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Rousselot, Jean-Pierre. Principes de phonétique expérimentale. Tome II – T01

Principes
de
phonétique expérimentale

Chapitre VI
Analyse physiologique de la parole

Article II
Éléments simples de la parole.

§ III.
Classification des articulations

I
Catégories générales

Voyelles, semi-voyelles, consonnes

Les voyelles constituent la syllabe. C'est leur rôle ordinaire.
On est donc autorisé à considérer certaines consonnes,
qui remplissent le même emploi, comme des voyelles, par
exemple : l'm de mtu et l'n de nei (fig. 350 et 351), qui
forment à elles seules une syllabe mélodique. J'aurais pu
citer encore l'm de mfũa « le vent » dans le dialecte des
Fang (Pahouins), d'après un tracé du R. P. Trilles. Pour
des tranches de 1/2 dixième de seconde, je lis :

m | | a
+ ut#2 fa#2mi2 | fa#2 + ut#2 | sol#1

Les figures 354-356 nous font assister à la réduction
progressive de œn à n. Dans tœkkœn (fig. 354), l'œ devant
n est certain ; dans toppœn fig. 355), l'œ existe encore, mais
639très fortement nasalisé ; enfin dans vattn (fig. 356) il ne
reste plus que l'n qui sert à la fois d'explosion pour le t et
de voyelle. L'allemand et l'anglais fournissent abondamment
des exemples semblables.

Mon patois renferme un r qui remplace, à lui seul, un
ancien œr : pr mé « pour moi » (fig. 425, 1). Il n'y a

image 1 | 2 | 3 | 4

Fig. 425.

1. prm—è
2. kœ̓pœr——ní
5. pœr——n—
4. klé———pœr——n—
r voyelle et œr
(Souffle),

certainement pas place pour un œ entre l'explosion du p et
l'r. C'est donc bien une r voyelle.

Cependant la réduction n'est pas toujours aussi complète
qu'elle paraît. Ainsi, avant d'avoir vu les tracés, je ne sentais
qu'une r seule sans voyelle de soutien dans kœ̓ prní « ce
prunier » (2), prn « prune » (3), klé prn « ces prunes » (4).640

image 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9
1. t——œ——
2. e——r——
3. r————œ———
4. t——r—————g——
5. v——œ——
6. v——r———t——
7. p———œ——
8 et 9. p——r———s——t

Fig. 426. (H.)
r voyelle en croate.
(Souffle).641

Je me trompais : il y a un œ très petit dans kœ̓ pœrni, un
plus long dans pœrn, un plus long encore dans klé pœrní.
C'est à l'atone que la réduction est la plus complète.

La même illusion existe ailleurs. Par exemple, M. Spieser
écrit hámr le mot représenté (fig. 340) ; mais l'œ n'est pas
douteux : voir ligne B, après l'occlusion de l'm et avant les
battements de l'r.

image 1 | 2 | 3
1. —t—r——g——
2. —v—r——t——
3. —p—r——s———t—

Fig. 427. (R.)
r voyelle de Cellefrouin dans les mots croates.
(Souffle).

En Croate, on croit aussi à une r vocalique dans trg
« place », vrt « jardin, » prst « doigt ». Mais les inscriptions
dénotent l'existence d'une voyelle très brève avant l'r. Pour
s'en convaincre, il suffit de comparer (fig. 426) (1), er
(2), (3) et trg (4), (5) et vrt (6), — (7) et prst
(8 et 9) : on sent nettement que l'r interconsonantique
642s'appuie sur une faible voyelle. J'ai inscrit les mots trg,
vrt, prst avec mon r voyelle, et les tracés que j'ai obtenus
(fig. 427) viennent confirmer la présence d'une voyelle
d'appui dans la prononciation croate.

Convient-il d'aller plus loin, et de voir des voyelles dans
f ! pst ? je n'en sens pas l'utilité. Et pourquoi pas alors dans
le v de vnu « venu », et le p de pti « petit » ? Nous
pourrons y revenir à propos de la syllabation.

image L | B
a———i———

Fig. 428. (B)
Diphtongue ai, avec un a voyelle.
L. Mouvements de la langue (ampoule). — B. Souffle.

Tenons-nous-en donc, pour le sens de voyelle et de
consonne, tout en l'élargissant un peu, à la conception
vulgaire.

Quant au terme de semi-voyelle nous l'appliquerons à
toute voyelle qui s'appuiera sur une autre voyelle sans
former syllabe, et qui sera entièrement comprise dans les
limites d'un mouvement articulatoire.

Ce dernier caractère suffit pour distinguer la semi-voyelle
d'une voyelle brève. Comparez, par exemple, l'a
bref de ai (fig. 428) avec l'a semi-voyelle de ai (fig. 424).

La distinction est souvent délicate. Ainsi la diphtongue
643allemande eu de treu (fig. 429) se divise nettement en trois
parties : un e, une articulation de passage relativement

image B | L
—r—e

Fig. 429. (K)
Diphtongue allemande eu.
B. Souffle. — L. Mouvements de la langue.
De α à β, e ; de β à γ, articulation de passage ; de γ à δ, u.

image B | L
a———i——

Fig. 430. (K)
Diphtongue allemande ai.
B. Souffle. — L. Mouvements de la langue.
Avant α, a ; de α à b, articulation de passage ; après b, i.

longue, et un u très bref. Au contraire dans ai (fig. 430),
644l'a et l'i ont leur forme complète et ne sont séparés que par
un mouvement assez court proportionnellement à l'i final.
Aussi, dans certains cas, la semi-voyelle se distingue à
l'oreille ; dans d'autres, elle passe inaperçue et se confond
avec les voyelles contiguës. C'est surtout affaire de durée.

II
Classes particulières

Les voyelles et les consonnes sont déterminées physiologiquement
par le jeu organique qui les produit.

Cependant comme toute classification doit reposer sur
des données simples, on a choisi pour base de celle-ci les
organes phonateurs dont l'action paraît la plus caractéristique
et la plus facile à observer. Il est raisonnable de
procéder ainsi. Mais nous aurons garde de négliger les
autres parties de l'organisme qui viennent soit confirmer les
divisions établies, soit les compléter en introduisant des
variétés nouvelles.

Cette partie de mon travail serait sans limite, si je
songeais à la pousser à fond. Ce serait du reste une prétention
irréalisable. Je n'ai pas à poser le couronnement de la
phonétique expérimentale ; toute mon ambition est d'aider
à en creuser les premiers fondements. Loin donc d'avoir le
souci d'être complet, je n'épuiserai pas même ce que
pourraient me fournir les expériences déjà faites. Partant
des cadres adoptés, j'indiquerai le moyen d'y mettre à sa
place une articulation quelconque. Je donnerai des
exemples. Au besoin, j'esquisserai des cadres nouveaux.

Je m'occuperai successivement des voyelles, des semi-voyelles,
645des consonnes, enfin des sons indéterminés, restes
d'articulations antérieures ou germes d'articulations nouvelles
en voie de développement.

Voyelles

Les deux organes qui ont servi (en dehors du voile du
palais) à classer les voyelles, sont la langue et les lèvres.
Nous commencerons par ceux-ci. Puis nous interrogerons
les mâchoires, les joues, le voile du palais, le larynx, l'ensemble
des cavités sus-glottiques par leurs principales
résonances et la distribution du souffle, enfin la trachée
et l'appareil respiratoire.

Langue

Une exploration sommaire, faite avec le miroir ou
simplement avec le doigt, suffit pour montrer que, dans
l'articulation des voyelles, la langue exécute deux séries
de mouvements qui tendent à porter, l'un la pointe en
avant, l'autre la racine en arrière, et qui se combinent
avec un mouvement progressif de bas en haut. C'est
ainsi que les voyelles se rangent en quatre classes :
les antérieures et les postérieures, les ouvertes et les fermées, et
que chaque voyelle se distingue dans sa classe par une
position de la langue plus ou moins avancée ou reculée, et
plus ou moins rapprochée du palais. La position moyenne,
celle qui sert de point de départ à chacune des séries, donne
naissance à une voyelle moyenne ou neutre. Cette position
est, avec les extrêmes, la plus facile à définir. C'est par elle
qu'il convient de commencer toute classification, ta voyelle
moyenne est l'a ; les voyelles antérieures (série non labiale et
série labiale) les plus fermées, l'i et l'u ; la voyelle postérieure
la plus fermée, l'u (ou). Les voyelles intermédiaires
646pour les deux premières séries, sont e, œ (eu) ; pour la troisième,
0. Mais les nuances des voyelles sont aussi nombreuses
que peuvent être les positions de la langue ; d'où, pour
chaque type reconnu, d'innombrables variétés seraient à
définir au point de vue physiologique. L'oreille n'en
reconnaît que quelques-unes. Et c'est à celles-ci que l'on
s'arrête. Prenons comme exemple les voyelles françaises
telles que je les produis consciemment et à l'état isolé. Je
m'en rapporterai pour l'impression auditive à mon oreille
et pour les diverses positions aux mesures prises directement
par M. le Dr Natier à l'aide du miroir et grâce à
deux brèches que j'ai entre les dents, sortes de fenêtres
ouvertes sur l'intérieur de la bouche.

Je reconnais nettement : trois a, cinq e, deux i, cinq œ,
deux u, cinq o, deux u. Mais je ne suis bien sûr d'émettre
correctement que trois e, trois œ, trois o. Cest à ces variétés
que j'ai limité les observations.

La voyelle neutre est l'a (celui de Paris), que j'appelle
moyen. Il a son point d'articulation dans la partie moyenne
de la bouche, juste à égaie distance de ceux des deux
voyelles extrêmes í et ú (ou), soit à 50mm des dents. C'est à
cet endroit que la langue, étendue sur le plancher de la
bouche dans la position du repos, se soulève légèrement
pour l'émission de la voyelle.

Un autre a (l'à, celui du parisien « il part ») s'articule
5mm plus en avant. C'est la première voyelle de la série
antérieure. Cet a diffère peu au point de vue acoustique
de l'a moyen, avec lequel on le confond souvent.

Enfin un troisième a (l'á de pas) s'articule à 5mm plus en
arrière, formant le premier degré de la série postérieure.

La série antérieure non labiale se continue par è (fête),
e (périr), é (chantée), i (pigeon), í (nids) dont les points
647d'articulation, séparés les uns des autres par 5mm, sont
respectivement à 40, 35, 30, 25 et 20mm des dents. La
série antérieure labiale se compose œ̀ (heure), œ (peut-être),
œ́ (œufs), u (punir), ú (nus) qui s'articulent à 40, 37,
32,26 et 23mm des dents.

Lorsque ces voyelles sont ainsi émises successivement,
le déplacement du point d'articulation produit, sur l'œil
de l'observateur, l'effet d'une onde qui avancerait d'un
mouvement régulier.

La série postérieure est constituée comme la série antérieure,
les points d'articulations se succédant de 5 en 5mm :
avec á (pas) 55mm, ò (or) 60mm, o (bol) 65mm, ó (beau) 70mm,
u (bouton) 75mm, ú (boue) 80mm des dents. Le fond de la
bouche est à 86mm.

La distance de la langue au palais, mesurée au point
d'articulation, varie dans des proportions inverses : a, 13mm ;
á, 10 ; è, 8 ; e, 4,5 ; é 2,5 ; i, moins de 1mm ; — œ̀, 13mm ;
ce, 10 ; œ́, 4 ; u, 3 ; —á, 18mm ; ò, 12 ; o, 10 ; ó, 9 ; u, 8 ;
ú, 6, du moins dans la partie visible.

L'appellation des voyelles ouvertes se justifie donc pour
è, œ̀, ò, par rapport à é, œ́, ó qui sont avec raison dits
fermés. De même e, œ, o sont bien réellement moyens.
D'un autre côté, i, ú, ú étant fermés, i, u, u pourraient
être appelés ouverts, mais par comparaison avec d'autres
variétés étrangères ou seulement avec les autres voyelles
françaises, ils sont plus justement considérés comme moyens.
Les a seuls font difficulté pour entrer dans cette classification.
Si on les y a introduits, c'est surtout pour des raisons
de commodité. On regarde l'à comme ouvert, l'á comme
fermé. L'a moyen va de soi. A ne considérer chez moi que
l'élévation de la langue au point d'articulation, cette
dénomination ne serait pas fondée ; mais si l'on fait intervenir
648la fermeture des lèvres (fig. 473) elle se défend très
bien. Il en est de même chez la petite Parisienne (fig. 475).
Mais beaucoup ont le sentiment d'ouvrir la bouche plus
pour á que pour à. Cela tient à une différence d'articulation.
On peut produire un á avec la position soit linguale,
soit labiale de l'à, mais dans le premier cas, en fermant les

image 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 1° | 2°

Fig. 431.
Position de la langue et du voile du palais pour les voyelles anglaises
de Boston.
Série antérieure.

1.a (part), — 2. œ̆ (upper), — 3. ā (bat), — 4. ĕ (bet), — 5. é (bait), — 6. ĭ (bit), —
7. í (beat).

1°. œ̀ (hurl), — 2°. œ̌ (hull).

lèvres, et dans le second, en creusant la langue et, par
conséquent, en agrandissant la partie antérieure de la
bouche : dans les deux cas, en diminuant l'orifice du résonnateur
par rapport à sa capacité, ce qui suffit pour autoriser
les dénominations courantes.649

M. Grandgent 11, d'après un procédé indiqué plus haut
(p. 277), nous a donné des diverses positions de la langue
pour ses voyelles des croquis que je groupe en deux figures
(fig. 431 et 432), pour en rendre la comparaison plus facile,
M. Atkinson 22 a fait le même travail suivant une autre

image 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7

Fig. 432.
Position de la langue et du voile du palais pour les voyelles anglaises
de Boston.
Série postérieure.

1.a (part), — 2. o (wohle), — 3. o (pot), — 4. å (bought), — 5. ów (bost), — 6. ŭ
(book), — 7. ú (boot).

Pour 1, 2,3, la langue se trouve dans la partie antérieure de la bouche.
Mais pour 4,5,6, 7, elle est nettement rejetée en arrière.

méthode (p. 278), qui a été suivie aussi par M. Laclotte 33
pour quelques voyelles seulement.

La difficulté de l'expérimentation avec ces procédés ne
650manque pas de laisser flotter dans nos esprits à l'égard des
résultats ainsi obtenus, quelque intéressants du reste qu'ils

image 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 11 | 12

Fig. 433.
Voyelles antérieures.

Tracés. — 0. á, — 2. a, — 1. à, — 3. è, — 4. e, — 5. é, — 6. ì, — 7. i, — 8. í.
N° 8 : 1. ask, — 2. cat, — 4. met, — 5. cake. — 6. pretty, — 8. meat.
N° 9 : 6. J « je » = aè ; 6. pretty.
N° 10 : 6. ei.
N° 11 : 0. ā́, — 2. mamma, — 1. pappa, — 1. ă bref, 3. ā long, — , 4. ĕ, — 5. ē, —
7. ī. — 8. ĭ.
N° 1. Voyelles angoumoisines (R). — 2. parisiennes (A), — 3. parisiennes (C), — 4. parisiennes
(D), — 5. liégeoises (G), — 6. portugaises (V), — 7. irlandaises (W). — 8, 9.
anglaises (A*), — 10. alsaciennes (Sp.), — 11. suédoises (K), — 12. russes (O).
Remarque. — Les tracés du Parisien C présentent une anomalie dont il est possible de tirer
parti. La pointe de la langue touche le palais pour presque toutes les articulations.

soient, une certaine défiance. L'exploration avec le palais
artificiel est à la fois et plus facile et plus sûre ; mais elle
651est d'une application plus restreinte et d'une interprétation
plus délicate.

Les voyelles antérieures et fermées sont naturellement
celles qui fournissent les tracés les plus étendus et les plus
expressifs. Comme, pour toutes les voyelles, le dos de la
langue ne touche jamais entièrement la voûte du palais, la
ligne de contact marque seulement la hauteur des bords.
On en conclut la hauteur totale de l'organe. Ainsi le palais
est d'autant plus atteint par la langue, et d'arrière en
avant, que l'on s'élève davantage dans la série (fig. 433).

Les divers tracés que je reproduis montrent à la fois
l'accord qui existe entre les différentes langues, les variétés
qui les distinguent et la possibilité de nombreuses nuances

image 1 | 2 | 3 | 4

Fig. 434.
Voyelles antérieures associées à k.

Nos 1, 2 : 1. kàv, — 2. kav, — 3. káv.
N° 3 : 1. I can, — 2. ka français. —, 3. ka avec l'a de park.
N° 4 : 1. , — 2. ka fr., — 2. kā̀ (écrit) kā̀, — 4. ke (), —
5. , — 7. ki.

N° 1. parisien (C), — 2. parisien (D), — 3. anglais (M), — 4. hongrois (Sch.).

intermédiaires entre différentes voyelles. Je n'insisterai
que sur les points divergents. Remarquez : 1° la distance
qu'il y a entre a et è, è et i (2) ; — 2° l'e (moyen) chez
M. Grégoire (5) pour lequel la langue est plus élevée, mais
moins allongée que pour è ; — 3° le maintien de la langue
652en arrière dans la série portugaise (6) ; — 4° l'absence de
l'a et de l'è dans la série irlandaise, la langue n'atteignant
pas le palais pour ces voyelles (7) ; — 5° la différence

image 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 11 | 12

Fig. 435.
Voyelles antérieures labiales,

1. œ̀, — 2. œ, — 3. œ́, — 4. ù, — 5. u, - 6. ú.
N° 4 : 2. œ (e dit muet).
N 6 : 1. tub, — 5. u français dans la bouche d'une Anglaise ; 5. u anglais (yu).
N° 8 : 1. vöre, — 2. hör ; 3. œ́ (o), 3. o ; — 5. y, — 5. y (= ŭy).
N° 9 : 4. ŭ (upp), — 6. ū (uf).
N° 10 : 5 . u russe .
N 11 : 2 . œ̀g, — 3. œg, — 4. ág.
N° 12 : 2. . — 4. kœ́ — 5. ku.

N 1. angoumoisin (R), — 2. parisien (A), — 3. parisien (D), 4. liégeois (G), — 5. franc-comtois
(Ro), — 6. anglais (américaine), — 7. alsacien (Sp.), 8 et 9. suédois (K), — 10.
russe (O), — 11. parisien (C), — 12. hongrois (Sch.)

notable qui distingue les a en anglais, et la présence dans
cette langue d'un i très ouvert, plus ouvert que l'e de met.
653assez voisin de l'è, ce qui explique l'impression qu'il produit
sur l'oreille d'un Français (8), fait très clair dans le n° 9 où
sont comparés è français, J « je » et la finale de pretty ; —
6° l'existence d'un é très fermé en alsacien (10) ; 7° l'anomalie
d'un ī moins fermé que ĭ en suédois (11) ; — 8° la
distance énorme qui sépare á en è de russe (12).

Lorsque les tracés sont trop peu importants, comme pour
a, il est possible de leur donner plus d'étendue en associant
la voyelle à une consonne gutturale, k par exemple. C'est
ainsi que les trois a du parisien ont été mis en évidence
(fig. 434 : 1 et 2). Les a de i can, de park et l'a moyen
français transportés dans les syllabes ka, ka, (5), ont été de
même nettement séparés. Le rapport de l'a français avec
les voyelles hongroises, apparaît aussi très clairement dans
la série (4), qui fait voir comment un a français est guttural
pour les Hongrois, tandis que leur e (écrit par les
Finnois ä), qui ressemble beaucoup 14 à notre a, leur paraît
plus palatal.

La série labiale œ̀ œ œ́ u ú (fig. 435), les voyelles étant
prononcées isolément ou, au besoin, associées à une gutturale
(11, 12) se reconnaît également bien sur le palais
artificiel. Et, si l'on transporte sur les tracés obtenus ceux
de la série non labiale (à è e é ei), les relations qui existent
entre les deux sont très faciles à saisir. On remarquera :
1° que jamais l'u n'est aussi fermé que l'i, même il peut
l'être moins que l'é (5) ou l'è (10) ; — 2° que trois u (ù u et
ú) peuvent exister dans un même parler (4) ; — 3° que l'u
654anglais (yu) est plus avancé que l'u français et que les
anglais sont exposés à porter la langue trop en avant pour
notre u (6) ; — 4° que l'y suédois est plus fermé que l'u
français (8), et se distingue de l'u de la même langue par
un contact moins étendu (9) ; que l'u russe est plus en
arrière que l'u français (10).

image 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8

Fig. 436.
Voyelles postérieures.

1. á, — 2. ò, — 3. o, — 4. ó, — 5. ù, — 6. u, — 7. ú.
N° 5 : 1. father. — 2. cost. — 5. move. — 6. put, — wood.
N° 6 : 3. ŏ, — 4. ō, — 6. ŭ, — 7. ú.
N° 8 : 4. , — 6. ku, — 7. .

N° 1. angoumoisin (R), — 2. parisien (A), — 3. parisien (D), — 4. liégeois (G), —
5. anglais (américaine). — 6. suédois (K). — 7. russe (O). — 8. parisien (A).

La série postérieure est moins marquée ; c'est en effet sur
la partie mobile du voile que touchent les bords de la
langue. Néanmoins avec beaucoup d'attention on arrive
à noter des nuances même délicates (fig. 436). Mais il est
souvent nécessaire d'associer la consonne à une gutturale
655pour avoir des tracés bien distincts. Ainsi les tracés de ó et
de u étonnent (2), mais ils deviennent normaux dans
ku (8).

Pour donner une idée de la précision à laquelle on peut
arriver pour certaines voyelles, je rappellerai les expériences
que j'ai faites en vue de déterminer l'e moyen dans la
prononciation de Paris 15. Un Parisien prononce difficilement
cette voyelle à l'état isolé : il dira plutôt un è ou un é
qu'il rendra très bref. On aura donc ĕ̀ et ĕ́. Ce n'est pas
l'e moyen. Mais celui-ci, il peut arriver à l'abstraire de la

image 1 | 2 | 3

Fig. 437.
Nos 1 et 2. Variétés de l'a.
1. ĕ̀, — 2. ĕ́, — 3. e, — 4. ĕ̀. — 5. ĕ́.

N° 3. Variétés de l'i final.
1. et 2. i final dans nu récit rapide.
3 et 4, dans un récit lent.

phrase où il le prononce très bien, après un certain nombre
d'essais. Or un observateur dont l'oreille est très exercée
(et la mienne ne saurait me tromper en ce point ; car, dans
mon dialecte, une différence de sens s'attache à l'e moyen)
peut établir une relation exacte entre le tracé laissé sur le
palais et le son émis. C'est ainsi que j'ai pu reconnaître les
cinq e : ḕ, ĕ̀, e, ĕ́, ḗ (fig. 437). Les tracés supposent d'autres
variétés encore, mais mon oreille ne les saisit pas.656

image

Fig. 438.
a. — ama (A, B, C), ala (D), — 2. ama, ala.
e. — 1. 1er e, 2. 2e e, 3. 3e e de credere (A), de tenere (B), de fremere (C, D).
i. 1. inni, — 2. inni.
o. 1. popolo, — 2. popolo. — 3. popolo.
u (U). 1. virtu (A), uku (B et C). — 2. rumore (A), uku (B et C).657

J'ajoute un autre exemple que j'emprunte à M. Josselyn 16 .
C'est le tableau des voyelles italiennes. On y verra, outre
les différences dialectales, celles qui résultent de l'accent
dans le mot (fig. 438).

image 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8

Fig. 439.
Voyelles rouergates et roumaines.

Rouergat (Ri) :
1. — 1. ḕ dans bḕ (bèlement des brebis) ; — a. (e moyen) ; — 3. « pied » ; —
4. bḗ « il vient ».
2. — 1. bi « vin » ; — 2. bī́ « vin », prononcé d'une manière emphatique.
Roumain (Po) :
3. — 1. a ; — 2. ă.
4. — 1.  ; — 2. .
5. — 1. î ; — 2. i.
6. — 1.  ; — 2. et 3. ki.
7. — 1. fîr ; — 2. vîr ; — 3. fir ; — 4. vir.
8. — 1.  ; — 2. car.

Il n'est pas de dialecte qui n'apporte des faits intéressants.
Je signalerai encore : en rouergat (fig. 439) quatre e assez
voisins les uns des autres pour que souvent l'oreille hésite
658sur leur qualité (1), et l'i de bi « vin » (2) qui varie énormément
suivant que dans la phrase le mot est atone ou porte
l'accent ; en roumain, a et ă (3-4), i et î (5-7), qui diffèrent
entre eux plus que la graphie ne porterait à le croire.

D'ordinaire (et c'est le cas pour presque toutes les
observations qui ont été utilisées plus haut), on est obligé
d'abstraire la voyelle du mot qui la renferme. On obtient
ainsi le tracé d'une voyelle, non inconsciente, mais
réfléchie, voulue ; ce qui restreint la portée de l'expérience.
Mais cette condition n'est pas toujours indispensable. Il
est possible en effet de trouver dans la langue des groupes
composés de telle façon que le tracé de la voyelle soit seul
pris (la langue ne touchant pas au palais pour les consonnes
voisines), ou qu'il se distingue nettement des autres (la
langue touchant au palais, mais à un autre endroit, pour
les articulations environnantes). C'est ainsi que nous avons
comparé les a de kàv, kav, káv (fig. 434), etc. Non seulement
on peut étudier de cette manière des mots isolés, mais
même des phrases entières. Ainsi dans mes Études de
prononciations parisiennes
17, j'ai recherché la valeur de l'i
final dans cette phrase : j ĕvú œ̃ mirák ă pări « J'ai vu un
miracle à Paris ». Deux articulations seulement ont laissé
une trace sur le palais (fig. 437 : 3) : k, qui est marqué dans
la partie inférieure par l'occlusion gutturale, et l'i final, qui
occupe le reste de la figure. En effet, l'i de mirak, étant atone,
a moins touché que celui de pari, l'u est encore moins
palatal, les consonnes m, r, p, ne le sont pas du tout. Ne
nous occupons que de l'i final dont la trace est bien sûrement
sous nos yeux. Nous avons deux variantes représentant
659quatre expériences qui, dans l'intention du sujet parlant,
devaient être identiques, sauf pour la vitesse du débit. La
phrase a été dite deux fois lentement, et deux fois d'une
façon rapide. Dans le premier cas, nous avons eu un i
(fermé) ; dans le second, un i (moyen).

Les voyelles nasales sont ramenées par l'analyse à celles
des voyelles buccales qui leur correspondent le mieux.
Mais cette concordance, qui ne semble jamais complète, a
besoin d'être définie avec précision.

image 1 | 2 | 3

Fig. 440.
Nasales parisiennes.

1. ã, — 2. õ, — 3. et œ̃.
Les lignes pointées représentent : 1. a, — 2. o, — 3. è

On peut avec le petit doigt posé sur la langue s'en faire
une première idée, en passant d'une voyelle nasale à une
buccale ou inversement.

L'observation directe est assez facile du reste pour ã .
J'ai déjà remarqué 18 que, pour la langue, mon ã est plus
fermé que á, que ḕ est de 2 ou 3mm plus ouvert que é, que
õ est sensiblement égal à o moyen.

On peut disposer son miroir de façon que les dents du
haut viennent se refléter sur le palais et que la partie
660inférieure de l'image rase la surface de la langue. Dans cette
situation, la moindre élévation de la langue devient appréciable

image 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 11 | 12 | 13 | 14 | 15 | 16 (C)

Fig. 441.
Analyse des nasales parisiennes ã õ . (C)

1. lãg, — 2. lòg, — 3. lág, — 4. lag.
5. lõg, — 6. tòg, — 7. log, — 8. lóg,
6. lẽg, — 10. lag, — 11. lég, — 12. leg,
13. lãg comparé à lòg (2) et lág (4), — 14. lõg comparé à lòg (2) et log (7), — 15. lẽg
comparé a lag (4) et à lég (11). — 16. lœg.

par la coloration spéciale que prend alors l'image
des dents.

Avec le palais artificiel, la comparaison des nasales avec
les voyelles buccales est plus facile encore comme nous
661l'avons vu pour ī ū en franc-comtois rapprochés de i et u
(fig. 321). Il en est de même pour les nasales parisiennes
(fig. 440). On constate que, chez le sujet observé, à est un
á, ē une voyelle intermédiaire entre a et è, œ̃ un œ̀ très
ouvert, ō un ò très ouvert.

Mais, comme ces tracés, sauf le dernier (3), manquent
d'étendue, et que chez certains sujets ils se réduisent
presque à rien ou même font tout à fait défaut, le meilleur
moyen d'analyse consiste à enfermer la nasale entre deux
consonnes dont les tracés combinés envelopperont entièrement
les bords du palais, comme l g, et à les remplacer

image 1 | 2 | 3 | 4

Fig. 442.
Analyse de la nasale parisienne ã. (D)

1. lœ̃g, — 2. lœ̀g, — 3. lœg, — 4. lœ̃g comparé à lœ̀g et à lœg.

successivement par chacune des voyelles orales qui peuvent
lui être comparées. On arrive par cet artifice à des constatations
d'une étonnante précision. Procédons de la sorte,
par exemple, pour les voyelles nasales parisiennes 19. Nous
recueillons d'abord le tracé de langue (fig. 441 : 1) puis
ceux de lògue (2), lágue (3), lague (4), formes supposées,
mais dont la prononciation n'offre aucune difficulté. Et nous
662remarquons que l'ā ne correspond exactement à aucun a,
mais à un intermédiaire entre ò et á : le haut de la figure
est celui de l'ò, et le côté gauche du bas, celui de l'á. Il
n'est donc pas étonnant que l'ā parisien se change facilement
en ō et que la fille de la Parisienne qui a fourni le
tracé dise nettement ō pour ā. De même longue (5), comparé
à lògue (6), logue (7), lógue (8), montre que l'ō est un
ò intermédiaire entre ò (ouvert) et o (moyen), plus près de
ò ; et lingue (9) (dans bi-lingue), comparé à lague (10),
lègue (11), légue (12), que l'ē est aussi un intermédiaire
entre a et è (a pour le haut de la figure à droite, è pour le
bas à gauche). L'œ de lœgue (16) est la voyelle la plus
voisine. Pour rendre ces rapprochements plus sensibles on
n'a qu'à reporter sur les mêmes figures les tracés qui se
ressemblent le plus : ā, avec ò et á (13), ē avec a et è (14),
ō avec ò et o (15). Chez un autre sujet, d'un rang plus
élevé dans la société, ā se confond à peu près avec à, ō avec
o moyen. Quant à l'œ̃ qui manque au sujet précédent,
nous voyons par le même procédé (fig. 442) qu'il est très
voisin de l'œ̀ (ouvert).

Enfin, avant de quitter ce mode d'expérimentation, je
voudrais bien poser au moins une question, si je ne puis pas
la résoudre. Y a-t-il des voyelles mouillées, comme il y a
des consonnes mouillées ? Le russe est tout indiqué pour
l'étude de la question. Nous avons vu que, dans cette langue
riche en mouillures, une labiale mouillée se distingue toujours
de la labiale + y comme (fig. 443 : 1 et 2). J'ai
donc essayé de faire prononcer les séries ya yé yo yu, un
y voulu, puis la voyelle molle toute seule (я e ë ю, ia ié
io iou
). Les tracés obtenus attestent une différence qui
peut exciter à de nouvelles recherches, mais qui ne permet
de rien conclure. L'anglais, aussi, pourrait être invoqué :
663Comparez (3) le u de united avec yu dans Eustace (nom
propre) prononcé yustis avec un y parfaitement senti.

L'élévation de là langue pour chaque série vocalique
s'inscrit très bien à l'aide d'une ampoule convenable mise
dans la bouche (p. 86), ou avec une capsule retenue sous

image 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 11

Fig. 443.
Mouillures.

La partie ombrée représente l'articulation mouillée ; la ligne pointillée limite la même
articulation non mouillée suivie de y.
1. m mouillée et my (T), — 2. m mouillée et my (M), — 3. united et Eustace (Américaine).
4. ia (Я) et ya,5. — (e) et , — 6. io (ë) et yo, — 7. iou (Ю) yu (T),
8. ia (Я) et ya, — 9. ié (e) et yé — 10. io (ē) et yo, — 11. iou (Ю) et yu (M).

le menton (fig. 36 et 37). L'ampoule se place soit en avant,
soit en arrière, suivant la qualité des voyelles à inscrire.
Nous avons (fig. 444) le tableau des trois séries de voyelles.
Recueillies dans une seule expérience à la suite les unes664

image 1 | 2 | 3

Fig. 444. (B)
Élévation de la langue prise dans la bouche (ampoule).
1. a, è, e, é, i, í. — 2. œ̀, œ, œ́, u, ú. — 3. a, d, ò, o, ó, u, ú.
Les lignes pointillées marquent la position de repos.665

image 1 | 2 | 3
1. a | è | e | é | i | í | (Su)
2. è | e | é | i | ì | (F)
3. e | i | í | ì | (Ep)

Fig. 445.
Élévation de la langue prise dans la bouche. Série des voyelles antérieures son labiales.
1. françaises, 2. allemandes, 3. anglaises,
L. Langue, — S. Souffle.666

image á | ò | o | ó | u | ú (R)

Fig. 446.
Élévation de la langue prise dans la bouche
Voyelles françaises. (R)

image
1. á | ă | è | ḕ | é | ḗ | i | ī| (Co)
2. a | e | e | i | i | (Set)

Fig. 447.
Élévation de la langue prise dans la bouche.
Voyelles antérieures : 1. flamandes. — 2. anglaises.667

des autres, elles sont donc tout à fait comparables. Mais il
n'y a vraiment intérêt à rapprocher que la suite des
voyelles dans chaque série et les deux séries antérieures.
On remarquera que le rapport de é avec œ̀ œ, de e avec
œ́, de e avec u est à peu près celui que nous avons déjà
observé. Sauf pour u et ú , qui sont peu différents l'un de
l'autre, la progression dans le degré de fermeture se montre
très régulière. Mais il n'en est pas nécessairement ainsi.
Des variantes notables peuvent exister pour les voyelles
relâchées, e, œ, u, o, u. Aussi l'expérience à laquelle j'ai
emprunté les tracés que nous étudions, fournit un œ́ plus
fermé que u, un o plus ouvert que ò. Comparez ó et u
(fig. 436 : 2). Dans ces cas, il y a compensation du côté
des lèvres. La série postérieure nous apparaît avec toute
sa régularité dans la figure 446.

La distinction de l'i et de l'í toujours si nette en français
(fig. 445 :1) et en anglais (3), s'efface souvent en allemand
(2). C'est ce qui explique pourquoi certains phonéticiens
de cette dernière langue se sont refusés à en
reconnaître la réalité.

De même, les trois i des Anglais (fig. 445 : 3) se constatent
aisément. Et l'impression que leur ì (ouvert), plus voisin
de l'é et même de l'è que de l'i, fait sur notre oreille se
justifie complètement.

Dans la série des voyelles flamandes (fig. 447 : 1) nous
voyons que l'ā est fermé par rapport à ä, que è et é brefs
sont légèrements plus ouverts que les longues correspondantes.

Une série anglaise (fig. 447 : 2) est surtout remarquable
par l'instabilité organique qu'elle décèle, principalement
pour les voyelles fermées.668

A
image 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8
1 | 2 | rouergats (Ri)
3 | 4
5 a | 6 ā | roumains (Po)
7 i | 8 í

B
image 1 | 2 | 3 | 4

Fig. 448.
1. a ; — 2.  ; — 3. (2 var.) ; — 4. (2 var.).
Voyelles è e é rouergates (Ri) ; a ā, i roumains (Po).

A. Inscription des mouvements du larynx (La), de la Langue (L), du souffle nasal (N),
buccal (B).

Remarquer la double forme que prend l'e moyen, ce qui explique son peu de netteté à
l'oreille.

B. Rapports de l'ampoule avec les régions de contact de la langue sur le palais. L'ampoule
a 25mm sur 27 en surface et 20mm d'épaisseur.669

Rapportons encore (fig. 448) les tracés des e rouergats
de a ă et de i í roumains (cf. fig. 439).

Des différences se marquent sur les tracés, alors même
que l'oreille n'en reconnaît aucune. Ainsi l'a de M. Oussof
m'a toujours paru semblable au mien. Pourtant dans une

image I | a | e | (R) | B | L | 2 | é | è | (O) (O)

Fig. 449.
Voyelles françaises et russes.

B. Souffle de la bouche. — L. Langue.
La ligne pointillée permet de comparer les deux positions extrêmes.
Cette figure a été prise sur un décalque du tracé original.

expérience où nous avons inscrit successivement nos
voyelles avec les mêmes appareils, nos deux a, comparés à
é, se sont montrés tout à fait dissemblables (fig. 449).

Nous n'avons considéré jusqu'ici qu'un seul point de la
langue, celui qui se soulève dans l'articulation et dont le670

image 0 | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | i

Fig. 450.
Élévation de la langue prise à différents niveaux (Ampoule).

0. L'ampoule est an contact des dents ; — 1. à 1 centimètre ; — 2. à 2 centimètres, etc.
La ligne pointillée correspond an point zéro, et sert à la comparaison des diverses élévations
de la langue.

image 0 | 1er | 2e | 3e | 4e | 5e | i

Fig. 451. (R)
Élévation de la langue prise à différents niveaux (Ampoule).

Chacune des positions de la langue est marquée par la partie moyenne du tracé. Cette
figure est empruntée à une autre expérience que la précédente. Ainsi s'expliquent les variantes. 671

mouvement suffit pour déterminer la place de chaque
voyelle dans sa classe. Mais il est des cas où une exploration
plus complète s'impose. Alors on aura recours à des
inscriptions successives. Ainsi, avec une petite ampoule de
15mm de longueur, 25mm de largeur et 8mm d'épaisseur,
placée d'abord derrière les dents, puis à 1cm, à 2cm, à 3cm,
à 4cm, enfin à 5cm, on obtient (fig. 450) pour la voyelle i
des tracés qui représentent l'élévation de la langue à ces
mêmes niveaux sur une surface d'environ 3cm2. On en a
une image plus sensible encore (fig. 454), où les tracés
sont disposés de manière à dessiner le dos de la langue.

image é | i | í | (R)

Fig. 452.
Exploration de la partie postérieure de la langue (Ampoule).

De même, avec une grosse ampoule posée à plat sur la
langue au delà du point d'articulation de l'é, la progression
entre é i í se traduit, en regard des tracés précédents, par
une échelle descendante (fig. 452).

Le recul ou l'avancement de la pointe de la langue, avec
leurs divers degrés, pour la série postérieure, se prennent
aisément avec une ampoule dont la paroi, comprimée par
la langue, s'écarte en même temps qu'elle. Comparez
(fig. 453) les divers degrés de recul depuis a jusqu'à ú.

Enfin il y a lieu de tenir compte du degré de pression de
la pointe de la langue sur le plancher de la bouche. Celui-ci672

image a | á | ò | ó | ú | (R)

Fig. 453.
Recul de la langue dans la série postérieure.

La ligne pointillée sert de repère : plus le tracé s'en rapproche plus la pointe de la langue recule.

image è | e (R)

Fig.454.
Pression de la pointe de la langue sur le plancher de la bouche.673

se mesure sans peine à l'aide d'une toute petite ampoule.
Par exemple, nous avons (fig. 454) la différence à cet
égard entre è et e dans ma prononciation. La pointe de ma
langue se soulève pour e et comprime moins l'ampoule
que pour è.

Tous les mouvements de la langue ont une répercution
naturelle sur les muscles qui forment le plancher de la
bouche, et deviennent visibles sous le menton. On les sent
même en les explorant simplement avec le pouce ou le
dos de la main. On remarque qu'à chaque articulation
correspond un petit mouvement sur un point qui se
déplace d'arrière en avant à mesure que l'on parcourt
chacune des séries de a à í, à ú et à ú ; que le plancher
descend dans la partie postérieure ; et que la base de la
langue s'écarte du cou considéré dans la position de repos.

Le point où se produit le petit affaissement articulatoire
peut être suivi à l'œil : il produit dans ses déplacements
l'effet de vague qui a été observé dans l'intérieur
de la bouche (p. 648). M. le Dr Natier a relevé sur moi les
mesures suivantes en comptant à partir du menton (70 mm
du cou) : a 6omm, à 55, è 50, e 40, é 30, i 20, í 10 ; —
œ̀ 50, œ 45, œ́ 35, u 30, ú 20 ; — á 65, ò 55, o 50, ó 45,
u 35, ú 25.

La direction de ce mouvement a quelque chose qui
étonne de prime abord. On la comprend pour les deux
séries antérieures (a-i, a-ú) : en se soulevant, la pointe de
la langue presse sur le plancher. Mais pourquoi la même
direction pour la série postérieure (a-ú) ? C'est l'inverse de
ce qui se produit dans la bouche, la langue pour cette
série se portant en arrière. Ici nous avons, non l'effet
direct du mouvement articulatoire, mais la conséquence de
celui qui ramène en avant la base de la langue. Les muscles
674du plancher se raccourcissent et par conséquent se gonflent,
et cela aussi bien à l'intérieur de la bouche que sous le
menton. Au point de vue expérimental, ce mouvement
n'en est pas moins utilisable pour la distinction des
voyelles, et cela nous suffit.

Non seulement le point d'affaissement du plancher se
déplace d'arrière en avant ; mais encore il s'accentue en
raison directe du degré de fermeture des voyelles. Ainsi le
plancher descend de a à í ou ú d'environ 4 à 5mm, de a à
ú de 6, soit moins de 1mm par chaque échelon vocalique.
L'articulation de l'a, la bouche étant ouverte, fait fléchir le
plancher de 1mm, ou bien, la bouche étant fermée, de 3 à 4mm.

Pour les nasales, le plancher s'abaisse plus que pour les
voyelles pures correspondantes. Il descend de 2mm de á à ā.
de 1mm de é à ē, de œ̀ à œ̃, de o à ō.

L'abaissement progressif de la base de la langue
semble se produire dans des proportions analogues :
environ 4mm pour chaque série,5mm au plus.

La projection de la base de la langue en avant paraît
être aussi de moins de 1mm pour chaque voyelle, 4 ou 5
pour chaque série.

L'exploration méthodique du plancher de la bouche
faite sous mon menton à l'aide de l'appareil spécial
(fig. 36) confirme en général cette vue rapide. J'ai
recueilli successivement 110 les tracés de 7 points différents
675placés à 1cm les uns des autres, le premier étant à 1cm de
la courbure interne du menton et le dernier touchant le
cou. Je donne comme spécimen les tracés de la série
a à è e é i í pris au 3e centimètre (fig. 455). La ligne pointillée
représente la ligne organique tracée à vide ; la ligne
pleine, qui s'en sépare en s'élevant au-dessus, marque

image 1 | 2 | 3 | B | M
1. a | à | (R)
2. è | e | é
3. i | í

Fig. 455.
Abaissement du plancher de la bouche pour la série a à è e é i í.
(3e cent. à partir du menton.)

B. Souffle buccal. — M. Plancher de la bouche exploré sous le menton.
La ligne pointillée marque la position de repos.

l'abaissement du plancher de la bouche en cet endroit ;
enfin la ligne B, donnant les vibrations de l'air, permet
de délimiter ce qui dans la ligne articulatoire, appartient à
chaque voyelle. C'est avec ces tracés et d'autres analogues
qu'ont été faits les croquis (fig. 456-458). Chacun des points676

image 0 | 1er | 2e | 3e | 4e | 5e | 6e | 7e | a | à | è | e | é | i | í | œ̀ | œ | œ́ | u | ú | (R)

Fig. 456.
Abaissement du plancher de la bouche.
(Séries antérieures.)677

culminants ont été reportés au-dessous de la ligne de
repos (pointillée), de manière à jalonner le plan des muscles
au moment de l'articulation. On voit ainsi que le plancher
de la bouche descend progressivement en avant et en
arrière de a à í, surtout de a à ú (fig. 456) et de a à ú
(fig. 457) ; que, en dehors de la région moyenne, le point

image 0 | 1er | 2e | 3e | 4e | 5e | 6e | 7e | á | ò | o | ó | u | ú | (R)

Fig. 457.
Abaissement du plancher de la bouche.
(Série postérieure.)

de plus forte dépression se déplace en avant pour les
séries antérieures (comparez a à è avec í, œ̀ œ avec ú,
sous les 1er, 2e et 3e centimètres), en arrière pour la série
postérieure (comparez á ò avec u ú sous les 4e et 5e centimètres) ;
678qu'en outre aux voyelles fermées correspond un
affaissement de plus en plus considérable du plancher dans
la partie opposée à celle où se fait l'articulation : en
arrière pour les voyelles antérieures (comparez a à avec é i,
œ̀ avec u sous les 5e et 6e centimètres), en avant pour les
voyelles postérieures (comparez á avec ó u sous les 1er et
2e centimètres) ; que dans la région moyenne (sous les 4e
5e et même 6e centimètres), l'abaissement du plancher est

image 0 | 1er | 2e | 3e | 4e | 5e | 6e | 7e | ã | ẽ | õ | ō

Fig. 458. (R)
Abaissement du plancher de la bouche.
(Nasales.)

régulier et peut servir à caractériser les voyelles de toutes
les classes (c'est le point qu'il est le plus avantageux
d'explorer) ; qu'enfin les nasales (fig. 458) peuvent par ce
moyen être rapprochées des voyelles pures et en être
suffisamment distinguées (comparez ã avec á, ẽ œ̃ avec è et
œ̀, õ avec o).

En retournant les figures, de manière à les voir dans le
sens de la largeur, nous pouvons juger du degré d'abaissement679

image 1 | 2 | 3 | L | S
1. a | è | e | é | i | í | (R)
2. à | œ | œ́ | u | ú
3. á | ò | o | ó | u | ú

Fig. 459.
Élévation de la langue prise sous le menton.
S. Souffle. — L. Langue. (Oreille inscriptrice.)
[illisible]680

image S | L | u | i

Fig. 460. (Sp.)
Élévation de la langue prise sous le menton.
(Différence entre u et i en alsacien.)

image S | L | i | í

Fig. 461. (Sp.)
Élévation de la langue prise sous le menton.
(Différence de fermeture entre i et j en alsacien.)

image S | L | è | ē

Fig. 462. (Sp.)
Élévation de la langue prise sous le menton.
(Comparaison de è et de ē en alsacien.)681

du plancher de la bouche sous chacun des centimètres
pour toutes les voyelles dans chaque série et vérifier la loi
que plus une voyelle est fermée plus les muscles du
menton s'abaissent, ou, ce qui revient au même, plus la
langue s'élève. On en aura une image plus expressive
encore dans la figure 459, qui reproduit une expérience
faite avec un tambour portant une membrane rigide (ce
qui a donné les vibrations) et un levier à long bras (ce qui
a considérablement agrandi le tracé), le bouton de l'explorateur
étant placé en arrière.

Ce genre d'expérimentation peut surtout être employé
quand on a des raisons de craindre qu'un corps étranger,
posé sur la langue, n'en altère les mouvements. C'est
d'après ce procédé que j'ai comparé en alsacien i et u
(fig. 460), i et (fig. 461), è et (fig. 462) : l'u est
beaucoup moins fermé que l'i, et celui-ci moins encore
que l'. En revanche l' est plus ouvert que l'è ; c'est aussi
ce que nous avons constaté en parisien (p. 662).

Par le double procédé d'inscription, soit interne, soit
externe, des mouvements de la langue, on peut aisément
définir et placer à leur rang, dans la classification, toutes
les voyelles, qu'elles soient isolées ou associées à d'autres
articulations dans un groupe ; on peut encore noter le
progrès d'une voyelle vers la complexité et celui d'un
composé vocalique vers l'unité. Nous avons là le fondement
d'une nouvelle distinction : les voyelles simples et
les voyelles complexes avec le perpétuel passage des unes
aux autres.

Une voyelle simple est celle qui est produite par un
mouvement organique uniforme, par exemple : é (fig. 463 :
1). La tenue de la voyelle est représentée par une ligne à682

image 1 | 2 | 3
1. è
2. é————è
3. i—————è

Fig. 463.
Élévation de la langue.
Voyelle simple, voyelle complexe ou diphtonguée

image 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | (R) | (Roud) | (L)

Fig. 464.
Mouvements de la langue.
(Tendance à la diphtongaison.)683

image 1 | 2 | 3 | L | S

Fig. 465. (B)
Réduction des diphtongues.
L. Langue. — S. Souffle.684

peu près droite, indice de la fixité de la position une fois
prise. Supposons que, dans la première partie, la langue se
soulève en dépassant le but, pour y revenir ensuite, la
voyelle cessera d'être simple ; elle deviendra complexe, et
une oreille fine démêlera une diphtongue éè (2) ; et, si le
mouvement est plus exagéré encore, (3).

La figure 464 présente des tracés de voyelles qui ont
paru simples à l'oreille mais dont quatre sont déjà, dans la
réalité, diphtonguées (1-4) et une même triphtonguée (5).
On peut ainsi assister à la naissance des diphtongues et

image L | S
i———e———i | í

Fig. 466. (B)
Élévation de la langue.
(Réduction d'une triphtongue.)

prévoir dès l'origine la forme qu'elles prendront : ainsi e
(1) tend vers ei, é (3) vers , ó (2) vers uo, ò (4) vers ou.

On peut également en suivre pas à pas la réduction progressive.
Nous voyons (fig. 465) le mouvement multiple
des diphtongues oi (1), eu (2), uo (3) tendre par degrés
vers l'uniformité, ce qui réduit le son complexe soit à une
voyelle simple, œ̀ (2) œ (3), soit à ce que l'on est convenu
d'appeler une fausse diphtongue wa (1).

Les triphtongues ont un développement semblable —
voir é (fig. 464 : 5) qui tend vers èéi — et s'analysent avec
une égale facilité, soit que les trois mouvements se réduisent
à un seul, iei, i (fig. 466), soit qu'ils se transforment en
685un mouvement consonantique et en un autre vocalique,
uoi, ui (fig. 467).

image L | S
u——o——i | u——i

Fig. 467. (B)
Élévation de la langue.
(Réduction d'une triphtongue en diphtongue).

Dans la voix chuchotée, les choses se passent un peu
autrement.

image 1 | 2 | 3

Fig. 468. (R)
Voyelles chuchotées et voyelles parlées.

La partie ombrée (1) représente la voyelle parlée. L'articulation de la voyelle chuchotée
intéresse le palais jusqu'au pointillé (2).
1. à, — 2. i ; —3. œ́

image
èei (R)

Fig. 469.
Élévation comparative de la langue dans les voyelles chuchotées et dans
les voyelles parlées (lignes couvertes de sinuosités).686

Le point d'articulation, à l'intérieur de la bouche, est
reculé de 5mm pour a tandis qu'il est avancé d'une égale

image a | e | è | é

Fig. 470. (R)
Abaissement du plancher de la bouche dans les voyelles chuchotées
et dans les voyelles parlées.

image 1 | 2 | 3 | 4
1. à e é
2. é i í
3. œ́ u ú
4. ó u ú

Fig. 471. (R)
Partie postérieure du plancher de la bouche dans les voyelles chuchotées.
Les ligues pointillées marquent la position de repos.

quantité pour í, de 15mm pour ú ; il est de même reculé de
10mm pour á, de 5 pour ò, de 10 pour o, de 5 pour ó et pour u.
687En même temps, la langue se rapproche davantage du palais ;
de 1mm environ de plus dans chaque série que dans la voix
parlée. Le fait est sensible sur le palais artificiel — comparer,
par exemple, les traces de a, i, œ́ parlés et chuchotes
(fig. 468) — et dans l'exploration interne faite avec une
ampoule, comme le montre la comparaison de è é i
(fig. 469).

image
éíi (B)

Fig. 472.
Élévation de la partie postérieure du plancher de la bouche pour un
saint-gallois.

En revanche le plancher de la bouche descend moins
que dans la voix parlée : 2mm environ pour les séries a è e é,
œ̀ œ œ́, á ò o ó. Comparez a è é pris sous le menton à 1cm
du cou (fig. 470) : la ligne enveloppante est celle des
voyelles prononcées à voix haute. Mais la différence la
plus grande est celle qui s'observe pour les voyelles
fermées. La partie postérieure du plancher s'élève, au lieu
de s'abaisser : 1mm pour i í, u ú, 1/2 millimètre pour u ú.
Comparez (fig. 471) les tracés de ces voyelles avec ceux de
é, œ́, ó, les uns et les autres pris sous le menton à 1cm du
cou.

Cependant je dois dire que je trouve dans mes feuilles
d'expérience des tracés de é i í (fig. 472) qui supposent un
mécanisme analogue dans la voix parlée.

En réalité, on ne peut donc pas dire que la voyelle
688chuchotée ne se distingue de la voyelle parlée que par
l'absence de vibrations laryngiennes. L'articulation elle-même
est différente. Et cela se conçoit. Dans la voyelle
chuchotée, le frôlement de l'air contre les parois remplace
le son. Il est donc naturel que ces parois se rapprochent le
plus possible pour augmenter la force du bruit.

Lèvres

Les lèvres forment l'orifice du résonnateur. De là
l'importance de leur rôle. Elles concourent à produire les
voyelles dites labiales, sinon comme agents indispensables,
du moins comme agents ordinaires : on peut en
effet très bien arriver à émettre toutes les voyelles labiales
en les écartant avec les doigts. Mais, bien qu'elles puissent
être suppléées, il suffit qu'elles accomplissent un travail
réel et indépendant pour qu'il soit légitime d'en attendre
de sérieux éléments d'analyse. Même lorsqu'elles n'ont
qu'un rôle secondaire et subordonné, comme dans les
voyelles non labiales, leurs mouvements fournissent néanmoins
des indications très utiles.

On peut considérer les positions des lèvres et leurs mouvements.

On relève facilement la position des lèvres à l'œil, en
s'aidant d'un compas, d'une bande de papier, ou encore
en se passant sur les lèvres de l'encre que l'on recueille
avec du papier buvard. C'est ce que j'ai fait pour mon
patois de Cellefrouin 111. Je reproduis ici des croquis représentant
l'ouverture des lèvres pour toutes mes voyelles non689

image A | B | C

Fig. 473. (R)
Ouverture des lèvres pour les voyelles du Haut Angoumois.

A. Voyelles non labiales.
B. Voyelles labiales : 1 œ̀, 2 œ, 3 œ́, 4 u,5 ú.
C. Voyelles labiales : 1 ò, 2 o, 3 ó, 4 u,5 úò.690

labiales et autres (fig. 473) et je les mets en parallèle avec
ceux de M. Grandgent 112 (fig. 474).

On voit que ces deux systèmes (français et anglais) de
voyelles se distinguent à la fois par l'ouverture et l'arrondissement
des lèvres.

image

Fig. 474. (Gr.)
Ouverture des lèvres pour les voyelles anglaises de Boston.

A. Voyelles non labiales : 1 ĕ (bet), 2 ă (bat), 3 é (bait), 4 ĭ (bit), í (beat).
B. Voyelles labiales : 6 e (upper), 7 ē (hurl).
C. Voyelles labiales : 1 a (part), 2 ŏ (pot) ; á (bought), 4 u (hull),5 o (whole), 6 ō (boat),
7 Û (book), 8 Û (ban).

La photographie, avec ses plaques très sensibles, offre
aujourd'hui le meilleur procède, car elle rend la forme
691même de l'organe. J'emprunte à M. Burguet la série vocacalique
d'une petite fille de Paris, en réduisant les figures
à la bouche seule, afin que la comparaison des lèvres dans
leurs différentes positions soit plus facile à faire (fig. 475).
Les voyelles parisiennes ont une parenté très marquée avec
celles de l'Angoumois, mais elles semblent s'en écarter en
un point. Les œ et o moyens diffèrent peu des œ́ et ó (fermés),
tandis que la distinction est très prononcée chez moi.
Est-ce que les voyelles moyennes manqueraient en parisien ?

image 1 | 2 | 3 | 4

Fig. 475. (P)
Position des lèvres pour les voyelles parisiennes.

Non. Mais, tandis qu'elles existent chez moi comme dans
le parisien ancien à la tonique et à la finale, elles ne se
trouvent plus dans le parisien actuel qu'à l'atone ou à la
tonique devant une consonne. Un Parisien dira très bien
œy (œil) avec un œ moyen ; mais, si on lui demande œ, il
répondra œ́. C'est ainsi que l'enfant, devant prendre la
position de œ o, a pensé à œ́ ó. Elle a mieux réussi pour e
a
, quoique la difficulté soit la même. En revanche, la distinction
des trois a reste bien marquée dans la figure. Le
premier (à) appartient certainement à la série non labiale ;
692le troisième (á) à la série labiale ; le second tient le milieu,
il est déjà légèrement labialisé.

image S | L | I | á | à | a | è | é | e | i | í

Fig. 476. (R)
Voyelles angoumoisines non labiales.
(Rapprochement des lèvres.)

S. Lèvre supérieure. — L. Larynx. — I. Lèvre inférieure.
Explorateur des lèvres (fig. 33, moins l'embouchure).
Explorateur électrique du larynx (fig. 45 et 41).
Les ligues pointillées marquent des points fixes de comparaison pour les divers degrés de
fermeture.

Les mouvements de chacune des lèvres s'inscrivent très
bien à l'aide de l'explorateur (fig. 33) ; mais, comme les

image S | L | I | á | œ̀ | œ | œ́ | u | ú

Fig. 477. (R)
Voyelles angoumoisines labiales.
(Rapprochement des lèvres.)

Même disposition que figure 476.

vibrations échappent le plus souvent à l'appareil, il est
nécessaire de recueillir en même temps soit le souffle, soit
les vibrations du larynx. Ce sont ces dernières que j'ai
693inscrites dans mes premières expériences, dont les figures
476,477 et 478 fournissent des spécimens. On y lit aisément,
grâce aux lignes pointillées, les moindres mouvements
de chacune des lèvres. Pour á à a è e é i í (fig. 476), ce sont
les lèvres du bas qui se déplacent, suivant le mouvement
des mâchoires (comparez fig. 475 : 1). Pour á œ̀ œ œ́ u ú
(fig. 477) et à ò o ó u ú (fig. 478), les deux lèvres se rapprochent
en s'arrondissant (comparez fig. 475 : 2 et 3).
On remarquera avec quelle netteté les variétés e, œ, o se
détachent chez moi de é è, œ̀ œ́, ò ó.

Le simple rapprochement des lèvres suffit d'ordinaire
dans les recherches. Ainsi nous avons (fig. 479) les voyelles

image S | L | I | à | ò | o | ó | u | ú

Fig. 478. (R)
Voyelles angoumoisines labiales.
(Rapprochement des livres).

Même disposition que figure 476.

ó u ú de M. Koschwitz inscrites par l'explorateur fonctionnant
de façon à ne donner .que le seul degré de fermeture
(p. 92) : les différences se mesurent facilement, et leur peu
d'importance explique très bien pourquoi des phonéticiens
allemands n'ont reconnu qu'un seul u en français.

Une simple ampoule, placée entre les lèvres, donne, à
elle seule, des renseignements de même nature et aussi
complet, puisqu'elle est sensible non seulement à la pression
694mais encore au mouvement vibratoire qui marque la place
de la voyelle, par exemple : ò o ó u ú (fig. 480).

Non moins que le rapprochement des lèvres, leur projection
en avant constitue une excellente base d'analyse.
Par exemple, dans la figure 481, qui représente l'avancement
des lèvres pour mes voyelles œ̀ œ œ́ u ú, nous remarquons
que le recul des lèvres est plus grand pour œ̀ que
pour œ, preuve que l'œ est une voyelle relâchée, tandis
que l'œ̀ est plus fortement tendu.

image L | Lé | ó | u | ú

Fig. 479. (K)
Voyelles silésiennes labiales.
(Fermeture des lèvres.)

L. Larynx (Explorateur électrique, fig. 45,41). — Lé. Lèvres (Explorateur, fig. 33, les
deux capsules réunies à un seul tambour).
Les pointillées verticales limitent les voyelles ; les horizontales marquent des points fixes
qui aident à juger du degré de fermeture, lequel dépend du degré d'élévation de la ligne (Lé.)

C'est par ce caractère que se distinguent surtout nos
voyelles labiales de celles des Anglais, comme on peut le
pressentir par les figures 473 et 474, car l'allongement des
lèvres ne va pas sans l'arrondissement de l'orifice, et leur
application sur les mâchoires sans l'écartement des commissures.

Une différence analogue existe entre l'y et l'u suédois et
norvégiens. Pour y, les lèvres sont projetées en avant695

image ò | o | ó | u | ú

Fig. 480. (B)
Voyelles saint-galloises labiales.
(Pression des lèvres. Ampoule exploratrice et tambour rigide)

image á | a | à | u | ú

Fig. 481. (R)
voyelles angoumoisines labiales.
(projection des lèvres. Capsule fig. 34 et tambour.)696

(fig. 282) et serrées à la partie interne, les bords s'évasant
en forme d'entonnoir, tandis que pour u elles sont pincées
et serrées contre les dents.

image L | La | y | u

Fig. 482. (Br.)
Différence dans l'avancement des lèvres pour y et u suédois et norvégiens.

L. Livres. — La. Larynx.
L'allongement des lèvres est proportionnel à l'élévation de la ligne.

image a | i | ã | í

Fig. 483. (Po).
Rapprochement des lèvres pour les voyelles roumaines ã i comparées à a i.

Les voyelles roumaines ã et í demandent que les lèvres
soient plus rapprochées que pour a et i (fig. 483).

L'inscription des mouvements des lèvres nous renseigne
697non seulement sur une position fixe, caractéristique et voulue,
mais encore sur les stations successives de l'organe
pendant l'émission de la voyelle, comme l'ont montré les
tracés qui précèdent. C'est là un grand secours pour l'analyse
graphique de voyelles voisines par le timbre et successives,
par exemple l'u de et de mãtu (fig. 486), et surtout pour
la décomposition des diphtongues, triphtongues, etc.

Soit (fig. 484 : 2) la diphtongue au allemande dans aus.
Comparons-la à as (fig. 472 : 1). Les lèvres (L) étant
arrivées à un certain degré d'ouverture, la voyelle a éclate et
les premières vibrations du souffle (S) apparaissent (1re ligne
pointillée). Jusqu'à la 2e ligne pointillée, la position des
lèvres reste sensiblement la même : c'est la tenue. A
partir de ce moment, l's se prépare par le rapprochement
des mâchoires qui entraînent les lèvres. Les vibrations ne
cessant qu'à la 3e ligne pointillée, nous pouvons admettre
que la voyelle se prolonge à peu près jusque là (voir, pour
le passage de la voyelle à la consonne, p. 430 et 434).
Entre les pointillées (2) et (3), la ligne des lèvres remonte
régulièrement, indiquant un mouvement de fermeture
régulier et continu. Dans cet espace, la voyelle s'altère naturellement
de plus en plus ; mais, comme l'oreille n'y prend
pas garde, nous la considérons comme simple. Voilà comment
les choses se passent pour une voyelle simple suivie d'une
s. Dans aus, nous avons, comme il est naturel, sur la ligne
des lèvres un début correspondant à l'a, entre (1) et (2).
Mais, au delà jusqu'à la fin des vibrations (c'est-à-dire
jusqu'à peu près la cessation du son vocalique), nous rencontrons
deux stations limitées par (3) et (4), (5) et (6), et
séparées par deux glissements, de (2) à (3), de (4) à (5).
Nous devons donc conclure à l'existence de trois voyelles
fixes, séparées par des voyelles transitoires ou des semi-voyelles.
698L'oreille n'est frappée que par la première et la
dernière, a et u.

Les diphtongues non labiales, reconnaissables elles-mêmes
sur la ligne des lèvres, peuvent aussi se prêter à ce genre
d'analyse. Ainsi eis (ng. 484 : 3) se décompose clairement
en deux parties : e, de (1) à (2), i de (2) à (3).

image 1 | 2 | 3 | S | L

Fig. 484. (G)
Analyse graphique des diphtongues d'après les mouvements des lèvres.

S. Souffle ; L. Lèvres (Dispositif, fig. 33).
Les lignes pointillées indiquent, suivant les degrés de fermeture, les états successifs du son
vocalique.

Mais il est possible d'aller plus loin encore et de
retrouver la valeur des sons composants fixes et même de
ceux qui ne sont que transitoires. Soit, par exemple, la
699diphtongue au de fau « faux » dans un parler français de
Bretagne (fig. 485). Les voyelles composantes appartiennent
vraisemblablement à la gamme qui va de a à u puisque ces
deux sons se détachent assez nettement des autres à l'oreille.
En conséquence, après avoir inscrit, avec le dispositif
(fig. 33), le mot que je note provisoirement fau, j'inscris
à la suite fa, , fo, , fu. Comme l'appareil enregistreur,
dont je me suis servi, était mu à la main (p. 77), les vibrations
d'un diapason de 200 v. d. (D) ont dû être recueillies
sur le cylindre en même temps que le souffle (S) et le
mouvement de fermeture des lèvres (L). La ligne du souffle
permet, par ses vibrations, de délimiter le son vocalique.
Or, en reportant, au moyen de lignes horizontales, la
position des lèvres pour chacune des voyelles isolées sur
le tracé labial de la diphtongue, on détermine une série de
points où il y a eu égalité (au moins au point de vue de la
labialisation et sans doute aussi pour le reste) entre la
voyelle qui sert d'étalon et la portion correspondante de la
diphtongue. C'est ainsi que nous pouvons constater dans
celle-ci : au début, un a ; à la fin, un u ; entre les deux,
une gamme filée qui passe successivement par á, o et ó. Des
perpendiculaires rejoignant la ligne du diapason permettent
de mesurer la durée de tous ces sons. L'a initial a duré 6
centièmes de seconde ; le passage de a à á, 1,5 ; ceux de à
à o, de o à ó, de ó à u , chacun 2. La position de l'u n'a été
atteinte d'abord qu'un instant ; puis, pendant 10 centièmes
de seconde, on a eu une voyelle intermédiaire entre ó et u ,
ce qui explique pourquoi, en jugeant la diphtongue avec
l'oreille seule, on hésite entre et au. Enfin la position
de l'u a été reprise pendant 10,5 centièmes de seconde.

Le même procédé appliqué à quatre diphtongues analogues
a donné les résultats suivants, qui sont représentés700

image D | S | L | fa…u | fa | fá | fo | fó | fu | (Bra) | 1. fao (No) | 2. faó (No) | 3. fau (Ni) | 4 faú | (Gau)

Fig. 485.
Analyse graphique des diphtongues d'après les mouvements des lèvres.701

dans la seconde rangée de la même figure, mais cette fois,
pour ménager la place, sans les tracés directeurs (fa, , ,
fo, , fu) dont j'ai tracé en pointillé les prolongements. Les
sinuosités de la ligne des lèvres en disent beaucoup plus sur
les diverses variations de la sonorité vocalique que ne saurait
faire la meilleure description. J'y renvoie le lecteur,
me bornant à attirer son attention sur quelques points.
Remarquer : n° 1, que la diphtongue débute par une voyelle
plus ouverte que a et finit par un o intermédiaire entre ò et
o ; — n° 2, que l'a initial, qui a été un instant très ouvert,
est vite passé à a, et que, comme compensation, la voyelle
finale a été plus fermée que celle du n° 1 ; — n° 3, que l'a
initial étant moins ouvert, la voyelle finale est aussi plus
fermée ; — n° 4, que le composé sonore renferme au milieu
un u très fermé suivi d'une ouverture labiale ; c'est en
réalité une suite de quatre sons fixes : a, ó, ú, ò, reliés par
des voyelles transitoires, l'ù ayant le caractère consonantique.

La figure 486 nous présente la même diphtongue dans
ɛapyau « chapeau » et dans fau « faux ». Les éléments de
l'analyse sont fournis par les mots mêmes du petit dialogue
qui a été inscrit : kõbyẽ t kút tõ ɛapyau « Combien te coûte
ton chapeau » ? sĩ sú « cinq sous ». — sé fau. té ẽ mãtú
« C'est faux. Tu es un menteur. » Il n'a été retranché du tracé
que les silences. Étudions la diphtongue de ɛapyau. Elle
débute par un a un peu plus ouvert que celui de ɛa ; puis,
après un son de passage, elle arrive à quelque chose de
comparable à õ, moins la nasalité, soit un o moyen ; ensuite
vient un ú qui est au début un peu plus fermé, à la fin un
peu plus ouvert que l'u de kút. Il faut lire à peu près en
gros aou, soit : après et avant des sons transitoires de 4 centièmes
de seconde chacun, un á qui n'a duré qu'un instant,702

image D | S | L | kõbyẽ t kút tõ ɛapyau | sĩ sú | sé fau. té ẽ mãtú

Fig. 486. (Bo)
Analyse graphique des diphtongues d'après les mouvements des lèvres.

D. Diapason. — S. Souffle ; — L. Lèvres (Dispositif, fig. 33).703

puis un o de 5 centièmes de seconde, enfin on son qui tend
vers ú (très fermé) pendant 5 centièmes de seconde, pour
se relâcher ensuite pendant 8,5 centièmes de seconde.

Le mot fau a été prononcé avec énergie. Aussi la
diphtongue se trouve modifiée dans le sens d'une fermeture
plus grande. Elle commence par un a plus fermé que celui
de ã dans mãtu. Il faut compter un a fermé. Le son arrive
assez vite à un u un peu moins fermé que celui de mãtu,
qui est un u moyen et relâché par suite de sa position à la
fin de la phrase ; puis vient un ú, d'abord très ferme (plus
que celui de ), et se terminant en un u moyen. Donc à
peu près áóú, avec de nombreux intermédiaires et une
finale relâchée, accidents que l'œil suit aisément sur le tracé.

Mâchoires

Les mâchoires préparent et facilitent les mouvements
de la langue et des lèvres ; mais elles ne jouent pas un
rôle essentiel dans la production des voyelles puisqu'il est
possible de les émettre toutes en tenant les dents serrées.
L'écartement des mâchoires varie suivant les pays et aussi
suivant les sujets. Sous le beau ciel du midi de la France,
pour bien parler, il faut bien béer (pér byẽm parlàa kal
byẽm badà
). Dans les rudes vallées de Alpes, au contraire,
on s'efforce de parler sans ouvrir la bouche. Enfin, dans
une même région, un sujet sain et bien constitué n'aura
aucune difficulté à écarter largement les mâchoires ; un
sujet nerveux les tiendra plutôt rapprochées et comme
clouées l'une contre l'autre.

Le maxillaire inférieur exécute deux sortes de mouvements :
l'un de haut en bas, l'autre d'arrière en avant.
Comme ces mouvements sont visibles et faciles à mesurer
704(p. 100 et 283), il est naturel que l'on ait songé à les
utiliser comme indice du travail articulatoire.

Merkel note que pour a l'intervalle entre les deux incisives
est environ de 7 à 8mm, pour i de 2 à 2,5 seulement 113.

M. Grandgent (p. 284) s'est servi de l'écartement des
mâchoires pour l'analyse de ses voyelles. J'ai renouvelé
les mêmes expériences après lui, mais en simplifiant le
procédé de mesurage : je me suis contenté d'un simple
compas dont je plaçais les branches ouvertes entre les
incisives et j'ajoutais au chiffre obtenu 5mm, qui correspondent
à l'emboîtement de mes dents supérieures sur les
inférieures.

M. Montmitonnet 214 a mesuré les distances horizontales
et verticales de la mâchoire inférieure par rapport à la
supérieure au moyen d'un viseur dont le point fixe était
fourni par les dents d'en haut, chez des sujets parlant le
français et le russe : la distance horizontale des dents
varierait de 0 à 5 et 6mm pour le français, de 0 à 2mm pour
le russe ; la différence verticale serait plus grande encore,
les Russes n'ouvrant presque pas la bouche.

Plus tard, en 1896, M. Gallée et M. Zwaardemaker,
qui se sont fait une sorte d'obligation de n'explorer les
organes que par l'extérieur, ont inscrit le mouvement lui-même
des mâchoires. Pour cela, ils ont pris comme point
fixe le front, qu'entoure un cercle (cf. fig. 35) portant
suspendu un cylindre élastique (cf. fig. 29), auquel vient
705s'attacher une pièce fixée sur la mâchoire inférieure
(cf. fig. 37). La traction raréfie l'air dans l'appareil, et
l'inscription se fait au moyen d'un tambour à levier 115.
M. Eijkman 216 est allé plus loin : il a donné à ces tracés une
expression numérique, par comparaison avec des écarts
connus (cf. p. 152). Pour déterminer ces écarts, il se servait
de petits blocs de différentes épaisseurs implantés sur
ses canines, et il mesurait au compas la distance des
mâchoires, d'une gencive à l'autre.

Je rapproche, à titre de spécimen, dans un même tableau,
les mesures relevées par M. Grandgent (G), et par M. Eijkman
(E) et par moi (R) pour certaines de nos voyelles.

Les voyelles sont notées phonétiquement d'après la
transcription de M. Grandgent pour l'anglais, d'après ma
prononciation pour le français, et, pour le hollandais,
d'après la prononciation des environs de Namur, M. Eijkman
ayant négligé de les définir autrement que par des
exemples 317.

L'écartement des mâchoires est exprimé en millimètres.
C'est cette seule donnée que je fais entrer dans la composition
du tableau. Mais je la considère à deux points de vue
différents : comme valeur absolue dans chaque langue et
706comme valeur proportionnelle dans la comparaison des trois
idiomes. La possibilité de l'envisager ainsi apparaît dès qu'on
rapproche les unes des autres les mesures expérimentales
qui correspondent à des voyelles sensiblement égales. Par
exemple en français et en anglais : a donne 20/7, o 13/4,5, a 10,5/3,4
ú 2/3 soit un rapport environ de 2,857 (= 20/7) ; en français
et en hollandais : a donne de même 20/8,75, œ́ 9/4, ú 7/3 soit à
peu près un rapport de 2,28 (= 20/8,75). On est donc en droit
de supposer entre les autres voyelles des rapports d'autant
plus voisins de ceux-ci qu'elles-mêmes se ressemblent
davantage. Dès lors, par un artifice de calcul bien simple
(en multipliant chaque nombre des deux séries G et E par
le rapport observé, 2,857 pour G, 2,28 pour E), je réduis
tous les rapports à une expression uniforme qui permet de
faire rentrer toutes les voyelles dans une seule échelle, et
de les comparer sans peine. Les résultats obtenus sont
inscrits dans les deux dernières colonnes.

La lecture du tableau confirme les vues générales qui en
ont dirigé la composition. On voit en effet les voyelles
non seulement s'échelonner dans les colonnes verticales
suivant un ordre qui s'explique de soi, mais encore se
grouper sur les lignes horizontales et marquer ainsi elles-mêmes
la place qui leur revient dans l'échelle vocalique,
par exemple : å anglais puis au-dessous å hollandais, et
ò français, l'e anglais dans le voisinage de l'è français (ce qui
explique la difficulté qu'ont les Américains à prononcer
notre é), etc.

Ce procédé d'analyse deviendrait plus précis encore avec
plus d'unité dans l'expérimentation et de sûreté dans la
notation phonétique. Mais j'en ai dit assez, j'espère, pour
montrer à quel point il est simple et fécond. Il mérite d'être
repris et appliqué à un plus grand nombre de langues.707

tableau Anglais (G) | Hollandais (E) | Français (R) | Valeurs proportionnelles708

image 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6
1. a, è, e, é, i, í. — 2. a, œ̀, œ, œ́, u, ú. — 3. a, à, ò, o, ó, u, ú.
4. è, œ̀, e. — 5. e, œ́, é. — 6. é, u, i.

Fig. 487. (R)
Écartement des mâchoires.709

Les mouvements des mâchoires sont très faciles à
inscrire. Il suffit de mettre entre les deux premières
molaires une ampoule assez épaisse et de la relier à un
tambour inscripteur sensible aux vibrations : on obtient
ainsi les divers degrés d'écartement et les vibrations de la
voyelle. Nous avons (fig. 487), les séries : a è e é i í (1),
a œ̀ œ œ́ u ú (2), a à ò o ó u ú (3) ; les tracés comparatifs de
è œ̀ e (4), e œ́ é (5), é u i (6). La progression qui se lait
dans la fermeture est très claire, ainsi que la relation des
voyelles antérieures labiales et non labiales. Complétons
ces données par les tracés de l'ù (fig. 488) et des nasales

image ù

Fig. 488. (R)
Écartement des mâchoires.

Le pointillé supérieur marque le point atteint par le tracé de l'i.

(fig. 489). Dans ces expériences, l'écartement des mâchoires
nous apparaît pour œ̀ moindre que pour è et plus grand que
pour e. Ainsi en est-il pour œ́ et u compares l'un à e é,
l'autre à é i. L'écart est à peu près égal pour ú et i. De
même ã se place plus près de a que de á, entre à et è ;
œ̃ est un œ̀, õ un ó.

En rapprochant ces résultats de ceux qui ont été obtenus
par d'autres moyens, particulièrement avec le tableau
(p. 708), on note quelques variantes qu'il n'est pas inutile
d'expliquer. Les uns montrent que l'élévation de la langue
n'est pas entièrement sous la dépendance du rapprochement
710des mâchoires. Les autres (celles du tableau) prouvent
que dans deux expériences faites d'une façon indépendante
et à des époques éloignées, on peut considérer comme

image a | ã | è | ẽ | œ̀ | o | õ

Fig. 489. (R)
Écartement des mâchoires.
(Diapason de 50 v. d. à la seconde.)

image a | e | i | ã | o | íu

Fig. 490. (Po)
Écartement des mâchoires pour les voyelles roumaines.

normales des positions légèrement différentes les unes des
autres, c'est que la compensation se fait, dans le cas présent,
711très aisément par la langue et les joues. Dans le conflit
de deux méthodes, je donnerais la préférence à celle qui
est la plus simple et qui exige de la part du sujet le moins
de réflexion, c'est-à-dire à cette dernière.

Je termine par le tableau des voyelles principales du
roumain (fig. 490).

Joues.

Les joues forment les parois du résonnateur buccal.
Leur rôle dans la distinction des voyelles est difficile à
définir. Elles se conforment aux mouvements des mâchoires
et des lèvres : se creusant lorsque les mâchoires s'écartent
ou que les lèvres s'avancent, s'arrondissant quand les commissures
sont reportées en arrière.

Voile du palais, pharynx

Le voile du palais s'élève, et, obstruant ainsi le passage
par le nez, il réduit le résonateur au pharynx et à la
bouche ; ou bien il reste abaissé et il accroît de toutes les
cavités nasales la chambre de résonance. C'est, on le sait,
le principe de la distinction des voyelles en pures ou buccales
et en nasales (p. 525 et suivantes).

Là ne se borne pas le rôle du voile. Nous avons déjà vu
qu'il change de position pour différentes voyelles (p. 267268).
Mais, en observant de plus près, comme l'a fait sur
moi-même M. le Dr Natier, on constate que le voile, ses
piliers et la luette se conforment au mouvement général
qui prépare les voyelles pures : le voile se soulève plus ou
moins, les piliers s'écartent ou se rapprochent, la luette
s'avance ou recule.712

Quand la bouche est disposée pour a, ni la luette, ni les
piliers ne se voient, cachés par la langue. Mais, au moment
de l'articulation de la voyelle, la moitié postérieure du
voile se soulève en se creusant dans la partie médiane, la
luette se montre sur une longueur de 3mm et se tient à 3
ou 4mm de la paroi postérieure du pharynx, les piliers
restant écartés de 12 à 13mm.

A partir de a, et à mesure que l'on avance dans chaque
série, le voile s'élève de plus en plus, de à à i, comme de
œ́ à u et de á à u, le dôme devenant de plus en plus aigu
dans la série a à è e é i, s'arrondissant dans les séries œ̀ œ œ́
u
et á ò o ó u. Pour ó, il forme comme un cul-de-sac, qui
s'accentue encore pour u. La luette recule à proportion :
elle est à 2mm de la paroi du pharynx pour è, œ̀, á ; à 1mm
pour é et semble plus en arrière pour les voyelles plus
fermées. Les piliers s'écartent dans la série labiale : séparés
par une distance de 12 à 13mm pour a, ils sont passés à 15
pour è et continuent à s'écarter pour é et pour i. Au contraire,
ils se rapprochent dans les séries labiales : ils ne sont
qu'à 10mm pour á et continuent à se rapprocher pour ò o ó
u
, ú, de même pour œ̀ œ œ́ u.

C'est sur ce caractère physiologique que s'appuie la
dénomination d'a fermé donnée à l'a de pas, par opposition
à celui du parisien part, le premier supposant, pour
l'écartement des piliers qui forment l'isthme du gosier,
10mm seulement, le second 13 ou 14.

La paroi postérieure du pharynx est, elle aussi, animée de
mouvements divers. Pour a, elle se ride à peine ; pour è,
elle se resserre légèrement par la contraction des fibres
transversales. Mais pour á, elle se ramasse dans tous les
sens, se resserrant et s'élevant à la fois. Chez certains sujets,
ces mouvements sont beaucoup plus sensibles encore.713

Toutes ces constatations sont assez faciles à faire au
moyen d'un abaisse-langue, qui est nécessaire pour toutes
les voyelles autres que les a. Elles nous laissent assez
entendre que le voile du palais et les autres parois du
pharynx concourent à la transformation du résonateur
sus-glottique.

Un moyen simple d'inscrire d'une façon indirecte les
mouvements du voile et du pharynx, c'est de recueillir l'air

image ã | õ | œ̃ | ẽ

Fig. 491. (R)
Tracé du souffle sortant par le nez pour les voyelles nasales.

L'élévation de la ligne au-dessus du pointillé marque la quantité d'air qui sort par l'une des
narines, l'autre restant ouverte.

que ces organes laissent passer par la voie du nez. En pratiquant
l'exploration par une seule narine, on obtient pour
les voyelles nasales des tracés très expressifs, par exemple :
ã, õ, œ̃, français (fig. 491), où les différences dans l'écoulement
de l'air, et par conséquent dans l'occlusion pharyngienne,
sont très notables. Même on prend sur le fait la714

A
image N | B | L
v——ã (Ro)
(van)

B
image N | B | L
v——ã—— (Ro)
(vent)

Fig. 492.
Comparaison de !a voyelle nasale ã suivant qu'elle sort de vannum (A) ou de
ventum (B).

N. Nez. — B. Souffle buccal. — L. Lèvres.
La consonne elle-même est nasalisée.715

cause de certaines nuances, comme celle qui existe en
franc-comtois entre les deux nasales de (vannum) et
(ventum) (fig. 492) sensible pour un indigène, mais non
pour un étranger. On constate que le souffle nasal sort
pour le premier ã plus lentement et pendant une plus
grande durée, pour le second plus rapidement et pendant
une durée moindre : d'où il est aisé de conclure la position
du voile du palais dans l'une et l'autre articulation.

image N | B | à | e | i

Fig. 493. (B)
Vibrations nasales pendant l'émission de voyelles pures.

N. Nez. — B. Bouche.

Les voyelles pures elles-mêmes s'accompagnent souvent
de résonances nasales et celles-ci varient suivant la nature
des voyelles.

J'en ai déjà dit un mot (p. 287). Or je trouve justement
des tracés qui viennent à l'appui. Chacune des séries de
voyelles pures avait été prise avec l'embouchure et l'olive
nasale dans une narine, l'autre étant ouverte. La ligne du
nez est naturellement toute droite pendant la durée de la
voyelle, sauf à la fin. pour la reprise du mouvement respiratoire ;
mais elle est toute couverte de petites vibrations
716synchroniques à celles du souffle buccal. Or, dans les trois
séries a è e é i í, œ̀ œ œ́ u ú, ò o ó u ú, on constate nettement
que l'amplitude des vibrations buccales va en diminuant,
et celle des vibrations nasales en augmentant. Je me contente
de reproduire á e í (fig. 493). Les intermédiaires se

image a | è | e | é | i | í

Fig. 494. (R)
Sortie du souffle par le nez dans les voyelles pures.
(Série antérieure non labiale.)

devineront sans peine. On peut du reste prendre une idée
rapide du phénomène : il suffit de prononcer les voyelles en
appuyant légèrement les doigts au-dessus des ailes du nez.

