n'aurait pas dû se produire. Cette déformation, qui ne présente ici aucun inconvénient, tient
à ce fait que le levier inscripteur a été arrêté dans sa marche par le tambour voisin.

La direction ascendante du tracé est due au déplacement du chariot. (Voir p. 67-68, 71-73.)
L'expérience d'où ce mot est tiré, portant sur plusieurs vers, il était nécessaire d'user du
chariot. Dans ce cas, les lignes synchroniques sont perpendiculaires, non au tracé, mais à la
génératrice du cylindre et parallèles aux lignes faites par les plumes, le chariot étant au
repos (p. 146).

image agrt : 1,57

(B)

Fig. 291.
Vibrations du larynx pour diverses voyelles inscrites à la grande
vitesse du cylindre.522

avec un œ final (fig. 290). Les exemples de ce fait ne me
manquent pas ; ils sont du reste faciles à constater par la
simple audition dans le débit des orateurs et des acteurs.

image agrt : 5,75

(B)

Fig. 292.
Vibrations du larynx pour des voyelles inscrites à la moyenne vitesse du cylindre.
Cette figure contient deux séries d'expériences : A et B.

Nous ne nous sommes occupés jusqu'ici que de deux
faits relativement simples, à savoir si une articulation est
accompagnée de vibrations laryngiennes et pendant combien
de temps. Nous avons constaté que de ce chef les nuances
sont fort nombreuses. Mais peut-être n'est-ce pas tout, et
523faudrait-il faire entrer encore en ligne de compte la forme,
l'amplitude des vibrations. J'ai des tracés qui invitent à des
recherches sur ce point. Les voyelles á, é, i, ó, u (fig. 291)
et (fig. 292), représentées par la seule ligne du larynx, se
distinguent entre elles. Les vibrations laryngiennes sont
chez moi, en général, plus amples pour le d que pour le g,
plus faibles pour l'm ; elles affectent une forme spéciale

image (R)

Fig. 293.
Vibrations du larynx dans les consonnes.

pour l'r. Comparez (fig. 293)da, ga, ma, ra. On trouverait
aussi dans plusieurs des figures précédentes des traits qui
pourraient sembler caractéristiques. Mais la question n'est
pas si simple. Il faudrait éliminer des tracés tous les éléments
étrangers à l'action propre du larynx. Le loisir me
manque et je suis obligé, pour le moment du moins, de
passer outre.

Comment rendre par l'écriture des nuances dont je n'ai
pu que faire entrevoir l'infinie variété ? Nos alphabets ne
possèdent pas le moyen de distinguer les sonores et les
sourdes, encore moins les divers degrés de sonorité. Peut-être
suffirait-il de convenir pour chaque articulation d'un
524type sourd ou sonore, de choisir celui qui réalise le plus
complètement l'idée contenue dans la définition, par
exemple : le p allemand, qui est entièrement sourd, pour
p ; le b français, qui est tout à fait sonore, pour b. Un
signe (une apostrophe, si l'on veut) indiquerait la modification,
au point de vue de la sonorité, de l'articulation
typique. Ainsi le p français serait un en partie sonore, et
le b allemand serait un en partie sourd. Quant aux
divers degrés que comporte cette modification, ils seraient
notés par des indices. Nous aurions, par exemple, entre p et
b, un en voie de devenir sonore ; et, si l'on pouvait
constater dix degrés par exemple, on aurait : p′1 p′2 p′10.

Articulations buccales mi-nasales et nasales

La région du tube vocal où se produisent les bruits ou
les résonances qui caractérisent les diverses articulations
permet de distinguer celles-ci en buccales et en nasales.

Ce sont, comme l'on sait, les mouvements du voile du
palais, qui servent de base à cette distinction. Le voile est-il
relevé, l'articulation est buccale ; est-il abaissé, l'articulation
est nasale (p. 266-269). Nous avons ainsi des paires d'articulations
qui, en conséquence de ce double mouvement,
sont tantôt buccales, tantôt nasales, par exemple, en français :
a et an, o et on, è et in, eu et un, b et m, d et n. Je
ne veux pas dire que la différence qui existe entre ces
diverses articulations soit due uniquement à la position du
voile (nous verrons qu'il n'en est pas rigoureusement ainsi),
mais il suffit qu'elle vienne principalement de là pour justifier
la division adoptée.525

On donne le nom de pures aux articulations buccales
parce qu'elles paraissent exemptes, comme l'on dit, d'infection
nasale
, c'est-à-dire de résonances prenant naissance dans les
cavités du nez. Dans la réalité, il est bien difficile, sinon
impossible, d'obtenir des sons entièrement privés de résonances
soit buccales, soit nasales. Ne semblerait-il pas, par
exemple, que l'interjection que l'on produit négligemment,
la bouche close et le voile du palais reposant sur la langue,
dût être uniquement nasale ? Pourtant il n'en est rien, au

image (R)

Fig. 294.
Interjection nasale.

moins chez moi, comme en témoigne la figure 294. L'air
a été recueilli au sortir du nez (N) par une olive, et dans
la bouche (B) au moyen d'un petit tube de verre. Le
tracé obtenu montre très bien par des différences de pression
et de vibrations la part très nette qui revient aux
résonances buccales dans le son produit. Du reste, si l'on
prolonge ce murmure, on sent la langue vibrer très fortement
contre les dents.

Des vibrations nasales se rencontrent de même dans les
tracés soit des voyelles, soit des consonnes que l'on croirait
uniquement buccales (cf. p. 287). Ce fait peut s'expliquer
par la propagation du mouvement vibratoire à travers
526les tissus. Mais il peut être dû aussi à un léger écoulement
de l'air par le nez, qui est compatible avec la pureté de l'impression
auditive (voir p. 268). C'est en réalité ce qui a lieu.
Pour m'en rendre compte, j'ai recueilli dans deux tambours
tout l'air sortant de la bouche et des narines au moyen de

image (R)

Fig. 295.
Emission du souffle par la bouche (B) et par le nez (N) pour l'articulation
d'une syllabe non nasale.

Remarquer que l'explosion du d est ici sonore.

deux olives réunies par un tube en Y, et je m'appliquais à
ne produire qu'une seule syllabe pendant le cours d'une
expiration. Les tracés ainsi obtenus sont très expressifs :
celui de ad, par exemple (fig. 295). Dès que l'organe se
met en position pour émettre le son, les deux lignes ascendantes
de l'expiration s'arrêtent et l'écoulement de l'air est
un instant interrompu sur les deux voies à la fois. Pour a
l'air sort par la bouche, mais non sans influencer la ligne
du nez, qui autrement serait restée horizontale. Des vibrations
marquent la place de la voyelle aussi bien en N qu'en
527B. La voyelle émise, la bouche se ferme pour le d, et la
ligne (B) descend, marquant l'occlusion. Mais en même
temps, la ligne (N) s'élève sous la pression de l'air qui s'accumule
dans le nez. Au moment de l'explosion, qui est
sonore, le souffle sort avec force par la bouche, tandis

image (R)

Fig. 296.
Emission totale du souffle pour une articulation non nasale.

N. Nez. — B. Bouche.

qu'il abandonne la voix nasale, pour la reprendre vivement
dès que l'explosion sera terminée. La syllabe at donne une
image identique, dans ses lignes essentielles, avec cette
seule différence que l'occlusion de la consonne ne s'accompagne
pas de vibrations ; quant à l'écoulement de l'air par
la voie nasale, il se produit dans les mêmes proportions.
Lorsque la syllabe prononcée commence par une consonne,
ka, par exemple (fig. 296), le tracé nous montre
d'abord l'arrêt des puissances expiratoires, puis une reprise
de l'écoulement de l'air au moment de la mise en place des
528organes d'articulation, une légère pression par la voie nasale
durant l'occlusion, l'explosion de la consonne, et peu

image (Ro)

Fig. 297.
Nasalité anormale.

image (R)

Fig. 298.
Écoulement d'air par le nez en dehors des nasales.529

après, avant la fin de la voyelle, l'abaissement du voile du
palais et la continuation de l'expiration nasale.

Les choses doivent se passer à peu près de même chez
tous les sujets, mais avec des variantes conformes au degré
de stabilité organique de chacun. On en peut juger par les
figures 297 et 298, qui représentent la syllabe inscrite
avec une narine bouchée par M. Roussey et par moi.

image (Sch)

Fig. 299.
Vibrations nasales en hongrois.

Dans les deux cas, une certaine quantité d'air sort par le
nez, mais beaucoup plus grande chez M. Roussey. Celui-ci
n'aurait-il pas pu croire, comme le Président de Brosses,
que l's est une nasale (voir p. 321) ?

Cette répercution des actes articulatoires sur les voies
nasales peut souvent être utilisée pour reconnaître les
vibrations du larynx sans qu'il soit nécessaire d'explorer
cet organe lui-même directement, et pour délimiter diverses
articulations qui se distinguent peu sur la ligne du souffle
prise à vitesse moyenne. En voici un spécimen (fig. 299),
babbal « avec fèves », que j'emprunte à la langue hongroise.
M. Schlumsky a fait un excellent usage de ce procédé dans
son étude des articulations tchèques, par exemple, pour
isoler a de y dans ay (fig. 300).

A l'état normal, le léger filet d'air qui trouve ainsi son
issue par le nez durant les articulations buccales, ne produit
530aucun effet acoustique appréciable, à moins qu'il ne
concoure à la formation du timbre connu. Ce n'est que
pendant le rhume, quand l'orifice antérieur des voies,
nasales se trouve obstrué, qu'il se fait sentir : il éveille

image (S)

Fig. 300.
Un petit déplacement dans la ligne du nez marque le commencement du y.

alors dans les cavités des résonances inaccoutumées et
produit un nasonnement désagréable à entendre.

Il nous échappe aussi, et fort heureusement, dans nos
expériences quand elles se font avec une narine ouverte. Le
tambour n'en est impressionné que s'il devient excessif.
Dans ce cas, les données de l'expérimentation concordent
avec celles d'une oreille très exercée. Il n'en faut pas davantage
pour nous autoriser à voir dans la présence de fortes
vibrations et surtout d'une déviation de la ligne du nez le
signe certain de la nasalité.

Les cas de nasalité sont beaucoup plus fréquents que l'on
ne suppose d'ordinaire. On en rencontre dans toutes les
531langues, et leur recherche est l'une des tâches les plus
faciles et les plus intéressantes de la phonétique expérimentale,
en même temps qu'elle est décourageante pour le
simple auditeur. Une olive nasale, une embouchure et deux
tambours suffisent dans la plupart des cas. Mais, si l'on y

image (Ro)

Fig. 301.
Nasalité anormale

Des vibrations nasales se produisent pendant les deux g surtout durant l'occlusion du 
initial.
Ici, un œ a été prononcé involontairement après le g.

ajoute un troisième tambour avec une ampoule pour l'exploration
des mouvements de la langue et des lèvres, avec
la capsule laryngienne et un palais artificiel, l'outillage
est complet.

Ce qu'il importe de déterminer, c'est la présence des
vibrations nasales, leur durée, leurs rapports avec les
mouvements de la langue ou des lèvres, leur amplitude, la
force et les variations de force de l'écoulement de l'air par
le nez. Tout cela se fait sans peine et avec plaisir,
car il y a bien des surprises agréables autant pour l'expérimentateur
que pour l'historien du langage. Je vais
essayer d'en donner une idée par une rapide énumération :

Nasalité anormale : g (Franche-Comté) dans ag, ga (fig.
301) ; d (Marseille) dans , éd (fig. 302) ; — toute la partie
sonore du mot (Pérouse), aprile (fig. 303), essere (fig. 304)
du « tu » en suédois (fig. 305) ; — des phrases entières532

image (F)

Fig. 302.
Nasalité anormale d'une occlusive sonore (d) initiale ou finale

image (A)

(Josselyn)

Fig. 303.
Nasalité anormale.
Voyelle initiale et tontes articulations sonores d'un mot

image (A) (Josselyn)

Fig. 304.
Nasalité anormale.
Voyelle initiale avec résonances nasales pour les autres parties sonores du mot.533

(Hambourg), Kádl ũm maks maks… « Charles et Max Max… »
(fig. 306).

image (St)

Fig. 305.
Nasalité anormale.

Un mot entier.
Remarquer que la fin de l'u est fortement nasalisée.

Accidentellement, la nasalité peut se produire sous l'influence
de la maladie ou simplement d'une grande fatigue.

image (Mö)

Fig. 306.
Nasalité anormale.

Le tracé du nez a été pris comme les précédentes avec une olive et un tambour ; celui du
larynx (La), avec l'explorateur électrique (p. 105) ; celui des lèvres, par l'explorateur (p. 92).
Dans cette expérience et dans les six suivantes, le tambour inscripteur du souffle nasal a été
renversé. En conséquence, la ligne du nez se déplace vers le bas de la figure.
Le voile du palais ne reste jamais complètement soulevé. Un jet d'air se produit au
moment de l'explosion de k, dl, ks.

J'ai un cas personnel de ce genre. Voici en quelle circonstance.
J'avais entrepris d'obtenir, d'une façon matériellement
irréprochable, une inscription complexe embrassant la voix,
534les vibrations du nez et du larynx, avec les mouvements
des lèvres et de la langue. Le thème était fourni par ces
deux vers de Racine :

O toi ! qui vois la honte où je suis descendue,
Implacable Vénus, suis-je assez confondue ?

Le travail fut long et se prolongea bien après l'heure du
déjeuner. Je réussis à la fin. Mais, pressé de partir, j'emportais
ma feuille encore toute humide de vernis. A la
porte du laboratoire, un coup de vent me l'arracha des
mains. Il me fallut recommencer. On devine mon énervement.
A ma grande surprise, il se traduisit par la nasalisation
de toutes les consonnes.

image (F)

Fig. 307.
Nasalisation de a.

L'occlusion n'a été complète pour aucune consonne, ni pour b, ni pour n, mais il est clair
que l'n a disparu, puisque l'air est sorti librement par la bouche entre bl et k.

Nasalité normale, mais généralement inaperçue ou imparfaitement
sentie :

Voyelles nasalisées au contact de consonnes nasales.
Les cas sont choisis en vue de montrer la propension des
voyelles à subir la nasalisation, suivant leur qualité et
suivant la composition des groupes ou leur place relativement
à l'accent. Rapprocher ce qui a été dit sur la position
que prend le voile du palais pendant l'émission des diverses
voyelles (p. 267-269).535

France. — Les parlers de France présentent des cas
nombreux et variés de nasalisation. Je signale quelques-uns
des plus difficiles à analyser.

image (F)

Fig. 308.
Nasalisation incomplète de e.

A gauche du Ier pointillé, nous avons l'e pur ; à droite du 2e, n (l'écoulement de l'air par
la bouche est interrompu) ; entre les deux lignes pointillées, .

image (F)

Fig. 309.
Nasalisation de o.

L'o est nasalisé à partir de l'explosion du k ; pais vient l'n reconnaissable à la dépression
qui marque sur la ligne B la cessation de l'écoulement du souffle.

Quercy, Gourdoň (Lot) : ã dans blãko « blanche »
(fig. 307) ; dans fẽn « foin » (fig. 308) ; õ dans kõnta
« compter » (fig. 309) ; ĩ dans « dans », et ũ dans fũn
« fond » (fig. 310), ũ dans dũm puɛs « d'un puits »
536(fig. 311) ; mais ũ dans fũm « fumée » (fig. 312) est moins
nasalisé (ici il est à là tonique). Tous ces mots sont

image (F)

Fig. 310.
Nasalisation de u.

La nasalisation est complète dès le début. L'amplitude du tracé B rend nécessaire une
correction : α correspond à ά. — L'n est maintenue.

extraits des phrases suivantes que j'écris à dessein avec la
graphie vulgaire : lo fum del fen ez blanco « la fumée du

image (F)

Fig. 311.
Nasalisation complète de u.

La 1re pointillée, marque l'explosion du d et le commencement de l'ũ.

foin est blanche » ; voli conta « je veux compter » ; din lou
foun d'un pous
« dans le fond d'un puits ». La place de la
voyelle est bien délimitée sur la ligne de la voix par les
537premières vibrations qui se montrent après l'explosion de
la consonne et par l'arrêt du courant d'air pendant l'm ou

image (F)

Fig. 312.
Nasalisation partielle de u.

Le commencement de l'ũ est marqué par la ligne pointillée ; la fin, par l'arrêt de l'écoulement
du souffle sur la ligne B.

image (C)

Fig. 313.
Nasalisation totale de é.

Le b lui-même est nasalisé. L'n finale est très nette sur les trois lignes, même sur celle des
lèvres (L).

Remarquer la dépression qui s'est produite dans la bouche quand le souffle s'est échappé
par le nez un instant avant l'explosion.

l'n. Le degré de nasalité peut être considéré comme proportionnel
à l'importance du tracé nasal.538

Rouergue, Milhau. — L'é est très nettement nasalisé dans
bén « vent » (fig. 313) ; mais non tout l'o dans conto
« compte » (fig. 314).

Provence, Aups (Var). — ũ dans « toumbo « tombe »
(fig. 315) ; ĩ dans vin « vin » (fig. 316). L'étude de ces
deux voyelles nasales a été faite en présence de plus de

image (C)

Fig. 314.
Nasalisation partielle de õ.

La voyelle qui suit k est comprise entre la 1re et la 3e ligne pointillée. C'est en réalité une
diphtongue semi-nasale. La 1re partie feutre les deux premières lignes pointillées) est un ó
pur. La 2e est un u nasal : les lèvres (L) se sont fermées, et l'air est sorti abondamment
par le nez (N). La consonne n est encore intacte : l'embouchure ayant été très appliquée
contre les lèvres, la pression s'est maintenue dans le tambour ; mais les vibrations ont disparu,
signe certain que l'occlusion a été complète.
L'o final est nasalisé.

quinze étudiants de diverses nationalités. Tous avaient cru
à une voyelle pure. Après l'expérience, qui (on le voit) est
très concluante, chacune des articulations étant bien distincte,
le phénomène ne fit de doute pour personne, et
toutes les oreilles devinrent aptes à le saisir.

Les tracés prouvent non seulement la nasalité de l'i et
de l'u, mais, de plus, ils font comprendre, en montrant la
brièveté des voyelles comparée à la longueur des consonnes,
comment on a pu n'être pas frappé du fait de la nasalisation.

Dépt de la Charente, Nauteuil-en-Vallée. — Chez les
personnes très âgées, on entend dans Martin, chin « chien »,
539ĩn, étape qui précédé ou peut-être ĩ. Les mois comme
tõ ɛĩn « …ton chien » (fig. 317), inscrits seulement à

image (P)

Fig. 315.
Nasalisation de u.

La ligne du larynx (La) indique le commencement précis de la voyelle. La nasalisation
n'est que peu en retard (cf. fig. 3S3). L'm est très intense ; c'est ce qui fait croire à la
pureté de l'u. La nasalité empiète même sur le b et l'o final.

image (P)

Fig. 316.
Nasalisation de i.

Le v initial lui-même est nasalisé. Le courant d'air nasal a faibli pendant la 1re partie de l'ĩ,
mais a grandi d'une façon considérable pendant la 2e. Un est d'une durée et d'une intensité
telles qu'elle absorbe pour l'oreille toute la nasalité.

l'aide de l'olive nasale, suffisent pour trancher la question.
(Voir Modifications phonétiques du langage, p. 249.)540

image (Ro)

Fig. 317.
i nasal.

Le ɛ détermine la place des deux nasales õ et ĩ.

image (N)

Fig. 318.
Nasalisation de i.

Cette figure et la suivante sont tirées d'expériences faites en excursion avec l'enregistreur
de voyage (p. 77) que je faisais marcher à la main. Le diapason (D) battait les 2/100 de
seconde. Le souffle de la bouche (B) et le mouvement des lèvres (L) ont été pris au moyen
du dispositif (fig. 33). La correction de la ligne des lèvres a été faite d'après la figure 69.

