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Delattre, Pierre. Studies in French and Comparative Phonetics – T16

Remarques sur l'enseignement de la durée
des voyelles françaises *1

La phonologie du Cercle Linguistique de Prague, telle que l'applique au français
Monsieur Gougenheim, indique nettement que les ɛ accentués de cep, sept, sec,
appartiennent au même phonème que les ɛ de serre, sève, seize, malgré la différence
considérable de durée; d'après notre étude en cours sur la durée des voyelles, pour
un même débit, les premiers ɛ ont environs 15 centièmes de seconde et les derniers
dépassent 40. L'ɛ inaccentué de secteur appartient aussi à ce même phonème bien
que sa durée soit proche de 7 centièmes de seconde.

Par contre l'ɛ de mettre, qui dure 19 centièmes de seconde, n'appartient pas au
même phonème que l'ɛ de maître de 32 centièmes, malgré le fait que la différence de
durée est relativement faible.

Cependant dans les transcriptions phonétiques destinées aux étudiants de français
(nous disons bien transcriptions phonétiques et non transcriptions phonologiques),
on trouve généralement pour l'ɛ la même différence de transcription entre sec [sɛk]
et serre [sɛːr] qu'entre mettre [metr] et maître [mɛːtr], la marque de durée.

Si l'élève s'appuie sur ces transcriptions pour apprendre à prononcer, il risque
d'obtenir de mauvais résultats. Il donnera intentionnellement une durée plus grande
à l'ɛ de serre qu'à l'ɛ de sec, et, s'il prononce bien l'r qui ferme la syllabe, l'effet
allongeant — propre au français — de cette consonne sur l'ɛ s'ajoutera à l'effet allongeant
de l'articulation longue intentionnelle pour fort exagérer la durée de l'ɛ. Or
pour un Français, les efforts articulatoires des ɛ de sec et serre sont absolument les
mêmes. La différence de durée vient de l'influence mécanique et inconsciente de la
consonne qui suit. Ici la différence est forte parce que le phonème k a une influence
très abrégeante sur l'ɛ, tandis que le phonème r a une influence très allongeante.

Ce qu'il faut, avant que l'élève aborde le sujet de la durée vocalique, c'est lui
apprendre à bien prononcer les consonnes. Alors il sera inutile de lui indiquer que
l'un des deux ɛ est plus long que l'autre. L'influence de l'articulation consonantique
subséquente se chargera de l'effet allongeant ou abrégeant, et les ɛ de sec, serre et
mettre se différencieront naturellement. De même pour l'ɛ de secteur: à l'influence
des consonnes kt il s'ajoutera l'effet abrégeant, mécanique et inconscient, de la position
inaccentuée.128

Au contraire, pour un mot comme maître, il ne suffira pas de bien articuler les
consonnes pour que l'ɛ prenne la durée voulue, il faudra encore faire un effort
articulatoire supplémentaire, portant sur l'ɛ même, pour en augmenter intentionnellement
la durée.129

1* Déjà publié dans Le Maître Phonétique, London, 3e Série, No. 64 (October-December, 1938).