Mais c'est dans l'exploration complète du courant d'air,
717à l'aide de deux olives, que le degré d'intensité des résonances
et la faiblesse graduelle de l'occlusion pharyngienne
se montrent d'une façon évidente. Comparez les trois séries
de voyelles non nasales a è e é i í (fig. 494), œ̀ œ œ́ u ú
(fig. 495), á ò o ó u ú (fig. 496). L'élévation de la ligne

image œ̀ | œ | œ́ | u | ú

Fig. 495. (R)
Sortie de l'air par le nez, dans les voyelles pures.
(Série antérieure labiale.)

nasale au-dessus du pointillé marque la quantité d'air qui
est passée entre le voile et les parois du pharynx ; et l'amplitude
des vibrations, l'intensité des résonances. Or il
résulte de cette comparaison que l'une et l'autre croissent à
mesure que l'on s'élève dans chaque série en se rapprochant
718des voyelles fermées, et que l'on passe de la série non
labiale (a é, etc.) aux séries labiales (œ̀ œetc., á òetc.).

Conviendrait-il d'aller plus loin et de tenter i'inscription

image à | ò | o | ó | u | ú

Fig. 496. (R)
Sortie du souffle par le nez dans les voyelles pures.
(Série postérieure.)

directe (p. 94) ? Les résultats enregistrés par M. Weeks,
outre qu'ils sont fort pénibles à obtenir, sont vraiment
peu encourageants. La méthode n'a rien donné pour les719

image œ̃ | ã | õ | ẽ

Fig. 497. (Weeks)
Tracés du voile du palais pour les voyelles nasales françaises un, an, on, in,
chacune répétée trois fois.

voyelles anglaises, et les nasales françaises 118 sont seulement
marquées par les tracés que je reproduis (fig. 497).

Larynx

En voix normale, le larynx donne le son fondamental
sur lequel se groupent les résonances qui constituent le
timbre de chaque voyelle. Mais la vibration du larynx n'est
pas nécessaire pour réveiller les résonances supraglottiques :
les voyelles chuchotées sont reconnaissables ; même le
souffle traversant la glotte largement ouverte produit, en
passant dans la bouche disposée pour une voyelle donnée,
un bruit qui se teinte de la nuance de cette voyelle. C'est
donc le résonateur qui fait essentiellement la voyelle et
non le larynx. Mais c'est le larynx qui fait la voyelle
vivante, harmonieuse. Un appareil musical, remplaçant le
720larynx, n'y suffit pas. L'expérience signalée ci-dessus (p. 170)
est renouvelée sur le vivant toutes les fois qu'un larynx
artificiel est devenu nécessaire. J'ai vu un cas de ce genre.
Le malade parlait d'une façon très distincte, et son larynx
était formé de deux membranes de caoutchouc 119 !

Toutefois, le fonctionnement du larynx varie assez avec
chaque voyelle pour qu'il puisse être invoqué dans une
classification.

Quand on observe cet organe en vue du timbre des
voyelles, il est nécessaire d'éliminer tous les changements
qui n'auraient pour cause que l'intensité ou la hauteur
musicale, en émettant chaque voyelle avec une force et sur
un ton autant que possible uniformes.

Le larynx dans sa totalité se meut dans les deux sens,
vertical et horizontal. D'après les mesures prises sur moi
par M. le Dr Natier, la position moyenne est celle de l'a ;
de là jusqu'à ú le larynx s'abaisse, et jusqu'à i, il s'élève.
La position de repos étant zéro, on a successivement : ú 4mm,
u 6, ó 7, o 8, ò 9, á 10 ; — a 11 ; — à 12, è 12,5, e 13,
é 14, i 15, í 17. Cette élévation progressive du larynx
répond à la division des voyelles en graves et aiguës. Sont
graves : ú, ó, á, è, i ; aiguës : u, ò, à, é, í, les notes caractéristiques
des premières voyelles étant respectivement moins
aiguës que celles des secondes. Les voyelles o, a, e restent
moyennes. Quant à i et u, rien n'empêche de les considérer
aussi comme moyens. La série antérieure labiale ne
cadre pas exactement avec la série non labiale : le larynx
descend plus bas et monte plus haut. Ainsi nous avons :
œ̀ 9mm, œ 12, œ́ 13, u 17, ú 19. Les nasales présentent les
721égalités suivantes : ã = á, õ = o, = è, œ̃ = œ̀. Nous
reviendrons sur la distinction des voyelles en graves et
aiguës, p. 740.

La projection du larynx dans le sens horizontal s'accorde
exactement avec la division en trois séries que nous avons
établie dès l'abord. Elle est de 3mm de l'à à l'i, de l'a à l'ú, de
4mm de l'á à l'ú, le point de repos étant zéro, les a à 2mm, í ú
à 5, ú à 6 ; les autres voyelles se partaient à peu près également
la distance intermédiaire.

L'élévation du larynx se constate également par l'intérieur.
Ainsi l'épiglotte, qui n'apparaît chez moi qu'avec ó,
1mm au-dessus du point de repos, monte successivement :
á 2mm, a 3, à 5, è 7, e 9, é 10, i 12 ; — œ̀ 5, œ 6, œ́ 7, u 8,
ú 9. Ces chiffres, si l'on tient compte de l'abaissement de
l'épiglotte pour les voyelles fermées, concordent avec ceux
de l'élévation du larynx pris extérieurement. De même
aussi, les bandes ventriculaires, invisibles pour a, se
découvrent chez moi de 1/4 pour è, des 2/3 pour é, des
3/4 pour i. Chez un autre sujet, montrant mieux son
larynx, les cordes vocales se découvrent graduellement :
pour è sur une longueur de 5mm, pour é de 10, pour ide
15 ; — pour œ̀ de 4, pour œ́ de 9.

Chacune des parties observables du larynx change de
forme pour chaque voyelle, et nous ramène à nos trois séries.

L'épiglotte, observée par M. le Dr Natier chez un sujet
qui s'efforçait de dire toutes les voyelles sur le même ton
et avec une égale intensité, a paru s'étaler sur la base de la
langue pour les voyelles ouvertes (les a), puis s'en séparer
progressivement en formant avec elle un angle d'autant
moins aigu, et se repliant d'autant plus par les bords que,
dans chaque série, la voyelle était plus fermée. L'angle est
722aigu pour è, s'ouvre pour é, et prend pour i la forme d'un o,
(cf. fig. 94 et 99), qui devient plus net encore pour í,
quoique la base de la langue soit rejetée en arrière. La correspondance
des deux séries antérieures diffère un peu
de celle que nous avons reconnue d'après les mouvements
de la langue, la contraction étant respectivement plus
considérable dans les labiales : œ̀ se rapproche de è ; œ́ de i ;
les bords de l'épiglotte sont plus repliés pour u ú que
pour i í. Même observation pour les voyelles postérieures :
ò, on sent une légère tendance des bords à se replier sur
eux-mêmes ; — ó, l'angle est semblable à celui de l'é ; — u ,
l'angle s'ouvre beaucoup et l'épiglotte se creuse nettement
en forme de tuile ; — ú, l'angle s'agrandit encore et les
bords continuent à se rapprocher.

En conséquence, l'épiglotte se redresse sur sa base pour
a, puis il s'abaisse légèrement pour les voyelles antérieures
non labiales, d'une façon très sensible pour les autres séries.
Voici les rapports que M. le Dr Natier a cru pouvoir mesurer.
Position de repos, zéro ; — a 11mm, è 10, é i 9 ; — œ̀
7, œ 6, œ́ u ú 5 ; — á 10, ò 9, ó 8, u 7, ú 5.

Les bandes ventriculaires, ou cordes vocales supérieures,
sont écartées pour les voyelles ouvertes, rapprochées pour
les voyelles fermées, ce qui donne à l'orifice supérieur
du ventricule l'aspect d'un cercle pour les premières,
d'une ellipse qui s'allonge progressivement pour les
secondes. De plus, en même temps qu'elles se rapprochent,
les bandes se contractent et s'arrondissent dans leur épaisseur.
Chez moi, elles se montrent bien pour è e é i, œ̀ œ œ́ u
et les mouvements de fermeture progressive et de contraction
se voient très clairement. Noter que pour œ̀ l'orifice
paraît plus ferme que pour è chez un autre sujet mieux
disposé, qui permet de voir très nettement ce qui se passe
723pour i í, u ú, u ú, confirmant ce qui avait été déjà reconnu
chez moi.

Quant aux cordes vocales proprement dites et à la glotte
qu'elles circonscrivent, il est facile de constater qu'elles
n'ont ni le même aspect ni la même position pour les différentes
voyelles. Sur une femme habituée à montrer son
larynx et à qui j'avais préalablement appris à dire les
voyelles sur le même ton et avec une intensité égale,
M. le Dr Natier a vu : 1° que la fente de la glotte est linéaire
pour è, œ̀, œ́, fusiforme pour e, ovalaire pour i ; 2° que les
cordes vocales sont légèrement écartées pour è, un peu plus
pour é, plus encore pour i ; 3° enfin que les rubans vocaux,
plats pour les autres voyelles, se ramassent sur eux-mêmes,
et prennent la forme de cordes pour í. Deux autres sujets,
qui laissent très bien voir leur larynx, ont montré plus
clairement encore que les rubans vocaux se contractent à
mesure que l'on s'élève dans les séries a é è i, œ œ́ u et ò ó
u
 : les bords, d'abord étalés, s'arrondissent progressivement,
et la fente glottique s'élargit de même, soit en forme de
fuseau, soit parallèlement, suivant que le ton est plus ou
moins grave.

Tous ces mouvements, qu'il est assez facile de suivre
et même de mesurer de l'œil, échappent, sauf ceux de projection
et d'élévation, à un appareil inscripteur.

L'avancement ou le recul du larynx s'inscrit aisément
par le seul fait que le cartilage thyroïde exerce une pression
variable sur la membrane de la capsule exploratrice.

L'élévation et l'abaissement demandent, pour être pris
d'une façon correcte, certaines précautions. Il est à craindre,
en effet, que la base de la langue, qui s'abaisse dans la voix
haute pour les voyelles fermées (p. 675), n'entraîne dans
son mouvement la capsule appliquée sur le thyroïde.724

image P | A

Fig. 498. (Ri)
Abaissement du larynx dans la série

i é á ò ó u
(Appareil, fig. 40, modifié).

P. Projection. La capsule étant très petite, le déplacement est presque nul.
A. Abaissement. Le degré d'abaissement se mesure sur la ligne pointillée qui marque
une position fixe.

image u | ú

Fig. 499. (Ri)
Projection du larynx en avant pour les voyelles á ó ú ú.
(Capsule laryngienne).

Les lignes pointillées répondent à une position fixe, la même pour tous les tracés.725

Les expériences que j'ai eu à renouveler m'ont amené à
modifier l'explorateur (fig. 40). J'en reparlerai dans un

image

Fig. 500. (P)
Projection du larynx pour les voyelles roumaines.

Même disposition que fig. 499.

appendice. Disons tout de suite que la capsule exploratrice
doit être toute petite pour n'être pas influencée par la
langue.

image B | L | e | ẽ

Fig. 501. (Sp.)
Larynx pour les voyelles alsaciennes e et .

B. Souffle. — L. Larynx.
La projection est marquée par l'élévation de ligne (L), le relâchement par son abaissement.

Nous avons l'abaissement progressif du larynx pour
i é á ò ó u (fig. 498), et sa projection en avant (fig. 499
et 500).726

Les mouvements verticaux du larynx pourront être
utilisés sans doute dans l'analyse de certaines voyelles,

image B | L
(Sp.)

Fig. 502.
Larynx pour les voyelles alsaciennnes u et ŭ.
B. Souffle. — L. Larynx.
Le relâchement pour ŭ est très sensible.

image N | B | L
——a———i—— (Sp.)

Fig. 503.
Larynx dans la diphtongue alsacienne ai.
N. Nez. — B. Bouche. — L. Larynx.

Le larynx s'avance progressivement depuis le commencement de l'a jusqu'à i ; puis il se
relâche.

La ligne du nez ce donne rien.

quand on disposera d'un instrument commode pour les
enregistrer. Pour le moment, je n'ai qu'un seul fait très727

image N | B | L
——à———l———

Fig. 504. (Sp.)
Larynx dans la diphtongue alsacienne àl.
N. Nez. — B. Bouche. — L. Larynx.

Le larynx exécute le même mouvement que dans ai (fig. 503).
La nasalité (N) est fort intéressante.

image N | B | L
—u——i———

Fig. 505. (Sp.)
Larynx dans la diphtongue alsacienne ui.
N. Nez. — B. Bouche. — L. Larynx.

Le larynx se relâche pour [illisible].
Le nez ne donne rien.728

intéressant à signaler : c'est que, d'après le degré d'élévation
du larynx, l'u roumain (Po.)se place entre a et e. On
songe naturellement que l'u latin, pour arriver à l'u français,
a dû passer par cette étape, et l'on se demande si l'u
roumain n'est pas en train d'opérer une semblable évolution.

image N | B | L
——ũ——ĩ———

Fig. 506. (Sp.)
Larynx dans la diphtongue alsacienne ũĩ.
N. Nez. — B. Bouche. — L. Larynx.

Le larynx se comporte comme dans ui (fig. 439).

Le simple mouvement de projection donne d'utiles indications.
Ainsi dans les voyelles alsaciennes, il nous permet
de distinguer les voyelles longues des brèves, et nous
montre que celles-ci sont très relâchées : é et ĕ (fig. 501),
ú et ŭ (fig. 502). Pour les diphtongues, nous pouvons isoler
à peu près sûrement chacune des voyelles, par exemple :
dans ai (fig. 503), ãĩ (fig. 504), ui (fig. 505) et ũĩ
(fig. 506).729

Est-il possible que le larynx soit ainsi soulevé ou abaissé,
porté en avant ou rejeté en arrière sans subir en son fonctionnement
intérieur aucune modification ? On pourrait le
supposer d'une caisse à parois rigides et insensibles à la
poussée comme à la traction, suspendue par des points
solides. Mais ce n'est pas le cas pour le larynx. (Voir
p. 244-250, 256.) Il est donc naturel que la forme de la
glotte elle-même change, comme nous l'avons vu, avec le
travail articulatoire.

agrt : 6.

image ĭ | ĕ́ | ă | ī́ | ḗ | ā

Fig. 507. (Co)
Vibrations du larynx pour différentes voyelles (Capsule laryngienne).

D'où à conclure une différence dans la forme de la vibration,
il n'y a qu'un pas. J'ai déjà introduit la question
(p. 523), mais sans m'y arrêter ; et je me suis contenté de
reproduire quelques expériences qui montrent bien que le
mouvement vibratoire du larynx n'est pas toujours uniforme.
Aujourd'hui, je puis y revenir avec des faits nouveaux.
Voici d'abord des tracés que j'emprunte à d'anciennes
expériences sur les voyelles flamandes. Les uns (fig. 507)
représentent i ī́, ĕ́ ḗ, ă ā̀ inscrits à la vitesse moyenne du
cylindre et agrandis 6 fois : ils laissent voir entre chaque
voyelle des différences assez sensibles. Les autres (fig. 508)
permettent la comparaison de la période telle qu'elle a été
recueillie dans la colonne d'air au sortir de la bouche te
730telle que l'a saisie la capsule laryngienne sur le cartilage
thyroïde. On remarquera la ressemblance de forme qui
existe entre les deux tracés. La vibration laryngienne ne
nous apparaît donc pas comme celle d'un son simple. Mais
aurait-elle été déjà modifiée par les résonances de la bouche
se propageant par les tissus ? Je me le suis demandé un
instant, et je l'ai craint. Mais le doute, après de nouvelles
recherches, n'est presque plus possible. Les tracés mentionnés
plus haut que je n'avais recueillis que dans des conditions
exceptionnelles sur des larynx très proéminents, et

image ĭ | é | ă | ī́ | è | ā | V | L

Fig. 508. (Co)
Vibrations du larynx comparées à celles de la voix dans différentes voyelles
(Capsule laryngienne).

grâce à des tambours inscripteurs que le hasard avait rendus
propres à cet usage, je les obtiens aujourd'hui sans peine et
à coup sûr, si bien que la forme de la vibration laryngienne,
quand la capsule emboîte bien le larynx, se montre constamment
caractéristique de la voyelle et reproduit d'une façon
atténuée, mais très nette, la période même prise dans la
colonne d'air sortant par la bouche. Je dois ce nouveau
progrès à mes petits tambours inscripteurs. (Voir l'Appendice.)731

image á | e | i | o | ó | u

Fig. 509.
Comparaison des tracés du larynx avec ceux du souffle dans les voyelles.
B. Souffle buccal. — L. Larynx. — D. Diapason de 200 v. d.

Les lignes pointillées, établissant le synchronisme entre les diverses parties de la période
pour le souffle et le larynx, permettent une comparaison rigoureuse.
L'amplitude des vibrations est comparable pour toutes les voyelles, sauf pour i qui a dû
être inscrit avec une intensité moindre.732

Ceux dont je me suis servi pour ces expériences ont
15mm de largeur de cuvette, 1mm de profondeur, 6mm et
131mm comme longueurs de bras de levier. Ils sont montés
d'une façon à peu près égale : en les remplaçant l'un par
l'autre, on ne voit pas de différence dans les tracés. Le
premier inscrivait les vibrations du larynx ; le second, la
colonne d'air. Or la ressemblance des deux tracés est
frappante (fig. 509). On distingue clairement, à l'œil, dans
celui du larynx les harmoniques graves qui ont été renforcées
par la bouche. L'accord est d'autant plus apparent
que les sinuosités sont plus amples et plus découpées. On
pourrait remarquer, en outre, comme on en jugera mieux

image a [ e | i

Fig. 510. (Ri)
Comparaison de l'amplitude des vibrations du larynx dans la série a é i.

du reste par la figure 510, que les vibrations du larynx
croissent en amplitude à mesure que la voyelle est plus
élevée dans les séries a-í, a-ú et a-ú. L'i est produit par des
vibrations laryngiennes si intenses qu'aucun des i enregistrés
en même temps et avec la même intensité voulue que les
autres voyelles n'a pu être utilisé. Il a fallu l'inscrire à part
en modérant la voix.

Donc, bien que l'on puisse expérimentalement reproduire
à peu près les différentes voyelles avec un même composé
sonore excitateur, nous devons admettre que la voyelle
existe dé ;à dans la vibration laryngienne, et que les cordes
733vocales elles-mêmes, en suivant les contractions articulatoires
du résonateur sus-glottique, peuvent ainsi servir de
base pour une classification.

Et en effet nous retrouvons dans les tracés do larynx, bien
pris, des indications suffisantes : pour suivre les variations
subies par le timbre d'une voyelle au cours de son émission
(fig. 511), suivant qu'on la considère pendant b tension,

image 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7

Fig. 511.
Vibrations du larynx pour les syllabes oyé un rouergat.

o : 1re, 2e lignes et première moitié de la 3e.
 : deuxième moitié de la 3e ligne, et commencement de la 4e.
é : le reste des tracés (4e, 5e, 6e et 7e lignes).
La tension de l'o (début de la 1e ligne) et la détente de l'é (6e et 7e lignes) se reconnaissent
à la simplification du tracé.

On peut suivre période par période les diverses transformations des voyelles : par exemple,
voir (1e ligne) comment la période de l'o, composée au début de la tenue de 4 minutes, se
réduit à 3 par l'union des deux dernières ; comment, d'autre part, la période de l'e, à la
détente (6e ligne), se réduit de 3 sinuosités à 2 par la confusion progressive des deux
premières.
La consonne (3e et 4e lignes) se distingue par la simplicité de sa période.
Le passage de la voyelle a à la consonne et de celle-ci à é se reconnaît dans le premier cas
à la diminution, dans le second à l'accroissement de plus en plus accentué de l'amplitude des
sinuosités secondaires de chaque période. Comparer l'é dans ce mot avec l'é isolé (fig. 511).

la tenue ou la détente ; pour reconnaître la limite qui sépare
une voyelle d'une consonne sonore (fig. 511) ; pour isoler
les voyelles contenues dans les diphtongues et même les
distinguer des semi-voyelles (fig. 512).

La possibilité d'analyser les diphtongues par le larynx
seul est démontrée par l'accord de ses tracés avec ceux734

image ẅo | D | O | é

Fig. 512. (Ri)
Vibrations du larynx.
Une diphtongue et deux voyelles.

ẅo. — L'o s'annonce déjà à la 10e période, il ne devient net qu'après quelques périodes.
Comparer cet o avec celui qui est placé au-dessous et qui a été prononcé isolément.
i. Le comparer avec celui de la figure précédente.
D. Diapason de 200 v. d. — Il donne aussi l'échelle pour la figure 511.

image L | B | Lè. | N

Fig. 513. (Ri)
Triphtongue woy.

L. Larynx. — B. Souffle buccal. — Lè. Lèvres. — N. Nez.

Le w sonore est précédé d'une pression d'air sourd. Il se termine à la 2e ligne pointillée.
L'e commence à la 2e ligne pointillée. — Remarquer la forme des vibrations du larynx. —
La résonance nasale est moins forte que pour les deux semi-voyelles w et y.
L'y commence à la 2e ligne pointillée. — Comparer les vibrations du larynx avec celles du
w. Le début du y est clair dans les quatre tracés.735

image 1 | 2 | La

Fig. 514. (Po)
Diphtongues roumaines. 1. ío, — 2. w, d'après les vibrations du larynx (La) et
les mouvements de la langue (La).736

image L | La

Fig. 515. (Ri)
Diphtongue rouergate yo, d'après les vibrations du larynx (L) et les mouvements de la langue (La).737

image ei | oi | oa | ua | ui | iu | íi | iî | yey | yòw | wòw

Fig. 516.
Diphtongues roumaines ei, oi, oa, ua, ui, iu, íi, (Po) et triphtongues rouergates
yey, yow, wow (Ri), d'après les seules vibrations du larynx.738

du souffle, de l'organe articulateur (lèvres ou langue), et,
chez certains sujets, même du nez. C'est ce qui peut se voir
(fig. 513) pour la triphtongue rouergate woy, où les
deux semi-voyelles w et y se distinguent très bien sur les
lignes de la bouche, des lèvres et du nez, en même
temps qu'elles correspondent à une forme toute particulière
des vibrations du larynx. Mais, comme le tracé est petit,
il m'a paru nécessaire de donner (fig. 514 et 515) des
agrandissements tels que les caractéristiques de la voyelle
et de la semi-voyelle sautent aux yeux. Les verticales pointillées
marquent le début de la voyelle qui concorde avec
l'apparition des sinuosités secondaires de la période et le
commencement du mouvement articulatoire de la voyelle.
On remarquera que la semi-voyelle est caractérisée par
des périodes relativement simples. (Comparez p. 404-410.).

Ce caractère une fois reconnu, on distinguera aisément
(fig. 516) les diphtongues et les triphtongues ne contenant
que des voyelles comme ei, oi, oa, ua, ui, łi en roumain de
celles qui renferment une semi-voyelle plus ou moins
longue, comme iu, en roumain, yey, yòw, wow en
rouergat.

Ensemble des cavités sus-glottique

(Résonance caractéristique. — Notes composantes. — Régime du
souffle.)

Les cavités sus-glottiques sont suffisamment déterminées
par les résonances, surtout celle qu'elles renforcent le
plus, et par la forme qu'elles imposent au courant d'air
phonateur.

C'est à trouver la résonance propre ou note caractéristique
des voyelles que les physiciens se sont appliqués,
dans l'espoir d'en définir le timbre (p. 176 et suivantes).739

La hauteur de la résonance propre a servi de base à
une nouvelle classification. De ce chef, les voyelles se distinguent
en graves et en aiguës.

La concordance entre cette nouvelle classification et
celles que nous avons établies est la suivante :

u grave = ú fermé
o grave = ó fermé
u aigu = ù ouvert
o aigu = ò ouvert

mais :

i | u graves = ì | ù ouverts
è | œ̀ graves = è | œ̀ ouverts
i | u aigus = í | ú fermés
é | œ́aigus = é | œ́ fermés

Laissant de côté les a, sur lesquels nous reviendrons,
nous sommes encore ici en présence de deux séries distinctes :
l'une où la voyelle fermée est grave, et la voyelle
ouverte, aiguë ; l'autre où la voyelle fermée est aiguë et la
voyelle fermée, grave.

Or, pourquoi ce renversement ? Je l'ai déjà constaté il
y a une douzaine d'années 120, mais sans le comprendre. J'y
ai pensé quelquefois depuis, et c'est seulement en écrivant
ces lignes que l'explication s'en est présentée à mon esprit.
La figure 196 nous rend visible pour u, au fur et à mesure
que le ton s'élève, un harmonique aigu qui n'est pas indiqué
740par la théorie et qui doit exister à côté de l'harmonique
grave. Généralisons cette idée et accordons deux
résonances principales aux voyelles u, o, i u, é œ́, è œ̀,
l'une aiguë au point d'articulation, là où l'organe est rétréci,
l'autre grave, soit en avant, soit en arrière de ce point :
et l'accord sera parfait. Pour les voyelles postérieures, la
résonance grave, se produisant en avant, sera dominante,
et la résonance aiguë échappera à l'observateur ; pour les
voyelles antérieures, au contraire, c'est la résonance aiguë
qui se fera le plus sentir et qui pourra masquer la résonance
grave. Nous aurons ainsi deux résonances, dont
l'une s'élève dans l'échelle musicale à mesure que l'autre
descend. Et, si j'appelle principale celle qui prend naissance
au point d'articulation, secondaire celle qui l'accompagne,
je dirai que l'on a caractérisé la série postérieure par
la résonance secondaire, et la série antérieure par la principale :
d'où la contradiction qui résulte d'une observation
incomplète, mais qui n'existe point dans la nature. Cette
manière de voir trouve un appui dans des constatations
partielles faites antérieurement. Une double résonance a
été reconnue pour é, i par Donders(p. 180), pour è, é, i, œ́,
u par Helmholtz (p. 182), pour e et u par M. Hermann
(p. 216). Moi-même, j'ai noté plusieurs fois la présence
d'un son aigu là où l'on s'attendait à n'en trouver que
de graves, par exemple, au début et à la fin des voyelles
(p. 363-364,406), alors que l'organe est le plus resserré,
et dans les consonnes. Enfin, j'ai une nouvelle preuve dans
mes observations récentes sur le champ auditif des personnes
qui ont subi une diminution de l'ouïe dans les
notes graves. Toutes confondent, à des distances variables
suivant l'altération de leur organe, les voyelles fermées, ou
(u) avec u, i, é, eu (œ́), et même i avec u. Ainsi sur 31 cas,
741que je viens de relever à l'Institut de Laryngologie et Orthophonie,
18 malades, au lieu de u, ont entendu u, 6 i, 2 u
ou i, 2 é ou eu (œ́), 3 é, œ ou u. Inversement, j'ai trouvé
3 autres cas où un i a été entendu à la place de l'u. Or
cette confusion ne peut s'expliquer que par la perception
de notes aiguës contenues dans u comme dans u, i, é, œ́,
et par l'insensibilité de l'oreille pour les notes graves qui
servent à différencier ces voyelles. Il est évident que, si l'u
et l'i n'avaient pour caractéristiques que des notes séparées
par trois ou quatre octaves, toute confusion serait
impossible. Il y a donc une élévation progressive de la
résonance principale de a à u comme de a à i et à u. Et
l'accord entre les deux classifications acoustique et physiologique
est parfait.

Mais alors la distinction en voyelles graves et aiguës
s'évanouit ? Non : seulement il faut savoir qu'elle est fondée,
non pas sur la réalité, mais sur l'impression d'une oreille
saine qui est frappée surtout par la résonance produite dans
la partie antérieure de la bouche, c'est-à-dire l'aiguë pour
la série antérieure, la grave pour la série postérieure. Les
résultats obtenus n'en sont pas moins justes, puisque les
deux résonances sont proportionnelles, l'un des résonateurs
de la bouche diminuant ou s'agrandissant à mesure que
l'autre s'agrandit ou diminue.

Pour a, la différence des résonateurs est la moins considérable.
Presque nulle pour l'a moyen, elle ne devient
un peu sensible que pour à ouvert et á fermé, la cavité
antérieure de la bouche étant la plus petite pour le premier
(à), la plus grande pour le second (á).

A l'aide de diapasons, Helmholtz a déterminé pour ó á é
des notes (p. 182) que nous pouvons regarder comme
742justes. Kœnig a trouvé les mêmes ; et, de plus, il a complété
la série en y faisant entrer l'ú et l'í (p. 186). Chacune
de ces voyelles est séparée par une octave :

ú ó á é í
si♭2 si♭3 si♭4 si♭5 si♭6

ou plus exactement, d'après les diapasons construits par
Kœnig pour ces voyelles, en vibrations doubles :

ú ó á é í
224 448 896 1792 3584

Les bases de l'analyse étaient posées. Les physiciens
avaient fait leur œuvre. Restait aux linguistes à continuer.
Malheureusement, le conseil était plus facile à donner qu'à
suivre. Il fallait un outillage fort coûteux et un apprentissage

image

Fig. 517.
Diapason pour la voyelle à.

qui n'est pas à la portée de tous. Je me fis construire
un diapason à poids glissants (fig. 517), pour la recherche
des variations dialectales de l'á fermé (celui de Helmhotz
et Kœnig). Les résultats obtenus étaient encourageants.
J'en ai déjà cité un exemple typique (p. 165). En voici
d'autres qui n'ont pas moins d'intérêt. J'ai étudié avec
grand soin les a de M. Spieser qui est de Muhlbach (vallée
743de Munster, Alsace). La note de plus forte résonance pour
á est sûrement entre 896 et 900 v. d. ; nous avons cru
devoir la fixer à 899. C'est l'a de Vater, mais déjà inclinant
vers ò, au jugement du professeur de M. Spieser (un Hessois),
qui corrigeait sur ce point tous les enfants de la vallée.
M. Spieser possède un autre a plus aigu, qui représente
dans son dialecte l'ä de Väter. L'expérience nous a
donné des résultats tout à fait nets : il correspond à 930
v. d. Or, pour moi, cet a incline déjà vers é. C'est que
mon á est caractérisé par une résonance de 912 v. d. —
L'á de M. Gilliéron (908) est plus grave que le mien de
4 vibrations, et cela suffit pour que l'oreille de cet excellent
dialectologue sente dans mon a moyen une légère
tendance vers l'è. — Enfin quelques variantes : Champagne
904, Lorraine 907, Normandie 908, Paris 906 et 910,
Flandre Occidentale 908, Mâcon 912, Aveyron 916, Gers
918 ; Sud de la Suède 908, Prusse 907. (Je corrige ici une
erreur de lecture des Modifications phonétiques du langage.)

Il faut conclure de là qu'une faible différence de hauteur
dans la note caractéristique de l'á produit sur l'oreille un
effet très sensible, et que ce mode d'analyse mérite d'être
étudié.

De plus, les différences d'appréciation qui sont chez
l'auditeur la conséquence d'une différence dans le timbre
de son á, jointes à d'autres faits personnels, m'ont porté à
penser qu'il se rencontre des échelles vocaliques se composant
d'échelons à peu près égaux, avec un point de départ
variable. Ainsi je m'expliquais pourquoi certaines personnes
sentaient parfois déjà un è et un i là où je n'entendais
encore qu'un a et un é, et pourquoi, dans d'autres cas,
les perceptions de divers auditeurs étaient identiques. Un
schéma fera mieux comprendre ma pensée.744

Supposons deux séries de voyelles a è é i, α ɛ̀ ɛ́ : égales
par les intervalles, mais différentes par la hauteur des deux
a, dont l'un (série A) est de 910 v. d., l'autre (série B)
de 900 ; et représentons-les (fig. 518) par deux échelles
parallèles formées de degrés égaux : chacun de ceux-ci aura
une partie commune, une partie plus élevée, une autre
plus basse que le degré de la série correspondante. Considérons,
par exemple, é et ɛ̀ : leurs champs réunis sont

image A | | B | a | è | é | i | α | ɛ̀ | ɛ́

Fig. 518.
Schéma de deux échelles vocaliques. (A. B.)
La partie commune de chaque degré est en grisaille. Les zones extrêmes sont marquées :
dans le haut par des lignes verticales avec des points, dans le bas par des lignes horizontales.

limités en bas par le degré inférieur de B, en haut par le
degré supérieur de A. Au milieu, est la région commune
où les deux auditeurs A et B entendront également è.
Mais la zone du dessous appartient à l'a de la série A,
celle de dessus à l'é de la série B. Donc un è compris
dans l'une de ces deux zones sera entendu diversement
par les deux auditeurs : dans l'inférieure, è par B, a par A ;
dans la supérieure, è par A, é par B. De même pour les
745autres voyelles. D'où je concluais que les gammes vocaliques
devaient être transposables et j'exprimais le regret de
n'avoir pas le moyen de pousser mes expériences plus loin.

Il me manquait des diapasons. Je pouvais bien en faire
construire pour ú, ó, é, í, en me basant sur les analyses de
Helmholtz et Kœnig. Mais pour déterminer les résonances
des autres voyelles, il m'aurait fallu pouvoir suivre vibration
par vibration toute la série des sons simples comprise
au moins entre 200 et 4.000 v. d. L'outil ne faisait point
défaut, et il permettait d'aller bien en deçà et au delà.
Kœnig, le grand artiste, l'admirable constructeur dont tous
les acousticiens déplorent la perte, l'avait construit pour
son usage personnel. Mais il le traitait avec un respect si
scrupuleux, une affection si touchante que jamais, malgré
sa grande complaisance, je n'ai osé le lui demander, pour des
recherches que je supposais très longues. Aujourd'hui que
la prévenante et délicate générosité du Président de l'Institut
de Laryngologie et Orthophonie, M. Rémond, a mis
entre mes mains cet inestimable trésor, je puis reprendre
les choses au point où je les avais laissées.

J'ai constaté d'abord que la différence qui existe entre
mon á et celui de Helmhotz et Kœnig se retrouve exactement
la même pour ú, ó, é et í, ce qui donne pour mes
voyelles, en vibrations doubles :

ú ó á e í
28 456 912 1824 4648
3/

Les gammes vocaliques sont donc bien, au moins pour
ce qui nous concerne, réellement transposables.

Je devais rechercher ensuite comment se distribuent les
intervalles. Il est clair que les gammes extrêmes, celles de
746l'u et de l'é, sont les moins riches. Nous ne possédons en
français qu'un seul intermédiaire, u moyen entre ú et ó, i
moyen entre é et í. Je soupçonnai qu'il devait occuper le
milieu de la gamme, ce qui se trouva vérifié. Nous avons
donc :

ú u ó
228 342 456
é i í
1824 2736 3648

Notre gamme de l'ó renferme deux intermédiaires
(o moyen et ò ouvert) ; celle de l'á, quatre (a moyen, à
ouvert, è ouvert et e moyen). Ici, je me suis demandé si
les intervalles vocaliques se conformaient à ceux de la
gamme musicale, ou s'ils n'étaient pas plus simples. J'imaginai
un partage de la gamme en 8 parties égales, ce qui
suppose :

1 9/8 10/8 11/8 12/8 13/8 14/8 15/8 2

en regard de :

1 9/8 5/4 4/3 3/2 5/3 15/8 2

soit pour la gamme de mon ó :

456 513 570 627 684 751 798 855 912

ou :

456 513 570 608 684 760 855 912

Le milieu de la gamme, qui correspond au sol, a été
essayé pour mon o moyen. Il est juste. Puis j'ai conjecturé
que l'ò ouvert devait répondre au troisième quart de
747gamme. Je me suis d'abord arrêté à 792 ; mais à un nouvel
examen, j'ai trouvé 798 meilleur. Déjà 762 est bon,
768 vaut mieux, 792 résonne plus longtemps ; mais c'est
bien 798 qu'il faut choisir. Ainsi s'annonce la gamme
régularisée.

Une voyelle étrangère a ma langue, mais que j'ai entendue
tout jeune dans des parlers de l'Angoumois, l'å, semblable,
sinon identique à l'a anglais de all, répond à la
dernière note de la gamme : 855.

Je puis donc poser :

ó o ò å á
456 684 798 855 912

La gamme de mon á suppose :

912 1026 1140 1254 1368 1482 1596 1710 1824

ou :

912 1026 1140 1216 1368 1520 1710 1824

L'è ouvert occupe le milieu (1308) ; l'e moyen le 3e
quart (1596) ; mais d'autres places encore (1482 et 1710)
peuvent convenir, c'est que le timbre de ces voyelles comporte
de nombreuses nuances (voir p. 647 et 656).

L'a moyen répond au 1er intervalle (1026), à ouvert au
2e (1140). Reste le 3e intervalle pour la voyelle si fréquente
qui tient de l'à et de l'é (á).

Nous pouvons donc caractériser les voyelles de cette
série (les nuances intermédiaires étant imprimées en petits
caractères) par les notes suivantes :

912 1026 1140 1254 1368 1482 1596 1710 1824
á a à (á) è è e e é
748

ce qui donne pour la partie fondamentale de mon système
vocalique :

tableau

Soit : une gamme entière pour les u, une autre pour les
o, une et demie pour les e et les i, une demie seulement
pour les a.

Quant à la série antérieure labiale, on peut supposer
a priori qu'elle correspond aux résonances réunies d'une
voyelle antérieure non labiale et d'une voyelle postérieure
labiale, en reculant d'un degré de façon que l'ú concorde
avec l'i moyen et l'u comme l'indiquent les observations
faites plus haut.

Nous aurions donc :

œ̀ = è + á = 1368 + 912
œ = e + ò = 1596 + 768
œ́ = e + o = 1710 + 684
u = é + o = 1824 + 456
ú = i + u = 2736 + 342

Ce qui, à l'expérience, se vérifie complètement. Chacun
des diapasons isolé fait déjà entendre la voyelle, mais faiblement ;
les deux réunis lui donnent un beau timbre qui
éclate avec force.

Enfin, mes voyelles nasales doivent se placer, d'après ce
que nous avons vu (p. 660 et 679) dans le voisinage de
o, á, è, œ̀. En effet, je trouve :749

õ 690 au lieu de 684 (o)
ã 918 — 912 (á)
1348 | œ̃ 1352— 1368 (é)

Les nasales õ et ã sont respectivement plus aiguës que
o et á, cela est naturel, la cavité buccale étant diminuée.
Inversement, et œ̃ sont plus graves que è et se rapprochent
un peu de l'a (p. 660).

Le chercheur a souvent des heures délicieuses, mais je
ne crois pas en avoir eu de meilleures que la soirée, où,
ayant abordé avec crainte ce sujet en apparence si vaste, je
devinai subitement un fil conducteur, qui me permettait
de tomber, sans hésitation, sur les notes dont j'avais besoin,
pour établir les résonances cherchées et les justifier, au
grand étonnement des témoins de mes expériences. Une
fois, je m'en souviens, une note, trouvée juste, renversait
la théorie : il y avait erreur de lecture !

Les intervalles que je viens d'établir d'après mes observations
personnelles ne sauraient convenir qu'à des systèmes
vocaliques bien définis. Ils ne peuvent donc pas
s'appliquer aux voyelles en cours d'évolution, qui se
séparent d'un type ancien et qui sont en mouvement vers
une étape nouvelle, comme, par exemple, l'a aigu de
M. Spieser, dont j'ai parlé plus haut. Mais le champ des
recherches est limité et d'une exploration facile.

On vient de me signaler une étude de M. le Dr Loewenberg
sur les voyelles nasales, pour laquelle le tonomètre
de Kœnig, « cet appareil, dit l'auteur, d'une précision
et d'une étendue sans pareille » a été utilisé.
M. Loewenberg a cru reconnaître les caractéristiques suivantes,
qu'il note en vibrations simples750

on an en(in) eun
768 1478 3008 858

et pour des voyelles nasales non françaises :

ong ang eng eung(œng)
480 960 1920 640

Privé des secours que fournit la linguistique et pressé
sans doute par le désir de ne pas retenir M. Kœnig trop
longtemps, qui sûrement l'assistait, il lui était difficile de
trouver juste.

L'emploi des diapasons cache en effet quelques pièges où
l'inexpérience peut aisément se laisser prendre. Il peut y
avoir deux sortes d'erreurs, qui proviennent soit d'une
disposition défectueuse de la bouche, soit d'une fausse
détermination de la résonance principale.

Nous avons une tendance naturelle d'accorder la cavité
buccale au diapason qui résonne devant. Il est facile de
s'en rendre compte avec une glace et de s'en corriger. De
plus, on fera bien de recourir aux précautions suivantes :
prendre la position de la voyelle avant d'approcher le diapason ;
et, comme le passage d'une articulation à une autre
favorise l'oreille, varier les mouvements articulatoires, en
produisant tour à tour ceux des lèvres et ceux de la langue
seule, de manière à faire entendre successivement, par
exemple, soit áo, , soit áé, éá ; enfin veiller à ne pas
confondre la résonance de passage (celle de o à á, ou de é
à á), avec celle de la voyelle cherchée.

Du côté de la résonance, nous devons observer que, si
elle éclate avec la plus grande force sous l'influence du son
auquel la cavité est accordée, elle est aussi réveillée par
beaucoup d'autres avec des intensités variables qui
demandent de l'attention pour être appréciées. Ainsi la
751résonance de l'á que j'ai fixée à 912 v. d. (un peu au-dessous
de si♭3, gamme de Kœnig) se fait déjà sentir,
quoique très faiblement, il est vrai, à une octave au-dessous
et à une octave au-dessus, quand les diapasons sont fortement
ébranlés. L'erreur dans ce cas n'est pas à craindre ;
mais elle devient possible entre fa2 et fa5. Un bon moyen
de découvrir assez vite la note juste consiste à comparer
les intensités des divers diapasons au moment ou la résonance
s'éteint : la caractéristique est celle qui est renforcée
le plus longtemps et qui dure a peu près tant que le son
du diapason lui-même est perceptible. On portera le diapason
à l'oreille dès que la résonance ne sera plus sentie,
et, s'il ne s'entend plus, la caractéristique est trouvée. On
peut encore comparer les résonances de trois voyelles voisines,
de ao et de ea, par exemple : en partant des notes
inférieures, on sent l'o s'affaiblir graduellement jusqu'à la
caractéristique de l'a, tandis que celui-ci prend de plus en
plus du corps et de la rondeur ; mais, dès que la note propre
de l'a a été dépassée, c'est au tour de l'é à gagner en
intensité et de l'á à décroître. Avec le diapason de
912 v. d., je sens très nettement aó aó ; mais, au moment
ou le son va s'éteindre, je n'entends plus que l'á. Un
dernier procédé : on dispose la bouche pour la voyelle ;
puis l'on place devant le diapason supposé juste ; et, sans
varier les mouvements organiques, on interrompt de
temps en temps la résonance à l'aide d'une carte de visite.
De la sorte on s'aperçoit très bien quand la résonance
cesse entièrement : c'est alors le moment de porter le
diapason à son oreille. A la suite d'un peu d'exercice, on
arrive à se décider sans trop d'hésitation entre 1 ou 2
vibrations et même pour la note juste. Cela est vrai surtout
pour les notes graves. Mais dans les notes aiguës
752l'indécision devient plus grande ; car, entre autres raisons,
les diapasons ont besoin d'être plus fortement ébranlés, et
l'on est privé du contrôle que fournit l'extinction simultanée
du diapason et de la résonance.

Dans la recherche des notes caractéristiques d'un système
de voyelles, l'ordre à suivre n'est point indifférent. Il
semble plus avantageux de commencer par á, de continuer
par ó, ú, puis de reprendre é, í. La découverte de chacune
des notes correspondantes sert à la détermination des
autres : un désaccord quelconque pique l'attention et invite
à des observations nouvelles et plus attentives. Cette base
posée, on passe aux voyelles intermédiaires et aux nasales.

Aidés de ces conseils et avertis en gros de la disposition
des gammes vocaliques, de façon à être guidés sans être
influencés dans leurs appréciations, trois de mes élèves ont
entrepris, après moi, les mêmes recherches sur les résonances
caractéristiques de leurs propres voyelles. Les chiffres
auxquels ils se sont arrêtés confirment dans son ensemble
la théorie.

M. Laclotte, d'Agen, a étudié les voyelles de son français,
en s'en tenant à la division de la gamme vocalique en
huitièmes, soit :

tableau753

œ̀ 918 + 1376
œ 804 + 1606
œ́ 688 + 1702
u 459 + 1836
ú 344 + 2754
õ 698
ã 920
œ̃ 1370
1380

M. l'abbé Rigal, d'Albaret d'Esuing (Aveyron), a soumis
les voyelles de son patois à une étude très attentive et plus
étendue. Après avoir reconnu les intervalles principaux,
il a partagé la gamme en seizièmes ; et, dans une seconde
série de recherches, partant de l'intervalle donné, il accordait
sa bouche au diapason et tâchait d'identifier la voyelle
correspondant au son produit. Il se plaît à reconnaître
combien son oreille a gagné, à cet exercice, de finesse et de
sensibilité.

Il a reconnu bons les intervalles suivants :

tableau

J'ajoute quelques observations que je trouve dans la
note de M. Rigal.754

428. — C'est l'ů ùes diphtongues , .

457. — C'est l'o qui se trouve après les labiales po
« pain », bo « il va ».

514. — o atone final.

685. — o atone protonique : okope « oh ! que oui »,
otopa « attraper ».

742. — o des diphtongues wọ : okwọ « cela » et o moyen
tonique.

856. — Dans quelques cas de o + y : boylet « valet ».

914. — L'á (sans recul notable de la langue comme en
français), essayé sur un de ses frères, a paru plus juste à 915
ou 916.

1142. — + y : baylo « donne ».

1371. — è forcé dans , cri imitatif du bêlement, et dans
e + r : sérko « cherche ! ».

1485. — è dans pèyro « pierre » twèno « [An]toine ».

1942. — è très fermé.

Dans son u moyen, M. Rigal a reconnu la caractéristique
de l'ó (457). Mais la résonance de l'é (1828) n'est
pas bonne : il préfère les degrés suivants, notamment 2512
qui représente 11/8, note voisine de celle de l'i (12/8).

On remarquera que, seule des voyelles moyennes, l'i
occupe la même place que chez M. Laclotte et chez moi.
L'u moyen et l'e moyen correspondent au 14/8. Il y a dans
ce dialecte une tendance à hausser le ton des voyelles
moyennes.

M. Popovici, de Cliciova en Banat, a limité ses recherches
aux voyelles qui déterminent les gammes 121 :755

u (u) o a e i
225 450 900 1800 3600

et aux deux voyelles propres au roumain :

ă í
1156 3718

Nous ne nous arrêterons que sur ces deux derniers, et
seulement pour faire remarquer, à leur occasion, l'accord
des données acoustiques avec celles de la physiologie. l'ā se
place entre a et e, l'î après i. C'est le même rang que leur
assigne l'écartement des mâchoires (fig. 490) : le résonateur
se trouvant diminué par rapport à a et à i, il est naturel
que la résonance devienne plus aiguë. Le rapprochement

image n° 1 | n° 2 | (P)

Fig. 519.
Comparaison des lieux d'articulation de a (1) et de ã (2), n° 1 ; — de î (1)
et de i (2), n° 2 : Voyelles roumaines.
Les parties ombrées représentant les voyelles ă (1), î (n° 2).

des lèvres (fig. 482) aurait pu, par contre, rendre le résonateur
plus grave en resserrant l'orifice ; mais il se trouve
insuffisant et ne compense pas la diminution de la cavité
buccale. La langue fournirait des données contradictoires
si l'on ne considérait que l'élévation prise derrière les dents
avec une grosse ampoule qui amplifie beaucoup les mouvements
756et accentue les différences (fig. 448 : A 5,6, —

image a | e | i | o | u | ă | í

Fig. 520.
Élévation comparative de la langue derrière les dents, prise au moyen d'une ampoule
pour les voyelles roumaines.

Les lignes pointillées marquent la position neutre, la destinée du tracé à cette ligne indique
l'élévation de la langue pour la voyelle, dont la place correspond aux vibrations.

7, 8) ; mais tout désaccord s'évanouit devant une exploration
757pins complète. Le palais artificiel montre bien que le
lieu d'articulation de l'ă est entre a et é (fig. 519, n° 1).

image a | e | i | o | u | ă | í

Fig. 521.
Élévation du dos de la langue prise au moyen d'une ampoule pour les mêmes voyelles.
Comparez fig. 520.

Quant à l'î, il nous apparaît comme une voyelle postérieure,
comparé à l'i (fig. 519, n° 2) : la langue est plus abaissée
758en avant (fig. 448 et 520) et plus relevée en arrière (fig. 521).

Après ces expériences, il était intéressant d'en essayer
de semblables sur une langue à sons très variés comme
l'anglais, par exemple. C'est ce que j'ai fait, non peur toutes
les voyelles, mais pour les principales.

La théorie s'est trouvée vérifiée dans ses grandes lignes.
Voici, en attendant un examen plus complet, les chiffres
que j'ai obtenus :

tableau boot | no | father | at | cape | body | air | it | all | beat

Je ne m'étendrai pas davantage sur ce procédé d'analyse.
Ce que j'en ai dit suffira, j'espère, pour lui gagner la faveur
des linguistes. Il est possible, du reste, de le mettre à la portée
de tous en construisant pour chaque voyelle-type des diapasons
à glissants analogues à celui qui m'a servi pour l'á
(fig. 517). Je possède déjà les diapasons de : u, ó, á, é, í.

Théoriquement, les résonateurs (p. 162) devraient pouvoir
remplacer les diapasons dans la recherche des notes
caractéristiques. Le résonateur qui renforcerait le plus une
voyelle prononcée devant son orifice se trouverait accordé
à la cavité buccale. Il ne resterait plus à connaître que la
note correspondante. On n'aurait même pas besoin d'émettre
759la voyelle sur une fondamentale déterminée : on prendrait
naturellement le ton le plus commode et l'harmonique
renforcé serait la caractéristique de la voyelle. La pratique
ne contredit point la théorie. En effet, des résonateurs
accordés à des diapasons, l'un de 918 v. d., l'autre de 1836,
sont fortement ébranlés par un a et un é correspondant à
ces notes, et une modification légère produite dans leur capacité
ou leur ouverture est suffisamment sensible à l'oreille.

Ce qui a manqué jusqu'ici pour ce mode de recherche,
ce sont des résonateurs appropries.

Kœnig, lui-même, qui apportait au réglage de ses diapasons
un soin si méticuleux, négligeait le résonateur. C'était
pour lui un appareil accessoire bon uniquement à renforcer
le son des diapasons. Il ne croyait même pas à la possibilité
de les régler d'une façon rigoureuse. Pourtant il en
a construit qui sont d'un réglage facile. Je veux parler de
ceux qui accompagnent son tonomètre universel.

Tous ces résonateurs (fig. 522) sont faits sur le
même modèle ; ils ne diffèrent que par les dimensions. Ce
sont des cylindres à fonds mobiles qui se déplacent à l'aide
d'une vis. Rien n'est donc plus simple que d'en faire varier
la capacité dans des proportions très petites et parfaitement
mesurables. Des supports appropriés permettent de fixer le
résonateur et, devant son orifice, le diapason auquel il s'agit
de l'accorder (fig. 523). Mais le travail du réglage restait à
faire. Je n'ai point à m'en plaindre. Je m'y suis appliqué
avec l'aide de M. Landry, le collaborateur de 30 ans de
Kœnig, aujourd'hui son continuateur : un contrôle dans
des expériences où la finesse de l'oreille est en jeu donne
plus de sécurité. Je n'ai pas été long à m'apercevoir que
pour ces résonateurs la différence d'une octave correspond,
dans la longueur d'un même cylindre, à un rapport de 1/3760

image 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10

Fig. 522.
Série de résonateurs.761

entre le grave et l'aigu, c'est-à-dire que si le résonateur est
accordé pour ut4, par exemple, à 11cm7 de longueur, il
faudrait lui donner 3cm9 pour ut5, et 1, 3 pour ut6. Cette

image V | D | P

Fig. 523.
Résonateur avec son support.

V. Vis qui permet de déplacer le fond du résonateur.
D. Support du diapason.
P. Vis servant à fixer le tout sur un pied de fonte

loi s'est trouvée vérifiée en gros par toutes les expériences
qui ont suivi.762

Une autre observation qui ne s'est pas fait attendre,
c'est que si l'on procède au réglage sans une idée directrice,
l'attention se fatigue et peut se laisser surprendre par des
résonances secondaires, qui, se produisant à diverses longueurs,
sont facilement prises pour la résonance principale.

Enfin une dernière remarque, qui a bien aussi son importance :
le réglage est d'autant plus difficile que l'on s'éloigne
davantage, soit vers le grave, soit vers l'aigu, des notes du
médium.

Aussi ai-je choisi, comme base de mes recherches, le
résonateur correspondant à la gamme d'ut3 (fig. 522, n° 4).
Le rapport entre chaque note soigneusement établi, m'a
guidé dans le réglage des autres résonateurs, après que,
par voie de tâtonnement, j'étais parvenu à déterminer l'ut
grave.

Chaque note a été soumise à une vérification scrupuleuse,
et en général l'expérience a confirmé mes prévisions. A
ce métier d'accordeur, l'oreille s'affine, et l'on sent vite, au
son que rend le résonateur, si l'on a rencontré la note
juste. Du reste, on imagine divers procédés qui rendent
l'opération plus facile : on ferme et l'on ouvre alternativement
l'orifice du résonateur avec un canon, et l'on juge de
la force de la résonance. Mieux encore, on se contente de
diminuer légèrement l'ouverture. Si le son en est augmenté
notablement, c'est que le résonateur est trop aigu, par conséquent
trop petit. S'il est diminué, le résonateur est : ou
bien juste, ou bien trop grave et par conséquent trop grand.
Le point juste est celui où la résonance est meilleure quand
l'ouverture du résonateur est entière. Souvent aussi, on est
averti par un petit frémissement qui se produit dans le métal.

J'ai profité de ce premier réglage pour disposer une série
harmonique de ut2 comprenant 32 résonateurs, et j'ai
763recherché les sons composants des voyelles roumaines
comme je dirai ci-après.

Mais, si l'on veut utiliser d'une façon complète les
résonateurs, un réglage suivant les notes de la gamme ne
suffit pas ; il devient nécessaire de déterminer d'avance la
hauteur de chacune des résonances et pour des intervalles
même très rapprochés. Dans ce but, j'ai fait modifier l'un
des résonateurs (le n° 5), de façon à lui donner plus de
longueur et à le débarrasser de toutes les charpentes intérieures
dont Kœnig n'avait pas craint d'armer ses appareils.

Le nouveau résonateur se compose d'un cylindre complément
vide, d'un diamètre intérieur de 12cm5 et d'une
longueur de 26cm7. Le fond est plan et lisse, percé d'un
trou de 1/2 cm de diamètre pour permettre la communication
de la masse d'air avec l'oreille. Une vis extérieure
de 2mm de filet fait avancer ou reculer le fond, et une
aiguille mesure ses déplacements. L'orifice seul n'a pas été
changé : il est formé par une fenêtre de 2cm5 de largeur,
limitée en haut et en bas par deux lignes courbes, ce qui
lui donne de chaque côté 6cm4 de hauteur et au milieu
6cm9.

Au lieu de prendre, comme j'avais fait, au début de mon
travail de réglage, les intervalles irréguliers de la gamme,
j'ai choisi des divisions décimales : 500, 600, 700, 800,
900, 1000 vibrations simples ; puis 550, 650, 750, 850,950.
J'ai pu embrasser trois octaves ayant chacune 10 divisions
correspondantes : 500, 1000, 2000 ; 550, 1100, 2200, etc.
Les expériences se contrôlaient ainsi les unes les autres, et
une erreur dans ces séries régulières se dénonçait du
premier coup.764

Les longueurs ainsi obtenues ont été portées en ordonnées,
centimètre pour centimètre, sur un papier quadrillé, et les
notes en abcisses, chaque millimètre représentant un intervalle
de 10 vibrations pour la première gamme, de 20 pour
la seconde et 40 pour la troisième. La courbe qui réunissait
tous les points permettait de déterminer tous les autres.
Étant connue la longueur du tube correspondant à une
résonance donnée, le tableau indiquait la hauteur de cette
résonance, j'ai cherché ainsi les notes caractéristiques de mes
différentes voyelles. Pour cela, j'avais à l'oreille le tube
de caoutchouc qui m'apportait les sons du résonateur
pendant que, émettant la voyelle sur un ton ferme, je
cherchais les points de plus forte résonance. Les déterminations
se faisaient sans trop de peine. Et, en consultant
la table, je trouvai pour chacune de mes voyelles des dimensions
qui supposaient des chiffres correspondant à ceux que
m'avaient donnés les diapasons.

C'était pour moi une grande joie de rencontrer si juste,
et je pus croire que j'étais en possession d'un résonateur
universel suffisant pour toutes mes gammes vocaliques.

A une année d'intervalle, je fus surpris d'un accord si
complet, et je craignis d'avoir été influencé par l'idée que
je me faisais du résonateur que je venais d'accorder. Il me
parut donc nécessaire, alors que je n'avais plus dans la mémoire
une seule des mesures prises, de recommencer l'expérience.
Je marquai les divers points où j'entendais clairement
des résonances pendant l'émission des voyelles : il s'en
produit à peu près tout le long du tube (je reviendrai sur
ce sujet) ; mais je n'eus aucune hésitation à m'arrêter pour
les a, les o et l'u moyen à des résonances qui me paraissaient
être celles des caractéristiques et qui se trouvèrent
concorder avec celles de l'année précédente. Pourtant je ne
765reconnus rien de bon pour les e et les i. Et c'était naturel,
car le réglage était faux pour les notes correspondant à
ces voyelles.

J'en conclus que ce résonateur, excellent pour les voyelles
à caractéristiques graves, perdait de sa valeur à partir de la
gamme de l'e. Cette conclusion est vraie malgré des erreurs
qu'il me paraît aujourd'hui à peu près impossible d'éviter
avec des résonnateurs à modifications lentes et que j'ai corrigées
depuis. Aussi, quoique mes préférences aillent à un
autre appareil que je décrirai plus loin, j'indique les longueurs
de tube nécessaires pour tracer la courbe des sons
dans le résonateur tel que je l'ai défini. Cette fois, je n'ai
aucune crainte d'erreur grave, ayant rendu pour le réglage
le fond très mobile (p. 768) :

tableau

Encouragé par les résultats obtenus, je me mis à chercher
un résonateur capable de faire ressortir les caractéristiques
aiguës ; et je portai mon choix sur le résonateur n° 9
(diamètre 4cm, ouverture 2cm9 et 3cm1 de hauteur sur 1cm3
de largeur).

J'en fis construire un du même diamètre, sans armature
intérieure et à ouverture variable. Malheureusement,
ou plutôt heureusement, je n'obtins pas le résultat espéré.
766Les différences de longueur pour des notes assez éloignées
(ce que j'aurais dû prévoir) étaient insignifiantes : entre
3600 v. d et 4000 je n'obtenais qu'un écart de 1/2 millimètre.

Il fallait donc chercher autre chose. Je pris un tube de
verre de 9mm du diamètre, j'en formai le fond avec un
simple bouchon piqué au bout d'une tringle de fer et fonctionnant
comme un piston. Je l'essayai sans en modifier
l'ouverture. C'était donc un tube fermé que j'avais et non
un résonateur au sens propre du mot. Le résultat n'en fut
que meilleur. Je fus frappé de l'éclat et de la netteté des
résonances que les notes aiguës produisaient quand le piston
passait aux nœuds, c'est-à-dire au 1er quart d'onde puis
à chaque demi-onde au delà. Si le piston est tiré vivement,
l'oreille est saisie par un petit bruit sec qui se répète à des
distances égales et qui s'éteint aussitôt que le point de
résonance est dépassé. Par une température de 15°, et dans
un tube de 9mm de diamètre les résonances se sont produites
pour les notes :

tableau

La vérification est facile. On sait que la longueur d'onde
(l) a pour formule (p. 8) :

l = v/n

v étant la vitesse de propagation du son dans l'air, à
savoir 33Om7 à la température de zéro degré, plus 0m63
pour chaque degré au-dessus de zéro ; n, le nombre de
767vibrations du corps sonore par seconde. Pour 15° (v =
340,15) et pour n = 3600 v. d., la longueur d'onde est
donc de 9cm444861, dont le 1/4 est 2cm36 et le 1/2
4,724. Par conséquent, la 1re résonance doit se produire à
une longueur de 2cm36 ; la 2e, 4,724 plus loin, soit à
7,086 ; la 3e à 11,8 ; la 4e à 16,53 ; la 5e, à 21,25. La
différence entre ces chiffres théoriques et ceux de l'expérience
tient à l'imperfection de l'appareil improvisé et à la
difficulté spéciale de l'expérience faite avec un diapason
aigu dont le son s'éteint rapidement. On obtiendra de la
même façon les longueurs d'onde des notes 1800 (18,8),
900 (37,7), etc.

Donc étant donnée une note, on peut dire d'avance
quelle sera la longueur du tube résonateur.

De plus, étant connue la longueur du tube nécessaire à
la résonance, il est facile d'en déduire la note qui la produit :

n = v/l

Par conséquent, la note qui fait parler le tube résonateur
à une longueur de 2cm36 (1re tranche), ou 7,08
(2e tranche), ou encore de 11,8 (3e tranche), etc., a pour
longueur d'onde 2,36 × 4, ou (7,08 – 2,36) × 2, ou
(11,8 – 7,08) × 2, etc., soit 9cm4, exactement 9,444861.
Et cette note, à la température de 15°, correspond à 340,15/0,094486
c'est-à-dire à 3600 v. d.

L'appareil est d'une grande commodité. Le piston glissant
entre les parois transparentes, il est facile de comparer
entre eux les différents points de résonance, et la
mémoire n'a qu'un minimum de travail à fournir. Les
fonds qui se déplacent très lentement au moyen d'une vis
sont loin d'offrir le même avantage et la même sécurité.768

Théoriquement, l'exactitude est parfaite. Reste à savoir
jusqu'où il est possible d'en approcher dans la pratique.

Étudions d'abord les conditions dans lesquelles se produisent
les résonances dans le tube, lorsque le son excitateur
est donné par des diapasons :

Pour que la 1re tranche résonante soit conforme à la
règle observée, une relation entre le diamètre du tube et
la longueur d'onde est nécessaire. Si le diamètre est grand
et l'onde courte, cette re tranche est diminuée. Le tableau
suivant montrera dans quelles proportions.

Longueur de la 1re tranche résonante :

tableau Tubes de | Diap. de

La résistance de l'air est accrue, si l'orifice est diminué,
et la 1re tranche sera encore raccourcie.

J'ai étudié l'influence des variations de l'orifice sur la longueur
de la 1re tranche avec le tube de 40mm auquel est adaptée
une ouverture mobile de 2mm8 d'épaisseur, d'une longueur
fixe de 27mm5 et d'une largeur égale, que j'ai fait varier de 2
en 2mm à partir de 26mm. J'obtenais ainsi une diminution
constante de 55mm2 pour chaque nouvelle expérience. J'ai
répété plusieurs fois les mêmes mesures, sans réussir à
éliminer d'une façon certaine toutes les variantes. Toutefois
la construction d'une courbe m'a permis de fixer mon
choix avec une assez grande probabilité. L'intérêt de ces
769expériences est de nous renseigner, non seulement sur l'influence
des dimensions de l'orifice, mais encore sur les rapports
qui existent entre les longueurs des résonateurs à
ouverture fixe pour des différences d'une octave. Ces données
sont réunies dans le tableau suivant :

tableau diap. | rap. d'oct. | ouverture

Pour les octaves suraiguë (3600 v. d.) et grave (450 v. d.),
les déterminations sont difficiles ; car dans la 1re les diapasons
s'éteignent très vite, et dans la 2e on a de la peine à
reconnaître avec ce résonateur le point de plus grand renforcement.
Les rapports marqués sont donc plus incertains
pour ces notes que pour 900 et 1800 v. d.

Les mêmes expériences ont été renouvelées avec le tube
de 27mm en verre, son piston improvisé et des orifices de
3mm5 d'épaisseur. Parmi les nombreux cas observés, je
n'en cite que deux qui peuvent être comparés aux précédents :

tableau

Ces chiffres, dont l'exactitude est garantie par la comparaison
770des autres tranches résonantes (voir p. 774), prouvent
que le rapport d'octave varie suivant la longueur des ondes
comparées, le degré de fermeture et le diamètre du tube.

On comprend dès lors la valeur réelle du rapport 3, que
j'avais constaté entre deux gammes dans les résonateurs
de Kœnig. Je me trouvais en présence d'un cas particulier
qu'il aurait été imprudent de généraliser : c'est à peu près
celui qui convient au tube de 40mm avec un orifice de
27mm 5 × 14 (= 385mm2) En effet le résonateur de
Kœnig répond aux mêmes données : diamètre 40mm ;
orifice de 13mm de largeur sur une longueur moyenne de
30mm (la plus grande longueur étant de 31, la plus petite
de 29), soit une surface de 390mm2. Pour qu'il y ait
égalité de surface pour les deux orifices que nous comparons,
il suffit d'ajouter à la largeur 0,15, un peu moins de
2 dixièmes de millimètre. Il est possible aussi que le rapport 3
pour les résonateurs de Kœnig ne soit pas toujours rigoureusement
exact : les difficultés que soulevaient certaines
mesures et que j'étais tenté d'attribuer à une imperfection
de l'appareil, me porteraient aujourd'hui à le croire.

Si l'orifice est fermé par un tube étroit, la première
tranche subit une nouvelle diminution ; mais le point de
résonance devient encore plus imprécis. Par exemple, la
résonance se produit :

Tube de 6mm de diamètre :
tableau

Tube de 3mm de diamètre :
tableau771

L'influence de la forme et des dimensions de l'orifice
d'an résonateur sur sa note propre est bonne à connaître
pour un phonéticien. Comment arriverait-il autrement à se
faire une idée nette du rôle des lèvres, de leur rapprochement,
de leur projection, dans les voyelles à caractéristiques
plus ou moins graves ?

On profite de l'influence de l'orifice sur le résonateur
pour donner à ces appareils les plus fortes résonances avec
le plus petit volume. Mais le réglage en devient plus
imprécis, soumis à des lois plus complexes, et plus difficile
par le rapprochement des points de résonance, tellement
que, dans les gammes aiguës, pour une centaine
même de vibrations la différence, comme nous avons vu
(p. 767), est peu appréciable.

Par conséquent, dans les appareils de mesure, tous les
obstacles de l'orifice doivent être supprimés, et le tube
lui-même sera d'un diamètre relativement petit. C'est à
ces conditions qu'on aura pour loi du résonateur la
seule longueur d'onde.

Un petit diamètre pour le tube a aussi son inconvénient :
la résonance est faible. Aussi ai-je cru meilleur de
choisir, pour la série des notes qui nous intéressent le plus
(celles qui répondent aux caractéristiques des voyelles), un
tube de 27mm. Nous verrons plus loin, du reste, que dans
l'emploi spécial que nous devons en faire, l'influence de
l'orifice est réduite à zéro. En tout cas, subsisterait-elle
encore, il nous serait facile, comme nous allons le voir, de
l'éliminer. Ce résonateur d'une longueur utile de 44cm est
encore maniable et peut servir pour les notes comprises
entre 195 v. d. et plus de 6000.772

Quelle que soit l'influence de l'orifice sur la 1re tranche
du résonateur, la seconde et les suivantes ont leur longueur
normale, et se succèdent à une demi-onde de distance
les unes des autres, comme on va le voir dans le tableau
suivant, malgré quelques légères irrégularités dans les
chiffres, qu'on doit attribuer à l'imperfection des appareils.

Tubes nus :

Diapason de 3600 vibrations doubles.
tableau

Diapason de 1800 v. d.
tableau

Diapason de 900 v. d.
tableau

Diapason de 450 v. d.
tableau

Tube à orifices rétrécis ou allongés. (Tube de
27mm. L'orifice seul varie : il est pratiqué dans une plaque
773de 3mm5 ou de 4mm d'épaisseur ; ou bien il est formé d'un
tube de 4 ou de 8mm de longueur.) Je néglige ici la
1re tranche toutes les fois qu'elle a été difficile à déterminer.

Diapason de 3600 v. d.
tableau

Diapason de 1800 v. d.
tableau

Diapason de 900 v. d.
tableau

Avec des orifices de ce diamètre formés de tubes de 6, 8,
10, 20mm de longueur, le résonateur varie peu pour ce
diapason.

Outre la sécurité que présente un appareil de mesure
qui se contrôle plusieurs fois lui-même, le tube résonateur
nous offre un autre avantage qui ressort du tableau précédent :
deux points de résonance très voisins l'un de l'autre
dans la 1re tranche se séparent dans les tranches suivantes.
Ainsi pour 3600 v. d. et 1800 v. d., la 1re tranche se termine
respectivement à 2cm3 et à 4,7 : différence de 2cm3 ;
774mais la seconde (7cm1 et 14,3) porte la différence à 7cm.
Cela facilite grandement les recherches pour des notes
très rapprochées.

La distance de la source sonore est sans influence
sur la position des points de résonance. Un diapason placé
à 1mm ou à 10m, dans n'importe quelle direction (devant
ou derrière l'ouverture), dans la même pièce que le résonateur,
ou dans une pièce voisine, demande toujours la
même longueur de tube, et cela quelle que soit la forme de
l'orifice (égal au diamètre du tube, rétréci, ou allongé).

L'influence de la distance ne se fait sentir que sur l'intensité
de la résonance, qui diminue à mesure que la source
s'éloigne, et que l'ouverture est rétrécie. Le maximum
d'intensité est donné à distance par les tubes entièrement
ouverts.

Nous connaissons maintenant assez l'appareil pour
tenter de l'appliquer à la recherche des caractéristiques des
voyelles. Il ne nous suffira pas ici de déterminer le point
où se produit une résonance, toujours la même, qui, seule,
se répète périodiquement. Mais il nous faudra choisir entre
plusieurs. Chaque voyelle, en effet, se compose de plusieurs
sons : la note fondamentale, qui donne à notre oreille l'impression
de hauteur, et un groupe plus ou moins riche
d'harmoniques, parmi lesquels nous avons à démêler la
caractéristique. La note fondamentale est facile à éliminer.
Dans les voix d'hommes, elle ne se fait sentir qu'à la fin
du tube à 40cm, et encore seulement si elle est un la2 (ce qui
est déjà bien haut). Dans la voix de femme, elle se reconnaît
sans peine à sa constance. Une de mes expériences
faite sur une voix de femme montre pour toutes les
775voyelles une note correspondant à 30, 31 ou 32cm, c'est-à-dire
à ut3, ou ré3 environ ; c'est la note fondamentale. La
caractéristique ne se distingue pas toujours des autres harmoniques
par sa force, mais plutôt par la reproduction nette du
timbre de la voyelle émise : les autres résonances rendent
un son un peu différent. Nous serons, du reste, aidés par
tout ce que nous ont appris déjà et la physiologie et
l'acoustique.

Si les évaluations faites à l'aide des diapasons sont justes,
nous devons retrouver les résonances de mes voyelles aux
points suivants pour une température de 15° :

tableau í | i | é | e | è | à | a | á | ò | o | ó | u | ú

Dès mes premiers essais, je trouvai, arec mon tube de
27mm, de très bonnes résonances qui répondaient assez
exactement à l'une des tranches du tableau, à savoir :

tableau í | i | é | e776

tableau è | à | a | á | ò | o | ó | u | ú

On voit que mon oreille était surtout impressionnée par
la 6e tranche de l'é, la 5e de l'i, la 2e de l'e. A l'aide du
tableau (p. 776), il est facile de retrouver les précédentes.
Quant aux divergences des mesures obtenues par l'expérience
et celles qui étaient prévues, je pouvais les imputer
à l'imperfection de l'appareil.

Quelques expériences demandées à d'autres personnes
autour de moi ont donné :

tableau á | ó | ú

L'á a paru, vers 45, plus dégagé de ses résonances secondaires.
La 1re tranche de résonance de l'á a été pour moi
moins claire que la seconde. J'ai hésité entre 9,9 où il
sonne plus fort, mais déjà un peu ò, et 8,2 où se fait sentir
l'a. Mais la 2e tranche étant très nette, il est facile d'en
déduire la 1re.

Étant donnée une tranche quelconque de résonance, il
suffit d'en connaître le rang pour trouver la longueur de la
1re. Celle-ci égaie 1/3 de la 2e, 1/5 de la 3e, 1/7 de la
4e, etc.

Dans l'expérience, on tient le bout du tube de la main
777gauche bien solidement devant la bouche. Pour cela, on
appuie l'un des doigts sur le menton. On fait mouvoir le
piston avec la main gauche, en pressant la tige plutôt entre
l'index et le médium qu'entre le pouce et l'index. Le tube
de caoutchouc est maintenu à l'oreille a l'aide d'une petite
olive de verre. Les résonances très aiguës, celles de 17, s'entendent
mieux sans caoutchouc, quand elles sont observées
dans la première tranche : elles produisent un petit frémissement
métallique facile à saisir, pourvu qu'on y fasse bien
attention. La voix doit être maintenue sur un ton ferme et
élevé : les résonances en reportent davantage et se distinguent
mieux.

Dans la crainte que des idées préconçues ne vinssent
influencer mon oreille, j'ai eu recours, pour l'étude des
voyelles, à des personnes de bonne volonté qui ignoraient
l'objet de mes recherches. Je transcris les chiffres qui
m'ont été indiqués, me bornant à mettre en caractères gras
ceux qui se rapprochent des données théoriques. J'y
ajoute les réflexions qui m'ont été faites en même temps et
qui sont de nature à mieux faire comprendre la valeur des
résonances correspondantes. De cette façon, le lecteur sera
mieux à même de se rendre un compte exact des difficultés
de ces expériences et du degré de précision dont elles sont
susceptibles :

M. Montalbetti, né à Milan (les voyelles de son dialecte) :
í (di « dit ») : 2,2 4,1 très très faible 7 12
faible 20,8 bon 25,6 très sonore 28,1 très bon,
mais plus grave que 25,6 30,1 le meilleur 35 n'est
pas bon.

Ce 28,1 qui correspond à un ré#, doit être l'octave du son
fondamental.778

i (mi « moi ») : 2,2 très faible 3 pas bien bon
5,5 pas trop bon 10,5 faible 15,4 très bon 18,8
22 très sonore 27,9 très bon, très sonore 29,7
très bon.

Sont encore bons 26,5 et 27,1 jugés dans un premier
essai les meilleurs de tous.

é (pe « pied ») : 4,2 très bon 10,5 pas bien fort
12 meilleur 14,2 très sonore 15,8 très bon aussi,
meilleur que 12 21,5 bon 22,9 pas mal 23,3
très bon 27 moins bon que 23,3 37 bon 40,9
meilleur encore.

e (teta « téter ») : 4,9 pas bien bon 5,5 pas mal
9,4 13, 8 très sonore, mais un peu œ 16 très bon,
très sonore 23 le meilleur de tous 24,3 37,3
très clair 38 plus fort mais moins clair 40 très fort.

Le chiffre 40 peut être voisin du son fondamental, il
correspond à peu près au la2.

Le 23 correspond à l'é.

è (avevi « j'avais ») : 6,4 très clair 7,4 11,8
15 bon 18,5 clair 24,4 bon 26 plus sonore
31 bon 38,4 très fort (voisin du son fondamental).

a (sara « sera ») : 7 8,3 moins sonore, mais plus
clair 11,9 24,1 plus clair que 24,8 qui est plus
sonore 28 34,7 meilleur 36,7 plus net.

Ce 36,7 marque le point de résonance d'un à.

á (azin « âne ») : 8,8 9,5 plus clair que 8,8 mais
moins sonore 12,1 bien fort, mais sonore ò 13,6
très bon 27,4 le meilleur 30,3 très clair 38 plus
clair que 30,3.

ò (costa « côte ») : 9,5 très bon 10,3 très bon, plus
clair que 9,5, mais moins sonore 11, 7 12,7
32,3 très bon, le meilleur 36,1 bon.
779

o (voster « votre ») : 11,3 très sonore 12,4 très bon,
très clair 16,8 26,1 27,9 très bon 31,2 bon
37 très clair, bien meilleur que 27,9 39 très bon, mais
non comparable à 37.

u (furnu « four ») : 14,8 pas mal 22,8 bon, pas très
clair 25,3 très clair 28,3 très bon, clair, mais moins
sonore que 25,3 41,3 pas trop clair.

ú (furnu) : 17,9 25,4 très bon 26,8 meilleur
encore 27,4 32,7 34,9 et 35,3 très bons ; mais
le meilleur est 37,5 sonore et très clair.

Les voyelles mixtes paraissent composées : œ̀ (trœ̀vi) de a
et o ; œ (fiœ « fils ») de e et de o ; u (mu « moisi ») de é
et de u ; ú (dú « doux ») de i et de u.

œ̀ : 9,9 13 (correspondant à é) très bon 14,6
16 24,8 (correspondant à a) meilleur encore 37,3
(o) le meilleur.

œ : 9,1 10,5 13,7 très bon 14 1 (e) meilleur
18,5 (o) le plus sonore.

u : 9 13,5 (é) 19 très bon 30 (u un peu fermé)
meilleur.

ú : 1,6 pas bien fort 11,1 bon 14,8 (i) très bon
19,5 (Í) meilleur 27,5 30,1 (u) très très bon.

Mme Montalbetti. — Née à Bordeaux, mais élevée en
partie dans la Charente, elle a plutôt la prononciation d'Angoulême,
ignorant tout à fait le patois. Je note d'un ou de
deux astérisques les chiffres qui correspondent aux résonances
jugées par elle les plus fortes.

í : 2 3,3 6,3 7,6 11,6 et 11,8 13,9
16,3 17,5 21,6 24,8 26* 30,2** le
plus fort 31,5** très fort 32** peut-être le plus
fort 35,1 38,1 39,2** 41,9

i : 2,6 3,8 5,3 9,5* 10,6* 15,5
78022,7 24,1 28,8 30,1 33,6* 35,1**
40,1 41,1

é : 3,2 4,6 9,1 14* 19 23,7* très bon
32,4** meilleur.

e : 3 5,1 9 10,9 12,1 16,1 17,2*
19 25,3 32,1* 36,8** 41,5.

è : 2,4 2,9 4,6 5,4 6,4* 7,1* 9
10,8* 12,1 17,7* 18,3** 21,5 26,4
31,2** très fort 33,6** 36,5 41.

a : 3,3 4 7,4 7,9 9,1 12 18
(un peu à) 24,5** 26,9** 28 34,3 un peu
à 35,3 41,8**.

á : 5,7 6,8 7,8 9,2 12,7 18,1 (elle
entend ó ou plutôt ni o ni a) 25,6* bon 26,1*
26,6** 26,8** très bon 28,8* plus sourd.

D'après la 1re tranche, la 2e devrait être 27,6, chiffre
non indiqué :

ò : 2,8 4,9 6,9 10,3** 12,1 16,9 un
peu o 24,4 25,3* bon 29,4** très bon 31,9
pas très fort, mais très nettement ò 33,3* 35,5
40,5.

o : 3,3 7,9* très fort 10,1* 11,6* et 11,9*
très bons 12,7** plus fort 19,8 un peu ò 17,5
18,6 21,6 25,8* très bon 31,4* très bon
34,1* encore meilleur 35,7* très bon aussi 37,1**
tout à fait bon.

ó : 3,5 6,6 8,7 9,4 10,5* un peu ò
17,4 18,6** le meilleur 19,3 24,9 32,7
37,5.

u : 7,8 10,2 15,8 17 25** le meilleur
28,9 31,1 32,1 35* 46.

ú : 7,9 8,9 9,8 10,4 15,4 17,9
78124,9** 28,5 30,3 33,6 36** très bon
37** meilleur 37,4** 41.

œ̀ : 3,1 5,2 6,6* (é) 8,5* très bon 11**
(ò) meilleur 11,5 14,1 17,1 18,6* (ó)
26,5 29,1 29,8 32,1* (ò) le plus fort 33,5*
fort 34.6 41,8.

œ : 4,9 5,8 (e) 8 10,1 11,9* (o) plus
fort 18,5* un peu œ́ (preuve qu'il y a dans œ la résonance
de l'o et non celle de ó) 28,1.

œ́ : 2,4 5,5 (e) 61 11,1 16,4* 18,5
(ó) 22,9 26,3 32,9 37,1.

u : 3,1 (i) 6,1 7,1 10,6 17,2 19
26.1 (u) 28,1 30,1* très fort 34,4* très bon
33,7*.

ú : 3,5 (i), 5,3 10,1 16,3 26,3 30,3*
33,7** 36.

è : 6,1 (è) 11 18,3 (é) 34,6* bien fort
36,6.

œ́ : 3,4 11,3 17,8 (è) 25,8 34,6 36.

ã : 6 7,1 10.6 16,5 un peu (ò) 24.1**
(a) 31.

õ : 3,1 6,8 8,2 10,4 11,5 (o) 18,1
19,8 26,1 25,4 33,3** 37**.

Une autre personne sans aucune connaissance phonétique,
à qui j'ai demandé de rechercher les meilleures résonances,
m'a fait ces réflexions significatives, au moment où
elle tombait juste :

á : Voilà, tenez, le voilà le vrai bon, là, 25,6.

ó : Un bon celui-là, un parfait, 19,1.

ú : Pas mauvais, 37,5. Le voilà encore, 37,9.

é : Voilà un bon, tenez, 14,1, le meilleur avec 18,3…

Le voilà, 33,1, moins sifflant, mais bien régulier.782

Un pas mauvais (18,7) moins bon que le précédent
(33,1).

i : Un des meilleurs, 24,9. Un petit, 36,8.

Un meilleur, tenez là, 24,2.

œ́ : En voilà un bon, 13,6. Oui ! Oui !… C'est le même
(13,6)… En voilà un bon, 13,5. Un autre bien bon, le
meilleur, 14,3. Encore, 14,3.

ú : Je ne sens rien… C'est la plus mauvaise de toutes
les lettres. Le meilleur que j'ai trouvé 24,8… Une locomotive,
celui-là : 34,5 Encore un, 27,2… 39,7 pas
mauvais, moins bon que 27,2. Encore un petit : 9. [Ce
sont les points de. résonance de l'i.]

Les résultats obtenus avec le tube de 27mm sont donc
très encourageants. Toutefois, avant de me fixer à cette
dimension, j'ai tenu à essayer des tubes à diamètre plus
petit dont j'avais déjà reconnu la justesse.

Voici ce que M. Montalbetti a trouvé avec le tube de
9mm1/2.

í : 2,1 7 9,3 10,6 11,3 14 29*
30,7.

i : 1,7 6,7 12,4 14* meilleur 21 très
sonore, plutôt é 21,7 très sonore, i plus clair 27,8 très
fort 31 très sonore, plutôt é.

Ces voyelles sont plus faciles à déterminer avec le tube
de 27mm.

é : 4,2 pas bien fort. Le 4 est plus é 12,2 très bon
13,2 très sonore. De 15 à 22 et 23 la sonorité
augmente.

e : 5 8,2 plus sonore, mais moins clair que 5 10, 8
15 bon 17 meilleur plutôt 16,5. C'est entre 15 et
16,5 27.
783

Très difficile à déterminer avec ce tube.

i : difficile, mais 30,8 très bon.

a : 25,2 assez clair.

à : 9,2 très fort 27,8 très fort. Ces points sont
très faciles à trouver avec ce tube.