Les branches rigides de l'explorateur ont maintenu les lèvres légèrement écartées ; c'est ce
qui explique l'écoulement de l'air qui s'est fait pendant l'occlusion de l'm.

L'ĩ et l'n finale sont hors de doute : l'ĩ est attesté par les vibrations nasales (N) ; l'n par la
fermeture de la bouche qui a intercepté les vibrations (B) et l'ouverture des lèvres (L).

Bretagne française, Saint-Benoît-des-Ondes (Ille-et-Vilaine).
ĩ dans chemins (fig. 318) comparé à mis (fig. 319).
La dernière syllabe de chemins est douteuse à l'oreille. Est-ce
un ĩ ou simplement un i ? Toute incertitude disparaît
à la vue des deux tracés.541

Franche-Comté, Bournois (Doubs). — ĩ, ũ (fig. 320).

La réalité d'un i nasal et d'un u nasal a été contestée.
Le tracé donné ici et les précédents (fig. 316 — 318) ne
suffiraient pas pour convaincre les savants qui, s'appuyant
(à tort, je crois) sur l'histoire du français, pensaient que
les voyelles extrêmes, i, u, u, ne peuvent se nasaliser sans

image (N)

Fig. 319.
ĭ final pur pour servir de comparaison avec l'ĭ (fig. 316).

Même disposition que pour la figure précédente.

descendre d'un degré dans l'échelle vocalique et devenir
respectivement é, ó, œ́. La preuve de leur erreur doit être
demandée à l'exploration des mouvements de la langue.
Pour le cas qui nous occupe, le palais artificiel suffit, comme
le montre la figure 321, A et B. En se soulevant, la langue
touche les bords du palais, et, plus elle s'élève, plus la
limite de la région de contact se rapproche du centre. Or
le contact est limité sur les figures par les pointillés a′ b′
pour i, et a b pour ĩ ; par c′ d′ pour u, et c d pour ũ. Donc,542

image (Ro)

Fig. 320.
Voyelles ĩ, ũ en franc-comtois.

L'importance du jeu d'air émis à travers les fosses nasales est proportionnelle
au déplacement de la ligne du nez (N).

image (R)

Fig. 321.
Articulation de l'ĩ et de l'ũ.

A et C : ĩ ; B : ũ.
Là partie ombrée du palais a été touchée par la langue dans l'articulation des voyelles
nasales, le pointillé intérieur marque la limite du contact pour les voyelles non nasales
correspondantes, i et u.543

loin de s'abaisser, pour prendre la position de l'é et de l'œ́,
la langue se soulève plutôt davantage pour articuler la
voyelle nasale ; même pour ĩ, elle peut s'appliquer complètement
sur le palais (C).

image(A)

(Josselyn)

Fig. 322.
Nasalisation de a atone en italien.

Le 2e a n'est nasalisé qu'après la fin de l'explosion du d.

image(A)

(Josselyn)

Fig. 323.
Nasalisation de l'o final atone en italien après m, et conservation de
l'a pur à l'initiale et sous l'accent.

La place de l'm est nettement marquée sur la ligne de la bouche (B).

Italie, Terni (Pérouse). — Nasalisation de l'initiale
atone et de la finale : amanda (fig. 322) ; de la finale : amo
(fig. 323). — Rome, nasalisation de o devant m et de deux544

image (E)

(Josselyn)

Fig. 324.
Nasalisation de o et de i en italien.

La place des consonnes nasales est clairement marquée sur la ligne de la bouche (B). Ce
qui permet de constater avec certitude la nasalisation de l'o de la diphtongue uo, et les
deux i de — mini.

image (Co)

Fig. 325.
Nasalisation de a + ns en flamand.
(kans).

Une inspiration précède l'explosion du k (B). La ligne des lèvres (L) marque clairement
a, et le commencement de l'n (suivant la ligne pointillée).

La direction de la ligne du nez (N) est ici descendante, le tambour inscripteur ayant été
renversé.

An moment de l'explosion du k, la pression diminue dans les fosses nasales puisque la
ligne remonte. Après l'explosion, le voile du palais venant à céder, un jet rapide d'air
s'échappe par le nez, nasalisant fortement la voyelle. Puis le voile se soulève, mais sans
obstruer complètement le passage de l'air. Enfin il s'abaisse de nouveau, et l'on pourrait
croire à une n normale en comparant N L sur cette figure et sur la suivante, si des vibrations
ne se montraient pas sur la ligne de la bouche (B), prouvant que l'occlusion n'est pas complète.
L'n est donc déjà altérée et près de disparaître.

La ligne de la bouche s'est maintenue droite par suite de la rigidité de la membrane du
tambour et de l'application excessive de l'embouchure sur les lèvres.545

i atones au contact de nasales : uomini (fig. 324). Ces
exemples sont empruntés à M. Josselyn 1229.

Belgique, Alost (Flandre orientale). — Double résultat
de la syllabe an, selon qu'elle est suivie de s ou de t : kãns

image (Co)

Fig. 326.
Nasalisation de a + nt en flamand.
(kant).

Même disposition que dans la figure précédente.

Noter la persistance de l'n, caractérisée par l'absence de vibrations sur la ligne de la bouche,
au moment de l'occlusion et le rapprochement des lèvres.

Dans l'expérience précédente (fig. 325), la langue était sollicitée à se tenir loin du palais
par l's ; dans celle-ci, au contraire, elle est attirée par le t.

La première partie de l'a est pare ; le jet d'air si remarquable dans la figure 325, manque ici.
A la place, se montre un affaiblissement de la pression nasale.

Le k est du type français ; les vibrations de la voyelle se montrent pendant l'explosion.

« chance 2230 » (fig. 325), kãnt « côté » (fig.326). La nasalité
de la voyelle est beaucoup plus intense dans le premier cas,
à tel point que l'n a été presque entièrement absorbée.546

Russie, Saint-Pétersbourg — Comparer ănna « Anne » (1)
et ăngelotçik « petit ange » (2) (fig. 327) ; on « lui » (1) et
ona « elle » (2) (fig. 328). L'a (1) et l'o (2) sont presque
entièrement purs ; les deux autres nasalisés.

image (Tch)

Fig. 327.
Nasalisation partielle de l'a en russe.

1. — Le passage seul de a à n (après la ligne pointillée) est nasalisé.

2. — Toute la portion de l'a, comprise entre la ligne pointillée et l'occlusion de l'n (B),
est nasalisée.

Perse, Ourmiah (langue syriaque) : ã dans ĉãn « conte »
et aĉnan « nous », ũ dans aĉtun « vous », ĩ dans ĉallin,
3e pers. aor. du verbe « encourager » (fig. 329). Les diverses
articulations sont clairement distinguées sur la figure,
et l'on peut voir que l'a est plus nasalisé dans ĉãn que
547dans aĉnan, que l'u et l'i sont à leur tour moins nasalisés
que l'a de aĉnan.

Suède : i dans vinden « le vent », vind « vent », vin̮en
(vingen) « l'aile d'un oiseau », un̮ (ung) « jeune » (fig.330).

image (Tch)

Fig. 328.
Nasalisation partielle de l'o en russe.

Considérer les vibrations nasales situées en N, à gauche de la 1re ligne pointillée (I et 2).
Pour ona, une partie de l'o est nasalisée ; pour on, c'est seulement au moment du passage
de o à u que l'air commence à sortir par le nez.

On remarquera que la nasalité va en s'accroissant : peu importante
pour vịnden où l'i est tonique et suivi d'une syllabe
atone, elle devient plus grande dans vind, et augmente
encore dans vin̮ẹn où il est atone ; elle est complète dans un̮.

Angleterre, Londres. — La nasalité présente des degrés
variables suivant les voyelles et aussi suivant les personnes.
548Comparez tune (fig. 331), bone (fig. 332), gun (fig. 333),
shone (fig. 334), kind (fig. 335), bin (fig. 336), enfin bone
(fig. 337) qui est beaucoup plus nasal que bone (fig. 332).

image (Ba)

Fig. 329.
Nasalisation de voyelles en chaldéen.

Les deux dernières lignes pointillées de droite limitent l'n finale qui est indiquée avec
précision sur les lignes B.
La nasalité de la voyelle contiguë se montre sur les lignes N.
Tons les tracés sont excellents.

Alsace, vallée de Munster. — Chez le sujet étudié, il se
manifeste une grande tendance à la nasalité non seulement
dans les voyelles, mais encore dans les consonnes : holem
« cherche-lui… » (fig. 338) kum « vieux » (fig. 339),
hòmer « marteau » (fig. 340), han « coq » (fig. 341).549

image (L)

Fig. 330.
Nasalisation de voyelles en suédois.

L'échelle gravée à gauche de la figure donne les 2/100 de seconde et s'applique à toutes les
planches de ce paragraphe.

Pour 1-3, l'apparition de la nasalité est marquée par la 2e ligne pointillée ; l'occlusion
complète de l'n par la 3e.550

image (C)

Fig. 331.
Nasalisation partielle de u en anglais.
(tune).

La 3e ligne pointillée marque le commencement de l'n. Entre les deux précédentes, sont
comprises la fin de l'u et la préparation de l'n ; entre la 1re et la 2e, est la partie nasalisée
de l'u.

L'occlusion nasale devient de plus en plus complète depuis le début du t jusqu'à la nasalisation
de l'u

image (C)

Fig. 332.
Nasalisation de l'ó en anglais.

(bone).

Est nasalisée fortement la partie de l'ó placée entre es deux premières lignes pointillées.
Remarquer la ligne du nez (N) pour le b initial : l'air sort en vibrant pendant l'occlusion
buccale ; c'est un b sonore.551

image (C)

Fig. 333.
Nasalisation incomplète de œ en anglais.
(gun).

Même disposition que pour la figure 332.

Le g est sonore. Le mot entier est, dans la réalité, plus ou moins nasalisé.
Remarquer surtout les vibrations nasales pour la portion de l'œ comprise entre les deux
premières lignes pointillées et pour le passage de œ à n, entre les deux dernières.

image (C)

Fig. 334.
Nasalisation incomplète de œ en anglais.
(sbone).

Les deux premières lignes pointillées limitent la partie de la voyelle nasalisée.
On peut suivre aisément sur ce tracé la marche du double courant d'air, qui est sensiblement
la même pour les figures 331-335. L'interruption n'est complète que pour la voie buccale ;
la nasalité varie de force, mais elle est continue.552

image (C)

Fig. 335.
Nasalisation partielle de ai.
(kind).

Un peu après l'explosion du k, le courant d'air nasal, qui s'est affaibli jusque là, augmente
peu à peu et se charge de vibrations de plus en plus fortes.

Comparer avec la figure 331 qui présente pour la ligne nasale une direction contraire : ici la
nasalité augmente après l'explosion du k ; là, elle diminue.

image (C)

Fig. 336.
Nasalisation complète de l'ĭ en anglais.
(bin).

Le b est ici encore plus nettement nasal et sonore pendant son occlusion que dans la
figure 332.

Les degrés de la nasalité de l'i (moindre pour la 1re moitié, plus grande pour la 2e) sont
très clairs.

Noter la durée de l'n finale.553

image (Ri)

Fig. 337.
Nasalisation complète de ou en anglais.
(bone).

Le b initial est sourd pendant son occlusion. (Cf. fig. 336.)

image (Sp)

Fig. 338.
Demi-nasalité de l'œ en alsacien.

La ligne du larynx (La) aide à déterminer le début de œ, qui est compris entre les deux
grandes lignes pointillées. La seconde moitié de la voyelle est nasalisée.

Remarquer que dans cet exemple l'h est sonore, contrairement à ce qui s'est produit dans
les tracés suivants (fig. 340 et 341).554

image (Sp)

Fig. 339.
Nasalité incomplète de u en alsacien.

Le dernier tiers de la voyelle est nasalisé.

image (Sp)

Fig. 340.
Nasalité de ò en alsacien.

Sur la fin de la voyelle ò, nasalité intense. — Remarquer la voyelle qui suit m.555

image (Sp)

Fig. 341.
Nasalité de á en alsacien.

Nasalité très faible pendant tome la dorée de l'á, plus forte vers la fin.

image (Va)

Fig. 342.
Diphtongues nasales portugaises.

Remarquer que, sur la ligne nasale, les vibrations deviennent de plus en plus amples, tandis
que celles de la ligne buccale diminuent en proportion. La nasalité va donc en croissant. A la
fin de la diphtongue, elle existe seule.

L'm de (2) est en partie spirante.556

Diphtongues nasales portugaises : mão « main », melões
« melon » (fig. 342). Dans tous ces mots, les deux
voyelles de la diphtongue sont nasalisées et suivies, d'un
élément consonantique nasal, pour lequel l'air sort uniquement
par le nez. Il en est de même dans mãe « mère »
(ci-dessous, fig. 345).

On détermine aisément la consonne nasale qui suit la
diphtongue au moyen du palais artificiel. C'est une n
vélaire. Comparez les traces de la langue (fig. 343).

image (V)

Fig. 343.
Articulations de l' finale en portugais.

A. 1. fiṅ « fin » ; 2. -ẽṅ (-em) ; 3. mãĩṅ (mãe) « mère »

B. 1. pwẽṅ (põe) « il met» ; 2. ũṅ (um) « un » ; 3. -ãõṅ (-ão)

C. 1. pãẽṅɛ (pães) « pains » ; 2. kãẽṅɛ (cães) « chiens »

Les lieux d'articulation sont limités par les diverses lignes notées d'un chiffre.

Nasalisation des voyelles finales.

Nous avons vu dans la plupart des tracés que les voyelles
finales sont légèrement nasalisées par la précipitation que
l'on a de reprendre la respiration nasale avant même la
fin de la voyelle. Cette tendance a produit un e féminin
557nasal à Lezay 1231 (Deux-Sèvres), où je l'ai simplement
reconnu à l'oreille, aux environs d'Amiens, par exemple,
dans tombe (fig. 344). C'est sans doute une voyelle analogue
qu'avait en vue Palsgrave quand il disait des Français
à propos de l'e final : « Sometyme they sounde hym lyke
an a and a lyttell in the noose, and sometyme almost lyke
an o and very moche in the noose 2232. »

image (Ma)

Fig. 344.
L'e muet nasalisé en picard.
(tombe).

C'est par suite de la même tendance que, dans certaines
régions du nord de la France, les i à la finale deviennent  :
Paris = parẽ.

Durée de la nasalité avant l'explosion de la consonne.

Un excellent exemple de la variabilité de cet élément
nous est fourni par le portugais mãe « mère ». Prononcé
plusieurs fois de suite, dans une même expérience, par
558M. Leite de Vasconcellos, originaire d'Ucanha (prov. de la
Beira), il a donné pour l'm initiale les trois variantes suivantes
(fig. 345). Il en est de même pour l'n initiale. Dans
certains cas, un défaut de coordination se montre entre
rabaissement du voile du palais et la fermeture de la glotte,
comme dans la figure 286, où la sortie de l'air par le nez
devance l'apparition des vibrations nasales (cf. fig.358).

image (Va)

Fig. 345.
L'm initiale en portugais.

La 2e ligne pointillée marque l'explosion de l'm ; la 1re, le débat de la nasalité

Le français possède des m et des n fortement nasales,
comparées à l'allemand, par exemple (fig. 346) On trouve
même en Autriche des types d'm et d'n à l'initiale qui
rappellent la forme portugaise (fig. 347). Mais il ne faudrait
pas se laisser aller sur ce point à des généralités trop
hâtives. Bien que le type ordinaire en France soit conforme
à la figure 346 (1), j'ai pourtant inscrit une m initiale qui
pourrait passer pour portugaise ou autrichienne : elle est
due à M. Edmont de Saint-Pol (Pas-de-Calais), dans
májõn (fig. 348).559

En revanche, si je m'en rapporte à l'imitation que le Père
Trilles m'en a fournie, l'n initiale des Papouins, est d'une

image (1. R. — 2. B)

Fig. 346.
L'm française et l'm allemande.

Ces deux m ont été inscrites par les mêmes appareils et l'une après l'antre.
Remarquer l'amplitude et la durée des vibrations de l'm française.
L. Larynx.

image (K)

Fig. 347.
L'm initiale dans un dialecte autrichien.
(muon̮ « matin »).

La nasalité concorde avec l'explosion.

longueur extraordinaire : ṅṅãdĩ « la jalousie » (fig. 349).
Cela tient au caractère mélodique des nasales initiales dans
560les langues d'Afrique. Comparez les figures suivantes
(350, 351).

Mélodie des nasales initiales.

Dans le Souahili (Zanzibar), d'après le Père Sacleux, une
m ou une n peuvent porter l'accent. Voici, comme

image (E)

Fig. 348.
L'm initiale dans un parler picard.

exemple, deux mots : mtu « personne » et nɛi « contrée »
(fig. 350 et 351) où l'on constate non seulement une

image (T)

Fig. 349.
n initiale chez les Papouins.

élévation de la voix sur m, n, mais une véritable mélodie.
En mesurant par demi-dixièmes de seconde ou au-dessous,
et en prenant la moyenne, j'ai trouvé, entre autres, pour
la nasale les hauteurs musicales suivantes :561si1, fa2 ; — 2, ut2, mi2 ; — ut2, fa2 mi2 ;
2, ut2, mi2, fa2, sol2

image (S)

Fig. 350.
m, n initiales en souahili.

image (S)

Fig. 351.
m initiale en souahili.

Ce tracé est celui du larynx agrandi 5 fois 1/3.
La 1re ligne représente m et le début du t ; la 2e, t et u.
Chaque tranche est de 5 centièmes de seconde.562

Faiblesse de la nasalité après une consonne sourde.

Ce phénomène n'est pas universel. Je l'ai d'abord constaté
chez moi, dans un groupe artificiellement composé 1233,
õpõptõ (fig. 352), puis reproduit pour les mots enfant, ampan
(fig. 353 1 2) ; je le retrouve chez M. Théry, originaire

image (R)

Fig. 352.
Influence d'une consonne sourde sur la nasalité.

N. Nez ; — La, Larynx (explorateur électrique, p. 105) ; — L. Lèvres (Explorateur
Rosapelly, p. 91).

de l'Aisne, pampan (fig. 353 5), et l'on a pu le remarquer
dans quelques-unes des figures précédentes ; mais
l'accord de la voyelle buccale et de la nasale est complet
chez M. Raulin qui est du Maine, ampan, enfant (fig. 353
3, 4)

Il peut y avoir là un fait purement organique et nullement
dialectal. La preuve, c'est que le frère de M. Raulin563

image

Fig. 353.
Influence d'une consonne sourde sur la nasalité.

La grande ligne pointillée marque le moment de l'explosion ; les petites qui suivent à
droite, le commencement de la nasalité. — Échelle à droite.

Les lignes pointillées de gauche montrent l'accord de la bouche et du nez pour les nasales
initiales.564

se rapproche de ma prononciation. Mais il est fort possible
aussi que le phénomène représente un état phonétique et
réponde à une étape de l'évolution des nasales : soit à une
nasalisation encore incomplète, soit à un commencement de
dénasalisation. La première hypothèse pourrait être vraie
pour moi ; la seconde pour M. Théry. C'est à la géographie
de décider.

image (B)

Fig. 354.
Nasalité en suédois.

A rapprocher la figure 344, qui permet de constater la
différence qu'il y a entre la sourde t et la sonore b au point
de vue de leur influence sur la nasale.

Absorption de la voyelle précédente ou même de l'explosion
de la consonne dans la nasale et nasalisation à
distance.

