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Rousselot, Jean-Pierre. Principes de phonétique expérimentale. Tome II – T02

Arrière-propos

En déposant la plume, treize ans après l'avoir prise,
j'éprouve le besoin de m'excuser d'un aussi long retard pour
une œuvre si courte.

Conçu sur un plan très restreint et écrit en quelques
mois au début de l'année 1896 en vue du prix Volney,
qu'il obtint en manuscrit, ce travail devait tenir en 300
pages et le prix ne devait pas dépasser 6 francs.

Mais, au moment même de l'impression, les chapitres
III et IV s'enrichirent considérablement des lectures
que je fis alors. Je ne me bornais plus à recueillir le
fruit de mes réflexions personnelles et de mes propres
expériences ; je voulais mettre le lecteur au courant des
travaux déjà accomplis et presque entièrement ignorés
des linguistes. Je dois avouer que je ne faisais pas exception.

Il s'ensuivit des frais considérables de surcharges, de
tableaux, de clichés. Et les prévisions de l'éditeur furent
largement dépassées. Le prix dut être porté à 20 francs. Ce ne
fut point, si j'ai bonne mémoire, sans lui causer des embarras
avec quelques souscripteurs qui avaient eu connaissance de
nos intentions premières. Mais la plupart ou les ignora, ou
accepta les nouvelles conditions sans murmure.

Un premier fascicule parut en juin 1897. Et je crus
1219pouvoir annoncer la fin pour le commencement de 1898.
C'est que je comptais n'avoir plus rien à ajouter à mon
manuscrit.

Le second fascicule fut retardé jusqu'en juillet 1901.
Voici comment je m'en excusai auprès de mes lecteurs.

« Lorsque, disais-je, j'interrompis, en juin 1897, la
publication de mes Principes de phonétique expérimentale,
pour prendre un repos nécessaire, le reste de mon
manuscrit n'exigeait pas plus de 12 à 15 feuilles avec des
clichés assez peu nombreux et d'une exécution peu
coûteuse. L'impression pouvait être achevée en quelques
mois.

C'est sur ces bases que l'éditeur a pu évaluer le
prix du volume et le promettre pour le commencement
de 1898.

Mais la création du laboratoire de Phonétique expérimentale
au Collège de France, en augmentant mes
moyens de recherche, vint modifier heureusement tous
mes plans. Mon manuscrit ne tarda pas à me paraître
trop sommaire, incomplet. De nouvelles expériences
étaient faites, un nouvel inscripteur de la parole me
faisait pénétrer plus avant dans des questions que j'avais
à peine effleurées, et en soulevait d'autres que je n'avais
pas entrevues.

Pouvais-je livrer un manuscrit qui ne représentait
plus à mes yeux l'état de la science ? Ni l'éditeur ni
moi ne l'avons pensé. Et c'est ce qui explique en grande
partie le retard qu'a éprouvé ce second fascicule.

Pouvais-je, d'autre part, faire des économies sur les
figures et me contenter de descriptions là où il me
paraissait nécessaire de montrer la réalité, au risque d'augmenter
considérablement la dépense ? Je ne le crus pas
1220davantage. Et M. Welter, dont j'ai toujours admiré l'esprit
large et généreux, calma mes scrupules d'un mot : « Faisons
bien », me dit-il.

J'ai usé, abusé peut-être, de la liberté qui m'était si
gracieusement accordée. La partie de mon manuscrit primitif,
que je donne aujourd'hui, aurait contenu en une
vingtaine de pages ; elle forme un fascicule de 20 feuilles,
égal au premier. Et les rares figures, presque toutes schématiques,
que je comptais faire clicher ont été remplacées
par 336 figures, dont 40 occupent la page entière, 1 même
deux pages, et dont la plupart représentent des tracés
réels agrandis par la photographie ou sous le microscope
et retouchés à la loupe.

En présentant ce fascicule, j'offre donc (je l'avoue)
une minime partie des matières que j'avais annoncées,
et j'ose espérer qu'on ne m'en saura pas mauvais gré.
Mais l'éditeur livre à ses premiers souscripteurs bien
plus qu'il n'avait promis, et je leur demande de ne pas
s'en plaindre.

Après cette seconde partie en viendra une troisième,
dont l'impression se poursuivra sans interruption. Elle
contiendra la fin de l'ouvrage et ne demandera pas plus de
15 à 20 feuilles. »

Je me trompais encore. Des études de détail non
prévues, et surtout l'acquisition d'un matériel d'acoustique
tel qu'aucun Etablissement au monde ne peut offrir l'équivalent,
devaient amener un nouveau retard de 7 ans,
et doubler le nombre des feuilles annoncées.

Mon travail ne se présente donc pas avec la belle ordonnance,
l'équilibre parfait des œuvres nées d'un seul jet,
comme un éclair de la pensée. Mais peut-être y trouvera-t-on
l'harmonieux développement que donne l'unité de dessin
1221aux œuvres qui ont vécu. Puissé-je ne pas me faire illusion !
Ou daigne le lecteur me pardonner ! C'est dans cet espoir
que je me confie à sa bienveillance.

J'ai contracté au cours de ce travail bien des dettes de
reconnaissance. Je voudrais ne faillir à aucune. Je n'ai
garde d'oublier que c'est à la sollicitation de M. Bréal et
de M. Welter que je l'ai entrepris, que plusieurs de mes
élèves m'ont fourni une collaboration utile. Et je conserve
un souvenir ému de mon vrai initiateur, mon regretté
Maître Gaston Paris, et de tous ceux qui, en se soumettant
à mes expériences, m'ont apporté un concours précieux
et désintéressé.1222