ò : 10,6 facile à trouver 27 31,8 plus sonore.

0 : 11.

Un point d'une très grande importance ressort de la comparaison
de ce tableau et des précédents : la résistance que
nous avons constatée à l'orifice du résonateur pour les sons
des diapasons aigus ne se fait pas sentir pour la voix, et
la 1re tranche de résonance ne paraît pas diminuée. Cela se
conçoit sans peine. La vibration vocale, portée par le jet
d'air chaud sorti de la bouche, est plus favorisée, dans sa
marche à travers les obstacles de l'orifice, que celle du
diapason, obligée de se propager à travers les couches
inertes et plus froides de l'air tranquille.

Les autres tubes de 11, 141/2, 19mm sont aussi d'un
emploi moins commode que celui de 27mm. C'est donc à cette
dernière dimension, ou à peu près, que je me suis arrêté pour
la construction de l'appareil définitif, que je crois pouvoir
appeler, en raison de ses services, résonateur universel.

Ce résonateur est formé d'un tube de cuivre de 26mm de
diamètre et d'un piston glissant à frottement doux. La
tige carrée du piston porte, sur une face, une échelle
métrique qui permet de lire, à l'aide d'un vernier, en
dixièmes de millimètres, la longueur du résonateur. J'avais
songé à faire graver sur une autre face les longueurs d'onde
à 20° avec les notes correspondantes, et, sur la 3e, les
voyelles d'une gamme vocalique, qui serait donnée, à titre
d'exemple, comme direction pour les chercheurs. Mais
il est plus pratique de dresser soi-même deux tableaux que
l'on gardera sous ses yeux pendant les expériences : celui
784des divers points de résonances des voyelles, et celui des longueurs
d'onde
. Le premier est facile à faire ; il suffit de
transcrire sur une bande de papier quadrillé au millimètre
les données du tableau des voyelles, des miennes par
exemple (p. 776). Ce tableau ne doit servir que de guide.
Quant au second, chacun peut le calculer pour la température
du moment, je conseille plutôt de tracer la courbe
des longueurs d'onde pour la température moyenne, comme
j'en donnerai le modèle en appendice.

Je reviens à la question que j'ai posée (p. 769), sans la
résoudre : jusqu'à quel degré d'exactitude peut-on pratiquement
arriver avec le résonateur universel ? Voici les résultats
des expériences faites dans le but de donner une
réponse :

Diapason de 225 v. d. (22°) longr de tube 37cm3
— 229——36cm6
Différence 7

La différence est de 7mm. Or, à la température de 22°, la
différence entre les quarts d'onde de 225 v. d. (38,284) et
229 (37,625) est de 6mm59. J'ai donc trouvé 0mm41 en trop.
Erreur d'environ 1/4 de vibration.

Diapason de 450 v. d. (20°) longr de tube 18cm14
— 454——18cm05
Différence 9

La différence des quarts d'onde de 450 (17,0722) et 454
(18,9878) est de 0mm84. Donc 0mm06 en trop. Erreur de
1/5 de vibration.

Pour ces deux diapasons nous ne pouvons pas trouver
d'une façon assurée la longueur d'onde, puisque nous n'obtenons
que la première tranche de résonance ; mais nous le
pouvons pour les diapasons suivants :785

Diapason de 900 v. d. (22). 1re tr. 8cm7, 2e tr. 27,8.

Longueur de la demi-onde 19,1. Longueur calculée
9,4

Différence : 0mm42 en moins. Erreur de près de 2 vibrations
(901,9).

Diapason de 908 v. d. 1re tr. 8cm5, 2e tr. 27,45.

Longueur de la demi-onde 18,95. Longueur calculée
18,973.

Différence : 0mm22 en moins. Erreur de 1 vibration en
trop (909).

Diapason de 1.800 v. d. (20°), 1re tr. 3,95, 2e tr. 13,5,
3e tr. 23, 4e tr. 32,6, 5e tr. 42,1, ce qui donne pour la
demi-onde : 9,55, 9,5, 9,6, 9,5, soit une moyenne de
9,53. Longueur calculée 9,536, soit 6/100 de millimètre
en moins, ou 1 vibration en trop (1801).

Diapason de 1.804 v. d. (20°), 1re tr. 3,9, 2e tr. 13,4,
3e tr. 22,9, 4e tr. 32,5, 5e tr. 41,95. D'où pour la demi-onde :
9,5, 9,5, 9,6, 9,45, ou une moyenne de 9,51.
Longueur calculée 9,5149, soit 49/1000 de millimètres en
moins, ou un peu moins de 1 vibration en plus (1805).

Diapason de 3.600 v. d. (20°), 1re tr. 2, 2e tr. 6,7, 3e tr.
11,5, 4e tr. 16,4, 5e tr. 21, 6e tr. 25,9, 7e tr. 30,7, 8e tr.
35,3, 9e tr. 40,02. D'où pour la demi-onde : 4,7, 4,8, 4,9,
4,6, 4,9, 4,8, 4,6, 4,72, soit une moyenne de 4,752. Longueur
calculée : 4,768. Erreur de 0mm16 en moins, ou 8
vibrations en trop (3608). Ce diapason s'éteint vite et la
détermination du point de résonance est difficile.

Nous devons conclure de ces expériences que l'appareil
est suffisamment précis.

La recherche des caractéristiques des voyelles, qui donnait,
avec l'appareil improvisé, des résultats faciles à obtenir
et d'une précision assez approchée, est bien plus facile encore
786et plus exacte avec ce résonateur. Je me suis contenté d'en
vérifier quelques-unes.

ú. — J'ai trouvé sans peine une longueur de tube de 37cm6
(20°) ; ce qui donne 228 v. d. (nombre trouvé avec les
diapasons).

ó. — J'ai hésité entre plusieurs chiffres : 18,35, 18,4
18,53, 18,65, 18,67, 18,68, 18,69. En recommençant
pour tâcher de démêler le bon, j'ai été le plus frappé par
18,76, qui donne, à 19°, 456,7 v. d. Avec les diapasons,
j'avais trouvé 456.

á. — Il m'est difficile de me décider entre 9,64, 9,55,
9,5, 9,46, 9,38, 9,32, 9,2. D'un côté, l'á incline vers o,
de l'autre vers a. Mais si je cherche la seconde tranche de
résonance, je trouve 28,19, dont le 1/3 est de 9,39. C'est à
ce chiffre que je m'arrête, et je m'aperçois qu'il correspond
à 912 (note trouvée avec les diapasons).

é. — Cette voyelle a été pour moi d'une détermination
difficile. Elle contient des harmoniques graves qui effacent
en éclat la caractéristique. Pour rendre celle-ci plus sensible,
il faut faire toucher les bords du résonateur aux lèvres.
Après m'être avisé de cette précaution, j'ai déterminé assez
aisément divers points de résonance : 4,68,14,04, 23,40,
32,86, 42,1, ce qui donne pour demi-longueur d'onde :
9,36, 9,36, 9,36, 9,46, 9,36 soit une moyenne de 9,38,
qui, à 21°, correspond à 1.832 v. d. Le diapason a donné
1824. J'ai donc trouvé 8 vibrations en trop. L'examen sommaire
fait par mon cousin D. (p. 782) a donné 9,4 et celui
de ma nièce Mme M. (p. 781) fournit une moyenne de
9,36, si on prend les tranches isolément, la 2e étant divisée
par 3, la 3e par 5, etc.

í. — L'expérience acquise pour é m'a servi pour l'í. J'ai
trouvé assez aisément la 1re tranche 2,35. Deux autres sont
787concordantes : la 4e 16,5, et la 8e 35,35. Le 1/7 de la 4e
donne la 1re tranche = 2,357 ; le 1/15 de la 8e donne de
même la 1re tranche = 2,3566. Essayons la demi-longueur
d'onde fournie par la 4e tranche (2,367). Nous trouvons
pour la caractéristique 3.651 v. d., au lieu de 3.648, note
obtenue avec les diapasons. La 1re tranche suppose 3662 ; la
8e, 3636. Pour serrer la vérité de plus près, il faudrait pouvoir
déplacer le piston au moyen d'une vis micrométrique,
tout en conservant la possibilité de le faire courir le long du
tube, ce qui est facile à réaliser.

Après ces premières expériences faites avec soin, j'ai
recherché rapidement les caractéristiques d'autres voyelles,
et j'ai trouvé des nombres de vibrations très rapprochés
de ceux que m'avaient fait découvrir les diapasons : u 343
au lieu de 342, o 685 au lieu de 684, ò 799 au lieu de
798, a 1036 au lieu de 1026, à 1148 au lieu de 1140.

Enfin, dernier contrôle, j'ai voulu savoir comment
M. Montalbetti referait avec le nouvel appareil les expériences
signalées à la page 778. La précision obtenue par
lui est plus grande que la première fois : á. — 1re tr. 9,5,
2e tr. 28,4 qui suppose pour la 1re 9,466… ; é. — 1re tr.
4,7, 2e tr. 14,15, qui suppose pour la 1re 4,7166… ; í. —
1re tr. 2,4 ou 2,38, 2e tr. 7,15, qui suppose pour la 1re
2,3833… ; enfin ú. — hésition entre 38,3 et 37,4. On s'attendrait,
étant donnée la loi des octaves (p. 746), pour á
à 9,466 et en partant de ce chiffre, à 37,864 (ù), 4,733 (é),
2,366 (í), ou en partant de 9,5 pour á, à 38 (ú), 4,75 (e),
2,37 (í). Mais, on le voir, l'écart est peu considérable ; et
j'espère qu'une vis micrométrique permettra de le corriger.

Je crois donc être en droit de conclure que le résonateur
universel
est pratique et que les linguistes, qui auront eu
soin d'exercer leur oreille, en tireront des résultats satisfaisants
788pour la recherche des caractéristiques des voyelles.

Un moyen qui manque de précision, mais qui est précieux
comme contrôle, c'est l'observation des lacunes dans les
champs auditifs des sourds incomplets, je me suis étendu
ailleurs 122 longuement sur la question ; il me suffira de la
résumer ici à grands traits.

L'oreille n'est pas un organe simple qui perçoit ou
ne perçoit pas la totalité des sons ; c'est un organe complexe
qui peut être privé de la perception de certains
sons, tout en conservant plus ou moins celle des autres.
Il est donc possible de tracer le champ auditif d'une
oreille donnée, où sera marqué son degré de perceptibilité
de chaque son simple. La mesure se fait très bien à l'aide
d'une série complète de diapasons ; et les lacunes qui se
sont produites dans les champs auditifs des sourds partiels
peuvent de la sorte être parfaitement circonscrites.

Les lacunes profondes, portant sur les régions de
perception des notes que nous avons considérées comme
les caractéristiques des voyelles, empêchent ces voyelles
d'être entendues. Une diminution dans la perception de
ces notes entraîne un affaiblissement proportionnel dans
l'audition des voyelles correspondantes. La restauration
graduelle de l'organe sous l'influence d'une excitation
acoustique pour les mêmes notes ramène la faculté d'entendre
les voyelles.

Toute oreille qui saisit bien les voyelles n'a pas de
lacunes importantes dans les régions de perception de
leurs notes caractéristiques. Sur ce troisième point, on
rencontre des exceptions, qui seront expliquées.789

Il me suffira de citer quelques exemples. Dans les trois
tableaux qui suivent (fig. 524-526), le champ auditif est
représenté suivant la distance de perceptibilité des sons.
Celle-ci est notée en centimètres. Elle est réelle toute les
fois qu'elle ne dépasse pas 3 mètres ; à partir de cette
distance, en raison de l'exiguïté de la salle où l'examen
a été fait, la vraie limite n'a pas été atteinte. La ligne
pointillée qui enveloppe le schéma indique quelle aurait
été la distance d'audition des diverses notes pour une oreille
normale. Les notes sur lesquelles a porté l'enquête sont
marquées en vibrations simples.

La figure 524 représente le champ auditif d'un soldat
venant du Tonkin, où il fut pris de fièvres pernicieuses.
Son oreille offre trois lacunes, séparées par deux cônes
d'audition, correspondant aux notes comprises entre 7808
et 3070, entre cette dernière et 920, et au delà de 920.
Je ne puis pas dire que ces lacunes soient délimitées avec
précision : elles ne sont, on le voit, que grossièrement
indiquées. Toutefois, elles le sont suffisamment pour nous
faire comprendre le degré de perceptibilité des voyelles.
L'i (caractéristique moyenne, 7200 v. s.) et l'é (caractéristique
moyenne, 3600) ne sont pas entendus : ils sont
compris dans la première lacune. L'ú (caractéristique
moyenne, 445) n'est pas entendu non plus : il correspond
à la troisième. En revanche l'ó (carractéristique moyenne,
900) est entendu, répondant au deuxième cône d'audition.
Il semblerait que l'á ne devrait pas être entendu, car sa
caractéristique moyenne (1800) paraît bien correspondre
à la deuxième lacune. Mais peut-être y a-t-il en ce point
un cône d'audition qui a échappé à un examen trop sommaire ;
peut-être l'audibilité de la note à une distance de
20cm a-t-elle été suffisante pour que la voyelle pût être790

image

Fig. 524. (Pu)

Fig. 524. — 3m. — Voyelles entendues : o a
— non comprises : ou eu = eu, é = è, i = é, on = er, an = éf,
ain = es, eun = éf.

Consonne entendue : l.
— non comprises : ra = la, cha = ka, da = ba, ka = pa, ma =
na. na = ma.
— non entendues : ta = a, va = i grec, sa = éf.

Aucun son : za ja pa ba ga.

Groupes non entendus : blo stou = eu, flou = u, pleu = él.791

image

Fig. 525. (P)

Fig. 525. — 15cm. — Voyelles entendues : o a
— non comprises : ou an = o, ain = ès, eun = eu.
— non entendues : ou é i eu u.

Consonnes entendues : l v d k m.
— non comprises : ya = da, cha = ka.
— non entendues : ra fa sa pa ba ta ga ma = a.

Aucun son : ja.

Groupe entendu : bla.
— non compris : kla = fla, pla gla fla sta = la.792

entendue à 3 mètres ; peut-être la caractéristique a-t-elle été
suppléée, grâce à l'éducation, par une autre note. Nous
aurons l'occasion de revenir sur ces explications.

La figure 525 fait comprendre la non-perceptibilité de
l'é et de l'ú, ainsi que la perceptibilité de l'á. Elle poserait
la même question que la précédente à propos de l'ó, si
l'enquête n'avait pas été faite à la faible distance de 15 centimètres.
Quant à l'é qui est entendu, nous ne pouvons
rien dire, car entre 5120 et 2816 il y a place pour une
lacunes dans la région de 3600.

Cette voyelle é n'est pas saisie par l'oreille dont le
champ auditif est représenté par la figure 52e, et qui,
à une distance de 3 mètres, entend ú ó á et í. la lacune
correspond justement à la caractéristique de l'é qui n'est
pas entendu.

Un autre champ auditif (fig. 527), tracé sur un plan
différent et plus complet, va mieux nous renseigner. Il
représente non la distance, mais la durée de l'audition pour
chaque note des gammes perceptibles, ou, plus exactement,
la différence dans la durée d'audition entre une oreille
normale et une oreille malade. Les chiffres de la colonne
de gauche marquent des secondes ; les deux lignes
sinueuses, la durée d'audition : la croisillée pour l'oreille
normale, la pleine pour l'oreille du sourd. Ce croquis a
exigé deux expériences. Dans la première, l'enquêteur a
mesuré pendant combien de secondes il entendait les
vibrations des divers diapasons et en a reporté le nombre
en pointillé sur le papier quadrillé, délimitant ainsi
son propre champ auditif. Puis il a présenté à l'oreille du
malade sourd les mêmes diapasons. Quand celui-ci a
cessé d'entendre, il a compté les secondes pendant lesquelles
il continuait lui-même à percevoir le son, et a porté ce
793second nombre sur le papier quadrillé en dessous de la
limite de perception de son oreille. Enfin il a réuni tous
les points par une ligne pleine. Le schéma représente donc,
entre les deux lignes supérieures, ce qui manque à l'oreille

image

Fig. 526. (F)

Fig. 526. — 3m. — Voyelles entendues : ou o a i u eun
— non comprises : é = o, eu = o, on = o, an = a.
— non entendues : ain.

Consonnes entendues : l s (sa = ) z ch j k g m.
— non entendues : ra fa pa ba = a, ta = eu.

Aucun son : da na va.

Groupes entendus : fla sta.
— non entendus : pla = o, bla = gne, kla = la.

Aucun son : gla.

du sourd, et, au-dessous de la seconde ligne jusqu'à la
ligne o, ses restes auditifs. D'un simple coup d'œil, on
peut apprécier le degré d'acuité de l'oreille malade pour
chacune des caractéristiques j des voyelles.794

image

Fig. 527.795

Dans la figure que nous avons sous les yeux, nous lisons
que la faculté d'entendre les notes caractéristiques des
voyelles est réduite aux 13/22 pour í, 17/60 pour é, 47/160 pour á,
32/105 pour ó, 64/150 pour ú : soit en gros de 1/2 pour í et ú , des
2/3 pour les autres voyelles. Or c'est à peine si í et ú sont
entendus à 25cm, tandis qu'à cette distance é á ó sont
nettement perçus.

Je cite enfin deux exemples de la rééducation des
voyelles faite simultanément au moyen d'excitations
acoustiques par les diapasons et d'exercices vocaux. Le
premier (A) concerne un Anglais ne sachant pas le français,
l'examen étant fait avec nos voyelles ; le second (B),
un Français. La lettre d désigne l'oreille droite ; g, l'oreille
gauche). Les diapasons sont de Kœnig et conformes à son
système : si6 = 3840 v. d. ; si5 = 1920 ; si4 =960 ; si
= 480, si2 = 240.

Les chiffres relatifs aux notes marquent en secondes ce
qui manque à l'audition pour être normale ; ceux qui se
rapportent aux voyelles représentent, en centimètres, la
distance à laquelle les voyelles sont perçues ; la lettre C
indique que l'audition se produit au contact des lèvres de
l'enquêteur sur l'oreille du sujet. Le progrès est donc
exprimé dans la première série par la décroissance des
nombres, dans la seconde par leur accroissement. On voit
qu'il suit une proportion à peu près égale dans les deux
colonnes (celle des diapasons et celle des voyelles), sauf
dans un cas (B. í oreille gauche, 15 avril) où le tableau
porte sûrement une erreur.796

A

tableau avril | mai

B

tableau mars | avril

La comparaison des chiffres entre eux ne doit pas du
reste être poussée trop loin, car les mesures qu'ils expriment
ne peuvent pas être très rigoureuses : il faut tenir compte,
en effet, de la fatigue du sujet pendant l'examen acoustique,
du bruit qui se fait dans le voisinage, de la distraction
possible. De plus, il importe de ne pas oublier que le
temps d'ébranlement des diapasons est très variable (Voir
fig. 127) et que, par conséquent, on ne peut rapprocher
que les chiffres relatifs à un même diapason. On remarquera
que souvent à un même état auditif pour les
diapasons correspond une perception presque équivalente
797des voyelles. Comparez : A si6 9, i 30 et si6 8, i 45 ; B si6,
7, i 55, etc. Les différences trouveront leur explication
plus loin. Il suffit de constater ici la relation approximative
qui existe entre la note considérée comme caractéristique
et la voyelle.

Le résonateur buccal serait incomplètement défini par la
seule note caractéristique ; car il se produit bien d'autres
sons, qui s'ajoutent à la résonance essentielle. C'est ainsi que
je m'explique les diverses appréciations fondées sur le
chuchotement. Il n'est pas contestable qu'un homme bien
doué ne puisse, en soufflant sur une cavité, arriver à
classer dans les gammes musicales le son ou, si l'on veut,
le bruit que rend cette cavité. Mon ami M. Thomson,
le professeur de grammaire comparée d'Odessa, l'a fait
bien souvent devant moi. J'ai mis son oreille à l'épreuve
avec les petits résonateurs de Kœnig que j'avais accordés
avec soin : il s'est quelquefois mépris sur le rang de l'octave,
jamais sur la note. Je crois donc à l'efficacité du
moyen préconisé par Donders (p. 179), suivi par Helmholtz
(p. 182), et que j'ai vu pratiquer par MM. Storm
et Thomson, mais seulement pour découvrir un des sons
composants qui ressortent le plus. Et cette notion n'est
pas sans importance.

L'expérience demande, outre une oreille peu ordinaire,
des précautions spéciales ; car dans le chuchotement l'articulation
est facilement exagérée (cf. p. 686). En conséquence,
M. Thomson fait chuchoter aussi doucement que
possible ; il étudie les voyelles dans des mots plutôt que
seules et isolées ; et, comme le voisinage des consonnes n'e>t
pas sans influeuce sur les voyelles, il a soin de varier les
consonnes qui les accompagnent ; enfin il redouble d'attention
pour les labiales que le moindre mouvement des
798lèvres peut faire chanceler d'un demi-ton ou d'un ton.

Voici les notes que M. Thomson a assignées à mes
voyelles faiblement chuchotées :

ú isolé peut descendre jusqu'à 4.
ú : houle fa4, boue sol4, croûte la4.
u : coup, outrage sol#4, loup la4.
ó : peau, beau la4 — haute si♭4
o : charlotte, trotte si4ut5.
ò : bord 3.
á : bras ré#5, plats mi5.
a : patte sol3.
à : pars sol5, quart la3.
è : tête si♭.
e : poulet (avec e moyen) ut6.
é : entêtée 6.
i : vit, lit, ami 6, nid ré#6.
í : vie fa6, amie, nids sol6.
œ̀ : peur sol3sol5.
œ : feu (avec œ moyen) sol#3.
œ́ : queue la5, feux si3.
u : bu, attendu si3.
ú : ventrue si3ut6.
õ : bon, pont sol4sol#4, ponte la4
ã : pan, pente 35.
 : pain, plein si♭3, plainte si3.
œ̃ : parfum sol5.

Une vérification a été faite au moyen du résonateur universel
que M. Thomson réglait sur mes propres voyelles,
pendant que je les chuchotais, pour le timbre et la hauteur.
Il y a accord entre les deux expériences, à la condition que
la mesure du résonateur soit comptée exactement d'après
799le quart d'onde. Les quelques cas qui sortent de la règle
me paraissent tout à fait négligeables.

M. Thomson a donné de ses voyelles russes des déterminations
analogues 123. Et, après avoir trouvé dans un gros
tube de caoutchouc, qu'il écrase entre les doigts à des longueurs
variées, le son propre de chaque voyelle, il fait
redire celle-ci par la masse d'air résonante au moyen d'une
lame de diapason à bouche placée à l'orifice, soit à cheval
sur le bord, soit au bout d'un tube plus petit qu'il y a
greffé. J'ai renouvelé l'expérience avec un tube de 35mm de
diamètre et je lui fais dire, en le pressant à des longueurs de
9cm, 7cm et 3cm50, les voyelles ó á é d'une façon suffisante
pour qu'elles soient comprises par une personne non prévenue.
Nous avons là un résonateur court à orifice libre ; et
ces longueurs correspondent, d'après la mesure du quart
d'onde, aux notes des voyelles chuchotées : si♭4, ré#3, ré#6.

Enfin, j'ai soumis ces expériences au contrôle des diapasons
placés devant la bouche. Voici ce que j'ai constaté au
moins pour les voyelles principales :

ú. — Sol4 donne unú bien médiocre. Pour en avoir un
bon, il faut descendre jusqu'à sol3. Pour mon ú isolé, je
maintiens la note indiquée plus haut (p. 747), si♭2.

ó. — La note juste est, non pas si♭4, mais si♭3.

á. — Avec mi5, l'a est très beau ; mais je le trouve un peu
aigu. Je préfère si♭.800

é. — La résonance de 6 est vraiment bien bonne, mais
ne paraît pas meilleure que celle de si♭5.

í. — L'í de sol6 est excellent, mais moins aigu que mon
í isolé, sans doute un peu forcé, qui se rapproche de si♭6.

Je supposerais donc dans la détermination des notes des
voyelles chuchotées, à caractéristiques graves, des erreurs
d'octaves.

La première expérience que j'ai tentée à propos des sons
composants a porté sur les voyelles roumaines de M. Popovici.
J'avais disposé une série de 32 résonateurs (fig. 522,
n° 2-10), avec l'ut2 de Kœnig (128 v. d.) pour fondamental.
M. Popovici, soutenu par un diapason où il prenait le
ton chaque fois, chantait devant chacun des résonateurs ses
voyelles, partagées en trois séries, en commençant toujours
par a : a e i, a o u (u), a ă î. Moi, le caoutchouc à l'oreille,
je notais d'un signe l'intensité et la qualité relatives des
résonances. Je reconnaissais toutes les voyelles à travers
chaque résonateur ; mais, à certains moments, je les sentais
devenir plus claires ou s'affaiblir, disparaître presque, ou
revenir encore avec plus de force et de netteté. J'ai essayé de
représenter ces diverses nuances dans un tableau (p. 803)
par des caractères de différentes grosseurs.

La concordance avec l'analyse faite au moyen de diapasons
(p. 756) est aussi parfaite que le comporte une série
où n'entrent que des harmoniques. Quant à l'analyse mathématique,
opérée par M. Popovici 124, elle a donné des résultats
tout à fait conformes pour e o u, un peu moins bons
pour a ă ; mais, faute d'un nombre suffisant d'ordonnées,
elle n'a pu atteindre les caractéristiques de l'i et de l'î.801

tableau I. 128 | II. 256 | III. 384 | IV. 512 | V. 640 | VI. 768 | VII. 895 | VIII. 1024 | IX. 1152 | X. 1280 | XI. 1408 | XII. 1536 | XIII. 1664 | XIV. 1792 | XV. 1920 | XVI. 2048 | XVII. 2176 | XVIII. 2304 | XIX. 2432 | XX. 2560 | XXI. 2688 | XXII. 2816 | XXIII. 2944 | XXIV. 3072 | XXV. 3200 | XXVI. 3328 | XXVII. 3456 | XXVIII. 3584 | XXIX. 3712 | XXX. 3840 | XXXI. 3968 | XXXII. 4096802

Plus tard, pour éliminer des résultats toute appréciation
personnelle et vérifier si les voyelles ne contenaient pas des
sons non harmoniques, j'ai repris ces recherches avec l'appareil
à flammes de Kœnig (fig. 77) qui permet de reconnaître
du même coup huit sons composants. J'émettais successivement
chacune de mes voyelles d'une voix ferme et,
autant que cela m'est possible, à la même hauteur, pendant
que M. Thomson (août 1904) observait le miroir et notait
les amplitudes et leur importance relative. Toutes les notes,
demi-ton par demi-ton, furent ainsi soumises à l'épreuve,
depuis sol1 jusqu'à mi3. Aucun sous-harmonique ne s'est
montré, et la plupart des notes trouvées dans le chuchotement
impressionnèrent la flamme. C'est à peu près la seule
conclusion que je puisse tirer aujourd'hui d'expériences
assez longues et laborieuses. L'appareil, bon pour la démonstration,
me paraît insuffisant pour la recherche. J'aurais
bien dû m'en douter. Des résonateurs fixes et de dimensions
différentes ne peuvent fournir des mesures précises
et comparables entre elles. Par exemple : le résonateur marqué
fa2 paraît tout aussi bon pour sol2, mais si l'on pouvait
déplacer rapidement le fond, la différence serait vivement
sentie ; le résonateur de mi2 rendra, même pour sol2,
une résonance plus intense que celui de cette dernière note,
parce qu'il est plus grand. On peut encore être trompé par
les résonances de 2e ou 3e tranche (p. 767) ; enfin dans un
groupe de résonateurs, on évitera difficilement les différences
d'intensité qui sont dues uniquement à la distance
qui sépare la bouche des divers orifices.

Heureusement, le résonateur universel me fournit le moyen
qui me manquait. Après lui avoir donné les organes dont
j'ai reconnu l'utilité, j'en ai fait construire deux nouveaux
modèles : l'un assez gros, l'autre tout petit. Le gros a 17cm4
803de diamètre et 68 de longueur — il serait utilement porté
à 78 ; il est doté de trois orifices qui peuvent être, à volonté,
de 36mm5, 25mm et 15mm. Le petit a 9mm de diamètre et 5cm4
de longueur.

Le premier est réellement universel : il permet de mesurer
les résonances de 40 v. d. à 95 avec le plus petit orifice,
de 55 à 130 avec le moyen, de 75 à 325 en première tranche
et de 325 à 6.000 et au delà en deuxième avec la plus large
ouverture. Le second peut servir pour les résonances de
1.600 à 7.000.

Ce dernier, comme je l'ai dit (p. 769), n'a pas besoin
d'être accordé, n'ayant d'autre loi que la longueur d'onde.
Je l'ai vérifié rapidement à la température de 22°, et aucune
correction n'a paru nécessaire. Les deux autres exigent pour
la première tranche un réglage que j'ai fait avec les diapasons
du Grand Tonomètre de Kœnig.

Voici les indications suffisantes pour dresser les courbes
de leurs résonance à une température moyenne de 22°.

Gros résonateur, orifice de 15mm :
tableau vibr. d. | long. du rés.

Orifice de 25mm :
tableau vibr. d. | long. du rés.804

Orifice de 36mm5 :
tableau vibr. d. | long. du rés. | longueur du rés.

Résonateur moyen, 1re tranche :
tableau vibr. d. | long. du rés.805

Je n'ai pu monter plus haut parce que le son des diapasons
supérieurs manque, non de force, mais de durée.

Si l'on avait besoin de transposer la courbe des résonances
pour une autre température que 22°, par exemple
pour 15°, et pour 1.000 v. d., on prendrait le rapport entre
le quart de la longueur d'onde (8,6) et la longueur du
résonateur (7,7) soit 1,117 ; puis on chercherait le quart
de la longueur d'onde de 1.000 v. d. à 15°, soit 8,504 que
l'on diviserait par le rapport 1,117, et l'on obtiendrait la
longueur du résonateur pour 1.000 v. d. à 15°. La courbe
employée sans rectification causerait une erreur en trop de
5 vibrations. Ce qui ne serait pas grave, d'autant que l'on
peut considérer la température de 22° comme la moyenne
de l'air du tube échauffé par le souffle. L'air ambiant étant
à 19°, la température du tube s'est élevée après quelque temps
de recherches à 25°. Dès le début du travail, il y avait accord
entre le point de résonance d'un diapason et de la voix.

Lorsqu'au moyen des données expérimentales fournies
ci-dessus, on a construit la courbe des résonances de la première
tranche et, dans les cas où celle-ci manque, de la
seconde, on porte à droite de cette ligne la longueur des
demi-ondes, une fois, deux fois, d'après les dimensions du
résonateur, et l'on trace les courbes des divers tranches successives.
Le tableau renferme alors toutes les résonances
possibles, et il est facile d'y lire le nombre de vibrations
des sons qui les produisent.

Dans la recherche des sons composants des voyelles, on
abrégera le travail en partant toujours d'une même note
fondamentale et en dressant un tableau de tous les harmoniques,
où le nombre des vibrations est représenté par les
longueurs du résonateur. D'un coup d'œil on se rend alors
compte de la composition du son étudié.

Tous les points de renforcement seront notés une fois en
806ramenant le piston, une autre fois en le repoussant, et la
qualité de chaque résonance soigneusement définie : résonance
grave, aiguë, forte, faible, durable, instantanée, pleine,
son métallique, son de flûte, de sifflet, harmonique de la
voix sans nuance caractéristique de la voyelle, etc. Avec le
tableau en en reconnaîtra aisément le rang, puis il n'y aura
plus qu'à vérifier dans des expériences partielles soit le rang
de la tranche, soit le point de plus forte intensité pour
toutes les notes qui ont une zone de résonance. On pourrait
aussi recourir aux flammes monométriques ; mais une
oreille exercée suffit.

Avec le gros résonateur, on découvre très aisément les 4
ou 5 premiers sons composants graves. C'est ce qui a été
nettement constaté dans des expériences faites, avec le concours
de MM. François, Lote et Rigal, pour les notes 200,
225 et 250 v. d. En allongeant successivement le résonateur,
on entend d'abord le son fondamental, puis l'un après l'autre
les 5e, 4e, 3e et 2e son composant. Toutefois dans les voyelles
dites par M. Rigal (á é í, ò ó ú, œ̀ œ́ ú) sur la note 200 v. d.,
le 5e son composant ne s'est détaché que pour á ò œ̀.

Mais si les notes composantes graves sont les mêmes dans
toutes les voyelles, elles sont loin d'avoir la même intensité.

La note fondamentale résonne toujours fortement. Cela
paraît naturel, quand on songe qu'elle ressort entre toutes
les autres au point de donner à elle seule l'impression de la
hauteur musicale. Il est donc à croire que si, dans les analyses
faites sur des courbes, elle se montre faible, la rigidité
de la membrane qui sert d'intermédiaire est en cause. De
fait, les membranes flexibles font ressortir les sons graves, et
les membranes rigides, les sons aigus ; de plus, les tracés
obtenus au moyen de l'Inscripteur électrique donnent une
bien plus grande importance à la fondamentale.807

Les autres notes composantes graves présentent des différences
de force qui frappent du premier coup. Un moyen
simple de les comparer, c'est, quand on en a trouvé la place,
d'émettre successivement sur le même ton chaque voyelle.

Voici les résultats d'une expérience faite d'après cette
méthode sur les voyelles de M. Lote :

I. Même force pour toutes les voyelles, peut-être un peu
plus grande pour é et í.

II. Force à peu près égale, sauf pour é qui est un peu plus
faible, pour í qui faiblit davantage encore, ainsi que ú.

III. Force égale pour á è ò œ̀ ; affaiblissement léger pour ó
œ́
, considérable pour é ú ú, plus grand encore pour í.

IV. Force égale pour á è à ; affaiblissement léger pour œ̀,
plus grand pour œ́, encore plus grand pour é et ó,
très grand pour í ú ú.

Toutes ces variations sont représentées d'une façon schématique
dans le tableau suivant, où ++ signifie très fort,
+ fort, – faible, –– très faible, ––– extrêmement faible :

tableau á | è | é | i | ò | ó | ú | œ̀ | œ́ | I. | II. | III. | IV.

La caractéristique, avec ce résonateur, ne peut être isolée
que si elle est grave et suffisamment éloignée des harmoniques.
Je l'ai remarquée pour á (1800) entre 1.600 et
2.000. En dehors d'elle, je n'ai reconnu la présence d'aucun
son non-harmonique grave ni sous-harmonique.

La recherche de la caractéristique et des autres notes
composantes aiguës se fait surtout bien avec le résonateur
universel moyen. Mais une difficulté se présente. La diminution
808que subit le 1er quart d'onde dans les résonances
s'applique-t-elle à tous les sons ? J'ai déjà remarqué que la
caractéristique semble échapper à cette loi (p. 784). Mes
nouvelles expériences et celles que M. Rigal vient de faire
d'une façon méthodique sur ses voyelles dites à une hauteur
uniforme (200 v. d.) réclament la même exception.
Ainsi M. Rigal fixe la caractéristique du son ú à 37.7
(= 226 v. d.), de son ó entre 19cm2 et 18 (= 457 en
moyenne), de son á à 9cm34 (= 914), de son é entre 4cm7 et
4,6 (= 1828), de son í à 2cm35 (= 3625). La concordance
de ces résultats avec ceux qui ont été obtenus au
moyen des diapasons (p. 786) est significative. L'oreille de
M. Thomson juge aussi comme si le quart d'onde n'était
pas diminué. Examinons ce fait de plus près. Dans ce but,
j'ai réuni les résultats des expériences de M. Rigal sur ses
voyelles (note fondamentale, 200 v. d., température 21°1/2),
sous deux séries harmoniques, l'une théorique (I) d'après
la longueur d'onde, l'autre expérimentale (II) d'après les
diapasons (p. 805). Voici ce qui ressort de cette comparaison.
Pour la fondamentale, il y a partage: 5 cas dans
chaque série. Du 2e au 4e son composant, l'avantage va en
croissant à la série II : 2e, 3 cas (I), 6 (II) ; 3e, 4 (I), 6 (II) ;
4e, 2 (1), 7 (II). Du 5e son composant au 7e, la série I gagne :
5e, 3 (I), 6 (II) ; 6e, 2 de chaque côté; 7e, 4 (I) et 2 un
peu faibles, mais plus près de la sérié I que de II (5cm8 de
longueur au lieu de 6,13 (I), ou de 5,1 (II). A partir du
8e son composant, il semble que toutes les notes concordent
avec la série théorique. Dans des cas favorables, l'oreille a une
impression conforme à celle-ci. Trois notes ont paru des
harmoniques tout à fait justes. Ce sont (je les désigne d'après
la longueur du tube) : 2cm87 (15e) et 6cm1 (7e), qui
parlent pour la série I et 7,8 (5e) qui plaide pour la série II.809

Je puis encore citer en faveur de la série I : 4cm8 (9e) qui
se reproduit 7 fois et n'a pas de correspondant dans la
série II Enfin, ce qui est concluant, nous retrouvons à la
même place, à 1mm près au plus, les sons les plus aigus avec
le petit résonateur, qui nous garantit la longueur entière du
quart d'onde. Je continue à attribuer la dualité de mesure
à l'influence du courant d'air (p. 784) : en dehors d'une
erreur de ton, les notes qui ne sont que des résonances, des
échos, se conforment à la IIe série ; celles qui sont le produit
direct du courant d'air, à la Ie.

Dans la pratique, le choix des mesures importe peu pour les
harmoniques graves jusqu'au 8e, qui sont assez distants les
uns des autres pour qu'on ne les confonde jamais. Quant aux
aigus, ils se retrouvent dans le même ordre dans les deux
séries. Mais le rang est changé et, avec lui, le nombre des
vibrations. Une concordance est facile à établir : le IXe son
composant de la IIe série correspond pour les dimensions
du résonateur au IIe de la Ire ; et, à la suite, X = 13,
XI = 14, XII = 16, XIII = 19, XIV = 20, XV = 21,
XVI = 23, XVII = 24, XVIII = 27, XIX = 30.

La caractéristique et quelques sons seulement semblent
être en dehors de la série harmonique, et encore ceux-ci
apparaissent-ils comme dépendant d'elle. Par exemple, dans
la série des voyelles de M. Rigal auxquelles je me réfère
plus volontiers qu'aux miennes parce que sa voix est plus
solide, la caractéristique est accompagnée de son octave aiguë
(á, ò, œ̀), de son 4e harmonique (ã).

Voici la schéma des sons composants des voyelles de
M. Rigal que j'avais mesurés suivant la IIe série. J'ai traduit
grossièrement par l'épaisseur des traits les différences
d'intensité que je tire des notes d'expérience, et je mets à
part les sons non harmoniques :810

tableau sons harmoniques | sons inharmoniques811

Les notes inharmoniques sont : á 914 et 1827 ; ò 790 et
1580 ; ó, 457 ; ú, 226 ; í 3635 ; œ̀, 912 et 1824 ; œ́ 665 ;
ã 865 et 3460 ; œ̃ 1860.

Les harmoniques supérieurs, si l'on transpose la série
d'après la longueur d'onde, paraîtront bien aigus (XX correspondant
alors à 33 (6.600 v. d.), XXII à 40 (8.000),
XXIV à 56 (11.200). Le petit résonateur ne garantit que
jusqu'à 6.200. Mais les petits sifflets de Kœnig de même
hauteur les rendent vraisemblables.

La fixité des caractéristiques apparaît hors de doute quand,
après avoir placé le piston a leur point de résonance, on
monte la gamme sur la voyelle, alors la résonance se fait
fortement sentir pour chaque note. Si l'on dépasse le registre
normal, pour entrer dans la voix de tête, la caractéristique
n'est que très peu haussée. Elle reste la même quand la
voyelle est chantée par des hommes ou par des femmes.
Pour l'ú, par exemple, c'est toujours si♭2.

Parmi les sons composants, il y en a qui se rapprochent
des notes propres de certaines autres voyelles. On s'en
aperçoit lorsque, renforcés par le résonateur, ils donnent à
l'oreille l'impression de la voyelle qu'ils caractérisent. Ainsi,
entendus à travers le résonateur universel, l'ú sonne un peu
comme i ou u à 3cm, comme un o aux environs de 10 et de
18cm, comme un u à 24 ; l'á paraît a ou ò un peu avant ou
après le point de sa résonance propre ; l'è prend aussi la
nuance d'un œ ; l'é celle d'un i, etc.

Le phénomène est très intéressant à étudier chez les
sourds incomplets. Quand leur oreille ne perçoit pas la
caractéristique d'une voyelle, mais seulement l'un de ses
sons partiels qui correspond à la caractéristique d'une autre
voyelle, c'est cette dernière qui est entendue et non celle
qui a été émise. De la sorte, un u peut être confondu avec
812i, u ; un e avec o ; toutes les nasales avec les voyelles pures
correspondantes.

Il se peut aussi que i'oreille s'habitue à reconnaître une
voyelle dans un composé sonore où la caractéristique ne
joue qu'un rôle insuffisant. Le fait se présente quand,
l'oreille d'un sourd ayant été améliorée pour cette caractéristique,
la voyelle cesse d'être entendue et demande, pour
être comprise de nouveau, une rééducation, qui, du reste,
n'est jamais longue 125.

Une oreille à laquelle on propose des sons étrangers est
à peu près dans les mêmes conditions qu'une oreille malade
à l'égard dune langue connue. Aussi n'est-il pas rare qu'elle
se trompe dans l'interprétation des voyelles, prenant pour
la caractéristique un des sons partiels qu'elle entend mieux.
C'est ce qui explique certaines confusions dans les mots
d'emprunts faits par voie populaire.

Les cavités sus-glottiques sont autre chose que des
chambres de résonance : elles sont la terminaison du tube
par lequel s'écoule la colonne d'air parlante. Et le rôle
qu'elles jouent en cette qualité est considérable. Le tableau
précédent (p. 811) l'a fait déjà pressentir.

Quand il s'agit d'un écoulement gazeux, les questions
qu'on se pose portent sur la dépense, le débit, la vitesse, la
pression, la forme et la composition de la veine fluide. Ce sont
aussi les questions que nous avons a examiner à propos du
souffle employé dans l'émission des voyelles. Nous réserverons
toutefois ce qui regarde la pression pour le paragraphe
consacré aux cavités sous-glottiques.

La dépense est le volume d'air employé pour une voyelle
813prononcée normalement sans qu'il soit fait un effort en
vue d'en diminuer ou d'en prolonger la durée. Je me suis
servi de cette donnée pour apprécier le travail relatif exigé
par mes voyelles 126. Mais on ne saurait y chercher un indice
du timbre ; car, si dans la prononciation naturelle des
voyelles isolées, les différences de hauteur et d'intensité
peuvent à la grande rigueur être écartées, celles de la durée
persistent, comme j'ai eu le soin de le faire remarquer 227, et
nuiraient à la comparaison qu'il s'agirait d'établir. La dépense
est surtout à considérer dans l'évolution des voyelles.

Le débit est le volume d'air dépensé pour une voyelle
dans l'unité de temps. Il dépend à la fois de la section et
de la forme des orifices de sortie (bouche et nez), de la différence
de densité entre le souffle et l'air atmosphérique,
où le souffle se répand, et de la pression. Comme aucune
voyelle ne dure une seconde, le débit ne sera pour nous
que la dépense mesurée pendant un temps donné et étendue
proportionnellement a la durée d'une seconde : c'est un
débit moyen.

La vitesse est celle que possède le souffle au moment où
il sort du tube vocal. La formule de la vitesse serait simple,
si l'écoulement se faisait dans le vide par un orifice étroit
percé en paroi mince : on n'aurait guère à tenir compte que
de la pression. Mais ce n'est pas le cas pour les voyelles.

On peut employer deux appareils pour mesurer la
dépense et le débit : le spiromètre et le tambour inscripteur.

Avec le spiromètre (p. 160), on n'obtient que la dépense
totale sans aucune indication sur la durée, la hauteur, l'intensité,
814le mode d'attaque, qu'il est nécessaire d'éliminer
pour déterminer le débit moyen. A l'aide d'un métronome,
on arrive grossièrement à compter le temps ; pour le reste,
on est obligé de s'en rapporter à son impression. Ce n'est
pas le seul inconvénient : l'appareil est peu sensible. Ce
gros soufflet, qui doit mettre en mouvement un triple
rouage, pour les hectolitres, les litres et les centilitres, exige
un certain effort initial : 10 centimètres cubes, par exemple,
d'air expulsés vivement au. moyen d'une seringue ne réussissent
pas à l'ébranler. Et l'on est en droit de se demander
si, une fois en mouvement (pour les petites quantités du
moins), il ne dépasse pas le but. Quand je m'en suis servi,
j'ai bien constaté qu'il se lançait à certains moments.
M. Roudet, après moi, a fait la même remarque 128. Cependant
nous n'avions aucun doute sur la valeur des moyennes
tirées d'un grand nombre d'expériences. Celles-ci en effet
concordent à peu près, soit que l'on mesure l'air émis pour
une voyelle isolée, soit que l'on divise la capacité pulmonaire
par le nombre de fois que cette même voyelle peut
être répétée avec l'air d'une seule inspiration.

Le tambour inscripteur fournit des résultats plus complets
et plus sûrs. Si l'on a eu soin de supprimer toute communication
avec l'atmosphère, chaque couche d'air qui arrive
dans la cuvette se superpose à la précédente et provoque
un nouveau déplacement de la membrane, chaque arrêt
dans l'écoulement gazeux se traduit par un arrêt dans le
mouvement du levier. On obtient ainsi un tracé où l'arrivée
de l'air est marquée par une courbe, l'arrêt par une
ligne droite. La dépense totale correspond donc à la plus
grande amplitude ; la dépense pour un moment quelconque,
815à l'ordonnée en fonction du temps ; les vicissitudes du débit,
à la direction de la courbe ; et le débit pour un instant
déterminé, à l'ordonnée correspondante diminuée de celle
qui la précède immédiatement (fig. 530 et 531).

L'expérience du reste est facile. Comme il s'agit d'inscrire
à la fois une voyelle et un déplacement d'air considérable,
on dispose deux tambours accouplés (p. 151), l'un
petit ou rigide, l'autre profond et élastique. On conduit
directement l'air de la bouche dans le petit tambour. Mais,
pour prévenir l'accumulation excessive du souffle dans le
grand et une trop forte pression dans la bouche et sur les
lèvres, avec les fuites inévitables qui en seraient la conséquence,
on met sur son trajet un vase à double tubulure
(p. 132). Il s'en suivra naturellement un désaccord dans
l'arrivée de l'air. La plume du grand tambour se trouvera
en retard sur celle du petit. Mais ce ne sera qu'une rectification
de plus à ajouter à celles qui sont indispensables
pour toutes les courbes de grande amplitude (p. 149). Au
reste, cette correction peut être faite une fois pour toutes :
quand les plumes ont été réglées comme à l'ordinaire, on
envoie brusquement dans l'appareil, le cylindre étant en
marche, une petite quantité d'air ; on mesure l'écart de
deux plumes et l'on reporte d'autant en avant celle qui se
trouve en retard. Cela fait, on met en mouvement le diapason,
qui, avec mes nouveaux enregistreurs, peut accompagner
toutes les expériences (fig. 528) et l'on inscrit
chacune de ses voyelles en appuyant bien l'embouchure
sur les lèvres, de façon à emmagasiner toute la colonne
d'air. Après chaque voyelle, on écarte l'embouchure pour
permettre à l'air de reprendre son équilibre. Il serait même
bon délaisser le cylindre achever sa révolution avant d'inscrire
une nouvelle voyelle.816

image

Fig. 528.
Nouvel enregistreur avec diapason et expérience préparée.

Le mouvement d'horlogerie est muni d'un régulateur à boules qui donne une vitesse déterminée
et reconnue uniforme. En desserrant la vis ou en introduisant au-dessous une petite
calle, on diminuerait le frottement et l'on augmenterait la vitesse.

La vitesse du mouvement d'horlogerie est multipliée par les engrenages, qui sont mobiles
sur l'axe du cylindre, et que l'on fixe par une vis. Ces engrenages, invisibles dans la figure,
sont près du point A. On peut rapidement faire passer le cylindre d'une vitesse à une autre.

Le cylindre est de grande dimension : 25cm de longueur et 63cm de circonférence.

Le chariot C est porté sur deux rails d'acier triangulaires et maintenu par deux brides
de réglage ; il est mû au moyen d'une vis, dont la spirale a 4cm d'écartement, par le même
mouvement que le cylindre ; enfin il est fixé sur le même bâti que le reste de l'appareil. De
la sorte, régularité de marche et stabilité sont assurées. Une tige porte le diapason, et un
portique reçoit les appareils inscripteurs.

La vitesse du chariot est réglée par deux poulies à gorges, qui sont calculées de façon
à donner des déplacements variant entre 7mm et 160mm.

Le diapason D. entretenu par une pile, inscrit synchroniquement avec les tambours.

La traverse du portique est mobile sur son axe et facilite le réglage des plumes, qu'un
excentrique permet d'écarter ou de rapprocher à volonté.

On peut, sans crainte de surcharger le chariot, lui faire porter toutes les tiges nécessaires
pour ménager la place. Les plumes du diapason et des deux tambours peuvent tenir dans
un espace de 7mm ; et l'on enregistre sans interruption 40 alexandrins.

Les organes inscripteurs sont : 1° le diapason ; 2° un tambour (2) pour le souffle nasal
recueilli dans les deux narines au moyen des olives NN : 3° deux antres tambours, un petit
(1), l'autre grand (3). qui reçoivent le souffle de la bouche.817

L'expérience terminée, et non avant (car l'opération
pourrait distendre les membranes), on jauge les tambours
d'après la méthode indiquée plus haut (p. 153)- Aujourd'hui
j'emploie à cet effet des seringues à injection que
j'ai contrôlées et corrigées avec soin.

La mesure des déplacements de la membrane est portée
en ordonnée ; celle du temps, en abcisses (fig. 531). Et,
dans les courbes ainsi encadrées, on peut non seulement
suivre instant par instant le débit et ses variations, mais
encore apprécier la quantité, la hauteur, l'intensité, le
mode d'émission, s'assurer que l'on a bien éliminé toutes
les influences étrangères au timbre, et faire dans des
voyelles d'inégale quantité des coupes d'égale longueur,
sans qu'il soit nécessaire, pour les comparer, de les enfermer
toutes dans une même durée.

Il serait à souhaiter qu'on pût mesurer la dépense à
l'aide d'un simple manomètre à eau ou à mercure. La
chose n'est pas impossible. On arrive facilement à mesurer,
par exemple, le volume d'air qu'une seringue envoie
dans un manomètre : il est égal à la colonne déplacée
augmentée du poids de celle-ci. Le piston de la seringue
supporte aisément la pression qui en résulte. Malheureusement
il n'en est pas de même de la bouche. La pression
devient bien forte, l'articulation très pénible et la mesure
bien difficile à établir. Mais on peut se servir de ce moyen
pour montrer la différence de dépense entre deux voyelles.

M. Roudet a fait avec le spiromètre, sur le débit moyen de
l'air dans la production de ses voyelles u ó o á a è e é i, une
étude très consciencieuse et très intéressante, dont la conclusion,
pour ce qui regarde le timbre, est que plus l'orifice
buccal est fermé, plus le débit est grand
129, ainsi qu'on peut
818le voir dans le diagramme que je lui emprunte (fig. 529). Ce
sont là les moyennes de 250 expériences faites par séries de
10, chaque voyelle ayant été articulée successivement sur
la note pendant une seconde et avec une intensité
autant que possible constante.

image centilitres | débit moyen

Fig. 529.
Débit moyen suivant le timbre des voyelles.

Afin de parler de la matière avec compétence, je viens de
faire des expériences sur mes voyelles avec le tambour et
le manomètre. Je me suis d'abord servi d'un seul tambour,
puis de deux, où l'air arrivait directement ; enfin j'ai interposé
sur le parcours une bonbonne de 50 litres et des bouteilles
de 5 litres 1/2 et de 10 litres. La communication directe
de la bouche avec les tambours est à rejeter : il y a eu perte
du souffle (fig. 530), et les résultats que j'ai obtenus sont
inférieurs à la réalité. Il en a été de même avec le manomètre,
819pour la même raison. La bonbonne de 50 litres est
excellente pour contrôler le résultat final : l'accumulation de
l'air, en effet, y est impossible ; mais le début de la courbe
est altéré par une trop grande résistance. La bouteille de

image

Fig. 530.
Tracé du souffle pris directement suivant le dispositif représente par la figure 528.

B1 Souffle inscrit par le petit tambour.
B2 Souffle inscrit par le grand tambour.
N Souffle recueilli dans le nez à l'aide de deux olives.
Les tranches sont de 3 centièmes de seconde. Les lignes de construction établissent le
rapport entre l'amplitude de la vibration et le débit.
Le début, au moins pour la 1re tranche, est excellent. Mais il y a eu écoulement de l'air en
dehors de l'appareil à partir de la 6e tranche et compression dans les tranches précédentes,
sauf la 1re et peut-être la 2e.

5 litres 1/2 va bien pour le commencement, mais elle est
insuffisante à la fin ; celle de 10 litres a été bonne jusqu'au
bout.

Je reproduis, à titre d'exemple (fig. 531), le tracé de la
voyelle é obtenu avec interposition de la bouteille de
5 litres 1/2, un petit tambour (15mm de diamètre) et un820

image

Fig. 531.
Mesure du débit de l'air comparé avec la hauteur et l'intensité.
Voyelle e.

G. Tracé du grand tambour donnant la mesure du débit.

P. Tracé du petit tambour donnant les vibrations de la voyelle. — Echelle proportionnelle
du débit, à gauche. — Echelle du temps (D. Diapason de 200 v. d.).

Comme les imperfections du trait ne permettent aucune mesure précise sur la figure, je
relève les dimensions de chacune des vibrations de D et de P, qui correspondent aux abcisses,
telles qu'elles ont été prises au microscope sur l'original. Les vibrations de D ont 0mm56
de longueur ; celles de la voyelle ont, suivant l'ordre des tranches :
tableau Longr | Ampl.

D'où l'on tire :

La hauteur. — La vibration du diapason ayant 0mm56 pour 1/200 de seconde, le tracé
d'une seconde serait de 112mm. On divise ce nombre par la longueur de chaque vibration
et l'on obtient en vibrations doubles :
tableau

L'intensité (p. 7), qui peut être exprimée ici, en attendant une détermination plus juste qui
sera indiquée plus loin, par le rapport a/l, a étant l'amplitude de la vibration. l, sa longueur.

Si l'on multiplie ce rapport par 100 (il n'en sera pas changé), on obtient un chiffre
voisin de l'amplitude ; et l'on peut le substituer à celle-ci comme expression de l'intensité (i)
qui devient :
i = a/l × 100821

grand (diam. 45mm, prof. 10 mm, caoutchouc mince ; paille
collée sur la membrane à partir du milieu jusqu'au bord,
long. 155mm). Quand j'ai choisi ce tracé, je croyais pouvoir
attribuer la dépression qui se montre vers la fin à une
sortie de l'air par le nez ; mais l'expérience représentée
(fig. 530, N) montre qu'il n'en est rien, et des tracés nouveaux,

image

Fig. 532.
Courbe réelle du débit.
Voyelle e.

Cette courbe est construite d'après les mesures prises dans la figure précédente.

pris avec interposition de la bouteille de 10 litres,
prouvent l'insuffisance de l'appareil adopté. Je me contente,
pour m'épargner un travail assez long et, dans le cas présent,
tout à fait inutile, de corriger la partie défectueuse de la
courbe d'après des tracés plus exacts. Les corrections
indispensables ont été faites ; la courbe de la dépense et du
débit (G) a été rectifiée en pointillé ; le temps a été partagé
par fractions de 5 centièmes de seconde ; l'échelle des valeurs
822numériques (en centimètres cubes) pour les amplitudes a
été mise à sa place : l'œil peut donc suivre sans peine la
marche du débit, à condition toutefois qu'il soit tenu compte
des inégalités de l'échelle causées par l'inertie du tambour
et la compression de l'air. Il est facile, du reste, d'écarter
cet embarras, en construisant, d'après une échelle à degrés
uniformes, la courbe réelle du débit (fig. 532).

Mais, comme les chiffres parlent peut-être mieux encore,
j'extrais de la figure 531 le tableau suivant, où on lira la
dépense et le débit moyen, en A pour des tranches partant
toutes de zéro et s'allongeant successivement de 5 centièmes
de seconde, en B pour des tranches de 5 centièmes de
seconde chacune :

tableau A | B | numéros d'ordre des tranches | temps en centièmes de seconde | dépense en c. c. | débit moyen en 1 sec. c. c.

Le débit moyen s'obtient pour A en ramenant la dépense à 1 centième de seconde et en
multipliant par 100 ; pour B. en multipliant la dépense par 20, chaque tranche étant 1/20
de la seconde.

Ce qui frappe du premier coup dans ce tableau, c'est
l'insuffisance d'un seul chiffre pour représenter le débit
823moyen. De 80cm3 au bout du 5e centième de seconde, celui-ci
arrive à 205 au 20e, pour retomber progressivement à 148
avec le 50e (A). C'est que l'écoulement a été fort entre le
10e et le 20e centième de seconde, où il atteint 240cm3, et
qu'il est passé ensuite brusquement à un chiffre variant
entre 160 et 100, qui s'est maintenu pendant 20 centièmes
de seconde (B). Le début paraît caractérisé par une faible
dépense ; mais il faut tenir compte de la résistance introduite
par le vase interposé (comparer avec la figure 530).

Le rapport du débit avec la hauteur musicale et l'intensité
s'établit au moyen du tracé (P) du petit tambour.
Mais, pour que la comparaison puisse se faire, nous devons
auparavant réduire la moyenne du débit, donné plus haut
pour une seconde, à la durée de la vibration considérée dans
chaque tracé. Par exemple, une vibration de la seconde
tranche avant duré 1/164,7 de seconde, le débit moyen de cette
tranche (260cc) sera divisé par 164,7. Cette opération faite,
la hauteur et l'intensité étant connues (voir la légende de
la figure 531), nous trouvons, pour les vibrations correspondant
aux abcisses, les relations suivantes, la hauteur
étant exprimée en vibrations doubles, le débit en centimètres
cubes, et l'intensité en millimètres :

tableau débit p. 1 vibr. | intensité

Remarquons les rapports concordants des tranches 7 et 2,
surtout 8 et 4, qui, pour le débit moyen et l'intensité, vont
à peu près du simple au double, confirmant ainsi l'ensemble
des calculs. J'ai assigné à la 1re tranche pour le débit
moyen, non le chiffre notoirement insuffisant (0,482) que
824fournit le calcul, mais la mesure de la dernière vibration
(comparer la figure 530) qui lui appartient en réalité.

C'est seulement lorsque toutes ces données ont été réunies
que l'on peut aborder avec sécurité la comparaison du
débit et du timbre, et encore on ne pourra comparer entre
elles que les tranches de même rang, de même hauteur et
de même intensité. Pour les autres (et ce seront les plus
nombreuses, comme nous le verrons bientôt), on sera obligé
de baser la comparaison sur le débit moyen calculé pour
un d'intensité (d/i), le débit divisé par l'intensité, soit pour
la voyelle que nous étudions :

tableau

Sans tenir compte de la 9e tranche que cette dernière
opération rend suspecte, nous voyons que l'efficacité du
courant d'air s'est manifestée surtout dans le milieu de la
voyelle, alors que l'organe a acquis son équilibre. C'est, en
effet, à ce moment que le tant pour un d'intensité a été
le plus faible. Au commencement et à la fin, il faut
plus d'air pour le même travail, la glotte se fermant dans
le premier cas, et commençant à s'ouvrir dans le second
pour prendre la position respiratoire. Un afflux d'air plus
considérable doit alors compenser le relâchement organique.
C'est ce qui explique en même temps comment à un
même timbre, à une même durée et à une même intensité
peuvent correspondre des débits d'air différents. Il est donc
nécessaire, pour éliminer sûrement toutes les influences
étrangères au timbre, de multiplier les expériences et dans
des conditions à peu près identiques 130, car la dépense de l'air
825n'est pas la même, comme je l'ai déjà fait observer, par
exemple, quand on est debout ou assis, qu'on est resté
chez soi ou qu'on revient de promenade, etc.

Ces principes posés, je n'irai pas plus loin, et je m'en
tiendrai à la conclusion de M. Roudet, qui me paraît confirmée
en gros par mes propres expériences. La chose est à
reprendre à loisir. Qu'il me suffise d'avoir indiqué la méthode.

La vitesse de la colonne d'air est bien difficile, sinon
impossible, à mesurer directement, en raison des conditions
complexes, de milieu, de voies d'écoulement et de
pression dans lesquelles se produit le phénomène. Cependant

image A | B

Fig. 533.
Courbe de la vitesse.

A. Courbe construite d'après la figure 531.
B. Croquis fait, vibration par vibration, d'après la figure 530.

on peut la reconnaître par des moyens détournés et d'une
façon suffisante pour établir des comparaisons très instructives,
même quelques valeurs absolues.

Ainsi, avec la courbe du débit (fig. 531 et 532), on
construit une courbe de la vitesse (fig. 533, A), dont les
ordonnées sont égales aux différences o 1, a 2, b 3, c 4, etc.
(fig. 532). Des corrections seraient suggérées pour la
1re tranche par le croquis B, si l'attaque était la même dans
les deux cas. Quant à la fin de la dernière tranche, elle a
été arrêtée conventionnellement à zéro, le souffle phonateur
à ce moment étant nul.826

Il y a une autre façon d'enregistrer la colonne d'air. Au
lieu d'envoyer l'air en vase clos et de procéder à voie fermée,
comme il a été fait plus haut, on peut inscrire à voie ouverte,
en maintenant le tambour en communication avec l'atmosphère
pendant qu'il reçoit le jet. Dans ce cas, il est
affecté par la vitesse. Cela se conçoit et se démontre facilement
pour des volumes égaux s'écoulant dans des temps
inégaux, par conséquent avec des pressions variables.

Disposez en face et à quelque distance du tambour la
canule d'une seringue ; chassez l'air contenu dans celle-ci.

image α | β

Fig. 534.
Tracé d'un jet d'air.

α Air expulsé lentement,
β Air chassé avec force.

Si vous le faites très lentement, l'air expulsé se répandra
dans l'atmosphère sans influencer la membrane ; si vous
agissez avec un peu plus de force, vous obtiendrez un tracé
de peu d'amplitude et très allongé (fig. 534, α) ; mais, si
vous poussez le piston vivement, votre plume tracera une
courbe (β) d'autant moins longue et se rapprochant d'autant
plus de la verticale, que la vitesse imprimée à la colonne
d'air aura été plus grande. Vous pouvez renouveler l'expérience
en fixant au tube de votre tambour une olive
nasale, par exemple, dans laquelle vous introduirez le bout
827de la seringue ; et le résultat sera à peu près le même. Or
c'est justement d'une façon analogue que nous procédons
dans l'inscription de la parole. Les tracés aigus représentent
donc des colonnes d'air animées d'une grande vitesse,
comme, par exemple, celles des occlusives. Ceux au contraire
qui ne quittent guère l'horizontale, comme les courbes
des voyelles, répondent a des courants d'air plus lents.

Mais qu'arriverait-il si, le volume d'air et la durée d'émission
restant les mêmes, les dimensions de l'ajutage étaient
changées ? Il y aurait alors forcément compensation du côté
de la pression (qui devrait croître à mesure que l'orifice
diminuerait), la vitesse augmenterait et le tracé deviendrait
plus ample. C'est, en effet, ce qui arrive pour des jets d'air
de petits volumes, comme ceux de 50 ou 100 centimètres
cubes par des ajutages de 2mm3, 1mm8 et 1mm de section,
mais non pour 150cc, car la résistance du milieu devient
alors appréciable. Des expériences que j'ai faites avec ma
seringue et le dispositif préparé pour prendre la courbe de
la vitesse de l'air dans les voyelles que je décris ci-dessous,
j'extrais les chiffres suivants :

50cc ; ajutage, 2mm3 ; somme de 12 ordonnées, 15mm3
——1mm — 19,6
100cc — 2,3 — 54,4
——1,8 — 58,7
——1 — 65,
150cc — 2,3 — 114,1
——1,8 — 108,16
——1 — 83,4

Je ne crois pas que cette difficulté doive nous empêcher
de considérer comme correcte la courbe de la vitesse prise
à voie ouverte. Nous essaierons donc ce procédé.828

Mais pour rendre sensibles, avec toute la précision désirable,
les changements de vitesse de la colonne d'air, il est
indispensable que le souffle exerce sur la membrane des
poussées successives, qui ne s'additionnent pas, et que,
par conséquent, il ne puisse, à aucun moment, s'accumuler
dans l'appareil. Il ne suffit pas pour cela de tenir l'embouchure
éloignée de la lèvre supérieure, ni de ménager une
voie d'échappement en avant du tambour. Même une

image

Fig. 535.
Vitesse de la colonne d'air.
Voyelle inscrite à voie ouverte.

B3 Air inscrit par le petit tambour.
B2 Air inscrit par le grand tambour.
Les lignes de construction permettent de comparer la vitesse d'écoulement de l'air (B3
avec l'intensité et la hauteur musicale (B1).
Le tracé est divisé en tranches de 5 centièmes de seconde.

interruption complète du conduit serait inefficace, à moins
que la distance entre le tube d'arrivée et l'orifice du tambour
ne fût assez grande ; cependant une couche d'air de
37mm, ainsi interposée, ne donne que des résultats médiocres.
Le meilleur procédé, et le plus simple, c'est de parler dans
une embouchure appliquée sur les lèvres et percée dans le
fond d'un ou deux trous, que l'on fait plus ou moins
grands, de façon que l'air circule librement et que l'amplitude
des tracés du petit tambour soit pourtant suffisante.829

C'est suivant cette méthode que M. l'abbé Rigal a inscrit
quelques-unes de ses voyelles : a à è e é í i á ò ó ú ú. Il a
ensuite mesuré, sous le microscope, les vibrations distantes
de deux centièmes et demi de seconde et, à la loupe, les
ordonnées correspondantes de la courbe de l'air. Voici, à titre
d'exemple, les tableaux de l'á et de l'ú :

tableau rang des tranches | á | ú | mesures de la vibration | intensité | vitesse de l'air | hauteur musicale830

Des quantités mesurées, on peut tirer les éléments d'une
comparaison entre la hauteur, l'intensité et le timbre des
diverses voyelles avec la vitesse du courant d'air employé
pour chacune.

En face du numéro d'ordre, on lit, en millimètres, la longueur
(l) et l'amplitude (a) moyennes des deux dernières
vibrations de la tranche correspondante, puis le symbole de
l'intensité (i) ou le quotient de l'amplitude par la longueur
multiplié par 100 (a/l × 100), la mesure de la vitesse de l'air
(v) ou de l'ordonnée de la courbe, et la vitesse pour un
millimètre d'intensité (v/i) ou le quotient de l'ordonnée
par l'intensité, enfin la hauteur musicale en vibrations
doubles.

Pour rendre plus sensible, dans le tableau, la répétition
de certains nombres, je les ai remplacés par un trait (–).

La première tranche et les deux dernières se dénoncent
d'elles-mêmes comme subissant des influences particulières :
celles du mode d'attaque et de la finale. La différence entre
la 1re tranche de l'á et celle de l'ú tient à ce que l'attaque a
été faible pour l'un et forte pour l'autre. La finale a de même
varié pour chacune des deux voyelles. Dans l'une et dans
l'autre, nous constatons, à l'accroissement du courant d'air,
le mouvement de détente qui précède la prise de position
respiratoire ; mais ce relâchement, faible pour á, a été considérable
pour ú, si bien qu'il a fallu, pour celui-ci, une
émission considérable de souffle pour rétablir l'équilibre
vocal compromis.

Des variations analogues dues à des variations de tension
se remarquent dans une même voyelle. Ainsi, pour á, la
glotte a été moins resserrée à la tranche XXIII qu'à la Ire,
puisque l'intensité est à peu près égale et que la vitesse du
831souffle passe de un à deux. Au début, les cordes vocales se
tendent et le courant d'air diminue ; vers la fin, elles se
relâchent et le courant d'air augmente. C'est que nous
pouvons observer pour á comme pour ú. L'á a pris, pour
0,40 d'intensité, 4,8 d'air (III), et seulement 3,8 (XVI) ;
pour 0,31 environ d'intensité, 2,9 d'air (VIII), mais 3,3
(XXII). De même, l'ú a dépensé, pour 0,52 d'intensité,
8 d'air (VI et XVI), mais 8,6 (XVIII).

On conclura de là que les rapprochements entre les
diverses voyelles exigent de grandes précautions et que le
plus sûr est d'écarter les tranches du début et celles de la fin.

De la comparaison des voyelles á et ú tranche à tranche,
il ressort que, sauf pour la IIe, le rapport de la vitesse de
l'air et de l'intensité (v/i) est toujours plus élevé pour la
seconde que pour la première. Et, si nous entrons dans le
détail, nous voyons par exemple que, pour une intensité à
peu près identique (0,4545 et 0,46), l'á se contente de 4
d'air et que l'ú en réclame 8, en sorte que pour 1 d'intensité
l'á a reçu 8,8 d'air et l'ú 17,4. Il n'est donc pas douteux que
le courant d'air ne soit plus rapide pour ú que pour á.

Nous pouvons encore, pour faciliter la vue d'ensemble,
diviser les voyelles en 4 parties à peu près égales ; et, après
avoir éliminé les tranches suspectes, faire la moyenne des
autres pour chaque groupe. Nous obtenons ainsi :

tableau á | ú | tranches832

Il apparaît du premier coup d'œil que, dans une voyelle, la
portion qui semble le mieux en exprimer la nature, c'est le
second quart : le courant d'air, en effet, est alors le moins
influencé par des causes accidentelles, puisque, comme le
montre la comparaison de (a/li × 100) avec (v/i), il produit
le maximum d'intensité.

En appliquant ce procédé aux autres voyelles enregistrées
par M. Rigal et en se bornant à comparer les moyennes
du rapport(v/d), la longueur de la vibration ayant été négligée,
on trouve que la vitesse du courant d'air va en croissant
de a (6,3) à e (6,9), é (9, 6), i (14), í (14,7) ; à á
(7,5), ò (8,6), ú (15,3) ; à ù (16,5). Sont en dehors des
séries l'á que nous avons analysé (9,9), è (5, 9), ó (6,9).

Mais, comme nous l'avons déjà remarqué (p. 831), un
seul tracé ne suffit pas pour établir une conclusion certaine,
les variations dans le courant d'air pouvant n'avoir d'autre
cause que le besoin de compenser des défaillances dans le
travail laryngien. C'est pourquoi je recours à d'autres
expériences faites par M. l'abbé Rigal avec deux tambours
accouplés, l'embouchure simplement écartée de la lèvre
supérieure. Quoique cette précaution n'ait pas suffi, puisqu'il
y a eu accumulation d'air dans l'appareil à la fin de
chaque voyelle, les tranches V et VI paraissant assez correctes.
Je donne (p. 834) la moyenne pour l'amplitude (a) et
la vitesse de l'air (v) ainsi que leur rapport (v/a) d'après les
mesures de M. Rigal, et j'indique, dans une colonne spéciale,
le nombre des tracés pris pour la même voyelle.

Trois voyelles sortent des séries régulières ; ce sont ò à
et œ̀, mais il n'y a guère à en tenir compte ; car elles ne
sont pas naturelles à M. Rigal, et puis l'expérimentateur
833était gêné par l'embouchure qu'il aurait fallu modifier
pour lui.

tableau voyelles | nombre de tracés | amplitude | air | v/a

Nous pouvons donc croire que la vitesse de l'air croît
avec le degré de fermeture de la voyelle, et qu'elle peut
être utilisée comme indice du timbre.

Il nous reste encore un pas à faire : trouver non plus seulement
des relations de vitesse, mais la vitesse elle-même
d'une façon plus ou moins approchée. Nous connaissons la
dépense, le temps d'écoulement, la courbe de la vitesse ; il
nous reste à dégager une dernière inconnue, la dimension
834de l'orifice. Recourons à une nouvelle expérience. Si nous
prenons avec une seringue la quantité d'air voulue, si nous
l'envoyons dans l'appareil, qui a donné la courbe de la
vitesse, dans le temps voulu, et que nous reproduisions la
courbe de la voyelle, la section de la canule est forcément
équivalente à celle de l'orifice phonétique, à la condition
toutefois que, dans les deux cas, la pression ait été la
même. Introduisons donc, au moyen d'un tube en Y, un
manomètre à eau entre l'embouchure et le point de bifurcation
du conduit pour les deux tambours. On lira sur le
manomètre la pression à laquelle le souffle émis pour la
voyelle fait équilibre, et l'on réalisera une pression égale
en expulsant l'air hors de la seringue. Dans ce cas, si
la somme des ordonnées de chacune des deux courbes est
égale, la section de l'ajutage donne approximativement
l'aire de la partie libre de la glotte. Pour que l'expérience
soit aussi exacte que possible, on fera successivement et
sans retard les opérations suivantes : 1° inscription de la
voyelle à voie fermée, de préférence avec la bonbonne de 50
litres ; 2° tare de l'appareil ; 3° inscription de la même
voyelle à voie ouverte (p. 829), avec interposition d'un
manomètre ; 4° reproduction de la courbe obtenue, avec
la quantité d'air indiquée par la 1re opération et la pression
employée dans la 3e. On renouvelle plusieurs fois
les tracés pour être sûr d'en rencontrer qui soient comparables
entre eux. La 4e opération se fait avec le même
dispositif que la 3e, avec cette seule modification que
l'entrée de l'embouchure est fermée hermétiquement par
un bouchon muni d'un tube auquel on fixe la seringue.

Je rapporterai, à titre d'exemple, une ou deux des
expériences que j'ai faites comme essais. Pour un à prononcé
avec force, j'ai dépensé 150cc pendant une durée de
83557 centièmes de seconde, avec une pression de 2cm1/4 ; la
somme de 12 ordonnées a été de 111mm2. Or avec 150cc
d'air à la même pression, j'ai produit une courbe de même
durée dont les 12 ordonnées ont donné la somme de 112,3.
D'où je conclus que l'orifice de la flotte, pendant l'émission
de l'á, a dû correspondre à celui de la canule, qui était
de 1mm8 de section, soit de 2mm254. Pour le même á
émis également avec 150cc d'air, mais à une pression de
1cm3/4, j'ai eu pour 12 ordonnées 105mm2, et pour la
courbe artificielle 105mm9. La section de la canule était de
2mm3, ce qui fait supposer une ouverture pour la flotte de
4mm224. En attribuant à mes cordes vocales une longueur
moyenne de 22mm, cela fait une fente d'environ 1 dixième
de millimètre dans le premier cas et de 3 dans le second.
Nous avons donc eu une colonne d'air de 59m de longueur
pour le 1er á, et une de 35m pour le 2e, qui ont passé par
la glotte en 57 centièmes de seconde, c'est-à-dire avec une
vitesse pour l'un de 104m, pour l'autre de 61m à la seconde.
Avec cette vitesse comme étalon, on peut déduire approximativement
celle des autres voyelles.

En dehors des tracés qui visent à une haute précision,
ceux même qui sont pris sans autre but que de reconnaître
la place des voyelles, par exemple (fig. 539), avec l'embouchure
imparfaitement appliquée sur les lèvres, font bien voir
que dans le majorité des cas la vitesse croît avec le débit,
et augmente progressivement dans les séries a è e é i í, á
ò o ó u ú
, œ̀ œ œ́ u ú.

Des moyens simples et à la portée de tous peuvent être
employés pour montrer le phénomène : par exemple, une
sarbacane d'enfant. Une petite boule de pain, pétrie entre
les doigts et introduite dans le tube de verre, que l'on
saisit avec les lèvres, est projetée plus ou moins loin suivant
836le timbre des voyelles prononcées : plus loin quand
les voyelles sont fermées, moins loin quand elles sont
ouvertes, l'a occupant la situation moyenne dans le système.
Mais il est difficile de régler l'émission du souffle, et par
conséquent d'arriver à des mesures constantes.

Un appareil bien meilleur est un petit anémomètre que
je viens d'improviser : il est fait d'une carte de visite traversée
par un fil très fin faisant l'office d'un axe, les deux
côtés de la carte formant des ailettes. On fixe le fil par les
deux bouts, ou bien on le tient entre les doigts, un petit
poids le maintenant dans la position verticale. Quand on
émet les voyelles directement devant l'une des ailettes,
l'appareil est ébranlé faiblement par á et a ; il se met en
rotation avec une vitesse croissante pour les voyelles des
deux séries ò o ó u ú, œ̀ œ œ́ u ú ; il est ébranlé plus fortement
pour è et se met à tourner lentement pour e, un peu
plus fort pour é i í, mais sans atteindre la vitesse qu'il
acquiert dans les autres séries. C'est que le jet d'air s'éparpille
dans celle-ci. Pour faire la comparaison entre les trois
séries, il suffit de conduire tout l'air, recueilli par une
embouchure, dans un tube fixé en face d'une des ailettes.
Chacune de mes voyelles, tenue 10 secondes, donne comme
nombre de tours :

tableau

L'appareil est juste, la torsion du fil l'empêchant de
se lancer ; et les tours sont très faciles à compter, car
837chaque fois que le biseau de la carte passe devant le tube,
il se produit un léger bruit. On compte au son, les yeux
fixés sur la montre.

J'avais pensé qu'en recevant le souffle sur un thermomètre
très sensible, on trouverait dans le refroidissement plus ou
moins rapide du jet d'air un indice de sa rapidité. Mais le
phénomène est complexe : il faut tenir compte de l'éparpillement
du jet, et, quand il est réuni en un seul faisceau,
du volume. Voici les moyennes d'expériences faites par des
températures de 10 degrés sur mes voyelles tenues pendant
5 secondes, le thermomètre étant placé à l'ouverture
des lèvres et ayant été chaque fois ramené à 10° :

tableau

La différence de température entre á et les o, a et les œ
peut s'expliquer par une différence de vitesse dans le souffle ;
mais l'abaissement progressif de la température entre ó et ú,
œ́ et ú, œ et i ne peut avoir pour cause que la dispersion du
filet gazeux dans la bouche (cf. fig. 359 et 360).

Nous pouvons enfin, par une synthèse, confirmer les données
recueillies jusqu'ici et montrer le rôle important que le
débit et la vitesse du souffle jouent dans les changements
de timbre. Reproduisons schématiquement avec des pièces
de verre les dispositions du tube vocal. On se rappelle qu'il
est placé en haut d'un tube cylindrique, la trachée, et
qu'il se compose de nombreuses cavités et d'un ou deux
838orifices de sortie. Les cavités sont : 1° le ventricule du
larynx (fig. 94, 3 ; 95 A ; 99, 20) ; 2° la cavité sous-épiglottique
(fig. 99, 17) ; 3° le pharynx buccal (fig. 99, C′)..
— nous négligerons le pharynx nasal avec des cavités qui
ouvrent dans le nez (fig. 107) ; — 4° la bouche, qui peut
être divisée par la langue en deux cavités. L'orifice de sortie
buccal peut être constitué par la langue et la partie
antérieure du palais (voyelles linguales a e i) ou par les
lèvres (voyelles labiales o u, œ u). Les cavités sont remplacées
par des boules de verre (fig. 536, A), ou deux entonnoirs

image A | B | C

Fig. 536.
Pièces employées pour le tube vocal schématique.

colés ensemble ; les orifices, par un entonnoir (B) ou
une pièce se terminant en cône tronqué (C). On souffle dans
l'appareil à l'aide d'un tube de caoutchouc assez long pour
porter l'orifice de sortie à l'oreille. Or, avec 3 ou 4 boules
(3cm de diam.) reliées en chapelet, la dernière communiquant
avec l'atmosphère par un tube étroit (dispositif de l'u), on
obtient au moyen d'un souffle très léger ó, et en augmentant
la force du souffle u, puis ú. Avec 3 ou 4 boules
et un grand entonnoir (7cm de diam.) enveloppant l'oreille
(dispositif de l'a), on fait entendre, si l'on souffle très légèrement,
á, et plus fort ó. Avec les mêmes boules et un entonnoir
très petit (25cm de diam.) appliqué sur l'oreille (dispositif
839de l'i), un souffle très faible produit un a un plus fort é,
un autre très fort i. Enfin, en remplaçant l'entonnoir par la
cavité de même diamètre que les boules ayant la forme de
deux cônes réunis par la base et dont le second serait tronqué
(C), on a avec un souffle très léger œ̀, puis en l'augmentant
de plus en plus œ́ et ú. On peut faire d'autres combinaisons.
Par exemple : 2 petites boules, 2 plus grosses (35mm de
diam.) et un entonnoir (même diam.) avec un souffle fort
produisent un fort bel ú, avec un souffle modéré un u
moyen. Ce qui importe, c'est ce fait qu'une modification
dans le débit et la vitesse du souffle, seule, suffit pour amener
des changements de timbre, et qu'une augmentation
progressive du souffle donne l'impression d'une voyelle de
plus en plus fermée.

Forme et composition de la colonne d'air.

Forme et composition de la colonne d'air. — Pour bien
comprendre la forme et la composition de la colonne d'air
employée dans la production des voyelles et se faire une
idée des sons qui peuvent prendre naissance aux différents
niveaux du tube vocal, le meilleur est peut-être d'observer
la façon dont un jet d'air coloré par la fumée de tabac se
comporte dans des cavités de verre 131, et d'écouter le bruit
qu'il produit. Nous examinerons six cas en allant du
simple au composé :

L'air est poussé à travers un tube cylindrique (1cm de
diam.). Doucement, il s'écoule sous la forme d'un cône
très allongé, qui tend à se rapprocher du bord inférieur et
fait de légers tourbillons à la sortie ; fort, il prend la forme
du tube, les filets du centre restant toujours les plus rapides,
puisqu'une petite flamme est éteinte au centre et qu'elle
840reste allumée sur les bords. — Bruit : seulement à l'extrémité
du tube.

L'air s'écoule à travers l'ouverture évasée (7cm de
diam.) d'un entonnoir où l'on souffle par le petit bout.
Doucement : le jet coloré tourbillonne et s'enroule en se
rapprochant des bords d'une façon capricieuse. Fort : les
tourbillons sont moins enroulés, le jet se rapproche du
centre. Dans les deux cas, une petite flamme reste allumée
au centre ; elle est éteinte dans le voisinage des bords à des
points variables. — Bruit : sur les parois, aigu ; à la sortie,
plus fort et plus grave.

L'air traverse une cavité formée de deux entonnoirs
semblables au précédent, collés ensemble ; il entre et sort
par deux tubes cylindriques. Doucement : l'air va s'accumulant
en bas de la cavité et revient en tourbillonnant pendant
qu'une partie s'échappe par l'ouverture. Fort : mêmes
mouvements, mais les tourbillons sont très rapides. —
Bruit : faible et grave sur la paroi d'entrée, fort et aigu
sur celle de sortie, plus fort et plus aigu à l'orifice.

Tube formé d'une partie cylindrique, de deux boules
(3cm1/2 de diam.) séparées par un tube de 15mm, et d'un
petit entonnoir de même diamètre. On souffle par le petit
bout. Doucement : l'air s'accumule en tourbillonnant dans
la moitié inférieure de la 1re boule, puis il passe dans la
seconde où il fait aussi des tourbillons, qui paraissent moins
rapides ; il sort en éventail. Fort : mêmes mouvements
avec de violents tourbillons. — Bruit : faible et grave dans
la 1re boule, plus fort et plus aigu dans la seconde, plus
fort encore et encore plus aigu à l'embouchure.