Comparez les mots suédois töcken « brouillard » (fig. 354),
toppen « la cime » (fig. 355) et vatten « eau » (fig. 35e), et
vous constaterez l'envahissement progressif de la nasale : dans
565le premier cas, il reste quelque chose de la voyelle pure ;
dans le second, l'explosion se fait encore par la bouche et
par le nez ; dans le troisième, tout le souffle passe exclusivement
par les fosses nasales.

L'a de toppen (fig. 355) et celui de vatten (fig. 356) sont
en partie nasalisés ; mais non l'œ de töcken (fig. 354).

image (B)

Fig. 355.
Nasalité en suédois.

Absorption de la consonne nasale dans la voyelle nasale
précédente.

Ce phénomène, qui s'est accompli en français, est dû :
d'une part, à l'ouverture progressive des lèvres ou à l'abaissement
de la langue, en un mot, à la suppression graduelle
de l'occlusion consonantique ; de l'autre, à la fermeture
prématurée des voies nasales. Le premier et le plus
important facteur du changement est mis en évidence dans
la figure 357. Les tracés qu'elle reproduit ont été extraits
de phrases complètes : l'ay borra dedin « je l'ai enfermé
566dedans », n'ay montsat un « j'en ai mangé un », souy posa
sul poun
« je suis passé sur le pont ».

La ligne supérieure, celle du nez, nous fait connaître la
place des nasales, celle du bas, qui représente les mouvements
de la langue, les divers degrés d'occlusion. Or, dans
dedin (1), la langue est restée un peu au-dessous, de la position

image (B)

Fig. 356.
Nasalité en suédois.

de l'n (cf. les d) ; l'n existe encore mais faible. Dans
dedin (2), la langue s'est élevée au même niveau que pour
le d ; donc nous avons une n bien articulée. Dans t un, la
langue est restée bien au-dessous de la position du t ; néanmoins,
on peut croire encore à une n faible, cf. dedin (1).
Enfin dans poun, la langue est restée presque immobile sur
le plancher de la bouche ; l'n n'a pas été prononcée. Cette
paresse s'explique par la présence de l'u qui s'articule en
arrière : avec la même somme de travail, la langue n'a
567pas pu atteindre la position voulue. Mais la durée du
phénomène n'a pas encore été diminuée.

image (F)

Fig. 357.
Modification dans l'articulation de l'n finale, par abaissement de la langue.

Le mouvement de la langue (Lang.) est marqué entre les deux lignes pointillées.

Il peut aussi y avoir dans l'articulation un déplacement
qui change la nasale, par exemple, l'n en m ou vélaire,
568comme dans les exemples cités du portugais, ou dans le
mot muòṅ déjà inscrit (fig. 347). L'élévation du dos de la

image (K)

Fig. 358.
Changement d'articulation de l'n finale.

Noter l'écoulement de l'air sourd pour l'm initiale.
Le caractère vélaire de l'articulation est marqué par l'élévation de la ligne B, à droite de la
2e pointillée.

langue prise, avec une ampoule, au niveau du palais mou
(fig. 358) rend la transformation évidente.

image (G) (Josselyn)

Fig. 359.
Absorption de l'n dans une voyelle nasalisée en italien.

M. Josselyn a trouvé exceptionnellement chez un pérugin
et chez un émilien un cas de in, où la consonne s'est entièrement
569fondue dans la voyelle, infante (fig. 359). La seconde
ligne du tracé, qui est celle du souffle, aurait marqué un
arrêt dans l'écoulement de l'air, si l'n avait été articulée.

Intensité de la nasalité.

L'intensité objective de la nasalité a son expression dans
l'amplitude des vibrations et la force du courant d'air qui

image (St)

Fig. 360.
Nasale finnoise.

fait résonner les cavités nasales. Mais, comme ces deux
données ne nous sont connues que par le moyen d'une

image (St)

Fig. 361.
Nasale d'un parler suédois.

membrane, qui peut être plus ou moins sensible au mouvement
vibratoire et au déplacement de l'air, il faut, avant de
porter un jugement sur le phénomène, faire la part qui
revient à l'intermédiaire. De plus, on ne doit pas oublier
que les deux voies nasales sont rarement identiques : l'une
570des deux peut être plus ou moins obstruée. Il est donc
prudent de ne comparer au point de vue spécial de l'intensité
que les tracés d'une même personne, pris dans des
conditions semblables, c'est-à-dire avec le même tambour,
dans le même temps et par la même narine. La comparaison

image (Ro)

Fig. 362.
Voyelles nasales.

La dépense de l'air nasal est proportionnelle au déplacement de la ligne du nez.

des tracés de diverses personnes a besoin de s'appuyer
sur des expériences supplémentaires qui permettent de
supprimer les chances d'erreur. Quoique ces précautions
n'aient pas été prises, je crois cependant pouvoir citer des
nasales dont l'amplitude m'a étonné au moment même où
je les recueillais. Elles sont d'un finlandais et appartiennent :
l'une au finnois santa « sable » (fig. 360) ; l'autre à un
parler suédois, toma « venir » (fig. 361).

Quant à l'intensité subjective de la nasalité, à l'impression
spéciale qu'un son nasal produit sur notre oreille, la
571mesure est encore à chercher. Remarquons : 1° que l'écoulement
de l'air par le nez est à peu près sans effet acoustique
pour les sourdes p t k f s ɛ, et les sonores non occlusives
v s j l r ; 2° qu'il n'est très nettement senti que joint
aux sonores explosives b d g et aux voyelles ouvertes a è é
œ̀ o
 ; 30 qu'il ne modifie que faiblement les voyelles très
fermées i u u, et que pourtant, dans ce cas, il peut être

image

Fig. 363.

très considérable plus même que pour a è œ̀ nasalisés,
comme le montrent les tracés de ĩ ũ (fig. 320), comparés
avec ceux de ã, , œ (fig. 362) ; 4° qu'il communique à la
consonne une puissance auditive considérable, car, dans
une expérience où b d n'étaient plus distincts à une
distance de 8 mètres, m n n̮ étaient encore parfaitement
entendues à 10 mètres et au delà.

Timbre nasal.

Enfin, il nous reste à poser une dernière question, plus
délicate encore que les autres, celle du timbre. N'y a-t-il
qu'un seul timbre nasal ou y en a-t-il plusieurs ? La difficulté
572de la recherche est accrue par ce fait que les vibrations
recueillies au sortir des narines ne doivent pas être
complètement pures de toute résonance buccale. En effet,
dans deux expériences où j'ai produit le murmure nasal
qui précède l'explosion de m n n̮, en maintenant les lèvres
ou la langue dans les positions articulatoires voulues,
l'oreille d'auditeurs non prévenus sentait des différences

image (B)

Fig. 364.
Voyelles ã et a.

ã a été inscrit : d'abord (B + N) avec le dispositif (fig. 367 moins N′) ; puis N avec le dispositif
(fig. 365).

a a été inscrit avec le même dispositif que ã (B + N), mais N ne servait de rien, le voile
du palais interceptant la sortie de l'air par le nez, au moins en très grande partie.

D. Diapason de 200 v. d.

caractéristiques. L'un, à 10 ou 20 centimètres, distinguait
aisément m ; hésitait entre n et œ ; et confondait constamment
avec i. L'autre, à une distance plus grande, reconnaissait
très bien m et n ; quant à , il l'entendait u. Un
simple avertissement a suffi pour faire cesser toute hésitation.
Malgré cette cause d'erreur, on peut cependant concevoir
l'espérance de trouver dans les tracés du souffle nasal la
caractéristique d'une résonance propre qui se distinguerait
par son amplitude des résonances étrangères.573

Les tambours grands et moyens, même les plus sensibles
(à cuvettes peu profondes et à ouverture centrale), ne m'ont
jusqu'ici rendu que le son fondamental. Seul, mon petit
tambour de 1 cm de diamètre, 2 mm de profondeur, à attache
de levier imitant le manche du marteau, relié uniquement
à une olive nasale, a donné des tracés où se lit clairement
l'octave (fig. 218).

image (R)

Fig. 365.
mam

L'inscription a été faite avec le dispositif (fig. 367 B + K, moins N′).

La partie correspondante à m a été prise dans la partie du tracé qui précède la voyelle.

Peut-on aller plus loin ? Oui, en perfectionnant le mode
d'expérimentation. D'abord, on peut conduire, à l'aide de
deux olives, tout l'air sortant par le nez dans un tambour,
que l'on choisit naturellement le plus sensible. La courbe
obtenue s'enrichit alors de sinuosités plus nombreuses
(voir fig. 370, N). Mais le tracé est d'ordinaire plus expressif
encore, si, au tambour, on substitue l'inscripteur de la
parole à membrane (baudruche, par exemple) selon le dispositif
représenté (fig. 363). On compte sept sinuosités
régulières dans chaque période pour ã (fig. 364, N), autant,
quoique avec plus de peine, mais d'une façon aussi sûre
pour m (fig. 365).

La même expérience renouvelée sur les nasales françaises,
, n, m, ã, , õ, œ̃ (fig. 366), a confirmé ce résultat. De
plus, cet agrandissement, qui est de 11 diamètres, a rendu
574sensible la subdivision de cette septième sinuosité en deux
ou trois plus petites, qui se montrent dans tous les tracés,
particulièrement dans ceux de , de , soit que l'inscription
ait été faite dans de meilleures conditions, soit que la

image Agrt : 11.

(R)

Fig. 366.
Nasales.

Inscrites avec l'appareil (fig. 365). — Le bord supérieur du tracé a été seul conservé dans
l'agrandissement.

D. Diapason de 200 v. d.

composition des sons partiels favorise l'isolement des harmoniques
qu'elle représente.

Nous avons donc la trace évidente d'un septième son composant
(avec son octave ou sa douzième), qui, d'après ce
que nous savons sur la formation du timbre nasillard (p. 19),
semble bien, au moins en ce qui me concerne, répondre à la
575résonance du nez et se dénonce comme la caractéristique
de mes nasales.

Mais allons plus loin. Quelle modification l'harmonique
nasal impose-t-il à la forme de la voyelle pure ? L'expérience

image

Fig. 367.

L'air recueilli par les olives nasales N est conduit dans le courant d'air qui vient de la bouche
B : les deux s'inscrivent ensemble B + N.

Le courant d'air nasal grâce à un embranchement est conduit dans un tambour spécial N′ et
s'inscrit à part. Cet embranchement peut être ajouté ou supprimé à volonté.

à faire est même assez simple. Il suffit de conduire l'air
recueilli par les deux olives dans l'inscripteur de la parole
qui reçoit déjà l'air de la bouche (fig. 367, Net B + N), ou
encore de partager le courant d'air nasal entre l'inscripteur
(B + N) et le tambour (N′). Les tracés que l'on obtient par ce
procédé sont très intéressants. La voyelle nasale se distingue
alors très nettement de la voyelle orale correspondante. La
première a un tracé simple, peu accidenté ; la seconde, une
576courbe plus complexe. Comparez (fig. 364) ã et a (B + N).
D'où vient la différence ? Naturellement de l'addition des
vibrations nasales (même figure, N). L'harmonique que
nous avons déjà isolé fait ici sentir son action d'une manière

image (R)

Fig. 368.
Voyelles françaises : nasales et non-nasales.

Elles sont inscrites avec le double courant d'air (fig. 567, B + N, moins N′).
D. Diapason de 200 v. d.

prépondérante. C'est lui qui a en quelque sorte nivelé le
tracé de l'a pur. La même observation se fait sur la figure 365,
qui représente une partie de la syllabe ma. Les premières
périodes appartiennent à m, les dernières à a : la pureté de
577cet a est mise hors de doute par la comparaison de son
tracé avec celui de la figure 364. Or, entre m et a, il s'est
produit naturellement quelques périodes d'un a nasalisé
(cf. fig. 218). Il y en a deux qui sont parfaitement caractérisées
et de tout point comparables à celles de l'ã (fig. 364).
Les autres voyelles ont des tracés analogues, comme on
en peut juger d'un seul coup d'œil par le tableau (fig. 368),
où sont disposées les unes au-dessous des autres les nasales

image (R)

Fig. 369.
Voyelle nasale recueillie dans le souffle buccal seulement.

françaises avec leurs variétés orales correspondantes, inscrites
successivement par les mêmes appareils. La complication du
tracé est toujours du côté de la voyelle pure ; la simplicité
et la régularité, du côté de la nasale.

Nous obtenons une contre épreuve en inscrivant la
voyelle nasale par la bouche seulement. Alors, la différence
signalée entre celle-ci et la voyelle pure, s'efface, par
exemple, entre ã et l'a de ma (fig. 369), au moins suffisamment
pour appuyer la théorie.

Mais la correspondance des voyelles buccales et nasales
n'est qu'approximative, et l'on peut songer à un moyen
de comparaison préférable à l'inscription successive. Au lieu
d'articuler, l'une après l'autre, les deux variétés de la
voyelle (ã et a, par exemple), il semble meilleur d'isoler
dans la voyelle nasale elle-même ce qui appartient au nez578

image (R)

Fig. 370.
Voyelle ã.

Inscrite simultanément dans le souffle nasal seul N, dans le souffle buccal seul B, dans les deux courants d'air réunis B + N.579

seul, à la bouche seule, et aux deux organes réunis, en joignant
aux appareils déjà accouplés (fig. 367), un nouvel
inscripteur qui ne recevra que le souffle buccal. Le résultat
obtenu nous est montré (fig. 370) pour la voyelle ã. Le
dispositif lui-même est représenté (fig. 371)

image

Fig. 371.

L'air de la bouche (B) se rend seul à l'inscripteur B′ ; il se mélange avec celai du nez (N
et est inscrit en B + N. L'air du nez est inscrit seul par le tambour N′.

Nous retrouvons pour les tracés N, B, B + N les mêmes
caractéristiques que plus haut. Mais là doivent s'arrêter nos
conclusions, car, pour être en droit d'instituer une comparaison
détaillée des divers tracés, il faudrait disposer de
trois appareils inscripteurs identiques, ce qui n'est pas mon
cas. J'interromps donc mes recherches à ce point, n'ayant
580pas le loisir de les pousser davantage, et avec l'espoir de les
reprendre avant longtemps. Mais j'ajoute que, si l'on veut
que chacun des tracés garde bien son individualité, il est
nécessaire de tenir la voyelle aussi peu que possible. Autrement,
tout l'air contenu dans les différentes parties des
appareils vibrerait à l'unisson.

Quoi qu'il en soit, il semble bien que les vues exposées
plus haut soient confirmées, et il est permis de croire
qu'un timbre nasal unique imprime son caractère à tous
les sons pour lesquels un écoulement de l'air se fait par le
nez.

Les diverses formes de la nasalité que nous avons à considérer
sont, on le voit, fort nombreuses, et toutes ont de
l'intérêt pour l'histoire du langage. Cependant très peu
ont une valeur acoustique suffisante pour être utilisée
dans la parole. Ainsi s'explique l'indigence de nos alphabets.
Les Latins n'avaient que deux caractères : m, n. Les
Français ont donné à ces deux signes un double emploi :
ils s'en servent pour désigner les consonnes, et pour compléter
l'expression figurée des voyelles nasales (an, am =
ã ; ain, ein, en, in = , etc.).

Il est clair que nous ne pouvons songer à rendre typographiquement
toutes les nuances (les tracés le font à merveille).
Mais des additions s'imposent. Tout en conservant
m et n, qu'il y aura lieu de préciser à l'aide de signes diacritiques,
on peut prendre, comme symbole général de la
nasalité, le tilde espagnol (˜), qu'on modifierait dans sa
forme (˜) pour marquer une teinte variable de nasalité.
Les degrés intermédiaires seraient notés par des indices.
Enfin la nasalisation partielle serait convenablement indiquée
par un double caractère dont l'un seulement serait
581affecté du tilde. Ainsi, on aurait un a nasal (ã), un a légèrement
nasalisé (ã), un a incomplètement nasalisé ( ou
ãa) ; entre a et ã, on pourrait avoir ã1, ã2, ã2…, etc. De
même pour les consonnes.

Articulations constrictives, mi-occlusives
et occlusives

Cette distinction est fondée sur la nature de l'obstacle
vocal. N'y a-t-il qu'un simple resserrement des parois de
l'organe, l'articulation est constrictive. Y a-t-il, au contraire,
fermeture complète, l'articulation est occlusive. Enfin l'obstacle
est-il constitué de telle sorte qu'il y ait, dans la
région articulatoire, sur un point fermeture légère, sur
l'autre simple rapprochement organique, l'articulation est
mi-occlusive.

Les constrictives ont des formes variées. Ce sont les
voyelles et les consonnes dites continues ou prolongeâmes,
que l'on subdivise en semi-voyelles (w, , y, ç), spirantes
(ĉ h), fricatives (f v, s z, ɛ j), vibrantes (l, r), nasales (m,
n, ). Les anciens réunissaient toutes ces consonnes sous
le nom de semi-voyelles.

Les occlusives, au contraire, composent un groupe bien
défini : p b, t d, k g. On lui donne différents noms qui
tous rappellent l'une des conséquences de l'occlusion :
muettes, instantanées ou momentanées (par opposition aux
continues), plosives, explosives ou implosives (suivant leur
place dans le groupe phonique). Les anciens les appelaient
consonnes.582

Quant aux mi-occlusives, beaucoup les regardent encore
comme des articulations composées et les représentent par
deux lettres (ts dz, tɛ dj…). Ce sont : ŝ, , ĉ̵, ĵ, etc.

Chacune de ces articulations se présente sous deux
formes, suivant que le mouvement de constriction ou
d'occlusion est énergique ou faible. C'est ainsi que nous
obtenons les voyelles tendues ou relâchées et les consonnes
fortes (f s ɛ…, p t k) ou douces (v z j…, b d z).

En outre, l'obstacle vocal peut être constitué de deux
manières : ou bien il est ferme et limité au seul point articulatoire,
ou bien il est mou, diffus, de façon à toujours
intéresser la voûte palatine.

Ainsi prennent naissance deux nouvelles variétés d'articulations :
les dures (l, n, s z, c j…, t d, k g…), et les
articulations mouillées, dites aussi palatalisées (, , s̮ z̮, ɛ
 ; t̮ d̮, , etc.).

Voilà bien des variétés à noter en dehors même de toute
considération portant sur la place même où se forme l'obstacle
vocal, et nous ne pouvons pas encore les concevoir
toutes. C'est à en donner une idée, comme à en marquer
les rapports, que je vais m'appliquer. Cette étude n'est pas
simplement théorique et seulement utile pour l'histoire
des évolutions phonétiques ; elle emprunte un grand intérêt
pratique à ce fait que chacune des formes de la constriction
et de l'occlusion engendre des nuances de sons très
appréciables à l'oreille et utilisables dans la parole.

Les divers degrés de fermeture servent à différencier les
voyelles comme les consonnes. En conséquence nous avons
des voyelles plus ou moins ouvertes ou fermées. Mais comme
ces distinctions forment la base principale sur laquelle
repose la classification des voyelles, je m'abstiendrai d'en
583parler ici, et je n'aurai en vue dans ce qui va suivre que
les seules consonnes.

Les constrictives, les mi-occlusives et les occlusives se
distinguent nettement sur les simples tracés du souffle.
Comparer, par exemple, les figures 122-127, 150-154,
201, 202, 207, 214-117, 221 B, 223, 226, 227, etc., 238,
240, 242, 249, 257-266, 281, 284-289, 315, 316, 339, etc.
Dans l'occlusive, l'émission de l'air se fait brusquement ; c'est
une sorte d'explosion qui se traduit sur la ligne par une
déviation subite dans le sens de la verticale (type, fig. 127).
Pour la constrictive, la sortie de l'air se fait lentement et
croît ou diminue d'une façon progressive : le tracé prend
des formes arrondies et onduleuses (type, fig. 124). La
mi-occlusive est émise mollement et tient le milieu par son
tracé entre les deux autres classes, plus près de la première
(type, fig. 412).