Tube formé d'un chapelet de petites boules (3cm de
diam.) et terminé par un entonnoir de 2cm1/2. Les mouvements
de la fumée sont les mêmes que précédemment.
841Le bruit va toujours en croissant en force et en acuité à
mesure qu'on se rapproche de l'orifice de sortie, où il est
plus aigu pour 5 boules que pour 4, pour 4 que pour 3.

Si l'air qui traverse les tubes est animé par une lame
vibrante interposée sur son parcours, aucune différence
n'apparaît dans la composition de la colonne d'air ni dans
le son propre.

Il est permis de supposer que le souffle se comporte dans
le tube vocal à peu près de la même façon. Voyons si
cette hypothèse est vérifiée par l'examen direct.

Les figures phonéidoscopiques de M. Guébhard (p. 157-159)
représentent l'état de la colonne d'air au sortir de la
bouche seule, ou de la bouche et du nez. La simple vue
de ces figures permet de juger de la forme de l'orifice et de
la composition du faisceau gazeux, tantôt éparpillé
(voyelles non labiales), tantôt réuni (voyelles labiales).
Bien plus, des nuances délicates se distinguent aisément.
J'ai sous les yeux les schémas que M. Matzké a tracés de
ses voyelles d'après l'image du miroir de mercure, au Collège
de France ; et j'en relève, à titre d'exemple, les traits les
plus marquants : 1° la colonne d'air est elliptique pour à,
et, à partir de cette voyelle, elle tend vers une forme cylindrique ;
2° il y a 2 ellipses ou cercles concentriques enveloppant
les centres de densité pour à, 3 pour á è é ò, 4 pour
i,5 pouró ; 3° les centres de plus forte densité sont au
nombre de 4 petits ou 2 grands pour à, de 3 petits ou 2
moyens pour á é, de 2 petits pour è, de 2 plus petits ou
1 allongé pour i, de 2 ou 1 seul à peu près rond pour
ó, de 1 très rond pour u. Si l'on rapproche de cette description
sommaire les figures de M. Guébhard, qui est Français,
on voit que le pinceau gazeux est chez celui-ci bien plus étalé
que chez l'Américain M. Matzké, et que, par conséquent,
ses voyelles sont dans leur ensemble moins fermées.842

De plus, si, à ces figures phonéidoscopiques, je comparais
celles de mes propres voyelles, j'aurais à signaler
d'autres variantes, qui les distinguent à la fois de celles de
M. Matzké et de celles de M. Guébhard. Mais l'expérience
est facile et chacun peut la renouveler.

Il est moins aisé de saisir ce qui se passe dans l'intérieur
du tube vocal. M. le Dr E. Gellé 132 a essayé de rendre sensible
dans la bouche la présence des tourbillons au moyen
d'une petite rondelle de papier mince de 1cm de diamètre,
traversée à son centre par une petite tige d'acier, sur
laquelle elle est très mobile. La rondelle, placée au niveau,
de la base de la langue, est portée brusquement vers le
pharynx quand un a est émis avec énergie. Le même phénomène
se reproduit, quand pour un a chuchoté la rondelle
est reportée au tiers moyen de la langue, à une certaine
distance des dents. Il y aurait donc des courants rentrants
comme dans les observations faites avec des boules
de verre.

J'ai renouvelé sans peine la seconde expérience de
M. Gellé (pour l'a chuchoté), la première avec moins de
succès. Ce n'est que très exceptionnellement que pour l'á
parlé la rondelle a été repoussée en arrière. Elle l'a été
cependant ; et j'ai même pu voir le souffle émis pour un a,
coloré par la fumée de tabac, prendre enfin la direction du
pharynx ; mais je crains que ce ne soit là l'effet d'une petite
aspiration d'air, qui précède souvent l'émission d'une
voyelle énergique, comme cela apparaît dans les tracés pris
à l'aide d'un tambour privé de toute communication avec
l'atmosphère.843

J'ai essayé d'un autre procédé ; mais j'ai obtenu autre
chose que ce que je cherchais. Avec un tube de verre
recourbé relié à un tambour très sensible (cuvette 25mm de
diam., 2mm de profondeur, membrane en caoutchouc dilaté,
paille légère collée sur la membrane même à partir du centre),

image

Fig. 537.
Pression de l'air au milieu de la bouche, pour les voyelles.

La ligne pointillée est donnée par le tambour inscrivant à vide. Il y a pression quand le
tracé s'élève au-dessus ; dépression, quand il descend au-dessous.

j'ai exploré diverses régions de la bouche, à savoir au
milieu et de chaque côté, à 1, 2 et 3cm des dents, près de la
langue et du palais, enfin dans un espace intermédiaire.
Je n'obtiens rien pour les voyelles parlées ni pour è et à
844chuchotés. Mais les autres voyelles chuchotées donnent
quelque chose. Pour é, il se produit une légère dépression
dans le tambour (fig. 537), surtout au milieu et dans le
voisinage de la langue et du palais. Pour i, la dépression
est très marquée. Il semble que cette dépression doive
exister pour la série entière, même pour à è. Avec la
série postérieure, le tracé prend une tout autre direction :
la pression augmente dans le tambour et elle va en grandissant
depuis a jusqu'à ú, se montrant toujours plus forte
au milieu que sur les côtés. Ces faits contradictoires

image

Fig. 538.
Tube de Fiocre.

s'expliquent sans peine. Ils résultent uniquement de la
disposition des lèvres. Le courant d'air, s'écoulant librement
dans la série antérieure, entraîne avec lui l'air
contenu dans la bouche et fait plus ou moins le vide dans
le tambour, , suivant sa plus grande ou sa plus petite vitesse,
comme cela se produit quand on souffle dans un tube
cylindrique et qu'on l'explore avec le petit tube recourbé
au voisinage de la bouche. Dans la série postérieure au
contraire, l'air s'accumule en raison du degré de fermeture
des lèvres, la pression augmente à proportion, et le volume
d'air du tambour s'accroît d'autant.

M. le Dr Thooris a montré d'une façon très élégante la
vitesse de l'air dans la bouche pendant rémission des voyelles
chantées par un soprano dramatique sur la note la3. Il se
sert pour cela du tube à chlorétone de Fiocre (fig. 5 38), qu'il
845remplit préalablement de fumée de tabac et dont il applique

image a | è | é | í | á | ò | ó | ú | u | p | l | m

Fig. 539.
Voyelles a è é i, á ò ó ú.846

la partie recourbée perpendiculairement au courant d'air :

image œ̀ | œ́ | ú | ã | ẽ | õ | œ̃ | u | p | l | m

Fig. 540.
Voyelles œ̀ œ́ ú, ã ẽ õ œ̃.847

1° à la base de la luette (u) ; 2° à l'intersection du palais
dur et du palais mou (p) ; 3° en avant des incisives et des
lèvres (l) ; 4° en arrière des molaires gauches (m). Les
résultats obtenus sont représentes (fig. 539 et 540). La
fumée est chassée (+). ou appelée (–), ou stationnaire (+)
La vitesse se manifeste dans l'ampoule par des différences
de coloration, des mouvements tourbillonnaires, un vide
partiel ou complet, dans le tube d'entrée (à droite) et de
sortie (à gauche) d'une manière si apparente qu'il est possible
de reconnaître jusqu'à 6 degrés. Toutes ces données
sont résumées dans les diagrammes placés au-dessous des
ampoules.

Cavités sous-glottiques et pression.

Une conséquence de ce que nous venons de voir, c'est
que jusque dans l'appareil respiratoire lui-même nous
devons observer des indices du timbre, grâce à la pression
que les muscles font subir à la colonne d'air, ou que la
colonne d'air exerce sur les parois qui la supportent.

La pression sous-glottique a été mesurée au moyen d'un
manomètre par Cagniard-Latour et Valentin (p. 243-244) ;
récemment par M. Roudet 133 sur un sujet qui avait subi la
trachéotomie, et par moi-même sur un homme qui parlait
avec un larynx artificiel 234. L'expérience est très pénible,
et les écarts entre les diverses pressions pour une même
voyelle sont considérables ; par conséquent les moyennes
sont douteuses. M. Roudet a cependant cru pouvoir représenter
848par un diagramme les moyennes des voyelles u ó á
é i
dites sur la note mi2 et avec une intensité autant que possible
identique (fig. 541).

image excès de pression | voyelles | u | ó | á | é | i

Fig. 541.
Pression dans les voyelles chuchotées.

Le sujet que j'ai observé s'accorde avec ceux de Valentin
et de M. Roudet pour l'expiration normale. Voici les pressions
qu'il m'a fournies pour ses voyelles avec le manomètre
qui a été employé par M. Roudet (simple tube en
verre recourbé de 10mm de diamètre).

tableau a | é | í | ú | ó | ú

J'aurais plus de confiance dans les données obtenues par
les procédés graphiques, qui n'ont rien de désagréable et
qui ont l'avantage de fournir des documents sur la pression
considérée à différents niveaux.

Avec un pneumographe (p. 90) et un tambour, on peut
849inscrire les mouvements de compression des muscles expirateurs,
particulièrement du diaphragme. Il résulte de la
comparaison des tracés que la pression augmente régulièment
d'une façon considérable depuis a jusqu'à i (fig. 542),

image a | è | e | é | i | í | ã | ẽ | œ̃ | B | D

Fig. 542.
Pression du diaphragme dans la production des voyelles.

B. Souffle sortant par la bouche et reçu dans un tambour propre à inscrire les vibrations.
D. Mouvement du diaphragme pour chaque voyelle prononcée avec force.
La pression se mesure par la distance à laquelle la ligne D s'élève au-dessus de chaque
ligne pointillée, qui correspond à la pression demandée par a et ã.
La vitesse de l'air se mesure de la même façon sur la ligne B. Elle augmente à
partir de i pour e i í. On ferait une même constatation pour les autres séries de voyelles.

jusqu'à u et jusqu'à u. Il est facile, du reste, de se rendre
compte du phénomène par le seul toucher en prononçant
avec énergie successivement a è e é i í, a œ̀ œ œ́ u ú, á ò o ó u ú,
la main sur le diaphragme.

La pression de l'air sur les parois de la trachée peut être
prise à la base du cou. Le phénomène est également sensible
au doigt, pourvu que les voyelles soient prononcées
850avec force. On l'inscrit avec une des capsules qui servent à
explorer le larynx (p. 99), maintenue par une cravate de
caoutchouc et reliée à un tambour inscripteur. La courbe,
que l'on obtient, se relève sous la pression et s'abaisse dès
que l'effort vient à cesser (fig. 543). Or la pression va

image α | β | α′

Fig. 543.
Pression de l'air dans la trachée pendant l'effort expiratoire.

α. Effort expiratoire, la glotte étant fermée. — β. Suppression de l'effort. — α′. Renouvellement
de l'effort.

diminuant depuis a jusqu'à i, jusqu'à ú et jusqu'à w, par
conséquent dans les trois séries, à mesure que les voyelles
se ferment (fig. 544). Ce résultat semble en contradiction

image

Fig. 544.
Pression de l'air sur la trachée à la base du cou.

Les lignes pointillées marquent le degré de pression pour l'a moyen.851

avec la contraction musculaire ; mais il prouve simplement
que le souffle, bien que supportant une pression plus forte
pour les voyelles fermées, s'accumule moins dans la trachée,
trouvant un passage plus facile à travers la glotte (cf.
p. 724). Aussi arrive-t-il plus abondamment dans la bouche,
où la pression augmente.

Nous n'avons cherché jusqu'ici dans le courant d'air
qu'un indice. Il y a plus : nous devons y reconnaître le
premier agent excitateur du timbre.

La note caractéristique peut bien, il est vrai, par voie de
résonance, mettre en vibration l'air contenu dans la cavité
buccale disposée pour une voyelle donnée. Mais c'est là
pur artifice d'expérimentateur, et en dehors d'elle, ni la
fondamentale ni aucun de ses harmoniques, distant de la
caractéristique, ne peuvent par leur seul mouvement vibratoire,
simple ou complexe, faire parler la bouche et donner
naissance à une voyelle.

Pour l'expérience, il est plus aisé de se servir d'un moulage
de la cavité buccale que de cette cavité elle-même, car
on peut le disposer à son gré et faire arriver l'agent excitateur
soit en avant soit en arrière. Les résonateurs de Kœnig
accordés pour ces voyelles rendent le même office. Or, un
son simple est sans action : un puissant diapason du
Grand Tonomètre de 200, 400, 600 v. d. ne peut animer
ni le moulage ni le résonateur de l'a, qui est de toutes les
voyelles la plus facile à reproduire. Un son complexe,
tel qu'en donne une lame de trompette d'enfant, n'a pas
plus d'effet. Mais, si l'on veut que l'expérience ait toute sa
signification, il faut écarter le courant d'air qui ébranle la
lame, de façon que la vibration seule puisse influencer le
résonateur. J'ai cru remplir cette condition en me plaçant
(fig. 545) en A, d'où je soufflais dans la direction marquée
852par la flèche, le moulage de la bouche étant en B, et
l'oreille de l'auditeur, M. Rigal, en C :

image A | B | C

Fig. 545.

Aucun son de voyelle n'a été perçu venant de la cavité.

Le mouvement vibratoire n'est donc pas le premier agent
excitateur du timbre. Ce rôle appartient au courant d'air.
Il est de connaissance commune qu'en inspirant ou en expirant
l'air, nous pouvons produire toutes les voyelles.
De même, en soufflant dans un moulage de la bouche,
ou dans un résonateur approprié, on fait entendre les
voyelles chuchotées.

Pour reproduire la voyelle parlée avec tout son éclat, il
ne suffit pas que, sur le trajet du courant d'air fourni par
une soufflerie et dirigé vers le moulage, on intercale une
source sonore qui ne donne qu'un son simple, par exemple,
le gros diapason de 200 v. d. ; mais on réussit très bien, si
l'on fait passer par le moulage le courant d'air qui a animé
la lame de trompette (fig. 546, 1). Dans ce cas, la voyelle
éclate avec force et est entendue quelle que soit la place de
l'auditeur.

image A | B | C | n° 1 | n° 2

Fig. 546.

Même, si nous reprenions les dispositions de la première
853expérience, sauf pour l'auditeur qui se placerait en C (fig.
546, 2), le son de la voyelle parviendrait, mais faiblement,
à son oreille frappée alors directement par le léger courant
secondaire qui traverse le moulage.

Au point où nous en sommes arrivés, après cette longue
analyse, il est clair que la théorie de Helmholtz sur la composition
physique des voyelles doit paraître un peu trop
simple et insuffisante.

J'ai dû m'en servir, au moins provisoirement, malgré
les objections qu'elle a rencontrées 135, jusqu'à ce que l'expérience
elle-même ait multiplié les difficultés contre elle
et amené de nouvelles lumières. Aussi me suis-je borné à
854enregistrer, au fur et à mesure qu'ils se présentaient, les
faits favorables ou contraires : composition des sons musicaux
sans harmoniques justes (p. 186-187), accommodation
de la glotte au travail articulatoire (p. 721-729), forme
complexe des vibrations du larynx d'après les tracés pris
sur le cartilage thyroïde (p. 730-739), faculté des résonateurs
d'être excités par des sons autres que ceux auxquels
ils sont accordés (p. 751-752), pouvoir restreint de ces
appareils pour une position fixe (cf. ce qui a été dit à propos
du résonateur universel). Ce que je viens d'ajouter
sur le rôle du courant d'air donne à penser que la bouche
et les cavités sus-glottiques ne sont pas seulement un résonateur,
mais plutôt une sorte d'outre d'Eole, où des filets
d'air, animés d'une grande puissance initiale, se livrent des
batailles sonores.

Toutefois l'idée de la composition harmonique de la
voyelle n'en persiste pas moins et le théorème de Fourier
est toujours applicable. Si l'on ne peut en espérer une
analyse complète, on est sûr de trouver, grâce à lui,
approximativement du moins, les harmoniques contenus
dans la voyelle et de reconnaître ceux qui sont influencés
par le voisinage de la caractéristique .

Les citations que j'ai faites dans le chapitre IV en sont
la preuve. Je pourrais encore signaler de beaux travaux qui
ont paru depuis, entre autres les nouvelles études de
MM. Hermann Mathias et Samojloff 136, celles de M. Pipping 237
et celles de M. Verschur 338, l'élève et le continuateur de
Boeke.855

Jusqu'ici je n'ai fait entrer dans mes recherches que les
séries de voyelles généralement connues et qui me sont familières.
Le but que je me proposais, d'exposer une méthode
de travail plutôt qu'un système complet des voyelles, ne me
permettait guère d'agir autrement. Je n'ai donc presque rien
dit de l'î roumain, du Ы russe, de l'y de pretty ; et, si je les
ai rapprochés de l'i, c'est pour montrer combien ils en diffèrent
par l'articulation tout en lui ressemblant parle son, au
moins pour des oreilles peu exercées. A ces voyelles, il faut
joindre l'y polonais, l'u suédois, l'ü finnois, turc, géorgien,
arménien, les ó bulgares, et aussi l'a français. Toutes ces
voyelles en effet pourraient bien être des médiales. intermédiaires

image

Fig. 547.
Ы

entre les antérieures et les postérieures. Cette idée
trouve un point d'appui dans les tracés des mouvements de
la langue obtenus avec le palais artificiel, où elles nous apparaissent
comme postérieures par rapport à la première série
et antérieures par rapport à la seconde. Comparez l'î roumain
avec l'i (fig. 449, nos 5-8), l'y de pretty en anglais avec les
voyelles antérieures (fig. 433, n°8) et avec les voyelles postérieures
(fig. 436, n° 5), le u (Ы) russe 139 avec é (fig. 435,
856n° 10) et avec o et u (fig.436, n° 7), l'ŭ de upp avec l'ū de
uf, l'y en suédois (fig. 435, nos 9 et 8) et o et u (fig. 436,
n° 6). Dans une expérience d'Ousof (fig. 547), l'ampoule,
appliquée successivement derrière les dents (α), au milieu
du palais (β) et, dans la partie postérieure (γ), montre
que pour le Ы la partie la plus élevée de la langue est
le milieu. L'ö bulgare, qui sonne œ̀, ne laisse aucune trace
sur le palais. La langue s'aplatit en avant et appuie sur le
plancher de la bouche ; elle se relève à 50mm des dents,
moins en arrière que pour ò, sans atteindre le palais. Les
mâchoires sont moins écartées que pour a ; mais, grâce
à la compression de la langue, la cavité antérieure de la
bouche est plus grande. Les lèvres sont complètement inactives.
l'ü turc demande que les mâchoires soient encore
plus rapprochées, et que la langue se porte en arrière, sans
toucher le palais, du moins dans la bouche du Bulgare qui
s'est prêté à mes expériences. D'après cette description, il
semble donc que la langue dans cette série se soulève par
le milieu ; et, comme cette partie est peu mobile, le rapprochement
se ferait par le moyen des mâchoires. La
voyelle fondamentale de la série serait notre a, puis viendrait
l'ö bulgare, enfin l'y de pretty et le Ы. Dans ce cas, il
conviendrait de remplacer la dénomination peu claire pour
plusieurs personnes de a ouvert (à), a moyen, a fermé (á),
par celle de a antérieur (à), a médial (a) et a postérieur (á).

En groupant dans un schéma (fig. 548) toutes mes
voyelles à la place même qui est indiquée plus haut (p. 647-648),
d'après la distance des dents (D) et de la voûte palatine
(P) prise sur un moulage de ma bouche, on voit que
l'a médial occupe bien effectivement le milieu entre le
point d'articulation de l'i (à 2cm des dents) et celui de l'ú
(à 8), la région articulatoire s'étendant de 3cm de chaque
857côté. L'ö bulgare est sur la même ligne, ainsi que le Ы
d'après des mesures que je viens de prendre sur M. Sčerba.

Mais j'irais plus loin, j'appellerais médiale toute la série
qui se trouverait occuper un point quelconque intermédiaire
entre les deux autres. C'est qu'en effet, l'arrêt d'une
voyelle dans son évolution peut n'être que momentané.
L'ü indo-européen, par exemple, en marche, dans les
langues slaves, vers la série antérieure, s'est arrêté juste au
point médial en russe (ы) ; mais on peut se le représenter,

image

Fig. 548.
Schéma des points d'articulation des voyelles françaises de l'ö bulgare
médial et du ы russe.

Grandeur naturelle. — Les chiffres marquent des centimètres.

à une étape ancienne, plus en arrière, à celle (je suppose) du
ы tartare, et aussi à une plus avancée, comme M. Sčerba
croit l'avoir entendu dans un dialecte de Lusace, avant
d'arriver à i, étape à laquelle il est parvenu en serbe,
en tchèque, en bulgare, en petit russien. Dans un dialecte
bulgare, l'ö postérieur des personnes âgées est un ö médial
chez les jeunes.

Mais il faudrait bien se garder de limiter la description
d'une voyelle à un seul trait. Chaque partie de l'organe
858vocal est intéressée pour sa part à chaque voyelle, et ce
fait doit nous mettre en défiance contre les classifications
toutes faites.

On se gardera aussi de supposer, sans examen, la concordance
de certains caractères. Parce que la série postérieure,
par exemple, est souvent labiale, il ne faudrait pas
s'imaginer qu'elle l'est toujours. Ainsi dans le parler de
Louvain 140, ū ŭ, ō ŏ sont prononcés avec les lèvres dans la
position de l'i français. La série médiale, telle que je l'ai
jalonnée, est composée de voyelles non labiales ; et pourtant
il est à croire que l'ū latin l'a traversée, pour devenir u
français, sans perdre sa qualité de labiale.

Enfin, un caractère que j'ai négligé, n'ayant dans le
paragraphe qui le concerne attiré l'attention que sur les
consonnes (p. 588-601), mais qui, s'il est difficile à mesurer,
se sent très bien, résulte de la tension ou du relâchement
des muscles : d'où les voyelles tendues et relâchées. Dans ma
prononciation, il se confond avec la quantité, une voyelle
tendue étant longue et une voyelle relâchée brève.

Semi-voyelles

Les semi-voyelles comportent deux degrés. Les unes ne
sont que des voyelles pour l'oreille, tout en se rapprochant
des consonnes par le mouvement organique qui les caractérise
(p. 635-638). Les autres se distinguent par un son
qui leur est propre, aussi bien que par le mouvement organique ;
ce sont y ẅ w. Si l'on employait pour les premières
le signe diacritique déjà usité en grammaire comparée ( ̯),
on distinguerait ces deux étapes : ai̯ et ay, i̯a et ya.859

Les semi-voyelles du 1er degré étant incomplètement
détachées des voyelles, je ne les en sépare pas, celles du
2e degré prennent rang parmi les consonnes, où nous les
retrouverons.

Consonnes

Les voyelles rentrent toutes dans une classification physiologique
simple : elles sont en effet dues à un mécanisme
sensiblement le même pour toutes et régulièrement modifié.
Il n'en est pas de même des consonnes. Leur mode de formation
varie d'un groupe à un autre, et les points d'articulation
n'ont rien de rigoureusement fixe pour une même
espèce. Il ne viendra à l'idée de personne de comparer une h
à un p, ni de limiter l'r à une seule région articulatoire.
Mais on devrait aller plus loin et cesser de confondre t d
avec occlusive dentale, et k g avec occlusive gutturale :
comparez les variétés articulatoires (fig. 394, 399-401, 407).
Aussi la base réelle de la classification des consonnes est-elle
proprement acoustique. L'oreille nous a appris à distinguer
les genres l, r, t, d, n…, etc. Les observations physiologiques
nous servent à les grouper, à les définir, à en
marquer les nuances.

Il est inutile de rappeler les catégories générales, suivant
lesquelles nous distinguons les consonnes en inspiratoires
et expiratoires (p. 488), sonores, mi-sonores, sourdes et assourdies
(p. 495), buccales, nasales et nasalisées (p. 525), constrictives,
mi-occlusives et occlusives (p. 582), fortes, douces et
aspirées (p. 588), dures, molles et mouillées (p. 601). Et je
me serais abstenu d'en faire mention, ainsi que du timbre
(p. 231-232, 404-465), si je n'avais à apporter quelques
éclaircissements nouveaux, avant de passer aux traits particuliers
qui nous restent à indiquer.860

Les articulations inspiratoires forment une classe
encore fort peu connue et qu'il importe d'enrichir toutes
les fois que l'occasion s'en présente. Un jeune nègre du
Gabon, né à Ninguémingué, m'a fourni des détails précis
sur un clic qui est la forme non polie de l'affirmation. Les

image A | B | 1 | 2

Fig. 549.
Clic du Gabon.

A. La partie ombrée a été touchée par la langue. Trois variantes.
B. Tracé du souffle. L'air est aspiré et rejeté avec force.
1. Clic normal. 2. Clic répété.

lèvres rapprochées, mais non pressées l'une contre l'autre, le
son éclate dans la bouche, sans que le visage prenne aucune
expression et ne manifeste aucun mouvement. La langue
s'est appliquée sur tout le palais, sauf en un point central
861(fig. 549) où elle a fait le vide ; puis elle se recule brusquement
en arrière faisant entendre un petit son très clair
presque métallique. Le mouvement de succion et la soudaineté

image B | N | 1 | 2
1 m———d———u
2 m———b———u

Fig. 550.

1. b inspiratoire. — 2. b expiratoire à Loango.
B. Bouche. — N. Nez.

de la détente sont rendues sensibles par un tube
introduit dans la bouche et relié à un tambour. Voir les
tracés (fig. 549) et les comparer avec la figure 250, qui
862représente des clics imités par un Européen. Une embouchure
hermétiquement appuyée sur les lèvres ne donne
rien.

image 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10

Fig. 551.
Consonnes géorgiennes dans le courant d'air pris au sortir de la bouche.

1. pʿúri « pain » | 2. pʽúri « vache »
2. tʿilo « toile » | 4. tʽiva « foin »
3. kʿakʿáli « noix » | 6. kʽalákʽi « ville »
5. ɛ̀ʿíri « douleur » | 8. ɛ̀ʽi̯tʿi « indienne »
ç. ṡʿiṡʿita « poussin » | 10. ṡʽiṡʽa « minet »
863

Un autre nègre de Loango m'a révélé l'existence d'un b
inspiratoire. Dans son dialecte, mbu veut dire « la mer »
et « moustique ». J'avoue que mon oreille n'a senti aucune

image A | B

Fig. 552.
tʿari « le manche » (géorgien).

A. Air au sortir de la bouche.
B. Air pris dans la bouche.

différence de son correspondante aux deux significations.
Et pourtant quelle différence dans les tracés (fig. 550) !
L'expérience plusieurs fois renouvelée a donné un résultat
constant. Le b de mqu « la mer » est inspiratoire.

image B | L

Fig. 553.
pʿ et géorgiens. Pression des lèvres.

B. Bouche. — L. Lèvres.

Le géorgien possède un genre d'articulations qui rappelle,
mais non complètement, le mécanisme des clics ; il
864produit aussi un son clair, court et en quelque sorte argentin.
C'est une sorte d'arrachement brusque à la suite d'une
pression énergique. Six consonnes sont dans ce cas, à savoir :
pʿ tʿ kʿ qʿ ṡʿ ɛ̀ʿ. J'ai pu étudier ces consonnes 141 grâce à l'obligeance
d'un Mingrélien, M. Sakhokia, qui m'a été amené
par M. Tellier.

Le trait le plus saillant qui sépare dans les tracés ces
consonnes de pʿ tʿ kʿ q ṡ ɛ̀ usités dans la même langue et

image B | L
1. tʿ——i | ——l——o
2. tʽ——i | ——tʿ——i « doigt »

Fig. 554.
tʿ et géorgiens. Pression de la langue contre le palais.

B. Bouche. — L. Langue.

p t k, c'est la rapidité et le peu d'importance du jet d'air
qu'elles emploient. Comparez les deux premières séries
telles qu'elles se présentent dans la langue de M. Sakhokia
(fig. 551) la première et la troisième dans le géorgien et le
français, par exemple (fig. 344, 353, 425, 427, 486).865

Ces consonnes ne sont pas formées par un courant d'air
rentrant : un tube mis dans la bouche montre que l'air
s'écoule au dehors sans aucun mouvement de succion
appréciable (fig. 552).

Mais les lèvres pour pʿ sont plus serrées que pour
(fig. 553), et la langue est de même plus fortement collée
aux dents pour tʿ que pour (fig. 554). Pour toutes ces
consonnes, la langue se porte en haut, entraînant avec elle
l'os hyoïde et le larynx. Le mécanisme est plus facile à saisir
pour le tʿ que pour les autres consonnes de cette classe. On

image B | L | 1 | 2 | 3

Fig. 555.
Avulsives géorgiennes. Action du larynx.

B. Bouche. — L. Larynx.
1. kʿaṡi « hommes ». — 2. kʿali « fille ». — 3. qʿaqʿani « bruit, querelle ».

sent, en effet, très bien que la langue s'appuie avec force
contre les dents, qu'elle s'en arrache en se portant brusquement
en arrière, sa racine étant élevée. Aussi, j'appellerai
ces consonnes des avulsives. Elles ont l'explosion sourde,
sauf qʿ, qui l'a sonore (fig. 555).

Le palais artificiel ne dit rien pour pʿ ; mais il montre
clairement pour tʿ kʿ et qʿ une élévation de la langue plus
866grande que pour tʿ et kʿ (fig. 556)- Quant à ṡʿ et ɛ̀ʿ, ils se
distinguent surtout par l'allongement de la langue sur les
dents (fig. 556).

image 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6

Fig. 556.
Avulsives géorgiennes comparées
aux occlusives ou semi-occlusives correspondantes.

La partie ombrée marque l'articulation de l'avulsive. Les lignes pointillées limitent
les occlusives ou les semi-occlusives.

tʿa et tʽa[vi] « tête ». — 2. tʿari et tʽavi prononcés avec le palais
artificiel dans la bouche. — 3. kʿa[ṡi], kʽa[li]. — 4. ṡʿ, . — 5. ɛ̀ʿ, ɛ̀. — 6. qʿ

Aux occlusives p t k du géorgien correspondent b d g,
qui ne deviennent sonores à l'initiale qu'au moment de
l'explosion ; mais ils sont légèrement sonores entre voyelles
et après une consonne sonore, non cependant dune façon
867constante. Le d de unda « il veut » peut être sourd ; en
revanche celui de misdeven « ils poursuivent » est sonore
et s'est assimilé l's. De plus, ces consonnes ont une tendance
à devenir spirantes, encore faible pour b d, niais très marquée
pour g : dans ce cas, elles sont plus facilement sonores.

Les langues sémitiques présentent dans leur système
consonantique deux particularités intéressantes : leurs
emphatiques et leurs aspirées. Je me bornerai à quelques notes
que je prends dans des expériences faites sur le dialecte de

image B | N | 1 | 2
1. ta——
2. tl e—————m [cen]

Fig. 557.
t non emphatique de Tlemcen.
B. Bouche. — N. Nez.

Tlemcen (M. Zenagui), avec le concours si éclairé de
M. Marçay, et sur le chaldéen d'Ourmiah (M. Babakhan).

Qu'est-ce que les emphatiques ? En dehors de l'idée de
force qu'éveille le mot, pouvons-nous reconnaître quelque
chose de spécial dans l'articulation ?

Il n'existe plus guère à Tlemcen qu'un seul t, qui est le t
emphatique. L'autre a disparu, sauf dans le nom même de la
ville et quelques mots empruntés aux Bédouins du voisinage
qui l'ont gardé comme tœ́bbaʿ « il a suivi ».Le t de M. Zenagui
n'est guère différent du t fr., ni dans le tracé du souffle, ni
sur le palais artificiel. L'autre t (non emphatique) manque
868de force explosive (fig. 557) ; il n'est pas étonnant qu'il se
soit changés en ŝ

Mais les deux d se distinguent très bien sur le palais artificiel
(fig. 558) : le d emphatique est plus en arrière. Même
différence entre les deux s, et, il semble bien, entre les
deux z. De là, on est amené à croire que le q (fig. 559)

image 1 | 2 | 3 | 4

Fig. 558.
Consonnes emphatiques et non emphatiques,

1. (Zenagui) ; da emphatique, la partie ombrée ; da non emphatique, celle qui est
limitée par les deux lignes pointillées.
2. (Babakhan) : 1. t̯i ; — 2. t̯a ; — 3. tʿi ; — 4. tʿa.
3. (Zenagui) : sa emph., partie ombrée ; — sa non emph., pointillé.
4. (Babakhan) : 1. ɛa ; — 2. sa.

serait une forme emphatique du k, et le une forme emphatique,
mais spirante, du g (fig. 559). L'r entrerait dans
la même catégorie avec une variété avancée (linguale),
l'autre plus reculée (fig. 560). Enfin les deux l (fig. 560)
ne feraient pas exception : l'une, voisine de l'ł russe avec une
région articulatoire plus étendue, à la fois plus avancée et
plus reculée, est l'l emphatique ; l'autre ressemble à une
l française, dont elle offre le tracé.

Les mêmes caractères se retrouvent à peu près en
chaldéen. Doubles q, k et g (fig. 559) : ceux-ci, conservés
dure chez les Kurdes, se sont mouillés devant a e i (cf. qèsa
869« boire » et k̯ep « santé ». Double l (fig. 558), l'un (Thav)
resté dur, l'autre (Teth) se mouillant (cf. tina « figure »
et t̯ina « boue »). La forme solide est l'emphatique. Au
contraire pour s et z, la variété reculée était naturellement
entraînée vers ɛ j ; ; ce qui constitue deux variétés très distinctes
(fig. 558 et 560).

image 1 | 2 | 3

Fig. 559.
Gutturales de Tlemcem (Zenagui) et d'Ourmiah (Babakhan).

1. — 1. ȓa ; — 2. q ; — 3. gu ; — 4. ku ; — 4′. ka ; — 3′. ga ; —
4″. ki ; — 3″. gi.
2. — 1. qo ; — 1′. qa ; — 1″.  ; — 2. ko ; — 2′. ka ; — 2″. ki ; — 2‴. k̮i.
3. — 1. go ; — 2.  ; — 3. ga ; — 4. gu (chez les Kurdes) ; — 5. ga
(Kurdes) ; — 6. (Kurdes).
Nos 2 et 3, sauf pour q, ko et tes gutturales kurdes, l'articulation est limitée par
deux traits. N° 1 (Zenagui) ; 2, 3, (Babakhan)

Le aïn est d'une expérimentation difficile. En attendant
une étude plus complète, j'ajoute à ce que j'ai déjà dit
(p. 485) les quelques observations suivantes relatives au
dialecte de Tlemcen :

Le aïn se distingue de (خ) (غ) et ʿ (ح) par la position
de la langue : pour , la langue s'affaisse vers la pointe et
se soulève par le dos de façon à cacher entièrement le voile
870du palais ; pour , elle s'aplatit vers le milieu plus que pour
et se gonfle vers le dos ; pour ʿ elle se place horizontalement
et forme un sillon au milieu ; mais pour le aïn, dans
le passage de a à ʿa, elle se porte en avant de façon à se
presser contre les dents qu'elle ne touchait pas pour a seul.

Les tracés du souffle recueillis au moyen d'une embouchure
supposent une double variété : à l'initiale, le courant
se montre fort dans le premier instant comme pour une

image 1 | 2 | 3 | 4

Fig. 560.
r, l, z emphatiques ; z et j.

1. (Zenagui), r emphatique, partie ombrée ; r non emph., pointillé.
1. (Zen.), l emph. partie ombrée ; l non emph. entre les deux lignes pointillées.
3. (Zen.), z emph., partie ombrée ; z non emph. limitée par le pointillé.
4. (Babakhan), ja, partie ombrée ; za, pointillé.

explosive, à la condition que la membrane du tambour
soit très flexible (fig. 561). Cf. fig. 248 ; mais à la finale
(fig. 562), après une consonne (fig. 563, nos 1-3), le courant
d'air, sans être interrompu, se trouve très affaibli et fait songer
à une constriction très énergique de la glotte. C'est à
cette constriction initiale que j'attribuerais le fléchissement
de la ligne du souffle (fig. 561) et la confusion que j'ai faite
à l'oreille du aïn et du ghaïn sonore dans des mots comme
ʿajaj « tourbillon », ʿadilá « sacs », ʿegàb « aigle », ʿœlám
« drapeau » que j'ai entendu ȓĵéj, ȓàilá, ȓgèb, ȓlèm.871

Le aïn se distingue très nettement par là des aspirées et
des spirantes où le débit du souffle, loin de diminuer, prend
subitement une importance plus considérable (fig. 563,

image 1 | B | L | N
ʿœ̀œ́

image 2 | B | L | N
ʿc——i———a [rd]

Fig. 561.
ʿ initial.

B. Bouche ; L. Larynx ; — N. Nez. Traduction.

Remarquer (n° 2) la ligne du larynx. Le aïn est préparé par un léger mouvement
d'élévation de la ligne, signe d'une constriction qui porte le larynx en avant ; l'émission
du son correspond à une légère détente.

nos 4-6). Comparez nos 1 et 5,2 et 4, fig. 561, et le n° 6.
Aussi ai-je remplacé le signe employé p. 485 par (ʿ)

La constriction laryngienne du aïn sans interruption
872de l'émission sonore me fait penser à un phénomène qui
présente le même caractère. Je veux parler du Stöd (stúz)
danois, où la fermeture complète de la glotte sentie et enseignée
par certains phonéticiens, ne s'est presque jamais présentée
dans mes expériences. Celles-ci ont été faites en deux
fois : la première à loisir, de décembre 1895 à avril 1896,
avec un étudiant, M. Scavinius ; la seconde en hâte et sans
un outillage suffisant, avec M. Jespersen à Marbourg, en

image B | L
b——a—————

Fig. 562.
ʽ final.

B. Bouche ; — L. Larynx.
Le tracé original est impossible à reproduire. Au microscope, on voit la voyelle se
continuer avec une finesse de trait et une ténacité incroyables.

juillet 1899. Néanmoins les résultats ont été identiques. Ce
qui frappe d'abord dans le tracé, c'est la diminution de la
colonne d'air expiré. Comparez (fig. 564, Scavinius) saaret
(sòòȓœ ou sòòȓœş) « blessé » sans Stöd (1) et le même « la
blessure » avec le Stöd (2), et (fig. 565, Jespersen) maler
(mā́lœr) sans Stöd « peintre », avec Stöd « [il] peint »,
recueilli dans le souffle au moyen de deux appareils différents.
Même, la suppression de la voix a été complète deux
fois (fig. 564, n° 3), mais à titre tout à fait exceptionnel :
1 fois contre 50 (Jespersen et Scavinius). Un second point,
c'est la marque certaine d'une constriction énergique du873

1 image N | B
2 image N | B
3 image N | B
4 image N | B
5 image N | B
6 image N | B

Fig. 563.
ʽ après une consonne (1, 2, 3) comparé avec h (4), (5), (6).
Traduction des mots : 1. placer ; 2. avaler par gorgées ; 3. bergers ; 4. luette ;
5. Jean-le-Sot ; 6. gazelle.874

larynx correspondant à la diminution considérable de l'amplitude
des vibrations. Comparez fig. 564, nos 1, 2 et 3 ;
fig. 565, nos 6 et 7. J'ai fait sur M. Scavinius des expériences
spéciales avec une capsule laryngienne très élastique

image 1 | 2 | 3 | B | L
s——aa———r——et (Orthogr. Danoise)

Fig. 564.
Stöd danois (Scavinius).

B. Souffle (oreille inscriptrice) ; L. Larynx.
1. Saareʽ : « blessé », sans Stöd.
2. Saaret : « la blessure », avec le Stöd.
3. Le même avec une interruption exceptionnelle de la voix.

(fig. 566 et 567) : l'avancement du larynx est très
nettement marqué et l'effort est visible. Le degré d'étouffement
des vibrations est variable ; il va presque jusqu'à
extinction (cf. fig. 566, n° 6, avec fig. 567). La concordance
875entre l'affaiblissement du souffle et la constriction
laryngienne se montre aussi très nettement (comparez nos 1
et 2, 3 et 4, 5 et 6). Enfin j'ai inscrit le phénomène avec
5 plumes à la fois (fig. 568, Scavinius), deux tambours pour

image 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7
ma——l——er (Orth. danoise)

Fig. 565.
Stöd danois (Jespersen).

Un seul mot répété : Maler « peintre », sans Stöd, et maler « [il] peint » avec te Stöd.
Nos 1-3, oreille inscriptrice.
Nos 4-5, tambour.
Nos 6-7, larynx pris isolément.

le souffle, l'un petit et élastique, l'autre grand et rigide
(comme les deux tracés sont semblables, je n'en reproduis
qu'un, B), l'inscripteur électrique (B′), et l'explorateur
876général du larynx (fig. 40), qui donne les déplacements
horizontaux (L) et verticaux (L′) de l'organe. Quoique je
ne sois pas sûr que l'appareil, non alors modifié (voir l'appendice),
n'ait pas été influencé par le gonflement des parties
voisines du larynx, toujours est-il que les tracés

image B | L | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6

Fig. 566.
Stöd danois (Scavinius).

B. Souffle (oreille inscriptrice) ; L. Larynx.
Colonne d gauche sans Stöd. Col. de droite avec Stöd.

1. saaret; 2. Saaret; 3. haabet « espéré »; 4. Haabet « l'espoir ». (Le b est
spirant.); — 5. Rosen « rose » ; 6, « louange ».

témoignent d'une forte constriction interne. Si des phonéticiens
indigènes ont cru à une suppression momentanée877

image 1 | B | L

Fig. 567.
Stöd danois (Scavinius).

Ces deux tracés ont été obtenus l'un après l'autre, dans l'ordre où ils sont placés,
avec les mêmes appareils que ceux de la figure précédente.
1. Rosen sans Stöd ; — 2. Rosen avec Stöd.

image B | B′ | L | L′

Fig. 568
Stöd danois (Scavinius).

B. Souffle (tambour rigide) ; — B′. Énergie vibratoire (Inscripteur électrique).
L. Larynx (capsule appliquée sur le thyroïde) ; — L′. Larynx (mouvement verticaux
(pris avec le tambour appuyé sur la poitrine et obéissant à la pression du tube
de la capsule). — A gauche, Rosen sans Stöd ; à droite Rosen avec Stöd.878

du son, il est clair que, pour s'observer, ils ont exagéré le
mouvement ou bien ils ont observé des Stöd plus énergiques,
ceux peut-être du Jutland qui sont si forts et si
fréquents que dans ce pays, m'a dit M. Scavinius, on « a
l'impression de causer avec des gens ayant le hoquet ».

Le malgache, que j'ai étudié avec la collaboration de
M. Ferrand, renferme une semi-occlusive qui ajoute une
nouvelle espèce à la série et du même coup aide à mieux
comprendre le tr anglais. Il s'agit du couple (sourde et
sonore) que les Arabes, les premiers qui ont écrit le malgache,
ont regardé comme une modification de l'r (رررر)
et que les missionnaires anglais ont transcrit par tṛ dr. Ce
sont les variétés articulatoires de ces consonnes qui m'ont
montré que la région d'articulation a moins d'influence sur
le son que le mode même d'articulation. Mes recherches ont

image
ṙʼa (Tananarive).

Fig. 569.
(une variante pointillée).

porté sur quatre sujets, dont trois de Tananarive (dialecte
mérina) et un Betsiléo. On croit entendre, en mérina, t ou
d spirants, tr dr ou r ; en betsiléo, pour la sourde, t spirant
tr ts, et presque s, pour la sonore dr ou r. Il ne peut être
879question d'un composé t+ r : aucun des tracés ne rappelle
ces deux consonnes, qui sont normales. L'articulation

image
1. ṙa. — 2. ṙu (Tananarive).

Fig. 570.

est très caractérisée (fig. 569, 570 et 571). La tendance du
betsiléo vers ts et s se voit très bien (fig. 572). L'élément

image 1 | 2 | 3

Fig. 571.
1. — ṙa (dra)
2. — ānṙi , ānṙu .
3. — ānṙi i (Betsiléo).

occlusif peut l'emporter au point que le tracé du souffle
880n'indique aucun mouvement vibratoire (fig. 573), ou s'affaiblir
tellement que la vibration domine 142 (fig. 574 et 575).

image

Fig. 572.
1. — c̑éṡœ (betra « impôt ») le mot entier.
2. — c̑én̮aṡœ (benatra « honte »), le mot entier.

Les examens des sourds 243 nous apportent des confirmations
nouvelles sur la composition physique des consonnes,
les distinctions des sonores et des sourdes, des douces et

image B | N
ȓiȓʼi (côte) (C.)

Fig. 573.881

des fortes, telles qu'elles nous ont été révélées par les observations
physiologiques.

image B | N
tȗnȓu (doigt) (A.)

Fig. 574.

La consonne se distingue nettement de la voyelle par ce
fait que certains champs auditifs, par exemple (fig. 576 et
577), suffisants pour la plupart des voyelles, ne laissent
percevoir aucune consonne.

image B | N
ȃnȓi (pilier)

Fig. 575.

Il y a des oreilles qui n'entendent que les sonores
(fig. 578) ; d'autres sont principalement affectées par elles
(fig. 525) ; d'autres sont plus sensibles aux sourdes (fig. 579).
La sonore se distingue, avant tout, de la sourde par la note
fondamentale que donne le larynx. Cette note, produite
seule pendant l'occlusion, est perceptible à une certaine882

image

Fig. 576. (Bo)

Fig. 576. — Voyelles entendues : o a i ou u.
— non comprises : ou = o, on = o, on = a, eun = eu.
— non entendues : é, aiu.
Consonne entendue : aucune.
— non entendues : fa va ta pa ba ta = a.
Aucun son : ra la sa za fa da ka ga ma na
Groupes non compris : pla bla fla = la.
Aucun son : kla sta.883

distance, 7 mètres, pour une oreille qui n'entend le diapason
de fa2, qu'à 18cm. Si ce diapason n'était entendu qu'à
1cm par une oreille malade (fig. 580), il faudrait s'attendre
à ce que celle-ci ne comprit ba, par exemple, qu'à 1/18 de la
distance observée, c'est-à-dire à 38cm. L'expérience n'a pas
été faite avec cette précision ; mais le sourd, auquel je
songe, entendait ba à 30cm. J'ai cru pouvoir conclure également
de mes autres recherches que l'insuffisance de perception
de la note fondamentale seule change pour l'auditeur
la sonore en sourde.

Pourtant il ne serait pas juste de dire que la sonore n'est
que la sourde avec des vibrations laryngiennes en plus, ni
que la sourde est la sonore même avec des vibrations du
larynx en moins ; car on peut n'entendre que quelques
couples à l'exclusion des autres : ɛ et j, par exemple,
mais seulement t, k, sans d, g (fig. 579), ou bien l, v, d, n
avec k sans g (fig. 525). Dans ces deux cas, la note fondamentale
est certainement sentie ainsi que la caractéristique
de la sourde ; et cela ne suffit pas pour que la sonore soit
entendue. De même les sonores v, d ont été comprises à
l'exclusion de f, t.

La composition de la sourde et de la sonore ou, pour
mieux dire, de la forte et de la douce étant différente, il
peut y avoir des cas où la forte donne l'impression de la
douce. Cela se produit en effet lorsque la caractéristique de
la forte est trop faiblement sentie.

De la comparaison des champs auditifs nécessaires pour
la perception des fortes et des douces, il semble résulter que
les sons qui entrent dans la composition des premières sont
les plus aigus. Ce fait concorde avec la force du courant
d'air qui est plus grande pour les fortes, beaucoup plus884

image

Fig. 577. (O)

Fig. 577. —20cm. — Voyelles entendues : o a é u.
— non comprises : ou i = a, eu = é, ou an = a, oun = eu.
— non entendue : ain.
Consonnes non entendues : toutes — pa ba ta, etc.… = a.
Les lignes de droite mesurent le progrès réalisé par jour et pour les
notes données.885

modérée pour les douces. Il n'y a pas d'hésitation pour s
et z, ɛ et j, même si nous limitons notre examen à la
figure 527, comme nous aurons lieu de le remarquer plus
tard.

image

Fig. 578. (Bau)

Fig. 578. — 1m50. — Voyelles entendues : o a eu u ou an.
— non comprises : ou = u , é eu, i = u, ain = on.
Aucun son : eun.
Consonnes entendues : r l v j b m n.
— non comprises : za = va, da = ba, ga = la.
non entendues : fa sa cha pa ta ka = a.
Groupes entendus : blo = leu, sto = tʿo, sfa = a.
Aucun son : glo spou.

Les aspirées sourdes ont été caractérisées par la faiblesse
de l'articulation (fig. 385, 386, 387-391) et la durée de
l'explosion (fig. 259, 261, 263), d'où l'on peut déduire la
grande masse du souffle employé. Mais nous n'avons rien
dit des aspirées sonores. Je suis en mesure maintenant de
combler cette lacune.

M. Sievers a cru trouver le type des aspirées sonores
886dans l'arménien d'Aštarak 144, et M. Adjarian dans celui de

image

Fig. 579. (Ch)

Fig. 579. — 5m. — Demi-voix :
Voyelles entendues : o a é i u on an.
— non comprises : ou = o, o = ain, an, eun = a.
Consonnes entendues : r l f ch j t k n.
— non comprises : za = eu, da = ta, qa = ka.
— non entendues : pa ba ma = a.
Aucun son : va
Groupe entendu : sto.
— non compris : bleu = leu, fla = la.887

image

Fig. 580. (C)

Fig. 580. — 30cm. — Voyelles comprises : o a i.
— non comprises : ou = u, on = o, an = a, ain = a.
— non entendues : e eun.
Consonnes entendues : r z b d n k.
— non comprises : la = ba, ga = ka, ma = da.
— non entendues : fa va cha ja pa = a.
Aucun son : ra ta blo
Groupes non compris : sto = spo, fto = to.888

Mouch et de Sivas. La description qu'ils en donnent est
à peu près la même : entre l'explosion et la voyelle se produirait
une faible voix (Sievers), un bruit confus dans la
gorge (Adjarian), mais une forte expiration. Les tracés
(fig. 264, M2 et S) n'indiquent que des sonores à occlusion
sourde, différentes des autres sonores de Mouch

image

Fig. 581.
b aspiré (Angola).

Ce qui caractérise ce b, c'est la force du souffle qui a si violemment déplacé
le levier du tambour. Comparez avec les traces du b ordinaire.

(fig. 264 M2), qui ont une partie de l'occlusion sonore. Je
ne fus pas convaincu 145. Depuis, mon attention a été attirée
de nouveau sur ce point par une remarque du Père Anthunès,
des missionnaires du Saint-Esprit : il m'apprit que le nyanèka,
dialecte du Mbundu, l'une des langues bantoues de
l'Angola, possède deux classes d'aspirées, les sourdes et les
889sonores, en même temps que les fortes et les douces correspondantes.
Il me cita même deux mots qui ne diffèrent
que par l'aspiration d'un à : ondʽimba « trou profond » et
ondimba « lapin ». Les tracés que j'ai recueillis de sa bouche
montrent en effet pour les aspirées sonores, comme pour
les sourdes, une grande dépense d'air sans que les vibrations
du larynx soient empêchées. Il n'y a là en effet aucune
impossibilité, chacun pourra s'en convaincre aisément en
dirigeant sur le dos de sa main le souffle requis pour produire

image N | B | D
bʽ—————e——— [r]

Fig. 582.
b aspiré irlandais.
N. nez ; — B. bouche ; D. diapason de 200 v. d.

Le tambour employé dans ce tracé et le suivant est le plus petit et le plus rigide.
Pour qu'il ait été si fortement ébranlé, il a fallu une grande masse d'air.
Remarquer que les vibrations du larynx, retentissant dans le nez, conservent la forme
simple propre aux consonnes jusqu'au commencement de la voyelle et limitent ainsi
l'explosion.

pʽ bʽ et p b, etc. Les tracés du Père Anthunès, qui ne
pouvaient avoir pour moi qu'une valeur provisoire, sont
confirmés par ceux que j'ai recueillis d'un indigène (fig. 581).
Mais le modèle, cherché au loin, se trouve près de nous.
Les occlusives sonores irlandaises sont de vraies aspirées,
telles au moins qu'elles m'ont été livrées par M. Ahern,
qui est de Cork. Ce sont de vraies sonores, même pendant
l'occlusion, avec une explosion forte, également sonore,
de grande durée et distincte de la voyelle suivante (fig. 582
et 583). Le type sonore des aspirées correspond donc exactement
à celui des sourdes, que nous connaissons déjà et
890qui se trouve également en irlandais, comme en gallois
(fig. 261).

J'ai déjà fourni sur le timbre des consonnes, outre
une note d'après les travaux des physiciens (p. 231)
quelques données que j'avais découvertes dans mes tracés
ou empruntées à M. Hermann (p. 425) et aux otologistes.
Depuis, M. Pipping a analysé quelques courbes de consonnes

image 1 | 2 | N | B | D
1. dʽ————á
2. dʽ—————u [r]

Fig. 583.
d aspiré irlandais.
N. nez ; — B. bouche ; D. diapason de 200 v. d.

recueillies avec l'inscripteur de Hensen (p. 133), et
M. Hermann 146 a repris ses recherches d'après son ingénieuse
méthode (p. 425), qui lui a donné d'admirables tracés
(fig. 584,585). Moi-même, j'ai profité de l'étude des
champs auditifs, de l'excellente oreille de M. Thomson sur
mes consonnes chuchotées et enfin j'ai utilisé le résonateur
universel
. Ces divers moyens se contrôlent, se complètent
les uns les autres ; er je ne puis me dispenser d'en faire
connaître brièvement les résultats.891

image f | ss | sch | m | n | r

Fig. 584. (Hermann).892

Le maniement journalier du résonateur m'a donné l'idée
d'un nouveau perfectionnement. Comme il est souvent
nécessaire d'entendre rapidement et de comparer les résonances

image d | p | g | b

Fig. 585. (Hermann).

de deux points, j'ai fait ajouter sur la tige une virole
qui permet de retrouver instantanément l'un des deux. Les
chercheurs, qui ne se sont pas encore rendus familiers avec
le fonctionnement de l'appareil, me permettront de leur
faire les recommandations suivantes : se placer bien à son
893aise pour ne pas se fatiguer, et lire facilement sur le vernier ;
se reposer dès que l'oreille ne perçoit plus clairement les
différences de sons ; ne pas produire sur l'orifice des sons
étrangers à la consonne, ce dont on s'apercevra en remplaçant
celle-ci par un souffle ; veiller à ce que le caoutchouc
ne se replie pas dans l'intérieur ; et, si l'on n'entend
aucune résonance, s'assurer que la communication avec
l'oreille n'est pas obstruée. Les consonnes peuvent être
ou chuchotées ou parlées. On choisira d'abord celui des
procédés qui paraîtra le plus favorable ; puis on passera à
l'autre. Dans le chuchotement, on élimine le son de la voix
avec ses harmoniques ; mais l'expérience montrera qu'à la
place des harmoniques on trouve des bruits.

L'articulation est limitée à la consonne seule, ou elle
comprend aussi une voyelle que l'on choisit aussi éloignée
que possible de la consonne par sa caractéristique : par
exemple, yu, ẅa, etc. Pour s'assurer que la résonance produite
dans ce cas est bien celle de la consonne, on essaiera
la voyelle seule ; et, si elle n'éveille aucun son, l'expérience
est bonne.

En reprenant ces pages (septembre 1907), plus d'une
année après les avoir écrites et après de nouvelles recherches
sur le résonateur universel (p. 803 et suiv.), je n'y trouve
que peu de corrections à faire. Je n'ai pas tenu compte
alors de la diminution que subit la première tranche de
résonance ; et je suis porté à croire que j'ai bien fait, le
courant d'air étant ici presque l'unique agent (p. 810) et
les résultats obtenus étant d'une harmonie frappante. Je
me borne donc à quelque légères retouches, négligeant
même de combler les lacunes que ma préoccupation initiale,
trop exclusivement attachée à la recherche de la caractéristique,
ne m'a pas permis d'éviter.894

Je me conforme dans cette exposition à l'ordre que j'ai
déjà suivi plus haut.

Semi-voyelles (y, w, ). — Notes indiquées :

y (j all.), 2048-2560 v. d. (Hermann)
, 455 3238 (p. 408).

Pour y, le résonateur donne deux notes : l'une à 2cm63,
par une température de 17°, soit 3251, l'autre à 3cm63,
soit 2350, toutes les deux voisines soit de l'í (3648), soit
de l'i (2736) ; pour le également deux notes, 3233 et 2667,
qui se rapprochent de celles de l'ù (2736) et de l'u (1824).
Le w produit une belle résonance à 30cm67 (18°), soit 278,
et une autre à 27,4, .soit 312, assez éloignées de l'ú (228)
et voisines de l'u (342).

Ces doubles caractéristiques répondent en réalité à des
nuances différentes de la semi-voyelle.

Spirantes (, ç̑, h). — Notes indiquées :

ç̑ 240 1735 (p. 415).
— 456 ou 750-800 1100 2280 2736 (Hermann).
30-40 200 900-1100 1300 (Herm.).

Pour ces consonnes, telles que je les ai apprises, je trouve
au résonateur les notes aiguës de M. Hermann : ç̑, 2728
(3cm14 à 17°), et 1333 (6cm4) ; pour h 1169 (7cm3).
Mais il y a des notes plus aiguës pour à 4cm26, 3,8 etc.
(20°) ; pour h à 4,66 4,1 etc. Je n'insiste pas, car je ne suis
pas sûr de ma prononciation.

Marginales et Vibrantes (l, Į, r). — Notes indiquées :

l : 85 (Otologistes, p. 427).
160 480 2880 3158 3200 (p. 425).895

144 288 432 576 1008 1296 1440 1584 2160
(Herm.) (voir le tableau, p. 42e).

a3 — et ais3 — (moins de 1701 et de 1777) dans les dernières
périodes de ly (myllyyn) et g3 (1536) et gis2 + dans
les premières de yl (Pipping) 147.

si♭3 dans la ; si3 (489) dans al, la ; entre si2 et ut4 (489-522)
dans li (Thomson).

Le résonateur indique pour l'l parlée deux séries de notes :
l'une comprend la note fondamentale et les harmoniques
compatibles avec la forme de la bouche, l'autre renferme la
caractéristique. Celle-ci ressort nettement, non par sa force
(la force appartient aux résonances du premier groupe),
mais par sa netteté. Comme elle est aiguë, elle se reproduit
à plusieurs points, ce qui permet de la rectifier au besoin,
et de la distinguer des notes voisines qui l'accompagnent et
qui ne se retrouvent pas en dehors de la 1re tranche avec
la même clarté.

Pour rendre sensible le double système des sons composants,
j'indique le rang des harmoniques et le nombre théorique
de leurs vibrations. Les différences que l'on remarquera
entre les chiffres supposés et les réels, tiennent en
grande partie à la difficulté qu'il y a pour moi de prendre
dans des expériences successives exactement le même ton.
La fondamentale, en raison de sa gravité, ne se trouvant
pas toujours dans le résonateur relativement court dont je
me suis servi, je l'indique entre crochets.896

l. — Voix parlée :
tableau

Voix chuchotée :
tableau

L'l mouillée est plus aiguë. Au lieu de 3322, note qui
ressort le plus dans le chuchotement, je trouve : 3504.

r. — 13 32 65 (Otolog., p. 428).
26 — 34 pour l'r linguale (p. 427).
23 — 32 pour l'r ling., 24 — 42 pour l'r gutturale
(Herm.).
133 — 150 711 2133 (p. 428).
e3 (1280) dans Houreet (Pipping).

r linguale :
tableau

r gutturale :
tableau
(Hermann).

Du tableau complet contenant l'analyse de 18 r linguales
et de 3 r gutturales, M. Hermann a extrait lui-même les
notes qui lui paraissent caractéristiques. J'abrège encore en
897ne citant que celles qui se montrent d'une façon constante
pour une même fondamentale :

e : h1 (460) h2 (960) cis4 (2133) ou d4 (2304).
g : d2 (576) h3 cis4 ou d4 (2304).

533 — 571 (ro), 614 (dur), 640 (ra), 711 (ri) d'après mon r
(Thomson).

La nécessité de percevoir des sons très graves pour
entendre l et r n'apparaît pas dans les expériences sur les
sourds. Ainsi avec des champs auditifs limités respectivement
à 128, 78, 59 v. o. l et r ont pu être compris à 15cm,
1m20 et 3m. Toutefois, j'ai trouvé un cas qui semble parler
en faveur de la note fa1 (85). Un enfant n'entendait pas r ;
et, quand on lui disait ra, il répétait a. Or il avait une
lacune à l'endroit de fa1 (85). J'exerçai son oreille pour cette
note ; et, à la fin de la séance, il faisait effort, quand je disais
ra pour produire une r grasseyée ṛa. Je ne veux pas présenter
le fait comme absolument démonstratif ; car l'exercice a pu
fixer l'attention de l'enfant et l'amener à mieux entendre,
uniquement en le faisant mieux écouter. Cependant il est
certain que l'r est plus exigente que l'l pour les notes les
plus graves. Ainsi des oreilles limitées à 164 et 460 entendaient
encore l respectivement à 80cm et à 1m20, mais
n'entendaient plus r.

Résonateur, voix parlée :

tableau

Voix chuchotée :

tableau898

Fricatives (v f, z s, j ɛ). — Notes indiquées :

v. image (Otolog., p. 440).
image (Herm.).
image dans case (Thom.).

f. image (p. 436).
image (Otolog.) (p. 436).
image (Herm.).
image dans case (Thom.).

Résonateur :

v. tableau

z | s | j. image (Herm.)
image (Thom.)

s. image (p. 432)
image (p. 433)
image (Otolog., p. 432)
image (Herm.)
image (Th.)899

Résonateur :

z | s | j. image (Herm.)
image (Thom.)

ɛ. image (p. 442)
image (Otolog., p.442)
image (Herm.)
image (Gildemeister dans Herm.)
image (Thom.)

Résonateur :

j | ɛ. tableau
j | ɛ. tableau

La composition de ces consonnes semble confirmée dans
l'ensemble par l'examen des sourds. Une observation est
intéressante à relever. L'audition complète de la note ut6 ,
(2048) paraît nécessaire pour pouvoir distinguer s de s
zézayée. Une petite fille entendait très bien 1934 et 2612,
mais pour 2048 elle l'entendait de l'oreille droite
9005 secondes de moins que moi ; et, de l'oreille gauche, 8 ;
d'autre part, 1920, 1024, 400, 84 étaient perçus normalement,
mais il y avait une diminution de 10 secondes pour
352 et un affaiblissement sensible pour 260, 118, 50, 35,
30, 43. Or, pour elle, s et z zézayé sonnaient de même.
J'excitai son ouïe avec un des diapasons. L'oreille gauche
fut corrigée la première, et dès lors elle distingua les deux s ;
l'oreille droite suivit bientôt après et devient capable, à son
tour, de reconnaître les deux sons 148.

Cependant voici un fait qui donne à croire que la vraie
note se rapprocherait peut-être plus tôt 6 (2304). Un autre
enfant prononçait ç̑Į pour s. Son champ auditif mesuré
avant et après la correction de ce vice de prononciation, à
quelques jours de distance, a accusé une augmentation de
10 secondes (oreille droite), 4 (oreille gauche) pour 6,
10 sec. (or. d.) et 13 (or. g.) pour 5, 25 sec. (or. d.),
16 (or. g.) pour 4 , 20 sec. (or. d.) et 13 (or. g.) pour
mi2. Une seule note n'a pas été améliorée, c'est ut6. Mais
elle a bientôt gagné à son tour 6 sec. (or. d.) et 8 (or. g.) 249

Nasales (m, n, ). — J'ai indiqué comme entrant dans
la composition du timbre nasal de ces consonnes les 7e
14e et 21e harmoniques du son fondamental (p. 574-575).
Mais en étudiant attentivement la figure 366, on peut
arriver à des déterminations plus précises. L'échelle est de
4.400mm à la seconde. Or le tracé de , très net entre le 3e
et le 4e point, laisse voir deux groupes formés chacun de
deux vibrations et mesurent 2mm5, ce qui donne :

1760 3520 7040901

Pour n et m, le tracé est moins clair. Cependant on peut
mesurer pour la 1re deux vibrations dans 1mm5 et pour m
trois vibrations dans 2mm5. soit :

n 2866 5730
m 1760 5280

De plus, j'ai observé qu'en produisant près d'un auditeur
le murmure nasal de ces consonnes, celui de se rapproche
de l'i ou de l'u, ce qui suppose une caractéristique plus
aiguë que pour n et m (p. 573). Cette expérience, renouvelée
depuis, a donné le même résultat ; mais, quand elle
est faite un peu loin de l'auditeur, la différence s'efface, la
note aiguë n'étant plus sentie.

M. Hermann, se servant de l'analyse de M. Gildemeister,
indique pour :

n et m image

d'après le tableau suivant :

tableau

M. Thomson :

image dans Espagne
n image dans fini
m image dans homme.902

Résonateur :

tableau
image
n image
m image

Occlusives (b p, d t, g k). Notes indiquées :

b image (p. 464)
image (Herm.)
image (Thom.)

p image (p. 459-460)
image (Herm.)
image (Thom.)

Résonateur :

tableau b | p
tableau b | p

d image (p. 464)
image (Otolog.) (p. 464)
image (Herm.)
image (Thom.)903

t image (p. 460)
image (Otolog.)
image (Herm.)
image (Thom.)

Résonateur :

tableau d | t

g image (p. 464)
image (Otolog.)
image (Herm.)
image (Thom.)

k image (p. 462)
image (Otolog.)
image (Herm.)
image (Thomson)

Résonateur :

tableau g | k
tableau g | k904

Le régime du souffle, qui sert de base à la classification
des consonnes, et à plusieurs catégories générales,
suffit presque à caractériser les espaces. Nous verrons, en
effet, plus loin que chaque consonne peut se reconnaître
dans les seuls tracés que donne l'air au sortir de la bouche
et du nez.

Il y aurait encore ici lieu de mesurer la quantité d'air
émise pour les différentes consonnes. Je l'ai déjà entrepris
pour plusieurs 150 avec spiromètre et le tambour inscripteur.
Ma conclusion a été que le débit total pour chaque articulation
augmente à proportion que l'obstacle vocal diminue
et que, en général, la sonore dépense, à égale force, moins
d'air que la sourde. Je ne reviens pas sur la façon de conduire
les expériences (voir p. 234-235, 814 et suiv.) ; et je
me contente de rappeler quelques-uns des résultats obtenus,
plaçant entre points virgules ceux qui sont comparables.
Les quantités sont exprimées en centimètres cubes.

tableau

La comparaison de l'explosive sourde et de la sonore
soit avec le spiromètre, soit avec le tambour inscrivant à
voie fermée ne m'a pas donné une différence bien marquée
pour la dépense totale. Mais l'exploration à voie
ouverte
montre que le jet d'air était plus rapide dans la
sourde (fig. 586).905

M. Roudet s'est occupé de nouveau de la question 151 ; et
il a résumé dans un diagramme (fig. 587) la moyenne de
50 expériences sur les spirantes françaises. Quant aux explosives,
il s'est borné à faire remarquer que le débit moyen est
plus considérable que pour les spirantes, l'explosion ayant

image

Fig. 586.
Tracé du souffle pris avec un tambour très élastique et à la petite vitesse du
cylindre enregistreur

une courte durée ; mais que la dépense totale est moindre ;
que la dépense et le débit vont en croissant de la sonore
à la sourde, et de la sourde à l'aspirée. La question est à
reprendre d'après la méthode proposée pour les voyelles.

Je ne crois pas, en effet, qu'il soit nécessaire de recommencer
pour les consonnes l'examen minutieux dont les
voyelles ont été l'objet, le mode d'expérimentation institué
pour celles-ci pouvant être facilement adapté à celles-là.

Les organes capables de donner naissance à des consonnes
sont de dedans ou dehors : le larynx, le voile du palais, la
langue et les lèvres. Nous allons les considérer successivement.
Quant aux mâchoires et aux joues nous n'en dirons
qu'un mot à la fin.

Larynx

Outre le concours qu'il apporte à toutes les consonnes
sonores, le larynx peut produire une explosive et une
906constrictive : le aïn (p. 870), les divers modes d'attaque forte
(p. 485-486) et le stöd danois (p. 873).

Voile du palais

En livrant un passage au courant d'air obstrué dans la
bouche, le voile du palais n'est pas seulement un organe
essentiel aux nasales définies plus haut, mais il peut encore

image centilitres | débit moyen | s | z | f | ɛ | v | j

Fig. 587.
Spirantes françaises.

leur donner un caractère nettement explosif comme cela
s'observe en chinois, d'après les tracés obtenus par
907M. Alexieff (fig. 588), et, quoique à un degré inférieur, dans
l'interjection nasale (fig. 294).

De plus, le rebord du voile peut, sous l'influence d'un
fort courant d'air, exécuter un mouvement vibratoire qui

image N | B | 1 | 2 | 3

Fig. 588.
Nasales chinoises avec forte explosion nasale.

Les tambours employés étaient petits et rigides.
N. Nez ; — B. Bouche.
1. pàn̮. — 2. pèn̮. — 3. pin̮.

s'associe à celui du dos de la langue pour l'r gutturale et le
(ch dur all.) au moins dans la variété forte (fig. 329).

Langue

La consonne linguale, où la langue est le moins active,
est l'aspirée (h) : au lieu d'agir, elle s'efface plutôt en se creusant
pour laisser le courant d'air frôler librement les parois,
comme en arabe (p. 871), ou bien elle prend la position
de la voyelle suivante. On remarque un écoulement d'air
par le nez (fig. 338, 340, 341), un mouvement vibratoire
(fig. 329, 4) ; mais d'ordinaire le courant d'air est seulement
908buccal et sourd. Comparez hoch (fig. 589) avec Ofen
(fig. 590). Cependant, si l'on prononce rapidement un mot

image
ó————c̑

Fig. 589.
Aspirée en allemand.
Souffle recueilli dans un tambour.

image
ó———f———œn

Fig. 590.
Non aspirée en allemand.

comme haben, on met en évidence une légère tendance à
la sonorité (fig. 591).

image L | B

Fig. 591.
Aspirée en allemand.

L. Larynx ; — B. Bouche.
haben répété. Le second h est accompagné de légères vibrations du larynx.

Le point le plus reculé, à la racine même de la langue,
est le siège de deux articulations : l'une sourde, le q explosif
909arabe (fig. 559) et le qʿ avulsif géorgien (fig. 556, 6)
l'autre sonore le p constrictif arabe, ق (fig. 559). Pour en
obtenir le tracé sur le palais artificiel, il faut ajouter une
rallonge qui dépose la ligne d'intersection du palais dur et
du palais mou. La chose est facile : on n'a qu'à coller avec
de la seccotine une petite languette de papier noir assez
résistant pour n'être pas replié par la langue.

A cheval sur cette ligne ou peu en avant, est la limite de

image A | B

Fig. 592.
Articulation des gutturales.
(Palais artificiel).

La partie ombrée représente le k.
A. — 1. ka. — 2. ga, en parisien.
B. — 1. ku. — 2. ko. — 3. ka. — 4. . — 5. ki. — 6. k̮i, en périodes

contact de la racine de la langue avec le palais pour les
explosives k g suivies de o u (fig. 592 et 559).

C'est à ce point que la langue se rapproche du palais
pour l'r parisienne (fig. 593), l'ł russe (fig. 404, 4), le w et
le (voir p. 935).

A partir de cette limite, la langue se porte en avant,
légèrement pour k g + a, et de plus en plus pour k g + e910

image A | B | C

Fig. 593.
Articulation de l'r.
(Palais artificiel).

A. ṙé, en parisien. Les parties ombrées des deux côtés de la figure appartiennent à l'é.
L' a exceptionnellement laissé une trace dans la partie inférieure.
B. — ra, en haut-angoumoisin.
C. — ra, en irlandais.
Dans B et C, la voyelle n'est pas marquée.

image L | B
k—c | k̮—é

Fig. 594.
Pression de la langue pour k et pour .

L. Langue ; — B. Bouche.
Les lignes pointillées marquent la différence de pression. La descente de la ligne
de la langue indique la rapidité du mouvement dans le k, sa lenteur et sa mollesse
dans .911

i oe u (fig.382, 592), l'explosion étant ténue (fig. 122, 150,
etc.). ou aspirée, kʼ gʼ (fig. 263, 339).

image
kètaka (A)

Fig. 595.
Explosion du k dur.

B. Bouche. — N. Nez.

Le k avulsif géorgien est en avant du k (fig. 556, 3)

Un peu en avant de chaque espèce dure, k g se mouillent
(fig. 399-401), avec une région articulatoire plus étendue,

image B | N
(A)

Fig. 596.
Explosion du k mouille.

B. Bouche. — N. Nez.
L'explosion est molle dans k̮i, dure dans k̮è (fig. 595).

une pression de la langue moins énergique (fig. 594)
et une explosion plus molle (cf. fig. 595 et 596) dans deux
mots malgaches kétaka, nom de femme et k̮iraru « soulier ».912

Enfin les k et les g peuvent se changer soit directement,
soit indirectement en spirantes : d'où le γ du grec moderne ;

image A | B | C

Fig. 597.
1. ṅga. — 2. ṅga (variante). — 3. ṅga. — 4. ṅgi. —

le ch dur allemand, la jota espagnole, qui sont sourds ; le jh
saintongeais, qui est sonore ; le ch doux allemand sourd et

image N | B
j———à———ṅ

Fig. 598.

N. Nez ; — B. Bouche.

Le est comprit entre les deux dernières lignes pointillées.

le y sonore (fig. 408, 420) et le (fig. 619).

C'est encore dans la même région que s'articulent le
guttural très en arrière avec go ga, en avant avec gi (fig.
913597), à Madagascar comme à Loango. Le guttural se conforme
donc à k g quand il est suivi de ces consonnes.
Entre voyelles et à la finale, le se produit à peu près au
même point que le g en subissant, comme lui. l'influence
de la voyelle continue (fig. 343). Le phénomène est très

image 1 | 2 | 3

Fig. 599.

1. — fãṅ : 1 et 1′. (la nasale étant tombée) ; 2. fãn avec la nasale finale
très forte ; 3. le même avec la nasale faible.
2. — ṅvãṅ « pluie » avec le final.
3. — 1. (partie ombrée) [illisible] « insulter » ; — 2. (pointillée), de « case ».

facile à étudier dans le dialecte de Loango où le final se
montre à la fois dans le tracé du souffle (fig. 598) et sur le
palais artificiel (fig. 599). — Une (fig. 403, 5).

Toutes ces consonnes, qu'on pourrait appeler radicales ou
dorsales, font leur développement du dedans en dehors.
L'autre série des linguales part, au contraire, de la pointe
et va du dehors en dedans ; et toutes ses espèces pourraient
être réunies sous la dénomination de cacuminales.
Quel que soit le point de l'occlusion, qu'elle se produise
en avant contre les dents, même entre les dents (fig. 380,
386, 394), ou vers le milieu du palais comme à Loango
(fig. 599, 3), l'impression auditive varie peu : c'est toujours
t d avec l'explosion ténue (fig. 314, 315, 305, 384), tʽ dʽ
avec l'explosion aspirée (fig. 263-265, 581-583).914

Prenant une région articulatoire plus étendue (fig. 407, 4)
et moins forts, t d deviennent mouillés (t̮ d̮, fig. 399, 402).

image A | B

Fig. 600.
Articulation de j, ɛ en français et en anglais.
(Palais artificiel).

Les parties ombrées et limitées par un croisillé représentent le ɛ.

A. 1. ɛ. — 2. j, en parisien.
B. 1. ɛ (nation). — 2. j (pleasure), en anglais.

Il y a entre ɛ et j anglais la même relation qu'entre s et z : la sourde est une aspirée.

Un peu en arrière avec l'explosion spéciale, ils sont avulsifs
(fig. 556).

La région de la mouillure s'étendant davantage aux
dépens de l'occlusion qui diminue, la mouillée devient
mi-occlusive et s'écrit ṙ ɛ̀ ṡ etc. ; quand la langue aura perdu
son dernier contact avec le palais, elle sera plus que r ɛ s
etc. (fig. 419 et 572).

La nasale de la série est n (fig. 380) et (fig. 403) qui
correspondrait peut-être plus exactement à un y occlusif
nasal
(voir l'article sur l'intensité).

Le t anglais n'est pas seulement reculé, il tend encore à
devenir légèrement spirant. Le d spirant peut aboutir à y.

La spirante propre est s z alvéolaire (fig. 406) et ṣẓ
915interdental, th dur et doux anglais, z espagnole. Pour la
forme du tracé du souffle, voir les figures 249, 284, 284°,
297, 298.

Le ɛ et le j (ch j français) se produisent un peu en arrière
de s z (fig. 406) et par un mécanisme différent, bien qu'il
soit facile de passer de l'un à l'autre. Pour s z, la langue
s'allonge, prend en général son point d'appui derrière les

image A | B | C

Fig. 601.
Articulation de l
(Palais artificiel).

A. — l parisienne.
B. — 1. l alsacienne (vallée de Munster).
2. Imitation par un Alsacien de l anglaise.
C. — l anglaise.

dents d'en bas, et soulève le dos qu'elle creuse en gouttière ;
le souffle arrive par un étroit canal et frappe le tranchant
des dents ; si la langue glissée entre les dents y met
obstacle, s z sont zézayés. Pour ɛ j, la pointe de la langue
se soulève et se retire en arrière de façon que le courant
d'air, arrivant par un canal plus large, soit rejeté vers la
racine des dents d'en bas, dans une caisse de résonance formée
par le recul de la langue et l'avancement des lèvres ;
si cette caisse de résonance est diminuée, soit parce que
916les lèvres omettent de s'écarter, soit parce que la langue
s'allonge trop vers les dents, comme chez les Anglais
(fig. 600), le ɛ se mouille ; le résultat serait le même, si
le canal dorsal était rétréci. Pour le tracé du souffle, voir
les figures 284, 334.

Pour s z, ɛ j mouillés, voir aussi p. 611-612.

C'est dans la même région que se forme l'r dentale (fig.
593) et que la langue prend son point d'appui pour l'l
(fig. 601). Un recul ou un avancement plus ou moins

image

Fig. 602.
Position des lèvres, pour j, ɛ, s en parisien.

marqué est possible sans que le son soit notablement modifié.
Même r et l interdentales se voient plutôt qu'elles ne
s'entendent. Mais, quand le recul de la langue pour l s'accompagne
du soulèvement de la racine et d'une grande sonorité,
on obtient l'l anglaise de « table », si différente de
l'l française.917

Si la pointe de la langue touche trop le palais et que les
bords se relâchent, l'r se teinte en l ; inversement, si la
pointe de la langue se détache légèrement et que les bords
par compensation se roidissent, l'l prend une nuance d'r
jusqu'à ce qu'elle se confonde avec elle. D'autre part, la
pointe de la langue perdant la faculté de vibrer, l'r tend
vers z ; ou bien venant à l'acquérir, l'n devient r ; et les
bords se relâchant, d passe à l.

L'r linguale se distingue très bien de n l d sous le menton,
en arrière, par le soulèvement du plancher de la
bouche, l'os hyoïde se portant en haut ; même différence
pour ɛ j par rapport à s z, et pour les avulsives géorgiennes
par rapport aux occlusives simples.

Pour les tracés du souffle, voir les figures, r : 249, 267,
268, 271, 272, 288, 340, 425-427, 429*; l : 131, 262,
284*, 285, 303, 329. Il arrive que le tracé est très peu marqué
et difficile à reconnaître :

L'r peut se mouiller (fig. 395 et p. 606-607).

L'l mouillée est beaucoup plus commune, et présente de
nombreuses variétés (fig. 404, 405).

Lèvres

Les lèvres prennent une position très caractéristique pour
ɛ j par opposition à s z (fig. 602). Elles sont plus rapprochées
pour t d que pour k g, pour d n r que pour l.

Elles jouent leur rôle essentiel dans les labiales.

Rapprochées puis séparées brusquement, elles donnent les
occlusives p b, ténues (fig. 126, 127, 249, 262, 266, etc.),
aspirées (259, 263, 267, etc.), avulsives (fig. 553), ou avec
le concours de la langue p b mouillés (fig. 395, 396).

La constrictive f v peut être bi-labiale ou denti-labiale :
la constriction étant faite par les deux lèvres, ce qui donne
918au v une teinte de b, ou par les dents supérieures appuyant
sur la lèvre, soit à l'intérieur (v français), soit au milieu
(v hollandais), soit à quelques millimétrés plus en dehors
(w hollandais). D'après le si regretté Van Hamel, le v diffère
encore du w en hollandais (fig. 603) par une plus grande
émission de souffle (S) et plus de pression denti-labiale
(D-L) 152.

image S | D | L
v——oo—r—w—aa——r

image S | D | L
w—a——r—v——oo———r
(Van Hamel)

Fig. 603.
v et w hollandais.
S. Souffle. — D-L. Pression denti-labiale.

La pression (D-L) a été prise au moyen d'une ampoule placée entre la lèvre inférieure
et les dents.

F et v peuvent enfin se mouiller (fig. 395) ou prendre
un caractère occlusif (fig. 356, 374).919

Pour le tracé du souffle, voir les figures 124, 125, 151,
277-281, 284*, 312, 316, etc.

A ajouter, les semi-voyelles w et .

La nasale est m (fig. 346-348, etc.), et m mouillée
(fig. 133, 1, 2).

Enfin les lèvres peuvent donner un mouvement vibratoire,
r labiale, qui, jointe à p, est utilisée comme cri de
commandement adressé aux animaux (pr !).

Mâchoires, joues

Les mâchoires ont le plus grand écartement pour les
labiales ; elles se rapprochent progressivement pour k g,
ɛ j, l r labiale, n t s.

Quant aux joues, elles favorisent naturellement par leur
élasticité l'écoulement du souffle à travers la glotte pendant
l'occlusion du b sonore. Mais il ne semble pas qu'elle jouent
en ceci un rôle bien important, puisqu'elles sont sans action
pour d et g.

Sons indéterminés

Je réunis dans ce paragraphe, qui sera très court, mais que
j'avais fait plus long, quelques exemples de débris d'articulation
mourantes ou même crues mortes depuis longtemps,
et de commencements d'articulations prises à leur naissance.
Chaque expérimentateur ne manquera pas d'en rencontrer
de nouvelles à son insu et d'en rechercher, aiguillonné par
les suggestions de la phonétique historique.

Le caractère propre de ces articulations réside dans l'indécision
des tracés, qui tranche avec la fixité de ceux que
donnent des sons bien vivants et dont on a pleine conscience.920

J'ai signalé plus haut les dernières traces d'un g mouillé
en train de devenir y (fig. 408).

image A | B | C | La | Lè
ā́—p | ā́—p | ā́—p

Fig. 604.
La. Larynx ; Lè. Lèvres.

Le premier exemple de ce genre que j'ai recueilli est
celui d'une r perdue pour l'oreille, mais se survivant à elle-même,
dans le parler de M. l'abbé Dion, de la Chaussée
(Meuse). Je l'ai mentionné ailleurs 153. J'y reviens, quoiqu'il

image A | B | C | La | Lè
ā́—p | ā́—p | ā́—p (arbre)

Fig. 605.
La. Larynx ; Lè. Lèvres.

ait été incomplètement étudié, surtout en raison de sa
date. Dans ce parler, arbre se dit à peu près ā́p. Frappé
921d'une certaine étrangeté dans ce son, je le comparai avec
ā́ + p.

Je disposais alors uniquement des explorateurs du larynx
(fig. 45 et 41) et des lèvres (fig. 32). Le mot ā́p « arbre »
fut inscrit plusieurs fois de suite, ainsi que le composé
ā́ + p. Or les tracés différaient notablement, non pour la
ligne des lèvres, mais pour celle du larynx.