Pour obtenir du souffle une ligne qui marque bien la
forme de l'obstacle propre à chaque catégorie d'articulations,
il est nécessaire d'avoir un tambour à membrane assez
élastique et de tenir l'embouchure convenablement appliquée
sur les lèvres (p. 132). En effet, la résistance qu'oppose
une membrane trop rigide et l'accumulation de l'air dans
le tambour déforment le tracé (fig. 144) ; d'autre part, si
l'air est recueilli d'une façon insuffisante, le tracé de la consonne
peut à peu près disparaître (fig. 265, dernière rangée).

Quand l'expérience est bien faite, la seule ligne de la
colonne d'air suffit pour renseigner sur certains degrés de
constriction et d'occlusion. C'est ainsi que l'on peut voir
que des occlusives tendent à devenir spirantes et que des
constrictives ont une sorte d'explosion qui les rapprochent
des occlusives.584

image (S)

Fig. 372.
z explosif en tchèque.

N. Nez. — B. Bouche.

image (S)

Fig. 373.
y explosif en tchèque.

image (S)

Fig. 374.
v explosif en tchèque.

B. Bouche. — L. Lèvres.
L'ouverture des lèvres est suivie d'une sortie brusque de l'air par la bouche.585

Par exemple, le p de poderi (fig. 267) nous apparaît
comme spirant à côté de celui de pena (fig. 266) ; de même
le g de gente (fig. 269) et celui de dugente (fig. 270) comparés
au t de la dernière syllabe.

image (S)

Fig. 375.
l explosive en tchèque.

B. Bouche. — L. Langue.
La détente de la langue est suivie d'une petite explosion.

D'autre part, des constrictives peuvent s'accompagner,
au début ou à la fin, d'un jet d'air qui ressemble à une
explosion comme ll dans pulli, et l dans Babila (fig. 262,
2 et 3). Ce caractère est très accusé dans aɛa (fig. 217),
grâce à l'élasticité du tambour inscripteur du souffle, et à
la force de l'articulation.

Il y a donc des constrictives qui peuvent être dites explosives.
M. Schlumsky en a recueilli beaucoup d'exemples en
tchèque, entre autres : z dans za (fig. 372), y dans ya
586(fig. 373), où la ligne de la bouche est contrôlée par celle
du nez, v dans va (fig. 374) et l dans la (fig. 375), où le
mécanisme de ces constrictives explosives nous est clairement
indiqué. Nous pouvons en effet reconnaître, dans
la ligne des lèvres pour v, dans celle de la langue pour l, la
force de constriction qui produit un léger mouvement
explosif : l'air est en partie retenu par l'obstacle et il éclate
dès que celui-ci est écarté.

image

Fig. 376.
y occlusif.

Landais (Be). — 2. Irlandais (W).

La partie ombrée a été touchée par la langue.

Même, la fermeture peut être complète. J'en ai rencontré
un exemple pour y en landais (fig. 376, 1) et un autre en
irlandais (2).

Ces sortes de constrictives sont d'un grand intérêt pour
l'histoire des évolutions phonétiques, et leur constatation
permet de comprendre certains changements et de faire
disparaître certaines anomalies difficiles à expliquer. C'est
un y explosif dans ie après une consonne, qui est devenu
lye ou l̮e : en russe (zemĕzemye « terre », d'où novaia
zĕml̮a
« Nouvelle-Zemble »), en macédonien (ferrum,
flyer), au sud-ouest du Poitou (chantiyan, ɛãtil̮ã « chantaient »).
Ce sont deux y, l'un explosif et l'autre non, qui
ont eu dans les langues romanes un double traitement :
587l'un se conservant isolé et évoluant pour son propre
compte ; l'autre mouillant la consonne précédente (voir
pour les exemples la Grammaire des langues romanes, de
Meyer-Lübke, I, p. 452 et suiv.).

image (P)

(Burguet)

Fig. 377.
Position des lèvres pour p b m, en parisien.

On sent dans la figure que la pression des lèvres diminue de p à b et de b à m.

Différences de force dans la constriction et dans l'occlusion :

Constatons d'abord celles qui caractérisent les diverses
classes : fortes, douces, nasales, aspirées. Toutes répondent
à des degrés de force qui deviennent évidents dès qu'on
fixe le mouvement articulatoire, soit au moyen de la photographie,
soit sur un palais artificiel, soit à l'aide d'une
ampoule placée au point même d'articulation et d'un tambour.588

image (P)

(Burguet)

Fig. 378.
Position des lèvres pour ɛ j en parisien.

image (P)

(Burguet)

Fig. 379.
Position de la langue pour k g en parisien.

On devine que l'articulation est moins forte pour k que pour g.589

La photographie de la bouche et des lèvres mises en
position pour articuler les divers sons montre très bien
dans certains cas, et, dans d'autres, fait suffisamment sentir
les différences même délicates de fermeture. Comparez,
par exemple : p b m (fig. 377), ɛ j (fig. 378) et k g (fig. 379)
que j'emprunte au petit traité de prononciation française
de M. Burguet.

Le palais artificiel donne des renseignements précieux,
mais il faut savoir les interpréter. Quelquefois l'énergie
du contact se voit ou seulement se devine par la plus ou
moins grande rapidité avec laquelle la tache faite par la
langue s'efface. D'ordinaire, on n'obtient, pour la comparaison
de deux articulations, que cette seule donnée : la
région de contact augmente ou diminue. Or, il est des
cas où deux interprétations sont possibles, et toutes les
deux contradictoires : c'est quand le changement est peu
considérable. Lorsqu'on fait varier la force de l'articulation,
la zone de contact varie en proportion, augmentant pour
les fortes et diminuant pour les faibles. Mais on n'a pas
oublié qu'un muscle perd du volume quand il se contracte,
qu'il en gagne quand il se détend. Un agrandissement de
la zone de contact peut donc correspondre à une mouillure,
c'est-à-dire à un affaiblissement de l'obstacle vocal, et non
à une augmentation de la force de l'articulation. De même,
une diminution de la zone de contact peut être l'indice
d'un excès de contraction et non d'un affaiblissement.
Toutefois, je me hâte de le dire, il est rare que l'expérimentateur
soit laissé dans l'indécision sur le vrai sens des
tracés qu'il a sous les yeux. Mais il n'a peut-être pas été
inutile de l'avertir. La première précaution à prendre,
c'est de ne comparer entre elles que des articulations produites
avec des degrés de force concordants et dans des
590conditions analogues. On se gardera, par exemple, de rapprocher
un p fort d'un b faible, et réciproquement.

Le relevé des tracés exige aussi quelques précautions
pour être bien fait, surtout quand les différences sont peu
sensibles. Les nouvelles recherches auxquelles je viens de
me livrer m'ont conduit à quelques légères améliorations
dont je vais profiter dès maintenant. J'ai percé mon palais

image

Fig. 380.
Différence de pression de la langue contre le palais pour les dentales.

1. Parisien (A). — 2. Rosse (O). — 3. Grec de Pyrghi dans l'île de Chio (Ts). Exploration
faite sur place par M. Pernod.

La partie ombrée de la figure est le lieu d'articulation de l'n. — Pour (3), l'occlusion
s'achève contre les dents.

La ligne (2) limite l'articulation du d, et la ligne (1) celle du t.

artificiel de trous de façon à le diviser en petits compartiments
faciles à reconnaître ; puis j'ai opéré le transport de
ces trous sur le papier en posant l'appareil à plat et en
répandant au-dessus une pluie de poudre de minium. J'obtiens
ainsi une projection très exacte des points de repère
et un contour tout à fait correct. Un décalque fait sur
papier transparent me permet de prendre le dessin renversé,
comme auparavant (p. 59). Il suffit ensuite de le retourner
pour avoir à l'envers une image directe représentant la
voûte palatine orientée suivant sa position réelle. C'est
ainsi que je la représenterai désormais.591

Ces précautions prises, on constate sans aucune peine
que les dentales peuvent se classer d'après leur différence

image

Fig. 381.
Différence de pression de la langue contre le palais pour s z, ɛ j.

I Russe (O) : sa za. — 2. Parisien (B) : ɛa ja. — ;. Parisien (B) : sa za. — 4. Pyrghi (Ts) :

La partie ombrée répond à la douce : za ou ja. — La ligne pleine limite sa ou ɛa.

image

Fig. 382.
Différence de pression de la langue contre le palais pour les gutturales.

1. Bournois (Ro). — 2. Angoumois (R). — 5. Aveyron (Ri). — 4. Auvergne (D). 5. —
Paris (A) 6. Pyrghi (Ts). — 7. Bretagne française (Po). — 8. Russe (O).

La partie ombrée répond à ga. La ligne, soit intérieure, soit extérieure, limite ka.
— (4), il n'y qu'un seul tracé pour ka et pour ga.
— (7), la ligne pleine intérieure limite ki ; la pointillée placée au-dessus, gi.

de pression dans l'ordre suivant : t d n (fig. 380). Il faut
quelque attention pour distinguer s et z, ɛ et j (fig. 381),
592mais on y parvient. C'est que tout le mouvement de constriction
n'est pas accompli par la langue seule : comparez la
position des lèvres pour ɛ j (fig. 378). Quant à k g, je
trouve dans mes tracés deux formes divergentes : tantôt
le palais est moins touché pour g (fig. 382, 1, 2, 3), tantôt,
au contraire, il est touché davantage (5-8). Mais, dans
les deux cas, la conclusion doit être la même : le g est une
douce. La différence de forme tient seulement à une différence
dans le point d'articulation. M. Josselyn a rencontré
les deux types en Italie : le premier à Terni, le second à
Sienne. Une troisième forme est commune pour k et pour
g. Peut-être n'est-elle qu'apparente et disparaîtrait-elle
dans une expérimentation plus précise.

La photographie et le palais artificiel présentent des
résultats expressifs dans leur simplicité. Mais les appareils
enregistreurs, en rendant possibles les inscriptions simultanées
de plusieurs points de l'organisme, nous fournissent
des données bien plus complètes. Ils nous ont montré
(fig. 133, 135, 137, 139, 144) la différence de fermeture
qui existe entre la forte et la douce ; il nous permettent
d'aller plus loin encore et de pénétrer la raison de cette
différence.

Celle-ci apparaît très clairement dans une expérience
faite pour un autre objet avec un Russe, M. Vandacouroff.
L'inscription comprenait le souffle (B), le larynx (La) et les
mouvements articulatoires, soit de la langue (L), soit des
des lèvres (Lè). Or, dans huit tracés successifs de la syllabe
ba, des variantes se remarquent pour la pression des
lèvres, pour l'amplitude et le nombre des vibrations laryngiennes.
Et ces deux faits sont corrélatifs : faible pression,
vibrations du larynx amples et nombreuses (fig. 383, A),
593forte pression, vibrations de beaucoup diminuées (B).
Même constatation pour da (fig. 384).

C'est le cas de rappeler que le z et le j, en devenant forts,
perdent des vibrations du larynx (fig. 275 et 276).

image (V)

Fig. 383.
Comparaison de l'activité laryngienne et de la force de l'articulation labiale.

B. Souffle de la bouche. — La. Larynx. — Lè. Lèvres.
A. Articulation faible. — B. Articulation énergique.

Quant à la différence d'occlusion qui existe entre les
aspirées et les fortes ou les douces, les expériences ne sont
pas moins probantes M. Vandacouroff a enregistré des
pa avec une force expiratoire variable, de telle sorte que nous
rencontrons des aspirés à côté de p forts, reconnaissables à
la durée de l'explosion sourde. Eh bien ! aux premières
formes correspondent des occlusions très faibles (fig. 385,
A), aux secondes des occlusions plus énergiques (B).
Comparés aux tracés de ba, ceux de pʽa montrent
que l'occlusion des aspirées est encore plus faible que celle
des douces.594

image (V)

Fig. 384.
Comparaison de l'activité laryngienne et de la force de l'articulation linguale.

B. Souffle de la bouche. — La. Larynx. — L. Langue.
A. Articulation faible. — B. Articulation énergique.

On remarquera que, pendant l'occlusion de (A), la pression linguale a été en diminuant, et
que proportionnellement l'amplitude des vibrations laryngiennes a été en augmentant.

image (V)

Fig. 385.
Comparaison de l'activité du larynx et de l'articulation.

B. Souffle de la bouche. — La. Larynx. — Lè. Lèvres.

A. Aspirée. — B. Forte.

Le p de (A) est réellement aspiré. Comparez (A et B), le tracé de l'air sourd chassé par
l'explosion : il est compris entre les deux lignes pointillées.595

M. Vandacouroff ne nous apprend rien pour le et surtout
pour le qui ne se présentent pas d'une façon nette
dans sa prononciation, du moins telle qu'il l'a inscrite ;
mais la conclusion ne saurait être différente.

C'est en effet ce dont semblent donner la preuve les
tracés empruntés à d'autres langues. Nous avons vu
(fig. 261) que la forte galloise est aspirée et la douce absolument

image

Fig. 386.
Comparaison du et du d.

1. Gallois (J). — 2. Danois (Sc). — 3. Arménien (N) — 4. Anglais (M).
La partie ombrée représente le  ; le pointillé placé au-dessous limite le d.
Le 3e pointillé (5) limite le t.

sonore. Or le t, contrairement à ce qui se passe en
français, possède sur le palais artificiel une région d'articulation
moins étendue que le d, ce qui doit s'interpréter ici
par une moindre énergie linguale (fig. 386).

Il faut comprendre de même, je pense, les tracés de t et
de d danois (2), ou anglais (4).

L'arménien offre l'avantage, précieux pour notre étude,
de posséder les trois sortes de consonnes : aspirées, fortes et
douces. Or M. Adjarian, dont on peut contrôler les aspirées
(fig. 263, C) et qui reproduit pour t le type de Nouxa
(fig. 265, N), pour d celui de Choucha (fig. 264, Ch.), m'a
fourni en même temps quelques tracés de son palais
596artificiel. On y voit que les dentales s'échelonnent ainsi
suivant la force de l'articulation : forte, douce, aspirée. Ces
documents sont confirmés par de plus nouveaux, que je
viens de recueillir, tout exprès pour achever de résoudre
la question, grâce au concours d'un autre Arménien,
M. Nahapetian, de Kars. Or, les régions de contact sur son

image (N)

Fig. 387.
Pression de la langue pour les dentales en arménien.
(Ampoule exploratrice.)

La ligne pointillée sert de terme fixe de comparaison.

palais artificiel (fig. 386, 3) sont les mêmes que sur celui de
M. Adjarian. En outre, les tracés du mouvement organique,
pris avec une ampoule et un tambour très sensibles, se
montrent concordants.

Comparez t, d, (fig. 387), k, g, (fig. 388), ŝ, , ŝʽ
(fig. 389). Les labiales présentent une interversion : le b
est moins fort que le , soit p, , b (fig. 390). Nous avons
de même ĉ̵, ĉ̵ʽ ĵ (fig. 391).

Dans les expériences de la nature de celles-ci, où il s'agit
de différences délicates et variables, on fait sagement
597d'inscrire les articulations à comparer chacune plusieurs
fois de suite, pendant toute la révolution du cylindre, et
sans déplacer le chariot. De la sorte, tous les tracés sont
bien à la même place et les articulations se trouvent avoir

image (N)

Fig. 388.
Pression de la langue pour les gutturales en arménien.

image (N)

Fig. 389.
Pression de la langue pour les mi-occlusives en arménien.

été produites, dans des conditions analogues. La seule difficulté,
c'est de se reconnaître dans les lignes qui s'enchevêtrent.
On y arrive avec un peu d'attention.

Si donc, négligeant les variétés intermédiaires et les consonnes
doubles (voir p. 348-358), nous entreprenions de
598classer les constrictives et les occlusives suivant l'énergie
organique qui détermine la fermeture partielle ou complète

image (N)

Fig. 390.
Pression des lèvres pour les labiales en arménien.
(Ampoule exploratrice.)

image (N)

Fig. 391.
Pression de la langue pour les mi-occlusives en arménien.

du tube vocal, il conviendrait de mettre en tête les fortes,
puis viendraient en général les douces, enfin les aspirées.

C'est à peu près dans cet ordre, du reste, que se succèdent
les étapes de l'évolution qui entraîne directement les occlusives
599dans la classe des constrictives, ou inversement. Ainsi
s'explique le changement de p en b puis en v (saponem,
sabon, savon), celui de k en ĉ, en y, puis en i et en è (factum,
faĉtu, fait, ) ; ou encore celui de w en g dur (werra,
guerre). Il y a eu, par des degrés insensibles dont quelques-uns
seulement sont marqués dans l'écriture : pour les deux

image (Ba)

Fig. 392.
Pression labiale pour une consonne initiale et une intervocalique en arménien.

B. Souffle de la bouche. — La. Larynx. — Lè. Lèvres.

premiers cas, diminution progressive de la fermeture ; pour
le troisième, excès dans le mouvement d'élévation de la
racine de la langue vers le palais jusqu'à l'occlusion complète.
On se rappelle aussi que, parmi les occlusives de
l'ancien grec, les fortes se sont maintenues, tandis que les
douces et les aspirées sont devenues spirantes.

La comparaison de diverses langues entre elles amène à
constater des degrés dans les mêmes ordres. Par exemple,
les douces allemandes sont plus fortes que les douces françaises,
comme nous aurons l'occasion de le redire plus loin.600

Aux divers degrés de constriction et d'occlusion qui
résultent de la nature des consonnes, il faut ajouter les
nombreuses variétés auxquelles une même consonne est
soumise en raison de sa place dans le mot ou dans la
phrase. Il suffira de citer deux exemples que je prends dans
le chaldéen d'Ourmiah. Ils montrent la différence qu'il y

image (Ba)

Fig. 393.
Pression linguale pour une consonne à l'initiale et après une autre
consonne en chaldéen.

B. Souffle de la bouche. — La. Larynx (la capsule avait été placée par distraction sur un
gros col). — L. Langue.

a au point de vue de l'occlusion pour un b et un d considérés
à l'initiale, dans une syllabe accentuée, et après la
tonique : bāba « père » (fig. 392) et dārdi « maux »
(fig. 393)

Degrés de dureté, de mollesse, de mouillure.

Ces trois états dépendent du degré de tension du muscle
qui opère la constriction ou l'occlusion. Ils se reconnaissent
sans peine, sur le palais artificiel, aux dimensions que présente
601la région de contact. En dehors des cas où le mouvement
articulatoire est exagéré, l'extension du contact concorde
avec un relâchement de l'organe. Le son, dur et sec quand
le muscle s'est raidi, s'amollit et se mouille à mesure que
celui-ci se détend. Il est vrai que l'oreille n'est réellement

image

Fig. 394.
Articulation du t.

1. Landes (Be). — 2. Franche-Comté (Ro). — 5. Liège (G). — 4. Russe (O). — 5.Breton
(L). — 6. Anjon ( ). — 7. Posen (H). — 8. Angoumois (R) ; le pointillé limite un t très
fort.

frappée que par les positions extrêmes. Mais combien d'intermédiaires
entre les deux ! Il suffit, pour s'en faire une
idée, de comparer les traces que laisse sur le palais artificiel
une même articulation, t, par exemple (fig. 394), dans
divers dialectes ou diverses langues. Quelles différences
entre ces huit articulations et combien d'autres variétés
elles laissent supposer !602

Quoique, au point de vue acoustique, ces variantes n'aient
aucun intérêt, puisque personne ne les remarque, elles ont
cependant une grande importance au point de vue phonétique,
car elles nous montrent soit l'assibilation, soit la.
mouillure en train de se préparer. Le t de la Franche-Comté
tend visiblement vers (th dur anglais). Au contraire,
le t de l'Angoumois, de l'Anjou et de la Bretagne est bien
près d'être mouillé.