Dans le composé ā́ + p les vibrations laryngiennes s'arrêtent
au moment de l'occlusion du p. Les variantes sont
négligeables : sur 19 tracés, 6 sont du type A (fig. 604),
11 du type B, 2 du type C.

Mais pour ā́p « arbre », un espace plus ou moins grand
se montre 42 fois contre 5, entre le point où finissent les
vibrations du larynx et celui où les lèvres se ferment pour
le p. Nous avons trois types différents (fig. 605) : A,
27 fois ; B, 15 fois ; C, 3 fois. Ce dernier reproduit, au
moins pour la concordance du silence laryngien et de l'occlusion
labiale, le tracé de ā́ + p.

Il y a donc dans entre l'ā́ et le p de ā́p « arbre » une
articulation de longueur variable et presque toujours
sourde. Cette articulation, indéfinissable pour mon oreille,
est évidemment un reste de l'ancienne r. Je n'avais au
moment où se firent ces expériences ni le moyen, ni l'idée
de pousser plus loin. Je me bornai à constater que le son
étrange, qui avait frappé mon oreille, ne devait pas être
attribué au p, et ne pouvait pas non plus être traduit par
une r, content d'avoir découvert des traces certaines d'une
articulation que l'on considérait comme entièrement disparue.

Aujourd'hui, je demanderais à l'inscription du souffle
et aux mouvements de la langue de nouvelles informations.922

L'inconscience du sujet parlant s'explique par ce fait que
l'articulation manque de fixité, et se présente avec l'indécision
propre aux étapes transitoires des évolutions phonétiques.

Le malgache nous fournit une excellente occasion d'étudier
la chute progressive des voyelles finales atones. Je
renvoie à l'article de l'accent pour certains états intermédiaires
que les tracés permettent de préciser.

Mais je m'arrêterai à quelques cas de survivances et
de disparitions inconsciences que j'ai observés dans des
dialectes bas-allemands 154 pendant un séjour à Greisswald,
avec le concours de M. Reifferscheid, professeur de philologie
germanique.

Nous n'avons recueilli que les mouvements des lèvres
avec l'appareil (fig. 33, ML), les vibrations du larynx
avec l'explorateur électrique (fig. 45 et 41), et les vibrations
nasales avec un tambour rigide (fig.26).

Dans les tracés que je reproduis, la ligne des lèvres est
en bas, celle du larynx au milieu, celle du nez en haut.
L'écoulement de l'air par le nez est marqué par l'abaissement
de la ligne.

Une des questions que se posait M. Reifferscheid était
de savoir si l'n de flexion se conserve à la 1re pers. du pl.
devant une autre n, par exemple, si l'on dit dans la Poméranie
ultérieure : vi vuln na… « wir vollen nach », ou vi
vul na
. Pour trancher la difficulté, nous avons inscrit la
phrase suivante dans le parler de Bütow : vi vul(n) na Elna
lópn
« wir wollen nach Eldena laufen, nous voulons
courir à Eldena », où se trouve un groupe connu ln
923(Elna), et le groupe qu'il s'agit de déterminer, ln ou lnn.
Les deux groupes sont aussi pareils que possible, étant
tous les deux dans la même position, à l'atone. D'où il
suit qu'une similitude de tracés entraînerait leur identité
et la réduction des deux n de vuln na à une seule. De
même, une prolongation du son nasal dans le second
groupe démontrerait la persistance en tout ou en partie
de l'n flexionnelle.

L'expérience a été répétée quatre fois et a donné des
résultats variables, mais toujours identiques en ce point,
que la nasalité a été constamment plus longue dans vuln
na
que dans Elna.

image
v—i vulnnaelna lóp—m

Fig. 606.

v initial sourd. — v médial sonore. — n de vuln conservée (cf. vulu na et elna pour la
durée sur la ligne nasale). — L'l devant n est légèrement nasalisée. — Le p est presque
une f pour la pression labiale (cf. v et p sur la ligne des lèvres) ; son explosion se fait par
le nez. — L'n est devenue une m par la fermeture persistante des lèvres : pourtant la
pression labiale est faible, égalant celle du v.

La lecture des tracés est facile, surtout si nous nous en
tenons à ce qui fait l'objet propre de notre enquête. La
première déviation de la ligne nasale correspond à n ou nn
de vul(n) na, et la seconde a l'n de Elna. Or, dans le tracé
que je reproduis ici (fig. 606) et dans un autre encore, le
924premier son nasal représente 1 fois 1/2 le second ; dans le
troisième, 1 fois 1/3 ; dans le quatrième, 2 fois. Cette
différence de durée constitue la part de l'n de flexion, qui,
par rapport à l'n de na, se trouve avoir des valeurs égales
à 1/2, 1/3, 1. C'est justement ce défaut de constance dans
la durée qui empêche cette n d'être remarquée.

Semblable question à propos de la gutturale finale de
ging « j'allai » et de ganges « allure », en rhénan de Bonn,
que M. Reifferscheid croyait prononcer et écrivait gink et

image
g—i—ṅ—km—i—ṅ—èsg—a—ṅ—k—sonda

Fig. 607.

La présence du k dans giṅk se constate sur la ligne du larynx et sur celle du nez
(espace privé de vibrations, cessation momentanée de l'écoulement de l'air par les fosses
nasales. Cf. fig. 608). Lire mīṅès par un i nasalisé. — Le k de gãṅk se reconnaît sur la
ligne des lèvres (cf. fig. 608). — à initial sourd.

gans. Cependant il avait des doutes. Aussi a-t-il choisi pour
nos expériences une phrase qui contient ces deux mots : iç̑
giṅ(k) miṅs gaṅs on dac
« Ich ging meines ganges und
dachte, j'allai de mon pas et je pensai ». Nous l'avons
inscrite sept fois. Or giṅk n'a conservé son k que deux fois,
les deux premières ; il l'a perdu les cinq autres. La place
du k est facile à reconnaître sur le tracé. En effet, le k se
prononce sans vibration du larynx et sans rejet d'air par
le nez. Il est situé, s'il existe, entre la fin du premier
925groupe de vibrations laryngiennes, qui appartient à giṅ, et
le point de fermeture des lèvres qui marque le commencement
de l'm des miṅes, ou bien encore entre les deux premières
déviations de ta ligne nasale, qui correspondent l'une
à , l'autre à m. Si donc, à cette place, nous avons un
espace privé de vibrations sur la ligne du larynx et qu'il y
ait suspension de l'écoulement de l'air par les fosses
nasales, l'existence du k est assurée. Or, c'est précisément
ce qui a lieu dans le premier tracé (fig. 607), qui est sensiblement
le même pour les deux premières expériences
Dans le second tracé (fig. 608), au contraire, qui représente
les cinq dernières expériences, les vibrations se continuent
sans interruption depuis le ç̑ de iç̑ jusqu'à l's de

image
i—çginm-i-n-e—sga—nsonda—t

Fig. 608.

Le groupe ìṅ mīṅè est entièrement nasal. — Le à a disparu dans giṅ(k) et dans
gãṅ(k)s (cf. fig. 607). — á initial sourd.

mīṅès, aussi bien sur la ligne du larynx que sur celle du nez.
Il n'y a donc plus de k sourd. Il n'y a même pas à se demander
si le k n'aurait pas été remplacé par la sonore correspondante.
Pour le k (fig. 607), il y a eu un arrêt complet de
l'écoulement de l'air par le nez, puisque la ligne a repris un
instant après le sa position normale. Il en serait de même
926pour le g. Mais ici, l'air n'a pas cessé de sortir en vibrant,
puisque la ligne ondulée n'a pu atteindre la hauteur normale
de la ligne tracée à vide. Donc le k a disparu, mais non
toutefois complètement, puisque le courant d'air nasal a
fléchi à la place de la gutturale, preuve que le voile du
palais a esquissé son mouvement occlusif. Il aurait été à
propos de rechercher si la langue de son côté ne continuait
pas à se soulever un peu vers le palais. Dans ce cas,
le k ne serait perdu entièrement que pour le larynx.

image
datyuṅ-kp—i—r-ttrektal

Fig. 609.

Le k de yuṅk est entier entre et p.

Resterait à savoir la raison de la différence que nous
relevons entre les deux premières expériences et les cinq
dernières. Je ne crois pas que l'idée qu'a M. Reifferscheid
de la conservation du k danï giṅk y soit pour rien. Cette
supposition cependant est possible : un phonéticien peut
bien avoir malgré lui la tentation de justifier ses théories.
Mais la réalité du k de giṅk, au moins dans certains cas,
ne peut être discutée puisque le sujet parlant a le sentiment
de son existence. Ici, en effet, ce n'est pas la réapparition,
c'est la disparition qu'il faut expliquer. La raison
est simple. Le k, maintenu encore dans une articulation
927lente et soignée, s'efface dès que la prononciation devient
rapide et négligée. C'est bien, semble-t-il, ce qui s'est produit
dans le cas présent. Comparons le temps employé pour les
deux séries d'expériences. Or, si la durée de la première
est représentée par 7, la seconde répond à 6, et, toutes les
articulations, mesurées une à une, sont trouvées constamment
plus courtes dans la seconde que dans la première.

Par contre, le k de gãṅks, que M. Reifferscheid croit prononcer
gãṅs a laissé une trace dans la figure 607. L'espace
privé de vibrations laryngiennes entre gans et on est trop
considérable dans cette figure comparé à celui de la figure

image
dat yun p—ir—t trekt al

Fig. 610.

Le k de yuṅ(k)s, sinon en entier, du moins en très grande partie, disparu. Pour avoir
la certitude, il faudrait pouvoir comparer avec un tracé de yuṅ p… qui manque. S'il
y a un reste du k, celui-ci ne peut occuper que le petit espace qui existe entre les deux
lignes pointillées. Cf. fig. 611 et 612.

608, pour être attribué à la seule s. La ligne des lèvres
vient à l'appui. Il suffit de s'observer un peu pour voir que
les lèvres se ferment régulièrement dans le passage de ãṅ
à s, tandis qu'elles subissent un léger arrêt par l'interposition
d'un k. C'est ce qui se trouve vérifié dans nos tracés.
La fermeture est constante et régulière dans a figure 608,
928entravée un instant dans la figure 607. Les lignes du larynx
et du nez nous donnent le point précis où finit la nasale
et où peut commencer le k.

image
datyuṅ—kp—ir—tlre—klal

Fig. 611.

Ici encore un supplément d'information aurait été nécessaire.
Il eût fallu prendre l'explosion de l'air par la bouche,
et la présence du k se fût dénoncée au premier coup d'œil.

On constate de même l'indécision du k de yuṅ(k) dans

image
dat yuṅk p—ir—t tre—kt al

Fig. 612.

dat yuṅ pirt « ce jeune cheval », en poméranien de Bütow
(fig. 609-612).

Un cas de survivance d'un son nasal à l'infinitif en rhénan
929de Bonn, jugé entièrement perdu, s'est présenté une
fois sur trois inscriptions dans dœ al emldœ- jœkótœn die
alten Hemden verkaufen, les vieilles chemises vendre ».

image
dœ u— emldœf—œ—k—ó——f—œu

Fig. 613.

Le groupe mbd est tout entier nasal. Les vibrations ne s'interrompent pas, la pression de l'air
seule varie — (forte pour m, très diminuée pour b, légère pour d) — L'u de fœkófœ(n)
a nasalisé l'œ de f » ; elle manque dans les autres tracés. l'absence de vibrations sur la
ligne du larynx est due à un défaut de l'appareil. — Pour la dernière f, la fermeture des
lèvres est moindre que pour la première.

Un cas de persistance de l'influence d'une n tombée,
beaucoup plus étonnant, nous est fourni par le parisien.

Dans des mots comme pente, hante, honte, fonte, ponte, etc.,
l'n a nasalisé la voyelle, puis elle est tombée, si bien qu'en
négligeant l'e muet final, les phonéticiens écrivent aujourd'hui
pãt, ãt, õt, fõt, õt. Rien ne nous fait soupçonner une
influence quelconque de l'n sur le t. Et pourtant cette
influence existe. Elle m'a été révélée par l'emploi du palais
artificiel dans l'étude des articulations parisiennes 155. Voici
comment :

Lorsqu'un t est précédé d'une autre consonne, l, r, la
région du contact de la langue sur le palais se trouve agrandie.
930Il suffit de comparer pour s'en convaincre les figures
représentent hâte et halte, patte et parte.

Or, si nous rapprochons de ces figures les tracés de pãt,
ãt, õt, fõt, põt, la similitude saute aux yeux. Le lecteur en
jugera par la comparaison de patte, parte, pente (fig. 614)

image pat | part | pãt

Fig. 614.
Tracé de l'influence d'une ancienne n sur l'articulation parisienne du t.

La figure représente une projection du palais artificiel. La partie ombrée a été
touchée par la langue et marque, par son étendue, la différence qu'il y a dans l'articulation
du t, selon qu'il suit un a pur (patte), un a + r (parte), un a nasal (pente).

D'où provient-elle ? De l'influence de la voyelle nasale
ou de l'ancienne n, qui a existé dans pãntœ, ãntœ, õntœ,
fõntœ, põntœ ?

Si je m'observe moi-même, je ne remarque pas de différence
sur mon palais artificiel pour patte et pente, etc. ; mais
si je dis pãntœ, à la provençale, je reproduis le type de voy.,
+ cons. + t. La voyelle nasale n'entraîne donc pas de soi
un agrandissement de la surface de contact pour le t.

Cela pourtant ne saurait être qu'une simple présomption,
et non une preuve. La preuve, je la trouve dans le sujet même
sur qui les expériences ont été faites. L'action que j'attribue
a l'n n'est pas constante pour tous les cas, je l'ai constatée
dix fois sur douze pour honte (fig. 615). Donc elle
931n'est pas liée à la présence de la voyelle nasale, qui n'a
manqué dans aucun cas ; mais elle dépend d'une autre cause
dont l'action n'est pas inéluctable.

Comme cette action est celle-là même qu'exerce une
consonne sur un t subséquent, nous sommes autorisés à

image

Fig. 615.
Variantes de l'articulation du t précédé d'une voyelle nasale.

conclure qu'elle a été produite pas l'n avant sa chute et
qu'elle s'est maintenue depuis. Que si elle cesse de s'exercer
quelquefois, c'est un effet de cette loi générale qui pousse
à la simplification des mouvements.

Je relèverai enfin la persistance d'une même position
articulatoire dans deux voyelles devenues différentes en
irlandais 156.

Deux mots ont la même orthographe dans cette langue :
toil « volonté » et coir « juste » ; mais ils sont devenus
dans la bouche d'un indigène de The Neale respectivement
tḗl et kṓr. La différence, on le voit, est extrêmement sensible,
et l'on s'attendrait à une différence égale dans le
mécanisme de la prononciation-932

Cependant, il n'en est rien. La position de la langue par
rapport au palais est restée la même. Comparez les tracés
des deux mots : toil et coir (fig. 616).

image toil | coir

Fig. 616.

La différence du son est produite par le seul mouvement
des lèvres, qui se sont ouvertes pour toil.

Parmi les sons incertains, il y en a qui sont clairs pour
le seul auditeur, par exemple, les cas de nasalité que j'ai

image
ɛla—w (trace) | ɛl—a—w (rusé)

Fig. 617.

Comparez la position des lèvres dans ces deux mots. Dans le premier, elles s'ouvrent davantage
et restent ouvertes plus longtemps pour l'a que dans le second ; de même, elles sont moins
fermées pour l'w. Ces mots ont été prononcés isolément, ce qui a dû en faire ressortir les
caractères.

signalés plus haut ; d'autres, pour le seul sujet parlant.

De ce nombre est la diphtongue au dans deux mots
rhénans : schlau « trace » et schlau « rusé ». La différence,
933que les indigènes sentent parfaitement, n'est pas entendue
par les personnes étrangères au dialecte.

En quoi consiste-t-elle ? les indigènes eux-mêmes ne
sauraient le dire. C'est le cas d'interroger les mouvements
de la langue et ceux des lèvres. Au moment où j'ai
fait l'expérience je me suis contenté de ces deniers. A vrai
dire, ils sont très expressifs. Il suffit de comparer les deux
tracés suivants (fig. 617) pour voir que le premier mot contient
un a plus long et plus ouvert que le second, et un u
moins fermé. Si l'on voulait pousser un peu plus loin
et avoir une notion plus précise sur le degré de fermeture
de l'u de schlau « rusé » et, par comparaison, de schlau
« trace », on pourrait mettre les deux u en parallèle dans
une phrase telle que celle-ci : bes du évœr ɛlaw « bist du
aber scblau, que tu es rusé ! » (fig. 618).

image
b—e—sduévœrɛla—w

Fig. 618

L'intérêt de cette figure réside dans la comparaison du second élément de la diphtongue w
avec l'u de du : cette comparaison est aisée, grâce à la ligne pointillée horizontale.

Des deux u, il est clair que le plus fermé est celui de
du. On peut donc établir cette gradation au point de vue
de la fermeture des lèvres : ú (du), u (aw dans schlau
« rusé »), ù (aw de schlau « trace »).

Ainsi, en ne tenant même compte que d'un seul élément
934(la fermeture des lèvres), l'impression des rhénans de Bonn
se trouve justifiée.

On a déjà rencontré plusieurs faits de ce genre, par
exemple, la différence entre ã = an latin et ã=en, en franc-comtois
(p. 715-716). Il est inutile d'insister davantage.

Quant aux sons naissants, on en trouve un peu partout.
J'en choisis un dans le dialecte de Loango, qui est très facile
à reconnaître. Les trois semi-voyelles, ẅ w y, tendent à
donner naissance à un g. Ainsi mœẅiya « disputer » laisse

image 1 | 2 | 3

Fig. 619.
Sons naissants.

1. mœẅiya (1) ; mœgẅiya (2).
2. wa (1) ; gwa (2).
3. ya (1) ; gya (2, 2′, 2″).

normalement sur le palais la trace d'un (fig. 619, 1) ;
mais parfois apparaît celle d'un g très reculé. Et, de fait, à
l'oreille, on croit entendre presque gẅi. Le w dans awun
« ventre » a laissé aussi prévoir un gw (cf. fig. 619, 2). Le y
est plus net (fig. 619, 3) : le tracé de la spirante montre très
bien une esquisse de l'occlusion et, à coté, l'occlusion elle-même.
Ces tendances, au dire du Père Sacleux, ont déjà
abouti en souahili, où *ny-éma est devenu ngéma « bon »,
et où w et y ont également ont été remplacés par g.935

Mais, sans aller si loin, le parisien dénonce la tendance,
qui devient un fait accompli dans la langue familière et
négligée 157, de l'à à mouiller le k, comme le prouve la comparaison
de kàv, kav et kàv (fig. 626, A. B).

Article III
Éléments groupés de la parole.

Les éléments du langage, que nous avons considérés
jusqu'ici en eux-mêmes, la plupart hors des groupes où ils
se rencontrent, seraient insuffisamment connus, si nous ne
les replacions dans leur milieu naturel, pour les étudier de
nouveau et voir comment ils se modifient en entrant dans
les combinaisons diverses où ils peuvent figurer.

Nous étudierons successivement : les combinaisons
d'une consonne et d'une voyelle, ou d'une voyelle et d'une
consonne ; d'une voyelle entre deux consonnes, et d'une
consonne entre deux voyelles ; de plusieurs voyelles ;
de plusieurs consonnes ; la syllabe, le mot, le groupe,
la phrase et le discours.

Combinaison d'une consonne et d'une voyelle
ou d'une voyelle et d'une consonne

Ce premier genre de combinaison est le plus simple.
Certaines consonnes (les muettes) ont été jugées imprononçables
sans le secours d'une voyelle ; et il se rencontre
des peuples qui ne sauraient émettre deux consonnes de
suite sans intercaler entre elles un son vocalique.936

Les deux mouvements se combinent de telle manière que
la détente de l'une des deux articulations corresponde à la
tension de l'autre.

Lorsque sous certaines influences, sans doute d'ordre
pathologique, les deux mouvements sont séparés, la
consonne tombe. J'ai été à même de le constater pour
les syllabes ka et ga, qui devenaient simplement a. Les
sujets faisaient un effort qui suffisait pour leur donner
l'impression que la consonne était produite, mais qui
demeurait sans effet pour les auditeurs.

L'union est moins étroite avec les aspirées. Mais avec les
autres consonnes, elle est si intime que les mouvements
élémentaires sont toujours modifiés. Si, par exemple, on
veut prononcer a, on met les organes (langue et lèvres)
dans la position voulue ; et l'on profère la voyelle. Mais,
pour prononcer pa, les lèvres prennent d'abord naturellement
la position requise pour p ; et, au moment où elles
s'ouvrent, l'a se fait entendre.

Il est clair que, dans les premiers moments, la voyelle
émise est plus près d'un u que d'un a, les lèvres étant à
peine ouvertes.

Or si, pour des raisons spéciales, l'ouverture des lèvres
vient à se faire lentement, cet u, qui a passé aperçu dans le
premier cas, prend de l'importance, et une diphtongue s'est
produite sous l'influence de la labiale : pa est devenue pwa.

Si, au lieu de suivre la consonne, la voyelle la précédait,
un phénomène analogue se produirait en sens inverse et ap
pourrait devenir aup.

Ces deux faits deviennent sensibles dans les tracés du
souffle et des mouvements des lèvres (fig. 620). Les lignes
pointillées verticales marquent : la 1re la fin de l'a initial ;
la 2e le commencement de l'a final. La pointillée horizontale
937indique le niveau de la fermeture des lèvres : ce qui
dépasse par en haut du tracé correspond à la pression d'une
lèvre contre l'autre ; et ce qui est au-dessous, a l'ouverture
des lèvres. L'a étant parfait au commencement (ap) et à
la fin (pa), les points intermédiaires appartiennent, non à
des a purs, mais à des a plus fermés, sortes de u et de œ que
l'on fait entendre en maintenant les lèvres très rapprochées.

image B | L
apa

Fig. 620.

B. Souffle. — L. Lèvres.
Le point le plus bas de la ligne des lèvres correspond au début du premier a et à la fin
du second.

Une autre cause concourt à altérer les parties de la
voyelle voisine de la consonne, c'est l'implosion ou
l'explosion de celle-ci, qui sont toutes les deux apparentes
sur la figure et qui, partant toutes les deux de la partie
culminante du tracé, vont : l'une jusqu'à la ligne pointillée,
l'autre jusqu'à la 1re grande vibration de ia voyelle.

L'influence de la consonne sur la voyelle devient plus
nette encore, quand la voyelle est nasale (fig. 35 3). la
nasalité disparaissant plus ou moins au contact de la
consonne.

Lorsque la voyelle et la consonne dépendent d'un seul et
938même organe, comme, par exemple, ti (fig. 621) et di
(fig. 622), dont les tracés ont été pris, au moyen de la

image L | B
t——i

Fig. 621.

L. Mouvement de la langue. — B. Souffle.
Les lignes pointillées marquent : la 1re le moment où commence le travail articulatoire ;
la 2e celui où, la langue s'abaissant, le souffle sort et produit l'explosion ; la 3e les premières
vibrations du larynx.

capsule exploratrice des mouvements de la langue, placée
pour di à un centimètre des dents, pour ti un peu plus en
arrière, avec le contrôle simultané de la voix, enregistrée

image L | B
d——i

Fig. 622.

L. Mouvement de la langue. — B. Souffle.
L'explosion est comprise entre les deux lignes pointillées.939

par un tambour rigide. Nous avons à la fois : les mouvements
de la langue et les vibrations de l'air contenu dans
la bouche, la tension et la détente qui sont marquées, l'une
par l'élévation de la ligne, l'autre par un brusque abaissement.
Le moment de l'explosion et l'apparition des vibrations
de la voyelle pour ti nous permettent de déterminer
avec précision le travail de préparation de la consonne,

image
ya | yu
ay | uy

Fig. 623.

La position des lèvres est sensiblement la même pour y dans les deux sons

la détente et le léger instant qui peut être attribué à l'explosion
consonantique, enfin la voyelle. On remarquera que
le mouvement de détente entraîne la langue au-dessous de
la position normale de l'i, ce qui l'oblige à se soulever un
peu pour y revenir. On pourrait s'attendre à un dédoublement
de l'i en ei. Mais l'action de la consonne peut être
940plus profonde encore et changer ou du moins préparer le
changement complet du timbre de la voyelle.

Nous n'avons pas à nous arrêter sur l'influence spéciale
des consonnes nasales : il en a été longuement parlé plus
haut (voir surtout les fig. 312, 313, 316, 331-339). Voir
aussi les figures 128-144.

Mais la consonne elle-même subit l'influence de la
voyelle. Cela est vrai surtout lorsque l'une et l'autre
dépendent d'un organe différent. Elles se préparent alors
toutes les deux à la fois. Ainsi pour ya et pour yu (fig. 623)
le mouvement initial est, sur les lèvres, celui de a et de u.
De même, quand on veut prononcer pu, les lèvres ne se
rapprochent pas seulement, comme cela est naturel pour p,

image L | B
b—a | b—i

Fig. 624.
L. Langue. — B. Souffle.

La différence de hauteur de la langue pour ba et bi est marquée par la ligne
pointillée horizontale.

mais elles s'avancent en même temps, ce qui est réclamé
pour u. Ce n'est pas tout : la langue, étant indifférente
pour p, prend dès le début la position de l'u. Ainsi voyelle
et consonne se compénètrent mutuellement.941

Si nous avions une oreille assez délicate, nous sentirions
une différence entre le p de pu et celui de pa ; mais la distinction
étant inutile pour le sens, nous n'y prenons pas
garde. Nous la mettrions en évidence en chuchotant très
légèrement et l'un après l'autre ces deux p.

image L | B
z————a | z——i

Fig. 625.

Même dispositif que dans la figure précédente.

Comme les lèvres, la langue se prépare dès le commencement
de la consonne pour la voyelle suivante. Comparer
ba et bi (fig. 624) za zi (fig. 625), où l'on voit que la
langue est bien plus élevée pour b z quand c'est un i qui
doit suivre.

Mais c'est surtout avec k g que l'action de la voyelle sur
la consonne est facile à constater (fig. 382 et 626). Cette
action, très nette sur l'initiale (626, B), n'est pas moins
sensible quand la consonne est finale. Ainsi le k de pàk
942« Pâques » peut rester pur, tandis que celui de sẽk « cinq »
se mouillera 158 (fig. 626, C, D).

Toutefois il ne faudrait pas croire que ces deux cas
cons. + voy. et voy. + cons.. soient identiques. La consonne

image A | B

Fig. 15.

image C | D

Fig. 626.

A. 1. a moyen. — 2. à ouvert. — 3. á fermé.
B. 1. kav « cave ». — 2. kàv. — 3. káv. Le commencement de la mouillure dans kàv
est ici évident, quique l'oreille n'ait pu le saisir.
C. Pâques : 1. pák̮ ; 2-5. pák.
D. Cinq : 1-2. sẽk̮ ; — 3. sẽk.943

se comporte différemment dans l'un et dans l'autre.
Comparez ka et ak (fig. 627).

L'action réciproque des voyelles et des consonnes
contiguës est universelle et se trouve, si l'on cherche bien,
à la base d'évolutions où on ne la soupçonnerait pas. Elle
n'aboutit pas toujours à produire un ébranlement dans un

image
akkaaka

Fig. 627.

Différences d'articulations d'une même consonne suivant qu'elle est finale,
initiale ou médiale.

sens déterminé (d'autres causes interviennent) ; mais elle
contient toutes les possibilités. Aussi le phonéticien, adonné
à l'étude des dialectes vivants, fera une œuvre éminemment
utile en relevant tous les faits où elle commence à se faire
sentir.944

Une voyelle entre deux consonnes, une consonne
entre deux voyelles 159

Dans le premier cas, l'influence exercée sur la voyelle
est double ; et, si elle se produit dans le même sens, la
voyelle peut en être fortement altérée. L'a de pap est
évidemment sollicité à se fermer ou, pour mieux dire, il
n'est réellement pur que dans sa partie médiane.

Si nous en rapprochions l'a de mam, nous aurions à
constater encore une autre influence, celle de la nasale.
Ainsi dans l'exemple suivant (fig. 628) qui représente ma
propre prononciation de « maman » (mamã), l'a se trouve
incliné, à mon insu, vers o par le mouvement des lèvres,
vers ã par l'émission nasale de l'air, qui n'est interrompue
qu'un instant, et par les vibrations nasales qui se continuent
sans arrêt. Quoi d'étonnant, dans ces conditions,
qu'il soit remplacé, soit par l'un (momã), soit par l'autre
(mãmã) chez les enfants de Paris, qui sont les échos d'une
tradition purement orale.

La consonne finale exerce une autre action, qui celle-là
est plutôt conservatrice : elle diminue naturellement la
945durée et l'intensité de la voyelle, et par là, en la sauvant
de la diphtongaison, elle peut lui conserver son timbre.

image N | B | L
mamã

Fig. 628.

N. Nez. — B. Bouche. — L. Lèvres.

La ligne du nez est renversée, le courant d'air sort quand elle descend, et est intercepté
ou aspiré quand elle monte
On peut suivre sur ce tracé tout le travail articulatoire. Au début, avant la 1re ligne,
l'air ne sortait pas par le nez, mais par la bouche. Alors le voile du palais s'abaisse, et,
quoique les lèvres soient ouvertes, l'air est seulement aspiré par le nez. L'écoulement nasal
est interrompu au moment où les lèvres se rapprochent, et, quand elles se rejoignent, il
reprend abondamment (entre les deux lignes pointillées) c'est l'émission de l'm. Puis les
lèvres se séparent et le voile s'abaisse pour a. Nouveau rapprochement des lèvres, et nouvel
abaissement du voile pour la 2e m. Enfin écoulement modéré de l'air par le nez et large
ouverture des lèvres pour d.

La consonne entre voyelle n'est identique ni à l'initiale,
ni à la finale. Comparez le k de aka avec ceux de ka
et de ak en français (fig. 627) : moins en arrière que le 1er,
et moins en avant que le second, il est plus éloigné de
la mouillure que celui-ci. D'autre part, le p de ap (fig. 629)
apparaît plus énergique que celui de apa (fig. 620) ; comparez
la pression en mesurant le tracé au-dessus de la pointillée
946horizontale. On peut s'en rendre compte encore en prononçant
sur le dos de sa main apa et ap, aba et ab : l'émission
de l'air sera plus forte pour ia consonne finale que
pour la médiale.

image
a——p

Fig. 629.

V. Voix. — L. Lèvres. — La première pointillée marque le début de l'occlusion du p ;la
deuxième, celui de l'explosion. La pointillée horizontale permet d'apprécier le degré de
pression des lèvres pendant la fermeture : elle est proportionnelle à l'élévation de la ligne.

Entre les deux voyelles, la plus influente est la seconde,
comme cela se montre très bien pour a tu dans « il a
tou
-rné » (fig. 630). Dès le milieu de l'a, la ligne des lèvres
s'élève à la sollicitation de l'u.

image V | L
i—lat—u—r—n—a

Fig. 630.

V. Voix. — L. Lèvres. — La première pointillée indique le début de l'occlusion du r ; la
deuxième, celui de l'explosion. On remarquera que pendant tout ce temps, les lèvres effectuent
leur mouvement de fermeture marqué sur le tracé par une élévation de la ligne. Elles
sont dans la position de l'u, au moment où le t éclate.947

Les voyelles agissent sur la consonne, qu'elles tiennent
emprisonnée, par un autre organe que la langue et les
lèvres : par le larynx. Dans ce cas, l'initiative revient à la
première : l'effort articulatoire ayant diminue, les vibrations
laryngiennes de la voyelle peuvent se continuer, comme
on le voit en regardant attentivement la ligne des lèvres
après a dans apa (fig. 620), et, si l'explosion du p perd de
sa force, rien ne s'oppose plus à ce que le mouvement vibratoire
du larynx se prolonge sans interruption jusqu'à la
seconde voyelle. Le p sera devenu un b. On s'assurera
qu'un dialecte éprouve une prédisposition dans ce sens, en
inscrivant sur le tambour enregistreur des combinaisons
artificielles et variées de voy. + cons. + voyelle répétées un
grand nombre de fois. L'organe, libéré de toute entrave,
s'abandonnera librement à son jeu naturel.

Voir encore les figures 145-148, 150-154 et, pour le
détail des vibrations, 274-207-209, 212-231.

Combinaison de voyelles

Nous avons étudié (fig. 146, 421-424, 428-430, 463,
465-467, 484-486, 504-506, 512-516) diverses combinaisons
de voyelles, d'après les mouvements articulatoires et
(fig. 200-202) d'après l'examen microscopique des vibrations.
On a pu remarquer : la continuité absolue du son,
sans aucun hiatus réel entre deux voyelles consécutives ; le
passage plus ou moins rapide entre deux voyelles extrêmes
par l'intermédiaire de sons transitoires, qui peuvent, par
allongement et excès d'intensité, prendre une importance
capable de les faire ressortir, ou qui demeurent insensibles
à l'oreille, visibles seulement dans les tracés ; la tendance à
l'unité de voyelles complexes ou la fixation de la diphtongue
948par la consonnification de l'un de ses éléments. Ce sont à
peu près toutes les questions qui se posent : il est inutile
d'y revenir.

Combinaisons de consonnes

Quels que soient le timbre et la place des voyelles qui
interviendront dans les groupes, nous n'aurons en vue que
les consonnes. Considérons d'abord les mouvements. Ils
ont été pris au moyen d'ampoules en caoutchouc, si bien
que les moindres pressions se sont fait sentir et que les

image L | La
p——l——a

Fig. 631.

L. Lèvres. — La. Langue. Tambours élastiques à grandes cuvettes.

vibrations inscrites permettent de fixer avec précision le
moment où se sont produites les consonnes sonores.949

Si les consonnes dépendent de deux organes différents,
les mouvements destinés à les produire peuvent être simultanés.
La simultanéité est complète dans pla (fig. 631). fla
(fig. 632). Mais la langue est retardée si le groupe est

image L | La
f———l——a

Fig. 632.

L. Lèvres. — La. Langue. Tambours élastiques à grandes cuvettes.
La première ligne pointillée marque le commencement de l'f ; la 2e celui de l'l.

médial comme dans apta (fig. 63 3) par l'implosion, et s'il
est entièrement sonore, par l'influence modératrice du
larynx sur l'articulation : vla (fig. 634), vra (fig. 635), bla
(fig. 636), bra (fig. 637). En tout cas, au moment où la
première consonne est articulée, la seconde est toute prête.
Les deux détentes se suivent donc plus ou moins rapidement
(remarquer le retard de vra et surtout de bla). Quand
le groupe est médial et formé de deux occlusives (apta), la
première consonne est réduite à la tension, la seconde à la
tenue et à la détente, l'une étant seulement implosive et
l'autre explosive.

Si les consonnes dépendent d'un seul organe, il y a deux
cas : les articulations se font au même point, ou à deux points
éloignés. Dans le premier cas, tla (fig. 638), un seul mouvement950

image B | La | L
ap—t—a

Fig. 633.

B. Bouche. — La. Langue. — L. Lèvres. — Tambours élastiques.
Les pointillées délimitent les deux consonnes.
Le mouvement d'élévation de la langue (pour le t) s'exécute pendant que les lèvres se
ferment (pour le p).

image L | La
v———l—a

Fig. 634.

L. Lèvres. — La. Langue.
La ligne des lèvres commencent à s'élever dès le bord de la figure, celle de la langue à
partir de la ligne pointillée.951

initial se fait pour les deux consonnes, et une déviation
du tracé, marquant un arrêt, indique le commencement

image L | La

Fig. 635.

L. Lèvres. — La. Langue.

de la seconde consonne. Comparez ta et tla, le mouvement
de langue ayant été pris à deux endroits différents : A au
milieu de la bouche, B derrière les dents, au point précis de
l'articulation. La comparaison d'A et de B pour tla permet
d'isoler l'articulation de l'l. De plus, A montre que le dos

image L | La
b——— —l ———a

Fig. 636.

L. Lèvres. — La. Langue.
L'articulation de l'l ne commence qu'à la seconde ligne pointillée.

de la langue s'est abaissé pour le t dans tla, tandis que la
pression de la pointe a augmenté. Le t dans le groupe
n'est donc pas le même que le t isolé.952

image L | La
b——r——a

Fig. 637.

L. Lèvres. — La. Langue.
A l'instant où la pointe de la langue touche le palais pour r, les lèvres s'ouvrent.

image A | B
t———a t———l—a

Fig. 638.

A. Langue au milieu de la bouche.
B. Langue derrière les dents.
Les pointillées horizontales permettent de comparer l'élévation de la langue aux deux
niveaux observés pour t et tl.953

Si les articulations se font à deux points éloignés, derrière

image A | B
k——l——a

Fig. 639.

A. Racine de la langue.
B. Pointe de la langue.
La tension de l'l ne commence qu'après la détente du k.

les dents et à l'extrémité du palais dur, par la pointe
et le dos de la langue, kla (fig. 639), gra (640), les mouvements

image A | B
g———a g——r——a

Fig. 640.

A. Racine de la langue qui articule le g.
B. Pointe de la langue qui articule, chez moi, l'r.954

sont forcément successifs. Comparez le tracé du
dos de la langue A et celui de la pointe B. Même pour

image N | B | L
a—p——m——a

Fig. 641.

N. Nez (le tambour était très élastique). — B. Bouche (souffle inscrit par un tambour
rigide). — L. Lèvres.

gra, la pointe ne part que quand le dos a complètement
accompli sa détente. Aussi n'est-il pas étonnant que des
oreilles très fines distinguent un petit œ entre k et r dans
ma prononciation. On remarquera aussi que le g est plus
intense dans ga que dans gra.

Si la dernière consonne est une nasale, la combinaison
se fait aussi différemment, suivant qu'il y a un ou deux
mouvements articulatoires. Quand il n'y en a qu'un, comme
dans apma (fig. 641) et asna (fig. 642), la 1re consonne
955est réduite à la seule implosion ; mais elle a un supplément
explosif très considérable par le voile du palais, qui
donne passage à un courant d'air supérieur à celui d'une
simple nasale. Cela est surtout clair dans asna : la langue

image N | B | La
a—s———n———a

Fig. 642.

N. Nez. — B. Souffle. — La. Langue.

s'élève jusqu'au contact du palais ; à ce point, l's est finie et
le courant d'air buccal est interrompu (c'est l'implosion
de l's, correspondant à la seule tension) ; n commence alors
avec explosion nasale très forte. La différence de pression
labiale entre p et m dans apma est beaucoup plus grande
que dans les consonnes isolées.

Quand il y a deux mouvements articulatoires, par
exemple un de la racine de la langue, l'autre de la pointe,
akna (fig. 645), chaque consonne a son explosion ; mais le
956jet d'air nasal, qui commence dès que la langue obstrue le
passage par la bouche, est très abondant, et la langue

image N | B | L
a k——n———a

Fig. 643.

N. Nez. — B. Bouche (le courant d'air est gêné par l'ampoule qui prend les mouvements
de la langue ; mais il est facile néanmoins de reconnaître l'explosion du k. — L.
Pointe de la langue qui donne l'n (tambour très élastique).

continue à se presser contre le palais jusqu'au moment de
l'explosion buccale. Si nous supposons un groupe plus
compliqué aptma (fig. 644), nous avons un p implosif, un t
explosif, mais prononcé, par économie, avec les lèvres mi-ouvertes,
et l'm, les lèvres ayant repris leur position normale.

Ces exemples suffisent à donner une idée des modifications
957articulatoires et de la diminution d'intensité que
subissent les consonnes dès qu'elles entrent dans des groupes.

image N | B | La | L
a—p——t——m—a

Fig. 644.

N. Nez. — B. Bouche. — La. Langue (tambour élastique). — L. Lèvres (tambour élastique).

On pourrait encore s'en rendre compte à l'aide du palais
artificiel, en choisissant des groupes tels que l'une seulement
des consonnes doive porter la langue contre le palais, du
958moins dans la région intéressée. Par exemple, veut-on
comparer l'articulation de l seule et en groupe ? On prendra
le tracé de la (ou de l + toute autre voyelle), puis
celui de bla, pla, fla, vla ; les labiales ne donnant rien sur le
palais, la marque obtenue appartient bien à l'l. On peut

image la | plat | faible | fort

Fig. 645.
La isolé et combiné avec p.

L'articulation a été produite avec trois degrés d'intensité : moyenne, faible, fort.

prendre encore kla, gla ; k et g ne touchant qu'en arrière, la
tache produite devant est celle de l'l. On pourrait même
essayer tla, dla, sla, si le tracé est plus grand que celui de
t d s seuls, il peut être utilisé ; sinon, on n'en peut tirer
aucun parti. Les tracés 160 que je reproduis(fig. 645) montrent
959la concordance des résultats obtenus par les deux modes
d'expérimentation que nous avons utilisés.

Enfin, nous avons à considérer les troubles apportés dans
le fonctionnement du larynx par le groupement de consonnes
dont les unes demandent et les autres refusent son
intervention.

Ces troubles ont été constatés déjà et même exagérés. On
a écrit, par exemple, qu'une sonore devient toujours au
moins en partie sourde au contact d'une sourde, que

image
estembani—ç̑lóp n rè—n

Fig. 646.

Nous avons déjà noté la nasalisation anormale de ce dialecte (p. 534).

des nasales, comme celles de prisme, spasme sont sourdes,
de même que l'l et l'r de peuple, table, pampre, sabre.

La question ne peut pas être tranchée avec cette généralité :
chaque groupe exige des expériences spéciales.

Je suis entré, à cet égard, dans des deuils minutieux
pour mon propre parler 161. J'ai remarqué que, considérées
au point de vue de la force attractive, les consonnes peuvent
se diviser en deux classes : l'une qui est très assimilable,
960comprenant les occlusives (p, b, d, t, k, g) et les fricatives
(f, v, s, z, ɛ, j) ; l'autre qui l'est beaucoup moins et qui se
compose des liquides (l, Į, m, n, r) et des semi-voyelles
(y, w, ). Puis j'ai donné les résultats de mes expériences
pour les divers groupes, suivant qu'ils sont formés de
consonnes de la première classe seulement ou bien qu'ils
contiennent des consonnes de la seconde.

A ces exemples, je me contente d'en ajouter un que j'emprunte
au dialecte de Hambourg. Dans cette phrase

image N | L | Lè
ʽestembaniç̑lópmzḗ—n

Fig. 647.

N. Nez. — L. Larynx. — Lè. Lèvres.
Les lèvres gardent la même position que pour n, ce qui transforme ce groupe en pm. — Le p
dans pm reste sourd. Il est produit par une fermeture des lèvres moindre que celle du b.
— Lire presque : em baniy.

ʽes t em baniç̑ lopen zen, « Hast du ihn mörderisch (stark) laufen
sehen
, l'as-tu vu courir en meurtrier (vite) ? » (fig. 646),
l'n s'assimilant est devenue m et le p est resté sourd une
première fois (fig. 647) ; dans une autre expérience, il a été
sonore (fig. 648).,

C'est l'm seule, semble-t-il, qui influence dans ce dialecte
une sourde précédente. Il est naturel, en effet, que
les muettes douces, déjà plus qu'à moitié sourdes par
961elles-mêmes, n'aient pas agi sur une sourde placée devant
elles.

Mais, à côté de cette question de l'assimilation laryngienne,
il y en a une seconde qui n'offre pas moins d'intérêt :
les modifications observées dans le jeu du larynx sont-elles
primitives ou dépendent-elles d'une modification produite
dans l'articulation elle-même ? En d'autres termes : un

image
ʽestembaniylópʼmzé—m

Fig. 648.
Le p dans pm est devenu b par les vibrations du larynx. — Lire : embaniy.

groupe vf, qui nous apparaît dépourvu de vibrations laryngiennes,
représente-t-il un v non laryngien, ou sourd, et
une f, ou bien ff. Le fait que l'on peut distinguer, par la
seule articulation, v et f, b et p, etc., rend la solution de cette
question facile pour un bon nombre de cas. C'est ainsi qu'elle
s'est présentée à moi toute résolue dans « ma pòv fœ̃m »
(p. 508-510). Le parisien vient aussi à notre aide. Des mots
comme médecin perdent leur « muet médial ; et il s'agit de
savoir si l'on dit médʼcin ou metʼcin. Pour avoir la réponse,
il suffit de faire deux ou trois expériences avec le palais artificiel.
Le tracé, on se le rappelle, est moins étendu pour d
que pour t (fig. 380, 1) ; en tout cas, on s'en assure. Puis, on
demande au sujet de dire le mot qu'on lui écrit metcin avec
962un t, ensuite medecin comme à l'ordinaire. Et l'on compare
les tracés. L'expérience, reproduite fig. 649, a été faite
avec une parisienne 162; ce n'est sûrement pas un t qui a été
prononcé. Si en même temps on se procure la preuve, par
l'inscription simultanée des vibrations du larynx, que la
consonne est sourde, la question est résolue : on a un d
sourd, c'est-à-dire une douce dépouillée uniquement des
vibrations laryngiennes, et non une douce devenue forte
et, par le fait même, sourde.

image
medsẽ | metsẽ

Fig. 649.
Le point essentiel est le haut de la figure, qui n'a pas été influencé pat l's de sẽ. Or il
est clair que l'articulation a été douce dans le premier cas, forte dans le second.

Mais nous avons à faire ici à des phénomènes essentiellement
variables, qui dépendent du progrès de l'évolution
dialectale, des dispositions individuelles, même de la
seule rapidité de la prononciation et du mouvement de la
phrase. Il est possible que des dialectes voisins soient fixés
à des étapes différentes, que l'un ait v f avec un v sonore,
un autre v f avec un v seulement assourdi, un autre enfin ff.

Les constatations faites pour une région ne peuvent donc
pas être étendues sans examen à une autre. De même, les
963règles fondées sur la prononciation lente d'une personne
ne peuvent s'appliquer à sa prononciation rapide ; et nous
pourrons surprendre sur les mêmes lèvres tantôt v f, tantôt
v f (v sourd), tantôt ff.

image
t————a———j——n———a————(Sch.)

Fig. 650.
Groupe jn en tchèque.

N. Nez. — B. Bouche.
La ligne pointillée sépare le j et l'n.
Exploration avec une narine bouchée.
Toutes les vibrations se montrent sur la ligne du nez, comme sur celle de la bouche,
tel point qu'il n'était pas nécessaire d'inscrire directement celle du larynx.

Les combinaisons de consonnes donnent parfois des
résultats qui étonnent. Nous avons vu une nasale rendre
sonore une sourde précédente. C'est la règle. Or, on trouve
dans la langue de l'Avesta, en vieux perse, dans des dialectes
slaves de Macédoine, des groupes zm, jm, zn, jn, vn
964qui sont devenus sm, ɛm, sn, ɛn, fn 163. Le problème est
embarrassant. Je crois en avoir trouvé la solution dans deux

image A | C | N | B | L
—————a——————j—————a—(Sch.)

Fig. 651.
j médio-sourd (A), sonore (B), assourdi (C).

N. Nez. — B. Bouche. — L Larynx.
L'exploration a été faite avec une narine fermée.
La ligne pointillée réunit les points correspondants des trois variétés de j et traverse
la partie qui est susceptible de s'assourdir.965

variétés de z j v et de nasales, qui toutes les deux tendent
a l'assourdissement. Supposons une sonore à moitié assourdie
(fig. 275 et 276) mise en contact avec une nasale à
début sourd (fig. 347,348), ou tendant à le devenir
(fig. 346, 2) : la première consonne deviendra facilement
sourde elle-même. C'est ce qui est arrivé, quand après
avoir reconnu dans un même sujet la présence d'articulation

image N | B | L
n—————a—— (Sch.)

Fig. 652.
Nasale à début sonore.

N. Nez. — B. Bouche. — L. Larynx.
L'occlusion de la consonne est comprise entre les deux lignes pointillées. Elle est marquée
dès le début par des vibrations sur les trois lignes du tracé : elle est donc entièrement
sonore.
Noter que l'a se nasalise fortement au contact de l'a par assimilation, et à la fin sous
l'influence expiratoire..

répondant à ce type, j'ai fait répéter un grand nombre
de fois de suite les syllabes azna, ajna, avna. Dans ce cas,
l'organe obéit à la loi d'assimilation réclamée par les consonnes
en présence : les parties sourdes s'attirent et la
sonore s'assourdit dans des proportions variables, comme
cela se produit dans tous les cas de phénomènes inconscients966

image A | C | N | B
———u——j——n——a (B)

Fig. 653.
Croupe jn en saint-gallois.

N. Nez. — B. Bouche.
La grande ligne pointillée sépare j et n. Les petites pointillées indiquent approximativement
le début du j, par comparaison avec le ɛ.
Les exemples A B C sont disposés par degré d'assourdissement. Le dernier j est presque
entièrement sourd.967

(cf. p. 920 et suiv.). Mais, si je soumets à la
même épreuve des sujets qui ne possèdent que la variété
entièrement sonore des consonnes étudiées, l'assourdissement
ne se produit à aucun degré. Comparez tajna (fig. 650)
chez M. Schlumsky, Tchèque, qui connaît bien un j
médio-sourd (fig. 651, A) à côté d'autres variétés sonores

image N | B | L
———a————————j————a——— (B)

Fig. 654.
j médio-sourd.

N. Nez. - B. Bouche. - L. Larynx.
L'exploration a été faite avec une narine fermée.

(B) ou légèrement assourdies (C), mais dont les n sont
très sonores, dès le début de l'occlusion (fig. 652), avec
ajna (fig. 653), qui se transforme peu à peu en aɛna dans
la bouche d'un Saint-Gallois dont le j tend à s'assourdir
(fig. 654) et dont la nasale est médiocrement sonore
(fig. 346, 2). L'expérience réalise une vraie synthèse phonétique,
donnant artificiellement la vie à des combinaisons
mortes depuis longtemps. Chez moi-même, malgré mes
médio-sourdes, la nasale est trop sonore pour reproduire
le phénomène.968

La syllabe, le mot, le groupe,
la phrase, le discours.

La syllabe n'a rigoureusement d'existence physiologique
que dans les monosyllabes isolés. Autrement, on l'a vu
par ce qui précède, les mouvements organiques se lient les
uns aux autres sans solution de continuité, et il n'y a pas
de point d'arrêt dont on puisse dire d'une façon absolue :
ici finit une syllabe et commence une autre. Cependant nous
avons le sentiment d'un mouvement correspondant à la
syllabe, puisque dans une sorte d'aphasie elle est remplacée
par un effort expiratoire (p. 307) et que les personnes incultes
même peuvent scander leurs mots et les diviser en syllabes ;
c'est que l'effort essentiel seul est conscient, non la préparation
de cet effort ni l'influence qu'il peut avoir sur le
mouvement suivant. La syllabe est comme le chaînon qui
ne compte dans la chaîne totale que pour ce qu'il y ajoute,
la jointure devant être partagée un peu arbitrairement entre
les deux chaînons voisins (voir p. 404 et suivantes).

Ces réserves faites, essayons de préciser les limites des
syllabes dans les divers genres de tracés :

1° Tracés du larynx.

Tracés du larynx. — Dans les séries de syllabes
composées d'une sourde et d'une sonore, la voyelle correspond
aux vibrations, les espaces sans vibrations représentant
la consonne entière telle qu'elle a été définie dans les
groupes. La 1re consonne seule reste inconnue.

2° Tracés du souffle nasal pris au moyen d'une seule olive.

Tracés du souffle nasal pris au moyen d'une seule olive. —
Les nasales se reconnaissent à l'écoulement de l'air ; mais
l'infection nasale des voyelles voisines rendrait la détermination
incertaine, s'il manquait le contrôle d'un autre tracé.
Quand l'exploration nasale se fait avec un très petit tambour,
les résonances de toutes les sonores sont très nettes et
969présentent souvent des caractères qui permettent d'isoler
plusieurs sons.

3° Tracés du souffle buccal pris avec un tambour et à moyenne vitesse.

Tracés du souffle buccal pris avec un tambour et à moyenne
vitesse
. — Toutes les explosions sourdes et sonores sont
marquées, ainsi que les implosions. Les occlusions sont
toujours claires. Ce qui manque de précision, c'est le
paysage d'une voyelle à une autre, d'une constrictive sonore
à une voyelle, de l'explosion sourde à une voyelle quand

image

Fig. 655.
Air vibrant inscrit avec le tambourin.

Mots inscrits : …selon l'usage antique et solennel.
Les sourdes et même les spirantes se distinguent bien. Mais l'l reste indécise. L'u et les
nasales ont été précisées grâce au tracé du nez que j'ai retranché dans la figure.
La fin de chaque articulation est indiquée par un point. Dernière ligne : Diapason de
200 v. d.

le tambour donne un grand déplacement, ce qui lui
empêche de saisir les vibrations.

4° Tracés des vibrations aériennes prises à l'aide du tambourin.

Tracés des vibrations aériennes prises à l'aide du tambourin. —
Cette inscription a l'avantage de ne pas gêner
le sujet en expérience et plait aux artistes, pour qui je l'ai
disposée. Elle donne des indications qui peuvent suffire
dans certains cas (fig. 654). Mais elle devient bien plus
970claire si l'on y joint l'inscription de la colonne d'air nasale.
Toutefois les tracés du souffle sont bien préférables pour
la lecture.

5° Tracés synchroniques du soufflé de la bouche et du nez.

Tracés synchroniques du soufflé de la bouche et du nez. —
Pris à vitesse moyenne, ces deux tracés suffisent à isoler
presque toutes les syllabes. Les seules difficultés sont pour
les voyelles contiguës, les consonnes l r z j, qui peuvent
être affaiblies au point de ne pas se distinguer, les semi-voyelles
et les sourdes initiales. Pour reconnaîtrez v z j entre
voyelles, on peut s'aider de la comparaison de f s ɛ. Quant
aux sourdes initiales, le début physiologique est d'ordinaire
suffisamment marqué par les variations du souffle. Mais le
début acoustique, qui se confond avec l'explosion pour les
occlusives, reste indéterminé pour les constrictives, parce
que le mouvement vibratoire qui leur est propre échappe
aux appareils. On peut le fixer approximativement par comparaison
avec la sonore initiale correspondante. L'inscription
préalable de toutes les consonnes d'un dialecte à étudier
jointes à une voyelle quelconque rend, par comparaison, la
lecture des textes suivis plus facile et plus sûre.

Quand le souffle de la bouche et du nez est inscrit avec
des appareils convenables (oreille inscriptrice, inscripteur
électrique, tambour très petit) et à grande vitesse, tous les
sons sans exception sont faciles à déterminer (p. 404 et
suivantes).

Mais pour un texte étendu à inscrire en une seule fois,
ce procédé est impossible avec les enregistreurs dont nous
disposons. De simples tambours, avec la vitesse moyenne,
sont bien plus pratiques et, en somme, suffisants (Voir
p. 530 et fig. 300). Les points indécis peuvent être inscrits
à part avec les moyens propres à mettre en relief les différences
des sons.971

6° Tracés synchroniques des mouvements organiques et du souffle.

Tracés synchroniques des mouvements organiques et du
souffle
. — Quand ils sont convenablement préparés, ces tracés,
même pris à la moyenne vitesse, permettent de délimiter
tous les sons qui dépendent des organes explorés, comme
on a pu en juger par les ligures de détail.

Ce serait le lieu ici de revenir sur la question, déjà posée
(p. 643), de savoir ce qui constitue la syllabe. Mais je le
ferai plus utilement un peu plus loin.

Le mot, comme la syllabe, n'existe sans altération qu'à
l'état isolé. Il se compose d'une ou plusieurs syllabes. Nous
avons parlé du premier cas ; il reste à nous occuper du
second. Dans les polysyllabes, outre le groupement des
articulations, il faut considérer ta longueur du mot, le
rythme et l'accent, l'usure, l'assimilation à distancera dissimilation
et l'épenthèse.

Le groupe respiratoire possède une individualité propre.
Il est formé d'un ou de plusieurs mots ; et, en plus des
influences qui agissent sur le mot, il est soumis à l'action
d'un mot sur l'autre et de son accent propre.

La phrase contient un ou plusieurs groupes respiratoires
et a un accent, qui en fait l'unité, plus fort que celui du mot
et du groupe respiratoire.

Toutes les questions relatives à la durée, à l'intensité, à
l'accent et au rythme trouveront leur place dans l'article
suivant. Nous nous arrêterons seulement ici sur l'union
des mots, l'usure et le compte des syllabes dans le groupe
et dans la phrase, l'assimilation à distance, la dissimilation
et l'épenthèse.

Union des mots.

Plusieurs exemples prouvent qu'au moins en certains
972cas le mot conserve dans le groupe quelque chose de son
individualité. Ainsi dans « apte à tout faire » (fig. 656), apte
se distingue de apt dans « aptitude », par un p d'une plus
grande occlusion et d'une légère explosion, qui manque

image
1 a——p—tat—uf———è—[r]
2 a—p—t—i——t——u———d——œ

Fig. 656.
(Inscription du souffle.)

On remarquera l'indépendance des deux consonnes séparées par le pointillé. Dans (1)
aptaufè(r) « apte à tout faire », on notera la présence d'une petite explosion pour le
p : dans (2) aptitude « aptitude », celle d'un changement de pression marqué par un fléchissement
de la ligne.

image 1 | 2 | B | N
1 l——œkò——tr—o—là
2 l——œkò——tr—o—lœ̀r

Fig. 657.

tk (1) est plus fort que tr (2).
B. Bouche. — N. Nez.973

dans « aptitude », c'est-à-dire par plus de force. Dans le
« comte Roland », tr (l'e muet étant tombé) a une ampleur de
tracé qui ne se retrouve pas pour « le contrôleur » (fig. 656).

De même, « donne à Pierre » ne se confond point avec
« donna Pierre » (fig. 658). L'oreille n'est pas toujours

image B | N
1 d—o—napy——èr (donne à Pierre)
2 d—o—napy——èr (donna Pierre)

Fig. 658.

Na tonique apparaît plus fort que na à (atone), même en tenant compte de l'intensité
plus grande avec laquelle le groupe entier a été prononcé par rapport au premier :
(Donne à Pierre).

insensible à ces différences, qui se traduisent pour elle par
des nuances d'accentuation, d'intensité ou de timbre.

Usure des syllabes.

L'usure des syllabes devient apparente quand on compare
les tracés avec la forme écrite des mots, ou même les tracés
entre eux. Comparez fig. 351-356, 644, où la terminaison
-en a pu être prononcée, et 645-656 où la voyelle a sûrement
disparu. Nous avons deux exemples excellents du
phénomène en betsiléo. Tomponʼny tany « propriétaire du
terrain », entendu tupūnitáni (fig. 659), peut se réduire
pour les syllabes atones intérieures puni (fig. 660). Le
974progrès est plus grand dans tomponʼtani « propriéraire du
terrain », qui a été entendu tuputani et qui est en réalité
tubutani (fig. 661). Le pu, déjà affaibli en bu avec un u si

image B | N
tu pūnitá ni

Fig. 659.

B. Bouche. — N. Nez.
Les syllabes puni sont pleines.

image B | N
tu pūnita ni

Fig. 660.

B. Bouche. — N. Nez.
L'i de puni est très réduit.975

court qu'il est plus juste de n'y voir que l'explosion du b,
est réduit à une simple occlusion faisant suite à l'implosion
(fig. 662), perd de sa sonorité et disparaît presque entièrement

image B | N
tu butaā ni

Fig. 661.

B. Bouche. — N. Nez.
La syllabe bu (entre les pointillées 3et 4).

image B | N
t——u——b—t—a———n—i

Fig. 662.

B. Bouche. — N. Nez.
La figure a été agrandie de 1 c. 1/2 pour rendre visible les vibrations du b.
L'u de bu a disparu ainsi que l'implosion du b. — Occlusion sonore pour b entre les
pointillées 3 et 4), sourde pour t (4-5). Le caractère implosif du b se montre dans la voyelle
précédente qui a dépensé un plus fort courant d'air (comparer avec la figure précédente).

(fig. 663). Notons que dans les deux tracés (661
et 663) la distance entre l'explosion du premier t et l'occlusion
976de l'n (tubta…) est sensiblement la même. Le mot
n'a donc pas été raccourci par la perte de la syllabe bu. C'est
la 1re syllabe qui a bénéficié d'un surcroît de durée. Cela
s'explique : l'explosive ayant été remplacée par une implosive,
il n'y a qu'un simple déplacement de force.

image B | N
tubtaāni

Fig. 663.

B. Bouche. - N. Nez.
Les vibrations pendant l'occlusion du b sont plus faibles que dans le tracé précédent.

D'après cela, il semble qu'on pourrait établir, pour la chute
d'une syllabe atone placée entre une initiale forte et une
tonique commençant par une sourde, les étapes suivantes :
1° affaiblissement de l'atone, ce qui permet le changement
d'une sourde en sonore ; 2° réduction de la voyelle à l'état
de simple explosion ; 3° perte de l'explosion et son remplacement
par une implosion ; 4° assimilation de l'occlusion
sonore à l'occlusion sourde de la syllabe suivante ; 5° confusion
des deux occlusions en une seule ; 6° disparition de l'implosion,
ce qui consomme la disparition de la syllabe atone.

Si j'appliquais tout ceci à un exemple latin, je dirais que,
pour devenir chetel (cheptel), capitale a dû prendre les
formes successives : 1° cabitale ; 2° ca-b-tal (b explosif) ;
cab-tal (b implosif) ; 4° captai (occlusion assourdie) ;
chaʼtel (implosion encore sensible) ; 6° chatel, chetel.977

Le malgache est encore un excellent champ d'études
pour la chute des voyelles finales atones. On y observe :
d'un côté, l'action destructive de la longueur du mot et
des occlusives sourdes ; de l'autre, l'influence conservatrice
des spirantes sourdes et de toutes les sonores ; et peut-être
encore des causes d'ordre harmonique 164.

image bal | balle | Bal | Balle

Fig. 664.

Dans le parisien même, l'e muet final après une simple
consonne n'est pas tellement affaibli qu'on n'en puisse déceler
la présence. Comparez bal et balle chez deux parisiennes 265
(fig. 664).978

Compte des syllabes.

Le compte des syllabes est un point qui intéresse au
plus haut degré les métriciens français. Et la cause de leur
embarras n'est autre que la consonnification de certaines
voyelles en hiatus et l'instabilité de l'e muet.

Pour savoir si, dans la lecture poétique d'aujourd'hui, la
voyelle devenue semi-voyelle pour la langue courante, a bien
conservé sa valeur traditionnelle, il n'y a qu'à inscrire le
passage en entier, avec des appareils distinguant la voyelle
de la semi-voyelle correspondante : et l'on verra bien si, en
ce point, la pratique est conforme à la théorie. Comme
contrôle, on pourra inscrire le même morceau une seconde
fois avec la voyelle, et une troisième avec la semi-voyelle.

La question de l'e muet est autrement compliquée. On
l'a simplifiée outre mesure en prétendant que l'e muet tombe
toujours quand il n'est pas contigu à un groupe de consonnes.

A l'oreille, on peut le confondre avec une explosion un
peu forte, et dans les tracés avec une explosion sonore.
Dans ce cas, quand il y a doute, il faudrait faire l'inscription
à grande vitesse, la vibration prenant alors un caractère
déterminé qui permet de reconnaître la voyelle. On peut
donc toujours, si l'on veut, résoudre graphiquement le
problème. D'expériences déjà anciennes que j'ai faites à
l'instigation de M. Psichari, et d'autres plus récentes que
j'ai reprises avec le concours de M. de Souza, dont l'oreille
délicate est un guide si suggestif, comme des expériences de
M. Lote sur le rythme des vers français, et des phonogrammes
des meilleurs artistes, il résulte que dans le débit
poétique la chute et la conservation partielle ou totale de
l'e muet dépend de sa place dans le mot, de la qualité d'une
syllabe précédente (fig. 664), d'une consonne placée avant979

image B | N | D

Fig. 665.

B. Bouche. — N. Nez. — D. Diapason de 50 v. d. à la seconde.
Les pointillées délimitent les voyelles et les consonnes. — Prolongées jusqu'au tracé du
diapason, elles permettent de mesurer facilement la durée de chaque articulation.
Remarquer la différence des deux e muets : celui de áme très net et aigu ; celui de femme,
trop grave pour ma voix et se confondant avec l'explosion de l'm.980

ou après, du degré de rapidité de la prononciation, des
besoins du rythme, de l'effet à produire 166. Bref, il n'est
presque pas de cas où l'e muet ne puisse pas être conservé
un peu artificiellement. En conséquence, il semble que le
poète peut prendre la liberté d'en user avec cette voyelle
suivant les exigences de sa pensée et de son vers, et que le
lecteur doit chercher à se conformer à la volonté du poète.

Quant à la lecture des vers mesurés d'après la métrique
traditionnelle, il faut reconnaître que les meilleurs artistes
ne se font aucun scrupule, même malgré leurs principes
conservateurs, de faire sauter bon nombre d'e muets. Faut-il
en conclure qu'ils détruisent le vers ? Moi, je ne le ferais
pas. Je dirais que la suppression de l'e muet n'entraîne pas
la suppression de la syllabe où il entre comme voyelle, au
moins toutes les fois où il subsiste virtuellement et où il
peut a volonté être repris ou abandonné, ce qui est la
grande majorité des cas, et qu'alors la syllabe est constituée
par la seule consonne. Soient, par exemple, ces deux vers
de Fr. Coppée dans « Un évangile » :

La femme se leva sans dire une parole…
Le Seigneur se leva, fit signe a Pierre et partit,

qui ont été dits par Mme Sarah Bernhardt :

La fam sœ lva
Lœ sen̮œ̀r sœ lœva

peignant dans le premier l'empressement de la femme et
dans le second la majesté calme et lente du Seigneur.981

Eh bien ! je crois que pour l'oreille m l correspondent à
deux syllabes seulement diminuées et non supprimées. Pour
que les deux syllabes fa, , d'ouvertes qu'elles sont, soient
devenues fermées fam, sœl, il faudrait que la conscience
des œ de complètement perdue ; ce qui n'est pas.

Il y a des oreilles très sensibles au nombre des syllabes.
Si vous allongez un vers ou si vous le raccourcissez par
l'addition ou la suppression d'une voyelle pleine, elles protestent ;
supprimez ou prononcez un e muet, elles n'y
prendront pas garde.

Assimilation à distance.

Nous avons un cas d'assimilation de ce genre dans
« couché sous un pin » qui s'est souvent changé dans mes

image N | L | lè
tuná m—úr

Fig. 666.

Le pointillé n'a pas cessé avec l'u de tun jusqu'à la fin du p suivant, ce qui l'a transformé
le larynx ayant aussi continué à vibrer, en m.

tracés en kuɛé zuz œ̃ pẽ ? (c'est le cas de cerché devenu cherché),
et aussi la phrase déjà citée 167 dyáblœ tun ápúr ! devenue accidentellement
982dans ma prononciation dyábl̮œ tun ámur !
(fig. 666). Ce ne sont là que de simples méprises favorisées
par des articulations voisines. Mais il est d'autres assimilations,

image L | B
e—ll——a | e———l——i

Fig. 667.

L. Langue. — B. Souffle.
Les positions respectives de la langue se déterminent d'après la ligne pointillée. L'influence
de l'i sur l'l précédente et sur l'e initial apparaît clairement dans cette figure et les
suivantes dont la disposition est semblable.

qui sont d'ordre purement physiologiques et qui ont
pour base l'accommodation des mouvements organiques
entre eux. Nous avons constaté, entre autres, l'influence d'un

image L | B
v—e—n—t—a | v—e—n—t—i

Fig. 668.983

i final sur le début d'une consonne précédente (fig. 624,
625). On peut donc prévoir que son action s'étendra même
sur une voyelle antérieure. La phonétique historique nous

image L | B
e———b———a | e——b——i

Fig. 669.

en fournit des exemples en français, en allemand, sans
parler de l'harmonie vocalique qui est de règle dans les

image L | B
f—a—t—er | f—a—t—r—i

Fig. 670.984

langues ouralo-altaïques. En français, ĭllī a donné il ; ĭlla,
elle ; vigentī, vingt ; trigenta, trente ; ĭbī, y. En allemand,
vater a gardé son a,, vatri est devenu vāter ; de même on
a l'équivalence hut pluriel hüte. Ce phénomène bien connu
se trouve clairement expliqué par les tracés. Inscrivons les
couples que nous rendrons aussi pareils que possible : ella

image L | S
bu——t | b—u——t—i

Fig. 671.

elli (fig. 667) ; venta venti (fig. 668), eba ebi, (fig. 669),
vater vatri (fig. 670), hut huti (fig. 671). L'ampoule
montre que la langue, sous l'influence de l'i, a pris une
position voisine de la voyelle qui s'est développée plus
tard. Ces faits ont été exposés par M. Laclotte 168.

Dissimilation.

La dissimilation n'est au fond que l'affaiblissement d'une
articulation sous l'influence d'une articulation semblable
plus forte. Je n'ai entrepris aucune recherche sur ce sujet.
Mais les exemples de semblables affaiblissements, si l'on ne
985veut pas écarter l'influence toujours agissante de l'accent,
loin d'être rares, doivent être considérés comme la règle
(fig. 392, 393). Je cite encore la seconde l de op émól lèfœ
fot
« auf eimal lief er fort, soudain s'enfuit-il » (fig. 672)

image N | L | Lè
o—p è—m—o—ltè—fœ fot

Fig. 672.

N. Nez. — L. Larynx. — Lè. Lèvres.
L'amplitude du tracé est moindre pour la 2e l que pour la 1re.
La p est en partie sonore : comparez les deux pointillés qui marquent l'arrêt du larynx :
celui-ci a continué à vibrer après la fermeture des lèvres pour p.

image N | L | Lè
op dœ b—e—re—k v—ó—k

Fig. 673.

N. Nez. — L. Larynx (appareil Rosepelly) — Lè. Lèvres.
La fermeture est bien moindre pour p que pour b. Le b est sourd.

image L | Lè
o—p dœ b e r e—k y—ó—n

Fig. 674.

L. Larynx. — Lè. Lèvres.
Les lèvres sont presque aussi fermées pour p que pour b.986

image N | B | L | Lè
camera

image N | B | L | Lè
cambra

Fig. 675.
Epenthèse.

N. Nez. — B. Bouche. —L. Langue — Lè. Lèvres.
Ces deux mots camera et cambra ont sensiblement la même durée. L'on complète pour
les lèvres sur l'e et le remplace par une partie uniquement buccale, c'est-à-dire par un b.987

ainsi que le p de op de berek yóm « auf die Berge gehen, sur
les monts aller » (fig. 675), compare à celui de la figure 674,

image N | L | La
teneru

image N | L | La
tendre

Fig. 676.

N. Nez. — L. Larynx — La. Langue.
Remarquer le renforcement articulatoire de l'u dans tendre : élévation plus grande et plus
prolongée de la langue. D'où ressort, les autres organes n'éprouvant aucun changement dans
leur fonction, un d qui prend la place de l'e de teneru.988

dans le dialecte de M. Reifferscheid. La différence de fermeture
des lèvres observée dans ces deux figures pour le p
ne se reproduit pas dans ma prononciation. Il y a donc ici
quelque chose de particulier, qui ne me paraît être que
l'influence d'une articulation semblable plus accentuée,
c'est-à-dire la dissimulation. M. Grammont a donc eu raison
de faire rentrer dans la phonétique les cas d'assimilation
tenus à l'écart jusqu'à lui.

Epenthèse.

L'épenthèse m'avait tenté davantage ; et il y a longtemps
que j'ai inscrit des mots comme camera (fig. 675) cambra
(fig. 676), teneru tendre, etc. On voit d'après ces tracés que
la consonne épenthétique n'est, dans ces mots, que la prolongation
de m ou n pour le seul mouvement des lèvres
ou de la langue pendant toute la durée de l'e, qui cesse ainsi
d'être articulé, le voile du palais et le larynx continuant
à fonctionner comme auparavant 169.

Article IV
Qualités des éléments de la parole.

En dehors du timbre, qui constitue le son lui-même et
qui l'individualise, d'autres qualités sont à observer dans
les éléments de la parole. Ce sont la quantité, la hauteur
musicale
et l'intensité, d'où résultent l'accent et le rythme.989

Ces qualités sont définies par rapport à nous ; elles
répondent en effet à des impressions perçues par notre
oreille. Mais elles ont leur cause dans la constitution physique
du son.

Quelque liés que soient entre eux ces deux ordres de
faits, jamais ils ne se confondent, en ce sens que nos perceptions
ne sont jamais complètes. L'éducation diminue l'écart
dans de grandes proportions, mais ne le supprime pas.

I
Quantité

La quantité est la sensation de durée que donne un son.

La durée se lit sur les tracés. Elle a pour mesure le son
inscrit, ou les mouvements articulatoires qui le produisent.
La seule difficulté peut venir de la déformation des lignes
(p. 146-150) ou de l'incertitude dans la détermination de
chaque partie du tracé et dans la division des syllabes (p. 969
et suiv.). La durée de l'implosion et de l'explosion ne
se reconnaît que dans les tracés pris à grande vitesse.
L'implosion compte depuis l'instant où la période de la
voyelle paraît altérée jusqu'à l'arrêt du courant d'air. L'explosion
se mesure depuis la sortie de l'air jusqu'à la première
période caractéristique de la voyelle (voir p. 404-465).

Pratiquement, on compare le phénomène à mesurer avec
le tracé des vibrations d'un diapason qui accompagne l'inscription.
Si l'on a confiance en son régulateur, on dresse
une échelle d'après la vitesse du cylindre ou les vibrations
d'un diapason que l'on enregistre de temps en temps
(P. 153). Une unité qui convient bien à ces sortes de
mesures, c'est le centième de seconde.990

Pour le sujet parlant, la sensation de durée n'est pas seulement
auditive ; elle est en plus musculaire. D'où deux
sortes de quantités : l'une acoustique, l'autre articulatoire.

La quantité acoustique diffère en soi de la quantité articulatoire,
en ce qu'elle ne tient compte que du son, abstraction
faite des mouvements qui le préparent et de ceux qui
le suivent. Mais elle semble bien avoir influencé le sens
musculaire, au point que le sujet parlant ne fait généralement
entrer en compte, dans son appréciation de la quantité,
que les mouvements articulatoires accompagnés d'effet.
Pour s'en convaincre, il suffît de s'observer soi-même en
produisant l'articulation en silence.

Il s'en suit qu'il y a unité dans la perception de la quantité
pour celui qui parle et pour celui qui écoute. Mais il
n'en faudrait pas conclure que la quantité soit égale pour
l'un et l'autre. Celle-ci en effet est conditionnée par le mode
de perception, la qualité de l'oreille, le milieu et la distance
de la source sonore. Celui qui parle entend par la voie
interne et par la voie externe ; l'auditeur, par cette dernière
seulement. Aussi, quand le sujet parlant devient un simple
auditeur de sa propre parole répétée par un phonographe,
il la juge plus altérée qu'elle n'est en réalité. Si nous considérons
attentivement le tracé du commencement et de la
fin d'une voyelle (par exemple, fig. 166 et 167), nous comprendrons
qu'elle doit avoir plus de durée pour celui qui
la prononce que pour n'importe quel auditeur. Et de fait, à
une grande distance, une voyelle longue, réduite à sa partie
la plus intense, n'est sentie que comme un cri bref. Toutefois,
on peut penser que, dans les conditions normales d'audition,
la quantité relative, celle qui importe le plus, est
sensiblement la même pour tous.

Cette conclusion est facilement acceptable, quand il s'agit
991de sons continus (voyelles et consonnes constrictives). Mais
doit-elle s'étendre aux occlusives et à leurs nasales ? Cela
paraît douteux, puisque leur explosion est précédée soit d'un
silence, soit de vibrations sans grande valeur acoustique.
Cependant, il est permis de croire qu'il se l'ait dans i'esprit une
sorte d'identification quantitative pour les deux séries de sons.

Considérons d abord les occlusives entre voyelles. Les
tracés de la voix (fig. 218-231) montrent plus ou moins
clairement que l'implosion n'est pas très différente de l'explosion
et quelle ne doit pas passer inaperçue pour l'oreille.
Et, de fait, si l'on articule par exemple à haute voix la
première syllabe de papa, pata, paka, en achevant le reste
du mot en silence, un auditeur attentif entendra pap, pat,
pak (cf. plus haut, p. 944). L'occlusive commencerait donc
réellement, tout comme la constrictive, avec l'implosion,
et le silence des sourdes ferait partie intégrante de la consonne,
même au point de vue acoustique, et servirait à les
distinguer des sonores correspondantes. Au reste, la continuité
du son pour les sonores n'empêche pas que toutes
les consonnes ne nous apparaissent complètement distinctes
des voyelles (cf. passez, pâtés, râlez, pâmés, etc.).

Pour un auditeur éloigné, l'occlusive médiale, même
quand elle est sonore, ne peut commencer qu'avec l'explosion.
Ce cas rentre dans celui des occlusives initiales que
nous avons à considérer.

A l'initiale, les occlusives sonores commencent pour
l'oreille avant l'explosion ; les sourdes, avec le début de l'explosion,
bien que le travail de l'articulation soit à peu près le
même. Comment compter la durée des sourdes ? Si l'on s'en
tenait à la seule impression auditive, les sourdes initiales
seraient bien courtes par rapport aux médiales qui auraient
la même durée ambulatoire, et aux initiales sonores correspondantes.
992Et je me demande si, instinctivement, on ne les
allonge pas de tout le temps que durerait l'occlusion sonore
d'une douce de même ordre. De la sorte, il n'y aurait qu'une
seule règle : toutes les initiales sourdes seraient mesurées
d'après leurs sonores. C'est la pratique à laquelle je me suis
arrêté.

De ce que tous les éléments du langage ont une certaine
durée, il ne s'en suit pas que l'on attribue à tous une quantité,
c'est-à-dire que l'on fasse attention au temps. En français
nous ne tenons pas compte des consonnes, et c'est
seulement d'après les voyelles que nous jugeons les syllabes
longues ou brèves. Ainsi, stra-ti-fié commence par deux
brèves tout comme a-tti-fé, str ne comptant pas pour nous ;
la première syllabe d'As-clé-pia-de n'est pas allongée par l's
qui suit l'a ; et, si nous voulions une syllabe longue, c'est
l'a que nous allongerions : ās… Les consonnes initiales ne
comptaient pas davantage en latin : quod, sed et id étaient
brefs ; mais, dans la phrase, la consonne faisait position pour
les poètes et allongeait la syllabe sans allonger la voyelle.

Le défaut de finesse de l'oreille à l'égard de la durée des
consonnes vient de ce que celles-ci, comparées aux voyelles,
ont une durée presque invariable. Sans doute elles sont
susceptibles de s'abréger et de s'allonger, mais dans une
faible mesure ; et encore, si elles s'allongent d'une façon
sensible, l'implosion se détache de l'explosion ; ce qui produit
pour l'oreille une consonne double. Le dialecte de Chio
nous en fournit de très nombreux exemples 170.

Dans les langues, où la durée joue un rôle sémantique
993ou flexionnel, l'oreille saisit très clairement les différences
de quantité : un Parisien d'il y a un siècle ou deux n'aurait
jamais confondu valet et valets, faisait et faisaient : il « traînait »

image D | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8

Fig. 677.
Voyelles a et ā (Inscription du souffle).

a : 1. a ; — 2. ab ; — 3. habit ; — 4. habitu(ellement).
ā : 5. á ; — 6. hâte ; — 7. hâter ; — 8. hâtivement.
D. Diapason de 50 v. d. à la seconde. La ligne pointillée marque la fin des a.

sur les finales plurielles. Mais à ces différences de
durée s'ajoutent des nuances de timbre qui attirent à elles
l'attention et émoussent la sensation propre du temps.994

Nos grammaires françaises, même de date très récente,
ont confondu la quantité avec le timbre, et la plupart des

image D | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8

Fig. 678.
Voyelles a et á (Inscription du souffle).

a : 1. pa ; — 2. patte ; — 3. patelin ; — 4. [illisible].
á : 5. páte ; — 6. páté ; — 7. pàtisserie ; — 8. pátisserie (Saint-Germain).
D. Diapason de 50 v. d. à la seconde. La ligne pointillée marque la fin des a.

phonétistes de profession ne voient entre l'i moyen et l'i
fermé du français, comme entre u et ú, u et ú, qu'une différence
de quantité.995

Avouerai-je que moi-même j'ai de la peine à ne pas
attribuer la qualité de longues aux voyelles fermées ou
ouvertes, et celle de brèves aux voyelles moyennes. C'est
qu'il en est ainsi réellement pour mes voyelles considérées
à l'état isolé. Mais cela cesse d'être vrai dans les groupes
de sons. Comparez (fig. 677 et 678) a et à dans diverses
postions. Avant d'avoir vu ces tracés ou d'autres analogues,
je ne crois pas qu'il soit possible de faire une idée, même
approchée, du phénomène.

Les psychologues se sont préoccupés de mesurer le temps
que doit durer un son pour que l'on commence à éprouver
une sensation de durée. M. Bourdon conclut de ses expériences
personnelles à 1 ou 2 centièmes de seconde 171.

Afin de pouvoir comparer la sensation auditive de la
quantité avec la durée réelle, j'ai inscrit certaines voyelles
dites au hasard, pendant que deux auditeurs notaient si elles
leur paraissaient brèves, douteuses (˅) ou longues. Je les classe
selon la quantité sentie, en indiquant, pour permettre de
juger les contrastes, quand il y a lieu, les voyelles prononcées
immédiatement auparavant avec leur quantité-

1re Exp. — Je parle ; MM. Kraüter (Hongrois) et Landry
écoutent. Les durées sont exprimées en centièmes de
seconde :996

tableau

2e Exp. — M. Landry parle ; M. Kraüter et moi nous
écoutons.

tableau

De ces expériences que je me propose de reprendre, il
résulte que, en dehors d'une certaine zone, qui pour les
voyelles isolées s'est étendue entre 40 et 55 centièmes de
seconde environ, la brève et la longue ont été nettement
perçues comme telles. Dans l'intérieur de cette zone, il y a
eu des divergences d'appréciation, non seulement entre
auditeurs différents, mais encore pour la même personne.

Chaque articulation produite seule ou avec l'aide d'une
voyelle possède une durée normale, qui est déterminée par
les exigences du jeu de l'organe se mouvant librement.997

Les voyelles que j'ai le sentiment de faire brèves (a e i o
u œ u
) sont en général d'un tiers plus courtes que mes
longues (á è é í ò ó ù œ̀ œ́ ú). Mesurées pour mon étude sur le
parler de Cellefrouin, elles ont duré les unes 20 centièmes
de seconde, les autres 30.

La durée articulatoire de mes consonnes unies à la
voyelle a est de 18 centièmes de seconde pour les constrictives
sourdes, 15 ou 16 pour les sonores, 14 pour les
occlusives sourdes, 12 pour les sonores.

La durée acoustique se compose : 1° de l'implosion (voir
p. 450-452) ; 2° de l'occlusion pour les sonores et, je crois
aussi, pour les sourdes ; 3° de l'explosion (voir p. 452-458).
En général, l'implosion et l'explosion de mes consonnes
n'atteignent pas l'une et l'autre 2 centièmes de seconde.

Les groupements abrègent les sons qui les composent,
et d'autant plus qu'ils exigent plus de souffle. L'organisme,
obligé de fournir un plus long travail, devient parcimonieux
pour chacune des parties (fig. 677 et 678).

Mais une syllabe peut s'allonger : c'est celle qui porte
l'effort de la voix.

En dehors même de toute recherche de l'harmonie et de
toute préoccupation oratoire, par le fait seul que plusieurs
syllabes se succèdent les unes aux autres, il s'établit entre
elles une succession régulière de brèves et de longues qui
constitue un rythme naturel.