La mouillure présente un vaste champ d'étude dans les
parlers populaires de la France, depuis ses premiers débuts
jusqu'à ses étapes les plus reculées. Cependant les commencements
du phénomène s'observent mieux en irlandais et
surtout en russe. C'est dans cette dernière langue qu'il convient
de les étudier tout d'abord. Je possède sur ce sujet des
documents pris avec beaucoup de soin par un excellent élève,
M. Oussof, qui me donnait les meilleures espérances et dont
j'ai la douleur d'apprendre la mort au moment même où
le cours de ce travail me fait revivre quelques jours avec
lui : les souvenirs d'une collaboration aussi aimable que
dévouée se pressent dans ma mémoire et m'étreignent le
cœur.

Le russe a cet avantage de nous offrir un système complet
d'articulations mouillées. Non seulement les gutturales,
les dentales, l et n, se sont mouillées comme dans nos
parlers français, mais encore les labiales, et ce sont celles-ci
qui nous présentent le phénomène dans sa plus grande
netteté.

Une consonne mouillée, au début de son évolution,
pour une oreille peu exercée, et même à une étape déjà
avancée, comme l'n mouillée française, pour une oreille
tout à fait novice, ressemble à un son composé de la consonne
603et d'un y. Ainsi pour un Parisien, sonne ly ; pour la
plupart des linguistes français, = ky ; pour un Allemand,
= ny. Il importe donc d'abord d'établir la réalité de la
mouillure et de montrer la différence qui existe entre une

image (O)

Fig. 395.
Labiales et r mouillées en russe, comparées aux mêmes
consonnes combinées avec y.

2-8, la partie ombrée représente la consonne mouillée ; le pointillé limite la consonne + y
(l'occlusion sur le palais n'est jamais complète).

2 et 3, les rayures indiquent des points qui ont été légèrement touchés par la langue.

8. — (I) r ; (2), ry.

consonne mouillée et la même consonne suivie d'un y. Je
l'ai déjà fait pour , dans le parler de Cellefrouin 1234, pour
, g en parisien 2235. M. Dauzat l'a recommencé pour , g, ,
en auvergnat 3236. Mais la démonstration est plus claire
604encore pour les labiales russes. L'articulation dure n'intéressant
pas le palais, il est aisé de reconnaître le y dans
chacune des combinaisons où il figure, modifié sans doute,
mais toujours parfaitement net et distinct de la consonne
mouillée. Comparez (fig. 395) le y isolé (1) ou joint à p
(2), b (3), f (4), v (5), avec p, b, f, v mouillés, et la différence
apparaîtra d'elle-même. On sent fort bien, d'après

image (Tch)

Fig. 396.
Comparaison de b dur et de b mouillé en russe.

Lè. Lèvres (ampoule mince et dure). — L. Larynx (ampoule derrière les dents).
A ba (b dur). — B ba (b mouillé).

les tracés, le mécanisme propre de la consonne mouillée :
en même temps que l'organe articulateur se met en position,
la langue se rapproche du palais qu'elle touche plus
ou moins en raison de l'écartement des mâchoires : plus
pour p, moins pour v. Les variétés elles-mêmes (et elles
sont assez considérables) se marquent très bien.

Rapprochez v mouillés (5 et 6), f mouillées (4 et 7), qui
attestent des degrés sensibles dans la mouillure.

Les tracés du mouvement des lèvres révèlent un contact
plus étendu ; mais la différence est surtout dans l'élévation
605de la langue derrière les dents, par exemple dans b
dur et b mouillé (fig. 396).

image (Tch)

Fig. 397.
Mouvements de la langue derrière les dents (ampoule).

A, dans (r dure) ; B, dans (r mouillée).

L'r mouillée (fig. 395, 8) nous introduit dans la catégorie
des consonnes où la langue accomplit, à elle seule,

image (Tch)

Fig. 398.
Mouvements de la langue au milieu du palais (ampoule).

A, (r dure) ; B (r mouillée).

et l'articulation et la mouillure. La façon dont elle s'applique
sur le palais se comprend sans peine, et se distingue
nettement aussi de celle qui est usitée pour le y.606

Les tracés de l'r mouillée comparés à ceux de l'r dure
nous montrent très bien comment, dans la mouillure, la
langue recule vers le centre du palais. Ainsi, dans des
expériences faites avec une ampoule exploratrice, nous
voyons clairement : I° que la pointe de la langue se porte

image

Fig. 399.
Comparaison des gutturales et des dentales mouillées, avec les dures seules ou
combinées avec y.

La partie ombrée représente la mouillure.

1. k̮a en parisien (A) — (1), ka ; (2), kya. 5. k̮i en auvergnat (D) — (1), ki ; (2), kyi.

2. ga en parisien (A) — (1), ga ; (2), gya. 6. gi en auvergnat (D) — (1), gi ; (2), gyi.

3. k̮œ en normand (B) — (2), gyœ. 7. t̮u en auvergnat (D) — (1), tu ; (2), tyu.

4. t̮a en landais (Be) — (1), ta ; (2), tya. 8. t̮i à Elymbi, île de Chio (Ph.) — (1), ti.

derrière les dents, d'une manière brusque pour l'r dure
(fig. 397, A), mollement pour l'r mouillée (B) ; 2° que, au
contraire, le dos de la langue reste éloigné du palais pour
r dure (fig. 398, A), et s'en rapproche considérablement
pour r mouillée (B).607

La mouillure des occlusives gutturales et dentales et la
distinction de , t̮ d̮ d'une part avec k g, t d, et
d'autre part avec ky dy, ty dy sont très marquées dans le
parisien vulgaire (fig. 399, 1-2) dans le normand (3), dans
le landais (4), dans l'auvergnat (5-7), dans un dialecte de
Chio (8) recueilli sur place par M. Pernod.

image (W)

Fig. 400.
Consonnes dures et consonnes mouillées en irlandais.

La partie ombrée représente la mouillure.

La ligne pleine limite la consonne dure.

1. et k. — 2. et g. — 3. et t. — 4. et d.

Les gutturales et les dentales mouillées font partie d'un
système très régulier en irlandais, où la qualité de la consonne
est déterminée par celle de la voyelle contiguë. Soit,
par exemple : loc (lok) « bergerie » et pic (pik̮) « poix »
(fig. 400, 1), go (préfixe adverbial) et geadh () « oie » (2),
(tāĉ) « il est » et teach (āĉ) « maison » (3), damsa
« à moi » et a d-tigh (ăd̮ī) « leur maison » (4).

En russe, la mouillure des occlusives gutturales et dentales
est moins avancée (fig. 401). Elle l'est davantage en
hongrois (fig. 402) ; plus encore dans la Bretagne française :
« tiens bon ! » (fig. 402, 4).

La mouillure de l'n est très bien sentie par tous les
Français ; mais elle se présente avec des variétés beaucoup
608plus nombreuses qu'on ne croit. En voici quelques-unes
(fig. 403) empruntées à diverses régions (Angoumois,
1 ; Paris, 2-5 ; Portugal, 6 ; Russie, 7 ; Irlande, 8). Sans

image (O)

Fig. 401.
Gutturales et dentales mouillées ou combinées avec y en russe.

La partie ombrée représente la consonne mouillée.

1. k̮a. — 2. a. Les deux lignes pointillées limitent respectivement kya (1), et gya (2).
3. t̮a. — La ligne pleine limite tya ; la pointillée (1), ta.

image

Fig. 402.
Dentales mouillées.

La partie ombrée représente la consonne mouillée.

1-3. en hongrois (Sch) — Trois variantes —. Le pointillé (1) marqué le d dur.
4. dans le français des Bretons (L).

tenir compte des changements d'articulation qui nous
occuperont plus tard, on est frappé des variantes qu'offre
le mouvement occlusif, et de sa tendance à se relâcher.

Nous avons un exemple de n gutturale mouillée
(fig. 403, 5). C'est à ce type qu'appartiennent les n
mouillées recueillies par M. Pernot dans deux villages de
Chio.

image

Fig. 403.
n mouillée.

1. en angoumoisin (R) ; (1) limite n ; (2), ny. — 2. n̮œ en parisien (C). — 3. n̮i, n̮ó
en parisien (C) ; la ligne en pointillé limite n̮u ; celle en croisillé, n̮a ; le tracé qui contourne
les alvéoles, na (C). — 4. en parisien (D) ; les pointillés concentriques de la partie
antérieure du palais indiquent différents points qui n'ont pas été touchés suivant la nature
des voyelles associées à . — 5. en parisien (A). — 6. en portugais (Va). — 7.
en russe (O) ; l'n est indiquée en pointillé. — 8. en irlandais ; l'n est marquée
par la ligne intérieure (W).

L'l mouillée n'est plus connue à Paris et elle est en
train de disparaître de la France. Elle est analogue à l'n
mouillée, et ne présente pas moins de variantes. Comparez
(fig. 404) des d'Auvergne (1), de Portugal (2), de
Hongrie (3), de Russie (4), et (fig. 405) diverses variétés
de l'île de Chio (5-8).610

Reste à établir la mouillure de s z et de ɛ j. Les tracés distinguent
ces consonnes quand elles sont mouillées et quand
elles sont dures : en rouergat (fig. 406), 1), en auvergnat
(2-5), en irlandais(6) — « lui » opposé à ségh « félicité » —,

image

Fig. 404.
l mouillée. (Partie ombrée.)

1. en auvergnat (D) ; l est limitée par la ligne (1) à partir des dents ; ly, par le pointillé
inférieur. — 2. en portugais (Va). — 3. hongroise (S). — 4. russe (O) ; l'l est comprise
entre les deux lignes (1) et (1′).

image (Pernot)

Fig. 405.
l mouillée à Chio.

1. de Pyrghi (Ts) ; (1), l ; (2) et (3) de pal̮a̦. — 2. de Mesta (Z). — 3. dans
pul̮a̦ (Z).— 4. dans pul̮l̮i (Z).

en russe (7, 8). La forme même de la région du contact,
le système consonantique de l'irlandais et du russe
portent bien à croire qu'il s'agit ici réellement de consonnes
mouillées et non de combinaisons avec y. De plus,
611en russe, sy donne un tracé très voisin de celui de s, et ɛ
se distingue clairement de y (8). J'avoue que je suis
convaincu, et pourtant, je dois le reconnaître, je n'ai pas
une preuve palpable de la mouillure pour ces consonnes
comme pour les autres.

image

Fig. 406.
ɛ j, s z mouillés.

1. Rouergat (Ri). — 2-5. Auvergnat (D). — 6. Irlandais (W). — 7-8. Russe (O).

1.  ; pointillé (1) jy ; (2), y ; (5), j. — 2 ɛ̮ ; pointillé, ɛ. — 3.  ; pointillé, j. — 4.
pointillé, s. — 5.  ; pointillé, z. — 6.  ; pour s dure, la langue n'a touché que d'un côté suivant
la ligne pleine.

7. et (ils ne sont pas distingués dans le tracé) pointillé, s z. — 8. ɛ ; la ligne pleine
intérieure limite le  ; la pointillée, y.

Les degrés de mouillure sont nombreux. Ils correspondent
à l'étendue de la région de contact marquée sur le palais
artificiel, et l'on a pu constater combien celle-ci est variable.
Une consonne qui se mouille est une consonne dont le
point d'articulation tend à se porter vers le centre de la
voûte palatine, par conséquent la dentale se déplace en
612arrière, et la gutturale se porte vers les dents, si bien
qu'elles peuvent se croiser sur le chemin de l'évolution et
se substituer les unes aux autres. Ce mouvement est facile
à suivre. Par exemple (fig. 403) nous avons une n mouillée
tout à fait dentale (2, 6-8), la pointe de la langue touchant
les alvéoles ; une autre, qui l'est moins (1), le dos de la
langue s'étant portée en arrière, et la pointe ayant pris son
point d'appui derrière les dents d'en bas ; une troisième
tout à fait gutturale (5), le dos de la langue seul ayant touché
le palais dans la région du g. Nous ne pouvons pas
suivre plus loin l'évolution. Mais le et le t̮ d̮ nous en présentent
une plus complète (fig. 407). Nous voyons d'abord
un en marche pour quitter la région des gutturales
(pakè (1), sẽk̮èm (2) dans le parisien vulgaire, k̮ĕ « cuit »
(3) à Saint-Benoît-des-Ondes) et un qui est en train d'y
entrer (a tigh ă t̮ḗ « sa maison », et tig -t̮i- « viens » (4) en
irlandais). — Rapprochons-en « tiens bon ! » (fig. 402)
qui est déjà presque un .

Dans cette marche convergente, il doit arriver un
moment où l'oreille, déroutée, ne sait plus distinguer, au
milieu de la mouillure, l'élément guttural ou dental. C'est
en effet ce qui a lieu. Et même le sens musculaire est impuissant
à compléter les impressions de l'oreille. Aussi voyons-nous
non seulement les auditeurs, mais encore les sujets
parlants eux-mêmes incapables de décider entre un k et un t,
un g et un d. Ainsi un habitant de Roussay, con de Montfaucon
(Maine-et-Loire), ne sait s'il dit anguille ou andille. Il écrira
anguille, guidé par l'orthographe savante. Mais, si un équivalent
français ne vient pas à son aide, il mettra au hasard
soit t ou d, soit k ou g. Dans son glossaire, encore inédit,
du patois angevin, M. Onillon insère les deux formes :
tutille et tuquille « tâtillon », tuiler et cuiler, tie et quie
613(d'un fuseau), dire et guire. M. Roussey, dans son glossaire
de Bournois, ne sait pas non plus ce que sont en réalité les
consonnes qu'il représente par gdy, kty, et il rend par la même
graphie les produits de dy et de gdy (gdyḕt « diète » et gdyes
« glace ») de ou ty et de ky (ktẅà « tuer » et ktya « clef »).

image

Fig. 407.
Échange des gutturales et des dentales mouillées.

1-3. tendant vers  : (1. 2. Paris (B) ; 3, Ile-et-Vilaine (N).

4. tendant vers en irlandais (W).

5. devenu à Cancale (Ch) : la partie ombrée représente tuer ; (1) limite k̮u ; le pointillé
circonscrit la région du contact de t.

6. devenu en angevin (g) : la partie ombrée représente t̮œ ; la pointillée inférieure
limite t̮i et la ligne pleine supérieure, ta. Le k serait figuré par un tracé inverse suivant le
pointillé (1)

7. t de Bournois (Ro) ; (1), gd. — 8.  ; (1), ky de Bournois (Ro).

Un jour, à Cancale, j'eus à décider une question de ce
genre. Il s'agissait du mot tuer, dans lequel le t a été mouillé.
Mais est-il resté ou est-il passé à  ? L'assistance était nombreuse.
Trois ou quatre des personnes présentes avaient fait
des études. Les avis étaient partagés, et moi-même je n'osais
614me prononcer. J'eus alors recours au seul moyen que j'avais
à mon service, le palais artificiel. Le temps de faire bouillir
de l'eau, de ramollir du godiva, de mouler la voûte palatine,
d'estamper une feuille d'étain, de prendre trois tracés,
c'est-à-dire moins de 20 minutes, c'est tout ce qu'il me
fallut pour obtenir une réponse définitive, à l'abri de toute
discussion. J'avais fait articuler la syllabe k̮u (5) puis tu,
ensuite le mot qui était l'objet du litige, tuer. L'ancien t a
disparu. Nous avons un son nouveau, un , puisque le
tracé de tuer coïncide presque avec celui de k̮u qui est bien
celui d'une gutturale.

Pour l'articulation angevine, j'ai comparé le mot issu de
ecce-illum, kœ́ (6) avec k, t et . J'ai évité de prendre qui
aurait pu n'être pas correct. Le est exact : il a un tracé
analogue à celui de t. Le laisserait également une trace de
même sens que la consonne dure (k) mais plus étendue.
Or, le mot articulé nous donne l'image non plus d'un k,
mais celle d'un . Donc il faut écrire t̮œ́.

Enfin, dans le parler de Bournois, l'articulation kt (7),
bien qu'elle soit fort éloignée du t (fig. 403, 2), a pourtant
la figure d'une dentale mouillée ; d'autre part, elle se
sépare nettement du et du ky (8). Elle se trouve en
réalité sur la limite des deux régions dentale et gutturale,
où le et le se rencontrent et se mêlent. Nous pouvons
prévoir ce qui arrivera : l'impulsion la plus forte vient de la
gutturale dont l'articulation est en train de se déplacer, et
l'on verra sortir du son actuel une dentale mouillée très
nette comme celles que nous venons d'étudier à Cancale et
en Anjou. Mais le changement n'est pas encore accompli.

Avant de quitter les mouillées, nous avons encore deux
questions dont il convient de dire un mot. Quel rapport
615ont-elles avec la consonne dure + y, et quelles sont leurs
destinées ?

Tous les tracés réunis ci-dessus montrent que la consonne
mouillée est plus palatale que la consonne + y, si bien que
cette combinaison semble être une première étape de la
mouillure. Et, de fait, beaucoup de consonnes mouillées
ont cette origine. Les autres doivent leur naissance au contact
d'une voyelle ou d'une consonne que l'on peut considérer
comme palatalisantes, ce qui nous fait songer à un y intercalaire
initial. Donc, tout en rejetant la doctrine qui fait de la
consonne mouillée une consonne dure + y, je ne vois aucune
raison pour ne pas admettre qu'une consonne s'est mouillée
par suite de sa fusion intime avec un y, au moins virtuel.

Quant aux destinées de la mouillure, disons que, en
général, sauf pour , elles sont précaires. Parfaitement sentie
par tous ceux qui la possèdent dans leur langue, la mouillure
ne donne pas d'elle-même aux auditeurs une impression
bien nette. Serait-ce là la cause de son instabilité ? Les
langues romanes ont eu t̮ d̮ l̮ n̮, probablement aussi et
r mouillée. Il en reste peu de chose aujourd'hui. Nos parlers
de France sont très riches en consonnes mouillées, et
tous nous montrent la mouillure comme un lieu de passage
où aucune articulation ne se fixe.

Les consonnes mouillées peuvent se durcir de nouveau.
C'est le cas le plus rare. M. Roussey m'a cité aux environs
de Bournois un devenu g (Dieu, gœ́). Inversement, g peut
aboutir à d : agu-ill-eaduy, aguseradúzé (Roussay).
L'l mouillée est revenue à son premier état, soit sans compensation,
soit en cédant son élément palatal à la voyelle
précédente. Nous avons à La Gacilly (Morbihan) bouteille
butel, oreilleŏrĕl, aguilleagul, médaillemœdāl, et
aussi paillepaèl, garsaillegarsáèl. De même l'n mouillée
616donne au même endroit : peignepăèn et paẽn. C'est sans
doute de la même façon qu'il faut expliquer : punctum
pon̮tpoint, -oriumoir, -asiaaise, par l'intermédiaire
d'une r et d'une s mouillées.

Souvent la mouillure se termine à un y. C'est le cas
ordinaire pour  : paillepáy ; blanc, bl̮ã, byã. C'est aussi la
fin assez fréquente de , soit qu'il ait été palatalisé au contact

image

Fig. 408.
Évolution du g mouillé en Bretagne.