Chez moi, ce rythme est ordinairement iambique. La
durée de m dans la syllabe ma répétée, avec une quantité
intentionnellement égale, a duré en réalité successivement
14, 17, 12, 15, 13, 15, 13, 17 centièmes de seconde. Accidentellement,
dans les cas de fatigue, il devient trochaïque 172.998

Une subordination de même ordre, mais plus compliquée,
et plus apparente, s'établit entre les divers éléments des
groupes linguistiques, surtout dans le débit oratoire ou
poétique. Des expériences bien conduites sur la durée des
syllabes d'abord isolées, puis entrant dans des groupes formés
par le sens, dans des éléments de périodes ou de vers,
mettent en relief les changements de durée qui sont dus
à ces diverses causes.

La composition des mots, même dans les langues où elle
est dissimulée sous l'orthographe, comme en français, amène
de notables changements dans la quantité des éléments
réunis. Comparons la durée du mot rose dans Voilà une
rosé
, Voilà une rosé de France, pour désigner une rose quelconque
venue de France, et Voilà une rose de France, pour
faire entendre la rose spéciale qui porte ce nom. Dans le
premier cas, le mot rose a toute sa valeur ; dans le second,
il conserve encore son individualité ; dans le troisième,
il n'est plus que la première syllabe atone d'un mot « rose
de France ». La durée diminue dans le groupe ; elle diminue
encore davantage dans le composé.

Ces constatations, que l'oreille peut faire sans le secours
d'aucun appareil, montrent que nous avons le sentiment
d'une certaine durée relative.

Mais quel écart de durée doit-il exister entre deux syllabes
pour que l'une nous apparaisse longue et l'autre brève ?
Assurément une différence de moitié n'est pas nécessaire :
un tiers suffit clairement. Pouvons-nous abaisser encore la
proportion ? Je le crois, surtout pour les syllabes qui sont
abrégées par le groupement, comme nous venons de le
constater pour rose et rose de France, rose ayant duré seul
75, 52 et 61 centièmes de seconde, dans le groupe syntaxique
46, 39, 52, et dans le mot composé 23, 34 et 41.
999On a l'occasion de le constater encore dans les vers, ou des
raisons d'ordre rythmique conduisent à considérer comme
longues des syllabes qui n'ont que quelques centièmes de
seconde de plus que la brève précédente.

Les métriciens se sont déjà demandé comment il faut
compter les silences correspondant aux tenues des occlusives.
M. Grégoire 173 croit qu'il faut les attribuer à la syllabe
précédente, et il appuie son opinion sur ce fait, incontestable
en ce qui concerne les initiales sourdes, que « pour
l'oreille le mot ne débute véritablement qu'avec l'explosion ».
Il en conclut que, dans un mot comme traitèrent, « il doit
en être de même pour la seconde syllabe ». En conséquence,
il compte : 1re syll. : explosion du t + rai + occlusion
du 2e t
 ; 2e syll. : explosion du 2e t + è. Quand un
mot contient des occlusives laryngiennes comme bidet, la
tenue en partie sonore du b et celle entièrement sonore du d
font difficulté. Mais, comme les vibrations laryngiennes
sont peu sensibles en comparaison de l'explosion de la
consonne, M. Grégoire pense que l'oreille les néglige à
l'initiale et qu'elle les assimile dans le corps du mot à la
voyelle précédente. Pour moi, je verrais dans la voyelle
le principal élément du rythme senti par l'oreille, sans
croire cependant qu'elle en soit la seule base chez le
poète. Ne faudrait-il pas chercher la source du rythme dans
le sens organique de celui-ci ? Il articule son vers et le
parle à son oreille, qui juge le rythme, mais ne le crée
pas. Et si le poète était pris d'aphonie, chaque son serait
représenté par un effort expiratoire correspondant au mouvement
organique destiné à le produire (p. 307).1000

Je conclurais de là que le rythme est fondé, non sur la
durée acoustique, mais sur la durée articulatoire, et que
chaque syllabe doit être mesurée même à l'initiale, d'après
le temps qu'elle a coûté.

Le lecteur jugerait suivant la même règle ; et aussi l'auditeur
actif, qui se redit à lui-même ce qu'il entend. Seul,
le lecteur purement passif pourrait se contenter du son
perçu, et peut-être apprécierait-il la durée comme suppose
M. Grégoire, comptant d'une explosion à une autre, à
moins qu'il ne sente que la quantité des voyelles.

Les langues prosodiques utilisent la quantité comme base
de leur rythmique. Les langues non prosodiques, comme

image centilitres | débit moyen | durée

Fig. 679.
Quantité et débit de l'air.

á sur 3 (intensité moyenne : 50 expériences).

le français, sans rechercher le rythme temporel, ne peuvent
néanmoins s'en passer. On a cru longtemps que le vers
français se contentait d'un nombre fixe de syllabe avec la
rime. Mais on sait aujourd'hui que sans rythme temporel
le vers n'existe pas.1001

M. Roudet, dans l'article souvent cité, a recherché l'influence
de la quantité sur la dépense d'air. Comme il est
naturel, l'organisme fait une économie pour tenir plus longtemps,
et le débit moyen baisse en proportion de la durée
du son (fig. 679).

II
Hauteur musicale

La hauteur physique d'un son résulte du nombre de ses
vibrations (p. 8-14).

La hauteur psychologique 174 tout en se fondant sur celle-ci, en
est pourtant distincte. D'abord tout son, même pendulaire,
ne donne pas une impression musicale. Au-dessous d'un
certain nombre de vibrations et au-dessus, l'oreille n'éprouve
que la sensation de bruit (p. 639). Et puis, même pour
1002les notes musicales, la justesse d'appréciation de l'oreille est
limitée.

Rien n'est plus facile que de déterminer la hauteur
physique du son d'après les tracés de l'air expiré ou des
mouvements organiques. Suivant les cas, on mesure chaque
période sous le microscope à l'aide d'un micromètre oculaire,
ou l'on se contente de compter le nombre des vibrations
pour un temps donné, par exemple un demi-dixième de
seconde. Avec le premier procédé, on obtient la hauteur
absolue ; avec le second une hauteur moyenne. Étant connue
la longueur de papier qui est déroulée par le cylindre pendant
une seconde, on n'a qu'à diviser cette quantité par
la longueur de la période, et l'on obtient, comme quotient,
le nombre de vibrations que le corps sonore exécuterait dans
l'unité de temps. En procédant ainsi, on suit toutes les
variations qui se produisent dans la hauteur. On peut alors
les rendre sensibles sur une portée musicale, où chaque
demi-ton serait représenté par une bande, dans laquelle
on marquerait à sa place la note exacte correspondante 175
(fig. 680 et 681). Quant à la hauteur moyenne, on la
détermine plus aisément encore : on partage les lignes de
vibrations en tranches d'un demi-dixième de seconde ; on
double ce nombre et l'on multiplie par 10. Le chiffre obtenu
est le nombre de vibrations pour la seconde.

Quand on ne recherche que la hauteur musicale de la
parole, il suffit d'ordinaire d'inscrire le courant d'air de la
bouche et du nez : l'un explique l'autre. Le tracé du nez est
d'ordinaire le moins complexe et le plus facile à lire. De1003

image
Lœkõtrolãè

Fig. 680.

Chaque degré de la ligne 1 (intensité mécanique) et chaque point de la ligne H. M. (hauteur musicale) correspondant à une vibration. Il suffit de
mener une perpendiculaire de l'un à l'autre pour établir la concordance. L'intensité est marquée en millimètres.
Les consonnes sourdes et l'explosion de l'l de Roland sont supprimées.1004

image L | H. M.
kuɛézuzœ̀pè

Fig. 681.

L's de sous a été dite sonore inconsciemment.1005

plus, il donne toutes les vibrations du larynx, si le tambour
est bien choisi (petit et élastique), non seulement pour les
articulations nasales, mais encore pour toutes les autres, sans
confusion possible cependant. On obtient jusqu'aux vibrations
qui se produisent pendant l'occlusion des consonnes.

Une difficulté se présente souvent pour les finales. Après
des vibrations bien nettes, d'autres succèdent d'un caractère
douteux. On se demande si elles répondent à un son réel
ou si elles ne sont pas dues à la persistance du mouvement
de la membrane. Lorsque le son se trouverait trop grave
pour la voix du sujet (voir p. 14 et 257), la seconde hypothèse
est seule admissible.

image centilitres | débit moyen | hauteur

Fig. 682.
Hauteur et débit de l'air

On a recherché la relation qui existe entre la dépense
d'air et la hauteur musicale. M. Roudet 1 76soutient contre
Guillet et Piletan que, « toutes conditions égales d'ailleurs, le
1006débit d'air décroît quand le son s'élève ». Il cite à l'appui le
résultat de 100 expériences sur á (fig. 682).

Si la hauteur physique du son est facile à mesurer, il
n'en est pas de même de la sensation de gravité et d'acuité.

Celle-ci dépend de plusieurs causes : de l'état physiologique
de l'oreille, de son degré d'éducation, de la position
et de la distance de la source sonore.

Une oreille malade peut entendre une note plus aiguë
ou plus grave qu'elle n'est pour l'autre oreille, qui est saine.

Et même des oreilles saines et très fines n'entendent pas
toujours à la même hauteur une note mécaniquement
identique à elle-même, mais prolongée et d'une intensité
décroissante, comme celle d'un fort diapason. Pour plusieurs,
le diapason paraît d'abord baisser, puis se maintenir à une
hauteur fixe, puis monter à mesure qu'il s'affaiblit, et
baisser de nouveau quand il s'éteint. Pour d'autres, après
un peu de temps d'attention, le diapason se met à ronronner.
Pour retrouver le ton uniforme, il suffit de se reposer
quelques instants et de recommencer à écouter. Ces effets
doivent se rattacher à une cause unique, toute physiologique,
les divers états de la tension musculaire.

Un diapason paraît monter quand on l'écoute en haut
des branches, et baisser si l'on porte l'oreille au-dessus ou
au-dessous. Il semble encore devenir plus aigu, quand on
le rapproche ; plus grave, quand on l'éloigne. Il ronronne
quand on l'agite. Dans ces divers cas, la longueur de la
période transmise se trouve modifiée par le déplacement de
l'oreille ou de la source, sa durée absolue restant la même.

Reconnaître une note à la simple audition n'est possible
qu'à des musiciens très exercés ; distinguer la gamme est
encore plus difficile. Mais encore cela n'est-il possible que
dans certaines limites, qui déterminent La zone de plus
grande sensibilité de l'oreille.1007

Un jour, l'ai mis à l'épreuve l'oreille d'un excellent violoniste
avec des diapasons de Kœnig, dont l'étalon est, comme
l'on sait, plus grave que l'étalon français. Malgré cette différence
et tout en la constatant, le violoniste nommait, sans
hésiter et sans se tromper, chacune des notes que je faisais
entendre, tant que je me suis tenu dans les limites des gammes
de son violon ; en dehors, il n'avait plus aucune sûreté.

On aimerait à savoir quel est l'intervalle perceptible le
plus petit. En procédant avec des diapasons à curseurs que
je déplaçais rapidement dans une réunion de 8 personnes
plus ou moins musiciennes, dont une seule s'est récusée
(1 russe, 3 allemands, 3 américains), une différence de 4 v.
d. a été sentie par tous entre 225 et 229, entre 466 et 470.
Mais l'accord a cessé pour 924 et 928, pour 928 et 924, à
plus forte raison pour 925 et 924.

La région de plus grande sensibilité, pour les oreilles soumises
à l'expérience, correspond donc a peu prés aux gammes
(ut2 et ut3), qui entrent dans notre voix. Un autre auditeur,
M. Rigal, est plus impressionné par les grammes d'ut4 (928,
924). En deçà et au delà, sa finesse d'appréciation diminue.

Conclusion : l'oreille reconnaît le mieux les différences
de hauteur dans les gammes qui lui sont les plus habituelles ;
et une différence de 4 v. d. paraît le maximum
qu'elle puisse sentir entre deux sons successifs, séparés par
un espace d'environ 8 secondes.

Dans ces expériences, la sensibilité de l'oreille n'était pas
seule en jeu ; il était encore fait appel à la mémoire. J'ai supprimé
autant que possible son intervention dans une dernière
expérience, que je viens de faire à l'aide des diapasons
du Grand Tonomètre de Kœnig avec M. Thomson. Ces diapasons
sont réglés de façon que les dernières notes de l'un
soient reproduites par le suivant. On peut donc, pour un
1008bon nombre des degrés de l'échelle musicale, produire dans
le même temps l'unisson ou des notes aussi voisines que
possible. Après avoir installé deux diapasons de ce genre
dans le voisinage l'un de l'autre, de façon toutefois qu'ils ne
pussent pas s'influencer, je les excitais ; et M. Thomson
les écoutait successivement.

Nos expériences ont roulé autour de trois notes, 3212 v. d.,
512 et 64. La première se distingue très bien de 3208 3209
3210 et même, quoiqu'avec peine, de 3211. Ainsi une différence
de 1 v. d. est perçue à cette hauteur. La seconde se
distingue également de 510 et de 511. Pour la troisième,
nous avons cherché des intervalles moindres qu'une vibration :
1 dixième de vibration en plus ou en moins a été
parfaitement senti.

Quand plusieurs sons produits ensemble sont écoutés
simultanément, on perçoit très bien la plus légère différence.
Le moindre désaccord dans l'unisson et dans des intervalles
d'octave se fait vivement sentir. Il se produit alors des
battements que l'on utilise pour le réglage des diapasons.
La composition des sons dans les voyelles et les consonnes
est de cet ordre, et c'est ce qui explique la sensibilité particulière
de l'oreille pour le timbre.

Tout en constatant l'aptitude de l'oreille à reconnaître les
plus légères différences de hauteur, il faut avouer son incapacité
à mesurer ces différences, non seulement quand elles
sont réelles, mais encore quand elles sont imaginaires. Ainsi
l'intervalle entre 64 v. d. et 63,5 a pu être estimé un demi-ton,
les variations éprouvées pour un même diapason
varient entre un quart de ton et un demi-ton.

Toutefois il ne semble pas qu'il y ait à chercher d'autre
mesure que celle de la hauteur physique. Les sons, en effet,
que nous avons à comparer se présentent à l'oreille dans
1009les meilleures conditions pour être appréciés avec justesse :
ils ne sont pas isolés et ils se succèdent très rapidement.

La mélodie de la parole a des coupes assez longues, indépendants
de la durée et de l'intensité ; elle affecte soit la
phrase soit le mot. Elle est variée par la succession des
voyelles et des consonnes, celles-ci étant en général plus
graves que les voyelles. Dans le vers français, nous ne l'employons
que comme moyen d'expression.

La hauteur peut encore servir à différencier les sens des
mots.

image

Fig. 683.

1. su. — 2. .
3. . — 4. .
5. hi. — 6. .
Vibrations d'un diapason de 50 v. d. à la seconde.

Si j'en crois M. Okakura, qui donne sa prononciation
comme « celle dont on se sert dans la bonne société de
Tokio », il y a en japonais des mots dont le sens varie avec
la hauteur musicale 177, par exemple : su et , ku et , hi et
1010. En mesurant, dans les tracés (fig. 683), la hauteur musicale
au milieu de la voyelle, on trouve en effet les notes
suivantes :

tableau hauteur | note | durée

La différence de hauteur, on le voit, est très sensible, et
peut très bien être utilisée pour le sens.

Un autre Japonais M. Katsuji Fujiota, né à Kyoto, remplace
l'acuité par une autre intonation (3). Il possède donc
dans sa langue su (1) « nid » et su (3) « vinaigre » ; ku (1)
« neuf » et ku (3) « tristesse » ; hi (1) « jour » et hi (3)
« feu ». Ces mots ont été inscrits isolés chacun cinq ou six
fois. Les moyennes de la hauteur musicale, mesurée pour
toute la voyelle, et de la durée ont été :

tableau hauteur | note | durée

La hauteur est sensiblement la même. La durée seule présente
une différence constante, mais si faible qu'on s'étonne
qu'elle puisse avoir une signification.

Une langue africaine, l'igbo, qui est parlée sur les deux
rives du Niger inférieur, fait un grand usage des variations
de hauteur musicale. Chaque syllabe s'y distingue par son
intonation, qui est aiguë, grave ou moyenne ; et certains mots
1011de deux syllabes se trouvent avoir quatre intonations qui
comportent chacune un sens différent : une monotone aiguë,
une monotone grave, une ascendante, enfin une descendante.
J'ai sur ce point te témoignage concordant de trois
missionnaires ; mais je n'ai fait d'expériences qu'avec deux :
le Père Ganot, l'auteur de la première grammaire igbo, et le
Père Vaugler.

Dans les exemples qui suivent, la hauteur a été mesurée
au milieu de la voyelle pendant une durée de 5 centièmes
de seconde.

tableau akwa | P. Ganot | P. Vaugler

Je citerai encore :

tableau

M. Alexieff a étudié, au Collège de France, les tons du
1012chinois parlé dans la région de Shanghai d'après la prononciation
de deux indigènes A et B, en faisant répéter les
séries de la grammaire d'Edkins. Le souffle de la bouche et
du nez a été recueilli d'après les moyens ordinaires. Puis
M. Alexieff a divisé les tracés en tranches successives de
5 centièmes de seconde, dont il a calculé la hauteur musicale
moyenne. Il a rangé les chiffres obtenus en colonnes et les a
figurés dans des schémas, qui mettent en évidence les variations
de hauteur.

J'emprunte à ses tableaux les exemples qui me semblent
représenter le plus exactement la moyenne des cas. On
remarquera que le 3e ton ne répond pas à définition d'Edkins.
M. Alexieff le divise en monotone et descendant suivant les
sujets.

tableau I | II | III | aigu | grave | monotone | quantité | hauteur1013

tableau IV

III
Intensité

L'intensité ne répond pas, comme la quantité et la hauteur,
à une donnée simple. C'est, chez le sujet parlant, le
sentiment d'un effort complexe, et, chez l'auditeur, une
impression de force qui ne résulte pas seulement du travail
dépensé et de b sensibilité de l'oreille, mais encore des
conditions variables dans lesquelles le son est produit.

Voici les faits fondamentaux que j'ai recueillis dans une
série d'études poursuivies pendant près d'une année avec
le concours de MM. Rigal et Lote.

Avant d'étudier la parole elle-même, il est à propos
d'observer des sources sonores plus simples et des sons moins
compliqués.

I. — Une force (T) appliquée a des diapasons de construction
analogue a donné pour trois notes distantes les
unes des autres chacune d'une octave, a étant l'amplitude,
l la longueur de la période et les indices désignant les
octaves, les relations suivantes :
[formule]

La force était fournie par une bille de billard pesant
237 gr. amenée sur deux rails en un point, d'où elle tombait
1014sur l'extrémité de la branche d'an diapason placé à 50cm au-dessous
et maintenu solidement entre les mâchoires d'un
étau. L'expérience a été faite successivement avec les notes
235,5 467 et 934 v. d.

image

Fig. 684.
Moyen de mesurer à l'œil de déplacement des branches d'un diapason grave.

1. A B C plume d'aluminium divisée en millimètres. — 2. Triangles d'ombre. — 3. Figure
pour la correction.

L'amplitude était observée, à la loupe, sur une plume
triangulaire d'aluminium de 2mm de base et de 20mm de hauteur,
divisée suivant sa longueur en millimètres (fig. 684, 1).
Collée à l'une des branches du diapason parallèlement au
1015champ vibratoire, cette plume suit la branche dans son
mouvement et fait apparaître, par suite de la persistance des
impressions rétiniennes, deux triangles opposés au sommet
(fig. 684, 2). La base A′ A′ du triangle formé par la pointe
est, sauf une légère correction 178 qui me paraît négligeable,
1016la mesure de l'amplitude. Or, avec les dimensions données
à la plume, elle a 1/10 de millimètre pour chaque millimètre
de hauteur. L'amplitude observée a été :

D 233,5 1mm D 467 0mm50 D 934 0mm25

La longueur d'onde pouvant être remplacée par le nombre
des vibrations, nous avons les égalités :
[formule]

Donc nous pouvons écrire :
[formule]

C'est cette formule que j'ai donnée plus haut (p. 821)
provisoirement comme expression de l'intensité ; c'est celle
de l'intensité mécanique.

II. — Les mêmes diapasons, ébranlés avec la même force
et maintenus avec l'archet au même point (la chose est
facile en se plaçant de façon à bien voir le triangle d'ombre),
ont été entendus par M. l'abbé Rigal, dans une allée du
bois de Clamart, le temps étant calme et la température
entre 0° et 1° :

Le diapason de 233,5 à 3m47, celui de 467 a 13m40 et
celui de 934 à 82m50, quand le bout des deux branches était
dirige vers l'auditeur ; 233,5 a 23m, 467 à 98m et 934 à 213m
quand c'était le côté d'une des branches qui était tourné
vers l'oreille et que la vibration la frappait perpendiculairement.
Mais cette dernière donnée (213m)est trop incertaine
pour être utilisée.1017

Entre les diapasons 233,5 et 457 la relation est de 3,86 si
nous prenons la 1re détermination, et de 4,26 si nous lui
préférons la seconde. Entre 467 et 934, elle est de 6,15.

Cette expérience permet d'en utiliser d'autres plus
anciennes, que j'avais faites également avec M. l'abbé Rigal
dans une vaste propriété de Chatenay, dans le jardin des
Carmes et au Luxembourg (un lieu clos, comme l'église
de Saint-Étienne-du-Mont ou le Panthéon, donne trop de
résonances). Mon but était de comparer la perceptibilité
des diapasons avec l'amplitude de leurs vibrations. J'avais
devant moi un cylindre enregistreur en marche ; et, après
avoir collé à nos diapasons des triangles de papier pour
servir de plumes, je les actionnais au maximum parallèlement
à l'oreille de l'auditeur et je les entretenais avec
l'archet. M. Rigal s'éloignait jusqu'au point où il cessait
d'entendre. Sur un signe de lui, après avoir de nouveau
animé le diapason, j'inscrivais la vibration, que M. Rigal
mesurait ensuite au microscope avec un micromètre
oculaire. Cette partie de l'expérience a été bien réussie,
puisque les amplitudes des octaves sont dans une relation
très voisine de 1 a 2 pour les diapasons de construction
analogue.

Les diapasons qui nous ont servi sont de trois types :
à poids glissants, à branches rectangulaires, à branches
amincies par le haut. La distinction est utile à faire ; autrement
on ne comprendrait pas certaines variantes. Le tableau
suivant contient pour chacune des octaves comprises dans
notre champ auditif, l'amplitude de la vibration (A) et le
rapport du grave à l'aigu, la distance d'audibilité (D), le
rapport de l'aigu au grave d'après les données de l'observation,
et le rapport rectifié, c'est-à-dire celui qu'auraient donné
les distances d'audition, si le rapport des amplitudes avait
1018été exactement 2, qui est normal pour les octaves 179. Les
notes sont conformes au système de Kœnig, dont j'utilisais
les diapasons.

tableau1019

Les rapports de ut1 à ut2 (4,151) et de 467 à 235,5 (3,86
ou 4,26), comme ceux de ut3 à ut4 (6,702) et de 934 à 467
(6,15) sont si voisins qu'ils garantissent l'exactitude des
expériences qui les ont fournis. Nous pouvons donc voir
dans le tableau une expression assez approchée de la réalité.

Nous en conclurons :

Que la sensibilité de l'oreille augmente dans une proportion
grandissante depuis les sons graves jusque vers ut5,
le contre-ut de la voix de femme, et décroissante de ut5 à
ut7, qui paraît donner l'impression la plus forte.

Qu'à partir de ut7 la sensibilité diminue par une
progression rapide jusqu'à la limite de l'audition, aux
environs de ut9.

La recherche des rapports de l'amplitude et de la distance
d'audibilité devient plus délicate, quand, au lieu de procéder
d'octave en octave, on choisit des intervalles plus rapprochés.
Toutefois, je crois être arrivé, au moyen des diapasons à
branches rectangulaires sans curseurs, à des résultats suffisants
pour la gamme d'ut1, qui a été partagée en tranches
de 32 vibrations doubles, et dont voici le tableau rectifié
par comparaison avec les autres octaves et avec des tranches
de 128 vibrations de la gamme d'ut4.

tableau amplitude | dist. d'audition1020

image

Fig. 685.
Comparaison de l'amplitude et de la distance d'audibilité selon la hauteur musicale.

D. Distance d'audibilité. — A. Amplitude.1021

Les diapasons employés contrastent par leur faible
sonorité avec les trois qui servent de base à cette étude
(333,5 467 et 936) et se placent en dehors de la série, mais
les rapports qui ressortent de l'expérience sont à retenir.

image

Fig. 686.
Comparaison de l'amplitude et de la distance d'audibilité pour la gamme d'ut3.

D. Distance d'audibilité. — A. Amplitude.1022

L'amplitude décroît, de 256 à 512, suivant les rapports :
1,1162 1,2151 1,3333 1,4545 1,5737 1,7160 1,8823 2

En même temps la distance d'audition croît de :
1,312 1,634 1,955 2,303 2,678 3,098 3,571 4,151

Le dernier chiffre (4,151) est exactement le même que
celui du tableau précédent (rectifié) et le confirme.

Rien n'est plus facile, avec ces données, que de dresser un
tableau complet et bien ordonné des rapports de l'amplitude
et de la distance d'audibilité pour toutes les gammes consécutives,
et de les représenter par des courbes. Ne pouvant
donner ici qu'un tableau trop réduit, A (fig. 685), je relève
tous les chiffres nécessaires à l'opération. La base nous en a
été fournie par le diapason 233,5 et ses octaves ; mais, pour
plus de commodité, je leur substitue les diapasons 256,
512 et 1024, qui se trouvent dans le tableau (p. 1019) et qui
ont à peu près le même degré d'audibilité pour la même
amplitude. L'amplitude des notes inférieures d'une octave
sera successivement multipliée par 2, et celles des octaves
supérieures divisée par 2 ; la distance d'audibilité sera au
contraire successivement divisée, à partir de 256, par les
rapports 3,694 1,916 et 1,916 pour les octaves plus graves,
et multiplié par 4,151 6,702 2,668 1,170 0,948
0,004 pour les octaves plus aiguës.

Pour mieux faire comprendre la construction d'un tableau
général, je donne sur une plus grande échelle et plus juste
la gamme d'ut3 (fig. 686).

En prenant pour point de départ la note 256 avec 1mm
d'amplitude et 2m95 comme distance d'audibilité, nous
avons :

Pour la suite des gammes :
tableau1023

Pour la gamme d'ut3 :
tableau

Dans la figure 685, les gammes sont portées en abscisses
parce qu'elles sont toutes isochrones et que l'oreille est aussi
sensible pour les fractions de vibrations graves que pour les
vibrations entières des gammes aiguës. Les vibrations ne
comptent que pour leur durée : dans la 1re gamme, chaque
millimètre représente une vibration double ; dans la 2e, il
en vaut 2 ; dans la 3e, 4 ; dans la 4e, 8, etc. L'échelle est de
1 millimètre par 4 mètres pour la distance d'audibilité
(courbe supérieure) ; de 2mm par millimètre d'amplitude.

On peut à l'aide de ces courbes embrasser d'un seul coup
d'œil les rapports de l'amplitude et de l'audibilité ou
l'intensité auditive, pour une série homogène de notes
ébranlées par la même force.

III. — Des expériences faites avec des billes à jouer tombant,
comme ci-dessus (1), d'une hauteur de 50cm sur
l'une des branches des trois diapasons 233,5 467 et 934 v. d.
m'ont permis de déterminer le poids nécessaire pour faire
varier l'amplitude des vibrations de 1/10 de millimètre pour
le 1er, de 1/2 dixième de millimètre pour le second, et de
1/4 de dixième de millimètre pour le troisième. Toutes
les amplitudes ont été mesurées pour le premier diapason ;
pour les deux autres, je m'en suis tenu à celles qui sont
exprimées par des nombres entiers, les fractions se déduisant
légitimement de l'ensemble des expériences. L'amplitude
produite par la chute d'une bille de 83 grammes est
heureusement la même que celle que j'obtenais (Exp. 1)
1024avec la bille de billard. La concordance des poids et des
amplitudes est marquée dans le tableau suivant :
tableau

On sait que le travail exécuté par un moteur tombant
librement dans le vide est égal au produit du poids par la
hauteur. Dans nos expériences [formule]. Or l'équivalence
du travail et de l'amplitude ne se rencontre ici que
dans un seul cas avec un poids de 4 gr., ce qui donne
[formule] correspondant à une amplitude de
2 dixièmes des millimètre pour le diapason 233,5, à celle
de 1 pour l'octave aiguë (467), et à celle de 0,5 pour
l'octave au-dessus (934). Si nous multiplions ces deux
amplitudes, l'une par 2, l'autre par 4, nous rétablissons
l'équivalence avec la fondamentale 233,5. En dehors de
ce point, il y a perte, soit que le poids diminue, soit qu'il
augmente, et suivant une progression de plus en plus forte.
Le rapport du travail (T) et de l'amplitude (a), soit (T/a)
pour la note 233,5 et les poids :
[formule]

C'est donc le travail d'un poids de 4 gr. tombant de 50cm
de hauteur qu'il conviendrait de prendre comme unité.

IV. — Fixé sur ce point important, je devais chercher à
déterminer à quelle distance est entendue une même note
1025avec les amplitudes observées. C'est ce que j'ai fait a plusieurs
reprises dans des allées du bois de Clamart avec
MM. Rigal et Lote pour auditeurs.

La première fois, le temps était très beau, la terre gelée,
l'air a peu près calme. Le thermomètre a marqué de 1/2
degré à 3°. Un léger tapis de neige permettait de voir très
clairement le petit triangle d'ombre formé par la plume.
J'ai, dans une première expérience, entretenu le diapason à
diverses amplitudes bien déterminées, à commencer par les
plus faibles, et M. Rigal fixait la distance à laquelle il l'entendait.
Dans la seconde expérience qui a été conduite dans
le même ordre, j'ébranlais fortement le diapason et quand
le triangle d'ombre se formait a un point donné, je l'annonçais
par une syllabe brève jusqu'à ce que M. Rigal eût
trouvé l'endroit où il cessait, juste à ce moment-là, d'entendre.
La troisième expérience a été faite de la même façon,
mais dans l'ordre inverse, en partant des plus fortes amplitudes.

Ces expériences furent reprises avec le concours et le
contrôle de M. Lote, un jour où nous avions un temps
doux (7°), mais un peu de vent, ce qui nous obligeait à
rechercher les lieux abrités. Les résultats obtenus troublèrent
mes idées.

Une troisième série d'expériences me parut indispensable
pour mettre d'accord les deux premières. J'avais senti le
besoin de varier l'ordre des observations pour détruire l'influence
des sons précédents sur l'oreille ; mais aussi je constatais
qu'un certain ordre était bon pour guider les auditeurs.

Voici les limites auditives dans l'ordre même où elles ont
été déterminées :1026

tableau1027

J'ai donné tous ces chiffres pour montrer comment, sous
leur variété, à première vue si grande, se cache néanmoins
la loi que nous cherchons.

Considérons d'abord deux limites, la première et la dernière.
Le chiffre exact est certainement aux environs de
0,40 et de 3,40. C'est celui que l'on obtient lorsque le son
est offert sans préparation à l'oreille dans un air calme. Les
autres sont dus à l'accommodation de l'oreille qui a déjà
écouté la note, ou à une légère agitation de l'air. Les distances
d'audition des amplitudes intermédiaires peuvent
aisément se retrouver, si l'on remarque que pour plusieurs
il est possible de déterminer leur rapport deux à deux, par
exemple : pour 9, entre 4,10 et 3,58, 4,20 et 3,70 4,54 et
4,14 ; pour 8, entre 3,58 et 3,22 4,23 et 3,75 4,14 et
3,76 ; pour 7 entre 3,22 et 2,78 ou 3,23 et 2,48 3,73 et
3,41, 3,76 et 3,48, et de même pour les autres amplitudes.
La comparaison de ces rapports entre eux permet d'écarter
de premier abord ceux qui sont fautifs ; et la construction
de la courbe, d'après un point fixe (3,47 par exemple) et
les rapports maintenus, achève la rectification par l'élimination
finale de toutes les causes accidentelles, qui ont troublé
la rectitude de l'audition spontanée. Cela est dit pour
le diapason 233,5. Je me suis donc arrêté à une courbe
où nous lisons :
tableau

Dont les rapports sont :
tableau1028

Pour le diapason de 467, je ne dispose que de deux
séries d'expériences ; et pour celui de 934, d'une seule. Les
expériences de la première journée ont été faites plus près
de Clamart, où le bruit était gênant, dans une allée plus
étroite, qui, certainement, conduisait le son. Mais ce qui
nous intéresse ici, ce sont moins les distances absolues que
leurs rapports. Or les rapports pour les deux diapasons
sont sensiblement les mêmes que pour celui de 233,5.
Nous avons en effet d'un côté :[formule] et [formule] ;
[formule] et [formule] ; [formule] et [formule] ;
[formule] et [formule] . de l'autre côté : [formule]
ou [formule] ou [formule] et [formule]. Nous ne
nous trompons donc pas beaucoup en attribuant, dans
les deux gammes étudiées, les mêmes rapports à une
différence correspondante d'amplitude.

Si l'on prend comme base de l'opération les distances
auditives déjà déterminées avec les rapports que nous
venons de reconnaître, on peut construire un tableau B
(fig. 687), où se lit sur chaque note le rapport de l'audibilité
et de l'amplitude sur des degrés compris entre 1
et 10, qui peuvent être, suivant les valeurs à comparer, des
dixièmes ou des centièmes de millimètre.

Les courbes ont été construites sur les notes 256 384 et
512. — Amplitudes maxima (1mm pour 256 et 0,50 pour 512)
représentées 20 fois plus grandes. Elles sont partagées en
dixièmes. — Distances auditives, calculées d'après celle du
diapason 256=2,95, et partagées porportionnellement en
tranches de 10, correspondant aux 10 degrés d'amplitude,
soit :
1029tableau

Entre 0 et 1 d'amplitude, les déterminations sont difficiles,
surtout avec des diapasons qui s'éteignent vite, comme
ceux que j'employais. Je n'ai donc pas tenté d'aller au delà ;
et ce n'était pas utile pour mon objet. Il suffit de rappeler
une expérience 180 de 1903, dans laquelle j'ai constaté, en
inscrivant la vibration des diapasons les plus graves au
moment où je cessais de les entendre, que le son s'éteignait
à mon oreille (fig. 723) pour :

tableau1030

image Tableau B

Fig. 687.
Comparaison des divers degrés d'amplitude avec l'audibilité pour une même hauteur
musicale.1031

Avec les deux tableaux A et B (6g. 685 et 687), si l'on a
soin de les compléter et de les agrandir, il est facile de déterminer
approximativement l'intensité auditive de tous les
sons simples. Réduits aux dimensions réclamées par le
format du volume, ils ne peuvent servir que de modèles.
Voici comment on procède dans les différents cas qui se
présentent :

Soient à comparer, au point de vue de l'intensité, deux
sons. On cherche d'abord leur hauteur musicale ; puis on
mesure leur amplitude. Trois cas peuvent se produire :
1° les hauteurs et les amplitudes sont égales ; 2° les hauteurs
sont égales et les amplitudes différentes ; 3° les
hauteurs sont différentes quelles que soient les amplitudes.

Dans le 1er cas, le problème est résolu par les simples
données : l'intensité est égale.

Dans le 2e cas, la hauteur étant connue, on se rapporte
au tableau B (fig. 687), où on lit la note en abscisse ; je
suppose 256 v. d. On remonte jusqu'à la ligne représentant
l'amplitude la plus faible, par exemple 1 dixième de millimètre,
et l'on redescend jusqu'à la plus forte, par exemple
2 dixièmes de millimètre. On cherche le rapport, qui est
de 1,46) en faveur du second. Si nous donnons au premier
une intensité 4, par exemple, le second aura 4 × 1,463 =
5,752. On pourrait aussi choisir comme point de comparaison
la plus forte intensité ; alors on obtiendrait l'intensité
de la plus faible par division. Si, au lieu de chiffres
entiers, on avait des fractions, je suppose les deux amplitudes
de 2 et de 4,25, nous calculons le rapport de 2 à 4
augmenté de 1/4 du rapport de 4 à 5.

Dans le 3e cas, on recherche d'abord si les amplitudes
sont bien celles que demande la seule différence de hauteur,
c'est-à-dire si les deux sons ont été produits par une même
1032force. S'il en est ainsi, il n'y a qu'à multiplier l'intensité de
la note grave (fixée arbitrairement) par le rapport de hauteur.
Ce rapport se lit sur la courbe des amplitudes, et a
pour mesure l'ordonnée grave, et l'ordonnée aiguë correspondantes
aux deux notes. Soient par exemple les notes 256
et 512, ayant l'une 1 d'amplitude et l'autre 0,5. La différence
1/2 est normale pour une octave. L'intensité n'obéit
donc qu'au rapport de hauteur. Celui-ci se déduit de la courbe
de l'intensité et a pour mesure ici [formule] (p. 1019).
Par conséquent le son aigu est 4,151 fois plus intense que
le grave. Si la différence d'amplitude révèle une différence
de force, étant supérieure ou inférieure à ce qu'elle serait
avec une force égale, on calcule l'intensité comme si cette
différence n'existait pas ; mais on ramène le chiffre obtenu
à sa vraie valeur en le multipliant et en le divisant par
un facteur qui reste à déterminer avec le secours du tableau
B (fig. 687). Nous retombons en effet dans le cas d'un
son à comparer avec lui-même à des amplitudes différentes.

Pour faciliter les opérations, on peut préparer d'avance
des tableaux des divers rapports.

Le choix d'une unité d'intensité devient nécessaire
lorsqu'on a plusieurs quantités à comparer entre elles. Le
tableau A (fig. 685) offre, comme unité convenable, un
diapason de 256 v. d. de 1mm d'amplitude et perceptible à 3m.

V. — Sans pousser plus loin ces préliminaires qui ne
concernent que les sons simples produits mécaniquement,
passons à la voix humaine.

L'instrument vocal de l'homme se divise en plusieurs
registres. Le plus puissant est celui du médium, où la plus
grande partie de l'effort est utilisée. Les deux autres,
1033au-dessus et au-dessous, demandent un grand travail et
n'ont qu'un faible rendement, comme il apparaîtra dans
les courbes ci-dessous.

L'expérience a été faite dans une large allée du parc de
Versailles. Le temps était assez frais (7°), l'air agité ; mais
l'endroit choisi était abrité. M. Lote émettait la voyelle á
sur une note donnée et avec des degrés différents d'intensité,
d'abord doucement, puis avec une force moyenne,
enfin avec toute sa force. M. Rigal cherchait la limite d'audition,
sans se préoccuper du timbre. Quand il l'avait
trouvée, M. Lote inscrivait sur-le-champ la voyelle sur un
cylindre enregistreur, disposé devant lui, avec un petit tambour
(grand bras du levier 105mm75, petit bras 18,5). Une
dame a bien voulu se prêter à une expérience analogue.
Nous avons ainsi étudié á sur les notes sol1, 2, la2, mi3(voix
d'homme), mi3, sol3 et la3 (voix de femme), avec trois degrés
de force. L'amplitude maxima du tracé, mesurée sous le
microscope, est exprimée en centièmes de millimètre. Divisée
par 5,77 (rapport entre le grand bras et le petit), elle est
réduite au simple déplacement de la membrane. Enfin la
distance d'audition, divisée par l'amplitude, donne l'intensité
pour 1 d'amplitude, soit du tracé, soit du déplacement de
la membrane, et permet de comparer entre elles les différentes
données de l'expérience :
tableau amplitude | distance | distance moyenne d'audition | membrane | tracé

Voix d'homme :

tableau1034

tableau

Les résultats obtenus sont très vraisemblables, sauf pour
le la3, force moyenne de la voix de femme : il y a dû y avoir
une erreur.

Nous pouvons en retenir les constatations suivantes :

Chaque voix donne le plus fort rendement pour une
note du médium, qui paraît être pour M. Lote la2, pour
Mme X., sol3.

A mesure que l'on descend au-dessous de cette limite
ou que l'on monte au-dessus, la force perd progressivement
de son efficacité.

Dans les notes basses (cf. 2 d'homme avec mi2 de
femme) et sans doute dans les notes hautes, les rendements
1035de la voix d'homme et de la voix de femme sont sensiblement
égaux.

Dans le médium, la voix de femme bénéficie de l'avantage
d'audibilité que nous avons constaté dans les gammes
supérieures par rapport à celles qui sont en dessous. En
prenant les moyennes correspondant au plus grand effort
(4,53 pour la voix d'homme et 9,64 pour la voix de
femme), on voit que le rapport est environ de 2, inférieur
à celui que nous avons observé avec les diapasons.

En dehors du médium, le meilleur rendement correspond
à la force moyenne ; l'excès d'effort est sans effet
utile.

Un effort faible peut toujours être considéré comme
relativement moins efficace qu'un effort de force moyenne.

Avec les données de cette expérience, surtout si elles
étaient complétées, il serait facile de construire un tableau
où les variations d'audibilité, suivant la hauteur et l'amplitude,
se liraient d'un seul coup d'œil. Il comprendrait :
Une échelle musicale de l'étendue de la voix, divisée par
vibrations ; partant de cette échelle, les courbes des notes
étudiées avec leurs amplitudes en abscisses, et les limites
d'audibilité correspondantes en ordonnées ; les points d'égale
audibilité réunis par des courbes secondaires ; enfin un axe
mobile pouvant s'adapter à chaque note et mesurer les
abscisses (cf. fig. 688). On pourrait choisir comme unité
d'intensité une distance d'audibilité qui se prêterait bien à
des subdivisions, et à laquelle toutes les autres seraient
rapportées.

La comparaison de cette table avec les deux précédentes
A et B ferait ressortir la différence qui existe entre une série
de sources sonores mécaniques, composée en vue de l'utilisation
la plus complète du travail, et un organe unique,
1036quelque parfait qu'il soit, qui, devant s'accommoder à une
multitude de cas, ne peut dans tous obtenir son plein
effet.

VI. — Mais nous n'avons jusqu'ici étudié que la portée du
son et de la voix considérée comme son, laissant de côté
son rôle essentiel, qui est d'impressionner l'oreille par les
nuances variées du timbre. Or les sons du langage, émis
avec la même force et la même hauteur musicale, varient
entre eux d'intensité. Cela est naturel puisque les sons
simples dont ils se composent sont doués d'une audibilité
différente, en raison de leur hauteur et de leur amplitude.

Les expériences que nous avons à relever revêtent donc
un autre caractère que celles qui nous ont occupés jusqu'ici.
Il ne s'agit plus d'une limite d'audibilité, mais d'une limite
de compréhensibilité. On recherchera donc, non jusqu'où un
son du langage peut être entendu, mais jusqu'où il est correctement
entendu avec son timbre réel. L'expérience est
simple et peut être reproduite aisément pourvu que tous
ceux qui y prennent part soient capables, non seulement de
bien produire et de bien entendre les sons d'une langue
donnée, mais encore d'apprécier exactement toutes les
nuances qu'ils peuvent prendre avec la distance. Car l'éloignement
constitue une sorte d'écran qui tamise les sons
complexes et peut même être employé comme moyen
d'analyse.

La première expérience un peu sérieuse que j'ai essayée
a été faite en automne au Bois de Boulogne. Je me plaçais
à des distances de plus en plus éloignées et je prononçais,
dans un ordre varié, des voyelles, dont le son entendu était
noté au fur et à mesure. En voici le tableau (un trait
marque l'audition correcte ; une croix, le manque d'audition ;
les lettres, les erreurs).1037

tableau á | a | à | è | e | é | i | í | œ̀ | œ | œ́ | u | ú | ò | o | ó | u | ú | ã | ẽ | œ̃ | õ

Les voyelles ont été prononcées sur un ton modéré et
avec la quantité qui m'est naturelle, c'est-à-dire les fermées
et les ouvertes longues, les moyennes brèves. L'influence
de la quantité sur la qualité de la perception est mise en
évidence pour ĭ, ŏ et ŭ qui sont perçus é, ò et ó, avec le
timbre qu'ils ont pris en passant dans les langues romanes.

Si l'on ne tient pas compte de nuances délicates souvent
1038difficiles à saisir, même de près, on peut classer ces voyelles
d'après leurs limites de compréhensibilité dans l'ordre
suivant :
ó, 2° ò é ã, 3° ẽ œ́ é, 3° a œ̃, 4° á à œ̀ u, 5° e õ, 6° ú,
í o, 8° i u ú.

En faisant la part des distractions et des erreurs causées
par les bruits voisins, on peut dire : que ó ò é ã étaient, dans
cette expérience, perceptibles jusqu'à la limite 60 m. ; à un
degré inférieur, mais jusqu'à la même distance, œ́, les a,
œ̀, enfin õ ; ẽ õ jusqu'à 50 ; e jusqu'à 35 ; u jusqu'à 25 ;
í jusqu'à 15 ; i et ú jusqu'à 10. Les u n'ont jamais été sûrs.

Deux autres séries d'expériences méthodiques furent
faites l'hiver suivant avec MM. Lote et Rigal. La première
expérience eut lieu sur la route de Versailles près de
La Croix-de-Berny : le thermomètre marquait 0 degré, et
un vent léger venait des auditeurs vers moi. J'articulais
chaque voyelle dans un ordre varié, et MM. Lote et Rigal
inscrivaient ce qu'ils entendaient. Nous nous sommes placés
d'abord à 100 mètres de distance, puis à 150 et à 180, enfin
à 200, et nous nous sommes rapprochés par fractions de
10 mètres jusqu'à 5. Gênés par le passage des voitures, qui
nous obligeaient à des interruptions assez longues, nous
avons repris une nouvelle série dans une allée du Bois de
Clamart, par un temps très brumeux et une température de
3°1/2. M. Lote était très enrhumé et cette circonstance
ne nous sera pas inutile, car la diminution de l'acuité auditive
forme, comme la distance, un écran analyseur. Dans
cette seconde série, nous avons procédé par fraction de
10 mètres à partir de 180, l'allée choisie ne nous donnant
pas davantage. Aux grandes distances, chaque son émis était
accompagné d'un signe qui en indiquait au moins le rang,
s'il n'était pas entendu.1039

1re expérience :
tableau1040

2e expérience :
tableau

Dans la première expérience, les voyelles étaient émises
à voix forte avec leur quantité naturelle ; mais dans la
seconde, elles étaient prolongées et les différences de quantité
se trouvaient ainsi détruites, ce qui donnait pour plusieurs,
à une faible distance, l'impression de diphtongues. J'ai
continué de remplacer par un trait les voyelles comprises
1041et par une croix celles qui n'ont pas été entendues. La
1re colonne est celle de M. Lote ; la 2e celle de M. Rigal.

Ces deux tableaux ont chacun leur signification. Le
second indique la limite de compréhensibilité d'après le
timbre seul, la quantité ayant été égalisée, et nous apprend
l'ordre suivant lequel les voyelles se classent à cet égard,
à savoir, pour les deux auditeurs :

Les e (è e é) 180 ;
Les o : ó 180, ò et o 160 ;
Les œ : œ̀ 170, œ et œ́ 160 ;
Les a, 140 ;
Les i, 140 ;
Les u, 140 ;
Les u : ú 140, u 130 ;
Les nasales : ã 130 ; 120 ; œ̃ 100 ; õ 90.

Pour M. Rigal seul, il faudrait compter : les a, les e, les
œ, les o, les nasales 180 ; les u, les u et í 150 ; enfin i 140 ;
c'est-à-dire d'un côté les voyelles ouvertes ; de l'autre les
voyelles fermées.

Le premier tableau contient, en plus du timbre, la quantité
comme élément modificateur. Il représente la limite
de compréhensibilité pour mes voyelles normales. Si l'on
ne presse pas trop les chiffres, afin de ne pas exagérer des
différences qui peuvent être fortuites, on peut en extraire la
série suivante :
tableau1042

Si l'on voulait prendre comme unité l'intensité la plus
faible, c'est donc celle de l'u qu'il faudrait choisir.

Une autre mesure de l'audibilité résulte du nombre de
fois qu'une voyelle émise à distance n'est pas entendue
du tout même comme son indistinct. Les deux tableaux
nous présentent les relations suivantes :
tableau 1er tableau | 2e tableau | nombre de fois où aucun son n'a été entendu

A ce compte, l'é s'entendrait le plus, et l'u le moins.

VII — Pour résumer toutes ces expériences et fournir
une règle pratique qui permît de mesurer l'intensité des
voyelles isolées, il restait à reprendre l'expérience de Versailles,
à la refaire pour chaque voyelle sur un certain
nombre de notes et à choisir pour limite, non le point où
le son cesse d'être entendu, mais celui où il cesse d'être
compris.

Cette expérience, qui demandait plusieurs journées d'un
temps calme, nous avons dû la différer jusqu'au moment
des vacances. Encore avons-nous été trompés dans notre
attente. Il nous a fallu opérer par un vent assez fort ; mais
heureusement nous avons été abrités par les grands arbres
de l'antique collège de Juilly, où nous avons reçu la plus
aimable hospitalité. Le champ de nos expériences était la
grande allée, large de 9 mètres et haute de 25. Le vent
qui ébranlait le feuillage ne couvrait jamais la voix, et ne
semble pas avoir trop nui à la justesse de l'audition.

Les voyelles á é í œ́ ú de M. Lote ont été dites au
1043moins trois fois, à faible, moyenne et très forte voix, sur
les notes sol1 si1 2 sol2 si2 3 et sol3 (cette dernière en
voix de tête), et inscrites avec un petit tambour quand la
limite de compréhensibilité avait été reconnue par M. Rigal.

La note sol1 est à la limite de la voix. Aussi l'effort le plus
énergique donne-t-il des résultats discordants. Au lieu de
croître avec lui, en proportion de la distance d'audition,
l'amplitude a diminué pour la plupart des voyelles. Distance
(D) en mètres ; Amplitude (A) en centièmes de
millimètre :

tableau á é ó œ́

Le courant d'air, intercepté par un effort excessif, a
moins impressionné la membrane que dans la prononciation
normale. Les courbes données pour cette note (fig. 688)
ne s'appliquent qu'à la voix modérée.

La note si2, pour les voyelles á é ó œ́, accuse par comparaison
avec sol2 et 3 une diminution de l'amplitude et de
l'audibilité, qui paraît bien due à la fatigue ; car l'expérience
est pénible. Il faudrait, je crois, prolonger les courbes,
jusqu'à une ligne qui réunirait les voyelles correspondantes
de sol2et de 3.

La voix faible présentant des variations assez peu sensibles,
je relève les chiffres, tels qu'ils ont été obtenus
pour chacune des voyelles. Quelques-uns appellent une
rectification. Notamment, l'é si2 et l'á sol2 se placent en
dehors de toutes les séries.1044

tableau sol1 | si1 | 2 | sol2 | si2 | 3 | sol3

Pour le reste, le tableau (fig. 688) est bien lisible,
malgré ses faibles dimensions. Le millimètre représente :
soit 2 mètres de distance, soit 2 centièmes de millimètre d'amplitude,
soit 2 vibrations doubles. On lit les vibrations sur la
ligne inférieure, l'amplitude sur une parallèle de l'axe des
abscisses au moyen d'une échelle mobile représentée en haut
du tableau, la distance de compréhensibilité (D) à gauche.
Comme échelle mobile, je conseille une règle de 40cm
graduée à partir du milieu.

Les courbes figurent les variations de l'amplitude en
fonction de la force d'émission et de la distance de compréhensibilité.
Elles ont été construites avec les données de
l'expérience, comparées entre elles et légèrement retouchées,
quand une erreur a paru évidente.

A première vue, on est frappé de ce fait que les voyelles,
prononcées de façon à être comprises entre 20 et 60 mètres,
excepté pour les notes graves, ont des courbes qui se
confondent. C'est en deçà et au delà qu'elles divergent.

Pour apprécier les différences, il est bon d'adopter une
unité, que nous considérerons comme l'unité d'intensité
vocale
(I.V.). Je propose la voyelle á compréhensible à 20
mètres
avec une amplitude de 20 centièmes de millimètres.
Nous lirons l'intensité dans la colonne de droite.1045

Manière de se servir du tableau :

Mesurer l'intensité d'une voyelle, celle de á, par
exemple (hauteur musicale sol2, amplitude 60).

A partir de l'axe des ordonnées de sol2 porter l'échelle
mobile jusqu'au point où le 60 coupe la courbe de l'á ;
et lire à droite dans la colonne des intensités le chiffre
cherché 9,6, ou, à gauche, la distance 192m.

Comparer l'intensité de plusieurs voyelles différentes
de timbre, de hauteur musicale et d'amplitude, par exemple
de ó (si1ampl. 56), í (si2, ampl. 40), á (3, ampl. 50).

Rép. : Intensité de l'ó, 4,9
í, 5,7
á,5,7

Trouver sur le tableau l'intensité d'une voyelle dont
l'amplitude, la hauteur ou le timbre n'y figurent pas.

Pour une amplitude supérieure, prolonger simplement la
courbe.

Pour les notes qui n'ont pas été expérimentées et dont
la courbe manque, voici comment on procède : on détermine
la hauteur musicale, d'après le nombre des vibrations,
sur la ligne inférieure, par exemple, 264 ou 344 ; on prend
la perpendiculaire pour axe pour les ordonnées, et l'on trace
une courbe intermédiaire entre celles des deux notes
voisines pour la même voyelle. Soit, je suppose, la voyelle
ú. Comme les courbes des ú de 244, de 294 et de 394
sont sensiblement parallèles, rien n'est plus facile que de
construire celle de 264 et de 344 qui sont représentées
en pointillé. On prend avec un compas la distance qui
existe entre l'axe de 244 et celui de 264 et l'on porte cette
longueur suivant les parallèles à droite de la courbe de l'u
(244). Puis on porte de même la distance entre les axes de
1046264 et de 364 à gauche de la courbe de l'ú de cette note.
La courbe de l'u (264) passe entre les points marqués, plus
près toutefois de 244, qui est la note la plus rapprochée.
Mais pour les notes voisines de celles du tableau, cette
construction est le plus souvent inutile. Avec une amplitude
de 40, nous avons 4,05 d intensité pour 264, et 3,1
pour 344.

Si l'on avait un long travail à faire sur l'intensité, il serait
commode de dresser un tableau pour chaque voyelle avec
des courbes complémentaires, qui se modèleraient sur celles
de l'expérience, et feraient la transition de l'une à l'autre.

Quelques voyelles ont été omises ; ce sont : a à è e i, ò o
u
, œ̀ œ u. Mais nous savons, par les tableaux de compréhensibilité,
qu'elles diffèrent assez peu de celles qui ont été
étudiées. On se trompera donc peu en mesurant tous les a
et tous les o d'après les courbes d'á et d'ó, en rapprochant
è de a, et en faisant subir aux voyelles moyennes une légère
diminution sur les voyelles fermées correspondantes.

Il est bien entendu que ce tableau ne peut servir de mesure
que pour des voyelles enregistrées de la même façon et
pour les voix semblables à celles de M. Lote. Mais il
peut se transposer, et l'on en tirera des évaluations approchantes
pour les autres voix. Quand des expériences de ce
genre auront été faites sur un grand nombre de sujets, on
pourra établir une règle plus précise. Pour ma part, je me
propose de m'y appliquer. Je livre cette esquisse, dont je
sens toute l'imperfection, en attendant mieux.

Les voyelles nasales ont été enregistrées par deux petits
tambours pareils ; mais, faute de temps, elles n'ont pu être
dites que sur une seule note, sol2, avec trois degrés différents
de nasalité : à l'ordinaire, avec une nasalité plus forte,
avec une nasalité excessive.

Dans le premier cas, l'addition de l'amplitude des deux1047

image

Fig. 688.1048

image

Fig. 688.1049

vibrations, buccale et nasale, donne comme total l'amplitude
d'une voyelle pure correspondante : ā entendu à
84 mètres (Bouche, 30 cent. de mill. ; Nez, 15) = á (45) ;
œ̃ 105m (B. 40, N. 15) — à peu près œ̀ (50) ; 73m (B. 25,
N. 15) = è (40) ; õ 104m (B. 30, N. 20) = ó (50).

Dans le second cas, le résultat de l'addition donnerait
une somme trop considérable. Ainsi õ, 89m (B. 20, N. 52 =
72) correspond à un ó de 45 centièmes de millimètre.

Dans le troisième cas, l'écart entre l'amplitude et la compréhensibilité
est beaucoup plus grand encore : ã (B. 8,
N. 68) a été compris seulement à 21m ; (B. 5, N. 92), à
23m; õ (B. 8, N. 64), à 23 ; œ̃ (B. 8, N. 34), à 43m ( ?).

VIII. — Les voyelles associées aux consonnes ont été
l'objet de deux expériences. Dans la première, faite à 100m
et à 80, qui avait le caractère d'un essai, les voyelles étaient
choisies sans ordre et sans plan déterminé ; aussi plusieurs
n'ont pas été prononcées et les autres l'ont été un nombre
irrégulier de fois : á 5 fois, è 6, i 6, œ̀ 5, œ 7, œ́ 10, u 6, ò 7,
o 5, u 5, ã 4, 10, œ̃ 7, õ 4 à 100 mètres ; á 8 fois, ê 12,
i 10, œ́ 8, ò 9, u 11, ã 18 à 80 mètres. A 100m, les erreurs
d'audition ont porté sur quatre voyelles : u dans bu qui
n'a pas été entendu ; dans lẽ et vẽ qui n'a été entendu
que par M. Rigal ; á qui a été compris œ̃ par M. Lote dans
, , ɛá, ẅá, et a par M. Rigal ; œ̀ qui a paru trois fois
œ à M. Rigal ; et œ qui s'est fermé pour M. Lote 4 fois et
pour M. Rigal 2. A 80 mètres, l'á s'est ouvert (a) une fois
pour M. Lote, 3 fois pour M. Rigal ; l'ŭ s'est fermé 6 fois
pour M. Lote et une seule fois pour M. Rigal. On voit par
là que les voyelles qui offrent le moins de solidité à l'état
isolé, i, u, o, sont raffermies par la consonne précédente.

Dans la seconde expérience, la distance d'audition a été
portée jusqu'à 250m. Tous les groupes formés d'une consonne
1050et d'une voyelle ont été essayés et dans un ordre
varié à 200, 150, 100, 50, 30, 20m, puis pour quelques
combinaisons à 210, 220, 230, 240, 15 et 10m. Je résume
les nombreuses données ainsi obtenues en indiquant : le
nombre de fois que le son n'a pas été entendu en deçà de
200m, et au delà, entre 200 et 240m, en raison des expériences
faites (cette indication est inutile avant 200, tous
les groupes ayant été essayés une fois chacun) ; les distances
extrêmes auxquelles les voyelles ont été perçues ;
enfin les confusions de timbres entre voyelles.

Les deux premières colonnes donnent le degré d'audibilité
de la voyelle uniquement considérée comme son, en dehors
de toute espèce de timbre. Et l'on remarquera que, dans
chaque série, la perceptibilité du son diminue avec l'ouverture
de la voyelle. Si l'on observe une ou deux irrégularités
dans la 1re colonne, cela tient sans doute à la brièveté
de o œ u. La voyelle qui a le plus de portée est l'è ; celle qui
en a le moins est l'ú.

La troisième colonne indique la limite de la compréhensibilité
des voyelles pour les cas les plus favorables où elles
ont été nettement comprises.

La quatrième colonne met en évidence la stabilité des
genres vocaliques, le passage d'un genre à l'autre étant rare
et ne se produisant qu'à de grandes distances, par suite de
la prédominance pour l'auditeur de certains sons composants
et l'extinction de certains autres.

Elle montre aussi dans quelle limite les timbres de chaque
famille de voyelles se conservent. Plusieurs remarques intéressantes
seraient à faire, en particulier sur la qualité de
l'oreille et les habitudes acoustiques de l'auditeur : là où
l'audition de M. Rigal est correcte, celle de M. Lote varie
1051suivant une loi constante, qui dépend en grande partie des
habitudes parisiennes, et qui peut être résumée ainsi qu'il
suit :

Les voyelles fermées et les voyelles ouvertes tendent vers
les moyennes. Parmi les moyennes, les unes (a œ o)
tendent à se confondre avec les ouvertes ; les autres avec
les fermées :
tableau

C'est vers 200 ou 150m que la confusion des moyennes
commence en général pour M. Lote. Aux plus grandes
distances, les voyelles ouvertes ou fermées semblent
moyennes.

Avec l'éloignement, l'analyse des nasales se fait peu à peu
et d'une façon régulière. Pour l'auditeur qui part de la plus
grande distance et s'avance vers le sujet parlant, d'abord
apparaît une voyelle pure, qui se rapproche ensuite de plus
en plus de la voyelle qui sert de base à la nasale ; enfin la
nasalité se fait sentir. Ainsi ã est entendu o à 220m, puis ò à
200, puis á, enfin ã, ce qui se produit à 150m pour M. Lote.

On a de même pour  : a à è, enfin a 15Om.

œ̃ : œ œ̀œ̃
õ : e aòóõ1052

tableau1053

La différence de force, qui distingue la tonique finale de
l'atone initiale dans les mots de deux syllabes, se reconnaît
à l'audition, si l'on se place à une distance convenable.
Ainsi la dernière voyelle seule a été entendue avec ou sans
consonne à 150m dans :

tableau brochant | bandé | touchant | transi | chanteau | chanson | chanceux | bourdon

à 100m dans :

tableau chanson | lavoir | grivois | loulou | Lindois | joujou | bouchon | goulu | brisons | pijon

même à 65m dans :

tableau château | couteau | appas | chapeau | rustaud | Colas

Dans la phrase écoutée de très loin, l'accent oratoire se
fait sentir le premier, avant la tonique du mot. Des lignes
suivantes dites à voix modérées :

« Dors, enfant sur les bras
De ta mère,
Pendant que ton père
Travaille là-bas
Pour toi. »

M. Lote a entendu :

à 45m, en seul de enfant ;
à 40m, enfant ;
à 30, à 20 et à 10m, tout jusqu'à « pour toi » ;
à 5,50, tout.1054

M. Rigal :

à 45, « dors enfant » avec l'accent sur en ;
« Dors mon enfant sur les bras de ta mère ;
à 40, « Tu n'entends pas ton père là-bas, là-bas » ;
à 30 et à 20, tout, sauf « pour toi » ;
à 10m, tout.

(Exp. faite sur la route de Versailles, à
La Croix-de-Berny.)

Les voyelles qui ressortent le plus sont :

Dòrs ã(fant) sur les brá
De ta mère
Pendã que ton père
Travaille là bá.

Le début de la Mort de Roland, enregistré pour le Précis
de prononciation française
, a été écouté à 200 mètres. Je ne
peux évidemment pas garantir qu'il a été débité par moi
exactement de la même façon à près de cinq années d'intervalle.
Cependant l'étude détaillée du morceau prouve que les
variantes ont été peu considérables, et la comparaison m'en
paraît instructive. Je reproduis donc à ce titre, pour chaque
voyelle, le tableau de la hauteur musicale (H. M.), de la
quantité (Q), de l'intensité mécanique définie par le rapport
de l'amplitude et de l'acuité (I. M.), en soulignant les syllabes
entendues autant de fois qu'elles l'ont été, dans cinq lectures
successives, par M. Lote et M. Rigal (p. 1057-1058). Ces
indications, qui ne portent que sur des moyennes, sont
complétées, pour le premier membre de phrase, par les
figures 680 et 681, où l'on peut suivre d'un coup d'œil toutes
les variations de l'intensité, et, pour le morceau entier, par
les tracés originaux eux-mêmes (fig. 689-691) que, grâce
aux soins et à l'habileté de la Maison Bertin, j'ai pu faire
graver sans retouches.1055

tableau H. M. | Q | I. M. | A. | L. | R.1056

tableau H. M. | Q | I. M. | A. | L. | R.1057

image

Fig. 689.

Figures agrandies sur les originaux de 1,556 et réduits sur l'agrandissement photographique de 1,265. L'intensité
mécanique
(p. 1056) a été mesurée au microscope sur les originaux : l'amplitude des consonnes (p. 1058) sur l'agrandissement.
La durée peut se mesurer directement sur les figures en comptant 9 dixièmes de millimètres pour un centième1058

image

Fig. 690.

de seconde. — Une seule retouche sur le cliché (et peu heureuse) an de Français, sur la ligne de la bouche seulement.
Les interruptions de vibrations sur la ligne de la bouche qui se voient ailleurs sont sur les originaux. — Les lignes
pointillées marquent le synchronisme entre la ligne de la bouche (la 1re) et celle du nez (la 2e) et d'autres phénomènes
le commencement ou la fin d'une explosion, etc., pas toujours le commencement et la fin des articulations. — Dans la1059

image

Fig. 691.

durée des voyelles, sont retranchées l'explosion et l'implosion de la consonne. — La reprise d'air et le silence outre
les groupes du souffle, distingués par des chiffres, n'ont été conservés qu'une fois (fig. 689). Un petit cartouche
(fig. 690) donne le tracé normal de [c]ouché sous un [pin].1060

Des comparaisons, qu'on peut faire entre ces différents
documents, il résulte :

Que les voyelles les mieux entendues sont celles qui
portent l'accent de la phrase ;

Que ces voyelles peuvent avoir un tracé moins ample
que d'autres qui ne sont pas entendues, si celles-ci sont plus
fermées, ou nasales, ou placées au début de la phrase ;.mais
qu'en général elles ont une plus grande durée ;

Que des voyelles atones interconsonantiques non
entendues ont un tracé d'une ampleur telle qu'il faut y
reconnaître l'influence de la consonne, dont le jet d'air continue
à agir sur le tambour ;

Que la durée des voyelles influe beaucoup sur leur
audibilité ;

Que des variantes assez considérables peuvent exister
pour deux auditeurs que l'on est en droit de considérer
comme normaux. Ainsi dans plœré. l'un a entendu la première,
l'autre la seconde syllabe.

Nous avons déjà observé que les voyelles fermées
demandent plus de souffle que les voyelles ouvertes, c'est-à-dire
en réalité un plus grand effort. Cet effort supplémentaire
se fait instinctivement pour donner plus de puissance
à ces voyelles, sans pourtant les rendre égales aux
voyelles plus ouvertes. Nous voyons donc ici, nettement
établie, la différence entre l'intensité articulatoire et l'intensité
auditive.

De même, l'effort réclamé par l'explosion ou l'implosion
de la consonne peut augmenter l'amplitude de la voyelle
contiguë, atone ou tonique, sans lui communiquer une
valeur acoustique correspondante (cf. le comte, couché fig. 680,
681 et p. 1056), preuve que l'intensité propre de la voyelle
n'est tout à fait sûre qu'à une certaine distance des consonnes.1061

IX. — Les consonnes ont été étudiées dans trois séries
d'expériences, qui ont donné des résultats nombreux et.
variés. Tous ne sont pas purement phonétiques, et quelques-uns
doivent être rapportés à des causes étrangères (abaissement
involontaire de la voix, distractions des auditeurs,
bruits produits dans le voisinage, etc.). Je les reproduis
tous cependant sans distinction, laissant au lecteur le soin
de faire lui-même le triage en établissant des comparaisons
qui nous prendraient ici trop de place.

La 1re expérience a eu lieu à la Croix-de-Berny et n'a
porté que sur les consonnes associées à la seule voyelle a.
Les groupes la, ra, ẅa n'ont donné aucun son à 90 mètres,
ta et ma à 100. Aucune des autres consonnes n'a été
entendue sûrement à cette distance. La limite de compréhensibilité
constante a été pour :
tableau

D'autres expériences faites à Clamart avec des voyelles
variées ont donné des résultats différents et, je crois, plus
justes. Les auditeurs étaient placés d'abord à 100m, puis
à 80.

Ont été entendus et compris :

tableau1062

tableau

Soit par ordre de compréhensibilité :

tableau

Enfin des expériences méthodiques ont porté sur chaque
consonne associée à chaque voyelle. Les auditeurs étaient
placés successivement à 200, 150, 100, 50, 30 et 20 mètres.
Comme complément, ils ont écouté certaines combinaisons
pour lesquelles on pouvait supposer une limite plus rapprochée
ou plus éloignée, les unes à 15, 10 et 5 mètres, les
autres à 210, 220, 230, 240 et 250 mètres.

Les différences de compréhensibilité ressortent du tableau
suivant où sont marqués les nombres de fois que chaque
consonne a été reconnue sur 21 épreuves :1063

tableau1064

Pour faciliter la comparaison, additionnons les nombres
de fois où la consonne a été comprise par chacun des
auditeurs, et remplaçons dans le tableau le chiffre 42, qui
exprime la totalité des cas pour chaque expérience, par un
trait (—).

tableau

La différence de compréhensibilité, nulle à 5m va en
s'accentuant jusqu'à 150 mètres. A 10m, nous voyons les
consonnes se séparer en 2 groupes (g n̮ ẅ se comprenant
déjà moins bien) ; à 15, en 3 ( et se détachant
de g) ; à 20, en 7 (b s z j m l r y 42, p t 41, ɛ n 40,
1065k f
39, g v 38, n̮ w 37, d 33) ; à 30, en 9 (t z ɛ j l 42, w
41, d s m r 40, k n̮ 3ç, p b 38, g n 37, f y 36, y ẅ v 30) ; à
50, en 12 (r 40, t n 39, s ɛ l w 38, j m y 37, z 36, p n̮ 35,
ẅ d 32, k 29, b f 28, g 27, v 21). En même temps que les
consonnes se séparent les unes des autres, les limites
de compréhensibilité s'écartent progressivement, et des
différences, insoupçonnées d'abord, s'accentuent avec la
distance. A 100m, presque toutes les consonnes sont isolées.
A 150, nous n'avons plus que 2 groupes ; mais il s'en
reforme d'autres à 200m. On en jugera mieux par un
tableau :

tableau ordre probable avec coefficient de compréhensibilité1066

Il ressort de la comparaison de ces chiffres que les rapports
les plus voisins de la vérité sont ceux que fournit la
distance de i5o mètres. C'est celle que je choisis en m'aidant
des colonnes voisines pour dédoubler les groupes ; et,
donnant à la valeur 1, je réduis les autres de 1/3, en
forçant un peu certains chiffres, pour avoir le coefficient de
compréhensibilité
(voir colonne 4).

L'influence de la voyelle sur la compréhensibilité de la
consonne est un fait dont il faut aussi tenir compte.

Nous avons pour en juger :

Les cas où le groupe n'est pas même entendu comme
son, à savoir sur 42 épreuves, à 200 m :
tableau

A 150m n'ont pas été entendus et (2 fois) ; à 100,
ẅú et nœ́ (1 fois).

Les consonnes qui ont ainsi disparu sont :

avec ú [formule].
u [formule].
ó [formule].
o [formule].
ò [formule].
á [formule].
í [formule].
i [formule].
é [formule].
1067e [formule].
è [formule].
a [formule].
ú [formule].
u [formule].
œ́ [formule].
œ [formule].
œ̀ [formule].
õ [formule].
œ̃ [formule].
ã [formule].
[formule]

Les cas où la voyelle seule est entendue, soit sur 42 :
tableau

Les consonnes qui ont ainsi disparu, la voyelle subsistant,
sont :

avec ú [formule].
u [formule].
ó [formule].
o [formule].
ò [formule].
1068á [formule].
í [formule].
i [formule].
é [formule].
e [formule].
è [formule].
a [formule].
ú [formule].
u [formule].
œ́ [formule].
œ [formule].
œ̀ [formule].
õ [formule].
œ̃ [formule].
ã [formule].
[formule]

Je n'ai que cinq cas où la consonne seule a été entendue :

ɛ à 210m dans ɛu (L. R.) et dans ɛu (L.).
— à 240m dans ɛò et dans ɛo (L.).
r à 220m dans (L.).

Les cas où la voyelle modifie la compréhensibilité de
la consonne. Nous considérerons d'abord les résultats des
épreuves faites à 200, 150 et 100 mètres. La consonne a un
timbre d'autant plus clair et doit être considérée comme
d'autant plus intense que son point d'articulation est plus
1069voisin de celui de la voyelle et son timbre plus différent.
On conçoit en effet que plus le passage de la consonne à la
voyelle est simple, moins il se produit de sons parasites
capables d'égarer l'oreille ; et que plus le son de la voyelle
est différent de celui de la consonne, moins il y a danger
de confusion.

Dans le tableau qui suit, un chiffre unique ou le premier,
s'il y en a deux, indique les auditions correctes et concordantes
pour les deux auditeurs ; le second chiffre, séparé du
précédent par une virgule, les auditions correctes isolées ;
le zéro signifie, suivant sa place, ou manque d'accord, ou
absence d'audition correcte. Sont compris de 200 à 100
mètres :

p+[formule].
b+[formule].
t+[formule].
d+[formule].
k+[formule].
g+[formule].
f+[formule].
v+[formule].
s+[formule].
z+[formule].
1070ɛ+[formule].
j+[formule].
m+[formule].
n+[formule].
+[formule].
l+[formule].
r+[formule].
y+[formule].
m+[formule].
+[formule]

Au-dessous de 100m, il suffit de signaler les quelques cas
où pour les deux auditeurs les consonnes n'ont été entendues
qu'à moins de 40 mètres, à savoir :

b + á œ̀ œ́ ã œ̃.
g + ú.
f + e o u ú ú.
m + i.
+ ú, qui n'a été compris qu'au-dessous de 30 mètres.

Il est inutile de faire remarquer comment tous ces
exemples rentrent dans la formule. Un exemple ou deux
1071suffisent : est plus solide que ke : voisinage des deux
articulations ; yí ẅù ne se comprennent qu'à une faible distance :
confusion des deux sons.

Les variantes dans les appréciations d'un même son
pour les deux auditeurs à la même distance. Je ne relève
que les cas où, pour l'un des deux, l'audition a été correcte.

Se sont confondus :

p avec [formule].
b[formule]
t[formule]

Les indécisions d'un même auditeur (R.) :
image

Les impressions successives données par une même
consonne. Quand l'auditeur est à la limite d'audition, la
syllabe le frappe comme un léger bruit : ne (200m R) a pu
se confondre avec ɛ ou z. En deçà, la voyelle apparaît
seule ; puis un souffle indique la place de la consonne encore
indécise, et peut être interprété arbitrairement par une
constrictive ou même une explosive. Plus près, on sent
une spirante qui se teint de la nuance soit de la consonne
émise, soit de la voyelle entendue. Ainsi to pourra être
entendu so (200m R) sous l'influence du t, ou ẅo (100m R)
sous celle de l'o ; pí dí ví sonneront sous l'influence de
l'í. Plus près encore, le vrai caractère de la consonne se
détache et paraît immuable à des distances plus ou moins
1072rapprochées. Un p, dans po, peut encore être entendu ko
à 3Om ; confondu avec à 50m (L. R.) et à 30m (R.) ;
avec ki à 50m (L. R.) et à 20m (L.) ; du avec tu à 20m
(L. R.) ; gu avec vu à 30m (L. R.) ; gi avec di encore à 15
et à 10m (L.) ; vi avec ẅi à 20m (L. R.) ; avec ɛú à 30m
(L. R.) ; avec à 30m (L.) ; ɛí et ɛú avec ti et tu à 5Om
(L.) ; et sœ́ avec et sœ́ à la même distance (R.) ; avec
à 30m (L. R.) ; avec à 30m (R.) ; le qui sonne
le plus souvent y de 200 à 100m, peut encore être pris
pour un n à 20m (nó nu nẽ L.), même à 15m (nu L. R.),
et à 10m (nu L.) ; le peut aussi se scinder et sonner y
( L. R.), ou u (ué we L. R.) à 30 mètres (wœ̃, 15m L. R.
10 R.), le y peut être entendu (150-50m R.), ly (100 R.).

En général, la distance tamise les consonnes comme les
voyelles ; et les plus solides montrent leur cohésion. Entre
autres, l'analyse du est intéressante : elle indique dans
cette articulation moins une n mouillée qu'un y nasalisé.
De 200 à 100m, sur 92 cas où la consonne a été entendue,
elle a sonné correctement 17 fois ; sur les 75 autres, y a
ressorti 54 fois, (variante du y) 4, j (autre variante) 1, g 4,
k 3, soit pour l'élément guttural 66 fois ; z 2, n 3, t 2,
soit pour l'élément dental 9 fois ; le w une fois seulement
( = 200m L.).

Dans les mots isolés, qui ont été étudiés dans une expérience
faite un peu au hasard à 150, 100, 50 et 20 mètres
de distance, on retrouve les mêmes conditions d'audibilité
et, de plus, l'effet de l'accent et de la combinaison des
consonnes. C'est à ces deux derniers points que se borneront
nos remarques.

L'influence de l'accent est évidente dans un mot comme
chanson. Si nous comparons les deux syllabes, nous verrons
qu'à force égale d'émission chan se comprend mieux que
1073son (p. 1066). Or dans chanson, c'est qui est entendu à
150m (R.). Un mot comme bouchon, qui est entendu ɛõ
à 100m (L.), ne serait pas probant parce que ɛõ est beaucoup
plus compréhensible de loin que . A rapprocher de
chanson : râteau (átó 150m R.). Dans « rions » « filons »,
je constate un déplacement de l'accent (ri, fi à 65m). De
même dans morfondu (morfõ) à 150m (R.).

Pour les consonnes simples, nous avons à les considérer
entre voyelles et à la fin des mots.

Intervocaliques :

p. — [exemple].
b. — [exemple].
t. — [exemple].
d. — [exemple]
k. — [exemple].
g. — [exemple].
f. — [exemple].
s. — [exemple].
z. — [exemple].
ɛ. — [exemple].
1074j. — [exemple].
n. — [exemple].
. — [exemple].
l. — [exemple].
r. — [exemple].
s. — [exemple].

Finales de mot :

p. — [exemple].
k. — [exemple].
g. — [exemple].
. — [exemple]
ɛ. — [exemple].
j. — [exemple].
l. — [exemple].
r. — [exemple].

Finales de syllabe :

r. — [exemple].
1075ɛ. — [exemple].

Groupes :

l. — p : [exemple].
b : [exemple].

r. — p : [exemple].
b : [exemple].
k : [exemple].
g : [exemple].
v : [exemple].

y. — p : [exemple].
1076b : [exemple].
s : [exemple].
l : [exemple].

w. — p : [exemple].
b : [exemple].
d : [exemple].
v : [exemple].

On peut tirer de là les conclusions suivantes :

La longueur du mot le rend plus intelligible. Tous
les mots de trois syllabes, sauf un, ont été compris ; les
mots de deux l'ont été plus souvent que ceux d'une seule.

Les consonnes médiales ne semblent pas moins
compréhensibles que les initiales ; au contraire, on peut
préjuger en leur faveur.

Les consonnes finales de mots sont les moins claires.

Pour ce qui est des consonnes qui terminent une
syllabe, les exemples permettent de juger seulement de la
stabilité de l'r. Je renvoie, pour les autres, aux conclusions
insérées dans mon travail sur le patois de Cellefrouin.

Dans les groupes, les semi-voyelles, l'r et l'l, sont les
mieux entendues.

Il est clair que dans certains cas l'auditeur se laisse
aller à deviner, et qu'il dit plus qu'il n'entend, suivant
le sens suggéré par une syllabe. Si l'on voulait être sûr
du résultat acoustique, il faudrait procéder, comme j'ai
déjà fait, par combinaisons artificielles vides de sens 181.1077

Il reste maintenant à savoir si toutes ces différences
d'intensité, que l'oreille reconnaît dans les consonnes, se
retrouvent dans les tracés et répondent à des différences
dans l'intensité mécanique.

Le morceau sur la mort de Roland (fig. 689-691), déjà
étudié pour les voyelles, nous fournira la matière de cet
examen. Comparons les consonnes d'après leurs amplitudes
mesurées en millimètres sur un agrandissement photographique
(p. 1058).

k — Entendus : comte (7mm6), -quises (5,8), coulpe (4,8).

Non entendus, couché (1mm5), qu'il (3,7) con-quises (5).

La différence entre con et -quises se trouve accentuée
par la durée de l'explosion à son point de plus grande
intensité (1 centième et demi de seconde pour le 1er, 3 pour
le second). Pour coulpe, l'amplitude est moindre que pour
con, mais la durée est double (3 cent. de sec.). Il faut donc
tenir compte de la durée de l'explosion.

p — Entendus : pin (6,5), peut (7,5), s'emcher (4,5),
pas (4).

Non entendus : soupirer (3), pardon (8). Ce dernier
mot pourrait faire difficulté, mais il faut noter que le p, plus
ample que tous les autres, a une explosion très courte
(produite par un jet très rapide mais de faible diamètre) et
qu'il est suivi d'une voyelle brève et grave. La durée de la
voyelle et sa hauteur influent donc sur l'audibilité de la
consonne.

pl — Entendu : pleurer (2,5). Non entendu : plusieurs (1,5).
prprend (2,8), entendu.
sp — espagne (1,7), entendu.
lp — coulpe (5), non entendu.1078

Pour pl, la différence est normale ; pr n'a pas de correspondant.
Ces trois exemples montrent que l'addition d'une
consonne (l r) au p a pour effet de diminuer considérablement
l'écoulement de l'air, en raison de l'obstacle qui est
ajouté.

La comparaison de sp et de lp ne peut pas être rigoureuse.
Cependant, il y a lieu de s'étonner que l'explosion soit si
peu ample dans le 1er exemple, et si forte dans le second.
La raison en est dans la différence de durée qui existe pour
l'occlusion : Es-p-agne (11 centièmes de sec.), coul-p-e (8).
Nous avons là l'indice d'une fermeture plus forte dispensant
d'employer un courant d'air considérable.

t. — Entendus : tant (14,4), terres (12).

Non entendu : tourné (5,5), prend a (9), dont il (2,2).

L'amplitude de t dans prend à pourrait paraître excessive ;
mais remarquons que l'occlusion est courte (5 cent. de
sec.) et la voyelle brève : l'occlusion a donc été relâchée et
le jet d'air moins contenu.

tr. — Comte Roland (14), mettre (7) entendus.
d. — Entendus : d'en (4,6), d'en (9), demande (5,5 et 5,7).

Non entendus : de (11 9,5 3) et deṣ (9,5) au commencement,
des groupes expiratoires, de (2 4 3) et des (3) au
milieu, dont (5), pardon (8).

Le 1er d'en a été entendu 2 fois et le 2e 3, différence justifiée
par l'amplitude et la hauteur musicale. Dans demande,
de- a été entendu 1 fois, et mande 4 fois ; la durée et la
hauteur de la voyelle en sont cause. L'œ de de- peut disparaître,
et de fait il a disparu dans la diction inscrite. Le
tracé est intéressant en ce qu'il montre que la disparition
de la voyelle est compensée par une augmentation de force
1079dans l'articulation de l'm suivante, dont l'occlusion s'allonge
(cf. se mettre), et dans l'appel de l'air, qui fait descendre la
plume au-dessous de la normale (comparez un cas tout à
fait semblable dans torom kwat, p. 493).

Nous saisissons ici sur le vif l'influence du commencement
et de la fin de l'acte expiratoire. L'organe incomplèment
tendu ou déjà un peu relâché laisse passer une plus
grande quantité d'air (fait déjà observé p. 831). C'est, en
effet, ainsi que s'explique l'amplitude accidentelle de de des
à l'initiale et de pardon. Quant à dont (5) comparé à d'en
(4,6), la différence de hauteur suffit à faire comprendre la
différence d'audition.

dy — Dans Dieu, l'explosion est nulle ; nous avons l'arculation
d'une spirante.

b — Un seul mot ba (11), le mieux entendu de tout le
morceau.

ɛ — Entendus : couché (implosion du ɛ 6,2, explosion 5).