1. g (N). — 2. réduit à y (N).
5. presque réduit à ou à y : la langue a touché à peine la surface pointillée. Le mot
prononcé était ã « glan » (Por).
4. en voie de devenir y. Le mot prononcé est gér « guère » (B).

d'une voyelle antérieure, soit qu'il rémonte au groupe gl̮.
Ce changement s'explique, aussi bien pour que pour ,
par l'affaissement total du dos de la langue. Cette évolution
est facile à suivre dans la Bretagne française pour ce qui
concerne le (fig. 408). Nous avons : (1) le point de départ,
(ḗp), la langue s'appuyant encore derrière les dents d'en
bas ; (2) le terme de l'évolution, y (yèr « guère »), le dos de
la langue cessant tout à fait de toucher la partie centrale du
palais ; (3) l'étape intermédiaire, où la langue touche légèrement
en avant et au centre, ou à l'un de ces deux points
617(4) Le résultat acoustique de ce mouvement à peine esquissé
est que l'on croit entendre tantôt un g, tantôt un d suivis
d'un y, l'un et l'autre fort indistincts, matière à perpétuels
embarras pour l'explorateur. On devine la joie que me causa
le tracé (3) m'expliquant ce phénomène, qui faisait mon
tourment depuis près de trois semaines. J'eus plus tard une
semblable fortune à Saint-Benoît-des-Ondes (4).

Dans la plupart des cas, la consonne mouillée a donné
naissance à une mi-occlusive qui elle-même n'est qu'une
étape momentanée conduisant à une articulation constrictive.

Mi-occlusives :

Les mi-occlusives, issues des consonnes mouillées, sont
dues à un nouveau relâchement progressif du muscle qui
constitue l'obstacle vocal. C'est la pointe de la langue qui
commande toute cette évolution. Si elle se maintient dans
la région alvéolaire du palais pour les dentales, ou si elle
s'y établit pour les gutturales, le sort de la consonne
mouillée est déjà fixé. Celle-ci se transformera en une articulation
qui paraîtra double aux auditeurs et qui donnera
l'impression d'un t ou d'un d plus ou moins distincts associés
respectivement à ç y, ɛ̮ j̮, ɛ j, s̮ z̮, s z, à savoir tç, tɛ̮,
, ts̮, ts, et dy, dj̮, dj, dz̮, dz. Le terme est ç y, ɛ j ou s z.
Mais il faut dire que, si ceux qui entendent ces sons sans
pouvoir les émettre croient à la combinaison d'une occlusive
et d'une fricative, ceux qui les produisent naturellement
protestent tous contre cette interprétation. C'est ce que j'ai
entendu bien des fois, au temps où je résistais à l'admettre,
particulièrement de la bouche de M. Ballu, dont l'oreille
est si fine. Depuis, M. Dauzat 1237 s'est occupé de la question.
618Il apporte lui aussi son témoignage, et il y ajoute une
remarque importante : « Les paysans d'Auvergne, dit-il,
et en particulier de Vinzelles dont les patois possèdent les
sons ĉ̵, ŝ (et les sonores douces correspondantes ĵ, )
répugnent à les transcrire par tch, ts… ; et si on les oblige
à décomposer une émission, qui en réalité n'est pas complexe,
ils se méprennent sur la correspondance de sonorité
ou de sourdité des éléments, et rendent ĉ̵, par exemple,

image (D)

Fig. 409.
Mi-occlusives en auvergnat comparées à des groupes de consonnes.

La partie ombrée représente la mi-occlusive : 1. ĉ̵ ; — 2. ĵ ; — 3. ŝ ; — 4. .

La ligne pointillée limite à partir des alvéoles : 1.  ; — 2. dj ; — 3. ts ; — 4. dz.

soit par dch, soit par tj. Les sons , dj… que leur transmet
le français (ex. tsar, adjoint…) ne sont jamais rendus par
ĉ̵, ŝ… » Et en note : « Ainsi à Vinzelles, où la langue possède
ĉ̵, ĵ, ŝ, , on brise les groupes , ts… du français par
l'intercalation d'un ė (œ) et l'on dit tėxar ou tėsar, adėjwẽ.
J'ai essayé de prononcer ŝar, aĵwẽ : on ne me comprenait
pas. »

Les tracés recueillis par M. Dauzat (fig. 409) montrent
en effet la dissemblance des articulations qu'il met en parallèle.
Il est clair que ĉ̵ n'équivaut pas à , ni ĵ à dj, ni ŝ à
ts. Entre et dz, la différence est moins grande, mais elle
est pourtant réelle.619

Je n'avais pas attendu ces expériences pour redresser ce
que mes transcriptions de la Revue des Patois Gallo-Romans
avaient d'erroné. C'est aux nombreux tracés que j'ai
recueillis au cours de mon excursion de 1895 en Bretagne
que je dois mes convictions actuelles. Sous mes yeux,
M. Bourdon a relevé, avec le soin exquis dont il est capable,
les tracés qu'impriment sur le palais artificiel (fig. 410) le
ĉ̵ (1) et le ĵ (2) de Montmartin (Manche) et les composés

image (B)

Fig. 410.
Distinction de ĉ̵ ĵ et de dj en normand.

La partie ombrée représente : 1. ĉ̵ ; — 2. ĵ. Le pointillé limite : 1.  ; — 2. dj.

Le ĉ̵ et le ĵ normands diffèrent, on le voit, notablement de ceux de l'Auvergne et se rapprochent
beaucoup des groupes tch, dj français.

français et dj. Les premiers se distinguent des seconds
par une zone de contact plus étendue. Et cela se conçoit.
En effet il suffit que la langue se détente légèrement et
s'écarte un peu du palais, pour que aussitôt apparaissent,
non plus ĉ̵ ou ĵ, mais ɛ et j. Les composés d'une dentale
et de ɛ ou j doivent donc se reconnaître à une moindre
palatalisation. D'autre part, la différence entre les tracés
dans la zone centrale du palais ne peut être que minime,
car c'est, non la partie transversale, mais la pointe de la
langue qui exécute le mouvement essentiel. Du reste, la
petite différence qui existe dans la palatalisation des deux
sons comparés par M. Bourdon n'avait point échappé à mon
620oreille, j'avais, avant l'expérience, écrit par tɛ et , ne
pouvant pas toujours me décider entre les deux graphies.

J'ai recommencé ces recherches à mon retour de Bretagne
avec M. l'abbé Sourice, d'Andrezé, con de Baupréau
(Maine-et-Loire). J'étais mieux outillé pour observer le
phénomène. M. l'abbé Sourice ne possédait dans sa langue
ni ki ni ti : il les a appris à l'école. Les consonnes , ,

image (So)

Fig. 411.
Comparaison de ĵ̮ ĉ avec dj en angevin.

1. La partie ombrée représente ĵ̮ ; le pointillé intérieur limite j.

2. ĉ̵̮ ; pointillé, .

3. ĉ, partie ombrée, et ligne pointillée voisine ; t est limité par la ligne pointillée la plus
prés des alvéoles.

ont abouti chez lui à une seule paire d'articulations que
j'ai représentée d'abord par ç et ĵ̮, qu'il distingue fort bien
de tɛ dj et de t d, quant à la position et au mouvement
articulatoire. Pour t, il sent les dents avec le bout de la
langue ; pour , il ne sent que le bord des alvéoles et le
palais ; pour ç, il ne sent presque plus le palais. Pour , la
langue, énergiquement appuyée sur le palais, se détache par
un mouvement d'avant en arrière (c'est-à-dire qu'au t
succède ɛ) ; pour le ç, au contraire, la langue, faiblement
appliquée contre le palais, semble glisser d'arrière en avant
(c'est-à-dire que, dans l'articulation, la langue, s'appuyant
621en arrière, c'est la pointe qui est la première à céder ; ainsi
se produit pour l'oreille une sorte de t).

Les expériences viennent donner une expression objective
et parfaitement nette à ces observations dictées par le sens
musculaire. Nous avons (fig. 411, 1) les tracés de ĵ̮ et de j
pris dans il è ĵ̮i « il est dit » et il è ji (syllabe qui se trouve
dans ce parler). Pour ĵ̮, le bord des alvéoles est à peine
effleuré et là partie centrale du palais est plus touchée
que pour j. On sent que le moindre relâchement du ĵ̮
amènera ĵ, qui est moins palatalisé, et finalement j. Le ĉ̵̮
(issu d'un ancien k) dans il è ĉ̵̮i « il est ici » (eccu-hic) est
analogue (2) ; il n'y a entre lui et ĵ̮ que la différence de la
forte à la douce. Donc je dois écrire ĉ̵̮. De plus, la distinction
de ĉ̵̮ et de te est très nette. Enfin, pour la comparaison
de 4 et de t, nous avons (3) le tracé de ĉ̵̮it « petite » (la
partie ombrée) qui se confond avec celui de ĉ̵̮it « quitte »
(pointillé) et celui de tit « Tite », dont la limite se rapproche
de l'arcade dentaire.

Mais bien plus expressifs sont les tracés pris avec une
ampoule sur la langue et une embouchure aux lèvres.
L'ampoule a été placée successivement : au contact des dents,
à 5 mm, à 10 mm en arrière, puis vers le milieu du palais dur,
enfin sous le voile. Ainsi nous obtenons du même coup,
avec la poussée de l'air, la hauteur de la langue considérée
à cinq niveaux différents. L'expérience a porté sur les syllabes
di, ĵ̮i, dji et ji prononcées les unes après les autres
pendant une seule révolution du cylindre, les appareils
inscripteurs étant maintenus durant ce temps de la même
manière et dans la même position. Les figures 412 et 413
reproduisent l'ordre de l'inscription. Chacune des rangées
horizontales offre donc des données parfaitement comparables
entre elles, tant pour les mouvements organiques que
622pour l'écoulement de l'air. En dehors de ce cas, la comparaison
peut encore se faire sans restriction pour la ligne
de la langue, mais non pour celle du souffle ; car, si l'ampoule
a un fonctionnement régulier et n'est influencée que
par la pression qu'elle supporte, la façon seule dont l'embouchure
est appliquée sur les lèvres suffit pour amener des
variantes considérables dans l'amplitude des tracés, laquelle
dépend en grande partie de la quantité et de la vitesse du
souffle qui a été recueilli. Mais cette ligne, intéressante du
reste à considérer en elle-même, n'a ici d'autre but que de
nous aider à délimiter exactement les consonnes.

Ce qu'il nous importe en effet de reconnaître, ce sont
les divers degrés d'élévation de la langue pour d, ĵ̮, dj, j
aux cinq niveaux choisis. Une ligne pointillée, qui représente
dans toutes les rangées une position fixe, nous servira de
point de repère.

En lisant le tableau (sur les deux pages) horizontalement
de gauche à droite, on peut faire les remarques suivantes :
1° Derrière les dents, la pression la plus forte est pour d et
dj, la plus faible pour ĵ̮ et j ; le d de dj a été affaibli par le
j, mais il est reconnaissable. — 2° A un demi-centimètre
des dents, la langue s'abaisse un peu pour d et dj ; elle s'élève
pour ĵ̮ et j. — 3° A un centimètre des dents et au delà, la
langue est plus basse pour d et dj que pour ĵ̮ et j : d'un
côté, le mouvement de dépression et, de l'autre, le mouvement
d'élévation s'accroissent d'une manière à peu près
continue. Donc le ĵ̮ se rapproche du j ; il diffère complètement
du dj.

En lisant le même tableau de haut en bas, on embrasse
d'un coup d'œil les diverses positions du dos de la langue
depuis la pointe jusque vers la racine. Mais pour rendre
cette vue plus aisée et plus claire, j'ai réuni dans un second623

image (So)

Fig. 412.
Comparaison de d, ĵ̮, dj, j.

L. Élévation de la langue. — B. Souffle sortant de la bouche.624

image (So)

Fig. 413.
La ligne pointillée sert de repère pour apprécier les hauteurs du tracé organique.

Lieux explorés : D. derrière les dents ; 1/2 C, 1 C. à 1/2 cm., 1 cm. en arrière des dents
M. P. au milieu du palais ; V. sous le voile.625

image (So)

Fig. 414.
Élévation comparative de la langue pour d, dj, ĵ̮, j.626

tableau (fig. 414) les tracés organiques des consonnes en
les rangeant dans le sens horizontal et en rapprochant d et
dj, ĵ̮ et j. Ainsi l'on voit que pour d le dos de la langue
s'abaisse régulièrement à partir des dents ; que pour dj la,
plus grande pression s'est transportée à 1/2 centimètre en
arrière, et qu'il y a ensuite affaissement vers le centre du
palais, mais redressement sous le voile ; que pour ĵ̮ la plus

image (M)

Fig. 415.
Mi-occlusives en picard.

1. (1)  ; (2) g. — 2. (1)  ; (2) . — 3. (1) ĉ̵̮ ; (2) ĵ.

grande élévation de la langue se trouve à 1/2 centimètre
des dents, et que le niveau faiblit peu jusqu'à la partie la.
plus reculée ; enfin que pour j le dos de la langue s'élève
progressivement depuis la pointe jusqu'à 1 centimètre des
dents et que, à partir de là, elle fléchit peu, comme pour ĵ̮.

Donc nous pouvons conclure hardiment à une différence
profonde entre ĵ̮ et dj, différence qui exclut la présence
d'un d, et à la parenté de ĵ̮ et de j. La principale différence
entre ces deux dernières articulations vient uniquement du
point d'appui de la langue : placé contre le palais pour ĵ̮, il
est reporté, derrière les dents d'en bas pour j. Le degré
de palatalisation se voit aussi sur le tableau, le dos de
627la langue étant plus soulevé dans la partie postérieure pour
ĵ̮ que pour j.

Les tracés t, ĉ̵̮, , ɛ sont analogues. J'ai préféré donner
d, ĵ̮, dj, j, parce que les vibrations, qui distinguent les
sonores des sourdes, rendent les consonnes plus reconnaissables.

image

Fig. 416.
Variétés de palatalisation dans le ç.

1. Entre voyelles à Ménéac (P). — 2. A la finale, Ménéac (P). — 3. En péruvien (E). —
4. Dans un dialecte portugais (Va).

La semi-occlusive commence au moment où l'occlusion
dentale s'affaiblit et cesse avec celle-ci : alors apparaît une
simple constrictive. Entre ces deux limites les étapes sont
nombreuses.

D'abord l'occlusion peut être plus ou moins dentale
sans que l'oreille en soit suffisamment avertie. Comparez à
ce point de vue les figures 409, 410, 411 et 415-419. La
région antérieure du palais a été touchée d'une façon très
variable : tantôt jusqu'aux dents (fig. 409 (3, 4), 410, 416,
417, 418 (2-4), 419) ou à peu près (fig. 411 1, 2) ; tantôt
jusqu'à une certaine distance des alvéoles (fig. 409 1, 2) et
surtout (415 3). Dans ce dernier exemple, on voit que le
ĉ̵ ĵ picard (3) issu de  ; (1) est fort loin même de t d (3)
et l'on devine que le caractère dental puisse être douteux.628

Mais c'est la palatalisation surtout qui est variable. Soient,
par exemple, les mots biquet et bique devenus à Ménéac
(Côtes-du-Nord) biçĕ (fig. 416, 1) et biç (2). Le premier est
encore à peine dégagé de la mouillure, le second en est
déjà loin. Comparez à celui-ci le ch de mucho (3) prononcé
par un jeune Péruvien et le ç (4) de M. Leite de Vasconcellos.

image

Fig. 417.
Comparaison de mi-occlusives dans une même langue.

1. Russe (O) : partie ombrée, ç ; la ligne pleine limite ŝ.

2. Patois des Vosges (Sar.) : partie ombrée, ç ; la ligne pointillée limite ĉ̵̮.

3 et 4. Arménien (N.) : partie ombrée, (3), ĵ (4) ; la ligne pointillée limite ŝ (3),
ĉ̵ (4).

La comparaison des diverses étapes se fait bien dans les
langues qui en possèdent plusieurs avec des valeurs significatives
bien marquées. Par exemple : en russe, ç et ŝ
(fig. 417, 1) ; dans les Vosges, ç et ĉ̵ (2) ; en arménien, (3)
et ĵ (4) — parties ombrées —, ŝ (3) et ĉ̵ (4) — pointillé.

L'oreille se perd souvent dans ces nuances et je n'oublierai
jamais les embarras que j'ai éprouvés, aux débuts de
mes explorations linguistiques, quand j'ai eu à noter les
différences que j'entendais dans le centre de la France
entre les sons qui dérivent du latin ca ou ga en position
629forte. Qu'on juge du secours précieux qu'apporte au chercheur
le palais artificiel par la comparaison d'un ancien ca
dans l'Aveyron (fig. 418, 1) et dans le Périgord (2, 3).

Il n'est pas rare que l'impression auditive doive être
rectifiée d'après les tracés. Bien souvent j'ai écrit pour des

image

Fig. 418.
Mi-occlusives.

1. ĉ̵ en rouergat (Ri). — Le pointillé marque un ĉ̵ très sec.

2. ç en périgourdin (P) ; la partie couverte de rayures a été peu touchée.

3. ĵ en périgourdin (P), — L'évolution du g latin paraît plus avancée que celle du c, la
partie blanche de la figure étant plus étendue pour le premier que pour le second.

4. Partie ombrée, ĵ dans la Bretagne française (P) ; le pointillé limite le ĉ̵̮.

articulations correspondantes dj̮ et tç̑, sans me laisser
influencer par le défaut de parallélisme, dj̮ appelant tɛ̮, et
tç̑ supposant dy. J'étais sincère ; mais je n'étais pas toujours
dans le vrai. Pour les représentants actuels de ca ga latins
en Périgord (fig. 418), j'avais noté tç et dj̮ ; les tracés n'y
contredisent pas, car ils sont sensiblement différents pour
les deux articulations, la langue touchant au centre du
palais plus pour la première que pour la seconde. En
revanche, je me suis trompé en Bretagne. Pour gui et curé,
j'ai écrit dj̮i et tɛuré ; c'est ĵ̮i et ĉ̵̮uré ou même çuré que
j'aurais dû mettre (fig. 418, 4), l'articulation sourde étant
ici plus palatale que la sonore.630

Les mi-occlusives entrent dans la catégorie des constrictives
par ç̑ y, ɛ̮ j̮, ɛ j, s̮ z̮, s z, suivant la position que le dos
de langue occupe sous le palais au moment où la pointe
cesse d'opérer l'occlusion. Le rapport entre la mi-occlusive
et la constrictive qui s'en dégage se montre assez nettement
(fig. 419), où l'on sent bien que le ç du Périgord
tend vers ɛ (1), le ĉ̵ russe vers ɛ (2) et le ŝ russe vers s (3).

image

Fig. 419
Comparaison de ç, ĉ̵, ŝ, avec ɛ et s.

1. Périgourdin (P) : partie ombrée ç ; pointillé, ĉ̵ ; ligne pleine, ɛ.

Russe (O) ; ĉ̵ et ɛ (ligne pleine).

Russe (O) : ŝ et s (ligne pleine).

Telle est la marche ordinaire que suivent les mi-occlusives
dans leur évolution, celle que l'on observe aussi bien
en Europe dans les langues latines qu'en Afrique dans les
langues bantou. Mais il y a un autre procédé que nous
font connaître certains parlers de Savoie (Albertville), et
qui consiste dans la transposition apparente de l'élément
spirant, ŝ devenant st (caballum, ŝœvó, stœvó). L'explication
du phénomène est simple. Dans ŝ, la mise en position de
l'organe se fait en silence. Dans st, au contraire, le son
éclate au moment même où la langue se rapproche du
palais : nous entendrons alors une s ; puis, après l'occlusion,
631à la détente, un t. C'est un changement analogue à
celui que nous avons reconnu dans se dédoublant, pour
ainsi dire, en yl, il, èl (p. 616).

Constrictives :

L'évolution qui entraîne les mi-occlusives peut encore
se continuer dans la classe des constrictives et transformer

image

Fig. 420.
ĉ b et ç̑.

1. ĉ gallois (J). — 2. ĉ̣ alsacien (Sp). — 3. ĉ h russe (O). — 4. ĉ h arménien (A).
Dans 3 et 4, la partie ombrée représente h ; le pointillé limite ɛ.

ɛ j, s z, en ĉ h : chevalhvó (Cognac) poissonpuĉô (Est) ;
ou même les faire disparaître entièrement : testatéṣa,
téĉa, téha, téa « tête » (vallée de la Cénicle, près de Suse).
Comparez aux tracés de ɛ j et s z ceux de ĉ en gallois
(fig. 420, 1), de ç̑ en alsacien (2), de ĉ h en russe (3) et en
arménien (4).

Enfin on rencontre des exemples où une constrictive est,
par exagération de la fermeture, passée directement à une
occlusive, comme, par exemple, y dans quelques villages de
Chio, mais seulement après une consonne. Nous en parlerons
à propos des articulations groupées. La substitution
directe de p b à f v se rencontre dans la nomenclature
632des vices de prononciation ; celle de t d à s z est fréquente.
(Voir Appendices.)

Il est à peine besoin de nous arrêter sur la graphie que je
proposerais pour distinguer les trois catégories d'articulations
que nous venons d'étudier.

En réservant le caractère ordinaire pour le type connu,
on peut distinguer les occlusives, devenues spirantes par le
signe (ˆ) : ĉ (ch dur allemand), ĉ̣ (ch doux allemand), etc.,
les constrictives devenues occlusives par le même signe
renversé ().

Les consonnes mouillées sont convenablement marquées
par (ˍ) : , , , , etc. ; et les mi-occlusives par (ˆ) :
ŝ ẑ, ŝ̮ ĵ̮, etc.

Une légère modification des signes (ˆ) et (ˍ) pourrait
indiquer une étape intermédiaire qui serait précisée à l'aide
d'indices.

Voyelles, semi-voyelles, consonnes

Voyelles et consonnes sont de ces termes traditionnels que
tout le monde comprend tant qu'on ne songe pas à les
définir, mais qui deviennent vagues dès qu'on cherche à
en préciser le sens. Aussi les explications qui en ont été
données sont-elles variées et toutes incomplètes. Elles
peuvent se résumer d'un mot. On a dit : que la voyelle
répond à une station organique, la consonne à un mouvement ;
que la voyelle est une résonance, la consonne un bruit ;
que la voyelle seule fait syllabe et que la consonne se lie à
la voyelle. Ainsi le mécanisme articulatoire, la constitution
physique du son, le rôle des éléments de la parole ont été
invoqués tour à tour et (il faut le dire) sans succès.633

Le tort que l'on a, c'est dé chercher une différence
caractéristique entre les deux portions d'une série naturelle
dont les extrêmes seuls sont nettement séparés. Il serait
très facile de définir la voyelle et la consonne si le type de
l'une était simplement l'a, et celui de l'autre, le b ; mais la
distinction, qui nous apparaît très nette aux deux bouts de
la série, tend à s'effacer dans la région moyenne, par exemple
entre i et j.

Non seulement le choix du caractère pris comme essentiel
est arbitraire, mais on pourrait dire que le caractère
choisi lui-même ne convient rigoureusement à aucun des
objets que l'on a voulu définir.

Que la voyelle soit caractérisée, comme le dit M. Béclard 1238,
par « l'immobilisation des parties, une fois ces parties
accommodées â la production du son », c'est contre quoi
protestent tous les tracés que nous avons vus de la tenue
des voyelles (surtout p. 354-378), c'est ce que démontrera
impossible le fait de la diphtongaison.

Que la consonne ne soit qu'un bruit, au sens qu'elle
serait formée de vibrations irrégulières, c'est ce que nous
ne pouvons plus admettre après les expériences que nous
ayons étudiées ci-dessus (p. 404-465).

Enfin supposer que la voyelle est suffisamment définie
par son rôle dans le mot et par le fait qu'elle constitue la
syllabe, c'est se condamner, si l'on veut être logique, à
admettre que toute consonne (même un p) peut être une
voyelle.

Il est meilleur, semble-t-il, au lieu de serrer la matière
au risque de la voir s'évanouir, d'accepter avec leur sens
634imprécis des dénominations vulgaires dont l'emploi est
commode et admis de tous.

Sous cette réserve, recherchons les traits généraux qui
distinguent les voyelles et les consonnes.

Pour toutes les articulations, la tenue correspond à une
position de l'organe, avec émission sonore pour certaines
consonnes comme pour les voyelles (p. 334-340) ; et cette
position même n'est jamais conservée d'une façon absolue.
(Voyez les tracés organiques étudiés jusqu'ici.) Toutefois,
si l'on compare la tenue des voyelles avec celle des consonnes,
on voit que la première a plus de stabilité que la
seconde. Le fait est surtout clair lorsqu'on met en parallèle
le tracé d'une voyelle sentie comme telle, avec celui de la
semi-voyelle correspondante, qui fait office de consonne.

Nous avons (fig. 421) les deux diphtongues ei (A) et
ie (B) où la ligne organique marque nettement la stabilité
relative que prend l'organe articulateur durant la tenue
de chacune des deux voyelles. Ce caractère, très visible dans
a prononciation lente, s'affaiblit, sans pourtant disparaître
dans la prononciation rapide (C).

Opposons à ei et à ia les syllabes ey (fig. 422) et ya (fig.
423). Nous remarquerons non seulement une diminution
de stabilité pour y, par rapport à i, mais encore une
augmentation de mouvement. L'i a une certaine fixité organique ;
le y n'en a plus du tout : l'i dans ei (fig. 422) et
dans ia (fig. 423) se maintient encore un peu quand l'organe
a pris sa position ; le y cesse dès que l'organe, ayant atteint
son maximum de tension, commence à se détendre. En
outre, ce maximum de tension est plus considérable pour
y que pour l'i, la plume étant plus déviée pour le premier
que pour le second.635

image (B)

Fig. 421.
Diphtongues ei et ie.

Chaque diphtongue est représentée par deux lignes : 1 Langue, 2° Souffle.

image (B)

Fig. 422.
Diphtongues ei et ey.

L. Élévation de la langue. — B. Souffle.636

image (B)

Fig. 423.
Diphtongues ia et ya.

Comparaison de l'i et du y.

L. Mouvements de la langue. — B. Souffle.

image (B)

Fig. 424.
Comparaison de a, i et de la diphtongue ai, accentuée sur i.

L. Mouvements de la langue. — B. Souffle.637

Le y est donc distingué de i par un certain mouvement.
Il en est de même de w (oui) et de (huile) par rapport à
u et à u. Cette relation a été sentie, et le caractère consonantique
de y, w, , ne fait de doute pour personne. Aussi
a-t-on réservé à ces articulations le nom de semi-voyelles.

Mais il ne faudrait pas croire que cette dualité de caractère
ne convienne qu'aux seules voyelles fermées. L'a lui-même,
la plus ouverte de toutes les voyelles, peut se produire dans
des conditions identiques. Comparons a, i et ai accentué
sur la finale (fig. 424). Nous retrouvons dans ai les positions
des deux voyelles composantes (L). Même l'i de la
diphtongue a été plus fermé que l'i isolé. Mais l'a pur n'a
duré qu'un instant : à peine dans la position de l'a, la
langue s'est portée vers celle de l'i. L'a correspond ici à un
mouvement. Dirons-nous que c'est une consonne ?

Avant de quitter ce point de vue, ajoutons que la
voyelle demande le maximum de travail laryngien et le
minimum d'effort articulatoire, et que, inversement, la
consonne exige le maximum d'effort articulatoire et, quand
il existe, le minimum de travail laryngien. Aussi peut-on
observer que, chez les malades atteints de paralysie labio-glosso-laryngée
(cf. p. 302), les consonnes sonores disparaissent
successivement à proportion qu'elles sont plus
éloignées des voyelles. C'est ainsi que se perdent d'abord
b d g v z j, pendant que m n r l restent encore intactes.

La prédominance du bruit dans la consonne et de la
résonance dans la voyelle se lie à une différence organique
dans l'articulation de l'une et de l'autre et constitue aussi
un caractère qu'il ne faut pas négliger. Mais par bruit,
il faut entendre ici celui qui est dû, non à des ondes
sonores irrégulières (p. 7), mais à des ondes pendulaires
638comprises dans les deux extrémités, non musicales, du
champ auditif de l'oreille, comme en produisent des diapasons
de 7.000 v. d. et au-dessus, qui donnent la sensation
d'un grincement ou de 50 v. d. et au-dessous, qui ne
font entendre qu'un bourdonnement confus. Nous
avons vu en effet que les sons aigus dominent dans les
consonnes (p. 408, 427-428, 432…, etc.), tandis que les
harmoniques graves entrent principalement dans la compositions
des voyelles. Je croirais que ceux-ci sont dus plutôt
aux chambres de résonance susglottiques, et ceux-là au
frôlement de l'air contre les parois, les uns supposant
une position à peu près fixe des organes, les autres s'expliquant
très bien avec un mouvement de constriction, de
fermeture ou de brusque séparation des organes., Aussi
ai-je été tenté de voir un élément consonantique dans le
début et la fin des voyelles (p. 412).638*

11. La phonétique doit son nom à MM. Bréal et Baudry.
Les introducteurs de cette science dans notre pays ont
longtemps hésité entre les deux appellations phonétique et
phonologie. Ils ont fini par rejeter la seconde, qui, avec notre
transcription, peut signifier la « science du meurtre (φόνoς) ».

21. Il ne faut pas oublier cette remarque quand on lit des
traductions de livres allemands ; car la transcription y est
souvent fautive, comme, par exemple, dans celle de la
Théorie physiologique de la musique de Helmholtz.

32. Il serait superflu de tenir compte de la distinction entre
gamme mélodique (ou pythagoricienne) et gamme harmonique
(ou de Ptolémée), J'ai donné la dernière qui constitue
la gamme usuelle. Celle de Pythagore a pour formule :

ut ré mi fa sol la si
1 9/8 81/64 4/3 3/2 27/16 243/128 2

Ou :

32/23 34/26 32/3 33/24 35/27

V. Mercadier (Journal de physique, I, p. 109-118).

41. Résal, Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 1874,
t. LXXIX. p. 821, d'après A. Suremain-Missery, Théorie
acoustico-musicale
, 1793.

51. Helmholtz, Théorie physiologique de la musique, traduction
Guéroult (Masson, 1874), p. 150-151.

62. Ibid., p. 161.

73. Quelques expériences d'acoustique (Paris, quai d'Anjou,
27), p. 218-243.

84. A ceux qui désirent plus de détails sur l'acoustique,
je conseillerais, comme livre élémentaire, le Traité de physique
de M. Branly (Poussielgue, 1895), et, pour des
études plus approfondies, les ouvrages déjà cités de Helmholtz
et de M. Kœnig et les Phénomènes physiques de la
phonation et de l'audition
de Gavarret (Masson, 1877).

91. J'ai suivi pas à pas dans cette description l'excellent
Traité d'anatomie humaine de M. Testut (Paris, Gustave
Doin). J'en ferai autant pour toutes les données anatomiques
qu'il nous est utile de connaître. Il est donc juste
d'y renvoyer les lecteurs qui désireraient une description
complète : je n'en connais pas de plus claire, ni de plus
précise.

102. Variations des diamètres :

tableau commencement du conduit cartilagineux | fin du conduit cartilagineux | commencement du conduit osseux | fin du conduit osseux | grand diamètre | petit diamètre | Bezold.

111. Largeur au Ier tour, 800 μ ; largeur au 2e tour, 700 μ.
Hauteur au Ier tour, 500 μ ; hauteur au 2e tour, 380 μ.

121. Piliers internes, 6000 (nombre) ; piliers externes,
4500.

132. Cellules auditives internes, 3300 ; cellules auditives
externes, 18000.

141. Voir Les modifications phonétiques du langage.

151. en pour e, sum pour so, plu ou plù pour , djœn pour
jĕn, dízí pour disĭt, etc.

161. tableau variantes | posen | province rhénane | poméranie | mecklenkourg | prusse occidentale | silésie

172. P. 125 et suiv.

181. P. 38 et suiv.

191. Marey, La méthode graphique, p. 113.

201. Marey, La méthode graphique, p. 144.

212. Ibid., p. 110, 137.

223. Ibid., p. 112.

234. Ibid., p. 108.

245. Ibid., p. III.

251. Bulletin de la Société de linguistique.

262. Recherches théoriques et expérimentales sur les causes et le
mécanisme de la circulation du foie
(thèse, 1873)

273. Inscription des mouvements phonétiques (Travaux du
laboratoire de M. Marey
, II, p. 109-131).

281. Göttingische gelehrte Anzeigen, année 1889, p. 11 et
suiv.

292. Paris, 1891. Le premier chapitre avait été détaché
l'année précédente et publiée sous ce titre : La méthode
graphique appliquée à la phonétique
, à l'occasion du mariage
Deseilligny-Talma (1890).

303. Der gegenwärtige Lautbestand des Schwäbischen in der
Mundart von Reutlingen
, dans le Programme du collège de
Reutlingen (1891) ; Ueber die Verwendung des Grützner-Marey'-schen,
Apparats und des Phonographen zu phonetischen Untersuchungen
,
dans les Phonetische Studien, IV (année 1890),
p. 68-82.

314. Der französische Accent, dans Archiv für das Studium
der neueren Sprachen und Litteraturen
(1890).

321. Transactions of the Odontological Society of Great Britain,
IV (n. ser.), p. 110 (1871).

332. Physiologie der Stimme und Sprache, dans le Handbuch
der Physiologie
de L. Hermann (Leipzig, 1879), tome I,
2e partie, p. 204.

343. Internationale Zeitschrift für allgemeine Sprachwissenschaft,
Leipzig, I (1884), p. 140.

354. Revue des patois gallo-romans, I.

365. Zur Physiologie und Geschichte der Palatalen, Gütersloh,
1887 (thèse).

376. Internationale Zeitschrift für allgemeine Sprachwissenschaft,
III (1887), p. 225.

387. Ibid., IV (1889), p. 130.

391. Stomatoskopiska under sökningar af franska språkljud,
Stockholm, 1889.

401. Marey, La méthode graphique, p. 113-114.

412. Ibid., p. 509-510.

423. Archives des sciences physiques et naturelles (Genève),
n° du 15 février 1879.

434. Zeitschrift für Biologie, t. XXIII (année 1887),
p. 291-302.

441. Marey, Du mouvement dans les fonctions de la vie,
p. 421.

451. Marey, Du mouvement dans les fonctions de la vie,
p. 149.

461. Die neueren Sprachen, 1894.

471. Marey, Du mouvement dans les fonctions de la vie,
p. 132.

482. Marey, La méthode graphique, p. 458.

491. Marey, Du mouvement dans les fonctions de la vie,
p. 419

501. Marey, La méthode graphique, p. 110.

512. Ibid., p. 136 et 464.

523. Kœnig, Quelques expériences d'acoustique, p. 189.

531. Marey, Du mouvement dans les fonctions de la vie, p. 130.

541. Marey, Du mouvement dans les fonctions de la vie,
p. 133-135

552. Ibid., p. 140, 147.

561. Marey, Du mouvement dans les fonctions de la vie,
p. 148.

571. Le maître phonétique, janvier 1894.

581. Marey, La méthode graphique, p. 201.

591. Marey, Du mouvement dans les fonctions de la vie,
p. 163.

602. Marey, La Méthode graphique, p. 203.

611. Rosapelly, Inscription des mouvements phonétiques (Travaux
du laboratoire de M. Marey
, année 1876, p. 119).

621. Allen H., On a new method of recording the motions of
the soft palate
, dans Transactions of the college of physicians of
Philadelphia
, 3e série, vol. III (1884). Il en est rendu
compte dans l'Internationale Zeitschrift für allgemeine
Sprachwissenschaft
, t. II, p. 287-290.

631. « L'idée de transmettre un mouvement à distance au
moyen de tubes pleins d'air appartient à Ch. Buisson. En
1858, nous avions essayé d'obtenir cette transmission à
l'aide d'un tube de plomb muni à ses extrémités d'ampoules
de caoutchouc. » (Marey, La méthode graphique,
p. 445)

642. Marey, La méthode graphique, p. 479.

651. Marey, La méthode graphique, p. 471 et suiv.

661. Eau bouillante | 1 litre.
Bichromate de potasse | 100 gr.
(ou de soude | 90 gr.)
Acide sulfurique | 50 gr.

671. Marey, La méthode graphique, p. 466.

681. Rosapelly, Inscription des mouvements phonétiques
(Travaux du laboratoire de M. Marey, II, p. 117-118).

691. Gentilli, Der Glossograph, Leipzig, 1882 ; Bergonié,
Les phénomènes physiques de la phonation (thèse d'agrégation),
Paris, 1883, p. 94.

702. Listy filologické, t. XX (année 1893), et Revue des
revues
, t. XVIII, p. 146.

713. Comptes rendus de l'Académie des Sciences, t. CXIII
(1891), p. 216, et Journal de physique, année 1893, p. 328.

721. Annales du Conservatoire des Arts et métiers, octobre 1864.

731. Journal de physique, année 1875, p. 349.

741. Kœnig, Quelques expériences d'acoustique, p. 47-48.

752. Marey, La méthode graphique, p. 647.

763. Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 1886, t. CIII,
p. 340-342.

774. Ibid., 1887, t. CV, p. 222-224 et 1247-1249.

781. P. 78-79.

791. On trouvera auprès des représentants de M. Edison
tous les renseignements nécessaires pour le bon fonctionnement
du phonographe et du graphophone.

802. Journal de physique, année 1878, p. 114.

811. Journal de physique, année 1880, p 422.

821. Transactions of Royal Society of Edinburgh, t. XXVIII,
p. 745-779.

832. Wiedemann's Annalen der Physik und Chemie (1886),
t. XXVIII, p. 94-119, et Journal de physique, année 1887,
p. 526-529.

843. Pflüger's Archiv für gesammte Physiologie (année 1893),
t. LIII, p. 1-7.

854. The Nature, t. XVIII, p. 101-102.

865. Pflüger's Archiv, t. L (planches II et III).

871. Schneebeli, Sur le timbre des voyelles, dans les Archives
des sciences physiques et naturelles
de Genève (15 février
1879).

882. The American Journal of science and arts, 1878,
second semestre, p. 55, et Journal de physique, année 1879,
p. 251. — Voir aussi The Nature, t. XVIII, p. 338-340.
— Le dispositif adopté était le suivant : miroir incliné de
45° sur l'horizon ; héliostat envoyant sur le miroir un
rayon horizontal qui se réfléchissait verticalement ; au-dessous,
à quelques pieds de distance, une lentille, et, au
foyer de celle-ci, un chariot portant la plaque sensible.

891. Proceedings of the Royal Society, London, 1879, t. XXVII,
p. 358-366.

902. Sitzungsberichte der mathematisch-naturwissenschaftlichen
Classe der Kaiserlichen Akademie der Wissenschaften in Wien
,
1882, p. 241, et Journal de physique, 1883, p. 195.

913. Journal de physique, année 1883, p. 553.

921. Pflüger's Archiv für gesammte Physiologie, t. XLV
(année 1889), p. 582-592.

932. Ibid., t. XLVII, p. 44-49 et 347-351.

941. Comptes rendus de l'Académie des Sciences (1879),
t. LXXXVIII, p. 847-849.

951. Archives of ophthalmology and otology, t. V (1876), n° 1.

961. Zeitschrift für Biologie, t. XXIII (année 1887), p. 291-302.

972. Ibid., t. XXVII, p. 13-25.

981. Ueber die Theorie der Vocale, Helsingfors, 1894.

991. Comparer page 15.

1001. Wiedemann's Annalen der Physik und Chemie (année
1893), nouvelle série, t. L, p. 193 et suiv. : compte rendu
dans le Journal de physique, année 1894, p. 139-141.