Non entendus : chose (5-4), charlemagne (10-7) s'empêcher
(7-6, 3).

La différence d'audibilité entre couché et s'empêcher s'explique
par l'intensité des voyelles (-ché 27 ; -cher 21). Le ɛ
de charlemagne n'a tant d'amplitude, malgré le peu d'intensité
de la voyelle (12), qu'en raison de sa place au début
du groupe expiratoire.

s — Quatre mots seulement ont été entendus : France
(6,5-6), Français (6,5-10,5), s'empêcher (8-7),
sa (8,5-7,5).

Non entendus : son (6,5-3,2), se (7-5,2), se (7,4), souvenir
(5,4), douce (6), son (9,5-5), seigneur (7-9,5), si
(8-8,5), soupirer (10-6,5), se (8,5-4,5).1080

Le tracé de s, comme celui de ɛ, marque très nettement
l'implosion et l'explosion qui sont rarement égales. Leur
amplitude dépend de l'intensité des articulations contiguës.
Si une syllabe accentuée précède, l'implosion est la plus
ample (sa, son, etc.) ; si l'accent vient après, c'est l'explosion
qui montre le plus d'intensité (Français, seigneur). Le
timbre de la voyelle n'est pas non plus indifférent ; œ u i
demandant plus de souffle que a, et la consonne en est
influencée (cf. sa et si). La quantité de la voyelle sur laquelle
s'appuie le s exerce aussi une action (cf. France, 20 cent. de
sec. et Français, 22, qui ont les voyelles les plus longues).
Quant à la durée de la consonne, elle semble sans effet :
le s a bien 18 centièmes de seconde dans France et seulement
5,5 dans douce ; mais il n'en a duré que 12 dans
Français, 9 dans sa et dans s'empêcher, pendant que nous
trouvons 13 dans son visage et soupirer, 14 dans seigneur
et 16 dans si.

Donc, si l'on peut expliquer chaque cas, il est cependant
bien difficile de tirer de l'amplitude du tracé de l's une
règle pour l'intensité. Et il est vraisemblable qu'un
plus grand nombre d'exemples nous aurait amenés à la
même conclusion pour le ɛç.

j — Le j se trouve dans deux mots qui ont été entendus :
visage (1) et lignage (3). La différence d'amplitude
vient de la chute, dans un cas, et le maintient,
dans l'autre, de l'œ.

z — Entendus : sous un (2), conquises (3), mais (3,5-5).

Non entendu : choses (0,5).

Avec y, entendu : plusieurs (3,5).

v. — Entendu : élevé (4,8).1081

Non entendus : visage (1), vers (2,5), souvenir
(0,8), veut (4-3,2).

L'amplitude est ici d'accord avec l'audibilité.

l — Entendus : Roland (2,5), l'a (4,5) ; — élevé (4) ;
— pleurer (3,5) ; — coulpe (0,5).

Non entendus : le (3), il a (3,5), l'Espagne (0,8)
il se (0,7) qu'il a (3), de la douce (6), lignage
(2,5), charlemagne(2,5).

il est (2,2), il ne (4), il ne (0,5), il bat (1,5) ;
— plusieurs (2), oubli (2,5), lui (4).

Nous retrouvons ici l'influence du début d'un groupe
expiratoire (le, 3 ; de la, 6 ; il ne 4 etc.). En dehors de ce
cas spécial, l'accord entre la force de l'expiration et de
l'impression auditive est assez clair. Il semble pourtant que
lui aurait dû être entendu ; mais il faut croire plutôt à l'influence
du qui réclame beaucoup de souffle, comme au
contraire le voisinage du p dans coulpe a réduit pour l'l le
courant d'air.

r. — Entendus : prend (1,5), souvenir de (0), plusieurs
choses (5), terres (4), France (6,5), seigneur qui
(2,5), Français (3), pleurer (14), soupirer (7),
mettre (9).

Non entendus : Roland (14), tourné (5), vers
l'Espagne (0), Charlemagne (1), pardon (5).

Un très grand rapprochement des points d'articulation
fait disparaître les battements : ir d (souvenir de), ér l (vér
l
'Espagne) — il s'agit ici de l'r de la pointe de la langue.

Étant donnée l'audibilité très grande de l'r, il y a lieu
de s'étonner que Ro n'ait pas été entendu. Les battements
1082ont été sans doute influencés par l'explosion du t précédent.
L'r de pardon a subi le sort du mot entier rendu inaudible
de loin par l'abaissement du ton.

Pour les nasales, il y a à mesurer l'explosion par la
bouche (b) et la courbe d'écoulement de l'air parle nez (n).

m — Entendus : hommes de… (b 0 — l'm est implosive
seulement : n 2), mais (b 0,6 ; n 1,8),
même (b 0 ; n 2,5), demande (b 1 ; n 2,2).

Non entendus : aimé (b 2 . n 2) ; même (b 0 ;
n 0,7).

La différence entre les deux m de « même » est à noter.
Mais pourquoi n'a-t-il pas été entendu ? C'est évidemment
la chute énorme du ton (de 140 à 106 et au-dessous)
qui en est cause.

n — Entendus : tourné (b 0 ; n 1,5), souvenir (b 2 ;
n 2).

Non entendus : ne peut (b 4,5 ; n 3), ne veut
(b 3,2 ; n 2,3), en oubli (b 3 ; n 1,7).

Il faut se souvenir que la consonne entre voyelles peut
dépenser plus d'air que la consonne précédée ou suivie
d'une autre consonne ; que, en outre, au début des groupes,
on est plus prodigue de souffle, surtout pour œ u : et toute
difficulté disparaîtra.

— Entendus : lignage (b 1,5 ; n) ; seigneur (b 2,2 ; n
2,5) ; Espagne (n 0,5), Charlemagne (n 1).

Lignage a été compris 3 fois ; seigneur 6 fois. La différence
d'amplitude est justifiée. Noter la faiblesse des finales.

Comme conclusion, il faut reconnaître que, si le souffle
employé pour les consonnes peut donner, au point de vue
1083de l'intensité, des renseignements utiles et appréciables d'un
coup d'œil, que si l'on peut trouver des explications plausibles
pour les cas embarrassants, il ne fournit pas une règle
sûre et précise sur laquelle on puisse compter, étant soumis
à trop de causes perturbatrices.

La précaution même que j'ai prise de faire épeler les
phrases, avant de les inscrire d'après un débit naturel, me
paraît insuffisante dans l'ensemble des cas, et ne saurait être
utilisée que comme un indice pour des cas particuliers,
comme j'ai fait du reste, et très simples 182.

La mesure de l'amplitude de la voyelle, corrigée d'après
l'audibilité propre à chaque consonne, reste donc la
seule règle vraiment pratique.

Mais comment mesurer l'amplitude ?

Rien de plus simple, quand la courbe est celle d'un son
simple. On n'a qu'à choisir pour commencement et pour
fin de la période les deux points les plus bas ; la perpendiculaire,
menée du point le plus élevé de la courbe à la
ligne qui unit ces deux points, donne l'amplitude (voir une
des courbes composantes, fig. 84 et 742). Pour une courbe
complexe figurant plusieurs sons composants (comme la
résultante, fig. 84 et 742), le problème est plus difficile.

M. Roudet 283 sans se poser la question ainsi, cherche
la mesure de l'intensité dans la marche de la plume, qui
1084correspond au déplacement de la membrane et, par suite,
au mouvement vibratoire de l'air. Il mesure donc la projection
AB pour la 1re partie de la courbe (fig. 692), AC
pour la seconde et ainsi de suite. Le total, divisé par la
durée de la période, lui fournit l'expression de l'intensité
moyenne.

image

Fig. 692.

y, axe mené suivant la génératrice du cylindre. — ox, axe perpendiculaire à oy, sur lequel
se mesurent les durées τ1, τ2, τ3. — ox′, axe parallèle à la direction d'une spire du
tracé hélicoïdal produit par le déplacement du chariot (avec mes nouveaux appareils, cette
correction est négligeable).
Le schéma représente à volonté trois vibrations simples, ou une vibration complexe, et dans
ce cas la durée totale de la vibration est τ1 + τ2 + τ3.

M. Poirot 184 calcule, d'après le théorème de Fourier, l'amplitude
de chaque son partiel ; et il en déduit l'intensité
physique in par la formule :
[formule]1085

vn étant la hauteur musicale et an l'amplitude d'un son
de rang n (voir p. 7). Puis il additionne les intensités partielles
pour obtenir l'intensité totale. Enfin, craignant les
erreurs provenant des conditions variables des expériences
et ne s'attachant qu'aux valeurs relatives, il égale à 100 le
maximum d'intensité dans chaque mot et réduit le reste à
proportion.

Pour moi, cherchant dans l'amplitude des sons du langage,
non une mesure réelle de l'intensité, mais simplement
un élément de comparaison avec des amplitudes de
signification expérimentale déterminée d'avance, je me suis
borné à mesurer dans les vibrations complexes, comme dans
les vibrations simples, uniquement l'amplitude maxima.

Appliquons ces trois procédés à deux courbes connues
(fig. 84 et 742). M. Poirot obtiendra les amplitudes des
courbes composantes. Fig. 84 : 21mm + 8,5 + 14
= 43,5. — fig. 742 : 26mm5 + 52 = 78,5. M. Roudet,
fig. 84 : 14mm + 15,5 + 3 + 26 + 21,5 = 97,75.
— fig. 742 : 311mm5. Je trouverais : pour la 1re courbe
38m5 ; pour la 2e, 65mm. Le procédé de M. Roudet donne
un chiffre supérieur à l'amplitude totale (2,2 fois plus
grand dans le 1er cas, près de 4 fois dans le 2e) et variable
suivant la forme de la courbe. Le mien conduit à un résultat
inférieur : il serait égal si les amplitudes maxima concordaient
en un même point ; il ne peut jamais être supérieur.
On doit reprocher à M. Poirot de ne pas tenir compte
de l'interférence dans les sons composants (p. 14-16).

Bien que l'effort ne suffise pas (voir toutefois p. 242) à
définir l'intensité pour quiconque n'est pas sourd, il y aurait
néanmoins intérêt à le mesurer directement. Jusqu'ici, j'ai
reculé devant la complexité du phénomène. Il est vrai que,
dans des cas isolés, on peut le prendre par des côtés abordables.
1086C'est ce qu'a fait M. Poirot, dans l'article déjà cité,
pour des groupes contenant des labiales. Il a cherché la
pression intrabuccale et la tension musculaire dans la prononciation
des groupes ắpa, ā́pa, ắppa, ắba, ā́ba, ắbba. A l'aide
du manomètre enregistreur de Hürthle, relié à un simple
tube de verre pour la pression, d'une petite ampoule
pleine d'eau pour la tension musculaire, il a obtenu, en
millimètres d'eau, des variations comparables à chaque
instant avec le temps, exprimé en centièmes de seconde.
Résultats : la consonne double a la pression la plus forte ;
vient ensuite le p de ắpa (accent à coupe brusque) ; puis celui
de ā́pa (accent à coupe lente). Le pp ressemble à mon vv
(fig. 153) : au milieu de la tenue se produit une dépression,
ce qui n'a pas lieu pour mes occlusives doubles (fig. 150,
152, 154). Voici, comme exemple, les variations de pression
de 2 en 2 centièmes de seconde pour l'un des doubles p,
que je prends au hasard :
0 4 19 48 78 92 82 58 38 33 34 41 51
61 64 54 37 3 0

IV
L'accent et le rythme

Quand l'expérimentateur est suffisamment armé pour
suivre toutes les variations de timbre, de quantité, de hauteur
musicale et d'intensité, il ne lui manque rien pour
déterminer tous les éléments physiologiques de l'accent et
du rythme. Quant aux éléments psychiques, c'est sur son
ingéniosité à savoir choisir ses sujets, ses exemples, et à
conduire ses expériences, qu'il doit compter.

Je n'ai donc presque rien à dire de plus sur cet immense
1087sujet, qu'ont déjà préparé la phonétique comparative 185 et
quelques expériences 286, et que de bons travailleurs sont
en train d'explorer en différents sens.

La question de l'accent n'est pas épuisée aujourd'hui, quand
on a découvert que telle ou telle syllabe est accentuée ou
atone, qu'elle est frappée d'un accent d'acuité ou d'intensité,
de l'accent du mot ou de celui de la phrase. Il faut mettre
en évidence tous les contrastes qui différencient chaque
partie de la syllabe, chaque syllabe du mot et de la phrase,
non seulement par leur intensité et leur hauteur moyennes,
mais par toutes leurs variations d'intensité et de hauteur,
avec les modifications de timbre et de quantité, qu'elles
subissent par le fait seul qu'elles entrent dans les cadres
mélodiques et rythmiques du langage.1088

Le rythme 187 est le retour périodique de pieds de coupes
d'incises, de phrases, dont la mesure est réglée, d'un côté
par les variations de l'effort articulatoire et les limites de
l'expiration, de l'autre par le besoin d'expression et les
exigences de la pensée.

Prenons comme exemple le début de la Mort de Roland,
pour lequel nous possédons toutes les données nécessaires
(fig. 680-681). Il est vrai que nous avons des réserves
à faire à cause de l'insuffisance de l'intensité mécanique ;
mais nous pourrons y suppléer par le tableau (p. 1057)
et par les tracés eux-mêmes (fig. 689).

La première phrase est formée de deux incises. La 1re
est suspensive à finale aiguë. Dans un autre analogue (il bat
sa coulpe
), l'acuité a même gagné l'e muet après l'accent.
Mais la finale aurait pu tout aussi bien être grave, comme
cela s'est présenté dans des variantes, et comme nous pouvons
le constater dans la phrase suivante (…de plusieurs
choses
).

Cette première incise comprend deux coupes : Le comte
Roland
et est couché sous un pin. Les deux finales sont
longues et aiguës ; mais la première est la plus intense, le
voisinage de la pause ayant diminué la seconde pour l'intensité
mécanique et, dans une proportion moindre cependant,
pour l'audibilité. Chaque coupe se compose de deux
pieds : deux iambes (le comte, Roland) ; un dactyle (est couché) ;
un anapeste (sous un pin). Tous vont du grave à l'aigu, avec
une intensité croissante. On peut les représenter schématiquement
ainsi :1089

image H. M. | Q. | I.

La 1re syllabe est grave-ascendante-monotone image

La 2e, aiguë-grave-aiguë, bicirconflexe, image

La 3e, aiguë-descendante image

La 4e, monotone-bicirconflexe-monotone image

La 5e, grave-bicirconflexe-monotone image

La 6e, circonflexe-grave image

Qu'il me suffise d'avoir fait ces quelques remarques. Le
lecteur pourra les compléter lui-même sans peine. Il constatera
en outre qu'en français, dans le récit tel qu'il a été lu,
l'accent est resté à sa place historique, c'est-à-dire sur la
dernière syllabe sonore des polysyllabes, et analogiquement
sur la dernière syllabe des groupes, toutes les fois
qu'il n'a pas été contrarié par l'expression d'une idée ou
d'un sentiment. Dans ce cas, la longueur, l'acuité et l'intensité
sont réunies sur la même syllabe (rolạ̄, vizạj, suvnị́r
etc. ; lœ kọ̃t, il sœ prạ̃… etc.).

Les coupes, la pause finale, l'émotion, l'emphase amènent
des changements sensibles : la pause fait reculer l'acuité ;
l'émotion et l'emphase, l'intensité.

Mais les changements d'accent ne portent pas seulement
sur la durée, la hauteur et l'intensité : ils entraînent des
1090modifications importantes dans le timbre. Le parisien nous
fournit de ce fait un exemple remarquable. Toute voyelle
tonique moyenne, quand il lui arrive d'être frappée par
l'accent du groupe ou de la phrase, devient ouverte, si
elle est susceptible de cette qualité, sinon elle se ferme ;
toute voyelle ouverte ou fermée, quand elle est tonique,
se ferme ou devient moyenne. Ainsi par exemple : cave(kav),
s'il est frappé d'un accent fort, deviendra kā̀v ; Seine (sĕn)
deviendra sḕn, etc. ; par contre l'ḕ de aime (èmœ) deviendra
é dans aimer (émḗ) ; et l'ṓ de « côte » (kót) sera o dans côtelette
(kotlèt), etc.

L'accent excerce encore une action destructive, bien connue,

image B | N
t u n r̂ a (A)

Fig. 693.

B. Bouche. — N. Nez.

sur les syllabes atones. A cet égard, le malgache est pour
nous un excellent champ d'étude. On y voit les atones encore
pleines s'amoindrir par degrés et disparaître, en même temps
qu'on peut mesurer les variations de durée, de hauteur
musicale et d'intensité. Comparer, par exemple, l'a de tendra
« action d'apporter », qui est entier (fig. 693), celui de
gaga « étonné », entendu gágæ (fig. 694), et celui de zaza
1091« petit enfant », qui est encore complet dans le tracé
du souffle, mais qui a perdu les vibrations du larynx

image
gágœ (A)

Fig. 694.
La voyelle finale a des vibrations.

image
zázæ (A)

Fig. 695.
La voyelle finale est sans vibrations.

image
mībábi (A)

Fig. 696.
La syllabe atone mi est pleine.1092

(fig. 695) ; comparer encore l'atone mi dans mibabi « porter
sur le dos » (fig. 696), et dans le composé artificiel

image
midúdu (A)

Fig. 697.
La syllabe atone mi est très réduite.

image
bibī (A)

Fig. 698.
L'i final est sonore.

image
mibabi (A)

Fig. 699.
L'i final est simplement chuchoté.1093

midodo (fig. 697). La durée considérable de l'atone, par
rapport à la tonique, ne la sauve pas. Comparez l'i final de
bibi (fig. 698) et de mibabi (fig. 699).

La poésie, le chant, l'art oratoire utilisent, pour nous
charmer, les éléments musicaux et rythmiques de la parole,
et peuvent, à cet égard, servir de thèmes à des travaux du
plus grand intérêt. J'ai moi-même commencé une étude de
ce genre en collaboration avec M. Brunot ; mais différentes
préoccupations nous ont attirés d'autres côtés. Je ne retiens
de nos premières expériences que ces deux points : Les
syllabes qui, prononcées isolément, ont presque toutes la
même durée, se rangent dans le vers en pieds réguliers ; —
La régularité des pieds et des hémistiches est d'autant plus
parfaite que le lecteur est plus ignorant, c'est-à-dire moins
influencé par les éléments psychologiques. Depuis, avec
de petits tambours et mon nouvel appareil (fig. 702), j'ai
inscrit, sous l'inspiration de M. de Souza, pour son traité
Poésie et Poétrie, divers groupes rythmiques. Je reproduis
deux strophes :

Ma belle cousine
Est là-bas dormant
Dans la mousseline,
O prince charmant !
(fig. 700)

O mont paternel,
Pourquoi donas-tu
A mon tronc flexible
Ses écailles chaudes ?
(fig. 701)

Dans cette dernière, écrite à la file, je n'ai jamais senti des
vers. Je ne puis nier cependant qu'elle ne soit parfaitement
rythmée, beaucoup mieux que la première (comparez
1094les deux figures). Si mon oreille n'est pas encore faite au vers
libre, je comprends cependant que pour d'autres le rythme
puisse suffire. J'ai au moins gagné ceci que les vers classiques,
dépourvus de rythme, ne sont plus des vers pour moi.

La manière de compter les pieds n'est point indifférente ;
et il peut être légitime d'abandonner la tradition. Ainsi le
vers de W. Scott :

With hawk and horse and hunting-spear

inscrit par M. Verrier, peut se scander de trois façons 188 :

1. Scansion croissante :

With hawk | and horse | and hunt | ing-spear
cent. de-sec. 68 62 58 71

Scansion décroissance ordinaire :

With | hawk and | horse and | hunting- | spear
cent. de-sec. 60 61 53

Scansion, que M. Verrier appelle normale, d'une syllabe
forte à une syllabe forte :

With h | awk and h | orse and h | unting-sp | ear
cent. de-sec. 60 60 60

Cette dernière scansion rappelle l'idée de M. Grégoire.
L'ayant combattue pour la coupe des syllabes, je ne vois
aucun inconvénient à l'adopter dans la formation des pieds.
Il est clair que dans un système, composé de fortes et de
faibles, l'occlusion, tout comme la constriction, précédant
une forte, appartient à la partie faible du pied.1095

image

Fig. 700.1096

image

Fig. 701.1097

Les études sur le chant permettent de constater, avec une
exactitude parfaite, les libertés que les artistes de talent
prennent, dans l'exécution, avec la note et la mesure. Soit
par exemple :

image A-dieu, ma-mie, A-dieu mon âme, A-dieu ma vie-e !

Suivons note par note, en mesurant seulement la hauteur
moyenne pour chaque demi-dixième de seconde, et en
remplaçant par des traits (—) les chiffres semblables :
[formule]

Ainsi la note, attaquée doucement en mi, s'est élevée
progressivement à la, qu'elle n'atteint qu'après 25 centièmes
de seconde ; puis elle a oscillé autour de 217 (220 et 215 en
général) pour descendre vers la fin à 210, où elle s'est tenue
25 centièmes de seconde.

-dieu (sol2 = 195,75 v. d.) occlusion et explosion 175
pendant 10 cent. de seconde ; — ieu, 195 pendant 60 cent.
de sec. ; puis à la fin 190 pendant 30 cent. de sec.

La voix a baissé, comme il arrive souvent sur la consonne,
mais elle est tombée juste sur la semi-voyelle et la
voyelle (yœ́), et s'est maintenue ferme sans modulations
jusqu'à la baisse finale.

ma (fa2 = 181,25, mi2 = 162, 12) : m, 190 (10 cent.
de sec.) ; -a, 185 282 182 180 175 170 165——1098

Le passage de sol à fa et à mi s'est opéré par degrés. La
descente, commencée à partir de la fin de la voyelle précédente,
a été suspendue par l'm, mais elle est accomplie dès
le début de l'a ; elle s'est faite en 10 cent. de sec. entre
le fa et le mi.

mie (fa#2) : m, 165 175 — 180 — 1,75 ; -ie, 180
jusqu'à la fin.

Je ne pousserai pas plus loin. Mais je ferai remarquer que
si les notes n'ont pas été attaquées et tenues sur la hauteur
mathématique, ce n'est pas par impuissance de la part du
chanteur (il l'a bien montré pour -dieu et -ie), mais par
un sentiment très artistique des lois de l'expression. Les
intervalles musicaux n'ont donc pas dans le chant la rigidité
et l'étendue qu'on peut leur supposer.

Les quatre mesures du morceau sont de longueurs uniformément
variées : la 1re a duré 330,7 cent. de sec ;
la 2e, 231,5 plus un silence pour la respiration de 31 ;
la 3e, de 273 ; la 4e, de 220. Si l'on ne faisait entrer en
ligne de compte que la durée des voyelles, on aurait respectivement :
278,5 159 222 200.

La longueur de la note écrite est encore moins observée.
L'unité étant la croche, nous comptons (toujours en centièmes
de seconde) :

tableau éléments | syllabe | voyelle1099

On voit par ce tableau que ni la syllabe (2e ligne), ni la
voyelle (3e ligne) ne fournissent une mesure fixe pour
l'unité. L'addition à la syllabe de l'occlusion de la consonne
suivante (que l'on peut faire aisément d'après la 1re ligne)
ne donne pas un meilleur résultat. C'est l'empire des lois
prosodiques, dont le compositeur n'a pas tenu compte, qui
se fait sentir victorieusement au chanteur. Ainsi les atones
ma mon sont diminuées ; la tonique du premier adieu,
malgré l'allongement expressif de l'a, n'a pu être suffisamment
abrégée ; et le second, en dépit de l'écriture, reproduit
le mouvement du premier.

Article V
Des modifications phonétiques.

Rechercher les évolutions phonétiques actuellement
agissantes, en découvrir le point de départ dans la langue et
dans le pays, en suivre les progrès, en marquer les limites
et le terme, c'est bien la plus douce tâche du phonéticien.

Il en a trouvé les premiers indices au moyen de ses
appareils, alors même que son oreille n'a été frappée de rien
d'anormal, comme il en reconnaîtra par eux les dernières
traces. Après que son attention aura été mise en éveil, il
lui faudra sortir de son laboratoire et poursuivre de village
en village, de famille en famille, auprès des représentants
des générations successives, ses passionnantes recherches.
Souvent l'oreille lui suffira, aiguisée par l'expérience. Mais
souvent aussi il sentira le besoin de revenir à sa méthode
ordinaire et d'utiliser le palais artificiel et les quelques appareils
dont il aura formé son laboratoire portatif. Et il demandera
à des expériences aisées, faites sur les indigènes eux-mêmes,
1100qu'il aura pu y décider, et répétées assez souvent pour
assurer l'inconscience du sujet, une solution qui s'imposera
par son caractère objectif.

Tout en se conformant, pour le choix des sujets à
observer, aux règles déjà posées (p. 318 et suiv.), il ne se
montrera pas aussi difficile pour les documents oraux qu'il
sera à même de recueillir, par la bonne raison que ceux-ci
demandent moins de temps. Mais il ne sera pas moins
scrupuleux à noter tous les détails (p. 320), antécédents
linguistiques, condition sociale, âge, origine, lieux d'habitation,
nature du sol, régime des eaux, climat, mode de
nourriture, genre de vie etc., qui lui permettront d'en préciser
la valeur.

C'est grâce à ces précautions qu'il reconnaîtra bien vite
le degré de généralité qu'il est possible d'accorder aux
phénomènes observés : il ne tardera pas, par exemple, à
s'apercevoir que les transformations anciennes sont seules
générales, que le particularisme le plus étroit est la loi de
celles qui sont en train de s'accomplir. C'est grâce à elles
encore qu'il pourra surprendre et dater les formes variées
sous lesquelles se présentent, à leurs diverses étapes, les
évolutions phonétiques. Les conceptions fondées sur une
vue trop superficielle des faits, et principalement des faits
anciens, ne le retiendront pas longtemps. Il ne croira pas,
par exemple, que l'existence ou l'absence, dans une langue,
des groupes semblables à ceux qui, à un moment donné,
viennent à s'y produire, soit pour quelque chose dans les
destinées ultérieures de ceux-ci. Il ne s'imaginera pas avoir
donné une raison suffisante des évolutions phonétiques en
invoquant une tendance qui porte le langage à se débarrasser
du superflu et à mettre en relief le nécessaire.
1101Il ne se contentera ni d'un principe de moindre effort,
ni d'un déplacement du sens musculaire. Il ne perdra
pas la foi en la constance des lois phonétiques ; mais il
saura reconnaître les tempéraments qu'elle comporte.

Dans ses explorations fructueuses, il reconnaîtra toutes
les causes qui viennent accélérer, retarder, contrarier même
l'application de ces lois ; il se rendra un compte exact de ce
que peut l'influence du sens, des catégories de mots, de
l'apport étranger, de l'imitation.

Ainsi, il pourra arriver à pénétrer la vraie cause des phénomènes
qui auront captivé sa pensée.

Pour moi, après avoir étudié de près les parlers de mon
pays natal, comparant les changements phonétiques des
temps anciens, avec ceux de notre époque, j'ai pu écrire 189 :

« Les transformations philologiques de cette époque
ancienne présentent un caractère particulier : elles coïncident
pour la plupart si exactement avec la limite des paroisses,
qu'elles suffiraient presque toutes seules à déterminer les
divers groupes qui s'étaient formés au sein de la population.

Mais bien différentes sont les modifications contemporaines,
celles dont nous pouvons embrasser à la fois les
premiers débuts et les derniers développements. Celles-ci
ne suivent qu'une seule direction géographique et ne
paraissent dépendre que des seules conditions physiques
des lieux et des habitants. Nous avons vu les mouvements
phonétiques partir d'un point déterminé, remonter graduellement
la vallée sans que les divisions par communes soient
pour rien dans leur marche, se propageant aux centres les
1102plus actifs, débutant par les mots d'un usage le plus commun,
s'annonçant à l'avance dans des lieux écartés, retardés
ou accélérés par l'apport dans la population indigène d'éléments
étrangers de provenances diverses, saisissant au
berceau les enfants et respectant les vieillards, mais parfois
entraînant les personnes mûres qui suivent par un choix
volontaire et réfléchi, tantôt se précipitant avec impétuosité,
tantôt s'avançant pas à pas, parfois même reculant en deçà
des positions acquises pour recommencer de nouveau, jusqu'à
ce qu'enfin ils se fixent, effaçant toutes les inégalités,
comme s'ils n'avaient rencontré aucun obstacle et triomphé
d'un seul coup.

On dirait une mer envahissante qui submerge ses bords.
Dans sa marche victorieuse, le flot monte toujours, recouvrant
d'abord les parties basses et ne laissant émerger que
des îlots, seuls témoins des limites primitives- Au début,
on peut jouir du spectacle de la lutte que se livrent les éléments,
on peut suivre les efforts de la mer, sa marche en
avant, ses reculs momentanés, ses infiltrations, préludes
d'une conquête définitive. Mais on vient trop tard, quand
la lutte a cessé et que la mer dort tranquille sur les obstacles
submergés.

Si telles sont les transformations vivantes, et que tout
autres nous apparaissent celles qui ont été accomplies dans
une période ancienne, ce n'est pas assurément que celles-ci
aient obéi à d'autres lois ; mais c'est que, depuis, elles ont
été en partie recouvertes par des transformations nouvelles
ou voilées par des emprunts postérieurs. Ainsi s'est faite à
peu près l'unité de langage dans certains groupes de population,
paroisse, baronnie, archiprêtré, et province même.
Mais l'accord que l'on observe sur certains points entre les
limites de la géographie administrative et celles de la phonétique
1103n'a rien de constant, trahissant pas là une origine
tout artificielle.

L'apport de cet élément étranger, qui, dans certains cas,
est le grand principe unificateur, mais qui n'est pas le seul,
nous vient du même point et suit la même voie que les
modifications phonétiques, pénétrant peu à peu, timidement
d'abord par des mots isolés, puis envahissant des classes
entières et effaçant jusqu'aux dernières traces de certaines
évolutions locales. C'est ainsi que, depuis le haut moyen
âge, la ligne de démarcation que l'on s'est plu à tracer entre
les dialectes du Nord et ceux du Midi n'a cessé de s'infléchir
vers l'Est et le Sud, et l'on peut prévoir que, s'il vit assez,
le patois de Cellefrouin, supprimant sans relâche par un
travail moitié volontaire, moitié instinctif, les traits limousins
qu'il renferme, n'apparaîtra plus que comme un dialecte
de pure langue d'oïl et entrera dans la classe du
français du Sud-Ouest. Alors, si un Corlieu n'est pas là
pour avertir que « le vieil langage angoumoisin a retenu
beaucoup de termes… du limousin », le linguiste aura
besoin d'être bien attentif pour n'être pas dupe de cette
conspiration que trament, avec persévérance, contre sa
bonne foi, des générations désireuses d'ennoblir leur langage.

C'est, pensera-t-on, affaire de race. Disons plutôt affaire
de volonté : le pauvre subit l'influence du riche. Disons,
si l'on veut, affaire de géologie, car la richesse vient du sol ;
affaire de pure administration aussi, car le pouvoir entraîne
la considération. Les Limousins, rattachés au département
de la Charente, ne veulent déjà plus être Limousins ; ils
sont Charentais. Ainsi un nouveau groupement se fait : une
nouvelle race se prépare, et une nouvelle langue aussi.

Telles se montrent les évolutions phonétiques : libres
dans leur marche, mais parfois voilées dans leurs résultats
par des emprunts étrangers.1104

Mais il nous est permis de pénétrer plus avant dans
la science des transformations du langage, et de porter
nos regards sur le principe même déterminant de ces évolutions.

Ce principe est dans l'enfant. Ou bien c'est une tendance
absolue et héréditaire qui le porte à modifier dans un sens
déterminé le jeu des organes de la parole ; ou bien c'est
une nécessité imposée par la loi rythmique qui gouverne
les organismes vivants.

Pourrions-nous remonter à une cause unique ? Peut être.
Réunissons tous les traits propres à caractériser une
évolution dans ce qu'elle a de primordial, en faisant abstraction
de ses conséquences sur les groupements secondaires
qui en sont nés, et dont la réduction s'impose pour ainsi
dire d'elle-même :

Le point de départ d'une évolution phonétique ne
réside pas dans une cause accidentelle. Les transformations
individuelles, qui sont dues à des causes de cette nature
restent isolées : ce sont des défauts de langue, et ceux qui en
sont affligés ne font pas école ; on les cite, on ne les imite pas.

La cause déterminante de l'évolution est d'ordre
général ; elle agit sur la masse de la population. C'est une
sorte d'épidémie à laquelle personne n'échappe.

L'évolution est déjà préparée chez les parents ; mais
elle n'éclate que chez les enfants, lorsque ceux-ci entrent
en possession de la langue. C'est donc une conséquence de
l'hérédité. En effet, des parents, quittant un village où l'évolution
est sur le point de se faire jour et se transportant
dans un autre où celle-ci est moins avancée, n'arrêtent pas
par ce fait la marche encore latente de l'évolution dans leur
famille. D'autre part, des parents, venus de villages plus
archaïques, rendent, pour un temps plus ou moins long,
1105leurs enfants réfractaires à l'évolution qui se produit dans
le lieu de leur nouvelle résidence.

La cause générale qui provoque l'évolution n'appartient
ni à l'ordre intellectuel, qui n'a qu'une influence tout
à fait secondaire sur les transformations phonétiques, ni
aux organes auditifs, dont l'insuffisance ne se fait sentir
qu'après les premières étapes de l'évolution, mais uniquement
au système phonateur.

Cette cause n'agit pas en même temps sur l'ensemble
de l'organisme vocal, comme ferait une loi générale de
moindre effort ; mais elle exerce une action élective et, dans
un groupe de générations, transitoire sur des points déterminés.

Considérée dans l'organe où elle se produit, l'évolution
se manifeste par un défaut de coordination ou de
précision dans les mouvements : prolongation ou anticipation
du mouvement ou du repos, amoindrissement ou
exagération de l'effort nécessaire. L'excès est rare ; le défaut
est la règle.

La correction du mouvement est toujours recherchée
par le sujet parlant. Ici l'instrument trahit la volonté.
L'évolution est inconsciente.

L'évolution se fait jour d'abord entre les articulations
les plus voisines, celles qui l'appellent naturellement ; puis
elle se propage à tous les cas analogues : elle est progressive
pour le son
.

A ses débuts, l'évolution n'est pas invincible ; elle
traverse un moment critique, où elle peut être effacée momentanément
par un effort accidentel, entravée par un exercice
approprié et continu, ou même peu à peu détruite par des
causes étrangères à la volonté.

10° L'évolution ne tarde pas à devenir nécessitante, et le
1106son qu'elle affecte ne peut être emprunté d'un parler
étranger sans en subir la loi.

11° L'évolution a une fin qui est marquée par ce fait,
que le son sur lequel elle porte redevient prononçable et
peut être emprunté.

12° La sphère d'action de l'évolution varie suivant les
lieux. Circonscrite en d'étroites limites dans les pays de
montagnes, elle occupe de vastes territoires dans les plaines.
Dans les zones limitrophes, comme la nôtre, elle prend la
forme d'une ceinture qui remonte peu à peu des parties
basses vers les hauteurs : elle est progressive pour le lieu comme
pour le son. »

Et j'ajoutais : « Une cause de cette nature, à supposer
qu'elle dépende des conditions générales de climat, de salubrité,
de vie, doit être commune aux habitants d'un même
village, d'une même région, et se manifester chez tous à peu
près en même temps, plus tôt toutefois sur les bords fiévreux
des rivières que sur les plateaux, et, au sein d'un même
village, plus tôt dans les familles venues de la plaine que
dans celles qui sont indigènes ou descendues des hauteurs ;
plus tôt même dans quelques sujets exceptionnellement
délicats que dans l'ensemble de la population.

Un exercice constant neutralise chez les adultes les effets
de cette anémie sur le langage ; mais ce correctif manque
aux enfants. Ceux-ci, trompés par un organisme qui ne
répond qu'imparfaitement aux impulsions de leur volonté,
croient dire ce qu'ils ne disent pas, et ne font aucun effort
supplémentaire pour atteindre à la pureté absolue de l'articulation.
C'est alors que l'évolution phonétique prend
naissance. Dans la suite, elle suivra toutes les phases de
l'anémie ; elle progressera avec elle, et, suivant ses divers
degrés, sera vincible ou nécessitante ; elle s'étendra aux mêmes
1107régions et finira en même temps : sans doute, les sons transformés
ne remonteront pas la pente descendue, mais ceux
d'où ils sont nés pourront être empruntés à d'autres langues
ou renaître d'anciennes combinaisons ; l'organisme aura
reconquis sa vigueur primitive, et avec elle la puissance de
les reproduire. »

Aujourd'hui, après plus de 18 ans de réflexions et d'observations
nouvelles sur le malade, sur l'homme sain, les
vices de prononciation, la surdité, je ne trouve rien à changer
au fond de la doctrine. Mais je retirerais ce que le mot
d'anémie a de trop fort : il s'agit d'un affaiblissement nerveux
imperceptible autrement que par la parole, que le mot
employé a pu faire exagérer, mais que je continue à croire
très réel (cf. p. 303). J'accorderais, je crois, plus à l'oreille,
qui peut être influencée par les mêmes causes que les
organes de la parole (cf. p. 313-314). Enfin je serais plus
explicite sur les évolutions régressives, que j'avais déjà, du
reste, signalées, par exemple le retour à leur point de
départ d'un a devenu è, d'un k changé en ç̑ entraînant
avec eux des sons de même timbre, mais d'autre origine,
ce qui permet de reconnaître le sens de la progression.1108

Chapitre VII
Applications de la phonétique
expérimentale

La phonétique est avant tout une science d'observation ;
mais l'observation conduit naturellement à la pratique. La
connaissance des mouvements qui produisent des sons da
langage et de leur composition physique sert, d'une part, à
les enseigner, et, d'autre part, à juger l'état des organes eux-mêmes.
De là deux sortes d'applications. Les unes pédagogiques :
correction des vices de prononciations, enseignement
des langues vivantes et de la parole aux sourds-muets,
rééducation des sourds ; les autres d'ordre médical : diagnostic
précoce de certaines maladies des organes de la parole et
de l'audition, indication de moyens propres à les guérir.

Article I
Éducation des organes de la parole et de l'ouïe.

Dans l'enseignement maternel, cette double éducation
se fait en même temps en commençant par l'ouïe. La mère
parle et l'enfant cherche à reproduire le son qu'il a entendu.
Si l'ouïe est défectueuse ou vient à manquer, l'acquisition
1109du langage est imparfaite ou nulle. Dans ce cas, il
faut recourir à d'autre sens, à la vue et au toucher, ou rectifier
et (si c'est possible) réveiller l'oreille elle-même. Il reste
donc des vices de prononciation à corriger, et une éducation
de l'oreille
à compléter ou à refaire.

La prononciation des langues étrangères s'acquiert par les
mêmes moyens et rencontre les mêmes obstacles, agrandis
par la force de l'habitude. La langue est déjà faite à certains
mouvements, et l'oreille à certains sons : les nuances leur
échappent. L'enseignement par la vue, appliqué dès le début,
viendrait singulièrement hâter le succès ; ou, plus tard, il
ferait disparaître rapidement les défectuosités. J'en ai de si
nombreux exemples que l'efficacité du moyen est pour
moi hors de doute. Les échecs sont imputables à l'oreille.

Comme toute éducation, c'est par une gymnastique
appropriée que se fait celle de nos organes vocaux et acoustiques :
la fonction perfectionne l'organe.

I
Gymnastique de la parole

Les appareils qu'on emploie dans ce but sont : le palais
artificiel, le tambour indicateur, le manomètre, les guide-langue,
les explorateurs du larynx, l'appareil à flammes
de Kœnig.

Le palais artificiel sert toutes les fois que la langue doit
s'appliquer sur le palais. Dans la plupart des cas, il suffit
de montrer la tache faite par l'articulation correcte ; sinon
on fait un palais artificiel pour la personne à qui l'articulation
doit être enseignée, et on lui fait voir en quoi consiste
1110l'erreur. (Voir p. 52 et suiv.,590, 614 et les nombreuses
figures représentant des palais artificiels.)

Le tambour indicateur (fig. 702, 3) est un tambour ordinaire
disposé de façon que le levier ait des déplacements
de grande amplitude, susceptibles d'être mesurés à l'œil au
besoin sur un cadran. C'est le premier appareil d'utilité
pratique que j'ai préparé. M. Burguet y a ajouté un petit
timbre mobile pour frapper l'oreille en même temps que les
yeux. Relié à une ampoule exploratrice de la langue ou
des lèvres, le tambour rend visible le mouvement exécuté.
Quand il est, rattaché à une embouchure ou à une olive
nasale, il montre la force d'expiration et le degré d'élévation
du voile du palais.

Le manomètre (fig. 702, 1 et 2) rend les mêmes services ;
mais il est moins sensible pour les phénomènes délicats,
comme la nasalité, par exemple. Il est surtout bon pour faire
connaître les degrés de force des mouvements articulatoires.
M. Laclotte s'est appliqué à en augmenter la sensibilité
(2) ; M. Montelbetti, à supprimer les chocs du liquide (1).

Les guide-langue sont des tiges flexibles, auxquelles on
a donné une forme convenable pour guider la langue dans
ses mouvements et la mettre en place. Une simple aiguille
à tricoter, que j'ai détrempée, me suffit ; mais on peut s'en
procurer de tout préparés d'avance. Ils servent à repousser
la langue en arrière, à en écarter les bords, à en abaisser
le dos, à faire creuser un sillon médial, à indiquer le point
où une occlusion doit se produire, etc. C'est M. Gutzmann,
de Berlin, qui le premier, je crois, a cherché une forme
fixe pour un petit appareil de ce genre. M. Burguet en
a imaginé d'autres, ainsi que M. l'abbé Meunier. Je
complète les guide-langue par le manche d'une cuillère à
dessert, quand il s'agit d'abaisser fortement la pointe de
la langue pour faire soulever la racine.1111

Les explorateurs du larynx sont, suivant le but qu'on se
propose ou bien les capsules (p. 97) qui recueillent les vibrations
pour les inscrire, ou quelque chose comme l'explorateur

image 1 | 2 | 3 | 4 | A | B | C | D

Fig. 702.

1 et 2. Manomètre. Le liquide est coloré avec quelques gouttes de carmin. — 3. Tambour
indicateur
sans le cadran. — 4. Ampoules : A, B, pour la langue ; C, pour la pression des
lèvres ; D, pour l'avancement des lèvres. Quand l'équilibre du liquide ou de l'air est détruit,
on le rétablit a l'aide de la soupape 1.1112

du Dr Rosapelly (fig. 43-45), qui les fait entendre
et que j'ai conservé pour cet usage.

L'appareil à flammes de Kœnig rend visibles les vibrations
du larynx et peut être utilisé dans renseignement des
sonores. M. Laclotte en a fait préparer un avec deux
capsules : une pour le maître, l'autre pour l'élève, si bien
que celui-ci peut s'essayer à reproduire les sinuosités du
modèle. En montant le miroir sur un mouvement d'horlogerie,
M. Montalbetti a rendu l'appareil d'un usage plus
commode (voir p. 111).

Quand le mécanisme de l'articulation est compris et que
le mouvement peut être exécuté sans l'appareil, le rôle du
maître n'est pas fini ; il change d'objet. L'élève doit arriver
à prononcer par la seule habitude ce qu'il sait seulement par
réflexion. Pour l'y aider, le maître lui proposera comme
sujets d'exercice d'abord les combinaisons les plus faciles, et
il ne passera que successivement à celles qui présentent de
réelles difficultés. La connaissance de la phonétique lui sera
d'un grand secours pour graduer les exercices suivant les
difficultés personnelles de son élève.

Si, malgré tous ses efforts et la sûreté de sa méthode, il
n'arrive pas à faire prendre l'habitude de l'articulation, il
sera autorisé à penser que l'oreille est en défaut. Et c'est
de ce côté qu'il devra porter ses soins.

Ces généralités, dont n'aurait pas besoin un phonéticien
expérimenté, suffiraient à la rigueur. Mais il ne sera peut-être
pas inutile d'entrer dans quelques détails pratiques sur
la correction des vices de prononciation, l'enseignement
des langues vivantes, l'éducation des aphasiques et des
sourds-muets.1113

Vices de prononciation.

Les vices de prononciation sont organiques ou purement
fonctionnels.

Les vices organiques les plus communs sont dus à
une perforation du palais et à une insuffisance du voile.
Toutes les articulations sont alors nasalisées : les p, les b
deviennent des m ; les t et les d, des n. Les voyelles pures
paraissent moins altérées, parce qu'elles supportent toutes
un peu de nasalité. Papa et baba sont donc mama, etc. Le
premier remède consiste en une bonne opération chirurgicale,
qui sera suivie d'une rééducation totale de la parole ;
car l'enfant, gêné par son infirmité, n'a pu l'apprendre
correctement. Si la substance manque et qu'il ne soit pas
possible de fermer la voie nasale, le résultat sera forcément
imparfait. J'ai constaté de réels succès obtenus au moyen
de palais artificiels munis d'une lame de caoutchouc en
guise de voile.

Les vices fonctionnels peuvent aussi intéresser le voile
du palais. Il n'est pas rare de rencontrer des enfants chez
qui cet organe ne présente aucune défectuosité apparente,
et qui sont affligés de nasonnement. Ces enfants sont
sujets à rejeter leurs aliments par le nez et peuvent difficilement
souffler par la bouche. Pour amener le voile du
palais à un fonctionnement normal, on proposera les exercices
suivants : souffler dans des trompettes ; éteindre des
bougies à une distance de plus en plus longue ; placer dans
l'une des narines une olive reliée à un tambour indicateur,
boucher l'autre et souffler en faisant un effort pour que le
levier reste immobile ; reprendre ce dernier exercice avec
des mots et des phrases ne contenant aucune nasale, par
exemple : « Papa part ce soir pour Paris. »1114

Chez d'autres sujets, l'incoordination des mouvements du
voile est telle que ce sont justement les consonnes nasales
qui font défaut. Le remède est le même que dans le premier
cas : se rendre maître des mouvements du voile, et
prononcer les nasales de façon à ébranler le levier du tambour
uni à l'ampoule du nez.

La dénasalisation des voyelles, si elle ne provient pas uniquement
d'une erreur de l'oreille, est attribuable à une
paresse du voile, qui, une fois soulevé, refuse de descendre.
Même remède que précédemment.

D'autres fois, le conduit des fosses nasales est obstrué en
avant ; il s'en suit un nasonnement pareil à celui d'une personne
enrhumée. Ce défaut relève de la chirurgie.

Mais les vices les plus communs dépendent de la langue,
qui, mal guidée au début par une oreille peu sensible,
n'a pas trouvé les vraies places de certaines articulations.
Plusieurs de ces défauts ont reçu des noms. Ce sont :

Le zézaiement. On apppelle ainsi la transformation de
ɛ j en sifflantes s z (un sat pour un chat, un zouzou pour
un joujou). C'est un défaut commun chez les enfants et
qui fait, à tort, le bonheur des parents. D'ordinaire il
disparaît avec l'âge, mais pas toujours. Et, dans ce cas, il
devient ridicule. Remède : reculer un peu la langue et
élever la pointe, y aider avec un guide-langue ; faire disposer
les lèvres en pavillon de trompette, et faire entendre
un ɛ prolongé ; puis proposer successivement les syllabes
chou, l'u demandant une position assez voisine pour les
lèvres et la langue, chaud, champ, etc., et finir par ché chi.

Une autre sorte de zézaiement auquel je réserverais le
nom de blésité, consiste à prononcer s z avec la langue
allongée entre les dents. Remède : indiquer la place de la
pointe de la langue derrière les dents inférieures, faire
1115siffler ss! en écartant avec une aiguille à tricoter les bords
de la langue, qui pourraient dépasser. Les sujets chez
qui ce vice persiste ont besoin de refaire l'éducation de
leur oreille.

Le chuintement, c'est-à-dire le changement du s z en
ɛ j. La langue est trop reculée et les lèvres trop avancées.
On fera allonger la pointe de la langue et l'on abaissera le
milieu avec une aiguille à tricoter appuyée en travers, les
deux bouts étant tenus entre les doigts. Faire appliquer les
lèvres sur les arcades dentaires. Demander de chuchoter ss!
très doucement et apprendre à distinguer ce son de celui
du ɛ ! Enfin faire prononcer s avec une voyelle, que l'on
choisira très voisine : i, u, é ; on finira par les voyelles les
plus éloignées par leur articulation, o, u. Après la sourde s,
on passera à la sonore z.

Le chlintement. J'ai donné ce nom barbare au défaut
qui consiste à dire quelque chose comme ç̑l̮à la place de s :
œ̃ ç̑l̮u pour un sou. La langue est posée de telle sorte
que le courant d'air, au lieu d'être direct et de passer
sur les incisives, est porté de côté et fait entendre un ch
allemand doux (ich), qui serait suivi d'une l mouillée.
Remède : demander que la mâchoire soit tenue bien d'aplomb
et que la langue, bien étalée, se sente mordue par les dents
des deux côtés, la pointe derrière l'arcade inférieure, et faire
siffler doucement ss. Au besoin avec une aiguille creuser
la gouttière centrale, pour obliger le bord, trop lâche, à se
relever. Une trace de la position de la langue prise au
palais artificiel montre très bien l'erreur de l'articulation.

Substitution d'une dentale à une gutturale, de t à k. C'est
encore un défaut d'enfance. Mais j'ai vu plusieurs enfants qui
étaient arrivés jusqu'à une douzaine d'années sans avoir pu
s'en défaire. C'est pour l'un d'eux que j'ai eu l'idée d'employer
1116une ampoule placée derrière les dents et reliée à
un tambour à long levier. Le levier devait s'agiter pour ta
et rester immobile pour ka.

Le plein succès ne s'est pas fait attendre deux jours. Pour
des enfants plus jeunes, je me contente de repousser la
langue à l'aide d'un manche de cuillère ou seulement
de mes doigts, ou bien encore j'indique, avec une aiguille
mousse, le point du palais que la langue doit toucher.

Substitution d'une occlusive à une constrictive, de t à
s ɛ
(Martel pour Marcel, tarmes pour chlarmes). C'est un
défaut que j'ai corrigé très rapidement avec une ampoule et
le tambour indicateur. Il s'agissait de montrer l'excès de
pression de la langue contre le palais. J'aurais encore pu
employer le palais artificiel.

Substitution d'une constrictive à une occlusive. Ce
défaut est le contraire du précédent. On peut le corriger
avec les mêmes appareils.

Echange entre l n j r. Une l devient n quand, l'occlusion
étant complète sur les deux côtés de la langue, le courant
d'air prend, pour sortir, la voie nasale. Supprimez la
nasalité, le reste suivra.

Le j peut être remplacé par l et Jeanne devenir l'âne,
quand, la pointe de la langue se fixant induement au palais,
l'air se fraie un chemin le long des bords. Remède :
faire descendre la pointe de la langue avec une aiguille à
tricoter dirigée vers le fond de la bouche.

L'r aussi, dans le jeune âge, se change en l et pour la
même raison. Faire abaisser la pointe de la langue : cela
est facile pour l'r grasseyée (on peut la maintenir en bas
avec le doigt) ; c'est plus difficile pour l'r linguale, car, la
pointe devant produire les battements, il n'est pas possible
d'y toucher.1117

Echange entre les semi-voyelles. Piano peut devenir dans
la bouche des enfants pwano. C'est un défaut qui ne se
maintient pas.

Suppression de consonnes. L'r devant consonne tombe
très souvent dans le langage enfantin, mais pour peu de
temps. Un cas tenace a été celui-ci : la suppression totale du
k devant une voyelle ou son remplacement par une petite
aspiration : ʿanõ = canon. J'ai employé le manche de
cuillère et l'ampoule avec le tambour indicateur ; mais je
suis arrivé plus vite au but, en partant d'un k mouillé suivi
de i (k̮i), puis en passant à kó ku.

Les troubles fonctionnels du larynx sont rares. Je n'ai
rencontré que deux ou trois cas où b sonnait comme p, á
comme t, g comme k, etc. On tâche de faire reporter
l'effort sur le larynx en conseillant de diminuer la force
articulatoire. Je me suis servi avec succès de l'ampoule placée
au point d'articulation et en faisant distinguer, à l'aide
du tambour indicateur, la douce de la forte.

Comme le bégaiement relève surtout de la gymnastique
respiratoire, je renvoie plus loin, à l'article où il en est
traité, pour la correction de ce défaut.

Langues vivantes.

Toutes les langues renferment des sons difficiles à
reproduire pour ceux qui ne les ont pas parlées dès l'enfance,
à tel point que des personnes même très cultivées
conservent toute leur vie, dans leur prononciation, des particularités
défectueuses de leur province ou de leur nationalité.
Toutes les langues, en effet, apprises un peu tard
s'accommodent à l'idiome maternel, dont elles empruntent
en grande partie le système phonétique ; c'est pour cela que,
dans sa prononciation, se trahit, souvent dès la première
1118syllabe, l'indigène de telle province ou de tel pays. L'oreille,
reconnaissant dans les langues étrangères des sons voisins
de ceux auxquels elle est accoutumée, n'est pas frappée de
la différence ; et l'œil, trompé par l'écriture, persuadera
une identité qui n'existe pas. Mais l'homme dont on parle
la langue ne partage pas les mêmes illusions. Et, s'il est
assez poli pour n'en pas rire, si même il proteste de son
admiration, qui peut être sincère, il n'en sent pas moins
d'une façon certaine qu'il a affaire à un étranger.

La phonétique expérimentale met entre les mains du
maître des moyens efficaces pour enseigner rapidement ce
qui d'ordinaire échappe à l'oreille, et elle met à la portée de
l'élève un contrôle continuel, qui lui permet de rectifier
ses exercices pratiques.

Toute prononciation d'une langue, pour être parfaite,
doit en reproduire les sons et la mélodie. Ces deux choses
demandent à être enseignées par deux méthodes différentes.

Pour les sons, on montre comment se fait l'articulation,
quels sont les organes qui y prennent part, et l'on indique
les moyens les plus simples de les mettre en jeu. Comme
illustration de la méthode, je vais choisir mes exemples
exclusivement dans le français, les procédés qui conviennent
à une langue pouvant être facilement appliqués aux autres.

n̮.

. — L'n mouillée de agneau présente de grandes difficultés
aux peuples de langue germanique. La consonne la plus
voisine qu'ils possèdent est l' (« gutturale). Mais depuis
trois siècles, on leur apprend à la confondre avec ny. Les
Russes mêmes ne prononcent correctement l' que devant
i œ u, voyelles qui appellent la mouillure. Mais j'en ai
entendu beaucoup prononcer ny devant a o u. Cependant
ils possèdent l'articulation juste dans n̮ạ̀n̮a « servante »,
1119n̮òpa « palais de la bouche ». L'appareil le meilleur et le
plus simple pour enseigner l' mouillée est le palais artificiel
(fig. 403).

Consonnes dures suivies d'une voyelle mince, i u.

Consonnes dures suivies d'une voyelle mince, i u. — Les
Russes les mouillent ; c'est un défaut national. Un russe
dira ẽst̮it̮u « Institut » n̮u « nu », n̮i « nid, » etc. C'est
avec le palais artificiel qu'on lui enseignera l'articulation
correcte. On pourra lui faire remarquer que les voyelles
françaises sont comme leur u, qui ne mouille pas les consonnes
précédentes.

t tr l.

t tr l. — La prononcaition du t et surtout du tr est
caractéristique de l'anglais. L'articulation est trop reculée,
(fig. 703) : reporter la pointe de la langue vers les dents et

image A | B

Fig. 703.
Groupe tr.
(Palais artificiel).

A. en français. — B. en anglais.

articuler avec plus de force.

L'l des Anglais est également trop en arrière pour les
Français (fig. 601).

Le palais artificiel est un moyen précieux pour enseigner
ces articulations. On peut encore se servir d'une
petite ampoule avec un appareil indicateur (tambour
1120ou manomètre). Quand l'ampoule est placée au point d'articulation
des consonnes françaises, le levier du tambour
indicateur s'agite, si la consonne est correcte ; sinon il
demeure immobile. Le Contraire se produit si on place
l'ampoule au point d'articulation des consonnes anglaises.
Le contrôle, on le voit, est excellent pour les exercices.

Un défaut spécial de l'l anglaise à la finale, où elle est très
sonore et presque vocalique, vient de l'élévation exagérée,
pour nous, de la racine de la langue. En demandant de porter
la pointe en avant, plus même qu'il n'est nécessaire,
nous provoquons comme conséquence l'abaissement voulu.
On conseille encore très efficacement de faire suivre cette
l d'un petit e muet : cessant alors d'être finale, elle devient
correcte ; et l'œ, que nous faisons entendre nous-mêmes
dans une prononciation énergique, n'a rien de déplaisant.

r.

r. — L'r française fait le désespoir des étrangers et bien
à tort. Ils ont le choix entre l'r dentale et l'r grasseyée.
Le meilleur est de leur conseiller celle de leur propre
langue, en l'accommodant au français. Veiller principalement
sur l'r + consonne, qui est trop faible dans les pays
de langue anglaise, et sur l'r finale qui abrège en Russie la
voyelle précédente.

ɛ j.

ɛ j. — Les Anglais ont une façon de prononcer ɛ j (passion,
pleasure) assez éloignée de la nôtre. Et, en général, ils
n'y prennent pas garde. Leurs ɛ j donnent la même impression
que s'ils étaient mouillés ou suivis d'un y. Chat sonne
dans leur bouche comme chiat (ɛ̮a ou ɛya), jardin comme
jiardin. Recommander d'allonger les lèvres (d'après la
fig. 602) et de reculer la langue (fig. 600) ; chuchoter
un ɛ très léger, faire répéter et recommencer ainsi jusqu'à
ce qu'on ait obtenu un son tout à fait correct. Plus le chuchotement
est doux, plus le son est pur et facile à imiter.
1121Puis passer de ɛ à ɛu, ɛó. D'ordinaire, la position prise
pour la consonne seule est abandonnée dans la combinaison
avec la voyelle. On revient alors au premier exercice, et
l'on reprend ensuite le second. A moins que l'oreille ne soit
trop défectueuse, cet exercice suffit.

Occlusives sourdes.

Occlusives sourdes. — L'explosion de ces consonnes en
français est presque sonore ; elle n'est sourde que fort
peu de temps (2 ou 3 centièmes de seconde au plus),
et l'occlusion est forte par compensation. Dans les langues
germaniques, l'explosion est soufflée et sourde ; en conséquence
l'occlusion est plus faible. On rend sensibles de plusieurs
manières la force de l'explosion et la masse de l'air
expiré : une syllabe pa française, émise devant une petite
bougie ou une simple allumette, agite seulement la flamme,
le pa allemand l'éteint ; si l'on remplace la bougie par une
petite boule de papier placé sur le dos de la main, le pa
français la dérange à peine, le pa allemand la fait tomber ;
l'air de l'explosion, reçu dans une ampoule reliée à un tambour
indicateur, imprime au levier un léger déplacement
pour le pa français, un déplacement considérable pour le pa
allemand (le manomètre fonctionne moins bien dans ce
cas, le liquide opposant au souffle une trop forte résistance) ;
la syllabe pa, dite simultanément par un Français et
par un Allemand et répétée jusqu'à épuisement du souffle,
après une inspiration profonde, durera beaucoup plus longtemps
dans la bouche du Français, parce qu'il dépense beaucoup
moins d'air à chaque articulation. Cet exercice est en
même temps un excellent procédé pour apprendre à ménager
le souffle, par le seul désir de tenir plus longtemps. On
s'exerce à augmenter la pression articulatoire au moyen de
l'ampoule et du tambour indicateur. Dès que l'on diminue
la masse d'air, la glotte s'ouvre moins et les cordes vocales
1122sont toutes prêtes pour entrer, sans perte de temps, en vibration.

Cette particularité, inconnue encore de bons phonéticiens
il y a une vingtaine d'années, est devenue classique aujourd'hui.
Mais le défaut est encore très commun.

Occlusives sonores.

Occlusives sonores. — Pour les peuples de langue germanique,
surtout pour les indigènes de l'Alsace du centre et du
sud de l'Allemagne, les occlusives sonores françaises sont
d'une imitation fort malaisée. Toute la difficulté réside en
ce que le larynx doit entrer en vibration pendant l'occlusion.
Comment faire sortir de l'air à travers la glotte, la
bouche étant fermée ? La force de l'articulation, qui caractérise
les douces de ces peuples, est un obstacle de plus en
paralysant l'action du larynx. Plusieurs professeurs ont
conseillé de faire effort pour prononcer mb nd ng au lieu
de b d g : ils obtiennent les vibrations qu'ils demandent,
mais en plus des vibrations nasales fortes qui sont très choquantes.
Ce qu'il faut conseiller, c'est de modérer l'articulation
et de porter tout l'effort sur le larynx. Celui qui dispose
d'un bon explorateur Rosapelly (fig. 45) ou autre, bien
réglé pour son larynx (ce qui est rare), pourra s'aider du
contrôle de l'appareil dans les nombreux exercices qui lui
sont nécessaires. Un moyen plus simple est à la portée de
tous : que l'on ferme avec les doigts les conduits de ses deux
oreilles et que l'on prononce na la, en les prolongeant
un peu ; on sent alors, comme un roulement de tambour,
les résonances du tympan. Il ne peut en être autrement.
Les vibrations du larynx se communiquent à tout l'air contenu
dans les cavités supérieures et par la trompe d'Eustache
à celui de l'oreille moyenne. Le tympan en est ébranlé ;
mais à l'état ordinaire ses vibrations se perdent dans l'air
libre. Si l'on bouche le conduit externe, il vibre en chambre
1123close ; à son tour, il ébranle l'étrier dans la fenêtre ovale ;
et le son est perçu- Une fois que l'expérience est faite
avec n ou l surtout, qui est généralement sonore, on a
un point de comparaison pour juger si l'articulation des
sonores a été complète du côté du larynx, la même résonance
devant se produire pour b d g.

Constrictives sonores (z j).

Constrictives sonores (z j). — Le cas est analogue à celui

image 1 | 2 | 3 | B | L

Fig. 704.
Explosives sonores françaises.

B. Souffle de la bouche. — L. Larynx.
1. ba. — 2. da. — 3. ga.

des occlusives. Le larynx vibre pendant toute la tenue des
consonnes.

Nasales (m, n).

Nasales (m, n). — Ces deux consonnes peuvent être
insuffisamment sonores (fig. 345-348).1124

Contrôle des consonnes sonores.

Contrôle des consonnes sonores. — Le contrôle du fonctionnement
du larynx se fait par comparaison avec le moment de
l'explosion. On recueille les vibrations au moyen d'une
capsule, le courant d'air avec une embouchure, et on les
enregistre sur le cylindre noirci.

Le tracé des sonores françaises (fig. 704) sert de modèle :

image 1 | 2 | 3 | B | L

Fig. 705.
Explosives sonores dites par un Américain.

B. Bouche. — L. Larynx.
1. ba. — 2. da. — 3. ga.

on voit que le larynx redouble d'activité à mesure qu'approche
l'explosion. Pour les mêmes consonnes, un Américain
oublie les vibrations pendant l'occlusion (fig. 705), une
Allemande les donne très fortes au début, mais ne peut les
continuer jusqu'au moment essentiel (fig. 706), un autre
Américain tombe dans le même défaut en l'atténuant
(fig. 707), une Anglaise prolonge outre mesure l'occlusion
1125sonore (fig. 708) ; avertie, et croyant se corriger,
elle revient au défaut contraire (fig. 709). Avec un peu
d'exercice, on finit par trouver la juste mesure ; et, quand on
a réussi, l'épreuve en donne la certitude 190.

image 1 | 2 | 3 | B | L

Fig. 706.
Explosives sonores dites par une Allemande.

B. Bouche. — L. Larynx.
1. ba. — 2. da. — 3. ga.

Voyelles pures.

Voyelles pures. — Les positions successives de la langue
dans chacune des séries a à è e é i í, a œ̀ œ œ́ u ú, a á ò o ó u ú,
sont déterminés à l'aide d'une ampoule placée dans la région
moyenne, en avant pour les deux premières, en arrière pour
la troisième, et reliée au manomètre. On choisit cet
ampoule d'une grosseur telle que, pour a, le liquide se
1126déplace à peine, et que, pour les voyelles extrêmes (í ú ú),
il ne soit pas expulsé au dehors. Si, au lieu de parcourir la
série entière, on voulait limiter l'expérience à deux ou trois
voyelles, par exemple, mettre en relief la distinction des
moyennes (e, œ, o, i, u, u) par rapport aux voyelles de la même
famille (è é, œ̀ œ́, ò ó, í, ú, ú), il serait avantageux de se servir

image 1 | 2 | 3 | B | L

Fig. 707.
Explosives sonores dites par un Américain

B. Bouche. — L. Larynx.
1. ba. — 2. da. — 3. ga.

d'une grosse ampoule : les indications obtenues seraient
plus claires. De temps en temps on fera pénétrer de l'air
dans l'appareil pour remplacer celui que la pression aura
chassé.

Les variations du courant d'air projeté sur la main de
1127l'élève sont encore un bon moyen pour faire sentir la différence
qui existe entre certaines voyelles, par exemple, entre

image 1 | 2 | 3 | 4 | B | L

Fig. 708.
Explosives sonores dites par une Anglaise.
(1re expérience).

B. Bouche. — L. Larynx.
1. ba. — 2. da. — 3. ga. — 4. ba.

ò et ó que les Russes confondent généralement.

Les mouvements des lèvres sont enseignés au moyen
1128d'un miroir où l'élève peut se voir en même temps que son
maître, ou bien encore avec des ampoules convenables
reliées soit au tambour indicateur, soit au manomètre.

Les voyelles, dans certains pays, dans les États-Unis, par
exemple, sont souvent nasalisées. On corrigera ce défaut,
comme il a déjà été dit, au moyen d'une ampoule mise dans
une narine, l'autre étant bouchée, et reliée à un tambour
indicateur (p. 115).

image 1 | 2 | 3 | B | L

Fig. 709.
Explosives sonores dites par une Anglaises
(2e expérience).

B. Bouche. — L. Larynx.
1. ba. — 2. da. — 3. ga.

Voyelles nasales.

Voyelles nasales. — Deux choses sont à montrer : les
positions de la langue et l'ouverture de la voie nasale.

Pour les positions de la langue, il suffit de savoir qu'elles
sont à peu près les mêmes :

pour á et ã ;
è ē et œ̃ avec la fermeture des lèvres en plus ;
o et õ.
1129

image 1 | 2 | N | B

Fig. 710.
Voyelle œ̃ dite par un Français (1), par une Allemande (2)

N. Nez. — B. Bouche.1130

Quant à l'ouverture de la voie nasale, on fera remarquer
qu'elle commence avec la voyelle et qu'elle cesse avec elle.
Chez les étrangers, notamment ceux de langue germanique,
le voile du palais ne s'abaisse pour donner passage à l'air
qu'après le début de la voyelle buccale (fig. 710). Chez

image 1 | 2 | 3 | N | B
B. Bouche. — N. Nez.
1. 1. 2. k——õ—————n——————te
3. k——õ————————t——

Fig. 711.

Tracés comparatifs de la voyelle õ avec n en rouergat (1) et en agenais (2) et sans u
en français (3).
La ligne pointillée limite la voyelle nasale et la sépare de l'n en rouergat et en agenais,
du t en français. Le diapason donne 1/50 de seconde ; l'échelle, les centièmes.

les Français du Midi et aussi chez plusieurs étrangers, le
voile du palais reste abaissé après la fin de la voyelle buccale ;
et, le larynx continuant à vibrer, une consonne nasale
suit la voyelle. C'est l'introduction dans le français actuel
d'une articulation qui a depuis longtemps disparu. Comparez
1131conte en rouergat, en agenais et en français (fig. 711), et
lointain dans le français d'un Méridional qui a suivi les
écoles de Paris (fig. 712).

Les résultats de l'éducation phonétique s'est fait sentir et
chez le Rouergat et chez l'Agenais (fig. 713). Cependant la
comparaison de ces tracés avec celui de conte en vrai français
(fig. 714) suffit pour faire voir ce qui manquait

image B | N
l———w—ã——n——t——ẽ———

Fig. 712.
Voyelle ã suivie d'une n devant t dans le français d'un Rouergat.

L'n est comprise entre les deux premières lignes pointillées. La bouche est fermée après la
première, et l'occlusion du t commence après la seconde.

image 1 | 2 | B | N
1. k———õ———————t——œ
2. k———õ———————t———

Fig. 713.
La voyelle nasale dans le français d'un Rouergat (1), d'un Agenais (2). La ligne pointillée,
marque la fin de la voyelle.1132

image B | N
k————õ————————t———

Fig. 714.

L'occlusion du k est marquée à la fois sur le tracé de la bouche et sur celui du nez par
l'abaissement de la ligne. Chez le sujet mis ici en expérience, le voile du palais fonctionne
avec précision.
Remarquer le rapport qui existe entre les deux courants d'air, celui de la bouche (B) et
celui dn nez (N) : le partage se fait de telle sorte que, si l'un est fort, l'autre est faible et
réciproquement.
Noter aussi que l'explosion du t se fait sans vibrations laryngiennes (comparer avec la
fig. 711, nos 1 et 2) : il n'y a pas d'e muet.
La 1re ligne pointillée marque l'explosion du k ; la 2e, la fin de la voyelle õ.

image 1 | 2 | B | N
k———õ———————t———

Fig. 715.
La voyelle nasale õ dans le français d'un Agenais,
(2e expérience).

La ligne nasale du n° 1 présente encore quelque irrégularité ; mais celle du n° 2 est parfaite.
La ligne buccale, à l'approche du t, est irrégulière et correspond à une sorte de grognement
vélaire. — Cette dernière défectuosité a disparu pour mon oreille après quelques exercices
complémentaires.1133

image 1 | 2 | 3 | 4 | B | N
1. 2. n—————a
3. 4. m————a

Fig. 716.
Nasales saxonnes et imitation des nasales françaises par un Saxon.

1. na en saxon. — 2. na en français.
3. ma en saxon. — 4. ma en français.
Les tracés sont disposés selon l'explosion de la consonne, qui est marquée par une ligne
pointillée continue. Le début de chaque nasale est indiqué par de petites lignes pointillées

image 1 | 2 | B | N
1. a———n———ó——
2. a———n̮———ó——

Fig. 717.
Nasales intervocaliques en français.

L'n et l' sont limitées par les deux lignes pointillées.1134

encore. Après de nouveaux efforts, l'agenais s'est rapproché
considérablement de l'articulation correcte (fig. 715) ;
mais on sent encore (1 et 2) dans le tracé de l'air buccal la
marque d'un tremblement organique, qui s'est produit vers
la fin de la voyelle au point où se trouvait le défaut, et
une insuffisance nasale (1) également à la fin de la voyelle.
A une reprise (2), la ligne nasale est devenue tout à fait
correcte.

image B | N
ã—————————————n—ò————ó—

Fig. 718.
anneau dit par une Suédoise.

L'étude détaillée de ce tracé est fort intéressante. La nasalité dure depuis la première
ligne pointillée jusqu'à la dernière ; elle commence presque en même temps que la voyelle,
2 centièmes de seconde seulement après. L'a est donc nasal, et la nasalité est forte, car le
courant d'air qui sort par le nez est à peu près égal à celui de la bouche. Puis vient une
résonnance bucco-nasale, très prolongée, qui va jusqu'à la seconde ligne pointillée. A ce
point se produit une explosion buccale, qui est marquée par le redressement de la ligne et
qui serait celle d'une n véritable, si elle était précédée d'une occlusion complète de la bouche.
Naturellement, le voile du palais s'est un peu relevé et la ligne du nez commence à fléchir,
mais le courant d'air est encore assez considérable pour produire une voyelle nasale. Ce
n'est qu'après la 3e ligne pointillée que la voyelle est devenue pure (la figure n'en donne
que les deux tiers).

Les tracés des prononciations étrangères révèlent souvent
de singulières erreurs. Un Saxon, que je priai à Marbourg
d'inscrire n et m dans na ma, selon sa prononciation allemande
et puis en français, a donné les formes variées
(fig. 716), où le type saxon (nos 1 et 3) correspond bien
aux nasales françaises. Mais, pensant que celles-ci devaient
1135être différentes des siennes, il s'est appliqué à modifier ses
articulations nationales en exagérant la nasalité de l'n (2), et
en diminuant celle de l'm (4). J'ai trouvé chez une Suédoise

image B | N
ã—————n—————d̮———ó——

Fig. 719.
dédoublé nd̮ dans le mot agneau dit par une Suédoise.

Entre les deux premières lignes pointillées, a nasalisé ; entre la 2e et la 3e, n ; entre la 3e
et la 4e, , puis ó.

quelque chose de tout à fait étrange. Les tracés de anneau
et agneau, que je représente ici schématiquement (fig. 717),
deviennent pour elle (fig. 718 et 719) quelque chose

image B | N
k——õ————s———o————n

Fig. 720.
Consonne dite par un Français.

Entre les deux premières lignes pointillées, explosion de k et õ ; entre le 2e et la 3e, s ;
entre la 3e et la 4e, o ; après, n et e muet final.1136

comme ãnd̮ó. Consonne (fig. 720) est défiguré en konsõn
(fig. 721) 191.

image B | N
k———o——————u————s————õ——n

Fig. 721.
Voyelle õ décomposée en o + n dans la bouche d'une Suédoise.

Entre les deux premières pointillées, o nasalisé ; entre la 2e et la 3e ligne n ; puis s, õ et le
commencement de l'n (la fin ayant été supprimée).

Attaque, union des articulations, assimilation.

Attaque, union des articulations, assimilation. — Sur tous
ces points il y a des différences entre les langues, qui, pour
être moins remarquées, n'en ont pas moins une grande
importance, si l'on recherche la perfection du langage (Voir
p. 483, 936, 963). La correction est facile.

Accent, rythme et mélodie.

Accent, rythme et mélodie. — Certaines personnes prennent
très facilement les accents étrangers ; d'autres, et c'est le plus
grand nombre, y sont tout à fait réfractaires. Le maître
fera remarquer les différences d'accentuation entre la langue
à apprendre et la langue maternelle : l'élève ne les reconnaîtrait
pas d'ordinaire de lui-même. Et je lui conseille de
choisir de beaux morceaux parlés au phonographe ou au
gramophone (je préfère ce dernier), de les expliquer, de les
faire redire plusieurs fois par l'appareil, puis par l'appareil
1137et l'élève, enfin par l'élève seul. Au bout de peu de temps,
il sera étonné des progrès accomplis. Si le gramophone
peut être imparfait au point de vue de la pureté de l'articulation,
il est excellent pour l'intonation, la mélodie de la
phrase et la diction.

Sourds-muets, aphasiques et hystériques.

Je n'ai ici que quelques essais personnels à signaler, le
temps et l'occasion m'ayant manqué pour pousser l'expérience
un peu loin. Mais ce que j'ai vu suffit à me convaincre
que l'application des données fournies par la phonétique
expérimentale rendrait plus rapide et plus efficace l'enseignement
de la parole aux sourds-muets et aux aphasiques.

Le premier qui a tenté un essai de ce genre est M. Rota,
qui se trouvait à Paris juste au moment où M. Rosapelly
faisait ses expériences dans le laboratoire de M. Marey 192.
D'autres ont continué, mais, je crois, sans avoir une vue
assez nette de la méthode à suivre. M. l'abbé Meunier dans
un intéressant article 293 rend compte de l'éducation d'une
sourde, qui devait être un sujet exceptionnel. Comme il
arrive souvent dans toute œuvre de début, les moyens
employés par M. Meunier sont assez compliqués. S'il avait
continué, il n'aurait gardé de ses inventions que l'utile,
et se serait contenté, pour bien des cas, des procédés plus
simples en usage dans les écoles de sourds-muets.

Je ne sacrifierais donc pas ceux-ci ; je les compléterais.
Et, dans l'emploi des appareils destinés à montrer le travail
caché, j'aurais grand soin de ne pas distraire la vue de
l'élève, qui doit s'affiner au point de suppléer à l'insuffisance
de l'oreille.1138

Il est inutile d'entrer ici dans les détails. Je ne pourrais
que répéter ce que le lecteur sait déjà, ou ce qu'il devinera
aisément de lui-même.

La rééducation des aphasiques devrait se faire, je pense,
d'après les mêmes principes. J'ai été obligé d'interrompre
mes premiers essais, faute de temps.

Pourrai-je jamais les reprendre ?

Quant aux hystériques, c'est l'ordre dans l'enseignement de
la parole qui est essentiel, si l'on veut arriver vite au succès.
Comme il s'agit de leur rendre la confiance en eux-mêmes
et leur persuader qu'ils n'ont qu'un léger effort à faire pour
recouvrer l'usage de la parole, il importe de commencer par
les articulations les plus faciles et de passer successivement
aux autres suivant leurs affinités. En me conformant à ce
principe, j'ai pu, en fort peu de temps, rendre la parole à
une hystérique, sous les yeux d'un médecin qui, procédant
sans méthode, venait d'échouer.

On demandera avec autorité la voyelle a, d'abord seule,
puis unie à des consonnes dans des syllabes simples ba,
ma, na, etc., dans des mots papa, tabac, maman ; puis
d'autres voyelles et d'autres mots ; enfin des phrases.
(Voir aussi Gymnastique respiratoire.)

II
Gymnastique de l'ouïe

L'éducation de l'oreille ne peut se faire utilement que si
l'organe ne réclame pas le secours de la médecine et si l'état
général de la santé est satisfaisant. Le phonéticien ne vient
qu'après le médecin ou concurremment avec lui, ses connaissances
spéciales, restreintes à la science du langage (champ
bien vaste encore), limitant sa mission à la gymnastique de
l'ouïe.1139

Les sons du langage, proposés aux personnes atteintes de
surdité, donnent des renseignements rapides sur l'état de
l'oreille. Mais, pour que ces renseignements soient justes, il
ne faut employer que des articulations simples et bien
définies ; et, pour qu'ils soient compris, il faut connaître
exactement la composition des sons. Par exemple : l'u n'est
pas entendu : donc l'oreille ne saisit pas les notes graves ;
l'i n'est pas compris : c'est la perception des notes aiguës
qui manque ; les voyelles seules sont perçues et non les consonnes :
il y a des lacunes aux environs de 1000 v. d., etc.

Mais cet examen se fait bien mieux, et d'une façon tout à
fait précise, au moyen d'une série de diapasons qui permette
d'explorer toutes les régions de l'oreille et d'en mesurer le
pouvoir auditif. La seule collection complète de ce genre
qui existe, c'est le Grand Tonomètre de Kœnig. Et c'est grâce
à lui que je puis produire tous les sons des gammes musicales,
se succédant vibration par vibration, et ceux des
gammes suraiguës suivant les intervalles de tons et demi-tons,
bien au delà de la limite des sons perceptibles.

Le champ auditif d'une oreille ayant été exactement
tracé, on peut juger aisément, par la disposition des points
faibles ou des lacunes, si le mal réside dans l'oreille moyenne
(tympan, osselets) ou dans l'oreille interne et le cerveau.
Une diminution de l'ouïe croissant d'une façon régulière
dans le sens soit des notes graves, soit des notes aiguës, fait
penser à une insuffisance dans le fonctionnement des
muscles du marteau et de l'étrier. Des trous, comme on en
voit (fig. 524,525), ne paraissent s'expliquer que par une
affection qui intéresse spécialement certains faisceaux du
nerf auditif.

L'éducation de l'oreille a pour but de combler ces lacunes
par des rappels à l'activité ou des suppléances.1140

image

Fig. 722.

Le blanc, au-dessous de la partie ombrée, représente le champ auditif du 24 octobre ; la
partie ombrée claire, les acquisitions faites le 12 novembre ; les hachures, celles qui ont été
constatées le 27 mars ; toute la partie blanche entre les hachures et l'un des deux pointillés
qui limitent au champ auditif normal, ce qui restait à acquérir. Le pointillé fin limite le
champ auditif d'une oreille excellente ; le pointillé gros, celui d'une oreille ordinaire.1141

image A | B1 | B2 | R

Fig. 723.

A. Amplitude de la vibration, quand le diapason est ébranlé ; B1, quand le sourd cessait de
l'entendre le 1er mars ; B2, quand il ne l'entendait plus le 9 juin ; R, quand je cessais de
l'entendre.1142

Elle se fait au moyen de la parole elle-même et surtout
des diapasons, qui ont un pouvoir excitateur incomparable.

Jusqu'ici, je faisais noter chaque jour l'état de l'oreille. On
relevait ces constatations sur des tableaux et l'on obtenait
ainsi les variations du champ auditif pour les sons choisis.
De temps en temps, une nouvelle enquête générale fixait
les résultats obtenus. Il est en effet indispensable, pour
stimuler l'attention du sourd, de lui montrer ses progrès.
Voici, à titre d'exemple, le tableau acoustique de l'une des
personnes dont j'ai surveillé la rééducation (fig. 722 et
723).

Aujourd'hui j'ai une méthode plus simple et beaucoup
plus efficace. Ne faisant pas d'abord moi-même l'éducation
des sourds et me contentant de la diriger, je n'avais pas pu
découvrir les vraies conditions du succès. Je m'étais imaginé
que la gymnastique de l'ouïe devait prendre pour point
de départ les notes mal entendues, et que c'était sur elles
que devait se concentrer l'effort de l'instructeur pour contraindre
l'oreille à les entendre. Je pensais encore qu'il était
loisible de passer d'une note à une autre sans s'inquiéter de
l'étendue de l'intervalle. Les améliorations obtenues entretenaient
mon erreur, que les échecs n'avaient pu détruire :
je les attribuais à l'incapacité de l'organe. Mais, m'étant
astreint moi-même à un travail que je demandais à des
aides, j'ai bien vite reconnu : d'abord que ce n'est pas des
lacunes, mais de la partie saine de l'oreille qu'il faut partir ;
puis que ce n'est pas par grands intervalles qu'il faut progresser.
L'éducation des sourds se fait comme toutes les
éducations, qui, en prenant pour base la possibilité physiologique
actuelle, enrichissent le fonds antérieur par de
minimes, mais constantes, acquisitions. Des exemples sont
nécessaires pour bien faire comprendre la nouveauté de la
méthode et son efficacité.1143

A. Un académicien de 72 ans, arthritique héréditaire,
entend encore à 7 mètres le diapason de 3.008 v. d., mais
ne perçoit pas celui de 3.260. Au lieu d'insister, comme
j'aurais ordonné de faire précédemment, j'ai compris que
je devais me rapprocher de la 1re note : je propose successivement
3.100 3.152 3.191, 3.217 3.229 et j'arrive à
3.260 qui n'oppose plus aucune difficulté. Ce fut pour moi
le fait révélateur. Au cours des exercices, je constatai que
l'oreille droite du sourd entendait aiguës des notes qui
étaient graves pour la gauche ; ainsi s'expliquait l'impossibilité,
datant déjà de dix ans, d'écouter la musique, qui
paraissait une horrible cacophonie. Je cherche la note pour
laquelle les deux oreilles sont d'accord, puis j'élargis le cercle
en haut et en bas. Après avoir gagné toutes les notes supérieures
au delà de 1.594, j'essaie 928 : la différence entre
les deux oreilles se trouve être d'une octave ; la droite ne
perçoit qu'un « cri ». Je descends par une marche lente ;
mais, après 1.344, essayant 1.312, je me heurte à un
obstacle infranchissable. Obligé de reculer, je ne progresse
plus que par intervalles de quatre, trois et même d'une vibration :
1.312 est gagné en une séance. Je tente de franchir
d'un seul coup la distance entre 976 et 910 : « c'est un cri
aigu, comme un coup de canif dans l'oreille droite ». Je
reprends ma progression lente par 4 ou 1 vibration. Les
notes 692 « qui est pointue », 688 « qui ressemble à un bruit
de scie », n'ont opposé qu'une faible résistance. Je relève
encore quelques passages, tellement les faits me semblent
importants. De 660 (juste) à 658 où la différence est d'un
demi-ton, 659 ne suffit pas comme intermédiaire : la différence
d'un demi-ton subsiste ; il faut passer par 659,5 et
l'accord se fait. Après 386, qui est bien entendu, 384 ne
l'est pas : 385 va bien ; je reprend 384, il n'est pas entendu ;
1144je remonte à 384,5 qui va. Je reviens à 384 : « bien beau ! »
De même, 296, juste ; 294, différence d'un ton ; 295, juste ;
294, différence d'un quart de ton (grâce à l'intermédiaire,
gain des trois quarts) ; 294,5, juste ; 294, juste ! Et ainsi de
suite jusqu'à 32 v. d.

B. Un ingénieur, 60 ans, champ auditif diminué au-dessous
de 900 v. d. A partir de cette note, les intervalles
possibles ont été d'abord de 25 ; mais 704 n'a pu être
acquis qu'en passant par 703, et 700 que par les intermédiaires
702,5 et 701. Puis il a fallu progresser par vibration
ou demi-vibration, enfin par deux ou trois.

C. Une dame, 45 ans, champ auditif diminué au-dessous
de 3.136 v. d. La progression a été quelquefois par 30 ou
25 12 9 7 6 5, ordinairement par 4, dans les cas difficiles
par 1 ou une demie aux environs de 2.718.

D. Un missionnaire, 32 ans. Après 3.200, qui est bien
entendu, 3.136 ne va pas. J'ai dû passer par des intermédiaires
de 4 vibration et une fois de 2. De 1.596 à 1.592,
j'ai proposé successivement 1.595 qui laissait un reste, puis
1.595,5 qui a été bien entendu, ainsi que 1.595 1.595,5
1.594 1.593,5 ; alors 1.592 n'était pas complètement
acquis : il a fallu passer encore par 1.592,5 pour que l'audition
fût entière.

E. Une petite fille de 12 ans, qui avait cessé d'entendre
d'une oreille. Après avoir reconquis l'audition pour les notes
aiguës, jusqu'à 45,5 v. d. qu'elle entendait bien, elle ne
percevait pas 44 ; mais elle a gagné cette note sans peine
par les intermédiaires 45 et 44,5. La demi-vibration au-dessous
(43,5) n'a pas été perçue. Il m'a fallu, pour reprendre
la marche en avant, la diviser en 20 parties (soit des 40mes
de vibration), puis en 30 (soit des 60mes) ; ce qui équivaut à
une progression de 1 sur 870 v. d. dans le premier cas,
sur 1.305 dans le second.1145

A tous les degrés de l'échelle, c'est donc par le choix
d'intervalles extrêmement rapprochés que le progrès est
assuré. La progression a dû être, dans les trois premiers
cas de 1 sur 1.313 (A), de 0,5 sur 701,5 (B) et sur 2713,5
(C).

Cela revient à dire qu'entre le son entendu et le son proposé
la différence de longueur d'onde (à 20°) a été de :
0mm275 (A), 0,5 (B), 0,016 (C). De la sorte, la progression
a été de : 1/951 (A), 1/979 (B), 1/798 (C), que l'on peut considérer
comme la mesure du surplus de l'effort demandé.

Quand cet effort est exactement proportionné à la réceptivité
de l'organe, le succès vient de lui-même sans tâtonnement,
sans résistance, et la parole est entendue sans éducation
spéciale.

Mais, si les exercices n'ont pas été poussés jusqu'au
bout, à cause de l'âge du sujet ou de l'insuffisance de
l'organe, la rééducation de la parole devient nécessaire, les
progrès accomplis dans l'audition gênant les habitudes
phonétiques antérieures, et les sons caractéristiques pouvant
n'être pas suffisamment perçus. On prononce alors les
sons à bonne distance pour qu'ils soient bien compris ; au
besoin on les écrit, ou l'on convient d'un signe ; et l'on
s'éloigne progressivement. Si le progrès se fait attendre, on
prend les diapasons donnant les sons caractéristiques, tels
qu'ils ont été déterminés ci-dessus ; on exerce l'oreille ; et,
quand ils paraissent suffisamment entendus, on reprend les
exercices avec la parole. Le succès sera immédiat.

Au temps où je tâtonnais encore, j'ai fait poursuivre
parallèlement les exercices aux diapasons et à la voix. Je
reproduis (fig. 724) le tableau des résultats obtenus jour
par jour, avec les alternatives de recul et de progrès au
commencement et à la fin de chaque séance. On a commencé1146

image

Fig. 724.1147

par pa ba ; mais, le 26 novembre, ayant constaté un
arrêt, j'ai fait passer à fa et va. Quand ces deux syllabes ont
été entendues à la distance de plus de 4 mètres, j'ai fait
reprendre pa ba, dont la perception, qui n'avait rien perdu,
reprit sa marche ascendante. Cependant l'audition des diapasons,
qui dès le début accusait pour mi4, une perte de
90 secondes, s'acheminait progressivement vers la normale
(0).

Une vie calme et paisible, à l'abri de soucis, est une condition
indispensable du succès. J'en ai eu deux exemples :
un grand armateur a vu, au cours de son traitement, son
ouïe baisser tout à coup à la réception d'une fâcheuse
nouvelle ; et un chef d'ordre religieux, dont l'oreille avait
fait des progrès pendant les vacances, est presque retombé
dans son état antérieur, dès qu'il a été repris par l'engrenage
de ses innombrables occupations.

L'éducation de l'oreille n'est malheureusement pas
l'œuvre d'un jour. Il y faut de la patience et du temps. Et
le succès n'est pas toujours assuré. Toutefois je suis convaincu
que les exercices acoustiques, bien conduits, alors
même qu'ils n'auraient pas eu des résultats pratiques bien
appréciables, servent toujours, ne serait-ce qu'à retarder les
progrès du mal. Mais, quand l'organe ne se prête pas à une
éducation réellement efficace, on ne tarde pas à s'en apercevoir ;
car on a chaque jour un contrôle qui ne peut
tromper. La lenteur des progrès, s'ils sont constants, ne
doit pas décourager ; c'est plutôt un pronostic favorable.

Les personnes âgées, qui ont dépassé la cinquantaine,
peuvent bénéficier dans une mesure plus ou moins large des
exercices acoustiques. Mais ce sont surtout les jeunes et
les enfants qu'il y a intérêt à soigner. On prévient ainsi des
surdités précoces, qu'il serait plus tard difficile d'enrayer.
1148Les vices de prononciation sont des indices certains que
l'oreille offre des défectuosités. C'est le cas de les rechercher
et de les guérir. Quelquefois le seul exercice de la
parole correcte suffit à améliorer l'oreille. C'est sans doute
pour ce motif que les articulations étrangères ne sont bien
entendues que si l'on a appris à les reproduire, et que c'est
redresser l'oreille que de corriger ou d'enseigner les mouvements
articulatoires. Mais parfois, le mal est trop profond
et demande l'excitation plus énergique des diapasons.

Le motif qui m'a fait préférer les diapasons aux autres
sources sonores, c'est qu'ils produisent des sons simples
d'une intensité qu'on peut facilement modérer ou augmenter
et même renforcer considérablement, au moyen de puissants
résonateurs, qui en sont le complément indispensable
surtout pour les notes graves 194. Depuis mes dernières expériences,
vu la petitesse des intervalles qu'il peut être nécessaire
de prendre, on demeurera d'accord, avec moi, je
pense, que nul autre procédé de gymnastique ne leur est
comparable.

Dans quelle mesure les sourds-muets pourraient-ils profiter
d'une culture raison née de l'ouïe ? L'expérience, je crois,
malgré divers essais, n'a pas encore été faite d'une façon
définitive.

Je suis à mon premier cas entrepris sérieusement. Il s'agit
d'une petite sourde-muette de 7 ans, qui n'avait donné,
avant de m'être confiée, aucun signe d'une audition quelconque.
L'examen objectif montre une rétraction exagérée
du tympan avec saillie anormale de l'apophyse externe du
manche du marteau. Du reste, menbrane transparente et
mobile. Voile du palais normal.1149

J'ai commencé par lui donner la notion du son et à
demander d'elle qu'elle fasse connaître quand elle entend et
quand elle cesse d'entendre. Elle a d'abord mimé les gestes de
son institutrice que j'avais prise, en même temps qu'elle,
pour sujet d'expérience ; puis elle a fait connaître spontanément
ses impressions, témoignant beaucoup de joie, quand
le diapason était fortement ébranlé, et réclamant avec insistance,
en me montrant mon archet, une nouvelle excitation,
quand il venait à s'éteindre.

Les premières notes que j'ai pu faire entendre ont été
224 et 250 v. d. renforcées par leurs résonateurs. J'ai pu
assez vite mesurer ce qui lui manquait par rapport à une
audition normale, et apprécier le progrès. En quelques
jours, il a été de 45 secondes pour 234. J'avais bien trouvé,
semble-t-il, le champ auditif subsistant. Il comprenait les
notes graves, 160 et 80, mais il n'atteignait pas 64. Du côté
de l'aigu, il renfermait les notes 250 235 246 ; mais il
s'arrêtait à 290 qui n'était pas entendu.

La note 64 a été gagnée la 4e séance ; puis 50 après
quelques exercices ; enfin 44.

Dans la région des notes aiguës, j'ai atteint successivement
430 450 700 750 900 1.000 1.026 1.512 2.036
2.048 2.528 2.700 3.364 4.060. Mais je dois soupçonner
des trous, car 480 et 700 n'ont pas été entendus du premier
coup et 1.106 déplaisait. J'ai une autre raison malheureusement
trop bonne. Je n'ai encore pu ni lui faire entendre
la parole, ni lui apprendre à moduler un chant. Il est
vrai que je n'ai donné qu'une quarantaine de séances.
Quant aux bruits, ils ont été remarqués de plus en plus :
des pas dans une pièce voisine, des coups, un objet qui
tombe, l'automobile dans la cour, etc.1150

Article II
Applications médicales.

Les données et les procédés de la phonétique expérimentale
peuvent aider à faire le diagnostic de certaines maladies,
à insinuer des méthodes de gymnastique propres à les guérir
et à contrôler les résultats.

Diagnostics

Je n'ai encore à signaler que trois exemples. Un léger
assourdissement des consonnes sonores permet de reconnaître
les premiers débuts de la paralysie labio-glosso-laryngée,
avant que le laryngoscope ait pu la déceler. Un
crochet dans le tracé expiratoire donne à craindre de la
tuberculose. Et la simple vue du tableau d'un champ
auditif apprend si le mal affecte l'oreille moyenne ou l'oreille
interne (p. 1140).

Gymnastique organique

Cette gymnastique a pour but de rétablir le fonctionnement
physiologique des cordes vocales, de l'appareil respiratoire
dans le bégaiement, de l'oreille dans les bourdonnements.

Parésie des cordes vocales.

Dans cette affection, les cordes vocales s'affrontent mal
ou sont lentes à s'affronter 195. On en mesure le degré en inscrivant
les mouvements respiratoires du thorax ou de l'abdomen
1151au moyen du pneumographe (fig. 31). Il suffît de demander
au sujet de prendre une inspiration profonde et de tenir
une voyelle aussi longtemps que possible. Si les cordes
vocales s'affrontent dès le début, il n'y a pas de perte de
souffle et le tracé expiratoire suit une direction légèrement
ascendante ; dans le cas contraire, le souffle s'échappe plus
ou moins brusquement et la ligne s'élève en proportion.
Si, pendant toute l'émission de la voyelle, la glotte reste
entrouverte, l'air sort avec une trop grande abondance et

image

Fig. 725.
Expiration pendant la tenue d'une voyelle.

Le tracé plein est celui de la malade, le pointillé représente une expiration normale.
i, inspiration ; e, expiration.
La verticale marque le moment où la glotte laisse passer le souffle pour la voyelle.
L'échelle mesure le temps en secondes.
Le 1er tracé est du 12 janvier 1899 ; le 2e du 6 mars de la même année. Le progrès se
mesure à la distance qui sépare chacun des tracés de la normale, pointillée au-dessous.

imprime au levier inscripteur un déplacement excessif, ce qui
fait monter la plume au-dessus de la normale (fig. 725).

La plupart des sujets que j'ai vus dans ce cas étaient
obligés par état de se servir beaucoup de leur voix : actrices,
chanteurs, professeurs de chant, vendeurs, etc. Et tous
avaient, malgré leurs dénégations, de mauvais estomacs.

Au lieu de mettre ces malades au repos absolu et d'attendre
1152ainsi la guérison, je conseillai au médecin, qui les soignait,
de leur indiquer un régime pour améliorer leurs
digestions et un exercice méthodique et modéré de leurs
cordes vocales. Cet exercice, qui avait pour but de les amener

image

Fig. 726.
Expiration pour la tenue d'une voyelle.

1. Expérience du 15 février 1899. 2. Exp. du 1er mars.

progressivement à se rapprocher, consistait à répéter
plusieurs fois par jour (deux ou trois) de profondes inspirations
et à tenir des voyelles 196. Après une semaine ou deux,
on reprenait le tracé de la respiration et l'on était à même
1153de juger, par comparaison avec les tracés déjà obtenus,
du progrès accompli.

La jeune fille (18 ans), dont je viens de reproduire le
tracé expiratoire avait, au moment de la première expérience,
la voix (déjà cassée dès l'âge de dix ans par la lecture
publique) discordante et absolument désagréable. Deux
mois après, sa voix était devenue bonne et mieux soutenue 197
Mais les tracés (fig. 725) prouvent qu'elle n'était pas encore
entièrement guérie.

Je cite encore le cas d'une artiste de l'Opéra-Comique
frappée soudainement d'impuissance vocale (son souffle
était épuisé au bout de 9 secondes) et qui fit, en 15 jours,
des progrès tels que sa situation fut sauvée (fig. 726).

Les exercices recommandés ne profitaient pas seulement,
comme on le voit par les tracés, aux cordes vocales ; ils
augmentaient encore la capacité respiratoire. La jeune fille
donnait au spiromètre de 2 litres 06 à 2,30 au début ; à
la fin, elle arrivait à 3,10.

Insuffisance respiratoire.

Cette affection est surtout à soigner chez les enfants et
chez les bègues. Elle se reconnaît au jeu irrégulier de
l'appareil respiratoire et au peu d'amplitude de ses mouvements.
Je donne, comme exemple, le 1er tracé de la respiration
d'un enfant prise à trois niveaux différents, à l'abdomen,
au bas des côtés, au sommet de la poitrine
(fig. 727), et le 2e tracé (fig. 728) obtenu deux mois
après. Dans l'intervalle, les mouvements de la respiration
se sont régularisés et ont acquis de l'ampleur ; et, en
1154même temps, la quantité d'air introduite dans les poumons
s'est considérablement augmentée. On devine le changement
qui a dû se produire. Bon élève jusqu'à 10 ans, l'enfant

image 20 fév.

Fig. 727.

image 27 déc.

Fig. 728.

Tracés de la respiration.

I et II. — Respiration abdominale ordinaire (I) et forcée (II).
III et IV. — Respiration costale inférieure ordinaire (III) et forcée (IV).
V et VI. — Respiration costale supérieure ordinaire (V) et forcé (VI).
Les tracés II, IV, VI (20 fév. et 27 déc.) font voir l'accroissement de la puissance respiratoire ;
I, III, V, le progrès dans l'acte même de la respiration ; VII, l'amélioration dans la tenue
d'une voyelle. L'attaque a été très forte le 20 février ; pourtant la durée a été très longue sans
que la provision d'air ait été complètement utilisée.1155

avait perdu toute aptitude au travail intellectuel ; il
était enroué et s'enrhumait aisément. Au moment de la
2e expérience, il avait déjà repris la première place dans sa
classe, il travaillait avec plaisir, sa voix était devenue claire
et ne s'enrhumait plus. Il avait été soumis au régime lacté
et à des exercices de gymnastique respiratoire 198.

Les exercices que je conseille sont très simples. Ils se
réduisent à trois. Deux sont de gymnastique active :
mettre les mains sur les hanches et prendre de profondes
inspirations ; tendre les bras en avant, renverser les mains
dos contre dos, mettre les bras en croix en inspirant, et les
laisser tomber le long du corps en expirant. Le troisième,
de gymnastique passive, consiste en ceci : se placer derrière
le malade, le prendre par les deux bras, soulever la cage thoracique
pendant qu'il inspire, abaisser les bras et tâcher de
faire toucher les coudes pendant qu'il renvoie l'air. Dans
bien des cas, les deux premiers ont suffi.

L'examen se fait en plaçant successivement le pneumographe
aux trois niveaux indiqués, ou mieux encore en
y disposant trois pneumographes qui fonctionnent synchroniquement
(fig. 729).

L'avantage de la méthode, c'est qu'elle fournit au
médecin des données positives sur les états successifs de
son malade, et au malade la preuve de l'efficacité des
exercices auxquels il se livre et l'encouragement nécessaire
pour qu'il les continue assez longtemps.

Bégaiement.

Dans le bégaiement 299, c'est l'appareil respiratoire qu'il faut
1156soigner. On emploiera donc les mêmes moyens que ci-dessus.
En outre, on commandera avec autorité au malade
de ne plus bégayer. Pour cela, il devra : ne jamais entreprendre
de parler sans avoir auparavant rempli ses poumons

image

Fig. 799.
Inscription simultanée des trois types de respiration.

par une bonne inspiration ; parler lentement, et ne
pas dire plus de 3 ou 4 mots sans respirer ; s'arrêter net
1157si une syllabe quelconque fait obstacle, respirer tranquillement
et ne reprendre la parole que quand l'équilibre
fonctionnel aura été complètement rétabli. Avec les exercices
respiratoires, ces conseils suffisent pour qui possède une
forte dose de bonne volonté. Un prêtre, d'abord incapable
de lire une oraison en public, en est arrivé à se faire rechercher
comme prédicateur. Pour me récompenser de mes conseils,
il est venu me débiter un de ses sermons. Mais une
pareille force de volonté est rare chez les bègues. Aussi est-il
bon de les isoler plus ou moins et de les confier à un instructeur
expérimenté. J'ai connu un homme, qui, se voyant
une belle carrière fermée par son bégaiement, s'est corrigé en
15 jours. Le premier bègue dont je me suis occupé (1897)
était un enfant d'une douzaine d'années. Son précepteur
s'était chargé de lui faire faire les exercices en plein air sans
lui demander d'autre travail. J'avais prêté un spiromètre
pour le contrôle journalier. Au bout de 22 jours, le poids
était augmenté de 2 kilog. et il avait fallu élargir les gilets ;
la tenue de la voyelle á avait été portée de 12 à 30 secondes ;
et la lecture correcte, impossible auparavant, pouvait durer
20 minutes sans hésitation. Après 73 jours, on me rendit
mon spiromètre : l'enfant était guéri.

Je viens de prendre sur un jeune bègue (23 ans) des
tracés que j'aime à reproduire (fig. 730) parce qu'ils
montrent bien les heureux effets de la méthode, même
pour la santé. La 1re expérience (lignes pleines) est du
18 juillet 1908 ; la 2e (lignes pointillées) du 12 août suivant.
La superposition des tracés en facilite la comparaison.
Au début, la respiration abdominale (A et A′) était presque
nulle ; elle s'est considérablement développée. La costale
inférieure a gagné aussi ; mais elle est moins utilisée dans la
parole. La costale supérieure n'a pas varié en volume, ce
1158qui est un gain. Mais, fait très important, l'expiration s'est
régularisée et les deux crochets suspects en B, B′ et C ont
disparu.

D'ordinaire le traitement est assez long, et le bègue guéri
a toujours besoin de se surveiller, car son système nerveux
n'est jamais complètement restauré.

image

Fig. 730.
Tracés de la respiration chez un bègue.

A. Respiration abdominale. — B. Costale inférieure. — C. Costale supérieure.
A′. B′. C′. Expirations aux mêmes niveaux que A. B. C. dans la tenue d'une voyelle

Dysphonie nerveuse.

Le Dr P. Olivier raconte qu'il a guéri une dysphonie
nerveuse en une seule séance par la gymnastique respiratoire.

« Après, dit-il, avoir affirmé énergiquement la guérison
en quelques instants, j'apprends à la malade à respirer convenablement
et silencieusement. Puis je lui fais prononcer
1159des voyelles, qu'elle attaque brusquement après une inspiration
profonde ; on recommence jusqu'à ce qu'on obtienne
un résultat parfait ; enfin je la fais lire avec les mêmes précautions.
En dix minutes, j'obtiens le résultat cherché : au
grand étonnement de la mère présente, la voix est redevenue
telle qu'avant la maladie. Et à l'examen laryngoscopique,
on voit maintenant les cordes s'affronter exactement. »

Bourdonnements d'oreilles.

A ma connaissance, un malade, à qui on faisait entendre
un fort diapason pour exercer son oreille, avait été en même
temps guéri de ses bourdonnements. Mais c'était un cas
isolé, et des essais analogues étaient restés infructueux.

Depuis, j'ai eu l'idée que, dans certains cas au moins,
l'oreille bourdonnante pourrait être assimilée à une machine
fonctionnant à vide, à une meule tournant sans avoir
de grain, à un estomac grondant par manque de nourriture.
Et j'ai pensé qu'il suffisait de lui donner la nourriture
convenable, le son correspondant à ses bourdonnements
pour l'amener peu à peu, par un fonctionnement normal,
à rentrer dans le repos dès que l'excitation extérieure
cesserait.

Mon premier essai a été couronné de succès. Le missionnaire
déjà signalé (p. 1145) avait rapporté du Japon des
bourdonnements qui duraient depuis 5 ans, et des élancements,
qui paraissaient se confondre avec le battement
du pouls et qui n'avaient pas cessé depuis 3 ans.

J'ai fait entendre le diapason de 185 v. d. avec résonateur,
jusqu'à ce que le bourdonnement parût moins fort.
Voici comment le malade a caractérisé le changement :
« J'entendais le bruit de la mer comme à 1 kilomètre,
maintenant comme à 8, de très très loin. » Puis, j'essaye
1160le diapason de 50 v. d. avec résonateur. Il produit un
effet calmant. Les bourdonnements se changent en bruit
d'eau dans les rapides. Les élancements disparaissent et
laissent un sentiment de vide. A la neuvième séance, le
11e jour, le diapason de 50 ne suffisant plus, j'ai pris celui
de 64. Et tout bruit d'oreille a disparu. Revenus pendant
quelques heures deux jours après, à la suite de cautérisations
du pharynx, ils ont été chassés à nouveau dans une seule
séance pour ne plus reparaître.

Un autre malade avait des bruits affolants. Traités de la
même manière, ils ont été successivement calmés et sont
devenus supportables. Le temps a manqué pour pousser le
traitement jusqu'au bout.1161

Appendice

I
Vices de prononciation et applications médicales

Ces sujets ayant été traités dans le chapitre V (p. 1114 et
1151), le lecteur est prié de s'y référer pour les renvois à
l'appendice des pages 36, 269, 633 et 303.

II
Perfectionnements et appareils nouveaux

Plusieurs indications ont été données dans le cours de
l'ouvrage, à mesure que le besoin s'en faisait sentir. Il me
reste à compléter ce qui a été dit ou à combler des lacunes
volontaires.

Tambours inscripteurs.

Tambours inscripteurs. — J'ai apporté à ces appareils tels
qu'ils ont été décrits (p. 80 et suiv.) de nombreuses modifications
pour les approprier à mes besoins.

Les organes de réglage ont été simplifiés : avec une
simple vis, on les fixe dans toutes les positions utiles.

Les cuvettes, mieux adaptées aux phénomènes à observer »
sont devenues plus larges et plus profondes pour les grandes
quantités d'air à emmaganiser (p. 816), ou très petites et
étroites, quand on n'a que des vibrations à inscrire sans
1162déplacement d'air (p. 731-739), quand on veut obtenir les
vibrations secondaires (p. 574), ou qu'on recherche une
grande sensibilité (p. 844).

Avec un double fond ou un rebord mobile, j'ai construit
un tambour à tension réglable qui s'emploie pour enregistrer
les tracés synchroniques comparables pour l'amplitude,
comme, par exemple, ceux des mouvements respiratoires
pris à différents niveaux (fig. 709).

L'air a été amené par une ouverture centrale sur le
milieu de la membrane, en vue d'une meilleure inscription.

La membrane élastique peut alors, à volonté, être choisie
très mince, en caoutchouc dilaté par exemple, et donner
des déplacements très sensibles et en même temps des vibrations,
ou très rigides, si l'on recherche surtout l'indication
des harmoniques.

Le levier, débarrassé de ses articulations et allégé, n'est
plus qu'une simple paille fixée par une charnière à un support
mobile sur la tige, et attachée à la membrane par une
colonnette d'aluminium portée sur un pied, à l'imitation
de l'oreille, ou par un fil de cuivre tordu et courbé en
cercle à sa base (Montalbetti). Pour donner au levier un plus
grand déplacement, je les colle simplement sur la membrane,
le petit bras allant du bord au centre (p. 816, 844). Si l'on
renverse la cuvette, ce levier se déplace dans le même sens
que les autres. En réduisant le déplacement des leviers, on
peut inscrire des morceaux d'une grande étendue (p. 817).

La meilleure pointe que j'aie trouvée est l'épine de centaurée
chausse-trappe, ou chardon étoile ; c'est elle qui m'a
fourni les tracés les plus fins (p. 415). Mais la corne,
employée au début, et l'or, essayé depuis, ont des avantages
de solidité qui me les font conserver.

Oreille inscriptrice.

Oreille inscriptrice. — Je l'ai nommée aussi inscripteur à
membrane
(p. 476), l'ayant transformée pour l'inscription1163

image

Fig. 731.
Voyelle á
Tracé du courant d'air (1re ligne). — Tracé de l'inscripteur électrique (2e ligne). — Diap. 200 v. d.

image

Fig. 732.
1. pa en russe (p mouillé) ; 2. pa (p dur). — Diap. 88 v. d.1164

des voyelles (p. 387,388). Elle a reçu un levier du nouveau
modèle comme les tambours. L'entrée a été redressée pa
une pièce mobile.

Inscripteur à plaque.

Inscripteur à plaque. — Ce n'est qu'un reproducteur de
phonographe muni d'un levier inscripteur (p. 379).

Inscripteur électrique.

Inscripteur électrique. — Je ne l'ai pas encore modifié,
comme je me propose de le faire. Mais j'en ai obtenu de
superbes tracés de voyelles, auxquels j'ai fait allusion (p. 807).
En voici un spécimen (fig. 731). C'est la voyelle á, qui a
été inscrite en même temps avec un tambour à membrane
de caoutchouc. Je me proposais d'étudier le synchronisme
des transmissions électrique et aérienne. Les points comparés
dans les deux tracés ont été déterminés par les plumes
elles-mêmes portées sur le chariot, qui était déplacé à la
main. Il n'y a donc pas d'erreur de construction ; et les
mêmes points ont été marqués d'un simple trait sur la figure.
On voit une fois de plus que les objections faites contre le
synchronisme des inscriptions simultanées sont sans valeur.

Tambourin.

Tambourin (p. 970). — C'est un tambourin d'enfant, qui
se place de face comme l'inscripteur du phonographe. J'ai
donné un spécimen des tracés obtenus (fig. 655).

M. Montalbetti a disposé de même l'inscripteur à plaque ;

image M | P | L

Fig. 733.

image M | P | L

Fig. 734.

M. Membrane. — P. Point d'appui. — L. Levier inscripteur.

et M. Ščerba s'en est servi pour inscrire pa avec un p
mouillé (1) et avec un p dur (2) (fig. 732).1165

La nouveauté de l'appareil consiste dans la forme du
levier que j'ai coudé (fig. 733) afin de pouvoir disposer la
membrane parallèlement au cylindre.

M. Montalbetti a changé la place du point d'appui
(fig. 734).

Appareils enregistreurs.

Appareils enregistreurs. — La nécessité d'inscrire les morceaux
d'une certaine étendue, en vue de l'étude du rythme
et de la hauteur musicale, m'a contraint de chercher un
nouvel appareil enregistreur, celui qui est décrit (p. 68 et
suiv.) étant de trop faible dimension et surtout son chariot
ne présentant pas une stabilité suffisante.

Profitant d'un puits de 17 mètres que j'avais au Collège de
France, j'ai fait installer l'enregistreur à poids de M. Weiss,
dans lequel les changements de vitesse sont obtenus au
moyen d'ailes mobiles. Mais il me fallait le compléter par
un chariot. Le mécanicien, chargé de ce travail, me persuada
qu'il y aurait avantage à changer le principe même de l'appareil.
On ne demanderait au poids descendant librement
qu'une seule vitesse, qui serait régularisée par de grandes
ailes ; et la multiplication du mouvement serait obtenue au
moyen d'engrenages. L'appareil, ainsi construit, avait une
marche régulière ; mais ce n'était qu'un raccommodage. Je
commandai l'appareil définitif (fig. 735) avec différentes
modifications. Je fis remplacer les engrenages par des plateaux
et des galets de façon à avoir des changements de
vitesse en nombre illimité. Le constructeur eut lui-même
l'idée de faire entraîner l'axe par un ruban d'aluminium
supportant le poids, et de donner au chariot la forme de
ceux des machines à diviser.

Tout aurait bien marché sans le ruban, qui n'a jamais pu
être réglé et qui s'est rompu bien des fois. J'ai dû remplacer
le moteur à poids par une turbine. Heureusement, la pression
de l'eau de source à Paris est suffisamment uniforme.1166

image

Fig. 734.
Nouvel appareil enregistreur.

A, B, C, D, E, appareils inscripteurs. — F. Pile. — G. Chariot. — HH. Ses roues. — I. Son rail. — J. Règle qui le tient en équilibre,
A′ son frein. — K. Commande de la règle. — K′ Commande du cylindre (1/4 de tour), du cylindre et du chariot (1/2 tour). — L. Cylindre.
— M. Plateau du cylindre. — N. Son galet. — P. Plateau du chariot. — Q. Frein. — R. Turbine. — S. Arrivée de l'eau. — T. Monomètre.
— UU. Poulies. — VV. Régulateur. — X. Arbre de couche.1167

Le chariot est très solide et l'on peut, sans aucun embarras,
inscrire pendant toutes les expériences et simultanément
les vibrations d'un diapason.

Au moment où le ruban me causait de l'ennui, je suis
revenu à l'enregistreur de M. Weiss. Au lieu de faire agir
le poids directement sur le barillet, j'ai interposé deux
rouages, en vue d'en diminuer la course et de combattre
ainsi la force d'accélération. Puis j'ajoutai un plateau à gorge
pour la commande du chariot. Dans ces conditions, les ailes
étant placées verticalement de façon à ne plus jouer que le
rôle d'un simple volant, j'ai obtenu, le chariot étant en
marche, une régularité parfaite à la grande vitesse. Mais, si
je diminuais les poids, ou si j'étendais les ailes, la marche
cessait d'être régulière. Enfin, j'ai obtenu la régularité dans
la marche lente en réduisant le diamètre d'un pignon dans
le rouage qui commande les ailes. En variant donc les
dimensions de ce pignon, on obtiendra toutes les vitesses
désirables. Il ne reste plus, me semble-t-il, qu'à lui adapter
un chariot semblable à celui de l'appareil précédent, pour en
faire le plus régulier, sinon le plus commode, des enregistreurs.

Quand j'étais en train, je me suis préoccupé de l'enregistreur
portatif à mouvement d'horlogerie, et j'en ai fait construire
un pour mon ami M. Grammont, qui réunit, avec une
marche excellente, tous les perfectionnements réalisés dans
les autres (fig. 528).

Explorateur du larynx.

Explorateur du larynx. — Sur les dimensions à donner à
la capsule, voir pages 99, 473, 474, 726 et 731.

L'explorateur général que j'ai employé (p. 725) diffère de
celui qui avait été décrit (p. 99) et qui, à l'expérience, s'est
montré insuffisant. La capsule laryngienne a été assez
réduite pour n'être influencée que par le seul thyroïde et
1168sa tige appuyée sur deux pointes fixes fonctionne comme
un levier.

Explorateur de la langue de M. Atkinson.

Explorateur de la langue de M. Atkinson (p. 278). —
M. Atkinson a remplacé, pour l'exploration de la langue, le
ruban de godiva, par un fil de laiton glissant dans un tube
recourbé, qu'on tient dans une position fixe en l'appuyant par
un cran d'arrêt (qu'on peut déplacer) contre les dents et par
le bout recourbé contre le palais. Le relevé de tous les
points sert à fixer la position totale.

Appareil de M. Samojloff.

Appareil de M. Samojloff. — Une plaque vibrante en
poudre de liège comprimée de 1mm d'épaisseur, 3cm de diamètre
(espace libre). Une colonnette au centre, qui, butée
d'un côté contre une pointe de liège, entraîne dans son
mouvement un losange de liège portant un miroir (7mm
sur 5). L'image est reçue sur une plaque photographique
mue par un pendule. Le pendule, une fois lâché, est
empêché de revenir en arrière à la fin de sa course par un
crochet qu'il a fait basculer en passant dessus et qui se
redresse de lui-même (Zur Vokalfrage dans l'Archiv für die
ges. Physiol.
, 1899).

Appareil pour la mesure directe des incisions du phonographe.

Appareil pour la mesure directe des incisions du phonographe
(fig. 736 et 737). — Cet appareil, créé par M. Boeke, a été
employé par M. Verschuur (p. 855).

Le microscope (p) est porté par le support mobile (r) et
le chariot (s), qui glisse sur deux rails parallèles (w), mû
par une vis (t) s'engrenant dans une crémaillère (x), placée
entre les rails. Un indice (u), le long d'une règle graduée
en millimètres (v), marque le déplacement du chariot.

Le rouleau du phonographe (a) est engagé sur un manchon
conique (b), qui est porté par une tige (c c) fixée sur
l'axe (f) au moyen d'une vis (e). Deux buttées (d h) maintiennent1169

image

Fig. 736.1170

image

Fig. 737.1171

l'axe. Quand la vis (e) est desserrée, le cylindre
est libre ; quand elle est serrée, le cylindre dépend du
volant (g).

La flèche indique la direction à donner au volant pour
reproduire le mouvement suivant lequel a été inscrit le
phonogramme.

Le bord du volant est divisé en 360°. Un vernier (i) permet
de prendre des dixièmes de degrés. Au moyen de l'indice
(u) et du vernier, on peut toujours retrouver un point
quelconque sur le rouleau.

La longueur de la période et de chacune de ses parties
est donnée par la mesure de l'arc de cercle. La durée résulte
de la longueur de Tare et de la vitesse du cylindre au
moment de l'inscription. On est averti, chaque fois que
l'on fait un dixième de tour, par le bruit d'un petit ressort
(n), qui vient frapper contre les entailles qui partagent le
plateau interne de la vis (l) en 10 segments égaux. Cette
vis, fixe en o1 (o2 ne sert qu'à empêcher la force morte), est
mobile à l'autre bout et obéit au ressort (j). Elle s'engrène
en q avec les dents du volant.

La largeur de chacune des petites cavités creusées dans
la cire se mesure au micromètre. On en déduit la profondeur
d'après des tables dressées par Boeke (Pflüger's Archiv,
an. 1899, p. 497-516).

Agrandissement des gravures du phonographe et du gramophone.

Agrandissement des gravures du phonographe et du gramophone.
— M. Hermann a modifié, pour le rendre plus sensible,
en vue des tracés des consonnes, son appareil pour
l'agrandissement des gravures du phonographe (p. 118, 124,
391, 425). Voici le croquis de son dernier appareil (fig. 738).
H, le miroir vu en-dessous ; c, la pointe qui suit la gravure
du cylindre. G, F et C, système de trois leviers, dont l'un
(G) sert de support au miroir, l'autre s'articule avec G, le
troisième porte la pointe. Une tige (f) en laiton exerce
1172une légère pression sur le levier (G), pour que la pointe
(c) reste bien dans le sillon du tracé. Cette pointe, dont le
bout est arrondi, était d'abord en acier ; aujourd'hui, elle
est en verre de 7/10 de millimètres d'épaisseur, au lieu de
9/10 qu'elle avait antérieurement. Les contacts entre les
leviers sont également en verre. D est une tige qui empêche
le levier de retomber (Phonophotographische Untersuchungen,
1894).

image

Fig. 738.

M. Scripture a choisi les tracés du gramophone pour ses
agrandissements. Le gramophone présente cet avantage que
la pointe, au lieu de sculpter dans la cire, est appelée seulement
à faire un léger tracé sur un disque de zinc enduit
de cire fondue dans de la benzine ou sur une plaque de
verre couverte d'une légère couche d'huile de lin et de noir
de fumée. Les empreintes sont fixées d'après les procédés de
la photogravure (The elements of experimental Phonetics, p. 5 3).
L'appareil d'agrandissement se compose d'un levier simple
ou articulé appuyé sur une pointe, qui entre dans la gravure
et écrit sur un cylindre enregistreur. L'axe du levier
1173est fixe, le disque seul fait les mouvements nécessaires pour
que la courbe tout entière défile sous la pointe. La plume
du levier est articulée de manière à régulariser la pression
sur le papier. Un compteur du temps électrique permet de
retrouver la place des tracés agrandis. Le mouvement est
donné par un moteur électrique et transmis à tout l'appareil
(voir pour les figures et les détails Researches in experimental
Phonetics
, chap. II). Pour transcrire un tour de
disque, l'appareil demande 5 heures.

Synthèse des voyelles.

Synthèse des voyelles. — Des deux sirènes à ondes construites
par Kœnig pour la synthèse des sons, l'une est au
Laboratoire de Phonétique expérimentale du Collège de
France, l'autre à celui de l'Université de La Havane.

M. Hermann, en vue de donner une preuve expérimentale
de son système sur la composition des voyelles, a construit
un appareil de synthèse dont on trouvera la description
dans son article Ueber synthese von Vokalen (Archiv für
die ges. Physiologie
, an. 1902). Au moyen d'un disque percé
de trous ou découpé en dents, il communique à la plaque
d'un téléphone des vibrations correspondant à la caractéristique
d'une voyelle interrompue périodiquement, les
interruptions marquant la fondamentale. Le succès a été
complet pour á et é.

Contrôle des appareils inscripteurs.

Contrôle des appareils inscripteurs. — La sirène à ondes
peut encore servir à montrer la fidélité des tambours à
inscrire les mouvements vibratoires. Il y a identité entre
la courbe que l'on fait parler et celle qui est reproduite à la
condition que l'inscription soit faite à une vitesse modérée,
de façon à éviter des mouvements propres de l'appareil et
des harmoniques nouveaux.

J'ai fait l'expérience avec l'oreille inscriptive reliée à un
petit entonnoir placé en avant de la lame d'air ébranlée par
le disque.1174

III
Longueurs d'ondes

Si l'on a besoin de calculer la longueur d'onde d'un
grand nombre de sons à une même température, on a plus
vite fait d'en tracer la courbe, comme je l'ai conseillé
p. 785. Pour cela on se sert de papier quadrillé : les nombres
de vibrations sont portés en abscisses, et les longueurs
d'onde de sons choisis (les plus faciles à calculer) en ordonnées ;
puis on réunit tous les points au moyen d'une règle
flexible ; et l'on obtient d'un seul coup tous les intermédiaires.

Chaque millimètre peut correspondre à une vibration
double.

Comme c'est l'emploi du résonateur universel qui rend
nécessaire la connaissance de la longueur d'onde, et que
dans ce cas c'est le quart de cette longueur qui importe, on
fera bien de dresser le tableau d'après cette donnée (v.
p. 767). Pour les sons graves jusqu'à 700 v. d., il suffit de
représenter centimètre par centimètre. De 700 à 2.500, on
prendra un demi-centimètre pour un millimètre. Au delà, le
centimètre n'aura plus que la valeur du millimètre. Avec ces
trois échelles successives, la courbe est très claire et n'occupe
pas trop de place.

IV
Analyse mathématique des courbes

Le moyen d'analyser les courbes sonores d'après le
théorème de Fourier a été indiqué sommairement p. 199-203.
1175Cela suffit pour qui est mathématicien ou qui veut se
contenter d'avoir une idée de la méthode. Mais les linguistes,
qui désireraient faire eux-mêmes cette analyse, pourraient
souhaiter des éclaircissements complémentaires et
quelques facilités nouvelles pour leur travail. C'est en leur
faveur qu'a été rédigée cette note, dont les éléments essentiels
m'ont été fournis par mon collègue et ami M. Chailan.
Pour être à même de tout comprendre, il suffit de posséder
des notions très élémentaires d'algèbre et de trigonométrie,
ce qui ne demande pas beaucoup de temps.

Je vais ajouter des formules, des exemples et des procédés
de simplification pour les calculs.

Formules

Définition de l'axe moyen, du point initial et de l'amplitude
d'une sinusoïde.

Un mouvement pendulaire, auquel on assimile l'onde
sonore simple (p. 6), est représenté graphiquement par une
sinusoïde (fig. 739).

L'axe ox de la sinusoïde est la droite que tracerait le
levier inscripteur si la membrane, au moment précis où
elle va entrer en vibration, était maintenue à l'état de
repos.

Le point o est celui où se trouve le levier inscripteur
lorsqu'il quitte, pour vibrer, sa position d'équilibre.

Si nous prenons pour axe des x l'axe moyen, et pour
origine le point initial (fig. 739), la sinusoïde décrite a
pour équation :

[formule] (9)1176

image

Fig. 739.
Caractéristique de la forme d'une sinusoïde.

dans laquelle C représente l'ordonnée maxima, ou demi-amplitude
(voir p. 201). Celle-ci étant connue, ainsi que
la longueur de la période (T), nous pouvons construire la
courbe.

Donc le nombre C est la caractéristique de la forme d'une
sinusoïde.

Détermination du point initial et de l'axe moyen d'une
sinusoïde.

Si, prenant une période sinusoïdale, nous construisons
les axes oy et ox précédemment définis (p. 199), l'équation

image

Fig. 740.
Caractéristiques de position de la sinusoïde.1177

de la sinusoïde contient alors les quantités 1/2A0 et
α provenant du changement d'origine de coordonnées :

[formule] (10)

ou en appliquant la formule de trigonométrie du sinus de
la somme de deux arcs et en posant 1100 :

[formule] | [formule]
[formule] (11)

x et y étant les coordonnées d'un point dans le système xoy
x′ et y' — du même point — x′ o′ y′
o o1 et o1 o′ — du point initial — x o y

nous avons :
[formule] | [formule]

Remplaçant x et y par leurs valeurs dans (10), nous
obtenons :
[formule]1178

Or, pour que cette équation représente la sinusoïde
rapportée à son axe moyen et à son point initial, il faut
qu'elle se réduise à :
[formule]

Ce qui exige, en l'écrivant d'abord :
[formule]
que
[formule] | [formule]
et que
[formule] | [formule]

Donc le point initial de la sinusoïde a :
pour abscisse [formule] (12)
pour ordonnée [formule] (13)

Si, par ce point, nous menons o′ x′ parallèle à ox, nous
avons l'axe moyen de la sinusoïde.

Donc 1/2A0, et α sont les caractéristiques de position de la
sinusoïde par rapport aux axes choisis dans l'analyse.

Calcul de l'abscisse du point initial.

α est donné par les formules :
[formule] (14)
[formule] (15)
1179d'où :
[formule]

Une tangente donnée peut convenir à deux arcs, α′ et
α″, qui sont compris entre 0 et 360°, de telle sorte que,
si l'un est α′, l'autre est 180° + α′. Mais le signe du sinus
ou du cosinus, fourni par l'une des deux formules (14)
et (15), fait cesser l'ambiguïté : on prend celle des valeurs,
α′ ou α″, qui a pour son sinus ou son cosinus le signe
indiqué par la formule employée.

α étant connu, il ne reste plus, pour trouver le point
initial de la sinusoïde, qu'à appliquer la formule (12) : diviser
α. par 360°, multiplier le quotient par T, longueur de
la période, et changer de signe le résultat.

Détermination de l'axe moyen et des points initiaux dans un
mouvement vibratoire régulièrement périodique.

Prenons la formule (2) p. 200 :
[formule]

L'axe moyen (ox′) est le même pour toutes les sinusoïdes ;
c'est la parallèle à ox menée à la distance
[formule] (fig. 740).

On calculera les abscisses des différents points initiaux
(oo1, oo2, oo3…) comme précédemment ; mais on remarquera
bien que, T représentant la période du mouvement
pendulaire total, les abscisses des différents points initiaux
sont :
[formule] (17)1180

Remarque. — Ces résultats nous permettent de figurer
chacune des sinusoïdes composantes en mettant en évidence
leurs caractéristiques.

image

Fig. 741.
Points initiaux des sinusoïdes.

Différences de phases.

Si nous voulons seulement comparer les différents sons
composants figurés par les sinusoïdes, il est inutile de calculer
les abscisses des points initiaux ; il nous suffit de calculer
les positions de chacun de ces points par rapport au
point initial du son fondamental, c'est-à-dire des longueurs
(fig. 741) :
[formule]
ou
[formule] (18)
ou, mieux encore, calculer les quantités proportionnelles
à ces différences, soit :
[formule] (19)

Ce sont les différences de phase.1181

Exemples

Dans les exemples qui suivent, je ne me propose
qu'une chose : aider les débutants. Les courbes analysées

image

Fig. 742.
Demi-amplitudes (Reproduction réduite de moitié).

ont été construites graphiquement et les mesures n'ont
été prises qu'à quelques dixièmes de millimètres près, et des
1182décimales ont été omises. De là quelques légères différences
entre les quantités calculées et mesurées, dans la
seconde courbe.

Première courbe.

Commençons par une courbe très simple, composée de
deux sinusoïdes qui représentent un son fondamental (I)
et le 2e harmonique (III) sans différence de phase. Le
point initial est situé en o′ sur oy. La grande période (I)
a pour longueur 144mm, et pour demi-amplitude 27mm. La
petite est 1/3 de la grande et a une demi-amplitude égale
à 53mm.

Cette courbe est représentée (fig. 742) à la moitié de sa
grandeur.

La période est partagée en 12 divisions, ce qui nous
donne 12 ordonnées : y0 y1y11(la 13e n'étant que la
reproduction de la 1re, y0).

Chacune des ordonnées ayant été mesurée, écrivons
sur une colonne, à la suite les unes des autres, toutes les
valeurs de y et, en face, sur deux lignes, le produit de
chaque ordonnée par sin 30°, cos 60° (= 0,5), et cos
30°, sin 60° (= 0,866) :
tableau1183

Pour trouver les A et les B, nous n'aurons qu a prendre
dans ce tableau les valeurs indiquées par les formules de la
page 202.

Nous avons :

Pour l'axe moyen :
[formule]

Pour la première sinusoïde (I) :
[formule]
[formule]

Les A et les B étant connus, la formule (7), p. 201,
nous permet de calculer C1, ou la demi-amplitude.

Ici, A étant égal à zéro, [formule] ou B.

Donc :
[formule]

Comme nous sommes censés ignorer la composition de
la courbe et ne pas savoir que la 2e courbe composante
manque, cherchons A2 et B2. Le calcul donne :
[formule]
[formule]1184

D'où :
[formule]

Passons à la courbe qui représente le 2e harmonique
(III). Nous obtenons :
[formule]
[formule]

Donc :
[formule]

Si nous poussions plus loin, nous devrions encore trouver
des zéros pour les coefficients.

Les sinusoïdes étant dégagées, cherchons leur position
par rapport à l'axe des y.

Nous connaissons l'axe moyen 1/2A0.

Reste à déterminer α.

Nous avons, suivant la formule (8), page 201 :
[formule]

Donc :
[formule]

Or (15) [formule] étant positif
[formule]

Donc le point initial de la sinusoïde (I) est sur l'axe
des y.

Même raisonnement et même résultat pour α3.

Deuxième courbe.

Abordons maintenant une courbe plus compliquée, celle
qui a été figurée page 199, au tiers de sa grandeur.1185

Mesurons :

La période : 134mm ;
Les ordonnées : 25 43,6…, etc.

Puis multiplions les ordonnées par les coefficients
sin 30° et sin 60°.

Enfin, pour faciliter les opérations, dressons le tableau
suivant où nous n'aurons plus qu'à prendre les différentes
valeurs de y :
tableau

En appliquant les formules de la page 202, nous obtenons :
[formule] | [formule]
(ordonnée du point initial (13), déterminant l'axe moyen)

La même quantité mesurée = 50mm.
[formule]

De même :
[formule]1186

D'après la formule (7) :
[formule]

On calcule de même :
[formule]
[formule]
[formule]
[formule]

Pour A4 B4, A5 B5, on trouverait zéro, s'il n'y avait
aucune erreur dans le tracé et dans les mesures.

Maintenant que nous connaissons chacune des trois
sinusoïdes composantes, nous avons à trouver leurs positions
respectives.

D'après la formule (8), page 201 :
[formule]

La tangente étant négative, calculons [formule].

Cherchons dans la table le logarithme de ce nombre.
Comme nous avons trois zéros, la caractéristique est 3. La
mantisse est 52763. Donc :
[formule]

La table des logarithmes des tangentes nous donne :
[formule]

Donc :
[formule]

Or (14)
[formule] est positif1187

Donc :
[formule]

La mesure de la période étant 142mm, la formule nous
donne pour l'abscisse du point initial o′1 :
[formule]

Le résultat étant négatif, le point initial est situé sur
l'axe moyen (1/2A0), à gauche du point o′ à une distance
de 71rnm35.

On pourra vérifier le résultat obtenu sur la figure 743
qui reproduit, grandeur naturelle (un peu réduite par la
gravure), la portion de la courbe analysée, située à gauche
du point o′.

Nous avons de même :
[formule]
[formule]
[formule]
[formule]

Le point initial est donc indiqué à 52mm9, à gauche du
point o′.

Enfin :
[formule]
[formule]
[formule]
[formule]
[formule]1188

Le point initial de la 3e sinusoïde est situé à 43mm538
de o′.

Si, au lieu de chercher le point initiai de toutes les
sinusoïdes, nous nous contentons de calculer la distance

image

Fig. 743.
Différences de phases (Réduction : 0,975).

qui existe entre le point initiai de chaque sinusoïde secondaire
et celui de la première, nous trouvons avec la formule
(18) :

Pour la 2e sinusoïde :
[formule]
ou
[formule]1189

Pour la 3 e sinusoïde :
[formule]

Enfin, si nous ne désirons connaître que la différence de
phase, nous aurons, en appliquant la formule (19) :

Pour la 2e sinusoïde :
[formule]

Pour la 3e :
[formule]

soit pour les deux sinusoïdes :
[formule]

ou [formule]

Rapports égaux à ceux que nous fournissent les distances
des points initiaux comparés avec la longueur totale de la
période, à savoir :
le 1er à 17,815/143 le 2e à 27,85/143

C'est dire que la différence de phase avec le son fondamental
est d'environ :

pour le 1er harmonique, de 0,124
pour le 2e — 0,194

Procédés de simplification

Le calcul des A et des B est bien laborieux et presque
uniquement machinal. L'idéal serait de le faire au moyen
d'une machine à analyser. M. Udny Yule en propose
1190une (Philosophical Magazine,5e série, t. XXXIX, p. 307,
an. 1895. Voir Journal de Physique, an. 1896, p. 317-319).

L'établissement des formules, fournissant la valeur des A
et des B pour un nombre d'ordonnées donne, est rendu
très facile par l'emploi de tables préparées d'avance.

L'application de ces formules si longues, où les erreurs
peuvent se glisser si aisément, est bien simplifiée par l'application
de grilles qui ne laissent voir que les valeurs à
employer.

Tables

Les tables ont été faites pour des calculs supposant
72 divisions. On aura, sans doute, rarement le courage de
se livrer à ce luxe d'opérations. M. Pipping se contente
de 48 ordonnées, et M. Hermann de 40. Mais dans des
cas spéciaux, on peut désirer aller au delà des limites ordinaires.

La même table peut servir pour :
6 8 9 12 18 24 36 divisions.

On conserve les lignes des A et des B jusqu'à et y compris
les indices :
234 5 8 11 17

L'on prend la colonne y0 et les colonnes dont les indices
sont divisibles par :
12 9 8 6 4 3 2
en ne tenant pas compte des autres colonnes et en remplaçant
les indices figurant sur les tables par les quotients
des nombres précédents.1191

tableau y0 | y1 | y2 | y3 | y4 | y5 | y6 | y7 | y8 | y9 | y10 | y11 | y12 | y13 | y14 | y15 | y16 | y17 | A1192

tableau y18 | y19 | y20 | y21 | y22 | y23 | y24 | y25 | y26 | y27 | y28 | y29 | y30 | y31 | y32 | y33 | y34 | y35 | A1193

tableau y36 | y37 | y38 | y39 | y40 | y41 | y42 | y43 | y44 | y45 | y46 | y47 | y48 | y49 | y50 | y51 | y52 | y53 | A1194

tableau y54 | y55 | y56 | y57 | y58 | y59 | y60 | y61 | y62 | y63 | y64 | y65 | y66 | y67 | y68 | y69 | y70 | y71 | A1195

tableau y0 | y1 | y2 | y3 | y4 | y5 | y6 | y7 | y8 | y9 | y10 | y11 | y12 | y13 | y14 | y15 | y16 | y17 | B1196

tableau y18 | y19 | y20 | y21 | y22 | y23 | y24 | y25 | y26 | y27 | y28 | y29 | y30 | y31 | y32 | y33 | y34 | y35 | B1197

tableau y36 | y37 | y38 | y39 | y40 | y41 | y42 | y43 | y44 | y45 | y46 | y47 | y48 | y49 | y50 | y51 | y52 | y53 | B1198

tableau y54 | y55 | y56 | y57 | y58 | y59 | y60 | y61 | y62 | y63 | y64 | y65 | y66 | y67 | y68 | y69 | y70 | y71 | B1199

Lignes trigonométriques employées dans les tables

tableau angles | sinus | cosinus

Grilles

Les grilles s'appliquent sur les tableaux contenant les
valeurs des ordonnées et les produits des ordonnées par les
sinus, rangés, comme ci-dessus, dans les carrés d'un papier
quadrillé (fig. 744).

On fait une grille pour chaque A et chaque B.

Voici comment on peut procéder, en prenant pour modèle A
calculé avec 12 ordonnées, comme dans les exemples ci-dessus :

On inscrit, au crayon, dans chaque carré de haut en
bas, la série des y : y0 y1y11 ; dans une seconde colonne,
y0, sin 30°, y, sin 30°…, y11, sin 30° ; dans une troisième,
y0 sin 60° y1 sin 60° … y11 sin 60° (fig. 745). Puis on prend
dans la table, les uns après les autres, les termes de la formule,
et on les marque sur le carré qui leur correspond, en
reportant à côté le signe dont ils sont affectés. On n'a plus
alors qu'à découper les carrés qui ont été ainsi marqués, et
1200à écrire dans le haut A1. La grille est prête ; et, reportée sur
le tableau des valeurs de y, elle ne laisse voir à travers ses
petites fenêtres que celles dont on a besoin pour le calcul
de A1 (fig. 746).

image

Fig. 744.

image

Fig. 745.

image

Fig. 746.

Procédé de M. Hermann

Outre ses grilles pour 40 ordonnées (fig. 747 et 748),
M. Hermann a dressé un Tableau, où les valeurs de y se
succèdent demi-millimètre par demi-millimètre, et où les
valeurs y cos x sont données sans décimales. Je les emprunte
à la Revue générale des sciences, 1898, p. 669. Cette
simplification est rendue possible par l'agrandissement
considérable de ses courbes.1201

Grilles de M. Hermann

image

Fig. 747.1202

image

Fig. 748.1203

Produits de Y par les cosinus de 9° à 90°.

tableau1204

Produits de Y par les cosinus de 9° à 90° (suite).

tableau1205

Produits de Y par les cosinus de 9° à 90° (suite).

tableau1206

Procédé de M. Verner

M. Karl Verner a indiqué une méthode de calcul qui
simplifie énormément le travail. Elle a paru dans les
Neuphilologische Mitteilungen de Helsingfors 15 septembre
1903. C'est M. Poirot qui me l'a fait connaître.

En voici brièvement le principe :

Si on prend un nombre d'ordonnées multiple de 4 = 4n,
les valeurs absolues des sinus et des cosinus qui entrent
dans les équations sont, outre 0 et 1, au nombre de n–1,
M. Verner les appelle α, β, γ, δ… En mettant ces valeurs,
en facteur commun dans les différentes équations qui
donnent la valeur de A1 A2 A3 … A2 et de B1 B2 … Bi, il
ne reste plus dans les équations que des produits des nombres
α, β, γ, δpar des sommes algébriques de 4 ordonnées. Les
groupes de 4 ordonnées ainsi formés sont au nombre de
n+1, M. Verner les numérote de 0 à n. Chacun d'eux
peut être pris avec quatre combinaisons différentes de
signes qu'il appelle C, D, E, F. Par exemple, avec 12
ordonnées on aurait :
[formule] | [formule]
[formule] | [formule]
[formule] | [formule]
[formule] | [formule]

M. Verner — et c'est là l'essentiel de sa méthode —
donne un schéma permettant de former a priori toutes ces
sommes algébriques
. Comme chacune d'elles entre dans
plusieurs équations, il y a une économie de temps notable.
M. Verner indique d'ailleurs quelques autres simplifications
accessoires, avec le moyen de calculer l'erreur probable
suivant le nombre d'harmoniques que l'on a choisi.1207

Procédé de M. Roudet

Pour simplifier, M. Roudet a construit un petit appareil
qui lui donne sans aucune écriture et par une série d'opérations
purement mécaniques la valeur des coefficients A
et B.

L'appareil se compose d'un rectangle de papier quadrillé
au millimètre que l'on colle sur un carton (fig. 749). L'axe
OO' est parallèle aux petits côtés. AB est gradué dans les
deux sens à partir de O′. Sur OO′, on élève des perpendiculaire
en des points (E, F, H, correspondant sur la
figure à cos 80°, 70°, 60°…) qui partagent cette ligne proportionnellement
aux sinus et aux cosinus du premier
quadrant, de sorte que l'on ait par exemple :
[formule] ; [formule] ; [formule]

Chacune des perpendiculaire est graduée au moyen de
la même unité que AB. Sur le bord AB, on dispose un petit
curseur mobile en carton ou en métal. Au point O, on fixe
un pivot (une punaise par exemple) qui retient un fil dont
l'autre extrémité est mobile ; et l'appareil est construit.

Le fil sert à faire les produits d'un sinus ou d'un cosinus
par une ordonnée, qui forment chaque terme des équations
donnant la valeur de A et de B. On tend le fil en
le faisant passer par le point M de AB correspondant à la
valeur de l'ordonnée, et, par suite de la similitude des
triangles, on lit immédiatement le produit à l'intersection
du fil et de la droite verticale qui répond au sinus ou
au cosinus considéré.

Le curseur sert à faire la somme algébrique des termes.
On le déplace d'un nombre de divisions égal à la valeur du
terme dans le sens AB lorsque le terme est positif, dans le1208

image

Fig. 749.1209

sens BA. lorsque le terme est négatif. Quand les opérations
sont terminées, il n'y a qu'à lire le chiffre postif ou négatif
indiqué par le curseur.

En donnant à chaque division de la graduation verticale
une longueur de 5mm, on arrive à une approximation très
suffisante. L'approximation est évidemment d'autant plus
grande que l'appareil est construit sur une plus grande
échelle 1101. A l'échelle de la figure, la 1re perpendiculaire (en
allant de gauche à droite) est à 17mm36, la deuxième à
34,20, la troisième à 50… etc. (voir le tableau des lignes
trigonométriques, p. 1200.)

V
Additions et corrections

Onde sonore. Vibration double, simple.

Onde sonore. Vibration double, simple (p. 5 et 6). — L'onde
sonore est encore dite vibration. A l'onde complète, correspond
la vibration double (V. D.) ; à la demi-onde, la
vibration simple (V. S.). L'onde (fig. 1) se compose d'une
partie positive (b), d'une partie négative (a). Pour compter
les vibrations, au lieu de partir du point d'origine, qui est
sur l'axe moyen (voir fig. 5, 11, la suite des petites vibrations),
et qu'il est souvent difficile de déterminer, le plus
simple est de faire commencer la vibration au point le
plus bas. Par conséquent, on comptera, non à partir de a,
mais de f ; et, de là jusqu'au point correspondant plus
loin, 1 vibration, qui sera une vibration double, absolument
égale à celle qui va de a à d. Ce qui revient à dire
1210que, dans la rangée, il y a autant de vibrations qu'il y a
de têtes.

Palais artificiel.

Palais artificiel (p. 57). — Aujourd'hui, je préfère les
palais artificiels en ouranine. Cette substance, solution préparée
par M. Montalbetti, s'étend au pinceau sur le contre-moule
en plâtre, légèrement huilé. On passe trois couches
successives, qui sèchent immédiatement. Sur la 3 e, on
étale une feuille très mince de coton hydrophile, que l'on
fait adhérer en tapotant avec les doigts ; puis on passe une
nouvelle couche sans déplacer le coton et l'on expose à la
chaleur d'un réchaud pendant cinq minutes. Dès que la
substance commence à sécher, on tamponne, puis on passe
deux autres couches, et l'on expose à la chaleur pendant
1 quart d'heure environ, en tamponnant de temps
en temps. Quand on juge que le palais est bien sec, on le
trempe dans l'eau froide, et on le laisse à l'air. Le lendemain,
on a un palais artificiel très mince, léger et souple.

Pour blanchir le palais, le talc vaut mieux que la craie.
On l'étend avec un petit tampon de ouate.

Cuvette à vernir.

Cuvette à vernir (p. 75). — La cuvette peut être reliée
au flacon à vernis par un caoutchouc. En plaçant le flacon
au-dessus de la cuvette, on la remplit ; en le remettant au-dessous,
on la vide. On a l'avantage de manipuler le vernis
sans se salir les doigts.

Microscopie.

Microscopie (p. 151). — Dans un très nombre de cas,
je remplace le microscope par une forte loupe enchâssée
dans une monture de lunettes, et j'emploie pour les mesures
un décimètre dont j'ai fait diviser un centimètre en dixièmes
de millimètre
. Avec de l'habitude, on peut facilement prendre
un quart de dixième. Dans les mesures prises par M. l'abbé
Rigal au microscope, et par moi avec la loupe, l'accord est
constant.1211

Analyse physique.

Analyse physique (p. 175). — Après avoir pratiqué l'analyse
physique de la parole, je suis moins sceptique sur la
valeur de ses résultats. On en a jugé, du reste, par la suite.
Le chapitre consacré à l'analyse physiologique s'est largement
enrichi de recherches où la physique peut réclamer
une large part. Les données de la physiologie n'en
demeurent pas moins intéressantes pour localiser les sons
et les rapporter à leur cause. Cette sorte d'analyse n'a pas
baissé dans mon estime ; l'autre agrandi.

Articulation.

Articulation (p. 333). — Il faut entendre par ce mot,
non seulement les actes nécessaires à la production d'un
son, mais le son lui-même envisagé du point de vue
physiologique. Ainsi un a, par exemple, est, suivant que
l'on considère les mouvements physiologiques ou leur
effet, une articulation ou un son.

Caractéristique de l'á.

Caractéristique de l'á (p. 354 et 362). — J'ai pu croire
que l'a, inscrit (fig. 158), était un a ouvert, surtout d'après
les résultats de l'analyse. Je ne connaissais pas alors la
caractéristique de mon a ouvert. C'était une erreur. Mon a
ouvert
est beaucoup plus aigu. Et c'est bien un a fermé que
j'ai inscrit. La différence entre la caractéristique indiquée
par le diapason à poids glissant et le 7e son composant
vient uniquement de ce que l'analyse des courbes ne peut
faire connaître que les harmoniques voisins de la caractéristique,
en raison du renforcement dont ils bénéficient.

Explosives.

Explosives (p. 446). — Je n'emploie plus le terme
d'explosive pour désigner une occlusive, l'explosion n'étant
pas essentielle aux occlusives, puisqu'elles peuvent être
réduites à la seule implosion, par exemple p dans apm (fig.
641) et dans aptitude (fig. 656).

Audibilité des consonnes nasales

Audibilité des consonnes nasales (p. 572). — Compléter
par les pages 1062 et suivantes.1212

Tension des semi-voyelles.

Tension des semi-voyelles (p. 635). — J'ai dit ici que le
maximum de tension est plus considérable pour y que pour
l'i ; et dans le Précis de prononciation française, j'ai justement
écrit le contraire. En somme, la contradiction n'est
qu'apparente. Pour le , il y a accord entre moi et la Parisienne
qui a fourni l'expérience du Précis (fig. 750) : il est
moins tendu que l'u moyen (Les Modifications phonétiques du
langage
, p. 28). Il en est de même pour le w. Le y est

image A | B | C

Fig. 750.

Comparaison de i u u avec les semi-voyelles y ẅ w. A. 1. i ; — 2. ya. — B. 1. u ; —
2. ẅ a. — C. 1. u ; — 2. wa. La partie ombrée correspond à la voyelle.

moins clair. Dans Les Modifications phonétiques, je l'ai noté
plus tendu que i moyen, moins tendu que l'i fermé. C'est
aussi en somme ce que dit la figure 750.

Sons naissants.

Sons naissants (935). — J'aurais encore pu rappeler les
semi-voyelles qui se montrent dans les diphtongues,
par exemple (fig. 484, 2 et 485). C'est grâce à un processus
de ce genre que ma fwa ó (ma foi, oui !) est devenu
ma fwa gó, en passant par ma fwa wó dans l'ancien
patois de Nanteuil-en-Vallée.

Assimilation à distance.

Assimilation à distance (p. 982). — L'assimilation de s
dans couché sous un pin se lit (fig. 681 et 689).1213

Rééducation de l'oreille.

Rééducation de l'oreille (p. 1145). — La rééducation des
sourds étant une œuvre laborieuse et demandant de leur
part une grande persévérance, je crois utile, pour les
encourager, de leur présenter l'exemple du Père missionnaire
dont j'ai déjà parlé (p. 1145). En quatre mois, son
oreille est devenue normale pour tous les sons compris
entre 2.814 v. d. et 160, et il est à croire qu'elle le deviendra
pour les notes au-dessous. Quant à la conversation,
toute gêne a disparu.

« J'en suis venu, dit-il, à oublier mon mal et à croire
que j'ai été toujours bien portant. »

Insuffisance respiratoire.

Insuffisance respiratoire (p. 1156). — Lors de la dernière
incorporation des recrues dans son régiment, M. le Dr
Thooris a eu l'idée de soumettre à la gymnastique respiratoire
les jeunes soldats reconnus très faibles de constitution
par l'application de la formule :
[formule],
dans laquelle i (indice numérique) représente le degré de
force, T la taille, P le poids, et p le périmètre thoracique
pris au repos à la hauteur des mamelons.

La taille et le périmètre sont exprimés en centimètres ;
le poids en kilogrammes.

L'indice est de 1 à 20 pour les bonnes constitutions, de
21 à 25 pour les moyennes, de 26 à 30 pour les faibles,
au-dessus de 30 pour les très faibles.

Chez les 30 jeunes gens, dont les indices dépassèrent 30,
la respiration fut inscrite au moyen de 3 pneumographes
agissant simultanément et placés au niveau du manubrium
(M) ou poignée de sternum, de l'appendice xyphoïde (X)
et de l'épigastre (E).

Il s'en trouva 16 qui avaient une respiration diaphragmatique
normale : versés dans le rang, ils augmentèrent1214

image

Fig. 751.

Pointillé, avant les exercices. — Traits, après la 1re semaine. — Traits et points, après la
2e semaine. — Ligne pleine, après la 3e semaine.
A. Respiration. — a b, amplitude de l'inspiration ; b c, amplitude de l'expiration. —
M, resp. costale supérieure ; X, costale inférieure ; E, abdominale.
B. Emission d'une voyelle. — Amplitudes : o p (inspiration), p r (expiration).1215

tableau respiration | avant les exercices | après la 1re semaine | après la 2e semaine | après la 3e semaine | durée | amplitude | émission d'une voyelle | résultats | poids | périmètre thoracique1216

rapidement, grâce à un travail modéré et à une excellente
alimentation, de poids et de périmètre thoracique.

Les 14 autres, nourris comme les premiers, ont suivi
pendant trois semaines des exercices exclusivement respiratoires.
Les tracés de leur respiration, pris à la fin de chaque
semaine et superposés (fig. 751), montrent les progrès
accomplis.

Un tableau numérique contenant les moyennes de
4 sujets complète les tracés et donne les variations de
durée, d'amplitude, de poids et de périmètre.

L'initiative de M. Thooris a vivement frappé l'attention
du commandement. Elle mérite d'être encouragée et imitée
non seulement à la caserne, mais aussi dans les maisons
d'éducation.1217

11. Vowel measuraments.

22. Modern Language Quarterly, 1897 (juin) ; Neuere
Sprachen
, 1898 (nov.-déc).

33. La Parole, année 1899, p. 347-351.

41. Pour M. Schmidt, c'est l'a de « allez à la glace ».
C'est ainsi que je l'entend : eke = ăkā « charrue ». Les
Allemands et les Slaves de la Hongrie le remplacent par
e. Dans quelques langues du groupe finnois, il devient a.

51. La Parole, année 1899, n° 7, p. 520-521,537.

61. La Parole, année 1900, p. 427.

71. La Parole, année 1899, n° 7.

81. Modifications phonétiques du langage, p. 31-32.

91. La Parole, année 1899, p. 501,525-526,528.

101. Une expérience unique faite avec 7 capsules exploratrices
reliées à 7 tambours inscripteurs semblables et parfaitement
réglés eût fourni des renseignements plus rapides
et plus exacts ; mais les appareils me manquent et il ne m'a
pas paru nécessaire de viser à plus de précision.

111. Les modifications phonétiques du langage, p. 30-31.

121. Vowel measurements.

131. Anatomie und Physiologie der menschlichen Stimm- und
Sprach-Organs
, p. 783.

142. Mémoires de la Société de linguistique (1897), t. X,
p. 110-121.

151. Onderzœking van het Physiol. Laboratorium der Utrechtsche
Hoogeschool
, série V, t. I, fasc. I, et divers articles,
entre autres un publié dans La Voix, année 1900, p. 18.

162. Signification des mouvements de la mâchoire en parlant,
dans les Archives Teyler, série II, t. VII, 2e partie (1900).

173. Un autre Hollandais de Leyde m'a fourni les variantes
suivantes : baat (a), bet (á), biet (í), bunt (u).

181. Studies and notes in Philology and Littérature, vol. II,
p. 219.

191. La Parole, année 1902, n° 2.

201. Les Modifications phonétiques du langage, p. 32.

211. La Parole, année 1902, p. 257 et suivantes.

221. Phonétique expérimentale et surdité.

231. Etudes phonétiques, année 1905, et Linguistique générale.
Odessa, 1906 : ú devant consonne dure f2-g2 ; devant
palatale g2-gis2 ; o dev. dure gis2-h2, dev. pal. ais2-c3 ; á dev.
dure e3-g3, dev. pal. g3-gis3 ; à dev. dure fis3-gis3, dev. pal.
gis3 ; è dev. dure et à la finale gis3-ais3 ; é dev. pal. h3-cis4 ;
í dev. dure et à la fin. cis4-dis4, dev. pal. d4-dis4.

241. La Parole, ann. 1903, p. 240-243.

251. Voir Phonétique expérimentale et surdité.

261. Les modifications phonétiques du langage, p. 68-69.

272. Ibidem.

281. La Parole, an. 1900, p. 200.

291. La Parole, an. 1900, p. 201-230.

301. Les Modifications phonétiques du langage, p. 64.

311. Comparer Dr Guillemin, Sur la génération de la
Voix
, p. 202 et suiv., 71 et suiv.

321. Bulletin de la Société de Biologie, an. 1900 ; La tribune
médicale
, an. 1900, p. 1036.

331. La Parole, an. 1900, p. 599-612.

342. Ibid., an. 1902, p. 65-79.

351. Voir le livre de M. Guillemin déjà cité, qui est
tout entier un rigoureux réquisitoire contre la théorie de
Helmholtz, et les articles que publie en ce moment M. le
Dr Thooris sur le fonctionnement du larynx dans la série
animale et les tourbillons supra-glottiques. A retenir : que
le mouvement d'élévation du larynx (p. 721), son déplacement
d'arrière en avant chez les animaux est provoqué par
la constriction du pharynx (expériences sur le chat vivant
et sur le bœuf fraîchement abattu) ; que la constriction des
cordes vocales, au-delà de ce qui est nécessaire pour produire
le son, est sans influence sur la hauteur musicale
(expériences sur le bœuf) ; que l'on peut appuyer fortement
sur les cordes vocales du bœuf ou d'un chanteur insensibilisé
sans modifier le son (Revue hebdomadaire de laryngologie
et Archives internationales de laryngologie, an. 1907) ;
que des mouvements rentrants du courant d'air sont indiqués
par le tube à fumée droit ou courbé en divers points
de la bouche pendant l'émission de certaines voyelles
(Archives internationales de laryngologie, an. 1908).

361. Dans Archiv für die ges. Physiologie, depuis 1899.

372. Zur Phonetik der finnischen Sprache, dans les Mémoires
de la Société finno-ongrienne
, 1899.

383. Klankleer van het Noord-Bevelandsch, 1902.

391. Comparez Erschoff, Phonétique expérimentale, Kazan,
1903, planche V.

401. Goemans, Her Dialect von Leuven, dans Leuvensche
Bijdragen
, an. 1897-1899.

411. Elles avaient déjà été remarquées par M. le Dr Azoulay
(Bulletin de la Société d'anthropologie, an. 1902, p. 268 sq.

421. Phonétique malgache, dans Mélanges de phonétique expérimentale,
t. I.

432. Phonétique expérimentale et surdité.

441. Grundzüge der Phonetik, p. 171.

451. La Parole, ann. 1899, p. 125 et suiv. Explosives
arméniennes
, dans Mélanges de phonétique expérimentale.

461. Fortgesetzte Untersuchungen über die Konsonantem (1900),
tirage à part de l'Archiv. für die ges. Physiologie (LXXXII).

471. Zur Phonetik der Finnischen Sprache Untersuchungen
mit Hensen's Sprachzeichner
(Mémoires de la Société finno-ougrienne,
t. XIV, ouvrage déjà cité).

481. Phonétique expérimentale et surdité, p. 188.

492. Phonétique expérimentale et surdité, p. 192.

501. Les modifications phonétiques du langage, p. 64-68.

511. La Parole, an. 1900, p. 220-222.

521. La Parole, an. 1903, p. 217-232.

531. Modifications phonétiques du langage, p. 143-144.

541. Mélanges de Phonétique expérimentale.

551. Mélanges de Phonétique expérimentale.

561. Mélanges de phonétique expérimentale.

571. Articulations parisiennes, dans Mélanges de phonétique
expérimentale
.

581. Je transcris ici une note de mes Articulations parisiennes.
« Le est plus facile après è qu'après á. Dans cinq
je l'obtenais sans peine : il suffisait de demander une prononciation
négligée. Pour Pâques, il fallait le saisir en
quelque sorte au passage. L'ayant obtenu une fois (1),
j'ai essayé de le faire répéter. Vains efforts. Chacun des
essais (et ils ont été nombreux), représentés par les variantes
(2), (3), (4), (5), s'en écartaient de plus en plus. La répétition
du mot ne servit ici qu'à donner à l'articulation plus
de précision et de netteté ».

591. Revoir ce qui a été dit sur l'union des articulations
(p.534 et suivantes). A ce propos, je recommande de comparer
avec mes tracés les planches que M. Marichelle a
insérées dans son livre déjà signalé (p. 391). pour les groupes
aka, aya, ba (pl. 10). On étudiera encore avec profit les
gammes sur a et é (pl. 4 et 5, et. ci-dessus, fig. 196), ainsi
que le tableau des voyelles pures et des nasales (pl. 8 et 9,
cf. fig. 370).

601. Mélanges de phonétique expérimentale.

611. Modifications phonétiques du langage, p. 42-60.

621. Précis de prononciation française, p. 85.

631. Synthèse phonétique dans Mélanges de phonétique expérimentale.

641. Phonétique malgache, dans Mélanges de phonétique expérimentale.

652. Articulations parisiennes, dans Mélanges de phonétique expérimentale.

661. Voir : Modifications phonétiques du langage (p. 305-309) ;
Précis de prononciation française (p. 101-104, 146-147) ;
Cours de gramophonie française, en préparation.

671. Modifications phonétiques du langage, p. 45.

681. La Parole, an. 1899, p. 177-188.

691. Mélanges Ferdinand Brunot (Mémoire de M. Fauste
Laclotte).

701. Hubert Pernot, Phonétique des Parlers de Chio, 1907,
pp. 383-409 (cf. le français populaire « Je ll'ai vu, tu
ll'as dit »).

711. La perception du temps dans la Revue philosophique, mai
1907. — M. Bourdon indique les livres à lire : The American
journal of Psychology
, vol. III, 1901, pp. 503 ss. ; les études de
Meumann et de Schumann, dans les Philosophische Studien
et la Zeit. für Psych. u. Physiol. der Sinnseorgane ; Aliotta,
dans les Ricerche di Psicologia ; Wundt, Grundzüge der physiol.
Psychologie
(5e éd.), 3e vol. ; W. James, Principles of
Psychology
 ; Ebbinghaus, Grundzüge der Psychologie.

721. Modifications phonétiques du langage, p. 83, 93-94.

731. Variations de durée de la syllabe française. La Parole, an.
1889, p. 269.

741. Renseignements psychologiques sur la hauteur, l'intensité
et le timbre, avec indications bibliographiques de
détail dans les ouvrages suivants :
H. v. Helmholtz, Die Lehre von den Tonenpfindungen
5. Aufl., 1896.
Hensen, Physiologie des Gehörs dans Hermanns, Handbucb
der Physiologie
, Bd. 3, 2er Theil, 1880.
K. L. Schaefer, Der Gehörsinn, dans Nagels, Handb.
der Physiol.
, Bd. 3, 1905.
C. Stumpf, Tonpsychologie, Bd. 1, 1883 ; Bd. 2, 1890.
W. Wundt, Grundzüge der physiologischen Psychologie,
Bd. 1 und 2, 5. Aufl., 1902.
H. Erringhaus, Grundzüge der Psychologie, Bd. 1, 2,
Aufl., 1905.
(Note de M. Bourdon.)

751. Cf. Marichelle, La Parole d'après les tracés au phonographe,
pl. 11, et Roudet, La Parole, an. 1899, p. 338, qui
ont conçu la portée musicale un peu autrement.

761. La Parole, an. 1900, p. 212.

771. La Parole, an. 1903, p. 421.

781. La correction se fait au moyen des données suivantes :

La mesure du mouvement vibratoire, au point où se
rencontrent les deux triangles apparents, est égale à la largeur
(DE) de la plume en ce point. Soient en effet a la
hauteur du triangle d'ombre, b la longueur de la plume,
nous avons :
[formule] dans le cas présent ¨[formule].

Le centre du mouvement vibratoire (fig. 683, 3)étant
O (base de la branche du diapason) ; la longueur de la
branche, c ; celle de la plume, b ; celle du triangle d'ombre,
a ; l'amplitude réelle, D′E′ :
[formule]
soit pour le diapason de 233,5, la hauteur du triangle
d'ombre étant 1mm, la branche ayant 145mm de longueur :
[formule]

La correction pour le diapason de 467 est donc de
0mm00685. Pour celui de 934, elle est de 0mm005. L'erreur
est minime.

791. Une simple proportion, par exemple pour ut1 :
[formule]
suffit, étant donnée la faiblesse de l'écart, à rétablir la distance
d'audibilité (x) pour une amplitude de 8,48/2 ou 4,24.
Le résultat 0,44, divisé par 0,26, donne le rapport cherché.

801. Phonétique expérimentale et surdité, p. 214. — Le léger
manque d'accord que l'on remarquera dans ces chiffres peut
venir d'un défaut dans l'expérience ou d'une défectuosité
de mon oreille. Il est négligeable.

811. Les Modifications phonétiques du langage, p. 38-40.
Comparer les résultats obtenus dans des conditions différentes.

821. Les Modifications phonétiques du langage, p. 70-74.
Comparez Bourdon, Application de la méthode graphique à
l'étude de l'intensité de la voix
, dans l'Année psychologique,
1898, p. 369-378.

832. Méthode expérimentale pour l'étude de l'accent, dans La
Parole
, an. 1899, pp. 321-344.

841. Quantité et accent dynamique, dans Mémoires de la
Société néo-philologique à Helsingfors
, IV, p. 365-396.

851. Voir Sievers, Grunzüge der Phonetik ; Jespersen, Fonetik ;
Wundt, Völkerpsychologie (Die Sprache) ; Thomson,
Linguistique générale.

862. Je signale seulement quelques-uns des travaux publiés
(les notes feront connaître les autres) : Ernst A. Meyer,
Beiträge zur deutschen Metrik (1897) ; Roudet, Méthode expérimentale
pour l'étude de l'accent
, déjà cité. — R. Gauthiot,
De l'accent et de la quantité en lituanien (La Parole, an. 1900,
p. 143-157), et A. Meillet, dans La Parole, 1900, p. 193-200.
Arthur Korlén, Quelques expériences pour l'accent
tonique en suédois
(La Parole, 1902, p. 2-20). — Popovici,
Sur l'accent en sarbo-croate (La Parole, 1902, p. 299-307) et
dans Recherches expérimentales sur une prononciation roumaine
(La Parole, 1902, p. 246 et suiv. ; 1903, p. 310-322).
Poirot, Contribution à l'étude de l'e muet (Mémoires de la
Société néo-philologique à Helsingfors
, III, p. 540 et suiv.)
Quantité et accent dynamique (Ibid., IV, p. 365-396, avec
planches et notes bibliographiques).

871. « Le rythme est constitué, dans le temps ou dans
l'espace, par la répétition d'unités sensiblement égales pour
l'oreille ou pour l'œil » (Verrier).

881. La scansion normale des vers anglais (Revue de l'enseignement
des langues vivantes, an. 1903-1904, p. 241-248).

891. Modifications phonétiques du langage, conclusion, p. 348
et suiv.

901. Enseignement de la prononciation par la vue dans
Mélanges de phonétique expérimentale.

911. L'enseignement de la prononciation par la vue.

921. Giuseppe Rota, L'Emancipazione dei sordo-muti, 1879.

932. Publié dans La Parole, an. 1900, p. 65-85.

941. Phonétique expérimentale et surdité.

951. Voir Dr P. Olivier, Etiologie et traitement de certains
troubles vocaux
(La Parole, an. 1899, p. 364-482).

961. Historique des applications pratiques de la Phonétique
expérimentale
, 1899, dans Mélanges de Phonétique expérimentale,
I.

971. Dr P. Olivier, article cité.

981. Dr Natier, La Parole, an. 1901, p. 321 et suiv., et
1902, p. 577 et suiv.

992. Voir Dr P. Olivier, Le Bégaiement dans la littérature
médicale
(La Parole, an. 1899, p. 721-745) ; Dr Abadie,
Bégaiement dysarthrique par lésion limitée de la capsule interne
(La Parole, an. 1902, p. 321 et suiv.).

1001. Cette transformation donne encore par division :
[formule] Formule (8)
et par addition des carrés :
[formule] Formule (7)
De là aussi :
[formule] | [formule]
ou, en remplaçant C par sa valeur dans (7), les formules
(14) et (15).

1011. La Parole, an. 1900, p. 17-22.