1011. Marey, La méthode graphique, p. 505.

1021. Les modifications phonétiques du langage, p. 62.

1031. La circulation du sang, p. 111.

1041. The Nature, t. XVII, p. 426-427 et 447.

1051. Journal de physique, année 1879, p. 92.

1062. Journal de physique, année 1880, p. 242. Communiqué
antérieurement au congrès de Montpellier (Association française
pour l'avancement des sciences
), 1879.

1073. Cette surface est aussi brillante et moins mobile que
celle du mercure chimiquement pur.

1081. Archiv für Physiologie, année 1878, p. 588.

1091. Comptes rendus de la Société de biologie (année 1889),
9e série, t. I, p. 278.

1101. Annales des maladies de l'oreille, du larynx, etc.,
mars 1896.

1111. Brillouin, dans le Journal de physique, année 1887,
p. 222.

1121. Quelques expériences d'acoustique, p. 70-74.

1131. On the vowel-sounds, and on reed-organ-pipes, dans Transactions
of the Cambridge Philosophical Society
(année 1830),
t. II, p. 231-268.

1142. Académie de Saint-Pétersbourg, 1780.

1153. Le mécanisme de la parole, Vienne, 1791.

1161. Proceedings of the Royal Society (1879), t. XXVIII,
p. 358-366.

1171. Speech sounds : their nature, and causation, dans Phonetische
Studien
, III (année 1890), p. 275, 278 ; IV (année
1890), p. 39 ; V (année 1891), p. 125.

1181. Kœnig, Quelques expériences d'acoustique, p. 226.

1191. Wiedemann's Annalen, t. LVII (année 1896),
p. 339-388.

1201. Voir p. 166.

1212. Les longueurs correspondantes sont, en pouces (pouce
= 25 mm,31) : 0,38 ( ?) ; 0,6 ; 1 ; 1,8 ; 2,2 ; 3,05 ; 4,07. —
Helmholtz a corrigé une faute dans la notation musicale :
d2♭ au lieu de d2♭. Il faut de même lire pad ou quelque
chose d'analogue au lieu de paa. La série des voyelles de
Willis répond à : í, ě, è, à, á, å, ò, ó (, pět, y, pàd, rt,
, nòt, w, dans la prononciation des environs de Londres).

1221. Helmholtz, Théorie physiologique de la musique, p. 148-150.

1232. London and Westminster Review, octobre 1837.

1243. Stettiner Programrn 1854.

1254. Wiedemann's Annalen, I (année 1877), p 606-629.

1261. Archiv für die holländischen Beiträge für Natur- und
Heilkunde
, I, p. 157.

Voir Gavarret, Phénomènes physiques de la phonation, p. 380
et suiv. (Ses notations renferment plusieurs erreurs).

1271. Trautmann, Die Sprachlaute, Leipzig, 1886.

1281. Journal de physique, année 1878, p. 378.

1292. Wiedemann's Annalen, III (année 1878), p. 152-157.

1303. Cette voyelle sonne, pour l'oreille d'un Français,
à peu près comme un ó fermé (au) prononcé avec les lèvres
projetées en avant.

1311. Voir p. II, note I.

1321. Théorie physiologique de la musique, p. 144.

1331. Théorie physiologique de la musique, p. 157-158 (200-
201 de l'édition allemande).

1342. Ibid., p. 161.

1351. Quelques expériences d'acoustique, p. 42-46.

1362. Ibid., p. 228 ; p. 242, note. — M. Kœnig (Wiedemann's
Annalen
, t. LVII, p. 555) maintient ces conclusions
contre les objections de M. Hermann (Pflüger's
Archiv
, LVI, p. 467)

1373. Ibid., p 218-222.

1381. Ueber Klänge mit ungleichförmigen Wellen, dans Annalen
der Physik und Chemie
, XXXIX (1890), p. 403-411, et
Journal de physique, année 1891, p. 528.

1392. Zur Helmholtz'schen Vokaltheorie, dans Poggendorf-Annalen
der Physik und Chemie
(année 1875).

1403. Untersuchungen über die Natur des Vokalklangs, dans
Poggendorf-Annalen, VIII (volume complémentaire, 1878),
p. 177-225. — Die physikalischen Grundlagen der Phonetik,
dans Zeitschrift für neufranzösische Sprache und Literatur,
t. XVI, p. 117 et suiv.

1411. On remarquera que √L/L = √L/√L√L = 1/√L

1421. Quelques expériences d'acoustique, p. 55-67.

1431. Quelques expériences d'acoustique, p. 72.

1441. Pour les lignes trigonométriques qui y figurent, voir
les définitions et la réduction des arcs au Ier quadrant dans
une trigonométrie élémentaire.

1451. Die Vocalsirene, dans Wiedemann's Annalen, XXXIX
(année 1890), p. 148-154.

1462. Zeitschrift für Biologie, t. XXIII (année 1887), p. 291-302.

1473. Ibid., t. XXVII (année 1890), p. 1-80. Om Hensens
Fonautograf som ett hjälpmedel f. språkvetenkapen
, Helsingsfors,
1890.

1484. Dans Acta Societatis Scientiarum Fennicae, t. XX, n° 11 ;
Helsingfors, 1894.

1491. Pflüger's Archiv, t. XLV (année 1889), p. 582-592 ;
XLVII (année 1890), p. 42-44, 44-53, 347-391 ; XLVIII
(année 1891), p. 181-194, 543-574, 574-577 ; LIII (année
1892), p. 1-51.

1501. Dans l'article inséré dans le t. LIII de l'Archiv de
Pflüger, M. Hermann suppose :

image o | ou

1512. Pflüger's Archiv, t. LIII, p. 1-51.

1521. Sur cette controverse, voir : Pipping (avec note de
Hensen), Zeitschrift für Biologie, XXVII, p. 433-438 ; —
Hermann, Pflüger's Archiv, t. XLVIII, p. 181-194 ; —
Hensen, Zeitschrift für Biologie, XXVIII, p. 39-48. Voir
aussi : Lloyd, articles déjà cités, dans Phonetische Studien ;
Pipping, Zeitschrift für französische Sprache und Litteratur,
t. XV, p. 157-171 ; Lloyd, ibid., t, XVI,, p.201-208.

1532. Wiedemann's Annalen, LVII, p. 382 et suiv.

1541. Mikroskopische Phonogrammstudien, dans Pflüger's
Archiv
, t. L (année 1891), p. 297-318.

1551. The Nature, t. XVIII, p. 93-94.

1561. Wiedemann's Annalen, t. LVIII (année 1896), p. 400.

1571. D'après Gavarret, Phénomènes physiques de la phonation
et de l'audition
, p. 370-374.

1582. Théorie physique de la musique, p 95.

1593. Ibid., p. 148.

1601. Quelques expériences d'acoustique, p. 69-70.

1612. Ein Versuch, die Schallbewegung einiger Konsonanten
graphisch darzustellen
, dans Zeitschrift für Biologie, t. XIII
(année 1887), p. 303.

1621. Les modifications phonétiques du langage, p. 61. et suiv.

1631. Les modifications phonétiques du langage, p. 61-62.

1641. De Meyer, Les organes de la parole, p. 142. — Pour
deux expériences analogues sur le ton normal, voir : C. R.
de l'Ac. des sc.
, t. IV (1837), p. 201 (cas Legris, 160 mm) ;
journal L'Institut, 1837, p. 131 (cas Jeanne Colar. 130 mm).

1652. Ibid., p. 141. — Le nez fermé, l'air était repoussé
dans un manomètre assujetti à la bouche.

1661. Société philomatique de Paris (L'Université, années
1836 et suiv.),

1672. Étude expérimentale sur la phonation, Paris, Octave
Doin, 1886 (200 pages). — On y trouvera la bibliographie
du sujet.

1681. Les différences signalées ici entre la voix de fausset et
celle de poitrine ne sont pas les seules qui existent. Les parties
sus-glottiques sont aussi le siège de différences marquées
et faciles à observer : contraction dans le premier cas,
relâchement dans le second (cf. Benneti dans les Mémoires
de l'Académie des sciences
(1838), t. XVI, p. LI-LIV).

1691. Étude expérimentale sur les fonctions du muscle crico-thyroïdien,
dans Archives de physiologie, 1883, t. I, p. 582.

1701. De Meyer, Les organes de la parole, p. 159-161,
traduction de Claveau. Paris, Félix Alcan, 1885.

1712. Ibid., p. 169-170.

1721. Vowel measurements, dans Publications of the Modern
Langage Association of America
, Supplément au vol. V, n°2
(1890).

1731. Ouvrage cité p. 277.

1741. L'étude du système nerveux a été renouvelée dans le
cours de ces dernières années. A consulter : Anatomie des
centres nerveux
, de M. et Mme Dejerine, gr. in-8°, 806 pages.
Il y aura deux volumes : le premier seul a paru. — Rueff, 1895.

1751. Dejerine, Comptes rendus de la Société de biologie, 1893,
p. 193 ; — 1897, séance du 19 février.

1761. Anatomie des centres nerveux, p. 180.

1771. Semon et Horseley, British medical Journal, an. 1889,
p. 1383-1384. — Dejerine, Comptes rendus de la Société
de biologie
, an. 1891, p. 155. Voir, pour prendre une idée
rapide de la question : Dr P. Rangé, Les troubles neuromoteurs
du larynx
, dans la Revue internationale de rhinologie,
otologie et laryngologie du Dr Natier
, an. 1895, p. 157-166.

1781. Onodi, Rapport de l'accessoire avec l'innervation du
larynx
(Congrès de Vienne, 25 septembre 1895), dans la
Revue internationale de rhinologie, etc., an. 1895, p. 269. —
Grabower, Deutsche Zeitschrift für Nervenheilkunde, 1896,
vol. IX, liv. 1 et 2, p. 82, et compte rendu par M. Marinesco,
dans la Presse médicale, an. 1896, p. 703.

1791. Philosophical Transactions, 1890, p. 187.

1802. Onodi, Les centres cérébraux de la phonation (Congrès
de Vienne, 25 septembre 1895), dans la Revue internationale
de laryngologie
, etc., an. 1895, p. 269.

1811. A consulter Mirallié, De l'aphasie sensorielle (thèse),
Paris, Steinheil, 1896, on y trouvera une bibliographie
générale de l'aphasie, à laquelle je renvoie le lecteur ;
— Thomas et Roux, Comptes rendus de la Société de biologie,
1895-96 ; — Thomas, De l'aphasie motrice corticale ou aphasie
de Broca, article fort intéressant qui paraîtra bientôt,
et que l'auteur a bien voulu me communiquer en manuscrit.
Ces travaux sont remarquables par la méthode et
la rigueur d'observation que M. Dejerine a su inculquer à
ses élèves pour l'étude de l'aphasie.

1821. Bulletin de la Société anatomique, 1861, août, p. 330 ;
novembre, p. 398.

1832. Wernicke, Der aphasische symptomcomplex, Breslau,
1874.

1841. Comptes rendus de la Société de biologie, 1891, p. 167-173.

1852. Vialet, Les centres cérébraux de la vision(thèse), Paris,
1893

1863. Dejerine, Anatomie des centres nerveux, I, p. 756, 758,
769.

1871. Je résume en partie l'article de M. Thomas cité plus
haut.

1881. On a demandé aux malades si, durant leur affection,
les noms des objets auxquels ils pensaient résonnaient ou
non à leur oreille. On a essayé, en présentant un objet, de
faire dire nombre des syllables contenues dans le nom
(Lichtheim), ou de faire reconnaître une svllabe non significative
du nom dans un groupe de syllabes assemblées au
hasard (Thomas et Roux).

1891. Pipping, Ueber die Theorie der Vocale, p. 3-4.

1901. On n'attend pas de moi une liste complète des livres
qui peuvent être consultés avec fruit. Tout au plus, puis-je
fournir quelques indications sommaires destinées aux
débutants.

Pour la philologie ancienne, recourir aux grammairiens
et aux notes éparses dans les auteurs. On trouvera un certain
nombre de citations, par exemple, dans : Rudiménta
latino-gallica
, Lutetiæ, ex officina, Roberti Stéphani, 1585 ;
J. Matthiæ, de Litteris, Basileæ, 1594, réimprimé dans la
Zeitschrift de Techmer, an. 1889, p. 90-132 ; Oskar
Fochde, Die Anfangsgründe der römischen Grammatik,
Leipzig, 1892.

Pour le sanskrit : Rig-Veda Prātiçākya, éd. Müller ou
Régnier ; Atharva-Pratiçākya, éd. Whitney, dans Journal of
the American Oriental Society
, t. VII (an. 1862) et X (an.
1872) ; Taittirīya Prātiçakya, éd. Whitney, ibid., t. IX (an.
1871).

Les études modernes de phonétique soit historique, soit
descriptive seront facilement à la portée de l'expérimentateur.
A signaler entre autres : William Holder, Elements of
speech
, London, 1669 ; De Kempelen, Le mécanisme de la
parole
, Vienne, 1791 (très intéressants pour leurs dates) ;
Brücke, Grundzüge der Physiologie und Systematik der Sprachlaute,
Vienne, 1855, 2e éd., 1876 ; Sievers, Grundzüge der
Phonetik
, Leipzig, 1876, 4e éd., 1893 ; Vietor, Elemente der
Phonetik
, Heilbronn, 1884, 3e éd., 1893 ; Trautmann, Die
Sprachlaute…
, Leipzig, 1886 ; Jesperson, The articulations
of speech sounds…
, Marburg, 1889 ; Paul Passy, Étude sur
les changements phonétiques
, Paris, 1890.

M. Storm a fait une revue critique des ouvrages de phonétique
dans le Ier volume de son Englische Philologie,
Leipzig, 1892. M. Koschwitz rend compte de ceux qui ont
paru entre 1892 et 1895 (dans Romanischer Jahresbericht, II,
p. 29 et suiv.). Enfin, M. Breymann a donné une liste
complète avec sommaires des livres parus dans toutes les
branches de la phonétique, de 1876 à 1895 (Die Phonetische
Literatur
, Leipzig, 1897, 170 pages).

1911. Traité de la formation mécanique des langues (édition
de l'an IX), I, p. 108.

1922. Revue internationale de laryngologie, an. 1894, p. 222
(Société de laryngologie, New-York, 22-24 mai).

1931. Thurot, De la prononciation française depuis le XVIe siècle,
II, 297-307 ; Sarcey, feuilleton du Temps, 19 août 1895.

1942. Tome I, p. 107, 113, 116-117, 136 et 139.

1951. Note de son éditeur, p. 3.

1962. Gaston Paris, Étude sur le rôle de l'accent latin dans la
langue française
, p. 15.

1971. Jacques Dubois, In linguam gallicam Isagωge, Parisiis,
1531 ; Briefve Doctrine pour deuëment escripre selon la
propriété du langaige Françoys
, 1533 (il y en a deux éditions :
Bibl. nat. rés. ye 1409 et ye 1632 ; la seconde
est la plus importante. Cet opuscule a été reproduit dans
le travail d'un de mes élèves : Maurice Lambert, Étude des
signes diacritiques ou orthographiques en français
. (C. R.
du 4e congrès scientifique international des catholiques,
Fribourg, 1898) ; Jacques Pelletier du Mans, Dialogue de
l'Ortografe e Prononciation Françoęse
, 1550 ; Louis Meigret,
Le tretté de la grammere francoęse, 1550 ; P. de La Ramée,
Grammaire, 1572 ; Baïf, Étrénes de poésie fransoęze, 1574 ;
Joubert, Traité du Ris, 1579, etc.

1982. Rambaud, La Déclaration des abus que l'on commeten
escrivant…
, 1578. On trouvera des spécimens et d'autres
indications dans l'article de M. Brunot, la langue française
au XVIe siècle
(Petit de Julleville, Hist. de la lang. et de la
litt. fr.
).

1991. F. M. B. ab Helmont, Alpbabeti vere Naturalis hebraici

image

Fig. 114.

image

Fig. 115.

brevissima delineatio…, Sulzbaci, 1667. Je donne, à titre de
curiosité, un spécimen des figures qui servent à établir
l'étrange système de l'auteur d'après la reproduction très
exacte du baron de Kempelen.

2001. An essay towards a real character and a philosophical
language
, London, 1668. La partie importante pour nous
a été rééditée par Techmer, dans son Internationale
Zeitschrift
(an. 1889), p. 149 et suivantes.

2012. J. Becker, Character pro notitia linguarum universalis…,
Francofurti, 1661 ; G. Dalgarn, Ars signorum,
vulgo character universalis…
, Londini, 1661 ; Ath. Kircher,
Polygraphia nova et universalis…, Romæ, 1663.

2023. Traité de la formation mécanique des langues, I, 163, etc.

2034. Standard alphabet for reducing unwritten languages and
foreign graphic systems
, London, 1855, 2e éd., 1863. (C. R.
de Whitney, Journal of the american oriental society, an. 1862,
p. 299-332).

2041. Kadmus oder allgemeine Alphabetik vom physikalischen,
physiologischen und graphischen Standpunkt,
Berlin, 1862.

2052. Ueber eine neue Methode der phonetischen Transcription (t. XLI, p. 223-285).

2063. 3. Alex. Melville Bell, Visible speech, 1867, et Popular
manual of vocal Physiology and visible speech
(2e éd.), 1891.

2074. Das natürliche System der Sprachlaute, Halle, 1869.

2085. The articulations of speech sounds represented by means
of analphabetic symboles
, Marburg, 1889.

2096. Transactions of the philological Society, an. 1880-1881,
p. 177-225.

2107. A primer of phonetics, Oxford, 1890 (p. VIII-113).

2111. Congrès des orientalistes de Christiania, Stockholm,
1889.

2121. La différence des transcriptions e, o d'une part, ē, ō
de l'autre ; et ai, au d'une part, āi, āu de l'autre ne provient
pas d'une différence d'interprétation : il est certain
que e et o étaient des longues et que le premier élément
de ai, au était long. Les notations e, o, ai, au sont donc
incomplètes. Elles sont néanmoins de plus en plus
employées ; elles ne donnent en effet lieu à aucune ambiguïté,
parce qu'il n'existait en sanskrit ni e, o brefs, ni ai,
au à premier élément bref.

2131. Untersuchungen von Taubstummen, Bâle, 1899. — La
Parole
, 1899, p. 641.

2141. On en trouvera de très intéressants, qui ont été dessinés
à la chambre claire, dans le volume de M. Marichelle :
la Parole, Paris, Delagrave, 1897.

2152. Archiv für die gesammte Physiologie, t. LXI (1895),
planches lithographiées dont on a pris un décalque.

2161. Mémoires de la Société de Physique, année 1897.

2171. Archiv für die gesammte Physiologie, t. LVIII
(1894), p. 255-263.

2181. Mémoires de la Société de linguistique, IX, p. 488-499.

2192. La Parole, 1899, p. 20-31.

2203. Olivier, ibid.

2211. Die Bauchrednerkunst… Berlin, 1894.

2222. Revue scientifique, année 1900, n° 21.

2231. Les modifications phonétiques du langage, p. 36.

2241. Note du R. P. Trilles, missionnaire.

2252. Mémoires de la Société de linguistique, II, p. 221.

2261. La Parole, année 1899, p. 119-127.

2271. Les modifications phonétiques du langage, p. 50.

2281. Les modifications phonétiques du langage, pp. 43-44,
84-86.

2291. La Parole, n° 3, 1901.

2302. Colinet, Het dialect van Aalst, p. 245-248.

2311. Revue des patois gallo-romans, II, p. 106.

2322. Lesclarcisscment de la langue francoyse, I, ch. 3.

2331. Modifications phonétiques du langage, p. 42.

2341. Modifications phonétiques du langage, p. 25, 26.

2352. La Parole, année 1899, n° 7.

2363. La Parole, année 1899, n° 8.

2371. La Parole, année 1899, p. 619.

2381. Traité élémentaire de Physiologie, II, p. 198.